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Freud sur Moïse et le monothéisme

Author(s): Olivier Sedeyn and Leo Strauss


Source: Revue de Métaphysique et de Morale, No. 4, Bible et philosophie (OCTOBRE-
DÉCEMBRE 2000), pp. 535-562
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40903758
Accessed: 03-06-2019 16:44 UTC

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Freud sur Moïse et le monothéisme*

Présentation

Cette conférence fut prononcée en 1958. Elle n'a jamais été publiée par
Strauss, et cette version, fondée sur un enregistrement, n'a semble-t-il pas été
revue par lui. Néanmoins, on peut penser qu'elle a quelque intérêt. Nous la
proposons comme un témoignage, à la fois de la pensée de Strauss et de son
intervention dans la cité.

L'enjeu de cette conférence de Leo Strauss sur l'ouvrage de Freud consacré


à Moïse et à la religion monothéiste se situe dans le cadre de ses réflexions sur
« Athènes et Jérusalem » et plus largement sur les fausses prétentions des
Modernes à avoir résolu les problèmes fondamentaux qu'affrontaient comme
tels les Anciens. Il est vrai que face à la statue majestueuse de Freud dans
l'opinion tant commune qu'intelligente aujourd'hui, la tentative d'analyse effec-
tuée par Strauss semble risquée. Mais manifestement, Strauss ne semble pas
impressionné devant la statue de Freud, et c'est plutôt ce dernier qui semble un
vantard qui prétend savoir ce qu'il ne sait pas sans savoir qu'il ne sait pas. Un
ignorant de son ignorance qui n'a peut-être pas les excuses d'Alcibiade '
Cette conférence se situe donc dans le cadre des réflexions de Strauss sur
Athènes et Jérusalem, sur l'opposition de la philosophie au sens classique du
terme et de la révélation biblique. On sait que Strauss n'a pas écrit de livre
thématique sur ce thème, bien qu'on puisse montrer qu'il parcourt toute son
œuvre. Rappelons succinctement quelques points2.
La philosophie et la révélation sont radicalement opposées parce que l'une

* Cette conférence fut présentée par Leo Strauss à la Hillel House de l'université de Chicago.
Elle semble avoir été prononcée au printemps 1958, bien que la date précise ne soit pas connue.
Strauss utilisait apparemment des notes qui avaient été préparées auparavant, mais elles ont été
perdues. Un auditeur anonyme en fit une transcription à partir d'un enregistrement sur bande
magnétique. La version présente se fonde sur cette transcription. Il faut ajouter qu 'il semble que
Strauss η 'ait ni révisé ni approuvé cette version de la conférence. Les notes doivent beaucoup à
K. Hart Green, l'éditeur américain de ce texte ; qu'il trouve ici l'expression de notre reconnaissance.
(O.S.)
1. Voir Platon, Alcibiade majeur, ''6e-' '%b.
2. Les textes les plus importants sont les suivants : « Athènes et Jerusalem, reflexions prélimi-
naires », Études de philosophie politique platonicienne, Paris, Belin, 1992 ; « Progrès ou Retour »,
La Renaissance du rationalisme politique classique, Paris, Gallimard, 1993 ; Droit naturel et his-
toire, en part. § 38 et 39 du chap. π.

Revue de Métaphysique et de Morale, N" 4/2000

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536 Leo Strauss

et l'autre prétend
de la vie, et que
savoir la recherch
à ce que la révéla
sance pleine d'am
réfuter la révél
tout-puissant est
sans présupposer
ont besoin d'orien
la révélation de
l'homme. Mais il
les deux. La conn
nité de la révélat
validité de la ré
hommes, certain
recherche indépen
philosophie (clas
cette incompatib
losophe ». Si bien
de l'interrogation
pas besoin de l'e
« philosophe
il »,
purement et sim
accepter le défi r
grandeur, et en q
pas montrer que
omniscient, dont
absurdes et mépr
totale, qu'il reco
connaissance tota
étrangère au savo
le philosophe ne
sur le sens de l'existence humaine et sur la vie bonne.
Ces prémisses une fois posées, toutes les tentatives pour expliquer le fait
religieux tombent dans la vanité, parce qu'elles reposent sur le présupposé

3. Il ne devrait pas être besoin de rappeler que la phisosophie est l'exercice de la raison en acte,
et que les sciences, dont la séparation institutionnelle de la philosophie date de deux siècles (sur
vingt-cinq), sont en ce sens des parties de la philosophie, ce qui évidemment n'implique aucune
soumission institutionnelle ou humaine quelle qu'elle soit, la philosophie comme la science
(moderne) sont des activités que personne ne saurait prétendre incarner totalement.

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Freud sur Moïse et le monothéisme 537

suivant lequel la religion est explicable comm


Mais d'ailleurs, même s'il en était ainsi, la sc
propres yeux puisqu'elle se pense comme en
d'hypothèses et de théories toujours suscepti
conséquent, à la fois du point de vue des pri
l'impossibilité logique d'une réfutation de
subjectif de la science elle-même et de la scien
cation « scientifique » est insuffisante. Ell
logique avec elle-même, s'élever avec la suffi
prétentions de la religion, qui apparaissent se
possible à la grande énigme de l'humanité. R
tions de la religion ne signifie pas du tout, p
la raison dans tous les domaines. Ni accepter
Or il est clair que Freud, lorsqu'il se penche
théiste, suppose ce qui est fondamentalemen
radicalement humain de la révélation mosaïq
tion de l'origine du monothéisme apparaît co
ment sur des spéculations dépourvues de fon
constamment, en même temps qu'il désavoue
donner une explication logique (Strauss en
conférence), psychologique, de la religion jui
Mais Freud ne se trompe pas seulement en
tant qu'homme, il se trompe dans le domain
ble-t-il l'opinion de Strauss. En expliquant ai
comprendre le problème juif, et ainsi à le ré
soutient que la religion est une illusion, ou u
sérieux la religion de ses pères. Or, selon Str
rester juif. Il est impossible de fuir ses orig
rasser de son passé en souhaitant qu'il disp
que la solution malaisée que fournit la sociét
juridique avec la "discrimination" privée. » 4
le plus manifeste du problème humain en ta
que. »5 Strauss veut dire par là qu'il n'y a pa
du point de vue politique et social, c'est-à-
conflits - en particulier pas de société « r

4. « Pourquoi nous restons Juifs ? », conférence inéd


dans Leo Strauss, Jewish Philosophy and the Crisis of
York Press, 1997.
5. Préface à l'édition américaine (1965) de La critique spinoziste de la religion dans Le Libé-
ralisme antique et moderne, Paris, PUF, 1990, chap. 9, p. 332.

