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DE NOUVEAUX MODÈLES

DE MUSÉES?

Formes et enjeux des créations


et rénovations de musées en Europe

XIXe-XXIe siècles
@ L'Harmattan, 2008
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan 1@wanadoo.fr

ISBN: 978-2-296-07436-1
EAN : 9782296074361
Anne-Solène Rolland
et Hanna Murauskaya (dir.)

DE NOUVEAUX MODÈLES
DE MUSÉES?

Formes et enjeux des créations


et rénovations de musées en Europe

XIXe _XXIe siècles

L'Harmattan
Ouvrage issu du colloque pluridisciplinaire « De l'imitation dans
les musées, diffusion des modèles de musées, XIXe_XXIe siècles »,
organisé à l'École Normale Supérieure les 5, 6 et 7 décembre 2007
avec le soutien du Département Histoire et Théorie des Arts de
l'ENS.

Coordination éditoriale:
Anne-Solène Rolland
avec Mathilde Labbé
et Sarah Legrain

Remerciements

Anne-Solène Rolland et Hanna Murauskaya remercient tous les participants


au colloque et contributeurs à ces Actes. Elles remercient également l'ENS
d'avoir accepté d'accueillir le colloque et en particulier Mme Béatrice
Joyeux-Prune!, maître de conférences au DHTA de l'ENS, pour son soutien
constant tout au long de ce projet. Nous remercions également, au musée du
quai Branly, le Département du Patrimoine et des Collections et le
Département de la Recherche et de l'Enseignement.
Nos remerciements vont aussi à Aysegül Cihangir, Manon Deriennic,
Alexandra Fricker, Xavier Rey, Sarah-Neel Smith, étudiants de l'ENS, pour
toute l'aide qu'ils nous ont apportée dans l'organisation du colloque. Enfin,
Anne-Solène Rolland remercie très chaleureusement Sarah Legrain et
Mathilde Labbé sans qui la publication de ces Actes n'aurait pas été
possible, ainsi que Denis Rolland, Joëlle Chassin et Isabelle Cadoré pour
leur aide précieuse dans l'édition de cet ouvrage.
SOMMAIRE

Introduction... 7

Chapitre 1 : L'ère moderne entre au musée: modèles


domestiques et industriels
Transpositions du South Kensington Museum en France 19
Le musée national suisse et ses modèles muséaux, industriels et privés. 35
La réouverture du musée des arts décoratifs: analyse des nouveaux
enjeux muséographiques 49
Chapitre 2 : Le musée d'art comme contre-modèle
Les modèles du musée de collectionneur 71
« Ceci n'est pas un musée» : le développement des fondations privées
d'art contemporain en Europe dans les années soixante 85
Le musée d'art contemporain et le modèle du Mouseion alexandrin :
étude de l'idée non réalisée du Musée d'Art Actuel de Jerzy Ludwillski... 99
Chapitre 3 : Le musée monographique, un modèle singulier
Entre filiation du modèle théorique et création d'un musée
monographique inédit: le musée National Marc Chagall 113
Le Musée Pompon, un musée de sculpture iTançaisedans les années
trente: analyse d'un échec 133
Quel modèle pour les musées littéraires? L'exemple de la Maison de
Balzac 151
Chapitre 4 : Repenser l'appartenance territoriale du musée
Les modèles de musées: spatialités et temporalités, étude des
dynamiques de localisations en Picardie 163
Le musée de l'Agglo d'Elbeuf: identités et modèles 179
Conserver ou réanimer la Provence: le Museon Ar/aten entre
ethnographie et identité 195
Réinventer le propos du Museon Ar/aten : une mise en abyme du
musée ethnographique 213
Montrer une collection internationale d'art contemporain: un ou
plusieurs modèles? La place des différents pays sur les cimaises du
Centre Georges Pompidou, de la Tate Modern, du MoMA et dans le
monde international de l'art 219
Chapitre 5 : Musées et diversité culturelle: enjeux et
propositions
Le Jüdisches Museum Berlin et le paradoxe apparent des « musées
identitaires » 237
La création de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration
(CNHI) : vers un nouveau modèle du musée de société ou la
réinvention du musée d'histoire coloniale? 257
Des limitations dans les écomusées: l'éthique des communautés
contre le modèle des musées 271
Chapitre 6: Le musée, un lieu d'échanges interculturels ?
Le Louvre à Abu Dhabi ou la quête du cosmopolitisme 293
Le Louvre à Abu Dhabi. Exemple de musée universel ou
d'universalisation du concept de musée 315

