Você está na página 1de 12

MARC FERRO (ÉD.), LE LIVRE NOIR DU COLONIALISME.

XVIE -
XXIE SIÈCLE : DE L'EXTERMINATION À LA REPENTANCE, PARIS,
ROBERT LAFFONT, 2003, 843 P., 29€
Hélène Blais

Belin | « Revue d’histoire moderne & contemporaine »

2005/5 n° 52-4bis | pages 117 à 120


ISSN 0048-8003
ISBN 2701141710
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-
contemporaine-2005-5-page-117.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 187.237.25.10 - 15/07/2019 20h40. © Belin


Distribution électronique Cairn.info pour Belin.
© Belin. Tous droits réservés pour tous pays.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 187.237.25.10 - 15/07/2019 20h40. © Belin

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XX


Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 110

Comptes rendus

DAVID TURLEY, Le premier ouvrage est relativement


Slavery, court, traitant d’un thème particulièrement
Oxford, Blackwell Publishers, 2000, 174 p. vaste, celui de l’esclavage, de l’Antiquité jus-
qu’aux débuts du XXe siècle. On aurait aimé
MARK M. SMITH,
que l’esclavage soit tout d’abord mieux
Debating Slavery. Economy and Society in
the Antebellum American South, défini et comparé aux autres formes de ser-
Cambridge, Cambridge University Press, vitude. Il faut également noter que les formes
1998, 124 p. antiques, médiévales et très contemporaines
de l’esclavage ne sont généralement pas
abordées pour elles-mêmes. On a plutôt l’impression qu’elles servent à mieux mettre en
perspective l’esclavage qui sévit en Afrique, en Orient et dans le Nouveau Monde,
notamment entre les XVIIe et XIXe siècles. Tous les aspects de l’histoire de l’esclavage ne
sont donc pas abordés avec la même attention. Enfin, se focalisant plus sur les points
communs entre les types d’esclavage étudiés que sur leurs différences, l’auteur ne resti-
tue peut-être pas assez dans le détail la diversité de ses formes. Aussi de nombreux
débats, relatifs par exemple à la nature de l’esclavage dans le monde musulman et dans

20h40. © Belin
l’Afrique noire pré-coloniale, n’apparaissent-ils généralement qu’en filigrane. Ces
remarques étant faites, le lecteur ne pourra qu’être séduit par la succession de chapitres
thématiques qui permettent à leur auteur de mener, de bout en bout, un véritable essai
d’histoire comparée. Particulièrement difficile, l’exercice est rarement tenté, et encore
moins réussi de la sorte. Une part égale est consacrée aux Amériques, à l’Afrique noire
Document

- 15/07/2019
et au monde musulman. Dans le premier chapitre (« Approcher l’esclavage »), l’auteur
Document

© Belin
rappelle un fait important : un système esclavagiste n’est pas forcément fondé sur des
discriminations raciales à l’encontre des esclaves. Le second chapitre (« Qui devient
téléchargé

esclave, comment et selon quelles modalités ? ») permet de définir et de discuter les mul-

12h19.
- 187.237.25.10
tiples moyens grâce auxquels les sociétés du passé (antiques, africaines, musulmanes,
téléchargé

occidentales) ont pu définir des populations d’« étrangers », seules susceptibles d’être

- -- 05/02/2015
réduites en servitude. L’auteur opère ensuite (chap. 3) une intéressante distinction entre
depuis

les « sociétés avec esclaves » et les « sociétés esclavagistes ».


depuis

Le problème est que la manière dont elles sont définies apparaît assez fluctuante.
www.cairn.info

Annonçant déjà cette distinction dans le chapitre 1, l’auteur note que, dans le cas des
« sociétés avec esclaves », les captifs sont attachés à la « maison », à la famille ou au
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

lignage. Il s’agit d’un « esclavage à petite échelle » qui se reproduit et est maintenu de
manière plus ou moins informelle sans qu’un « système organisé » soit pour cela néces-
saire. Le second cas, écrit-il, deviendrait effectif lorsque trois conditions seraient
- - - - -187.237.25.10

réunies : l’existence d’un groupe dominant dont l’entretien dépend du contrôle des sur-
plus produits par le travail des esclaves ; le fait que la possession d’esclaves soit relative-
www.cairn.info

ment fréquente dans la société ; et donc l’absence de trop grandes barrières s’opposant
- 10.0.0.132 - 15/07/2019

à l’entrée d’individus nouveaux dans la classe des propriétaires d’esclaves. Il ne fait


aucun doute que cette « approche structurelle » (on pourrait dire aussi « fonctionnelle »),
téléchargé

« reliant l’esclavage à l’ordre social », est plus susceptible d’être fructueuse que celle ten-
dant à extrapoler des résultats à partir d’estimations quantitatives (souvent vagues) rela-
depuis

tives aux facteurs démographiques et de production. Plus loin, pourtant, D. Turley


05/02/2015 20h40.

Document

semble délaisser cette approche pour faire du rôle productif des esclaves le facteur
Document téléchargé

essentiel et quasi unique permettant de différencier les deux types de sociétés. Il note
12h19. © Belin

REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE


52-4 bis, supplément 2005.

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 111

COMPTES RENDUS 111

ainsi (p. 63) que la transition s’opère entre les deux au moment où l’esclavage devient
une institution significative sans pour autant atteindre « une position dominante en
matière de production ». Confortant cette idée, il ajoute que dans les sociétés avec
esclaves, les activités économiques ne constituent pas la principale fonction assignée à
l’esclavage.
Un premier problème est celui des seuils : que doit-on entendre par institution
significative et position dominante ? Le second, plus important, est que des fonctions non
productives (prestige…) existent dans les sociétés esclavagistes, tandis que nombre de
sociétés dites « avec esclaves » voient ces derniers jouer un rôle majeur dans la produc-
tion, comme en maintes régions de l’Afrique noire pré-coloniale. En effet, comme l’a
écrit Jack Goody, là où la production est essentiellement le fait des unités familiales et
lignagères, un esclavage dit « domestique » assure un rôle essentiel dans la production.
Après tout, l’Europe pouvait se passer de sucre et de cacao, mais l’Afrique noire ne
pouvait pas se priver des produits de son agriculture vivrière. Quoi qu’il en soit, l’ap-
proche résolument comparative de l’ouvrage permet de mettre en perspective nombre
de faits essentiels et troublants. À titre d’exemple, on prendra conscience (p. 96-97) de
la grande similitude entre l’organisation de certaines plantations antiques et de celles du
Nouveau Monde. Difficile, dans ce cas, de continuer à faire de ces dernières des « labo-
ratoires » du système manufacturier tel qu’il se développa dans l’Europe du XIXe siècle.