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538 Leo Strauss

la société libérale
individus qui peuv
discriminations pr
et de la liberté d'
Freud se comport
renié le peuple de
envers les Juifs.
permettrait d'évac
du problème hum
aucune certitude.
sociale et politiqu
fique générale de
la culture ».
Strauss en tout cas va très loin en terminant sa conférence par la description
nietzschéenne du « dernier homme » dans le prologue de son Zarathoustra.
Freud, par son ouvrage, désacralise les problèmes les plus importants auxquels
l'homme est confronté, il rapetisse tout, et ainsi, il justifie l'oubli des grandes
questions. Or c'est en se confrontant à ces grandes questions que l'homme se
cultive, au sens traditionnel, peut-être toujours valable, de ce mot. Par suite,
Freud contribue par son œuvre à la dégradation de la culture humaine, et plus
précisément à la crise de la civilisation occidentale. Ce sont au contraire les
sciences humaines, qui ont prétendu désacraliser ou délivrer l'homme de la
morale, et qui, en prétendant avoir résolu la question des valeurs, ont enlevé à
l'homme européen et occidental en général la force de lutter et de croire aux
valeurs de son héritage antique et moderne. Et il ne faudrait pas croire que le
relativisme généralisé qui règne aujourd'hui, que l'esprit de tolérance univer-
selle, constitue une approche plus « ouverte ». Car prétendre qu'on possède une
solution et prétendre qu'il n'y a aucune solution sont deux attitudes qui revien-
nent au même : le mépris ou l'oubli des grandes questions. L'attitude de Strauss
est tout autre : il ne défend pas une solution contre une autre, mais il nous
rappelle l'exigence philosophique de se confronter aux grands problèmes. Il ne
s'agit pas tellement de choisir entre Athènes et Jérusalem, Strauss en un sens
a choisi, puisqu'il est philosophe, mais d'accepter le dialogue fécond et difficile
entre la raison et la révélation. Les Lumières, dont Freud est ici clairement un
descendant, prétendaient avoir démontré l'inanité des prétentions de la révéla-
tion, donc avoir résolu le problème. L'historicisme radical, qui prétend que tout
change et que rien, aucune valeur, aucun problème, ne subsiste identique, égalise
tout et donc justifie l'étanchéité entre toutes les opinions supposées toutes aussi
légitimes les unes que les autres, prétend donc implicitement avoir résolu le
problème. L'attitude de Strauss consiste, comme hier, à accepter le défi repré-

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Freud sur Moïse et le monothéisme 539

sente par l'autre opinion, à s'ouvrir à un véritabl


universelle prôné par l'opinion courante d'aujourd
logue, mais un esprit de clôture et de juxtapositi
sens, cet esprit prétend, tout comme les Lumièr
objectivement n'est pas résolu. Or, prétendre avo
pas effectivement résolu, c'est croire savoir ce qu
ignorer, comme Alcibiade. La philosophie comm
le savoir du non-savoir, la conscience de son ign
loin que possible dans la connaissance. Strauss ne
cette attitude bien connue et pourtant bien mal
L'esprit européen en sombrant dans le nihili
forme du nihilisme) a énervé les capacités de ré
qui guette toujours une société. Avant d'évacuer
les considérations « conservatrices » de Strauss,
pourrait se cultiver en les lisant attentivement. J
rence sur « le Nihilisme allemand » prononcée p
et publiée l'an passé dans Commentaire6.

Olivier Sedeyn

6. N° 86, été 1999.

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Dans la dernière conférence que j'ai eu l'honneur de présenter à la Hillel
House, il y a quelques années, j'ai dû plaider pour qu'on prête l'oreille à une
philosophie qui m'est totalement étrangère, mais par laquelle je n'ai pu m'empê-
cher d'être impressionné Κ Ma tâche est aujourd'hui entièrement autre. Il est de
notre devoir de savants et peut-être de notre devoir d'êtres humains de concilier
à la fois l'ouverture d'esprit et l'intransigeance. Il nous faut être capables de
résister aux tentations ; par exemple, à la tentation d'accepter comme vrai ce
qui n'est qu'imaginaire ou attrayant. Il n'est besoin d'aucune intransigeance
pour rejeter ce qui est absurde, et cependant, il n'est pas toujours possible de
le négliger. Un grand savant du passé a dit : « Je ne méprise pour ainsi dire
rien », ce qui signifie, entre autres choses, que nous pouvons apprendre quelque
chose en examinant ce qui est absurde, ne serait-ce que ceci : que nous sommes
encore une fois confondus par la beauté transcendante du principe de contra-
diction.
Le projet de présenter cette conférence est né l'an passé au cours du repas
de la Pâque lorsque l'un de mes jeunes amis me parla d'une conférence sur le
même sujet faite par un de mes collègues, un éducateur très remarqué. Après
avoir relu la Haggadah de Pâque et m'être replongé dans les grands événements
de l'Egypte il y a tant de milliers d'années, je fus un peu choqué par la
présentation donnée dans le livre de Freud ou par mon collègue. Et ainsi j'ai
dit qu'il me fallait présenter une autre conférence sur le même sujet en exposant
l'autre versant des choses. Bien sûr, je n'avais pas assisté à cette conférence, et
je ne me rappelle pas aujourd'hui ce que ce jeune ami m'en avait dit à l'époque,
mais j'ai dit alors que je présenterais l'autre face de la médaille en faisant la
supposition, qui est peut-être intolérable d'un point de vue de la numismatique,
selon laquelle il peut y avoir des médailles dont les deux faces semblent exac-
tement semblables. Vous voyez, c'était parce que ce que j'avais entendu dire
ce soir-là à la table du dîner au sujet de la compréhension de Moïse par Freud
m'avait rappelé quelque chose sur quoi je travaillais à l'époque, à savoir les
opinions de Machiavel sur Moïse en particulier et sur la Bible en général2.
Cependant, lorsque je commençai à lire le texte de Freud, ce que j'ai fait

1.11 peut s'agir ici d'une conférence intitulée «Conversation avec Martin Buber », qui fut
prononcée par Strauss, et qui eut lieu à la Hillel House de l'université de Chicago le 3 décembre
1951.
2. Voir Leo Strauss, Thoughts on Machiavelli, Glencoe, 111., Free Press, 1958.

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Freud sur Moïse et le monothéisme 541

seulement il y a peu de temps, j'ai immédiat


nement traiter le sujet que j'avais quasi prom
un examen de la thèse de Freud. Si quelqu
qui concerne Machiavel, nous pourrons peut-
cussion.

