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XVIE -
XXIE SIÈCLE : DE L'EXTERMINATION À LA REPENTANCE, PARIS,
ROBERT LAFFONT, 2003, 843 P., 29€
Hélène Blais
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Comptes rendus
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l’Afrique noire pré-coloniale, n’apparaissent-ils généralement qu’en filigrane. Ces
remarques étant faites, le lecteur ne pourra qu’être séduit par la succession de chapitres
thématiques qui permettent à leur auteur de mener, de bout en bout, un véritable essai
d’histoire comparée. Particulièrement difficile, l’exercice est rarement tenté, et encore
moins réussi de la sorte. Une part égale est consacrée aux Amériques, à l’Afrique noire
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et au monde musulman. Dans le premier chapitre (« Approcher l’esclavage »), l’auteur
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rappelle un fait important : un système esclavagiste n’est pas forcément fondé sur des
discriminations raciales à l’encontre des esclaves. Le second chapitre (« Qui devient
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esclave, comment et selon quelles modalités ? ») permet de définir et de discuter les mul-
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tiples moyens grâce auxquels les sociétés du passé (antiques, africaines, musulmanes,
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occidentales) ont pu définir des populations d’« étrangers », seules susceptibles d’être
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réduites en servitude. L’auteur opère ensuite (chap. 3) une intéressante distinction entre
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Le problème est que la manière dont elles sont définies apparaît assez fluctuante.
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Annonçant déjà cette distinction dans le chapitre 1, l’auteur note que, dans le cas des
« sociétés avec esclaves », les captifs sont attachés à la « maison », à la famille ou au
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lignage. Il s’agit d’un « esclavage à petite échelle » qui se reproduit et est maintenu de
manière plus ou moins informelle sans qu’un « système organisé » soit pour cela néces-
saire. Le second cas, écrit-il, deviendrait effectif lorsque trois conditions seraient
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réunies : l’existence d’un groupe dominant dont l’entretien dépend du contrôle des sur-
plus produits par le travail des esclaves ; le fait que la possession d’esclaves soit relative-
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ment fréquente dans la société ; et donc l’absence de trop grandes barrières s’opposant
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« reliant l’esclavage à l’ordre social », est plus susceptible d’être fructueuse que celle ten-
dant à extrapoler des résultats à partir d’estimations quantitatives (souvent vagues) rela-
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semble délaisser cette approche pour faire du rôle productif des esclaves le facteur
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essentiel et quasi unique permettant de différencier les deux types de sociétés. Il note
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ainsi (p. 63) que la transition s’opère entre les deux au moment où l’esclavage devient
une institution significative sans pour autant atteindre « une position dominante en
matière de production ». Confortant cette idée, il ajoute que dans les sociétés avec
esclaves, les activités économiques ne constituent pas la principale fonction assignée à
l’esclavage.
Un premier problème est celui des seuils : que doit-on entendre par institution
significative et position dominante ? Le second, plus important, est que des fonctions non
productives (prestige…) existent dans les sociétés esclavagistes, tandis que nombre de
sociétés dites « avec esclaves » voient ces derniers jouer un rôle majeur dans la produc-
tion, comme en maintes régions de l’Afrique noire pré-coloniale. En effet, comme l’a
écrit Jack Goody, là où la production est essentiellement le fait des unités familiales et
lignagères, un esclavage dit « domestique » assure un rôle essentiel dans la production.
Après tout, l’Europe pouvait se passer de sucre et de cacao, mais l’Afrique noire ne
pouvait pas se priver des produits de son agriculture vivrière. Quoi qu’il en soit, l’ap-
proche résolument comparative de l’ouvrage permet de mettre en perspective nombre
de faits essentiels et troublants. À titre d’exemple, on prendra conscience (p. 96-97) de
la grande similitude entre l’organisation de certaines plantations antiques et de celles du
Nouveau Monde. Difficile, dans ce cas, de continuer à faire de ces dernières des « labo-
ratoires » du système manufacturier tel qu’il se développa dans l’Europe du XIXe siècle.
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Empruntant à l’anthropologie et à la sociologie, ce très intéressant livre d’histoire
constitue indéniablement une très utile introduction à toute étude et réflexion sur l’his-
toire de l’esclavage.
Plus court, l’ouvrage de Mark M. Smith s’insère dans une collection encore assez
jeune mais particulièrement utile (« New Studies in Economic and Social History »).
