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Les trois voies d'expansion des licences

libres
François Cardinaux

27 mars 2006

Publié sur Bluewin.ch le 11 avril 2006.

Résumé

Le présent article est le résumé d'un texte du même auteur intitulé


« Vers un monde libre » . En reprenant quelques-uns des exemples de ce
dernier, il montre que les licences libres ne se contentent pas de gagner
du terrain sur le marché traditionnel du logiciel propriétaire. En effet, du
fait de leur gratuité et de la transparence qu'elles impliquent, elles
ouvrent à l'informatique de nouveaux champs d'application. De plus,
elles dépassent le cadre de l'informatique pour s'étendre à l'ensemble de
la sphère de l'information. Leur expansion s'opère donc sur trois fronts,
et ces trois voies nous conduisent à une véritable révolution.

Table des matières

Introduction

Le rôle et le positionnement du premier logiciel libre

Première voie d'expansion des licences libres : le marché existant du logiciel

Deuxième voie d'expansion : les nouveaux domaines d'application de l'informatique

Troisième voie d'expansion : en dehors du logiciel et de l'informatique

Le savoir libre

Le savoir-faire libre

Le « faire-savoir » libre

Conclusion
Depuis quelques années, le logiciel libre revient de plus en plus souvent à l'attention du
public. Les journaux publient régulièrement des articles à son sujet, que ce soit pour vanter
ses avantage ou pour relater un différend avec l'un de ses détracteurs. La plupart des gens
n'en retiennent que deux choses : sa gratuité, et le fait qu'il constitue une sorte d'attaque
contre les géants de l'industrie informatique.

Sans être fausse, cette vision est très incomplète : le libre possède bien d'autres atouts, et
n'est du reste pas forcément gratuit. Mais avant tout, le libre est basé sur un ensemble de
principes. La clé du libre est dans sa licence, qui constitue également le pivot autour duquel
s'articule le présent article.

Ce type de licence est en passe d'envahir notre quotidien de trois façons. La première est la
plus connue : il s'agit de l'avancée inexorable du logiciel libre sur son concurrent propriétaire.
Nous verrons qu'il en existe deux autres : l'apparition de nouveaux domaines d'application
qui sont hors de portée du logiciel propriétaire, et l'utilisation des licences libres en-dehors
du logiciel.

Le rôle et le positionnement du premier logiciel libre


La notion de logiciel propriétaire ne remonte pas aux débuts de l'informatique, comme nous
pourrions l'imaginer. En effet, à cette époque déjà bien lointaine, les programmes étaient
écrits par les fabricants des ordinateurs eux-mêmes, ou par des opérateurs. Leurs coûts
étaient dérisoires par rapport à ceux des machines, si bien que tout le monde se les
échangeait librement, sans se soucier de la question de la propriété intellectuelle.

Puis vint le jour où les ordinateurs devinrent meilleur marché et suffisamment puissants pour
que la programmation se transforme en un métier distinct. Des sociétés éditrices de logiciels
apparurent. Pour payer leurs coûteuses équipes de programmeurs, elles eurent besoin de
vendre des licences. Pour protéger leurs créations, elles interdirent l'accès au code source de
leurs programmes. Ce modèle perdura après l'apparition de l'ordinateur personnel et
d'Internet, jusqu'à aujourd'hui où il prévaut encore.

La réaction à cette fermeture vint au cours des années 80, par la voix de la Free Software
Foundation. Celle-ci définit la notion de logiciel libre et affirma que ce dernier permettrait
d'aboutir à des applications de qualité supérieure. Pour le prouver, il lui fallait développer un
produit qui concurrencerait un logiciel propriétaire existant. Ce fut le rôle du projet GNU,
qui avait démarré deux ans auparavant. Le but du projet GNU était de développer un
système d'exploitation complet ressemblant à Unix.

Figure 1: Les premiers logiciels libres visaient à démontrer qu'en changeant certains principes, il était
possible de concevoir de meilleurs programmes que ceux qui existaient alors.