Dès le départ, je savais que je ne traiterai pas de deux sujets nécessairement


liés au sujet de ce soir. Le premier est la psychanalyse, et le second est Freud,
le Juif. En ce qui concerne le deuxième sujet, je suis très heureux de pouvoir
vous dire qu'un article est paru là-dessus - « Sigmund Freud, le Juif » - par
Ernst Simon, de l'Université hébraïque dans le Yearbook 2 du Leo Baeck Ins-
titute of Jews from Germany (1957) ' Ernst Simon a lu, semble-t-il, tout ce
qu'a écrit Freud, et en outre les nombreux écrits qui traitent de la vie et du
caractère de Freud. Freud, semble-t-il, se considérait comme un bon Juif. On
peut exprimer de la manière suivante ce qu'il entendait par là. On peut diviser
en deux classes les Juifs non religieux d'aujourd'hui. Il y a ceux qui souhaitent
n'être pas nés juifs, qui considèrent leur origine juive comme un malheur ; et
il y a ceux qui ne souhaitent pas ne pas être nés juifs et qui sont peut-être même
heureux d'être nés juifs. Ils pensent que ce qu'il y a de mieux en eux vient de
leur origine juive, ou se trouve en tout cas inextricablement lié à cette origine.
D'une manière étrange, ils croient encore d'une manière ou d'une autre que les
Juifs sont le peuple élu. Dans l'Europe continentale, ils se sont souvent mani-
festés par le fait qu'ils se regardaient comme des Juifs et non comme des
Allemands, des Autrichiens, etc., etc. Freud a certainement été un Juif en ce
sens. Je fais un pas de plus. Je crois que les Juifs du type numéro deux sont à
la fois meilleurs et plus heureux que les Juifs du type numéro un, et je pense
que l'on peut défendre cette préférence par des motifs rationnels et non pas
simplement juifs. Il y a un vieux proverbe : « Adore la Sparte qui t'a donné le
jour. » II ne faut pas fuir sa place, son destin, mais l'accepter, et même l'aimer
et la louer. Assurément, certains, et en particulier des Juifs, peuvent être nés
dans un tel malheur que personne ne peut les blâmer de fuir le lieu de leur
naissance. Mais l'on ne peut raisonnablement pas dire cela des Juifs en tant que
Juifs, d'un groupe d'hommes qui, humainement parlant, existe encore du fait
de la décision et du dévouement héroïque inégalés de nos ancêtres il y a trois
mille ans et qui se sont depuis répétés d'innombrables fois. Chaque génération
de Juifs a dû faire les plus grands sacrifices, le fait d'avoir supporté des indignités
indescriptibles n'étant pas le moindre d'entre eux. Mais nous avons gardé la
tête haute parce que nous savions dans notre propre chair que celui-là seul est
méprisable qui a besoin du respect des autres pour se respecter lui-même. Je

3. Ernst Simon, « Sigmund Freud, le Juif», Leo Baeck Institute Yearbook 2, 1957, p. 270-305.

Revue de Métaphysique et de Morale, N" 4/2000

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542 Leo Strauss

ne suis pas tout


pour laquelle je
préoccupé par ce
propre à Freud :
des générations p
une société véri
droits de l'homm
ment, mais enco
privée. Cette espé
être habituelleme
position, mais il
à F« antisémitisme ».
Je considère approprié de vous lire quelques passages de l'analyse d'Ernst
Simon. Après avoir cité deux passages de Moïse et le monothéisme, il dit :

« Ces paroles sont imprégnées d'un profond pathétique, le pathétique d'un Juif qui
est fier de la force vitale de son vieux peuple. C'est là la première position positive
adoptée par le livre : c'est une continuation directe du nationalisme juif de Freud, qui
avait auparavant revêtu une forme vague et ambivalente, et qui atteint ici une expres-
sion plus claire et moins hésitante. La deuxième note positive résonne lorsque Freud
parle du pathétique des souffrances juives [...] Comme la fierté juive du Freud âgé
est grande ! En se fondant sur ses opinions, nous nous attendrions à ce qu'il ajoute
que l'ensemble du point de vue du peuple d'Israël, en dépit de son attachement obstiné
à sa religion, se fonde sur une erreur fondamentale - le sacré d'une "illusion" sans
aucun "avenir". Freud n'aurait pas nié la vérité de son argumentation au cours de
n'importe quel débat rationnel, mais ici, cela n'influence pas son choix des mots et
son style, et en fait, cela semble avoir été oublié lorsqu'il écrivit ces passages et
d'autres semblables [...] Freud parle ici comme un grand patriote spirituel juif, et
l'effet positif sur lui est si grand qu'il utilise des arguments qui s'annulent mutuelle-
ment. Nous pouvons présumer qu'il s'est rendu compte de ces contradictions, mais
qu'il n'y a pas attaché d'importance décisive et qu'il a pensé qu'elles pourraient être
résolues à un niveau de synthèse plus élevé. Mais il y a une autre contradiction qui
annihile presque la théorie principale de son livre. Au commencement du deuxième
essai, Freud prétend que le monothéisme juif est un emprunt à l'Egypte. Mais, plus
loin, dans le troisième essai, il affirme que le maître de Moïse, le roi Akhenaton, "a
suivi des pressentiments qui par l'intermédiaire de sa mère ou par d'autres voies
étaient parvenus jusqu'à lui de l'Orient proche ou lointain". Ainsi, "il faut (!) que
l'idée du monothéisme soit revenue à la manière d'un boomerang (!) dans le pays de
son origine". (Notez le saut logique de "peut-être l'Orient proche ou lointain" à une
conclusion irrésistible sur la Palestine en tant que patrie du monothéisme !) »4.

4. Ibid., p. 287-289.

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Freud sur Moïse et le monothéisme 543

Simon tente de donner une espèce d'explic


je ne puis m' avancer parce que je ne suis pa
Au lieu de cela, je préfère suggérer une aut
le bon Juif non religieux. C'est un homme q
au peuple juif et que la racine de son pro
croire à ce que ses ancêtres ont cru. Cela
recherche de la vérité sur la tradition juive.
était un bon Juif qui n'avait pas un tel sou
un bon penseur de ce thème auguste.
Après avoir lu le livre, je trouve indispens
parler une conférence, mais un genre de co
commence naturellement par le commencem
Freud fait immédiatement clairement en
intention pleine et entière, que ce qu'il fait
chose de destructeur, quelque chose de s
littérature juive, nous avons de cela un par
le connaissait probablement pas. Dans l'un de
Âge, le Kuzari de Yéhuda Halévi, un roi paï
conversation avec un rabbin, après avoir eu
philosophe, puis avec un Chrétien, et enfin
est le seul de ces quatre hommes à commen
tion5. L'emploi du mot philosophe à cette é
ment qu'il ne s'agissait pas d'un Juif.
La première phrase est la suivante : « Ni
comme le plus grand de ses fils appartienn
à entreprendre avec le cœur léger - en parti
à ce peuple. »6 La négation de Freud est o
négation de soi, une action morale, une a
« Cependant, aucune considération ne me p
d'intérêts nationaux supposés. En outre, on
simples faits du problème approfondira n
laquelle ils se rapportent. » L'action de Freu
mais également une action qui apparaît c
l'intérêt national. La justification en est qu
vérité. La question surgit alors de savoir si
national. Le vrai intérêt national conduit-il nécessairement à la vérité ? En tout

5. Voir le Kuzari de Yéhuda Halévi, premières pages, traduit par Charles Touati, Paris, Verdien
ο. Moïse et le monotneisme, rans, uainmara, collection « laees », trad. υ. Heim, p. öJ. loutes
les références renvoient à cette édition.

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544 Leo Strauss

cas, Freud semble


gestion selon laq
signifie le fait d
fait de la proclam
la vérité et celu
essentiellement s
seule la connaissa
citoyens. Mais si
ne devrait pas co
sance de la vérité
l'unique clé de l
l'analyse de l'âm
tation de Freud.

On soutient généralement que le nom de Moïse est égyptien.

