Você está na página 1de 5

Économie rurale

Agricultures, alimentations, territoires


360 | juillet-août 2017
varia

Jean Vercherand. Microéconomie. Une approche


critique : théorie et exercices
Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, coll. « Business & Innovation », 2016, 493 p.

Quentin Mathieu

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/economierurale/5276
ISSN : 2105-2581

Éditeur
Société Française d'Économie Rurale (SFER)

Édition imprimée
Date de publication : 15 août 2017
Pagination : 105-108
ISSN : 0013-0559

Référence électronique
Quentin Mathieu, « Jean Vercherand. Microéconomie. Une approche critique : théorie et exercices »,
Économie rurale [En ligne], 360 | juillet-août 2017, mis en ligne le 15 août 2017, consulté le 20 avril
2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/5276

© Tous droits réservés


NOTE DE LECTURE

Ceci en devient d’ailleurs presque « co-


Jean VERCHERAND
casse » lorsque l’auteur, aux positions
hétérodoxes affirmées, cite à plusieurs
Microéconomie reprises les travaux sur le marché du tra-
Une approche critique : vail de Pierre Cahuc et André Zylberberg,
théorie et exercices auteurs connus pour leur très virulent et
décrié pamphlet sur l’hétérodoxie en
Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, coll. « Business & Innovation », économie, Le Négationnisme écono-
2016, 493 p. mique1.
Tout au long de ces 493 pages, l’au-
e manuel de microéconomie fait en
C quelque sorte office d’épouvantail
dans la microéconomie moderne. Écrit
teur propose une revue des principaux
chapitres de la microéconomie en un
peu plus de 330 pages de théorie et
par un agroéconomiste et historien, l’au-
130 d’exercices corrigés. Somme toute,
teur prend soin de décortiquer chaque
la structure de l’ouvrage suit une trame
pan de la théorie microéconomique clas-
relativement identique à celle d’autres
sique et d’y apporter deux contributions
manuels de microéconomie. De la modé-
majeures : une application de ces théo-
lisation de l’offre et de la demande, en
ries dans le domaine agricole et une cri-
passant par le comportement des mé-
tique systématique de la pensée ortho-
nages et des entreprises, le marché des
doxe en économie. Dès les premières
facteurs, l’équilibre général et enfin les
lignes, Jean Vercherand pose les deux
biens publics, l’auteur passe en revue
grandes idées qui seront développées
tout ce dont des étudiants en licence uni-
tout au long de son ouvrage. La première
versitaire ont besoin de savoir sur la mi-
est que le travail salarié ne dispose pas
croéconomie en l’espace de 7 chapitres.
de l’« autonomie de la volonté » comme
Mais pour les initiés à la théorie écono-
le suggéraient Karl Marx (1818-1883)
mique, le lecteur trouvera plaisir à revi-
et Jean Sismondi (1773-1842), et donc
siter ses cours de microéconomie grâce
qu’il existe des distorsions dans les rap-
aux nombreux commentaires, critiques
ports de force sur le marché du travail.
et remarques que fait l’auteur dans son
D’ailleurs, les références aux travaux de
manuel. Celui-ci parvient à proposer un
Sismondi sont forts appréciables, son
propos réellement original en mettant
œuvre ayant été quelque peu éclipsée
en perspectives cet ensemble théorique
par celle de Marx, alors que ce dernier
avec les faits historiques, et des aspects
s’est largement inspiré des idées du
réels de la vie quotidienne comme le
premier. La seconde grande idée déve-
droit. Par exemple, l’auteur démontre
loppée dans ce manuel est centrée sur
comment la réduction du temps du tra-
l’impact du progrès technique sur la
vail, le développement du droit du travail
croissance et les cycles économiques. Le
et des syndicats ont permis d’accroître le
progrès technique influe sur les gains de
revenu salarial et l’emploi à travers la
productivité, mais il crée aussi des inno-
régulation des rapports de force entre
vations dans les biens de consommation,
employeurs et employés. Idée pourtant
innovations qui font varier les comporte-
largement contestée par la pensée libé-
ments des ménages dans leurs choix éco-
rale, mais que l’auteur confronte avec
nomiques et dans le temps. L’auteur va
brio aux faits et aux statistiques afin d’af-
donc chercher à explorer ces deux sujets,
firmer son propos.
souvent ignorés ou mal étudiés par la
pensée économique classique. Un propos
général qui se situe parfaitement dans le
sillage de la controverse qui oppose les 1. Cahuc P. et Zylberberg A. (2016). Le Négation-
partisans de l’orthodoxie face à ceux de nisme économique. Et comment s’en débarrasser.
l’hétérodoxie de la pensée économique. Paris, Flammarion.

