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DE MUSÉES?
XIXe-XXIe siècles
@ L'Harmattan, 2008
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan 1@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-07436-1
EAN : 9782296074361
Anne-Solène Rolland
et Hanna Murauskaya (dir.)
DE NOUVEAUX MODÈLES
DE MUSÉES?
L'Harmattan
Ouvrage issu du colloque pluridisciplinaire « De l'imitation dans
les musées, diffusion des modèles de musées, XIXe_XXIe siècles »,
organisé à l'École Normale Supérieure les 5, 6 et 7 décembre 2007
avec le soutien du Département Histoire et Théorie des Arts de
l'ENS.
Coordination éditoriale:
Anne-Solène Rolland
avec Mathilde Labbé
et Sarah Legrain
Remerciements
Introduction... 7
Anne-Solène Rolland
et Hanna Murauskaya
7
Un nouvel âge d'or des musées
/
1. Citons ici quelques ouvrages récents sur ce sujet: L avenir des musées ( actes
du colloque international, musée du Louvre, 23-25 mars 2000), Paris, R.M.N.,
2001. Serge Jaumain (dir.), Les musées en mouvement, nouvelles conceptions,
nouveaux publics, Belgique, Canada, Bruxelles, Éditions de l'Université de
Bruxelles, 2000. Dominique Poulot et Catherine Ballé, Musées en Europe: une
mutation inachevée, Paris, La Documentation française, 2004. Anne Krebs, Bruno
Maresca (dir.), Le renouveau des musées, Collection Problèmes politiques et
sociaux (n° 910), La Documentation française, mars 2005. Jean-Michel Tobelem,
Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au diji de la gestion, Paris,
Armand Colin, 2005. Joëlle Le Maree, Publics et musées, la confiance éprouvée,
L'Harmattan, Paris, 2007. Voir également les travaux de Françoise Benhamou,
parmi lesquels: « The Evolution of Cultural Organizations. The Case of French
Museums» in Peter B. Boorsma, Annemoon van Hemel, Niki van der Wielen
(dir.) Privatization and Culture. Experiences in the Arts, Heritage and Cultural
Industries in Europe, Amsterdam, Kluwer Academic Publishers, 1998, pp. 95-110,
et « Économie des musées. Un état de l'art », Culture et Musées, n° 2, Actes Sud,
2003, pp. 35-52. Plusieurs numéros des revues Publics et Musées (Presses
universitaires de Lyon) puis Culture et Musées (Actes Sud), éditées par Jean
Davallon et Hana Gottesdiener, sont consacrés à ces questions.
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L'ICOM1 donne du musée la défInition suivante:
« Les musées sont des institutions pennanentes sans but lucratif
au service de la société et de son développement, ouvertes au
public; ils acquièrent, conservent, diffusent et exposent à des
fins d'étude, d'éducation et de plaisir les témoignages matériels
et immatériels des peuples et de leur environnement »2.
La défInition offIcielle du Ministère de la Culture
français, pour sa part, est la suivante:
« Est considérée comme musée [...] toute collection
pennanente composée de biens dont la conservation et la
présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la
connaissance, de l'éducation et du plaisir du public» 3. [...]
« Les musées de France ont pour missions pennanentes de :
1) conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections;
2) rendre leurs collections accessibles au public le plus large;
3) concevoir et mettre en œuvre des actions d'éducation et de
diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture;
4) contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche
ainsi qu'à leur diffusion» 4.
Ces défInitions proches - mais qui se distinguent
essentiellement par l'accent que met la loi française sur la
notion de « collection pennanente» - énoncent le cœur des
missions des musées, quels que soient leur statut et leur
nationalité. Elles constituent le dénominateur commun autour
duquel les musées se construisent et s'organisent, depuis leur
création. La part de nouveauté des grands musées d'aujourd'hui
ne porte donc pas tant, dans bien des cas, sur ces missions en
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elles-mêmes que sur l'importance relative qui leur est accordée
et les formes qu'elles prennent dans chaque institution.