« On aurait pu s'attendre à ce que Tun des nombreux auteurs qui ont reconnu que
Moïse est un nom égyptien en aurait tiré la conclusion, ou du moins envisagé Γ éven-
tualité, que le porteur d'un nom égyptien était lui-même un Égyptien » (p. 65).

Je ne commente pas ce passage, parce que j'ai quelque connaissance, comme


vous tous, des noms égyptiens. Freud suggère de conclure que Moïse était un
Égyptien. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi des hommes n'ont pas
tiré cette conclusion. Freud explique cela de la manière suivante.

« Nous n'avons pas un mot de lui, à part ceux qui se trouvent dans les Livres saints
et les traditions écrites des Juifs. Bien que la décision soit dépourvue d'une certitude
historique ultime, la grande majorité des historiens ont exprimé l'opinion selon
laquelle Moïse a effectivement existé et que la sortie d'Egypte sous sa conduite a bien
eu lieu en fait. On a maintenu avec raison que l'on ne pourrait comprendre l'histoire
ultérieure d'Israël si cela n'était pas admis. Aujourd'hui, la science est devenue bien
plus prudente et elle traite la tradition avec bien plus d'indulgence que ce n'était le
cas aux premiers jours de la recherche historique » (p. 63-64).

Freud évoque ici le début de la critique biblique ; on reconnaît aujourd'hui


comme dépourvue de fondement la défiance sans réserve envers la tradition qui
prévalait alors. Cela explique pourquoi on ne tire pas la conclusion selon laquelle
le nom égyptien de Moïse n'est pas dû à une origine égyptienne. Freud parvient
à la conclusion selon laquelle Moïse était Égyptien, non pas en se fondant sur
son nom, mais sur la psychanalyse. Par conséquent, Freud dit : « La considé-
ration à laquelle on parvient ainsi ne touchera que la minorité de lecteurs qui

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Freud sur Moïse et le monothéisme 545

sont familiers avec le raisonnement analytiq


conclusions. J'espère qu'elle leur semblera sig
Bien entendu, cela pose une grande quest
psychanalyse à la précaution scientifique e
fille de Pharaon qui sauve miraculeusement M
similaires, celles de Cyrus, de Romulus, de H
Il existe une interprétation psychanalytique
considère comme des mythes caractéristique

« Un héros est un homme qui s'élève braveme


remporte la victoire sur lui. Le mythe en question f
jours de la vie du héros, en supposant qu'il est
qu'il a été sauvé malgré les intentions mauvaise

L'intention se manifeste par l'abandon. M


manière frappante. Il n'a pas été exposé par
été, par exemple. Dans les autres histoires, l
abandonné par ses nobles parents, mais sauvé
Cependant, Moïse est d'origine humble, il a é
nant tyrannique et étranger, puis découvert
par la famille royale. Pourquoi ce changem
partiellement enclins à aller dans le sens de
histoires, disent que la version originelle éta
fille de Pharaon ; les Juifs l'ont sauvé et l'ont
rejette cette interprétation pour la raison su
de raison de faire ce mythe, car pour eux M
n'avaient pas non plus de raison de faire de l
quent, il faut discuter cette opinion. « Le
connaissons aujourd'hui est fort loin de ses m
de lignée royale notre légende ne peut faire d
elle n'a rien fait pour élever son statut [po
donc que le but de l'histoire soit d'élever le s
héros, de le glorifier. Qu'est-ce que Freud
prendre une histoire qui se trouve dans un l
la naissance de Moïse ou n'importe quelle a
d'examiner le contexte, le contexte immédia
Cela signifie examiner le livre dans son ense
la glorification ? Un homme ne doit pas se
courage et de choses semblables, mais doit se
Telle est la notion biblique de la glorificat

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546 Leo Strauss

Moïse était très hu


du gouvernement p
Il lui fallut appren
ne souhaite pas gl
de son salut manif
l'extrême improba
était liée au salut
Genèse, l'histoire
ce qu'un fils naiss
fut vu promettre
commander de sac
de ce commandem
survie d'un peuple
visible de subsist
message général d
quel peut bien êtr
biblique particulièr
sion de la qualité p
« humilité », et en
Freud explique la
trait commun à toutes les histoires semblables. Dans toutes les histoires de ce

genre, dans la mesure où elles ont un noyau historique, la famille qui élève
l'enfant censé avoir été abandonné est la famille réelle. La famille que l'on tient
pour avoir abandonné l'enfant est une famille fictive. Un humble berger et sa
femme élèvent un enfant, et il se révèle un homme extrêmement habile et il
devient le gouvernant. Que fera-t-il en tant qu'homme intelligent, c'est-à-dire
doté d'une intelligence politique ? Il dira que le berger et sa femme ne sont pas
ses parents, qu'ils n'ont fait que l'élever. Si nous acceptons cette règle d'inter-
prétation des histoires de ce genre, cela signifierait que Moïse était un Égyptien
que des Juifs ont élevé.

« On pourrait faire remonter ce en quoi la légende de Moïse diffère de toutes les


autres histoires du même genre à un caractère particulier de l'histoire de la vie de
Moïse. Tandis que dans tous les autres cas le héros s'élève au-dessus de ses com-
mencements humbles à mesure que sa vie progresse, la vie héroïque de l'homme
Moïse a commencé par une descente de son eminence au niveau des enfants d'Israël »
(p. 73).

En d'autres termes, tandis que Cyrus était réellement le fils de pauvres bergers
qui est devenu ensuite le fondateur de l'Empire perse, et prétendit avoir été

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Freud sur Moïse et le monothéisme 547

l'enfant abandonné de quelque famille r


contraire : Moïse était issu d'une famille ro
pauvres. Freud fait clairement entendre que
thétique. En fait on pourrait dire, pour êtr
pas la moindre preuve en faveur de sa thèse
du mythe de l'abandon concernant Moïse
seulement « conduisit à » mais rendit n
Égyptien que tout un peuple a eu besoin de
Il ne suffit jamais de montrer qu'une certai
vue de fondement, parce qu'en tant que th
culté. Voici la difficulté. Pourquoi fallait
ayant été instruit de toute la sagesse des Ég
fais maintenant la supposition hypothétique
ne sont pas nécessairement littéralement v
Juifs d'Egypte devait être en mesure de trai
lui-même à leur propre niveau, d'une mani
Pour établir la supériorité de l'art ou de l'h
des Égyptiens, la Bible fait une comparaiso
miracles ou les merveilles accomplis par
insensé de dire que, humainement parlant, p
veut libérer une nation de la nation impéri
bien cette nation impériale. Nous avons q
gens qui ont étudié à Oxford et à Cambridge
changements dans une colonie de l'Empire
Nous avons maintenant « établi » le fait q
si Moïse était un Égyptien, deux grandes dif
un Égyptien, sa religion était la religion égy
des polythéistes et des idolâtres, et Moïse e
la religion monothéiste qui s'oppose le p
l'idolâtrie ; 2. qu'est-ce qui pourrait bien av
mettre à la tête d'« immigrants culturellem
qui concerne la première question, Freud a
l'époque de Moïse (il y a là certaines difficu
pas résolues et que je ne peux résoudre), un
la religion égyptienne - ce que Freud app
Ce dernier était un roi égyptien qui fonda u
il n'existe qu'un seul dieu universel, le dieu
par le soleil et n'est pas lui-même le solei
caractérisait par une grande intolérance en
conclusion : il y avait une religion égyptien