20h40. © Belin
Empruntant à l’anthropologie et à la sociologie, ce très intéressant livre d’histoire
constitue indéniablement une très utile introduction à toute étude et réflexion sur l’his-
toire de l’esclavage.
Plus court, l’ouvrage de Mark M. Smith s’insère dans une collection encore assez
jeune mais particulièrement utile (« New Studies in Economic and Social History »).
Document

- 15/07/2019
Elle comprend des livres d’environ 120 pages, faisant le point des connaissances
Document

© Belin
actuelles sur un sujet donné avec, en plus et surtout, un accent mis sur la présentation
des principaux débats historiographiques. Dans la même collection, on lira ainsi avec
téléchargé

grand profit Slavery, Atlantic Trade and the British Economy 1660-1800, de K. Morgan

12h19.
(2000).

- 187.237.25.10
téléchargé

L’économie et la société du Vieux Sud a fait couler beaucoup d’encre et a suscité des

- -- 05/02/2015
débats passionnés, notamment aux États-Unis, au cours du dernier demi-siècle.Tous ces
depuis

débats, leurs protagonistes, ainsi que les arguments avancés se retrouvent dans la
depuis

brillante synthèse présentée par M. Smith. Un premier chapitre est consacré aux
www.cairn.info

« contours du débat ». Pour les uns, note en substance l’auteur, la société sudiste était non
capitaliste, inefficace et incapable de rentabilité. Pour les autres, elle fait figure de modèle
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

d’économie orientée vers le marché ; en conséquence, le système esclavagiste aurait été


profitable et la région « capitaliste ». Les principaux acteurs sociaux sont présentés de
manière successive dans les chapitres suivants. La question des rapports entre planteurs
- - - - -187.237.25.10

et esprit du capitalisme fournit le cadre du chapitre 2. On y voit comment peu à peu s’est
constituée l’idée selon laquelle le planteur pouvait à la fois être intéressé par le gain et
www.cairn.info

s’opposer aux valeurs démocratiques modernes que d’aucuns lient à l’essor du capita-
- 10.0.0.132 - 15/07/2019

lisme. Le chapitre 3 est consacré aux yeomen et aux petits blancs, avec, en toile de fond
problématique, la question de savoir s’ils constituaient une classe dépendante et périphé-
téléchargé

rique, à la remorque de celle des planteurs, ou bien s’ils disposaient d’une certaine auto-
nomie. Le lecteur français pourra jusqu’ici mesurer combien sont encore importantes
depuis

aux États-Unis des querelles aujourd’hui à juste titre perçues comme un peu dépassées,
05/02/2015 20h40.

Document

de ce côté-ci de l’Atlantique. Retournement total avec les chapitres suivants abordant des
aspects à propos desquels nous sommes plus souvent dépassés qu’à notre tour. Le cha-
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 112

112 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

pitre 4 concerne les esclaves et le processus par lequel une culture originale a pu naître au
sein des populations serviles, conséquence à la fois de leur résistance aux planteurs et de
leur accommodation au système. Des développements substantiels concernent le rôle
ainsi joué par le système de travail (travail à la tâche ou bien par équipe – gang ou task
system) et par le paternalisme des planteurs. Deux autres chapitres, particulièrement
éclairants, concernent la question de la rentabilité de l’esclavage. De manière fort judi-
cieuse, l’auteur distingue alors ce qui a trait à la rentabilité de la plantation proprement
dite (micro-économie) et ce qui renvoie à celle de l’esclavage en tant que système régio-
nal (macro-économie). On ne sera pas surpris de voir que les plantations étaient profi-
tables pour leurs propriétaires (sinon pourquoi le système aurait-il duré aussi
longtemps ?). On appréciera, par contre, la sobriété et la finesse des analyses. Brossant un
tableau complet des diverses théories et arguments, l’auteur conclut finalement que, pro-
fitable aux planteurs, le système esclavagiste le fut sans doute beaucoup moins pour le
Sud en général. Dans le dernier chapitre (« Nouvelles directions, vers un consensus »),
l’auteur se montre particulièrement optimiste. Il démontre tout d’abord que la plupart
des théories relatives au système esclavagiste du Vieux Sud empruntent volontiers à un
même cadre de référence – marxiste – qui, du fait de sa malléabilité même – Marx ayant
surtout étudié l’esclavage dans une optique transformiste, afin d’expliquer la montée du
système capitaliste, il n’est pas toujours très clair sur l’esclavage proprement dit – permet

20h40. © Belin
aisément d’entretenir les controverses. La matrice étant commune, Smith pense que,
sans mettre fin aux controverses, les historiens progresseront forcément vers un consen-
sus sur certains points importants. Il est par exemple vrai que, questions de rentabilité
mises à part, de nombreux historiens sont aujourd’hui d’accord sur l’idée selon laquelle
le système de la plantation était central pour l’économie et « l’identité sociale » du Vieux
Document

- 15/07/2019
Sud (p. 4). Mais l’auteur est peut-être trop optimiste. En effet, comme il l’indique fort
Document

© Belin
bien dès la première page de son ouvrage, la question majeure figurant derrière la plu-
part des débats historiographiques est celle du degré de différence entre le Vieux Sud
téléchargé

esclavagiste d’avant 1860 et le « capitalisme démocratique moderne ». La question ren-

12h19.
voie aux origines et à la définition même de la société américaine d’aujourd’hui. On peut

- 187.237.25.10
téléchargé

donc parier que les débats sont loin d’être clos.