Les auteurs 331


Table des matières détaillée 335
INTRODUCTION

Anne-Solène Rolland
et Hanna Murauskaya

« Chaque musée promeut des fonnes d'exposition en


fonction des traditions muséographiques dont ses responsables
sont issus, de la nature [...] des collections dont il dispose, des
habitudes locales ou nationales de consommation culturelle, des
compétences qu'il suppose chez ses visiteurs et des objectifs
d'éducation ou de propagande qu'il se fixe» '.
L'anthropologue Philippe Descola résume ainsi la
complexité de la nature et de la définition du musée. Institution
vieille de plus de deux cents ans sous la fonne que nous lui
connaissons, le musée est un lieu mythique, polymorphe,
insaisissable et toujours changeant. L'ambition du colloque
« De l'imitation dans les musées, diffusion des modèles de
musées, XIXe-XXr siècles» était de revenir sur la nature même
du musée et de tenter d'en théoriser les modèles, les influences
et les évolutions, de sa création à nos jours. La définition de ce
que doit et peut être un musée, les critères qui régissent ce
travail de définition, l'importance de la référence à d'autres
musées dans la création ou la rénovation d'une institution:
telles sont les interrogations que les contributions rassemblées
dans les deux ouvrages qui constituent les Actes de colloque ont
placées au cœur de leur réflexion, à l'aune d'exemples de
musées de types, de nationalités et d'époques variés2.

1. Philippe Descola, «Passages de témoins », Le Débat na 147, Le moment du


Quai Branly, décembre 2007, Paris, Gallimard, pp. 136-153. Ce numéro du Débat
questionne précisément la question du modèle du quai Branly.
2. Cet ouvrage est complété par un deuxième volume chez le même éditeur
intitulé Musées de la Nation, créations, transpositions, renouveaux, Europe,
XIXe-XXr siècles.

7
Un nouvel âge d'or des musées

Les musées, depuis les années 1980, connaissent une


dynamique nouvelle, qui s'exprime par des innovations tant
muséographiques qu'économiques et socialesl. Le début du xxr
siècle semble marquer une nouvelle accélération de cette phase de
l'histoire des musées. Partout dans le monde sont créés de grands
musées qui allient souvent un geste architectural fort, une approche
renouvelée des collections et une vision plus large du musée. Cette
actualité des musées est l'occasion de revenir sur leur nature et
leurs définitions, pour tenter de mettre en lumière les éléments de
nouveaux modèles de musée qui apparaissent aujourd'hui. Cet
ouvrage se consacre ainsi plus particulièrement à la question du
renouveau du concept du musée dans le cadre de créations ou de
rénovations.
Pour percevoir ce qui, dans ce foisonnement de projets, est
novateur, il faut avant tout repartir de définitions officielles et
traditionnelles du musée.

/
1. Citons ici quelques ouvrages récents sur ce sujet: L avenir des musées ( actes
du colloque international, musée du Louvre, 23-25 mars 2000), Paris, R.M.N.,
2001. Serge Jaumain (dir.), Les musées en mouvement, nouvelles conceptions,
nouveaux publics, Belgique, Canada, Bruxelles, Éditions de l'Université de
Bruxelles, 2000. Dominique Poulot et Catherine Ballé, Musées en Europe: une
mutation inachevée, Paris, La Documentation française, 2004. Anne Krebs, Bruno
Maresca (dir.), Le renouveau des musées, Collection Problèmes politiques et
sociaux (n° 910), La Documentation française, mars 2005. Jean-Michel Tobelem,
Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au diji de la gestion, Paris,
Armand Colin, 2005. Joëlle Le Maree, Publics et musées, la confiance éprouvée,
L'Harmattan, Paris, 2007. Voir également les travaux de Françoise Benhamou,
parmi lesquels: « The Evolution of Cultural Organizations. The Case of French
Museums» in Peter B. Boorsma, Annemoon van Hemel, Niki van der Wielen
(dir.) Privatization and Culture. Experiences in the Arts, Heritage and Cultural
Industries in Europe, Amsterdam, Kluwer Academic Publishers, 1998, pp. 95-110,
et « Économie des musées. Un état de l'art », Culture et Musées, n° 2, Actes Sud,
2003, pp. 35-52. Plusieurs numéros des revues Publics et Musées (Presses
universitaires de Lyon) puis Culture et Musées (Actes Sud), éditées par Jean
Davallon et Hana Gottesdiener, sont consacrés à ces questions.

8
L'ICOM1 donne du musée la défInition suivante:
« Les musées sont des institutions pennanentes sans but lucratif
au service de la société et de son développement, ouvertes au
public; ils acquièrent, conservent, diffusent et exposent à des
fins d'étude, d'éducation et de plaisir les témoignages matériels
et immatériels des peuples et de leur environnement »2.
La défInition offIcielle du Ministère de la Culture
français, pour sa part, est la suivante:
« Est considérée comme musée [...] toute collection
pennanente composée de biens dont la conservation et la
présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la
connaissance, de l'éducation et du plaisir du public» 3. [...]
« Les musées de France ont pour missions pennanentes de :
1) conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections;
2) rendre leurs collections accessibles au public le plus large;
3) concevoir et mettre en œuvre des actions d'éducation et de
diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture;
4) contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche
ainsi qu'à leur diffusion» 4.
Ces défInitions proches - mais qui se distinguent
essentiellement par l'accent que met la loi française sur la
notion de « collection pennanente» - énoncent le cœur des
missions des musées, quels que soient leur statut et leur
nationalité. Elles constituent le dénominateur commun autour
duquel les musées se construisent et s'organisent, depuis leur
création. La part de nouveauté des grands musées d'aujourd'hui
ne porte donc pas tant, dans bien des cas, sur ces missions en