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548 Leo Strauss

aux exigences de
question (qu'est-c
et à se mêler à ces
vante est proposée
son émergence par
tisan du culte hér
consistait à trouve
Cette argumentat
laquelle Moïse étai
il dit, de cette thè

« [...] On disait de M
eu une difficulté à
Aaron (que l'on ap
Pharaon. À nouveau
à la tentative de re
peut avoir encore un
légèrement déform
pas capable de com
L.S.] sans l'aide d'u
début de leurs rela
reprise dans un bon
selon laquelle Moïs

Il me faut vous l
religion biblique d

« La différence la
religion juive aband
adhérait encore » (

C'est là un sous-en
accompli pour pr
religieuse. Mais q
Moïse ?
Des considérations du genre de celles ici esquissées, qui impressionneraient
certaines personnes, n'impressionnent en rien Freud, qui sait bien mieux à quoi
s'en tenir. Une difficulté d'un genre tout à fait différent le trouble. Certains
savants modernes nient, explicitement ou implicitement, que la fondation d'une
nouvelle religion par Moïse ait eu quoi que ce fût à faire avec l'Egypte. Il s'agit
là d'exégètes qui ont d'autres soucis : ils disent que l'événement décisif a eu

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Freud sur Moïse et le monothéisme 549

lieu quelque part dans le désert du Sinaï, ce


dans la Bible ; ils disent en outre que le nouve
Aton, mais un « démon sinistre et sanguina
lumière du jour » (p. 102). Ce dieu est le Die
gens appellent Yahvé. Le Moïse du désert que
associé à ce dieu, ce dieu volcan, n'a rien de co
Moïse » dont Freud déduit l'existence. Nous avons donc deux Moïse - le
Moïse égyptien déduit par Freud, et cet autre Moïse du désert déduit par que
ques autres spécialistes de l'Ancien Testament. Ici, Freud trouve un autre exé
gète qui lui apporte une aide substantielle.

« En 1922, Ernst Sellin fît une découverte d'une importance décisive. Il trouva dan
le livre du prophète Osée (deuxième moitié du vnr siècle) des traces incontestable
d'une tradition disant que le fondateur de leur religion, Moïse, a connu une fin violen
lors d'une rébellion de son peuple obstiné et réfractaire. La religion qu'il avait institu
fut alors abandonnée [...] Reprenons à Sellin la conjecture selon laquelle le Moï
égyptien a été tué par les Juifs, et la religion qu'il avait instituée abandonnée
(p. 105-106).

Le Moïse égyptien fut assassiné, et sa religion fut abandonnée, mais il avait


avec lui une escorte égyptienne, les premiers Lévites. Un bon nombre d'entre
eux survécurent au massacre et au renversement du culte d'Aton. Les Lévites
devinrent l'élite du peuple juif. Le peuple juif apparut à la suite de la réunion
de la tribu juive qui était venue d'Egypte sous l'égide de Moïse et des autres
tribus qui n'avaient jamais été en Egypte. Ces dernières avaient adopté dans le
désert le culte du dieu volcan et leur chef était un prêtre de Madian, disons,
Jethro. L'événement décisif a été un compromis. Les Lévites adoptèrent le dieu
volcan mais insistèrent en compensation sur la circoncision, celle-ci étant une
institution égyptienne. Tout, la circoncision mise à part, fut abandonné. On peut
dire en peu de mots ce qui est arrivé ensuite. L'histoire de l'exode de l'Egypte
fut réécrite d'un point de vue volcaniste, tout comme le dieu soleil fut recouvert
par le dieu volcan. Et Moïse est recouvert par le prêtre de Madian, le premier
adorateur du dieu volcan. Cependant, nous ne savons rien de cet autre Moïse.
Il est entièrement caché par le premier, le Moïse égyptien. La seule ouverture
pourrait venir des indications constituées par les contradictions que l'on trouve
dans la description de Moïse dans la Bible. « II est souvent décrit comme
impérieux et de sang chaud, et même violent, et cependant il est également dit
de lui qu'il était le plus patient et le plus doux de tous les hommes » (p. 112).
C'est là une contradiction. Je pose la question suivante. Nous savons que le
Moïse égyptien était autoritaire et de sang chaud, mais pourquoi le sauvage

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550 Leo Strauss

prêtre du sauvage
On n'a pas besoin
qu'il y a des gens
Le grand événem
tion du monoth
entendu.

« Parmi tous les év


historiens d'une é
suppression était
[...] Moïse, formé
il donna des ordre
Égyptiens soumis
sacrée de leur Ph
destinée et se déba

Plus tard, le peu


était dû à l'influ
humaine de Moï
sauvage que le M

« Jahvé soutient q
cela est vrai - et i
nom » (p. 116-117

« II ne dit pas en
penchez sur le pa
puissant - L.S.] [...
dans la nouvelle re
lieux du pays. Peut
locales que les imm
invoquant, on don
élevé dans le pays,
là un stratagème i
avaient un jour po

Je remarque ici u
ment sceptique,
arrivé, et, comm
à-dire la critique
pourquoi alors ne
fut un homme tr

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Freud sur Moïse et le monothéisme 551

Pourquoi pas - si Ton n'est pas plein de h


propre origine ?
La remarque la plus intéressante de cette pa

« Personne ne peut douter que ce fut seulement


au peuple d'Israël de surmonter toutes ses diffi
temps [...] C'est un assez grand honneur pour le
une telle tradition et engendré des hommes qu
stimulus en était d'abord venu de l'extérieur, d'

En bref, la preuve que le fondateur de la reli


devrait pas altérer la fierté du peuple juif.
Étant donné la minceur des preuves, on
raisonné de l'argumentation ne saurait consist
dans la conclusion. Freud publia la conclusi
que la catastrophe de 1933 ne le ramènerait p
judaïsme ? Souhaitait-il donner aux chrétiens
trant comment se comporte un Juif face à l
leur religion ? Une chose au moins est certain
de Freud, la situation des Juifs par rapport à
des Gentils (et par suite en particulier des Al
moment où l'assimilation des Juifs aux Allem
commet un acte suprême d'assimilation : il as
rapport à Moïse à la situation des Allemands
La troisième partie du livre de Freud est
consacrée à des discussions psychologiques
présupposent la vérité de ses propres découve
un Égyptien et 2. il y eut deux Moïse. Nous p
que l'examen psychologique est une tentative
une création de l'imagination de Freud. Cet
statut scientifique non pas d'une explication
mais d'une explication de la sorcellerie. Quel e
pourrait avancer que la question de l'origine d
est en dernière analyse sans importance puisq
solide sur la vie et les enseignements des g
avons là une manifestation exceptionnelle de h
ce qu'ont pu être ses origines humbles et obs
et ce qu'il nous faut faire, c'est d'essayer de c
ce message qui nous est accessible. Si cela est
découvrir si cet enseignement ou ce message

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552 Leo Strauss

d'envisager les ch
cation causale : P
quoi les Juifs en
parler, la question
car nous avons ap
tien Moïse n'a fai
est : pourquoi a-t
rement et radicalement monothéistes ?