- -- 05/02/2015
Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU
depuis
depuis
www.cairn.info

OLIVIER PÉTRÉ-GRENOUILLEAU, Cet ouvrage, issu d’une thèse, veut « res-


www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

L’argent de la traite. Milieu négrier, tituer la globalité de l’être [des armateurs


capitalisme et développement : un modèle, négriers de Nantes] » pour déterminer « si [ce
Paris, Aubier, 1996, 423 p., 21,34 € groupe] a essayé de s’adapter, a été un agent
- - - - -187.237.25.10

de progrès, ou, au contraire, un milieu parti-


culièrement conservateur » (p. 10). L’ouvrage se place à la confluence de trois thèmes
www.cairn.info

de recherche. Le premier est l’étude de la traite, sur laquelle la production est abon-
- 10.0.0.132 - 15/07/2019

dante. Le deuxième est l’étude des bourgeoisies négociantes d’Ancien Régime : ce


thème semble revenir au premier plan. Le troisième est l’étude d’une période mal
téléchargé

connue de l’histoire des bourgeoisies des grands ports français : le XIXe siècle. Pour
compléter les fonds publics et privés conservés dans les archives publiques, l’auteur a
depuis

exploré les archives privées des familles nantaises. Malgré le tabou négrier et les réti-
05/02/2015 20h40.

Document

cences des descendants à confier leurs documents, il a réussi à rassembler une docu-
mentation considérable : « Une soixantaine de mètres linéaires de papiers totalement
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 113

COMPTES RENDUS 113

inédits ont pu être consultés, fournis par vingt-six familles. Il en résulta environ trente-
cinq mètres linéaires directement utilisables comprenant surtout des correspondances
commerciales et privées, des actes notariés, des brochures ou ouvrages rédigés par des
aïeux, des travaux d’histoire familiale » (p. 399).
Les sources disponibles ont déterminé la tonalité de l’ouvrage. O. Pétré-
Grenouilleau ne signale pas la découverte de documents comptables dans les archives
privées. Il a en conséquence « privilégié l’étude des hommes et des mentalités » et a pour
cela opté pour l’utilisation de la prosopographie pour faire jouer la complémentarité des
sources : le suivi de quelques familles est au centre de l’ouvrage.
L’ouvrage s’organise en trois parties chronologiques. La première (vers 1750-
1789) porte sur les « fondateurs ». Elle montre tout d’abord comment s’est formé le
milieu négociant. Nantes, grâce à son importante dans l’économie atlantique et notam-
ment la traite, était perçu comme un lieu privilégié d’investissement. La ville a donc
attiré des entrepreneurs en phase d’ascension économique et sociale ou bien cherchant
à renforcer économiquement une position sociale déjà acquise. Sans surprise, puisqu’ils
s’étaient en quelque sorte autosélectionnés en cherchant à s’intégrer dans l’économie
nantaise, ces entrepreneurs partageaient des valeurs de travail, d’accumulation et de
transmission. Les outils utilisés par le milieu négociant, son influence sur l’économie et
son organisation font l’objet du deuxième chapitre. Puis, un troisième chapitre est

20h40. © Belin
consacré aux modèles culturels du milieu négociant, lequel était en partie déterminé par
les nécessités de la réussite économique et sociale ; malgré l’attraction qu’exerçait la cul-
ture nobiliaire, O. Pétré-Grenouilleau affirme que la culture mercantile gardait une
autonomie forte à la veille de la Révolution. La culture des Lumières ne pénétrait pas
profondément le milieu négociant.
Document

- 15/07/2019
La deuxième partie porte sur la période la moins bien connue de l’évolution du
Document

© Belin
négoce nantais, entre la Révolution et 1840. Contrairement à l’opinion répandue, la
Révolution n’a pas « trahi » le négoce en provoquant sa ruine et en conséquence son hos-
téléchargé

tilité. Tout d’abord parce que la destruction d’une partie du système colonial n’a pas

12h19.
entraîné la destruction des bases économiques de la puissance du négoce. Mais aussi

- 187.237.25.10
téléchargé

parce que les milieux marchands n’ont pas été des soutiens inébranlables de la

- -- 05/02/2015
Révolution, notamment en ce qui concerne l’attitude de celle-ci par rapport à l’escla-
depuis

vage. Comme dans les autres milieux français, on y trouve des antirévolutionnaires, des
depuis

enthousiastes et beaucoup d’indécis.


www.cairn.info

Après les guerres de l’Empire, le négoce a cherché à retrouver ses repères écono-
miques : il se consacra à la traite illégale jusqu’à la Révolution de Juillet. Il confirma sa
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

primauté politique dans la cité et laissait, comme au XVIIIe siècle, une place pour un cer-
tain renouvellement social. Les aspirations et les modes de vie de ce milieu perdaient de
leur spécificité parmi les notables du XIXe siècle. Sa principale originalité est d’avoir
- - - - -187.237.25.10

réussi à restaurer une structure directement issue de l’Ancien Régime. L’engagement


politique du milieu était variable, mais le négoce se caractérisait par son attachement au
www.cairn.info

statu quo social et économique : libéraux, absolutistes, conservateurs ne divergeaient


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

essentiellement que sur les moyens à mettre en œuvre pour défendre l’ordre établi. Du
point de vue économique, l’agriculture comme l’industrie ne présentaient pour les
téléchargé

négociants guère plus que des adjuvants à la grande affaire du développement et de la


transformation du système colonial vers l’Océan Indien puis vers l’Afrique. C’est ce
depuis

qu’Olivier Pétré-Grenouilleau appelle les « rendez-vous manqués » et dont il fait porter


05/02/2015 20h40.