1. International Council of Museums / Conseil International des Musées,


organisation non gouvernernentale créée en 1946. «L'ICOM établit des normes
professionnelles et déontologiques applicables aux activités des musées, promeut
la formation, fait progresser les connaissances, émet des recommandations sur ces
sujets et sensibilise le public à la conservation du patrimoine, via des réseaux
mondiaux et des programmes de coopération ». (Statuts adoptés en 2007, source
http://icom.museum).
2. Source: Code de déontologie de l'ICOM pour les musées, édition 2006, p. 14.
3. Code du patrimoine, Livre 4 «Musées », Titre 1"', Art L 410-1.
4. Code du patrimoine, Livre 4 «Musées », Titre IV, Chapitre l "', article L441-1.
L'appellation «musées de France» renvoie ici à un label défini dans les articles
suivants du Code du Patrimoine, accordé par le Ministère de la Culture.

9
elles-mêmes que sur l'importance relative qui leur est accordée
et les formes qu'elles prennent dans chaque institution.

Quelques grandes tendances actuelles: vers de nouveaux


modèles de musées?

Dans l'extrême diversité de projets actuels se dégagent


de grandes tendances, qui concernent aussi bien les contenus
des musées que leurs modes de fonctionnement. Ces tendances
constituent les éléments d'une nouvelle définition du musée, de
nouveaux modèles muséaux qu'interroge cet ouvrage.
Ainsi, la vocation politique et sociale des musées, qui
rejoint leur mission d'éducation, est aujourd'hui souvent
l'élément central du discours des musées. Cette idée n'est pas
nouvelle, mais sa généralisation actuelle en fait un élément
majeur d'une nouvelle conception du musée. Elle s'applique,
d'une part, à l'importance accordée au public des musées, à leur
diversification et à leur satisfaction. Elle sous-tend d'autre part,
comme le montrent plusieurs contributions de cet ouvrage,
l'ancrage des musées dans leurs territoires et auprès des
populations minoritaires, ce qui constitue sans doute l'une des
innovations récentes les plus importantes.
Cela va de pair avec une mission de divertissement, au
sens noble du terme, également plus à l'honneur actuellement
qu'elle ne l'a été, qui fait du musée un lieu pluridisciplinaire
destiné à tous. Les propos, les acteurs et les points de vue se
multiplient, dans l'idée d'accueillir un public le plus large
possible. Cette tendance à ouvrir le musée à d'autres disciplines
et d'autres formes d'expression est l'un des changements
majeurs de la fin du XXe siècle, dont le modèle en France a été
le Centre Pompidou, inauguré en 1977.
Les collections font, quant à elles, de plus en plus
l'objet d'une utilisation différente, insérées dans des
dynamiques d'échanges, de confrontations avec le
contemporain l, de mélanges hier impossibles. L'idée d'un
musée sans collections, sacrilège pour beaucoup encore dans les

1. On pense en particulier aux expositions « Contrepoints» du musée du Louvre et


«Correspondances» du musée d'Orsay.

10
années 1980, est aujourd'hui concevable - même en France où
la collection, comme le souligne la définition déjà citée, est au
cœur de la définition du musée. C'est ce nouveau modèle
qu'illustrent par exemple le jeune musée de l'Europe de
Bruxelles! ou les centres d'art contemporain, héritiers du
modèle germanique de la Kunsthalle, qui ont fleuri partout ces
vingt dernières années.
Enfin, le monde des musées, plus encore qu'auparavant,
s'est lui aussi mondialisé dans la deuxième moitié du XXe
siècle. Au-delà des aspects politiques et économiques, cette
mondialisation s'exprime par la multiplication et la
systématisation des échanges entre musées et entre
professionnels des musées en matière de conservation,
d'expositions, d'acquisitions etc. La surenchère architecturale
dont font preuve les grands projets actuels partout dans le
monde est une autre manifestation de ce nouveau mode de
relations, autant faites de partage que de concurrences, entre des
musées et des villes qui s'adaptent à une ère où l'architecture de
prestige est devenue signe extérieur de compétitivité2.

Ruptures et continuités

Explorant plusieurs de ces grandes tendances, les


contributions rassemblées dans cet ouvrage s'efforcent de
définir les nouveaux modèles réels de musées qui semblent s'en
dégager, soit qu'une institution incarne à elle seule un nouveau
modèle, soit que de nouveaux modèles théoriques émergent.
Mais elles ont également pour ambition de revenir sur les
origines et les influences qui transparaissent tant dans ces
projets les plus récents que dans les musées qui ont autrefois,
par leurs approches novatrices, marqué leur temps.