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Elle comprend des livres d’environ 120 pages, faisant le point des connaissances
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actuelles sur un sujet donné avec, en plus et surtout, un accent mis sur la présentation
des principaux débats historiographiques. Dans la même collection, on lira ainsi avec
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grand profit Slavery, Atlantic Trade and the British Economy 1660-1800, de K. Morgan
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(2000).
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L’économie et la société du Vieux Sud a fait couler beaucoup d’encre et a suscité des
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débats passionnés, notamment aux États-Unis, au cours du dernier demi-siècle.Tous ces
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débats, leurs protagonistes, ainsi que les arguments avancés se retrouvent dans la
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brillante synthèse présentée par M. Smith. Un premier chapitre est consacré aux
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« contours du débat ». Pour les uns, note en substance l’auteur, la société sudiste était non
capitaliste, inefficace et incapable de rentabilité. Pour les autres, elle fait figure de modèle
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et esprit du capitalisme fournit le cadre du chapitre 2. On y voit comment peu à peu s’est
constituée l’idée selon laquelle le planteur pouvait à la fois être intéressé par le gain et
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s’opposer aux valeurs démocratiques modernes que d’aucuns lient à l’essor du capita-
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lisme. Le chapitre 3 est consacré aux yeomen et aux petits blancs, avec, en toile de fond
problématique, la question de savoir s’ils constituaient une classe dépendante et périphé-
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rique, à la remorque de celle des planteurs, ou bien s’ils disposaient d’une certaine auto-
nomie. Le lecteur français pourra jusqu’ici mesurer combien sont encore importantes
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aux États-Unis des querelles aujourd’hui à juste titre perçues comme un peu dépassées,
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de ce côté-ci de l’Atlantique. Retournement total avec les chapitres suivants abordant des
aspects à propos desquels nous sommes plus souvent dépassés qu’à notre tour. Le cha-
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pitre 4 concerne les esclaves et le processus par lequel une culture originale a pu naître au
sein des populations serviles, conséquence à la fois de leur résistance aux planteurs et de
leur accommodation au système. Des développements substantiels concernent le rôle
ainsi joué par le système de travail (travail à la tâche ou bien par équipe – gang ou task
system) et par le paternalisme des planteurs. Deux autres chapitres, particulièrement
éclairants, concernent la question de la rentabilité de l’esclavage. De manière fort judi-
cieuse, l’auteur distingue alors ce qui a trait à la rentabilité de la plantation proprement
dite (micro-économie) et ce qui renvoie à celle de l’esclavage en tant que système régio-
nal (macro-économie). On ne sera pas surpris de voir que les plantations étaient profi-
tables pour leurs propriétaires (sinon pourquoi le système aurait-il duré aussi
longtemps ?). On appréciera, par contre, la sobriété et la finesse des analyses. Brossant un
tableau complet des diverses théories et arguments, l’auteur conclut finalement que, pro-
fitable aux planteurs, le système esclavagiste le fut sans doute beaucoup moins pour le
Sud en général. Dans le dernier chapitre (« Nouvelles directions, vers un consensus »),
l’auteur se montre particulièrement optimiste. Il démontre tout d’abord que la plupart
des théories relatives au système esclavagiste du Vieux Sud empruntent volontiers à un
même cadre de référence – marxiste – qui, du fait de sa malléabilité même – Marx ayant
surtout étudié l’esclavage dans une optique transformiste, afin d’expliquer la montée du
système capitaliste, il n’est pas toujours très clair sur l’esclavage proprement dit – permet
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aisément d’entretenir les controverses. La matrice étant commune, Smith pense que,
sans mettre fin aux controverses, les historiens progresseront forcément vers un consen-
sus sur certains points importants. Il est par exemple vrai que, questions de rentabilité
mises à part, de nombreux historiens sont aujourd’hui d’accord sur l’idée selon laquelle
le système de la plantation était central pour l’économie et « l’identité sociale » du Vieux
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Sud (p. 4). Mais l’auteur est peut-être trop optimiste. En effet, comme il l’indique fort
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bien dès la première page de son ouvrage, la question majeure figurant derrière la plu-
part des débats historiographiques est celle du degré de différence entre le Vieux Sud
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voie aux origines et à la définition même de la société américaine d’aujourd’hui. On peut
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Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU
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de recherche. Le premier est l’étude de la traite, sur laquelle la production est abon-
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connue de l’histoire des bourgeoisies des grands ports français : le XIXe siècle. Pour
compléter les fonds publics et privés conservés dans les archives publiques, l’auteur a
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exploré les archives privées des familles nantaises. Malgré le tabou négrier et les réti-
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cences des descendants à confier leurs documents, il a réussi à rassembler une docu-
mentation considérable : « Une soixantaine de mètres linéaires de papiers totalement
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inédits ont pu être consultés, fournis par vingt-six familles. Il en résulta environ trente-
cinq mètres linéaires directement utilisables comprenant surtout des correspondances
commerciales et privées, des actes notariés, des brochures ou ouvrages rédigés par des
aïeux, des travaux d’histoire familiale » (p. 399).