Document

la responsabilité à la psychologie du milieu, « dominé, idéologiquement et physique-


ment, par la génération formée aux affaires à la fin de l’Ancien Régime » (p. 295).
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 114

114 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

Les efforts des héritiers de cette génération pour conserver leur place font l’objet de la
troisième partie, qui couvre la période 1840-1914. Ceux-ci faisaient montre d’une grande
capacité d’adaptation: ils suivirent un «cycle du sucre» entre 1840 et 1860, puis se tournè-
rent vers la conserverie, la spéculation immobilière sur les bords de mer, sans toutefois être
aux premières loges. Mais les lois d’aide à la construction de 1881, et surtout celle de 1893,
leur permirent de revenir sur le devant de la scène en se consacrant à la marine à voile. Le
bilan vers 1914 est que le capitalisme marchand n’a pas été capable de sortir de ses cadres
pour «ouvrir la voie à l’âge industriel» (p. 338). Du point de vue politique, enracinés dans
le conservatisme, entretenant les solidarités familiales et se présentant comme les défen-
seurs de l’économie et de la société, à la fois de Nantes et des campagnes, contre le monde
extérieur, les négociants ont réussi à conserver un pouvoir important. Après la conclusion,
l’ouvrage se clôt par une rapide discussion de ses sources et de sa méthode.
Malgré cette dernière, l’appareil critique est trop peu développé pour satisfaire un
chercheur. Il y a trop peu de notes, pas de bibliographie, et – surtout – pas d’index. Cette
dernière lacune est particulièrement criante pour un ouvrage se centrant sur l’étude de
familles particulières. On ne saurait en accabler l’auteur: cette difficulté se présente souvent
lorsque l’on cherche à assurer la diffusion d’une thèse universitaire.
Plus fondamentalement, il est dommage qu’Olivier Pétré-Grenouilleau n’ait pas traité
complètement les aspects économiques de la vie du négoce. Il disposait de tous les éléments

20h40. © Belin
pour le faire. Il aurait été intéressant, par exemple, de distinguer les raisons purement éco-
nomiques des raisons culturelles pour lesquelles le négoce ne s’est pas vraiment reconverti
au XIXe siècle. Est-ce à cause de son état d’esprit et de l’empreinte du passé? Ou parce que
le négoce a tout simplement (p. 340) «pensé à lui, à ses intérêts, comme n’importe quel
groupe social» (et comme le ferait l’homo œconomicus de la légende) et que, pour des raisons
Document

- 15/07/2019
hors du contrôle des négociants, Nantes ne se prêtait tout simplement pas à une reconver-
Document

© Belin
sion industrielle? La deuxième raison est suggérée, mais tout le développement tend vers la
première. Aussi bien, le titre est un peu trompeur. On s’attend à une étude d’histoire éco-
téléchargé

nomique, il s’agit essentiellement d’une étude d’histoire sociale et culturelle. On s’attend à

12h19.
un ouvrage centré sur la traite, il s’agit d’un ouvrage centré sur les négociants de Nantes –

- 187.237.25.10
téléchargé

dont bien sûr l’activité principale au XVIIIe siècle était la traite. Le titre de la thèse dont le

- -- 05/02/2015
livre est tiré est beaucoup plus juste («Milieu maritime et monde moderne. Le milieu
depuis

négrier nantais du XVIIIe siècle à 1914. Contribution à l’étude des rapports entre dyna-
depuis

mique sociale et histoire»). Ces remarques ne doivent pas détourner de l’ouvrage. C’est une
www.cairn.info

lecture indispensable pour les chercheurs intéressés par l’histoire maritime et l’histoire des
bourgeoisies négociantes.
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

Guillaume DAUDIN
- - - - -187.237.25.10

ÉRICK NOËL, La thèse dont cet ouvrage est issu est


www.cairn.info

Les Beauharnais. Une fortune antillaise,consacrée à une famille. On ne peut que


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

1756-1796, saluer cette initiative, même si elle n’est plus


Genève, Droz, 2003, 404 p., 17 planches tout à fait à la mode. Car l’histoire est faite
téléchargé

par des hommes dont la connaissance, la


plus détaillée possible, est toujours d’un grand secours. D’un point de vue factuel, l’ap-
depuis

port de cet ouvrage n’est nullement négligeable. On y perçoit toute l’importance des
05/02/2015 20h40.

Document

stratégies matrimoniales dans la formation des fortunes, et par conséquent dans l’orien-
tation des familles. On y voit vivre et évoluer une famille de la noblesse française. On y
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 115

COMPTES RENDUS 115

mesure avec force détails les origines et l’évolution de ses ressources. Sur ce point, ce
que nous apporte Érick Noël est décisif et sans doute définitif. L’exploitation des terres
à sucre dans les Antilles, des salines possédées dans l’île de Ré, ainsi que les rentes pro-
venant de diverses seigneuries entre Loire et Charente, nous sont en effet très fidèle-
ment restituées. L’importance du sucre (60 % des revenus annuels de François VII), la
fragilité de cette ressource, et donc sa difficile compatibilité avec une vie de rentier ayant
recours à l’emprunt, sont bien mises en évidence. Enfin, la description de la diversité
des itinéraires familiaux sous la Révolution est également instructive, et même passion-
nante.
L’historien demeure néanmoins quelque peu sur sa faim. Pour se documenter,
l’auteur a dû sillonner l’hexagone. L’essentiel, cependant, provient de trois sources : dix
cartons des papiers privés des Beauharnais, deux dossiers du Fonds Marine, des actes
notariés conservés dans le Minutier central (lesquels, bien que fort nombreux, se répar-
tissent seulement entre trois études). Cela n’est pas énorme. L’auteur avait donc tout le
temps nécessaire afin d’essayer de mettre ses sources en perspective. Ce qui ne fut pas
le cas. Le stade de l’analyse n’est pratiquement jamais dépassé. De fait, nombre de
pages ne servent qu’à retranscrire sous une forme dactylographiée les informations,
manuscrites, directement tirées des sources. La bibliographie concerne essentiellement
les études sur la famille étudiée. Des travaux relatifs à la prosopographie, à la généalogie

20h40. © Belin
sociale, ou bien à d’autres milieux sociaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle auraient
été pourtant fort utiles, afin de renforcer les bases méthodologiques d’une recherche
qui aurait gagné à être au moins un peu comparative. Si l’on apprend beaucoup sur les
Beauharnais, sur leurs alliances et leurs revenus, on a en effet du mal à les remettre en
contexte. Enfin, le lignage et l’évolution du clan ne sont éclairés qu’à partir d’un
Document

- 15/07/2019
nombre réduit d’individus et de points d’approche. Dans sa préface, Jean Chagniot sou-
Document

© Belin
ligne la « rapide élaboration de ce travail », signe, selon lui, de l’activité et de la rigueur de
son auteur. À lire cet ouvrage, on pourrait être amené à croire que la rapidité dans l’exé-
téléchargé

cution fut aussi la conséquence d’un travail parfois un peu trop partiel et toujours

12h19.
essentiellement descriptif.