1. Un article d'Isabelle Benoit est consacré à ce projet original dans l'autre volume
de ces Actes, Musées de la Nation, créations, transpositions, renouveaux, Europe,
XIXe_XXle siècles, Paris, l'Harmattan, 2008.
2. Sur l'architecture des musées d'aujourd'hui, voir notamment Museums in the
21st Century: Concepts, Projects, Buildings, Prestel Verlag, Munich, 2006,
catalogue d'une exposition itinérante produite par l'Art Centre de Bâle (jusqu'en
janvier 2009 à Oslo au National Museum of Art, Architecture and Design, puis
jusqu'en 201 I dans d'autres musées en Europe et aux États-Unis).

11
Cet âge d'or nouveau et incontestable des musées a, en
effet, peu été étudié en relation étroite avec I'histoire des
musées. Si la fin du XXe siècle a été, à raison, identifiée comme
une période de renouveau des musées, faite de nouvelles
propositions et de ruptures dans certains cas, elle hérite aussi de
nombreux précédents - définitions, interrogations et remises en
cause des modèles de musées depuis leur création. Toute
institution muséale a ses inspirations, qu'il s'agisse de rénover
un musée existant, de créer un musée d'un type classique et
bien identifié ou d'inventer un nouveau type de musée.
Le monde des musées, comme tout milieu intellectuel,
est par excellence un monde d'échanges et d'influences. Ainsi,
par l'intermédiaire notamment d'associations de professionnels
des musées, nationalesl ou internationales, au premier rang
desquelles l'ICOM joue un rôle fondamental, les musées
d'aujourd'hui s'inspirent les uns des autres, discutent de leurs
choix stratégiques, culturels, éthiques. Cette question des
échanges, parfois des rivalités, largement abordée dans les
contributions rassemblées dans l'autre volume de ces Actes2, est
aussi ancienne que les musées. Certaines institutions, comme le
Louvre, le South Kensington Museum de Londres, le Skansen de
Stockholm, le MaMA, plus récemment en France les écomusées
développés par Georges-Henri Rivière ou le Centre Pompidou,
se sont imposées comme des références évidentes et ont été
copiées, transposées ou parfois explicitement rejetées - ce qui
est une autre manière de les identifier comme « modèles ».
Certaines catégories de musées, comme les musées de sciences
et les musées de société, ont joué ce même rôle, inventant,
réinventant des approches par la suite adoptées par d'autres
types de musées3.

1. On pense notamment à l'Association Générale des Conservateurs de collections


publiques de France (AGCCPF), aux associations régionales de conservateurs, à
l'Office Central d'infonnation muséographique (OCIM).
2. Musées de la Nation, créations, transpositions, renouveaux, Europe, XIXe-
XXIe siècles, Paris, l'Hannattan, 2008. L'introduction de cet ouvrage revient
en particulier sur la démarche comparatiste et les méthodes d'analyse
privilégiées dans l'ensemble des contributions du colloque.
3. Il faut noter ici que ce colloque n'a pu aborder tous les types de musées, et que
manquaient notamment des analyses du cas des écomusées en France et de
l'histoire des musées scientifiques. Sur ces derniers, voir le numéro 10 de Culture

12
Le colloque «De l'Imitation dans les musées»
souhaitait donc remettre en perspective les musées
d'aujourd'hui en enrichissant les analyses économiques et
sociologiques du regard des historiens du patrimoine. L'objectif
était de mettre en lumière non seulement les ruptures que
marquent certains nouveaux musées, mais aussi les continuités
qui ont existé et subsistent dans l'histoire et la définition des
musées. Les contributions ici rassemblées ont pour point
commun d'explorer les formes et les modes des renouveaux et
créations de musées hier et aujourd'hui. Comme le rappelle
Philippe Descola, les musées, comme toutes les institutions,
sont l'émanation d'un contexte, d'une histoire, d'une
géographie spécifiques. On est en droit alors de se demander où
se situe la part réelle de nouveauté apportée par un musée, où
commence l'influence du contexte et où s'arrête l'inspiration de
modèles existants.
Les propositions d'aujourd'hui s'inscrivent-elles dans
une continuité théorique et chronologique forte ou bien se
veulent-elles en rupture? Pourquoi certains musées sont-ils
reconnus comme de nouveaux modèles? Comment les grandes
tendances de définition des musées naissent-elles, se diffusent-
elles, s'imposent-elles? Comment et à partir de quelles
références un musée se construit-il, d'un point de vue tant
théorique que pratique? Voici quelques-unes des questions
auxquelles les contributions de cet ouvrage tentent de répondre,
dans un cadre méthodologique emprunté à la fois à l'histoire
culturelle, à l'étude des transferts culturels et des histoires
comparées et à l'analyse muséographique.

Quelques modèles de musées, hier et aujourd'hui

Les textes rassemblés dans ce volume s'organisent en


six thèmes. Se répondant les uns aux autres, ils présentent des
exemples variés de propositions théoriques et concrètes qui,
chacune à leur échelle, modifient, enrichissent, renouvellent la
notion de musée.

et Musées, « Évolution des rapports entre sciences et société au musée », Actes


Sud, novembre 2007.