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années 1980, est aujourd'hui concevable - même en France où
la collection, comme le souligne la définition déjà citée, est au
cœur de la définition du musée. C'est ce nouveau modèle
qu'illustrent par exemple le jeune musée de l'Europe de
Bruxelles! ou les centres d'art contemporain, héritiers du
modèle germanique de la Kunsthalle, qui ont fleuri partout ces
vingt dernières années.
Enfin, le monde des musées, plus encore qu'auparavant,
s'est lui aussi mondialisé dans la deuxième moitié du XXe
siècle. Au-delà des aspects politiques et économiques, cette
mondialisation s'exprime par la multiplication et la
systématisation des échanges entre musées et entre
professionnels des musées en matière de conservation,
d'expositions, d'acquisitions etc. La surenchère architecturale
dont font preuve les grands projets actuels partout dans le
monde est une autre manifestation de ce nouveau mode de
relations, autant faites de partage que de concurrences, entre des
musées et des villes qui s'adaptent à une ère où l'architecture de
prestige est devenue signe extérieur de compétitivité2.
Ruptures et continuités
1. Un article d'Isabelle Benoit est consacré à ce projet original dans l'autre volume
de ces Actes, Musées de la Nation, créations, transpositions, renouveaux, Europe,
XIXe_XXle siècles, Paris, l'Harmattan, 2008.
2. Sur l'architecture des musées d'aujourd'hui, voir notamment Museums in the
21st Century: Concepts, Projects, Buildings, Prestel Verlag, Munich, 2006,
catalogue d'une exposition itinérante produite par l'Art Centre de Bâle (jusqu'en
janvier 2009 à Oslo au National Museum of Art, Architecture and Design, puis
jusqu'en 201 I dans d'autres musées en Europe et aux États-Unis).
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Cet âge d'or nouveau et incontestable des musées a, en
effet, peu été étudié en relation étroite avec I'histoire des
musées. Si la fin du XXe siècle a été, à raison, identifiée comme
une période de renouveau des musées, faite de nouvelles
propositions et de ruptures dans certains cas, elle hérite aussi de
nombreux précédents - définitions, interrogations et remises en
cause des modèles de musées depuis leur création. Toute
institution muséale a ses inspirations, qu'il s'agisse de rénover
un musée existant, de créer un musée d'un type classique et
bien identifié ou d'inventer un nouveau type de musée.
Le monde des musées, comme tout milieu intellectuel,
est par excellence un monde d'échanges et d'influences. Ainsi,
par l'intermédiaire notamment d'associations de professionnels
des musées, nationalesl ou internationales, au premier rang
desquelles l'ICOM joue un rôle fondamental, les musées
d'aujourd'hui s'inspirent les uns des autres, discutent de leurs
choix stratégiques, culturels, éthiques. Cette question des
échanges, parfois des rivalités, largement abordée dans les
contributions rassemblées dans l'autre volume de ces Actes2, est
aussi ancienne que les musées. Certaines institutions, comme le
Louvre, le South Kensington Museum de Londres, le Skansen de
Stockholm, le MaMA, plus récemment en France les écomusées
développés par Georges-Henri Rivière ou le Centre Pompidou,
se sont imposées comme des références évidentes et ont été
copiées, transposées ou parfois explicitement rejetées - ce qui
est une autre manière de les identifier comme « modèles ».
Certaines catégories de musées, comme les musées de sciences
et les musées de société, ont joué ce même rôle, inventant,
réinventant des approches par la suite adoptées par d'autres
types de musées3.
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Le colloque «De l'Imitation dans les musées»
souhaitait donc remettre en perspective les musées
d'aujourd'hui en enrichissant les analyses économiques et
sociologiques du regard des historiens du patrimoine. L'objectif
était de mettre en lumière non seulement les ruptures que
marquent certains nouveaux musées, mais aussi les continuités
qui ont existé et subsistent dans l'histoire et la définition des
musées. Les contributions ici rassemblées ont pour point
commun d'explorer les formes et les modes des renouveaux et
créations de musées hier et aujourd'hui. Comme le rappelle
Philippe Descola, les musées, comme toutes les institutions,
sont l'émanation d'un contexte, d'une histoire, d'une
géographie spécifiques. On est en droit alors de se demander où
se situe la part réelle de nouveauté apportée par un musée, où
commence l'influence du contexte et où s'arrête l'inspiration de
modèles existants.