- 187.237.25.10
téléchargé

Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU

- -- 05/02/2015
depuis
depuis
www.cairn.info

YVES BÉNOT, MARCEL DORIGNY (ÉD.), De prime abord, on est un peu perdu
Rétablissement de l’esclavage en découvrant ce livre, du fait de l’emboî-
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

dans les colonies françaises, 1802. Ruptures et tement de ses trois titres et sous-titres,
continuités de la politique coloniale lequel emboîtement ne correspond
française (1800-1830). Aux origines d’Haïti, d’ailleurs pas entièrement au plan de l’ou-
- - - - -187.237.25.10

Paris, Maisonneuve & Larose, 2003, 592 p., 35 € vrage : le rétablissement de l’esclavage par
Bonaparte (première partie) ; la consé-
www.cairn.info

quence immédiate ou l’indépendance d’Haïti (deuxième partie) ; les suites du rétablis-


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

sement de l’esclavage dans les autres colonies (troisième partie) ; les politiques des
puissances face à la traite et à l’esclavage » (quatrième partie) ; « les nouveaux projets
téléchargé

coloniaux » (cinquième partie). Deux articles pourront sembler mal insérés dans cette
perspective : celui, intéressant, de Carla Soto Mesa (sur l’esclavage au Chili, en général)
depuis

et celui, excellent, de David Brion Davis (sur les facteurs de l’abolitionnisme britan-
05/02/2015 20h40.

Document

nique). L’ensemble s’achève sur une conclusion d’une dizaine de pages, dont la pré-
sence vient relever une présentation introductive trop courte étant donnée l’importance
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 116

116 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

des thèmes abordés, ainsi que la grande qualité des textes présentés. Ce volume, issu
d’un colloque international organisé à l’Université de Paris VIII, en 2002, est en effet
d’un très grand intérêt. Les 33 articles font apparaître plusieurs thèmes majeurs.
Le premier est celui des raisons de la restauration de l’esclavage par Bonaparte,
ainsi que des résistances opposées à ce retour en arrière. Cette question est finement
introduite par l’article de Thomas Pronier (« L’implicite et l’explicite dans la politique
de Napoléon »). Repoussant à juste titre la thèse selon laquelle Bonaparte aurait alors
été mû par Joséphine et ses amis, l’auteur ne conclut cependant pas nettement à l’idée
d’un plan préétabli. Il préfère mettre en avant « une logique de restauration » passant
« nécessairement » par le rétablissement de l’esclavage. De son côté, Léo Elisabeth nous
renseigne utilement sur l’un des éléments de la politique de répression bonapartiste, à
savoir les 3 500 déportés des Petites Antilles vers la métropole (1801-1803). Allant dans
le même sens, Michael D. Sibalis montre tout l’intérêt des statistiques relatives au recen-
sement des 1 600 ou 1 700 Noirs établis en France en 1807. L’on se met alors à regret-
ter qu’il n’ait pas poursuivi son analyse plus dans le détail, ni établi de vraies
comparaisons avec ce que l’on sait sur les Noirs présents en France à la fin du
XVIIIe siècle. Ce que l’on sait de la contestation par les anciens esclaves martiniquais de
la remise en place de l’esclavage est rappelé par Lucien René Abénon ; un sujet que
Serge Mam Lam Fouck présente de façon plus fouillée à propos de la Guyane fran-

20h40. © Belin
çaise, tandis que Françoise Vergès (pour La Réunion), Frédéric Régent (pour la
Guadeloupe) et Arlette Gauthier (avec le thème de la résistance des femmes) permet-
tent fort judicieusement d’étendre à d’autres horizons, géographiques ou non.
Un second thème est celui du « surgissement » d’un État en Haïti. L’originalité de la
voie empruntée, de nature révolutionnaire, est soulignée à la fois par Sabine Manigat et
Document

- 15/07/2019
Yann Moulier Boutang. Le second replace cette originalité dans l’histoire des abolition-
Document

© Belin
nismes. La première s’intéresse surtout à ses conséquences pour le nouvel État haïtien.
Elle pointe notamment l’importance du rôle joué par l’armée dans la formation de
téléchargé

l’État, de la société et de l’économie de Haïti. De la même manière, Carolyn Fick

12h19.
montre combien la résistance populaire aux troupes menées par le général Leclerc, ainsi

- 187.237.25.10
téléchargé

que le rôle de Dessalines (lequel est également pointé dans l’article de Vertus Saint-

- -- 05/02/2015
Louis), ont pesé sur les fondations du nouvel État. Un reflet de ces tensions et précoces
depuis

divisions nous est donné par les deux grandes vagues de rébellions paysannes des
depuis

années 1807-1820 et 1843-1848. En les analysant, Michel Hector insiste sur le fait que
www.cairn.info

leur foyer privilégié fut le sud du nouvel État. On se rappellera alors que c’est le nord de
l’ex-Saint-Domingue qui avait joué un rôle important lors de la fameuse révolte de
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

1791. On voit ainsi que les difficultés du nouvel État ne peuvent pas s’expliquer uni-
quement par les conséquences de l’ordonnance de 1825 et la question de l’indemnité,
sujets auxquels sont consacrés trois articles, un peu courts, par François Blancpain,
- - - - -187.237.25.10

Gusti Klara-Pourchet et Jacques Adélaïde-Merlande.Tout cela permet, en conclusion, à


Jacky Dahomay et à Laënnec Hurbon d’écrire : « Haïti devra […] davantage s’ouvrir au
www.cairn.info

monde et abandonner un type de mémoire tourné vers la glorification d’un passé


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

héroïque, laquelle a pour effet de justifier les violations flagrantes des droits humains et
de perpétuer les dictatures » (p. 558).
téléchargé

Un troisième thème concerne l’impact de la révolte des Noirs de Saint-Domingue.