« Je crois donc que l'idée d'un Dieu unique, ainsi que l'insistance sur les exigences
éthiques au nom de ce Dieu et que le rejet de tout cérémonial magique, appartenaient
en fait à la doctrine mosaïque, qui n'a trouvé en premier lieu aucun écho, mais qui
s'est développée après un long temps et qui a finalement prévalu. Comment expliquer
un tel délai et où trouvons-nous des phénomènes similaires ? » (p. 150.)

Sur la base des suppositions de Freud, je voudrais faire la suggestion suivante.


Les Juifs en Egypte ont accepté de suivre Moïse non pas parce qu'ils étaient
convaincus de la vérité de sa religion extrêmement spiritualiste (comme on nous
l'a dit, ils étaient de simples immigrants sous-développés), mais parce qu'il leur
avait promis la liberté. Des gens simples peuvent aisément comprendre cela. Ils
n'étaient pas du tout préparés au message élevé de Moïse, et en particulier après
leur union dans le désert avec leurs frères complètement sauvages, qui adoraient
le dieu volcan. Il n'y avait aucune possibilité qu'ils comprissent quoi que ce fût
du message de Moïse ; mais d'un autre côté, ils avaient un motif sensé, pratique,
de suivre un Égyptien de haut rang qui leur proposait de les conduire à leur
libération. Qui n'agirait ainsi, s'il vivait dans la sujétion et l'esclavage, et qu'un
membre de la classe dirigeante s'approchait de lui pour lui dire : « Je te déli-
vrerai » ? Ils auraient été fous de ne pas suivre Moïse dans ces conditions. Après
la conquête de Canaan, ils tombèrent naturellement victimes des cultes endé-
miques à la fertilité, et choses semblables. Les Lévites conservèrent une petite
idée de la religion mosaïque, bien entendu sous une forme ou une version très
corrompue. Et même cette version grossière n'aurait pu survivre si l'on n'avait
pas réussi à effacer l'origine égyptienne de Moïse et de sa religion, ainsi que
le caractère originel de cette religion. Sinon, ils auraient naturellement toujours
répété : « Nous n'avons que faire de cet étranger. » Pourtant, d'une certaine
manière, la tradition de ce qui était véritablement arrivé au commencement
persista. C'est seulement lors de la crise suprême que les Juifs sont devenus
réceptifs au message mosaïque que les prophètes ont rétabli. Ils ne pouvaient
plus se fier à un soutien politique quelconque - des armes ou des alliances. À
cette suggestion, Freud répond en disant que cette explication ne prend pas

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Freud sur Moïse et le monothéisme 553

convenablement en compte le fait que le s


originel est devenu plus fort, et non pas p
répondrai que la raison pour laquelle la rés
d'élévation s'est affaiblie venait du fait que l
plus des expériences qu'ils avaient subies. C
était la seule doctrine que les événements n'a
dont la croyance en un dieu purement nation
destruction du peuple qu'il est supposé protég
monothéisme parmi les premiers Juifs peu* l
supposition que Freud fait constamment, car
spiritualité de cette croyance.
Mais apparemment, je n'ai vraiment rien co
tenter de « verbaliser » sa réponse à mon argu
Spiritualité ? Allons donc ! « II faut bien ent
religieux comme un aspect de la psycholog
que je n'ai pas exagéré en employant une exp
que peut bien signifier une haute spiritualité
chologie de masse ? Soumettons-nous à cette
Freud, bien que ce qu'il nous avait dit de l'hé
ne suggérât pas selon lui un phénomène d
donc la spiritualité et tournons-nous vers la
autrement nous ne progresserons jamais grâc
La compréhension de la religion dans le c
nous force à comprendre le sujet en questi
notre connaissance des névroses. Le fait q
disparu pendant si longtemps doit être en
« latence » de ce monothéisme. La latence est
ses. Les névroses sont des effets tardifs de
origine dans un trauma ; par exemple, dans c
la première enfance touchant le sexe. Il y a c
traumatisme - défense - latence - surgiss
partiel du matériel psychique refoulé. Deux c
tion de cette observation à la religion. En prem
fondamentale entre l'expérience de l'individu
par Freud, et l'expérience du genre humain (
En deuxième lieu, les religions sont des névr
par le caractère compulsif des convictions re
croyance « contre laquelle toutes les objection
(p. 175-176), et une telle croyance est une ob
Quelle est donc l'expérience traumatisant

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554 Leo Strauss

naissance à la névr
fer par un père q
première étape. L
deuxième étape. Le
mange est causé pa
au père, être le pèr
abandonnent le dés
des frères. Une esp
loi et la morale. Un
communauté des f
genre (l'interdictio
persista : on adore
telle est la religio
premier substitut
sous ces formes, il
substitut du père.
qui est omnipotent
avec lui de la culpa
comprenons pourq
profond que les Ju
n'était pas au prem
pas non plus lié au
Nous comprenons
Juifs, bien qu'il n
monothéisme resta
gique n'existait pa
assimilé au père. M
père : ils ne s'étaien
accompli de nouvea
ment fort, une fix
excellence de Dieu,
de Freud mérite d'
remplies : a. si la r
l'homme a bien été
transformée en un
des symboles relig
existe quelque cho
e. s'il n'y a pas de r
transition du polyt
Freud examine cer

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Freud sur Moïse et le monothéisme 555

connaît qu'un seul exemple de ce développem


scientifiques ne peuvent convenablement se f
ce contexte, il fait l'observation suivante :

« C'est une bonne règle dans le travail analytiqu


qui existe et de ne pas essayer d'expliquer ce qu

Deuxièmement, dans le cas des névroses indiv


passé dans l'inconscient. Quel en est l'équiv
peuples ? Les traditions, les « traditions a
« traditions actives », quelles qu'elles soient,
les frères ? Lisons quelques autres passages.

« Une nouvelle complication surgit, cependant,


existe probablement dans la vie mentale de l'ind
l'expérience lui-même, mais également ce qu'il
fragments d'une origine phylogénétique, un hérit
la première et la plus certaine est que cet héritage
tous les êtres vivants possèdent (p. 193). [...] La r
en lumière certaines autres choses, qui dépassent
examiné jusqu'ici. En étudiant les réactions aux
vrons souvent à notre surprise qu'ils ne se confor
vidu lui-même a expérimenté, mais s'en écartent d
des réactions à des événements génétiques, et
général que par une telle influence. Le comporte
parents lorsqu'il est sous l'emprise du complexe d'
en réactions de ce genre, qui semblent déraisonn
comprendre que de manière phylogénétique, par
tions antérieures (p. 195). [...] À la réflexion, il m
comme s'il n'y avait aucun doute quant à l'hérit
que nos ancêtres ont expérimenté, d'une manière t
nication directe ou de l'influence de l'éducation
tradition ancienne encore vivace chez un peuple, d
nal, c'est à une telle tradition héritée que je pense,
par la parole. Ou, du moins, je n'ai pas distingué e
fait conscience de l'audace qui était la mienne en n
que cet état de choses est rendu plus difficile
biologique, qui rejette l'idée de la transmission des
modestie, qu'en dépit de cela, je ne peux représen
gique sans prendre en compte ce facteur » (p. 19

Voilà une grande difficulté qui n'est aucunem


quée. Pour le dire en toute douceur et polites

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556 Leo Strauss

de la possibilité d'u
revivre.
Je passe à une ques

« Si nous sommes to
- tirer fo du matériel
être adapté, puis rass
psychologique - ne d
on a tout à fait raison
il me faut évoquer le
sévères imposées hab
pourrait être possible
et qui, en conséquenc
tion » (p. 201).