Les sources disponibles ont déterminé la tonalité de l’ouvrage. O. Pétré-
Grenouilleau ne signale pas la découverte de documents comptables dans les archives
privées. Il a en conséquence « privilégié l’étude des hommes et des mentalités » et a pour
cela opté pour l’utilisation de la prosopographie pour faire jouer la complémentarité des
sources : le suivi de quelques familles est au centre de l’ouvrage.
L’ouvrage s’organise en trois parties chronologiques. La première (vers 1750-
1789) porte sur les « fondateurs ». Elle montre tout d’abord comment s’est formé le
milieu négociant. Nantes, grâce à son importante dans l’économie atlantique et notam-
ment la traite, était perçu comme un lieu privilégié d’investissement. La ville a donc
attiré des entrepreneurs en phase d’ascension économique et sociale ou bien cherchant
à renforcer économiquement une position sociale déjà acquise. Sans surprise, puisqu’ils
s’étaient en quelque sorte autosélectionnés en cherchant à s’intégrer dans l’économie
nantaise, ces entrepreneurs partageaient des valeurs de travail, d’accumulation et de
transmission. Les outils utilisés par le milieu négociant, son influence sur l’économie et
son organisation font l’objet du deuxième chapitre. Puis, un troisième chapitre est
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consacré aux modèles culturels du milieu négociant, lequel était en partie déterminé par
les nécessités de la réussite économique et sociale ; malgré l’attraction qu’exerçait la cul-
ture nobiliaire, O. Pétré-Grenouilleau affirme que la culture mercantile gardait une
autonomie forte à la veille de la Révolution. La culture des Lumières ne pénétrait pas
profondément le milieu négociant.
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La deuxième partie porte sur la période la moins bien connue de l’évolution du
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négoce nantais, entre la Révolution et 1840. Contrairement à l’opinion répandue, la
Révolution n’a pas « trahi » le négoce en provoquant sa ruine et en conséquence son hos-
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tilité. Tout d’abord parce que la destruction d’une partie du système colonial n’a pas
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entraîné la destruction des bases économiques de la puissance du négoce. Mais aussi
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parce que les milieux marchands n’ont pas été des soutiens inébranlables de la
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Révolution, notamment en ce qui concerne l’attitude de celle-ci par rapport à l’escla-
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vage. Comme dans les autres milieux français, on y trouve des antirévolutionnaires, des
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Après les guerres de l’Empire, le négoce a cherché à retrouver ses repères écono-
miques : il se consacra à la traite illégale jusqu’à la Révolution de Juillet. Il confirma sa
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primauté politique dans la cité et laissait, comme au XVIIIe siècle, une place pour un cer-
tain renouvellement social. Les aspirations et les modes de vie de ce milieu perdaient de
leur spécificité parmi les notables du XIXe siècle. Sa principale originalité est d’avoir
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essentiellement que sur les moyens à mettre en œuvre pour défendre l’ordre établi. Du
point de vue économique, l’agriculture comme l’industrie ne présentaient pour les
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Les efforts des héritiers de cette génération pour conserver leur place font l’objet de la
troisième partie, qui couvre la période 1840-1914. Ceux-ci faisaient montre d’une grande
capacité d’adaptation: ils suivirent un «cycle du sucre» entre 1840 et 1860, puis se tournè-
rent vers la conserverie, la spéculation immobilière sur les bords de mer, sans toutefois être
aux premières loges. Mais les lois d’aide à la construction de 1881, et surtout celle de 1893,
leur permirent de revenir sur le devant de la scène en se consacrant à la marine à voile. Le
bilan vers 1914 est que le capitalisme marchand n’a pas été capable de sortir de ses cadres
pour «ouvrir la voie à l’âge industriel» (p. 338). Du point de vue politique, enracinés dans
le conservatisme, entretenant les solidarités familiales et se présentant comme les défen-
seurs de l’économie et de la société, à la fois de Nantes et des campagnes, contre le monde
extérieur, les négociants ont réussi à conserver un pouvoir important. Après la conclusion,
l’ouvrage se clôt par une rapide discussion de ses sources et de sa méthode.