13
Les musées d'arts décoratifs, dont l'histoire et
l'actualité à ParisI ouvrent ce volume, nous semblent
aujourd'hui presque banals. Pourtant, ce type de musée apparu
dans la seconde moitié du XIXe siècle partout en Europe a
constitué un vrai changement car il sortait du cadre jusqu'alors
fixé aux musées: il s'écartait des modèles établis par les
musées d'art et d'archéologie. En présentant des arts considérés
comme mineurs, dans un but d'éducation et de stimulation de la
création artisanale et industrielle, il posait, et pose encore
aujourd'hui, la question de la nature et des buts de l'institution
muséale, ainsi que celle de ses rapports avec la vie quotidienne
et l'activité économique.
S'inscrivant également en opposition au modèle du
musée de beaux-arts tel qu'il s'était développé tout au long du
XIXe siècle, certains projets, comme les musées de
collectionneurs ou les fondations privées qui fleurirent au XXe
siècle, apportèrent de nouveaux éléments à la définition du
musée. Le deuxième chapitre de cet ouvrage propose ainsi trois
exemples de ces véritables «contre-modèles» qui tentent de
repousser les limites de la définition du musée.
Le troisième chapitre se propose d'explorer une forme
originale du musée, le musée monographique, aux collections et
aux enjeux spécifiques. Trois propositions françaises très
distinctes permettent de mesurer toute l'originalité de ce type
d'institutions.
La question du territoire est au cœur du quatrième
chapitre. Cette tendance fondamentale des musées à se redéfmir
par rapport à leur territoire s'exprime à différentes échelles et
par différentes évolutions. De même, la question de la diversité
culturelle, qui fait l'objet du chapitre suivant, pose la question
du discours des musées aujourd'hui. Ancrés dans un territoire,
dans une histoire, auprès de populations spécifiques, les musées
réfléchissent souvent aujourd'hui différemment à leur propre
propos. Ces deux chapitres montrent la grande diversification
récente, dans le monde, des acteurs, des discours et de la nature
même des musées.

1. Le musée des Arts décoratifs a rouvert en septembre 2006.

14
Enfin, centré sur le projet du Louvre Abu Dhabil, le
dernier chapitre, dans la continuité des précédents, s'interroge
sur la possibilité réelle, concrète, d'un «musée universel »2.
Cette question ancienne a en effet retrouvé une forte pertinence
aujourd'hui autour de ce projet. Au-delà des polémiques qui ne
sont pas l'objet de cet ouvrage, l'analyse de ce projet permet de
s'interroger sur les objectifs, les publics et les limites du musée.
Les musées du xxr siècle sont de grandes institutions,
non plus seulement conservatoires du patrimoine de l'humanité,
mais aussi acteurs culturels majeurs, lieux d'éducation et
d'échanges, ancrés dans leur société et tournés vers leurs
publics. Ces aspects des musées d'aujourd'hui et leurs
implications théoriques et pratiques sous-tendent les textes de
ce volume. Abordant des exemples divers, ils permettent de
déterminer ce qui, aujourd'hui, constitue un apport réel à un ou
de nouveau(x) modèle(s) du musée. Ils mettent en lumière la
fait que chaque musée est avant tout la rencontre d'une
collection, fruit d'une histoire particulière, et d'un contexte
politique, culturel et économique, rencontre souvent orchestrée
par des personnalités de grande envergure comme ont pu l'être
Vivant Denon (1747-1825), Arthur Hazelius (1833-1901) ou
Georges-Henri Rivière (1897-1985).
L'autre volume de ces Actes, intitulé Musées de la
Nation, créations, transpositions, renouveaux met plus
particulièrement l'accent sur les modèles de musées de la nation
en Europe. L'ensemble des articles réunis dans ces deux
volumes montre en définitive que la question de la nature du
musée et des modèles à adopter est récurrente dans l'histoire.
Nombreux sont les exemples, depuis plus d'un siècle,
d'institutions qui se projettent au-delà des définitions classiques

1. Sur ce projet, voir Grande Galerie, le Journal du Louvre, n° 4, juin 2008 et la


journée d'étude organisée au Louvre le 29 octobre 2008. France Museums, agence
en charge du projet pour la partie ftançaise, n'a pas été associée aux articles
présentés ici.
2. Voir les travaux de l'ICOM et de l'UNESCO à ce sujet, notamment: Nouvelles
de l'ICOM, 2004, n° 1, «Musées Universels», TCOM, Paris, et 2007, n° 1,
« Musées et Patrimoine universel », et le débat public organisé à l'UNESCO le 5
février 2007 sur «Mémoire et universalité: de nouveaux enjeux pour les
musées », dont une partie est restituée dans les Nouvelles de l'lCOM, 2007, n° 2.

15
et ouvrent de nombreux champs de possibles. Montrer que les
musées s'inscrivent dans un processus de permanent
renouvellement et rendre justice à leur dynamisme, telle est
l'une des problématiques majeures de l'étude de l'histoire des
musées à laquelle ce colloque a tenté d'apporter sa contribution.