ÉCONOMIE RURALE 360/JUILLET-AOÛT 2017 • 105


NOTE DE LECTURE

Nous ne nous attarderons pas sur la être de fonctionnalité ou de qualité. La


description détaillée de chaque chapitre différence fondamentale entre les deux
qui, comme dit plus haut, suit une struc- réside dans le fait que l’innovation de
ture classique d’un ouvrage de microé- fonctionnalité renforce la complémen-
conomie, mais nous aborderons les élé- tarité des biens, alors que celle en qua-
ments novateurs qu’apporte ce manuel, lité implique une substitution entre les
en particulier en ce qui concerne les mar- biens.
chés agricoles et l’économie du travail2.
Dans ce même chapitre, l’auteur pro-
L’étude de l’offre et de la demande pose une mise en perspective intéres-
sur un marché dans le premier chapitre sante avec le développement des syndi-
est relativement marquante pour l’ana- cats et du droit du travail en France du
lyse de la loi de King-Davenant (1696). XIXe siècle à nos jours. Les arguments les
L’exercice pratique proposé sur la dé- plus saisissants mis en lumière par l’au-
monstration de cette loi permet de mon- teur concernent le fait que la durée du
trer à quel point les marchés agricoles travail n’a que faiblement diminué de-
sont instables et en quoi l’intervention puis la Seconde Guerre mondiale, et que
sur ce type de marché est nécessaire. le rééquilibrage des rapports de force
Toutefois, l’auteur prend soin de souli- entre les salariés et les employeurs a
gner que la superposition de mesures permis une progression et une meilleure
régulationnistes sur les marchés, justi- répartition des revenus. De plus, l’auteur
fiées ou non, ont pu brouiller l’origine souligne ici que le salariat dispose d’une
de leurs défaillances, et donc amoindrir « liberté limitée », et que les employeurs
l’efficacité de l’intervention publique. ont les pouvoirs nécessaires pour peser
sur les salaires, les conditions et la durée
Le second chapitre, consacré aux com-
du travail. Ainsi, l’offre de travail (ou la
portements de ménages, est profondé-
demande d’emploi) ne se présente plus
ment instructif pour la suite de la lecture
sous la forme d’une courbe, mais sous
en posant les bases de l’argumentation
la forme d’une plage d’offre dont les
sur les deux principales thèses défendues
employeurs peuvent disposer, ce qui est
par le manuel. La première selon laquelle
une proposition réellement innovante
le salariat n’est pas libre dans ses choix et
par rapport à la représentation classique
est en état de dépendance économique
que l’on se fait du marché du travail.
avec les employeurs. Ce qui débouche
La crise des années 1970 et la fin des
par la suite sur des relations conflictuelles
30 Glorieuses ont vu naître l’émergence
entre les deux partis. La seconde relevant
d’un chômage de masse, que même les
que les innovations technologiques dans
politiques les plus libérales n’ont su éra-
les biens de consommation influent sur
diquer aujourd’hui. Une analyse plus
le comportement des ménages (consom-
qu’intéressante donc, par rapport à tous
mation et épargne), ce qui implique que
les maux dont peuvent être accusées les
la consommation des ménages, et donc
mesures qui ont visé à réguler le temps
l’élasticité de la demande en bien, n’est
de travail et garantir la sécurité des tra-
pas linéaire dans le temps. Cette muta-
vailleurs.
tion des comportements provient des dif-
férents types d’innovation dans les biens Le troisième chapitre se penche sur
de consommation, innovations pouvant le comportement de l’entreprise et la
théorie de la production. On retrouve
une analyse relativement classique ici,
2. En plus des ouvrages cités par Jean Vercherand
avec une étude détaillée du programme
dans sa bibliographie, nous pouvons y rajou-
d’optimisation de l’entreprise dans ses
ter la lecture d’un autre manuel de référence
en microéconomie : Pindyck R., Rubinfeld D., décisions de production. Un chapitre qui
Sollogoub M. (2009). Microéconomie. 7e éd., transite par de nombreuses formulations
Paris, Pearson Éducation. mathématiques, mais dont la pédagogie