Malgré cette dernière, l’appareil critique est trop peu développé pour satisfaire un
chercheur. Il y a trop peu de notes, pas de bibliographie, et – surtout – pas d’index. Cette
dernière lacune est particulièrement criante pour un ouvrage se centrant sur l’étude de
familles particulières. On ne saurait en accabler l’auteur: cette difficulté se présente souvent
lorsque l’on cherche à assurer la diffusion d’une thèse universitaire.
Plus fondamentalement, il est dommage qu’Olivier Pétré-Grenouilleau n’ait pas traité
complètement les aspects économiques de la vie du négoce. Il disposait de tous les éléments
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pour le faire. Il aurait été intéressant, par exemple, de distinguer les raisons purement éco-
nomiques des raisons culturelles pour lesquelles le négoce ne s’est pas vraiment reconverti
au XIXe siècle. Est-ce à cause de son état d’esprit et de l’empreinte du passé? Ou parce que
le négoce a tout simplement (p. 340) «pensé à lui, à ses intérêts, comme n’importe quel
groupe social» (et comme le ferait l’homo œconomicus de la légende) et que, pour des raisons
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hors du contrôle des négociants, Nantes ne se prêtait tout simplement pas à une reconver-
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sion industrielle? La deuxième raison est suggérée, mais tout le développement tend vers la
première. Aussi bien, le titre est un peu trompeur. On s’attend à une étude d’histoire éco-
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un ouvrage centré sur la traite, il s’agit d’un ouvrage centré sur les négociants de Nantes –
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dont bien sûr l’activité principale au XVIIIe siècle était la traite. Le titre de la thèse dont le
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livre est tiré est beaucoup plus juste («Milieu maritime et monde moderne. Le milieu
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négrier nantais du XVIIIe siècle à 1914. Contribution à l’étude des rapports entre dyna-
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mique sociale et histoire»). Ces remarques ne doivent pas détourner de l’ouvrage. C’est une
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lecture indispensable pour les chercheurs intéressés par l’histoire maritime et l’histoire des
bourgeoisies négociantes.
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Guillaume DAUDIN
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port de cet ouvrage n’est nullement négligeable. On y perçoit toute l’importance des
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stratégies matrimoniales dans la formation des fortunes, et par conséquent dans l’orien-
tation des familles. On y voit vivre et évoluer une famille de la noblesse française. On y
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mesure avec force détails les origines et l’évolution de ses ressources. Sur ce point, ce
que nous apporte Érick Noël est décisif et sans doute définitif. L’exploitation des terres
à sucre dans les Antilles, des salines possédées dans l’île de Ré, ainsi que les rentes pro-
venant de diverses seigneuries entre Loire et Charente, nous sont en effet très fidèle-
ment restituées. L’importance du sucre (60 % des revenus annuels de François VII), la
fragilité de cette ressource, et donc sa difficile compatibilité avec une vie de rentier ayant
recours à l’emprunt, sont bien mises en évidence. Enfin, la description de la diversité
des itinéraires familiaux sous la Révolution est également instructive, et même passion-
nante.
L’historien demeure néanmoins quelque peu sur sa faim. Pour se documenter,
l’auteur a dû sillonner l’hexagone. L’essentiel, cependant, provient de trois sources : dix
cartons des papiers privés des Beauharnais, deux dossiers du Fonds Marine, des actes
notariés conservés dans le Minutier central (lesquels, bien que fort nombreux, se répar-
tissent seulement entre trois études). Cela n’est pas énorme. L’auteur avait donc tout le
temps nécessaire afin d’essayer de mettre ses sources en perspective. Ce qui ne fut pas
le cas. Le stade de l’analyse n’est pratiquement jamais dépassé. De fait, nombre de
pages ne servent qu’à retranscrire sous une forme dactylographiée les informations,
manuscrites, directement tirées des sources. La bibliographie concerne essentiellement
les études sur la famille étudiée. Des travaux relatifs à la prosopographie, à la généalogie
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sociale, ou bien à d’autres milieux sociaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle auraient
été pourtant fort utiles, afin de renforcer les bases méthodologiques d’une recherche
qui aurait gagné à être au moins un peu comparative. Si l’on apprend beaucoup sur les
Beauharnais, sur leurs alliances et leurs revenus, on a en effet du mal à les remettre en
contexte. Enfin, le lignage et l’évolution du clan ne sont éclairés qu’à partir d’un
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nombre réduit d’individus et de points d’approche. Dans sa préface, Jean Chagniot sou-
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ligne la « rapide élaboration de ce travail », signe, selon lui, de l’activité et de la rigueur de
son auteur. À lire cet ouvrage, on pourrait être amené à croire que la rapidité dans l’exé-
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cution fut aussi la conséquence d’un travail parfois un peu trop partiel et toujours
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essentiellement descriptif.