16
CHAPITRE 1

L'ÈRE MODERNE ENTRE AU MUSÉE:


MODÈLES DOMESTIQUES
ET INDUSTRIELS
TRANSPOSITIONS
DU SOUTH KENSINGTON MUSEUM
EN FRANCE

Sylvie Acheré
Musée des Beaux-arts de Lille

Les réflexions que nous souhaitons développer ici


s'appuient sur une étude de la vie et de l'œuvre de Victor
Champier (1851-1929), par laquelle nous avons montré son
influence sur le contexte institutionnel et socio-artistique de la
me République. Nous nous sommes en particulier attachée à la
fondation du musée des Arts décoratifs de Paris et à l'essor
donné au musée d'art et d'industrie de Roubaixl.
Pour certains connaisseurs, le nom de Victor Champier est
associé à la Revue des arts décoratifs qu'il fonda à Paris en 1880
et dirigea durant plus de vingt ans. Elle fut la première en France
à proposer un véritable corpus théorique sur la place que les arts
décoratifs devaient tenir dans la société moderne, à une époque
où ils étaient relégués au rang d'art mineur et possédaient une
surface d'exposition très restreinte. Les colonnes de cette revue
furent attentives aux promesses de l'Art nouveau. Conscient des
limites imposées par une production et une diffusion trop
confidentielles de l'Art nouveau pour répondre efficacement aux
attentes sociales, Champier ne cessa de réclamer une liaison plus
étroite entre l'art et l'industrie. Cela le prédestinait à assumer, au
tournant du XXe siècle, la direction d'une école nationale d'art et
d'industrie à Roubaix, et le développement du musée qui lui était
annexé, selon ses propres intuitions. Ce musée a été ressuscité en
2001 sous le nom de «musée d'art et d'industrie de Roubaix »,
dit « la piscine ».

1. Sylvie Acheré, Victor Champier (1851-1929), un acteur de la vie artistique sous


la Troisième République, thèse de doctorat en histoire de l'art contemporain, Lille
III, 2006.

19
L'idée d'un musée central destiné à présenter les plus
beaux modèles des arts appliqués avait germé en France dès
1840, mais ce fut l'Angleterre qui la réalisa sur les restes de
l'Exposition de Londres, avec la fondation du South Kensington
Museum en 1857. Dans les années 1860, cette société
d'initiative privée fut intégrée à un réseau d'écoles par décision
gouvernementale. Son enseignement, fondé sur l'alliance des
missions pédagogiques et conservatoires, s'adressait surtout aux
artisans et aux travailleurs spécialisés. Jugé salutaire pour la
compétitivité de l'industrie d'art anglais, son modèle se
propagea à l'étranger.
En France, les démarches lancées en faveur d'un tel musée
restèrent infructueuses sous la œ République et le œ Empire.
Une poignée d'artisans et de fabricants de Paris décida alors de
créer une société privée à vocation éducative. L'Union centrale
des beaux-arts appliqués, fondée en 1864, commença ainsi à
former des collections de modèles, mais se trouva vite
contrainte par l'action de riches amateurs décidés à bâtir des
collections historiques complètes. La spéculation mercantile qui
en résulta brisa net l'élan du musée. Le manque de ressources
entravait aussi l'ouverture permanente des collections. À cela
s'ajoutèrent les événements de 1870 et 1871 qui enrayèrent,
pour un temps, le développement de la société. En 1874, elle
connut un nouvel élan. Comme son aînée, elle organisa des
manifestations ponctuelles, mais aucune structure permanente
n'offrait les conditions satisfaisantes à l'éducation
professionnelle. Après chaque exposition, le contenu des
collections était dispersé, les objets rendus à leurs propriétaires.
Les possibilités pour un artisan de se former au contact direct
des œuvres restaient inexistantes, notamment pour le mobilier.
C'est ce qui décida Victor Champier à faire appel aux forces
vives du pays pour la création d'un « South Kensington
Museum français» dès 1876. La référence explicite au musée
londonien exprimait l'avance de l'Angleterre, qui avait déjà
compris que les bases de l'essor de l'industrie d'art se
trouvaient dans une politique de réforme de la formation.
Champier jugeait cette institution utile à la formation d'artistes,
à l'expansion méthodique de l'enseignement des arts décoratifs,
et au renouvellement des styles en proie aux contrefaçons de la

20
concurrence étrangère. Or, les pouvoirs publics français,
insuffisamment convaincus de l'intérêt pour la nation d'investir
dans de telles structures, tardèrent à entamer ce mouvement de
rénovation. Ce n'est qu'en 1881-1882 que l'État se préoccupa
de créer un réseau d'écoles nationales d'arts appliqués en
province, auquel était annexé un musée de modèles, comme à
Roubaix.
Si le poids des industries d'art dans le budget des
exportations avait fini par convaincre l'État de réformer
l'enseignement au point de former un ministère des arts en
1881, le modèle anglais ne fut que partiellement adapté et le
projet d'un musée national peu soutenu.