106 • ÉCONOMIE RURALE 360/JUILLET-AOÛT 2017


NOTE DE LECTURE

de l’auteur permet de suivre aisément le de certains biens agricoles (cette théo-


raisonnement et la logique. rie est seulement évoquée en page 265),
ou bien de proposer un commentaire
Le quatrième chapitre se concentre sur
sur le retour de préoccupations régula-
le marché des biens de consommation et
tionnistes sur les marchés avec la crise
l’équilibre partiel du marché. On reste ici
agricole actuelle en France. Mais nous
dans la lignée classique du chapitre pré-
pouvons comprendre que l’auteur n’ait
cédent, avec une analyse d’un marché
pas développé davantage son propos, vu
en concurrence pure et parfaite (CPP) et
l’ampleur de la tâche.
ce qu’il advient lorsque ces hypothèses
de CPP sont levées, notamment avec la L’auteur aborde par la suite les imper-
formation d’autres structures de mar- fections du marché en passant en revue
ché (monopole, duopole et oligopole). les principales théories développées par
À propos de l’analyse de l’équilibre d’un la nouvelle économie classique, à savoir
marché en CPP sur le long terme, l’au- les asymétries d’information, l’incerti-
teur fait remarquer que les entreprises tude et la théorie des jeux. Un passage
sont censées réaliser un profit « pur » en revue assez rapide de ces nouvelles
(dit surprofit) nul et fait un parallèle per- théories, mais très bien synthétisées.
tinent avec le déclin du secteur agricole Nous remarquons à nouveau le regard
en France. Par ailleurs, l’introduction de critique de l’auteur sur cette partie,
la dynamique dans les ajustements du celui-ci évoquant les résultats décevants
marché permet à l’auteur d’aborder le de ces théories dans l’explication du chô-
modèle du cobweb de Mordecai Ezekiel mage et des crises.
(1899-1974), et d’évoquer l’impact des
cycles de production, ainsi que l’ampli- Pour sa part, le cinquième chapitre
fication des crises lorsque l’équilibre aborde le marché des facteurs de pro-
du marché diverge3. Nous soulignerons duction. Nous relevons trois principaux
l’effort de l’auteur de développer davan- apports originaux dans l’analyse de l’au-
tage les implications de ce modèle sur les teur, avec à nouveau une dénonciation de
marchés agricoles dans la partie consa- la représentation classique du marché du
crée aux exercices. En effet, les exercices travail, une analyse détaillée du marché
19, 20 et 21 proposent d’étudier, par foncier agricole, et une analyse des crises
exemple, les cycles de production dans le dans les cycles économiques4. L’auteur
porc et de la pomme de terre, ou de cal- fait d’ailleurs un parallèle intéressant
culer le coût des fluctuations d’un mar- entre l’évolution conjointe de l’investis-
ché pour la communauté, tout en propo- sement des entreprises et de la consom-
sant un commentaire sur l’histoire de la mation des ménages dans les cycles éco-
régulation des marchés agricoles et des nomiques, comme le décrivaient Simon
positions ambivalentes du syndicalisme Kuznets (1901-1985) et Nicholas Kaldor
agricole. Cependant, cette partie aurait (1908-1986), avec la discordance entre les
peut-être pu bénéficier d’un traitement capacités de production des entreprises
encore plus approfondi par rapport à la et la propension marginale à consommer
posture critique de l’auteur. Il aurait été (PMC) des individus.
opportun que celui-ci s’attarde davan-
Ainsi, dans le sixième chapitre consa-
tage sur certains éléments négligés par la
cré à l’équilibre général, l’auteur dé-
recherche économique actuelle, comme
montre alors que la production, l’inves-
les phénomènes chaotiques sur le prix
tissement et les profits s’accroissent