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Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU
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YVES BÉNOT, MARCEL DORIGNY (ÉD.), De prime abord, on est un peu perdu
Rétablissement de l’esclavage en découvrant ce livre, du fait de l’emboî-
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dans les colonies françaises, 1802. Ruptures et tement de ses trois titres et sous-titres,
continuités de la politique coloniale lequel emboîtement ne correspond
française (1800-1830). Aux origines d’Haïti, d’ailleurs pas entièrement au plan de l’ou-
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Paris, Maisonneuve & Larose, 2003, 592 p., 35 € vrage : le rétablissement de l’esclavage par
Bonaparte (première partie) ; la consé-
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sement de l’esclavage dans les autres colonies (troisième partie) ; les politiques des
puissances face à la traite et à l’esclavage » (quatrième partie) ; « les nouveaux projets
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coloniaux » (cinquième partie). Deux articles pourront sembler mal insérés dans cette
perspective : celui, intéressant, de Carla Soto Mesa (sur l’esclavage au Chili, en général)
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et celui, excellent, de David Brion Davis (sur les facteurs de l’abolitionnisme britan-
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nique). L’ensemble s’achève sur une conclusion d’une dizaine de pages, dont la pré-
sence vient relever une présentation introductive trop courte étant donnée l’importance
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des thèmes abordés, ainsi que la grande qualité des textes présentés. Ce volume, issu
d’un colloque international organisé à l’Université de Paris VIII, en 2002, est en effet
d’un très grand intérêt. Les 33 articles font apparaître plusieurs thèmes majeurs.
Le premier est celui des raisons de la restauration de l’esclavage par Bonaparte,
ainsi que des résistances opposées à ce retour en arrière. Cette question est finement
introduite par l’article de Thomas Pronier (« L’implicite et l’explicite dans la politique
de Napoléon »). Repoussant à juste titre la thèse selon laquelle Bonaparte aurait alors
été mû par Joséphine et ses amis, l’auteur ne conclut cependant pas nettement à l’idée
d’un plan préétabli. Il préfère mettre en avant « une logique de restauration » passant
« nécessairement » par le rétablissement de l’esclavage. De son côté, Léo Elisabeth nous
renseigne utilement sur l’un des éléments de la politique de répression bonapartiste, à
savoir les 3 500 déportés des Petites Antilles vers la métropole (1801-1803). Allant dans
le même sens, Michael D. Sibalis montre tout l’intérêt des statistiques relatives au recen-
sement des 1 600 ou 1 700 Noirs établis en France en 1807. L’on se met alors à regret-
ter qu’il n’ait pas poursuivi son analyse plus dans le détail, ni établi de vraies
comparaisons avec ce que l’on sait sur les Noirs présents en France à la fin du
XVIIIe siècle. Ce que l’on sait de la contestation par les anciens esclaves martiniquais de
la remise en place de l’esclavage est rappelé par Lucien René Abénon ; un sujet que
Serge Mam Lam Fouck présente de façon plus fouillée à propos de la Guyane fran-
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çaise, tandis que Françoise Vergès (pour La Réunion), Frédéric Régent (pour la
Guadeloupe) et Arlette Gauthier (avec le thème de la résistance des femmes) permet-
tent fort judicieusement d’étendre à d’autres horizons, géographiques ou non.
Un second thème est celui du « surgissement » d’un État en Haïti. L’originalité de la
voie empruntée, de nature révolutionnaire, est soulignée à la fois par Sabine Manigat et
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Yann Moulier Boutang. Le second replace cette originalité dans l’histoire des abolition-
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nismes. La première s’intéresse surtout à ses conséquences pour le nouvel État haïtien.
