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Nouvelles recommandations
pour les dyslipidémies en 2018 :
une revue critique des preuves
Dr CAROLE E. AUBERT a et Pr NICOLAS RODONDI a,b
La prise en charge des dyslipidémies doit être individualisée unanimes, et diffèrent également en fonction des pays, en
selon le risque cardiovasculaire, que le score de PROCAM et les particulier entre les Etats-Unis et l’Europe. Le but de cette
comorbidités permettent de grader en faible, modéré ou élevé. mise à jour de notre article de 20161 est de clarifier les recom-
Le Groupe de travail Lipides et Athérosclérose (GSLA) vient de mandations concernant le traitement des dyslipidémies en
publier de nouvelles recommandations que nous décrivons en 2018, en nous reposant sur la dernière prise de position du
tenant compte des preuves de la littérature et des récentes Groupe de travail Suisse Lipides et Athérosclérose (GSLA),
études, afin d’éviter une surmédicalisation. Les modifications du qui vient de publier de nouvelles recommandations,2 tout en
style de vie constituent la base de la prise en charge notamment portant un regard critique sur certains points pour lesquels
pour la majorité des patients en prévention primaire. Une étiologie l’évidence de la littérature est faible, en tenant compte des
secondaire doit être exclue, son traitement permettant souvent récentes études et afin d’éviter une surmédicalisation de la
de normaliser le bilan lipidique. Les dyslipidémies familiales, population.3
associées à un risque cardiovasculaire élevé, nécessitent d’être
identifiées et d’être prises en charge spécifiquement.
CAUSES DES DYSLIPIDÉMIES
2018 new recommendations for dyslipidemia : Avant de traiter, il faut distinguer les trois classes étiologiques
a critical review of evidence qui ont une prise en charge différentes :
Dyslipidemia is an important cardiovascular risk factor. Its manage- 1. Les dyslipidémies secondaires à une autre pathologie, qui
ment should be individualized according to cardiovascular risk, incluent : les hépatopathies cholestatiques, le syndrome
which can be estimated using PROCAM score, taking into account néphrotique, l’anorexie nerveuse, l’hypothyroïdie et la
patients’ comorbidities. Cardiovascular risk is classified as low, grossesse, provoquant principalement une élévation du
moderated or high. The Swiss Atherosclerosis Association (AGLA) LDL-cholestérol (LDL) ; le diabète de type 2, l’insuffisance
recently published new recommendations that we are describing rénale et l’obésité, causant une hypertriglycéridémie et une
taking into account evidence of recent studies, in order to avoid diminution du HDL-cholestérol (HDL) ; le tabagisme, à
overmedicalisation. Lifestyle interventions should always be imple- l’origine d’une diminution du HDL ; l’alcool et de nom-
mented and are the main therapy for most patients in primary pre- breux médicaments (thiazides, bêtabloquants, corticosté-
vention. A secondary etiology should be excluded, as its treatment roïdes, œstrogènes, inhibiteurs de protéases, rétinoïdes,
can often normalize the lipid disturbance. Familial dyslipidemia ciclosporine), conduisant à une hypertriglycéridémie. Ces
should be looked for, as it is associated with a particularly high maladies doivent en particulier être recherchées avant un
cardiovascular risk, and because of its specific management. traitement ou lorsque le trouble lipidique se péjore malgré
un traitement adéquat.
2. Les formes familiales génétiques, à évoquer lors d’anamnèse
INTRODUCTION personnelle ou familiale positive pour une maladie cardio-
vasculaire précoce, d’un cholestérol total > 7 mmol/l, d’un
La prise en charge des dyslipidémies reste un sujet central de LDL > 5 mmol/l, de triglycérides > 5 mmol/l, ou de signes
l’activité médicale en raison de la prévalence élevée de cet cliniques suggestifs, comme un gérontoxon avant l’âge de
important facteur de risque cardiovasculaire. Les débats
45 ans ou des xanthomes tendineux ou cutanés.
médiatiques récidivants sur les statines et l’introduction des 3. Les dyslipidémies d’origine commune (environnementale et
nouveaux médicaments anti-PCSK9 (inhibiteurs de la pro- polygénique), qui sont les plus fréquentes.
protéine convertase subtilisine/kexine de type 9) nourrissent
l’actualité à ce sujet. De plus, les recommandations des divers
spécialistes prenant en charge les dyslipidémies ne sont pas CLASSIFICATION DES DYSLIPIDÉMIES
On distingue trois classes principales de dyslipidémies :
X Hypercholestérolémie pure, avec un LDL supérieur au seuil
a Consultation des lipides, Policlinique médicale, Clinique universitaire de
recommandé.
médecine interne générale, Hôpital de l’Ile, Université de Berne, 3010 Berne, X Hypertriglycéridémie pure, avec des triglycérides > 5 mmol/l.
b Institut de médecine de famille bernois (BIHAM), Université de Berne,
3012 Berne X Hyperlipidémie mixte, avec à la fois un LDL et des triglycé-
nicolas.rodondi@insel.ch rides élevés.