Les propositions d'aujourd'hui s'inscrivent-elles dans
une continuité théorique et chronologique forte ou bien se
veulent-elles en rupture? Pourquoi certains musées sont-ils
reconnus comme de nouveaux modèles? Comment les grandes
tendances de définition des musées naissent-elles, se diffusent-
elles, s'imposent-elles? Comment et à partir de quelles
références un musée se construit-il, d'un point de vue tant
théorique que pratique? Voici quelques-unes des questions
auxquelles les contributions de cet ouvrage tentent de répondre,
dans un cadre méthodologique emprunté à la fois à l'histoire
culturelle, à l'étude des transferts culturels et des histoires
comparées et à l'analyse muséographique.
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Les musées d'arts décoratifs, dont l'histoire et
l'actualité à ParisI ouvrent ce volume, nous semblent
aujourd'hui presque banals. Pourtant, ce type de musée apparu
dans la seconde moitié du XIXe siècle partout en Europe a
constitué un vrai changement car il sortait du cadre jusqu'alors
fixé aux musées: il s'écartait des modèles établis par les
musées d'art et d'archéologie. En présentant des arts considérés
comme mineurs, dans un but d'éducation et de stimulation de la
création artisanale et industrielle, il posait, et pose encore
aujourd'hui, la question de la nature et des buts de l'institution
muséale, ainsi que celle de ses rapports avec la vie quotidienne
et l'activité économique.
S'inscrivant également en opposition au modèle du
musée de beaux-arts tel qu'il s'était développé tout au long du
XIXe siècle, certains projets, comme les musées de
collectionneurs ou les fondations privées qui fleurirent au XXe
siècle, apportèrent de nouveaux éléments à la définition du
musée. Le deuxième chapitre de cet ouvrage propose ainsi trois
exemples de ces véritables «contre-modèles» qui tentent de
repousser les limites de la définition du musée.
Le troisième chapitre se propose d'explorer une forme
originale du musée, le musée monographique, aux collections et
aux enjeux spécifiques. Trois propositions françaises très
distinctes permettent de mesurer toute l'originalité de ce type
d'institutions.
La question du territoire est au cœur du quatrième
chapitre. Cette tendance fondamentale des musées à se redéfmir
par rapport à leur territoire s'exprime à différentes échelles et
par différentes évolutions. De même, la question de la diversité
culturelle, qui fait l'objet du chapitre suivant, pose la question
du discours des musées aujourd'hui. Ancrés dans un territoire,
dans une histoire, auprès de populations spécifiques, les musées
réfléchissent souvent aujourd'hui différemment à leur propre
propos. Ces deux chapitres montrent la grande diversification
récente, dans le monde, des acteurs, des discours et de la nature
même des musées.
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Enfin, centré sur le projet du Louvre Abu Dhabil, le
dernier chapitre, dans la continuité des précédents, s'interroge
sur la possibilité réelle, concrète, d'un «musée universel »2.
Cette question ancienne a en effet retrouvé une forte pertinence
aujourd'hui autour de ce projet. Au-delà des polémiques qui ne
sont pas l'objet de cet ouvrage, l'analyse de ce projet permet de
s'interroger sur les objectifs, les publics et les limites du musée.
Les musées du xxr siècle sont de grandes institutions,
non plus seulement conservatoires du patrimoine de l'humanité,
mais aussi acteurs culturels majeurs, lieux d'éducation et
d'échanges, ancrés dans leur société et tournés vers leurs
publics. Ces aspects des musées d'aujourd'hui et leurs
implications théoriques et pratiques sous-tendent les textes de
ce volume. Abordant des exemples divers, ils permettent de
déterminer ce qui, aujourd'hui, constitue un apport réel à un ou
de nouveau(x) modèle(s) du musée. Ils mettent en lumière la
fait que chaque musée est avant tout la rencontre d'une
collection, fruit d'une histoire particulière, et d'un contexte
politique, culturel et économique, rencontre souvent orchestrée
par des personnalités de grande envergure comme ont pu l'être
Vivant Denon (1747-1825), Arthur Hazelius (1833-1901) ou
Georges-Henri Rivière (1897-1985).