En d'autres termes, on peut résoudre facilement un bon nombre de problèmes


si l'on ne fait pas trop le difficile en ce qui concerne la preuve et la vérité.
Freud reconnaît ici que ce qu'il propose est tout au plus une hypothèse plausible.
En fait, c'est une pure et simple conjecture hasardeuse. Pour autant qu'il s'agisse
de la religion, le travail de Freud se fonde, comme Freud l'a toujours reconnu,
sur le travail de Robertson Smith.

« J'adhère encore à cette ligne de pensée [la théorie smithienne - L.S.]. On m'a
souvent reproché avec véhémence de ne pas changer mes opinions dans les éditions
ultérieures de mon livre [Totem et tabou], dans la mesure où les ethnologues plus
récents ont tous sans exception abandonné les théories de Robertson Smith et les ont
en partie remplacées par d'autres qui s'en écartent grandement. Je répondrai que ces
prétendus progrès de la science me sont bien connus. Cependant, je n'ai été convaincu
ni de leur exactitude ni des erreurs de Robertson Smith. La contradiction n'est pas
toujours réfutation ; une nouvelle théorie ne signifie pas toujours un progrès. Avant
tout, cependant, je ne suis pas un ethnologue, mais un psychanalyste » (p. 236).

Mais il utilise constamment des théories ethnologiques, en dépit du fait que


l'ethnologie est un domaine totalement extérieur à sa compétence, comme il
l'admet franchement, et il choisit de rejeter des théories ethnologiques sans
même tenter de les examiner. Le problème que Freud tente de résoudre est
l'étrange pouvoir de survie du peuple juif en dépit ou à cause de la haine intense
dont ce peuple fait l'objet. Freud explique ce phénomène en premier lieu par
la croyance des Juifs en leur élection, ce qui est très fondé ; mais il interprète
immédiatement la croyance à l'élection comme un orgueil ou une confiance en
soi extraordinaires. Il explique cette confiance en soi extrême par la spiritualité
extraordinaire des Juifs, et il se demande pourquoi une telle spiritualité suscite

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Freud sur Moïse et le monothéisme 557

la confiance en soi du peuple. C'est là une


qu'il croit que la spiritualité n'appartient pas
l'homme. Elle n'est pour lui qu'un dérivé des
Je ne peux entrer dans cette question géné
la question de la spiritualité religieuse. La sp
interdictions sacrées qui ont une note très for
dre son vocabulaire), mais pas de motivation
sur ce point est l'interdiction de l'inceste av
prend pas en compte le fait que sans une loi
famille en société politique n'est pas possib
mandement d'exogamie à partir de la fin qu'
problème psychologique de la religion ne sur
n'existe pas. La négation de l'existence de Die
de l'analyse de Freud, une condition qu'il par
tout au long des âges. Mais ses prédécesseurs
de la religion, par exemple, de manière politi
liée à l'ignorance était la cause de la relig
problème psychologique comme un problème
frappe en premier lieu dans la religion, c'est
est une chose qui nous est familière d'abo
respect que nous devons à nos parents, à n
que nos origines sont plus grandes que nou
nous avons le sentiment de nos imperfection
fections serait-il pathologique ?

« Comme les doctrines des croyances sont géné


rées aux tentatives difficiles, médiocres et dis
mieux que nous puissions faire ! » (p. 224).

Il semblerait que tous les hommes sérieux so


se rendent compte, de manière non patho
implique toujours quelque respect envers des g
plus grands que nous. Tout homme sérieu
compréhension et du fait que ces défauts son
insuffisant, à une culpabilité. La plupart des
qui leur sont supérieurs, des hommes qu'i
Assurément, ils ne croient pas nécessairem
hommes. Ils sont critiques. Mais il y a éga
hommes intelligents et dotés par ailleurs d'e
sibilité de critique, et tel semble être le cas

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558 Leo Strauss

législateur ou fon
des hommes les p
connaissance du p
immuable. Ce car
perfection du lég
chose que Ton ne
d'un respect non
que dans d'autres
ne peuvent avoi
Qu'est-ce qui sous
anciennes ? Le ch
et cela porte atte
sainteté des lois q
notion selon laqu
par une discorde
sens du terme. L'ordre a donné un sens ; en dehors de l'ordre, se trouvent
l'absence de sens et le chaos. Par conséquent, il faut s'attacher à la loi. Freud
appelle cet attachement une obsession. Il sous-entend qu'il n'y a pas de fonde-
ment rationnel à un tel attachement. Mais une conduite qui n'est pas rationnelle
pour certains hommes peut être très rationnelle pour d'autres. Pour un citoyen
d'une république moderne, il serait irrationnel de s'attacher à une loi faite par
le Congrès l'année dernière comme à quelque chose d'immuable, bien que
l'attachement à la Constitution aurait déjà un statut un peu différent.
Freud prend son critère de la rationalité chez l'homme moderne. Il estime
tacitement la conduite des premiers hommes à l'aune d'un critère de rationalité
applicable à l'homme moderne. Nous ne disons pas d'un homme qu'il est obsédé
si, ayant fait naufrage, il s'attache de toutes ses forces à une planche, ou s'il
court frénétiquement pour échapper à un tigre. Or supposons que ce qu'il fuit
n'était pas un tigre mais quelque chose qu'il a pris pour un tigre. Des erreurs
de ce genre ne sont pas nécessairement pathologiques. Même si cette erreur
venait d'une crainte habituelle des tigres, on pourrait facilement dire que dans
les rapports avec les tigres, même une prudence exagérée est fort indiquée. Or,
supposons que l'homme des premiers temps était plus ignorant que l'homme
moderne, et qu'il avait moins de facilité pour distinguer entre les choses véri-
tablement dangereuses et celles qui paraissaient seulement dangereuses. Il serait
raisonnablement effrayé de bien des choses dont nous ne sommes pas raison-
nablement effrayés. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser au Tout. Le soleil
se lèvera-t-il toujours ? L'inondation inouïe de l'an passé ne sera-t-elle pas
suivie d'une inondation infiniment pire l'an prochain ? Il supposait que ce dont
il dépendait était plus puissant et plus grand que lui, et que tout ce qui était