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PRÉVENTION
CARDIOVASCULAIRE
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DFG : débit de filtration glomérulaire ; LDL : LDL-cholestérol ; PAS : pression artérielle systolique ; PCSK : proprotéine convertase subtilisine/kexine.
Catégorie de risque Définition Valeur cible de LDL Prise en charge thérapeutique e
(risque d’événement coronarien
mortel ou non sur 10 ans)
Prévention secondaire si < 76 ans c < 1,8 mmol/l 1) modifications du style de vie
2) statine si LDL reste ≥ cible
Elevé (> 20 %) Diabète sucré avec atteinte d’organe cible 3) ajouter ézétimibe si LDL reste ≥ cible malgré statine
Prévention secondaire si ≥ 76 ans < 2,6 mmol/l à dose maximale tolérée
> 58 points d 4) discuter anti-PCSK9 si LDL reste élevé malgré statine
1) modifications du style de vie
Intermédiaire (10-20 %) a,b 50-58 points d < 3,0 mmol/l
2) statine si LDL reste ≥ 3,4 mmol/l
Faible (< 10 %) a 0-49 points d Aucune Modifications du style de vie
faussement élevées dès 12‑24h et jusqu’à 3 mois après l’événe- risque ne sont pas valables chez ces patients.13 Pour les cas
ment. Un suivi annuel suffit lorsque l’équilibre thérapeutique complexes, une collaboration avec un spécialiste des lipides
est atteint. peut aider à définir un plan de prise en charge individuel.
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PRÉVENTION
CARDIOVASCULAIRE
Diabetes Association (ADA) suggère la cible de 1,8 mmol/l cas d’augmentation des CK > 4 fois la norme, il faut renoncer
uniquement chez les diabétiques avec maladie cardiovas à initier le traitement et répéter le dosage. La conduite à tenir
culaire, avec un niveau de preuve E (avis d’experts).22 Par en fonction des symptômes et du résultat de ce dosage est
manque d’évidence, nous recommandons de viser un LDL décrite dans le tableau 5. Lors d’augmentation des CK sous
< 2,6 mmol/l chez les diabétiques avec atteinte d’organe cible. statine, il est essentiel d’exclure une autre étiologie (activité
physique, maladie musculaire, hypothyroïdie, alcoolisme,
Hypertension artérielle traumatisme, antipsychotique, cocaïne, amphétamines). Un
dosage de routine des CK sous traitement n’est pas recom-
Bien que les patients avec une tension artérielle > 180/110 mandé dans les autres situations, étant donné la s ignification
mmHg soient classés dans la catégorie à risque cardiovascu- clinique incertaine.25
laire élevé, il n’y a pas d’évidence directe soutenant cette re-
commandation. L’insuffisance hépatique aiguë, la cirrhose décompensée et
une cholestase marquée constituent des contre-indications
absolues à un traitement par statine, alors que la présence de
EFFETS INDÉSIRABLES, CONTRE-INDICATIONS stéatohépatite non alcoolique (NASH), cirrhose compensée,
insuffisance rénale chronique ou comédication par des inhi
ET SUIVI D’UN TRAITEMENT PAR STATINE biteurs des cytochromes P-450, nécessitent une prudence
Les symptômes musculaires (faiblesse, crampes, douleurs), particulière. En cas d’alcoolisme, de maladie hépatique ou de
avec une incidence de 5‑20 % pour les douleurs musculaires comédication à risque d’interaction, on recommande de
diffuses,23,24 sont les effets secondaires principaux des statines, doser les ALAT avant et 6 semaines après l’initiation d’un
dont les facteurs de risque sont décrits dans le tableau 4. Il traitement de statine, de même que 6 semaines après toute
s’agit en général d’une atteinte proximale et symétrique des modification posologique. Un suivi à long terme des enzymes
grands muscles (cuisses, fesses, mollets, dos), apparaissant le hépatiques n’est pas indiqué en dehors de ces situations à
plus souvent dans les premières semaines après le début du risque. En cas d’augmentation des ALAT < 3 fois la norme, le
traitement, mais pouvant survenir jusqu’à plusieurs années traitement peut être poursuivi avec un contrôle à 4‑6
après. Une réduction de la dose de statine permet souvent de semaines. En cas d’augmentation > 3 fois la norme ou de cho-
réduire ces effets indésirables. lestase, il faut en revanche arrêter le traitement ou en réduire
la dose, et exclure une autre étiologie à cette perturbation. Si
Un contrôle des créatines kinases (CK) est recommandé en les ALAT se normalisent à 4‑6 semaines, on peut envisager la
cas d’apparition de symptômes musculaires, ou dans certaines reprise d’un traitement.
situations à risque (âge avancé, comédication à risque d’inter
action, polymédication, insuffisance rénale ou hépatique). En
CONCLUSION
Facteurs de risque d’effets
TABLEAU 4 secondaires des statines Les dyslipidémies représentent un facteur de risque cardio-
(musculaires et hépatiques)23,24 vasculaire fréquent et essentiel à prendre en charge. La classi-
a Association avec une statine contre-indiquée.
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