Elle pointe notamment l’importance du rôle joué par l’armée dans la formation de
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montre combien la résistance populaire aux troupes menées par le général Leclerc, ainsi
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que le rôle de Dessalines (lequel est également pointé dans l’article de Vertus Saint-
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Louis), ont pesé sur les fondations du nouvel État. Un reflet de ces tensions et précoces
depuis
divisions nous est donné par les deux grandes vagues de rébellions paysannes des
depuis
années 1807-1820 et 1843-1848. En les analysant, Michel Hector insiste sur le fait que
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leur foyer privilégié fut le sud du nouvel État. On se rappellera alors que c’est le nord de
l’ex-Saint-Domingue qui avait joué un rôle important lors de la fameuse révolte de
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1791. On voit ainsi que les difficultés du nouvel État ne peuvent pas s’expliquer uni-
quement par les conséquences de l’ordonnance de 1825 et la question de l’indemnité,
sujets auxquels sont consacrés trois articles, un peu courts, par François Blancpain,
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héroïque, laquelle a pour effet de justifier les violations flagrantes des droits humains et
de perpétuer les dictatures » (p. 558).
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bien nuancé de Marcel Dorigny) et par Virey (Jean-Claude Halpern).
Deux idées reviennent de manière récurrente dans l’ouvrage. La première est celle
d’un rétablissement de l’esclavage présenté comme absolument contraire à l’esprit et
aux principes de la Révolution. Cette idée est cependant plus présentée et répétée que
véritablement étayée. D’autant plus que « la » Révolution fut un processus complexe et
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multiforme qu’il est parfois difficile de caractériser dans son ensemble. À ce propos,
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Bernard Gainot et Bénédicte Fortier montrent fort bien que c’est le Directoire qui est
allé le plus loin dans une politique « d’assimilation » des colonies. La seconde idée tra-
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versant l’ouvrage est celle d’une sorte d’inéluctabilité du processus ayant mené, au XIXe
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siècle, à une nouvelle vague de colonisation. Ce qui n’est pas totalement certain, et
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pourrait surprendre : l’un des intérêts de cet ouvrage est en effet de souligner – en insis-
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tant sur la rupture que représente le rétablissement de l’esclavage, en 1802 – que rien
depuis
la fois utile et intéressant, que l’on ne peut que recommander du fait de la qualité des
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études rassemblées.
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Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU
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Paris, Robert Laffont, 2003, 843 p., 29€ objet principal de dresser un bilan des
aspects les plus dramatiques de la colonisa-
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les colonisés. Il permet surtout d’englober toute une série de phénomènes allant des
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Comment envisager alors un phénomène aussi multiforme que le colonialisme
ainsi pris en compte, quelle méthode d’analyse privilégier ? Quelques remarques préli-
minaires à la présentation du livre peuvent être faites. Ainsi, la tentation de l’exhaustivité
se heurte d’emblée à la question du plan, dont les déséquilibres internes font apparaître
les difficultés propres à la volonté de traiter de tous les colonialismes possibles. Les deux
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premières parties, brèves, traitent de l’extermination, puis de la traite et de l’esclavage.
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La troisième, intitulée « Domination et résistances », aborde en plus de 400 pages, par
grande région du monde, les conquêtes coloniales et leurs conséquences. La 4e partie,
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Les auteurs ont-ils voulu ici attirer l’attention sur les Genders Studies, sans trouver
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cependant de quoi nourrir de manière plus conséquente cette partie ? Enfin, la dernière
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partie, « Représentation et discours », fait le point de manière assez complète sur les dif-
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férentes études sur les cultures coloniales. Comme dans toute entreprise collective, les
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articles sont de formes très diverses, avec ou sans bibliographie, et il semble que les
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auteurs aient eu ici toute latitude quant à la longueur de leur texte, et même à l’optique
adoptée. La réédition de certains articles, écrits dans un autre contexte que celui de la
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problématique du livre (voir les textes de Leslie Manigat et de David Nicholls sur
Haïti), confirme cette volonté de ne pas enfermer les analyses dans un moule unique.
Dernière remarque formelle : la présence d’annexes insérées dans les articles est tout à
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fait bienvenue, mais il est dommage que certains textes soient utilisés comme des illus-
trations plutôt que comme véritable support pour une analyse critique. Les sources de
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que les multiples pistes ouvertes par ce livre doivent inciter à poursuivre.