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Freud sur Moïse et le monothéisme 559

plus grand que lui devait être plus grand que


il était enclin à croire qu'il dépendait de puiss
et voulaient, qui par conséquent pouvaient con
Ces prémisses étant données, n'avait-il pas rais
supérieur apparaissait et disait : « Si tu agi
seulement si tu agis de telle et telle manière,
s'attachera-t-il avec raison à cette manière san
Pas plus qu'on ne peut dire d'un homme qu'il
ment pour échapper à un tigre. Des hommes
mêmes ont pu avoir le sentiment que tout
parle-t-il de cet état où nous sommes lorsque n
ce qui saute aux yeux, lorsque nous prenons c
tique de ce qui saute aux yeux ? Freud soutient
par les premiers législateurs ont été réfutées
le cas ? Prenons l'exemple le plus simple. L'
d'être tué par le tigre. Il craint la mort. Or, une
peut avoir été que si l'on se conduit de la mani
si on se conduit ainsi, alors l'on jouira d'une v
la mort. Existe-t-il une réfutation empirique d
dant ne parle pas d'objections empiriques,
convictions religieuses sont des névroses de m
arguments logiques restent impuissants contr
Freud présuppose, je pense avec raison, la vali
Mais quel est le lieu de ce principe ? Je ne tr

«[...] un critère est engendré dans Γ Ego, qui s'op


vation, la critique et l'interdiction. Nous appel
(p. 216).

Or le critère de l'esprit critique se caractérise selon toute probabilité par la


contradiction parce que « le surmoi est le successeur et le représentant des
parents [...] qui ont supervisé les actions de l'individu dans les premières années
de sa vie ; il perpétue leurs fonctions presque sans changement » (p. 217). Dans
la mesure où nous ne pouvons supposer que tous les parents sont à l'abri de
toute contradiction, le surmoi semble receler des contradictions en lui. Mais
surtout, quelles sont ces objections logiques ? Quelles sont ces contradictions
massives inhérentes aux affirmations religieuses ? Je simplifierai la discussion
en ne parlant que d'une religion libérale. Il serait absurde de nier qu'il existe
des hommes qui sont religieux sans être orthodoxes. Une religion libérale fait
une distinction entre le noyau de la tradition religieuse et sa périphérie. Freud

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560 Leo Strauss

refuse tacitement
justifier ce refu
puissent être des
qu'il existe une gr
que certaines expr
taines formes de
pas du tout que ce
dictoire. La raison
en question. Il n
Présence ou l'Appe
un mur très facile
Tentons de voir
l'œuvre de Freud
gieuse. Le problèm
nous sommes cer
psychologique de
ment un agnostiq
le fondement de
qu'aucun Dieu n'e
Dieu dans le Tout
mystères ne sont
mes ont en princ
serait un chemin
exprimer ces mys
mystères.

« Nous savons que le génie est incompréhensible et inexplicable, et par conséquent,


on ne devrait pas l'invoquer comme explication tant que toute autre solution n'a pas
échoué » (p. 148).

Le problème de savoir comment les Juifs ont pu survivre jusqu'à nos jours n'est
pas un problème qui se soit révélé aisé à résoudre. « Cependant, on ne peut pas
raisonnablement exiger ou espérer de réponses exhaustives à de telles énigmes »
(p. 243-244). En d'autres termes, le mystère persiste fondamentalement. Mais
Freud n'en tire aucune conclusion. Il semble vivre dans la perspective d'un
progrès infini de la science, sans se rendre compte que le progrès infini de la
science implique la perpétuité des problèmes irrésolus, car s'il en était autrement
le progrès n'aurait pas besoin d'être infini. Mais les problèmes qui persistent
toujours irrésolus sont difficiles à distinguer des mystères. L'explication scien-
tifique de la genèse de la religion, et par conséquent de la religion elle-même,

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Freud sur Moïse et le monothéisme 561

ne peut pas être plus vraie que la science en


de la science sont hypothétiques, toute exp
même une explication dépourvue des gra
Dr Freud, est vouée à rester hypothétique. F
du principe de causalité. Mais quel est le sta
son statut sur la base de la doctrine freudi
scientifique de la religion est nécessairemen
sée, à savoir, une interprétation religieuse
cas être absurde. Il nous faut faire un pas d
la science ne sont pas telles qu'elles puiss
science en tant que telle est radicalement h
incapable de prouver que la science est bonn
impossibles selon la science. La science repo
choix non rationnel. Nous n'en tirerons
conséquent l'homme qui se consacre entière
qui se consacrent entièrement à leurs théor
poussés par une compulsion névrotique. Au
prémisses sont correctes, l'homme n'a d'aut
non rationnelle entre la science et la non-s
et la religion, s'il ne veut pas être quelq
irréfléchie à l'opinion courante ou un homm
fait d'être contraint à choisir serait le phén
nous ne pouvons pénétrer et que la science
parce que toute explication scientifique pré
qui est lui-même dépourvu de fondement.
Le livre de Freud manque complètemen
J'entends par là également une réflexion su
compréhension de l'homme à la lumière de
quable possibilité humaine qui n'est pas seco
à l'homme en tant qu'homme. Je conclus pa
fortuite faite par Freud. Parlant des origine

« Nous trouvons également ici la source réelle


de théâtre - une culpabilité difficile à démont
lement douter que le héros et le chœur dans la
héros rebelle et la horde des frères... » (p. 179

Le sous-entendu est le suivant : il ne saur


exemple, un conflit comme le conflit entre
ses propres convictions ne saurait être un c

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562 Leo Strauss

peuvent devenir
opinion a été ex
un homme dont
lis ce que Nietzsc

« "Qu'est-ce que Γ
Qu'est-ce qu'une é
La terre est devenu
chose. Sa race est a
longtemps.
"Nous avons inventé le bonheur", disent les derniers hommes, et ils clignent de l'œil.
Ils ont quitté les régions où il était difficile de vivre, car on a besoin de chaleur. On
aime encore son voisin et on se frotte à lui, car on a besoin de chaleur.
Le fait d'être malade et de nourrir du soupçon sont des péchés pour eux : on s'avance
avec précaution. Celui qui trébuche encore sur des pierres ou sur des êtres humains
est un insensé ! Un peu de poison de temps à autre : cela donne des rêves agréables.
Et beaucoup de poison à la fin, pour une mort agréable.
On travaille encore car le travail est une forme de distraction. Mais on aura soin que
cette distraction ne devienne fastidieuse. On ne devient plus pauvre ni riche : l'un et
l'autre demandent trop d'efforts. Qui veut encore gouverner ? Qui obéit ? L'un et
l'autre demandent trop d'efforts.
Pas de berger et un unique troupeau ! Tout le monde veut la même chose, chacun est
semblable à chacun : quiconque se sent différent va volontairement dans un asile de
fous.
"Auparavant, tout le monde était fou", disent les plus raffinés, et ils clignent de l'œil.
On est intelligent et l'on sait tout ce qui est arrivé avant : ainsi la dérision n'aura-t-elle
pas de fin. On se querelle encore, mais on se réconcilie vite - cela pourrait gâter
notre digestion.
On a ses petits plaisirs du jour et ses petits plaisirs de la nuit : mais on révère la santé.
"Nous avons inventé le bonheur", disent les derniers hommes, et ils clignent de
l'œil»7.

Leo Strauss

7. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, prologue.

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