Il peut être subdivisé en trois parties. La première renvoie à ses effets en matière de
depuis

représentations et d’abolitionnisme. Analysant Les égarements du nigrophilisme, de Louis


05/02/2015 20h40.

Document

Narcisse Baudry Deslozières, Claude Wanquet souligne combien la révolte a pu faciliter


l’essor d’une pensée résolument raciste en France tandis que, plus loin, Lawrence
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 117

COMPTES RENDUS 117

Jennings expose les difficultés par lesquelles le mouvement abolitionniste français a


ensuite dû passer avant de se réorganiser, à partir des années 1820 ; un sujet sur lequel
la communication de Paule Brasseur est également précieuse. Mesurant les effets de
l’indépendance de Haïti sur l’opinion publique britannique, David Geggus présente
quant à lui un tableau très dense et tout en nuances, soulignant que l’événement donna
des arguments tout aussi bien aux abolitionnistes qu’à leurs adversaires esclavagistes.
De son côté, Alyssa-Goldstein Sepinwall examine comment les historiens américains
ont analysé la révolution haïtienne.
Une seconde conséquence de l’insurrection de Saint-Domingue est à rechercher du
côté des rapports entre la monarchie espagnole et la question coloniale (avec le très inté-
ressant article de Richard Hocquellet). Elle renvoie également à l’essor de l’économie de
plantation à Cuba (articles d’Alain Yacou et de Dale Tomich, lequel montre très bien com-
ment la relance du système esclavagiste cubain pouvait parfaitement s’accommoder avec
les préceptes du libre échange). La naissance de l’État de Haïti eut aussi d’autres consé-
quences, qui nous amènent à mieux percevoir la transition entre la colonisation ancien
style (celle de l’époque moderne) et celle qui allait se déployer au XIXe siècle : expansion
territoriale des États-Unis (Dolores Hernandez Guerrero), projets de conquête du
Maghreb sous la Révolution et l’Empire (Rachida Tlili), puis de l’Algérie (Yves Bénot),
justifications d’une nouvelle forme de colonisation apportées par Sismondi (article fort

20h40. © Belin
bien nuancé de Marcel Dorigny) et par Virey (Jean-Claude Halpern).
Deux idées reviennent de manière récurrente dans l’ouvrage. La première est celle
d’un rétablissement de l’esclavage présenté comme absolument contraire à l’esprit et
aux principes de la Révolution. Cette idée est cependant plus présentée et répétée que
véritablement étayée. D’autant plus que « la » Révolution fut un processus complexe et
Document

- 15/07/2019
multiforme qu’il est parfois difficile de caractériser dans son ensemble. À ce propos,
Document

© Belin
Bernard Gainot et Bénédicte Fortier montrent fort bien que c’est le Directoire qui est
allé le plus loin dans une politique « d’assimilation » des colonies. La seconde idée tra-
téléchargé

versant l’ouvrage est celle d’une sorte d’inéluctabilité du processus ayant mené, au XIXe

12h19.
siècle, à une nouvelle vague de colonisation. Ce qui n’est pas totalement certain, et

- 187.237.25.10
téléchargé

pourrait surprendre : l’un des intérêts de cet ouvrage est en effet de souligner – en insis-

- -- 05/02/2015
tant sur la rupture que représente le rétablissement de l’esclavage, en 1802 – que rien
depuis

n’était irrémédiable ou inéluctable, en matière d’abolition. Au total, voilà donc un livre à


depuis

la fois utile et intéressant, que l’on ne peut que recommander du fait de la qualité des
www.cairn.info

études rassemblées.
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132

Olivier PÉTRÉ-GRENOUILLEAU
depuis www.cairn.info
- - - - -187.237.25.10

MARC FERRO (ÉD.), Ce livre s’inscrit dans la lignée du Livre


noir du communisme, paru en 1997, et du
Le livre noir du colonialisme. XVIe-XXIe siècle :
www.cairn.info

de l’extermination à la repentance, succès éditorial qu’on lui connaît. Il a pour


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

Paris, Robert Laffont, 2003, 843 p., 29€ objet principal de dresser un bilan des
aspects les plus dramatiques de la colonisa-
téléchargé

tion. Le terme de « colonialisme », préféré à celui de « colonisation », place d’emblée le


point de vue et le départ de l’analyse du côté de ce qu’ont vécu et de ce que ressentent
depuis

les colonisés. Il permet surtout d’englober toute une série de phénomènes allant des
05/02/2015 20h40.

Document

conquêtes, de l’extermination, de l’esclavage, de la déportation à l’exploitation écono-


mique et aux nouvelles formes de colonialisme. Rappelant que, pour Hannah Arendt,
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 118

118 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

l’impérialisme colonial figure en bonne place aux côtés du nazisme et du communisme,


les auteurs de ce livre abordent le colonialisme comme un totalitarisme, dont ils décryp-
tent les crimes et les discours de légitimation qui les accompagnent. L’emprunt aux
observations et aux analyses d’autres expériences historiques, et notamment de celle
des régimes totalitaires, est donc pleinement revendiqué. Massacres, confiscations de
biens, racisme et discriminations sont en effet des éléments communs à ces expériences.
Cependant, des nuances sont apportées immédiatement aux possibilités de compara-
tisme, puisque, comme le souligne Marc Ferro, la mise en cause de la colonisation a été
très précoce (Las Casas, 1540). Les méfaits de la colonisation n’ont jamais été cachés,
mais les sociétés occidentales n’ont pas voulu les voir, ce qui déplace un peu la problé-
matique par rapport à d’autres expériences totalitaires.
Comme l’indique le sous-titre, l’ambition du livre est de couvrir un phénomène
international et observable sur la longue durée, depuis la question de l’esclavage antique
jusqu’aux récentes cérémonies de pardon. Marc Ferro anticipe dans l’introduction les
critiques qui pourraient surgir du fait du caractère englobant de cette entreprise, en
rappelant que des variables doivent être établies, tant la colonisation russe en
Tchétchénie, celle de l’Afrique Noire par la France ou encore le néocolonialisme nord-
américain, traité dans l’ouvrage, sont des visages du colonialisme qui présentent des
caractères particuliers.