On ne retiendra que quelques exemples pour tenter de rendre compte de la diver-
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sité des propos et des analyses, tant le contenu du livre est impossible à résumer. Dans
une brillante synthèse sur l’extermination des Indiens en Amérique du Nord, Pap
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Ndiaye retrace les débats historiographiques sur le décompte des Indiens, et statue sur
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culation sociale caractérisent cette colonisation d’Ancien Régime » (p. 200).
Marie Fourcade, dans l’esprit du Livre noir du communisme, et à l’instar du
décompte fait par Pap Ndiaye à propos des Indiens ou des esclaves du sud, tente de
dresser un bilan chiffré du colonialisme britannique en Inde. Son long article analyse les
responsabilités britanniques, tant dans la modernisation (désenclavement des trans-
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ports, meilleure circulation des vivres), que dans les famines par exemple. Le « cynique-
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© Belin
ment correct » est l’expression qui doit ici rendre compte de la politique coloniale menée
par les Anglais
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12h19.
çaise. Catherine Coquery Vidrovitch dresse l’histoire de la colonisation sur la côte est
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africaine par le sultan d’Oman ; et montre notamment la mise en place d’un véritable sys-
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tème esclavagiste lié à la production du clou de girofle. La position ambiguë des
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Britanniques face à cette colonisation, condamnée et tolérée, est analysée ici avec nuance.
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Arlette Gautier dresse une belle synthèse sur les femmes et le colonialisme, posant
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n’est pas forcément celui des colonisées » (p. 569). Nourri par une bibliographie riche et
prenant en compte les travaux les plus récents, cet article, qui s’appuie sur des exemples
en Afrique, aux Antilles, en Inde et au Vietnam, fait le point sur les questions comme la
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entrave encore aujourd’hui les analyses historiques. L’intérêt est surtout de montrer
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que la négritude, fait d’une élite africaine bourgeoise, peut devenir une revendication
des mouvements nationalistes, s’appuyant sur ces classements raciaux, étrangers aux
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12h19. © Belin
20h40. © Belin
dressant l’histoire du préjugé de l’infériorité noire). Deuxièmement, l’intérêt pour les
victimes de la colonisation, qui peut conduire à faire leur histoire comme acteurs d’un
processus qu’ils ne maîtrisent certes pas, mais dans lequel ils jouent un rôle (voir l’ana-
lyse du rôle des caciques par Carmen Bernand, celle des résistances nationales au
Vietnam analysées par Alain Ruscio, ou encore les résistances caucasiennes décrites par
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Claire Mouradian).Troisièmement, les violences coloniales, qui apparaissent très claire-
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© Belin
ment à travers les analyses de systèmes concentrationnaires (Ainsi de l’esclavage consi-
déré comme un système dans les analyses de Pap Ndiaye ou de Catherine
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M. Bokolo à partir de l’exemple de la colonisation de l’Afrique centrale). Enfin, la ques-
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tion de l’occultation du passé colonial et, conséquemment, des conditions même d’une
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histoire du colonialisme (problème de reconnaissance du génocide des Aborigènes
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évoqué par Alastair Davidson, question des réparations pour les esclaves américains
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traitée par Pap Ndiaye, occultation du passé dans la société néerlandaise que montre
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Thomas Beaufils).
À ce dernier thème est liée la brûlante question de l’indemnisation. Elle fait
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d’ailleurs l’objet d’un épilogue vertigineux, dans lequel Nadja Vuckovic montre l’am-
pleur du problème et les contradictions internes qu’implique l’entrée dans un processus
de réparation, de pardon et de dédommagements. Ainsi de la réclamation d’un certain
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nombre de pays africains qui oublient la participation active des élites et du pouvoir, et
les rancœurs entre ethnies qui subsistent de ce fait encore aujourd’hui. De ce point de
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vue, le rôle social de l’historien du colonialisme se révèle des plus périlleux, tant il s’agit
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d’une histoire qui n’est pas terminée. Le livre noir du colonialisme pose donc des jalons
indispensables pour tenter de comprendre et d’éclairer un phénomène historique et
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actuel. Aussi est-ce un bilan nécessairement inachevé, mais dont on peut espérer qu’il
stimulera des enquêtes renouvelées.
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05/02/2015 20h40.
Hélène BLAIS
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