L'autre volume de ces Actes, intitulé Musées de la
Nation, créations, transpositions, renouveaux met plus
particulièrement l'accent sur les modèles de musées de la nation
en Europe. L'ensemble des articles réunis dans ces deux
volumes montre en définitive que la question de la nature du
musée et des modèles à adopter est récurrente dans l'histoire.
Nombreux sont les exemples, depuis plus d'un siècle,
d'institutions qui se projettent au-delà des définitions classiques
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et ouvrent de nombreux champs de possibles. Montrer que les
musées s'inscrivent dans un processus de permanent
renouvellement et rendre justice à leur dynamisme, telle est
l'une des problématiques majeures de l'étude de l'histoire des
musées à laquelle ce colloque a tenté d'apporter sa contribution.
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CHAPITRE 1
Sylvie Acheré
Musée des Beaux-arts de Lille
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L'idée d'un musée central destiné à présenter les plus
beaux modèles des arts appliqués avait germé en France dès
1840, mais ce fut l'Angleterre qui la réalisa sur les restes de
l'Exposition de Londres, avec la fondation du South Kensington
Museum en 1857. Dans les années 1860, cette société
d'initiative privée fut intégrée à un réseau d'écoles par décision
gouvernementale. Son enseignement, fondé sur l'alliance des
missions pédagogiques et conservatoires, s'adressait surtout aux
artisans et aux travailleurs spécialisés. Jugé salutaire pour la
compétitivité de l'industrie d'art anglais, son modèle se
propagea à l'étranger.
En France, les démarches lancées en faveur d'un tel musée
restèrent infructueuses sous la œ République et le œ Empire.
Une poignée d'artisans et de fabricants de Paris décida alors de
créer une société privée à vocation éducative. L'Union centrale
des beaux-arts appliqués, fondée en 1864, commença ainsi à
former des collections de modèles, mais se trouva vite
contrainte par l'action de riches amateurs décidés à bâtir des
collections historiques complètes. La spéculation mercantile qui
en résulta brisa net l'élan du musée. Le manque de ressources
entravait aussi l'ouverture permanente des collections. À cela
s'ajoutèrent les événements de 1870 et 1871 qui enrayèrent,
pour un temps, le développement de la société. En 1874, elle
connut un nouvel élan. Comme son aînée, elle organisa des
manifestations ponctuelles, mais aucune structure permanente
n'offrait les conditions satisfaisantes à l'éducation
professionnelle. Après chaque exposition, le contenu des
collections était dispersé, les objets rendus à leurs propriétaires.
Les possibilités pour un artisan de se former au contact direct
des œuvres restaient inexistantes, notamment pour le mobilier.
C'est ce qui décida Victor Champier à faire appel aux forces
vives du pays pour la création d'un « South Kensington
Museum français» dès 1876. La référence explicite au musée
londonien exprimait l'avance de l'Angleterre, qui avait déjà
compris que les bases de l'essor de l'industrie d'art se
trouvaient dans une politique de réforme de la formation.
Champier jugeait cette institution utile à la formation d'artistes,
à l'expansion méthodique de l'enseignement des arts décoratifs,
et au renouvellement des styles en proie aux contrefaçons de la
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concurrence étrangère. Or, les pouvoirs publics français,
insuffisamment convaincus de l'intérêt pour la nation d'investir
dans de telles structures, tardèrent à entamer ce mouvement de
rénovation. Ce n'est qu'en 1881-1882 que l'État se préoccupa
de créer un réseau d'écoles nationales d'arts appliqués en
province, auquel était annexé un musée de modèles, comme à
Roubaix.
Si le poids des industries d'art dans le budget des
exportations avait fini par convaincre l'État de réformer
l'enseignement au point de former un ministère des arts en
1881, le modèle anglais ne fut que partiellement adapté et le
projet d'un musée national peu soutenu.
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la fois d'éviter la répétition de ce qui avait fait échouer le
précédent projet de musée, et de jouir d'un fonds potentiel dont
le prêt pourrait être sollicité en temps voulu.