La société du musée des Arts décoratifs

L'histoire du musée des Arts décoratifs de Paris est


scandée par la succession des Expositions universelles. C'est à
la veille de l'exposition de Philadelphie (1876), et après une
mission en Angleterre où il fut ébloui par les richesses du South
Kensington Museum, que Champier décida d'ouvrir dans les
colonnes de L'Art une souscription pour la création d'un
«South Kensington Museum français ». On souhaitait l'ouvrir
pour l'Exposition universelle de 1878, mais le projet n'aboutit
qu'en 1905, après plus de 20 ans d'efforts acharnés.
En avriI1877, au terme d'une campagne de presse de deux
ans, à laquelle quelques hommes de lettres et de la presse
prêtèrent leur plume, l'appel de Champier déboucha sur la
création de la société du musée des Arts décoratifs. Sa vocation
était de constituer un musée rassemblant tous les moyens
d'études réclamés par les industries d'art.
Rebaptisée «société du musée des Arts décoratifs », la
société fixa sa charpente administrative en juin 1878. Son
bureau regroupait un noyau de personnalités influentes du
monde des arts et de l'industrie, des hommes de lettres et des
journalistes, capables de porter le projet en haut lieu. Il lui a, de
ce fait, été reproché de recruter ses membres parmi l'aristocratie
de Saint-Germain ou les attachés d'ambassades en mal d'activité
sous la République. La plupart de ces personnalités étaient de
grands collectionneurs. Les fédérer autour du projet permettait à

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la fois d'éviter la répétition de ce qui avait fait échouer le
précédent projet de musée, et de jouir d'un fonds potentiel dont
le prêt pourrait être sollicité en temps voulu.
Comme secrétaire général de la société, Champier avait la
charge d'organiser une souscription publique pour former un
capital et réunir des collections. Il parvint à collecter la somme
de 200 000 francs, qui s'avéra cependant trop faible pour
atteindre les buts fixés. Aussi imagina-t-il de les compléter de
subventions de l'État, de la ville et des départements. La cause
du musée fut entendue par le Conseil supérieur des Beaux-Arts
et la société obtint l'attribution provisoire d'un lieu au pavillon
de Flore, dans le palais des Tuileries. En revanche, l'État ne
consentit pour son institution qu'une faible subvention - un
crédit extraordinaire de 150 000 francs - en regard des moyens
accordés aux établissements similaires par ses homologues
étrangers. Le gouvernement anglais avait doté le South
Kensington Museum d'un budget annuel d'un million de francs
et les musées d'arts appliqués de Berlin ou de Vienne
recevaient environ 138 000 francs de l'État.

La création de l'UCAD

Logée au Louvre sous le même toit que l'Union centrale


des beaux-arts appliqués à l'industrie, et animée de buts
similaires, la société du musée suggéra une fusion des deux
sociétés, considérant qu'on n'était jamais trop fort pour stimuler
les mentalités et les autorités. Cette fusion fut facilitée par les
retombées d'une enquête commandée en 1881 par le
gouvernement sur l'état des industries d'art français, et scellée
le 30 mars 1882 sous l'appellation d'« Union centrale des arts
décoratifs ». L'expression «art décoratif », fut propagée par
Champier dans sa revue pour insister, et cela était nouveau, sur
la contribution des arts appliqués à l'esthétique du quotidien et à
l'embellissement d'objets utilitaires. Elle s'imposa dans un
besoin de donner une dénomination plus haute que celles des
arts industriels ou appliqués.
L'UCAD acquit ainsi la reconnaissance d'utilité publique
l'autorisant à percevoir des libéralités de l'État. Mais, à la place
de la subvention réclamée, Champier obtint du gouvernement

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l'autorisation d'organiser une loterie de 14 millions de francs,
pour faire sortir le musée des limbes où il languissait depuis
huit ans. Or les difficultés rencontrées pour écouler les billets
conduisirent à prolonger la loterie pendant deux ans, jusqu'en
1884. Déduction faite des lots, elle ne laissait plus qu'une
somme de 6 millions de francs, qui fut placée avec intérêts.

Une muséologie adaptée à quels besoins?

Pour édifier un musée professionnel, exempt de lacunes, la


société du musée souhaitait éviter l'accumulation d'objets
comme au musée londonien, car l'absence de méthode dans le
choix et le classement des objets présentés faisaient obstacle à
la mission didactique). Pour le futur musée français, il
convenait d'appliquer une classification permettant de grouper
des types d'objets, qui seraient renouvelés au fur et à mesure du
progrès industriel. Ces options devaient fixer un modèle
muséologique propre à remplir la vocation professionnelle ou
non professionnelle des collections, et de déterminer si le musée
serait un outil d'édification du public ou un lieu de délectation
pour amateurs.
Rossella Pezone signale les controverses relatives à
l'aménagement des collections, aux hésitations entre un
classement chronologique, soit par matière, soit par nature
d'objee. En 1877, on prévoyait un classement d'après les
matières brutes, afin de montrer leurs processus de
transformation dans l'exercice de l'art industriel ou de procéder
par divisions établies d'après la nature décorative des objets.
Cependant, ces classifications fastidieuses étant trop
apparentées à celles «d'un conservatoire des arts et métiers»
pour révéler les qualités esthétiques des objets, on opta pour un
classement chronologique des modèles. On les répartit selon
leur destination, en distinguant d'une part les éléments
décoratifs des édifices, d'autre part les éléments du décor des

I. Georges Berger, Rapport au ministre sur la fondation d'un musée professionnel,


Paris, novembre 1878.
2. Rosella Pezone, « Controverses sur l'aménagement d'un musée des Arts
décoratifs à Paris au XIX' siècle », Histoire de l'art, n° 16, décembre 1991, pp. 55-
65.