20h40. © Belin
Comment envisager alors un phénomène aussi multiforme que le colonialisme
ainsi pris en compte, quelle méthode d’analyse privilégier ? Quelques remarques préli-
minaires à la présentation du livre peuvent être faites. Ainsi, la tentation de l’exhaustivité
se heurte d’emblée à la question du plan, dont les déséquilibres internes font apparaître
les difficultés propres à la volonté de traiter de tous les colonialismes possibles. Les deux
Document

- 15/07/2019
premières parties, brèves, traitent de l’extermination, puis de la traite et de l’esclavage.
Document

© Belin
La troisième, intitulée « Domination et résistances », aborde en plus de 400 pages, par
grande région du monde, les conquêtes coloniales et leurs conséquences. La 4e partie,
téléchargé

intitulée « le sort de femmes », ne comporte qu’un article, au demeurant fort intéressant.

12h19.
Les auteurs ont-ils voulu ici attirer l’attention sur les Genders Studies, sans trouver

- 187.237.25.10
téléchargé

cependant de quoi nourrir de manière plus conséquente cette partie ? Enfin, la dernière

- -- 05/02/2015
partie, « Représentation et discours », fait le point de manière assez complète sur les dif-
depuis

férentes études sur les cultures coloniales. Comme dans toute entreprise collective, les
depuis

articles sont de formes très diverses, avec ou sans bibliographie, et il semble que les
www.cairn.info

auteurs aient eu ici toute latitude quant à la longueur de leur texte, et même à l’optique
adoptée. La réédition de certains articles, écrits dans un autre contexte que celui de la
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

problématique du livre (voir les textes de Leslie Manigat et de David Nicholls sur
Haïti), confirme cette volonté de ne pas enfermer les analyses dans un moule unique.
Dernière remarque formelle : la présence d’annexes insérées dans les articles est tout à
- - - - -187.237.25.10

fait bienvenue, mais il est dommage que certains textes soient utilisés comme des illus-
trations plutôt que comme véritable support pour une analyse critique. Les sources de
www.cairn.info

l’histoire du colonialisme attendent sans doute un traitement analytique et archivistique


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

que les multiples pistes ouvertes par ce livre doivent inciter à poursuivre.
On ne retiendra que quelques exemples pour tenter de rendre compte de la diver-
téléchargé

sité des propos et des analyses, tant le contenu du livre est impossible à résumer. Dans
une brillante synthèse sur l’extermination des Indiens en Amérique du Nord, Pap
depuis

Ndiaye retrace les débats historiographiques sur le décompte des Indiens, et statue sur
05/02/2015 20h40.

Document

la question centrale du génocide, défini comme destruction systématique d’un groupe


humain et dont les colons sont bien responsables, quand bien même ils n’auraient pas
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 119

COMPTES RENDUS 119

eu un projet d’extermination organisée. À contre-courant d’une historiographie tradi-


tionnelle encore vivante, Pap Ndiaye insiste sur l’importation des maladies, la guerre
biologique menée par les colons, et les ravages de guerre, pour rappeler qu’il est erroné
de ne voir dans ces phénomènes que des « conséquences », volontaires ou involontaires
de la colonisation, alors qu’ils en sont la caractéristique essentielle. Dans une même
perspective, l’article d’Alastair Davidson sur le génocide des Aborigènes d’Australie
dresse le bilan dramatique d’une histoire sanglante et violente qui n’est pas terminée.
Deux articles, qui se complètent, font le point sur la question de l’impérialisme ibé-
rique. Carmen Bernand décrit les impérialismes ibériques et analyse notamment l’en-
trée forcée des Indiens dans l’économie monétaire, la destruction du système de
polyculture et le redécoupage de l’espace américain en fonction des intérêts métropoli-
tains. Jacques Poloni-Simard s’interroge sur la constitution d’une société coloniale ori-
ginale à partir de l’exemple de la conquête castillane et sa manière d’enrôler les caciques
locaux dans son entreprise. En analysant l’importance du jeu laissé aux Indiens dans les
rouages coloniaux, l’auteur tente une analyse qui ne fasse pas seulement des colonisés
des victimes, mais aussi des acteurs du processus (sans jamais nier bien sûr la violence
du fait colonial et de ses manifestations). Ce qui lui permet de conclure sur une forme
spécifique de colonisation : « Les possibilités de la mobilité, le métissage, la justice
comme lieu de régulation (certes asymétrique) des conflits et les diverses formes d’arti-

20h40. © Belin
culation sociale caractérisent cette colonisation d’Ancien Régime » (p. 200).
Marie Fourcade, dans l’esprit du Livre noir du communisme, et à l’instar du
décompte fait par Pap Ndiaye à propos des Indiens ou des esclaves du sud, tente de
dresser un bilan chiffré du colonialisme britannique en Inde. Son long article analyse les
responsabilités britanniques, tant dans la modernisation (désenclavement des trans-
Document

- 15/07/2019
ports, meilleure circulation des vivres), que dans les famines par exemple. Le « cynique-
Document

© Belin
ment correct » est l’expression qui doit ici rendre compte de la politique coloniale menée
par les Anglais
téléchargé

La colonisation arabe est un phénomène moins connu de l’historiographie fran-

12h19.
çaise. Catherine Coquery Vidrovitch dresse l’histoire de la colonisation sur la côte est

- 187.237.25.10
téléchargé

africaine par le sultan d’Oman ; et montre notamment la mise en place d’un véritable sys-

- -- 05/02/2015
tème esclavagiste lié à la production du clou de girofle. La position ambiguë des
depuis

Britanniques face à cette colonisation, condamnée et tolérée, est analysée ici avec nuance.
depuis

Arlette Gautier dresse une belle synthèse sur les femmes et le colonialisme, posant
www.cairn.info

d’emblée un constat : « Le statut des femmes demeure un des points où l’impact de la


colonisation paraît le moins négatif, voire dans certains cas, positif. Ce point de vue
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

n’est pas forcément celui des colonisées » (p. 569). Nourri par une bibliographie riche et
prenant en compte les travaux les plus récents, cet article, qui s’appuie sur des exemples
en Afrique, aux Antilles, en Inde et au Vietnam, fait le point sur les questions comme la
- - - - -187.237.25.10

résistance à l’enfantement des esclaves, la réinvention des droits coutumiers défavo-


rables aux femmes par les colonisateurs, la pratique du viol en Algérie, le rôle des
www.cairn.info

femmes dans la rébellion, entre autres.