3. Ezekiel M. (1938). The Cobweb Theorem. The


Quartely Journal of Economics, vol. 52, n° 2 (Feb. 4. Voir l’exercice particulièrement instructif n° 27
1938), pp. 255-280. Il est toutefois assez surpre- (p. 438) proposé par l’auteur, avec une étude sur
nant que Jean Vercherand ne le cite à aucun mo- le lien entre la motorisation de l’agriculture et la
ment dans son ouvrage. hausse du prix des terres en France.

ÉCONOMIE RURALE 360/JUILLET-AOÛT 2017 • 107


NOTE DE LECTURE

(respectivement décroissent) plus rapide- sujets agricoles (par exemple, comment


ment que les salaires et la consommation un producteur détermine la combinai-
pendant les phases d’expansion (respec- son d’intrants utilisés, quels sont les ef-
tivement de récession). Il y ajoute que les fets d’une variation du prix des produits
innovations dans les biens de consom- agricoles sur un marché), et le lecteur
mation, de par leur influence sur le com- ou étudiant y trouvera des applications
portement des ménages, permettent concrètes des théories économiques à la
d’enrayer la décroissance de la PMC des réalité. Nous pouvons faire une légère
ménages et de modifier les comporte- critique sur l’équilibre et l’enchaînement
ments d’épargne de ces derniers. Ce der- de ces exercices, certains en début de
nier aspect fut largement négligé par les chapitre étant plus longs et plus diffi-
tenants de l’économie de l’offre et de la ciles à résoudre que les suivants au sein
loi des débouchés de Jean-Baptiste Say d’une même partie. Un certain niveau
(1767-1832), qui considèrent les consom- en mathématiques est aussi requis pour
mateurs comme des acteurs passifs5. Une pouvoir les résoudre, mais cela reste lar-
analyse vraiment originale donc, dans gement à la portée d’un étudiant en éco-
le vaste champ des théories de la crois- nomie en premier cycle universitaire.
sance.
Nous ne saurions donc que trop recom-
L’ultime chapitre de l’ouvrage traite de mander ce manuel pour les étudiants,
l’intervention publique et de l’existence chercheurs et enseignants en économie,
des biens publics. Nous apprécierons le qui en plus de passer en revue les princi-
développement consacré aux externali- paux champs de la microéconomie, pro-
tés (positives comme négatives) en agri- pose une analyse originale sur des sujets
culture, et en particulier sur l’analyse des monopolisés jusqu’ici par la pensée éco-
mécanismes d’incitation pour rémuné- nomique orthodoxe. Cet ouvrage peut
rer les services environnementaux ren- ouvrir la voie à de nouvelles formations
dus par les agriculteurs, soit avec des universitaires en France, avec une spé-
subventions comme les mesures agro- cialisation en économie agricole dans les
environnementales et climatiques (MAEC), universités ou les écoles d’agronomie dès
soit avec la contractualisation telle que les les premières années du cycle d’appren-
conventions de pâturage pour entretenir tissage. Du moins, ce manuel permettra
les terrains et les paysages. de renforcer davantage l’enseignement
dans les formations déjà existantes. ■
La dernière partie du manuel est
consacrée à des exercices corrigés et Quentin MATHIEU
commentés sur des thématiques liées à Chambres d’agriculture de France
chaque chapitre. Globalement, la plu- Direction économie des agricultures
part de ces exercices sont rattachés à des et des territoires

5. Théorie selon laquelle l’offre crée sa propre de-


mande et la porte à son niveau. Or, comme le pré-
cise J. Vercherand : « Ce n’est pas parce que les
entreprises seraient capables de doubler le volume
de leur production et les revenus distribués que les
ménages voudront doubler leur consommation »
(chapitre 6, § 3.2.2, p. 281).

108 • ÉCONOMIE RURALE 360/JUILLET-AOÛT 2017

Você também pode gostar