Comme secrétaire général de la société, Champier avait la
charge d'organiser une souscription publique pour former un
capital et réunir des collections. Il parvint à collecter la somme
de 200 000 francs, qui s'avéra cependant trop faible pour
atteindre les buts fixés. Aussi imagina-t-il de les compléter de
subventions de l'État, de la ville et des départements. La cause
du musée fut entendue par le Conseil supérieur des Beaux-Arts
et la société obtint l'attribution provisoire d'un lieu au pavillon
de Flore, dans le palais des Tuileries. En revanche, l'État ne
consentit pour son institution qu'une faible subvention - un
crédit extraordinaire de 150 000 francs - en regard des moyens
accordés aux établissements similaires par ses homologues
étrangers. Le gouvernement anglais avait doté le South
Kensington Museum d'un budget annuel d'un million de francs
et les musées d'arts appliqués de Berlin ou de Vienne
recevaient environ 138 000 francs de l'État.
La création de l'UCAD
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l'autorisation d'organiser une loterie de 14 millions de francs,
pour faire sortir le musée des limbes où il languissait depuis
huit ans. Or les difficultés rencontrées pour écouler les billets
conduisirent à prolonger la loterie pendant deux ans, jusqu'en
1884. Déduction faite des lots, elle ne laissait plus qu'une
somme de 6 millions de francs, qui fut placée avec intérêts.
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hommes, et dans une dernière section les objets utiles à
l'homme. En 1878, un second projet, qui se voulait plus
professionnel, s'inspirait des classifications adoptées dans les
Expositions universelles.
La question de la loterie
1.1. K. Huysmans, « Fantaisie sur le Musée des Arts décoratifs et sur l'architecture
cuite », La Revue Indépendante, n° 1, novembre 1886, pp. 31-33.
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par la cagnotte issue de la loterie, faisaient croître le
mécontentement. En 1889, une salle du musée reçut des
reproductions des XVII" et XVIIIe siècles. Peu approuvèrent
cette politique. Désavoué par le conseil d'administration de
l'UCAD, Proust fut contraint à la démission en février 1891.
En 1885, le musée était toujours à la recherche d'un
emplacement définitif, lorsqu'une convention passée avec l'État,
le 7 février, lui attribua la jouissance d'un terrain domanial,
encore occupé par la Cour des comptes. En échange, le musée
s'engageait, au terme de quinze ans, à abandonner ses
collections à l'État. La convention devait mettre un terme à la
précarité du musée, mais les discussions et les hésitations
interminables sur le choix du lieu rendirent la convention
caduque. Dans l'attente de l'évacuation de la Cour des comptes,
le musée trouva asile au Palais de l'industrie jusqu'à ce qu'il fût
détruit, en 1898. Beaucoup d'espoirs reposaient sur la démarche
de Georges Berger, successeur d'Antonin Proust à la direction
de l'UCAD. Face à la Chambre des Députés en janvier 1900, il
proposa de regrouper des tapisseries des Gobelins, éparpillées
dans différents bâtiments de l'État, au Musée des Arts
décoratifs. Comme l'état du pavillon de Flore, toujours occupé
par le ministère des Finances, nécessitait des réparations qui
tardaient à venir, il réclama l'hébergement du musée au pavillon
Marsan. Il finit par l'obtenir, après une convention longuement
préparée avec l'État. L'asile est glorieux, mais onéreux.
L'UCAD espérait ouvrir ses portes pour l'Exposition
universelle parisienne de 1900, mais les longueurs
administratives ruinèrent cette ambition.
Selon Champier, ce sont moins les ministères que la
Chambre des Députés elle-même qui freina l'essor du Musée
des Arts décoratifs. Dès 1881, le gouvernement, poussé par
l'opinion publique, s'était décidé à présenter aux Chambres une
demande de crédits de 150 000 francs afin de lancer les bases
d'un Musée national des arts décoratifs). Le sous-secrétaire
d'État aux Beaux-Arts, persuadé de son fait, commanda à Rodin
la porte monumentale de ce qu'on appelait encore le futur
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