- 10.0.0.132 - 15/07/2019

Dans la dernière partie, on retiendra ici l’article original de Mariella Villasante


Cervello sur la négritude, qui analyse l’idéologie négro-africaine de Mauritanie
téléchargé

comme une forme de racisme différencialiste hérité de la colonie française. Cette


hypothèse suppose de revenir sur la victimisation des Africains qui, selon l’auteur,
depuis

entrave encore aujourd’hui les analyses historiques. L’intérêt est surtout de montrer
05/02/2015 20h40.

Document

que la négritude, fait d’une élite africaine bourgeoise, peut devenir une revendication
des mouvements nationalistes, s’appuyant sur ces classements raciaux, étrangers aux
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :


4171_110_144 25/11/05 13:50 Page 120

120 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

classements endogènes, et qui sont à l’origine de violences qui déchirent l’Afrique


aujourd’hui, comme celles qui existent entre la Mauritanie et le Sénégal.
Ces quelques exemples ne donnent qu’un aperçu de la multiplicité des cas étudiés
et de la riche variété des modes d’analyse présents dans ce livre. Le comparatisme
revendiqué dans l’introduction apparaît pourtant à l’issue de la lecture comme une
entreprise toujours repoussée. Seuls quelques articles tentent ce périlleux exercice
(Marc Ferro dans l’introduction et dans son article sur la traite et l’esclavage, Yves
Bénot sur la décolonisation, Arlette Gautier dans son article sur les femmes, essentielle-
ment). L’introduction avertit : « on trouvera les éléments d’une comparaison… », mais
c’est sans doute là demander au lecteur un effort de synthèse qu’une conclusion, par
exemple, aurait pu aider. Plusieurs thématiques courent d’un article à l’autre, et mérite-
raient sans doute qu’on les aborde de front pour rendre compte de manière synthétique
de l’histoire du colonialisme. Au-delà des articles de synthèse monographiques – qu’im-
posait la volonté d’établir un bilan du phénomène – quelques axes de recherche sem-
blent en effet se dessiner ici, qui permettraient de reprendre les questions les plus
connues et de les approfondir de manière novatrice. On retiendra en guise d’exemple
quatre thématiques transversales.
Tout d’abord, l’importance de la référence racialiste créée par le scientisme au
XIXe siècle (voir Pierre Brocheux au sujet de l’Indochine, Catherine Coquery Vidrovith

20h40. © Belin
dressant l’histoire du préjugé de l’infériorité noire). Deuxièmement, l’intérêt pour les
victimes de la colonisation, qui peut conduire à faire leur histoire comme acteurs d’un
processus qu’ils ne maîtrisent certes pas, mais dans lequel ils jouent un rôle (voir l’ana-
lyse du rôle des caciques par Carmen Bernand, celle des résistances nationales au
Vietnam analysées par Alain Ruscio, ou encore les résistances caucasiennes décrites par
Document

- 15/07/2019
Claire Mouradian).Troisièmement, les violences coloniales, qui apparaissent très claire-
Document

© Belin
ment à travers les analyses de systèmes concentrationnaires (Ainsi de l’esclavage consi-
déré comme un système dans les analyses de Pap Ndiaye ou de Catherine
téléchargé

Coquery-Vidrovitch, dans les articles de Pascal Cornuel sur la Guyane française ou de

12h19.
M. Bokolo à partir de l’exemple de la colonisation de l’Afrique centrale). Enfin, la ques-

- 187.237.25.10
téléchargé

tion de l’occultation du passé colonial et, conséquemment, des conditions même d’une

- -- 05/02/2015
histoire du colonialisme (problème de reconnaissance du génocide des Aborigènes
depuis

évoqué par Alastair Davidson, question des réparations pour les esclaves américains
depuis

traitée par Pap Ndiaye, occultation du passé dans la société néerlandaise que montre
www.cairn.info

Thomas Beaufils).
À ce dernier thème est liée la brûlante question de l’indemnisation. Elle fait
www.cairn.info

- - - 10.0.0.132
depuis www.cairn.info

d’ailleurs l’objet d’un épilogue vertigineux, dans lequel Nadja Vuckovic montre l’am-
pleur du problème et les contradictions internes qu’implique l’entrée dans un processus
de réparation, de pardon et de dédommagements. Ainsi de la réclamation d’un certain
- - - - -187.237.25.10

nombre de pays africains qui oublient la participation active des élites et du pouvoir, et
les rancœurs entre ethnies qui subsistent de ce fait encore aujourd’hui. De ce point de
www.cairn.info

vue, le rôle social de l’historien du colonialisme se révèle des plus périlleux, tant il s’agit
- 10.0.0.132 - 15/07/2019

d’une histoire qui n’est pas terminée. Le livre noir du colonialisme pose donc des jalons
indispensables pour tenter de comprendre et d’éclairer un phénomène historique et
téléchargé

actuel. Aussi est-ce un bilan nécessairement inachevé, mais dont on peut espérer qu’il
stimulera des enquêtes renouvelées.
depuis
05/02/2015 20h40.

Hélène BLAIS
Document
Document téléchargé
12h19. © Belin

Le livre noir du colonialisme. XVI<sup>e</sup> - XXI<sup>e</sup> siècle :

Você também pode gostar