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hommes, et dans une dernière section les objets utiles à
l'homme. En 1878, un second projet, qui se voulait plus
professionnel, s'inspirait des classifications adoptées dans les
Expositions universelles.

La question de la loterie

En 1882, Antonin Proust, ancien ministre des Beaux-Arts,


fut nommé président de l'UCAD. Il entendait utiliser les
dividendes de la loterie à la création d'un musée de moulages et
de reproductions. Il signa donc un contrat de reproductions
galvanoplastiques des modèles les plus représentatifs des chefs-
d' œuvre avec la maison Christofle, préférant disposer de
modèles fidèles que l'on peut rééditer et répandre sans crainte,
plutôt que de se rendre acquéreur d'une collection incomplète de
pièces originales. Pour une somme modique, on put ouvrir un
atelier, reproduire un grand nombre d'œuvres et les diffuser
auprès des établissements artistiques.
L'efficacité des services rendus par le Musée national d'art
décoratif prêtait à discussion. L'écrivain esthète loris Karl
Huysmans n'en attendait rien d'utile parce que la plupart des
objets étaient apocryphes, acquis sous la menace des pastiches
du commerce. Selon lui, attendu« qu'un industriel a du goût ou
n'en a pas, la prétention d'inculquer une esthétique à un
commerçant est dérisoire 1». Ces propos visaient moins le
musée que l'UCAD elle-même, à laquelle il reprochait de servir
uniquement les intérêts des industriels et non ceux de l'art.
Parce que l'art et l'industrie sont avant tout tributaires d'une
maîtrise technique, Champier donnait sa préférence aux
modèles originaux censés apporter la connaissance des procédés
techniques oubliés. Pour lui, l'urgence était de travailler à la
réconciliation des secteurs de l'art et des métiers, de l'art et de
la technique séparés à la Révolution. Le musée devait
cristalliser cette réconciliation. Quant aux acquisitions
contemporaines, la liberté de manœuvre était d'autant plus
étroite que les attentes déçues des artistes et fabricants, étourdis

1.1. K. Huysmans, « Fantaisie sur le Musée des Arts décoratifs et sur l'architecture
cuite », La Revue Indépendante, n° 1, novembre 1886, pp. 31-33.

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par la cagnotte issue de la loterie, faisaient croître le
mécontentement. En 1889, une salle du musée reçut des
reproductions des XVII" et XVIIIe siècles. Peu approuvèrent
cette politique. Désavoué par le conseil d'administration de
l'UCAD, Proust fut contraint à la démission en février 1891.
En 1885, le musée était toujours à la recherche d'un
emplacement définitif, lorsqu'une convention passée avec l'État,
le 7 février, lui attribua la jouissance d'un terrain domanial,
encore occupé par la Cour des comptes. En échange, le musée
s'engageait, au terme de quinze ans, à abandonner ses
collections à l'État. La convention devait mettre un terme à la
précarité du musée, mais les discussions et les hésitations
interminables sur le choix du lieu rendirent la convention
caduque. Dans l'attente de l'évacuation de la Cour des comptes,
le musée trouva asile au Palais de l'industrie jusqu'à ce qu'il fût
détruit, en 1898. Beaucoup d'espoirs reposaient sur la démarche
de Georges Berger, successeur d'Antonin Proust à la direction
de l'UCAD. Face à la Chambre des Députés en janvier 1900, il
proposa de regrouper des tapisseries des Gobelins, éparpillées
dans différents bâtiments de l'État, au Musée des Arts
décoratifs. Comme l'état du pavillon de Flore, toujours occupé
par le ministère des Finances, nécessitait des réparations qui
tardaient à venir, il réclama l'hébergement du musée au pavillon
Marsan. Il finit par l'obtenir, après une convention longuement
préparée avec l'État. L'asile est glorieux, mais onéreux.
L'UCAD espérait ouvrir ses portes pour l'Exposition
universelle parisienne de 1900, mais les longueurs
administratives ruinèrent cette ambition.
Selon Champier, ce sont moins les ministères que la
Chambre des Députés elle-même qui freina l'essor du Musée
des Arts décoratifs. Dès 1881, le gouvernement, poussé par
l'opinion publique, s'était décidé à présenter aux Chambres une
demande de crédits de 150 000 francs afin de lancer les bases
d'un Musée national des arts décoratifs). Le sous-secrétaire
d'État aux Beaux-Arts, persuadé de son fait, commanda à Rodin
la porte monumentale de ce qu'on appelait encore le futur

1. La destruction du Palais d'Orsay sous la Commune laissait un terrain libre pour


édifier le musée. On y établit à la place la gare d'Orsay.

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