Première voie d'expansion des licences libres : le marché existant du


logiciel
La première voie de progression du logiciel libre fut donc naturellement le terrain occupé par
le logiciel propriétaire. Les logiciels libres étaient en général d'abord écrits pour les besoins
personnels de leurs auteurs. De ce fait, rares furent ceux qui atteignirent un stade
d'accomplissement suffisant pour que n'importe qui puisse les installer. Ces logiciels
s'adressaient à une élite d'initiés.

Aujourd'hui encore, seule une poignée d'applications libres sont directement utilisables par
des novices. Parmi elles, citons OpenOffice.org, Firefox, Thunderbird, The Gimp et certaines
distributions Linux libres comme Ubuntu. Un certain nombre d'autres applications sont
suffisamment standardisées pour être utilisées en production, mais nécessitent un certain
degré d'expertise, qui est souvent fourni par des sociétés de service spécialisées. Quand aux
applications restantes, si certaines d'entre elles sont prometteuses, aucune n'est
véritablement mûre.

Toutefois, cette situation est en train de changer, pour deux raisons : d'une part, le public
exige de plus en plus des logiciels qu'ils soient sans cloisons, c'est à dire capables d'interagir
entre eux de façon transparente. D'autre part, la taille du marché de chaque type de logiciel
augmente continuellement du fait de la mondialisation. Ces deux forces incitent de plus en
plus d'acteurs de la communauté à rendre le logiciel libre plus facile d'accès.

Figure 2: Le libre gagne du terrain sur le logiciel propriétaire

Deuxième voie d'expansion : les nouveaux domaines d'application de


l'informatique
Outre le fait de grignoter le terrain du logiciel propriétaire, le logiciel libre prend son essor là
où celui-ci n'est pas adapté. Ce faisant, il est à même de combler deux besoins du monde
actuel :

par la gratuité de ses licences, il rend l'utilisation de l'informatique possible lorsque


l'argent fait défaut alors que la main d'oeuvre potentiellement qualifiée est présente en
quantité.

du fait de sa transparence, il remplace l'homme lorsque celui-ci doit se méfier de lui-


même.

Figure 3: Le libre rend possibles de nouvelles utilisations du logiciel

Ces deux qualités sont intéressantes pour tous, et très prometteuses pour les pays en voie de
développement, les pays émergeants et les démocraties naissantes. Citons un premier
exemple : depuis quelque temps, un certain nombre de personnalités ont proposé de
construire un ordinateur très bon marché, pour réduire la fracture numérique. Le premier
projet, nommé One Laptop Per Child (OLPC), est très discuté. Il a été proposé au Sommet
Mondial sur la Société de l'Information qui a eu lieu à Tunis en novembre 2005. Plus
récemment, la société chinoise YellowSheepRiver a mis au point un ordinateur à 146 dollars, le
Municator. Cet appareil peut être branché sur n'importe quel moniteur, mais aussi sur une
télévision. Dans ces deux projets, le logiciel libre est utilisé pour faire baisser les coûts.

Le deuxième exemple montre que la transparence des logiciels ouverts et la sécurité qui en
découle rendent possibles des utilisations pour lesquelles les logiciels fermés sont moins
adaptés. Il s'agit d'un logiciel de suivi des violations des droits de l'être humain mis au point
par l'organisation californienne Benetech. Ce système, nommé Martus, est particulièrement
conçu pour ceux qui oeuvrent pour ces droits dans des situations périlleuses. Il combine les
atouts des meilleurs logiciels libres pour offrir à ces gens une sécurité optimale. Du fait de la
transparence de son code source, il est en tout temps possible de vérifier qu'il est sûr et qu'il
ne cache aucun dispositif d'espionnage.

Citons encore un dernier exemple : le vote électronique. Pour les mêmes raisons que le
système Martus, ce type de logiciel constituerait un remède radical contre les tricheries
électorales dont font trop souvent l'objet les démocraties naissantes. Les deux seuls obstacles
à l'utilisation de tels systèmes sont le sous-développement technologique et l'absence de
recensement fiable de certaines populations. Ce sont donc deux défis que la société de
l'information doit relever pour qu'à terme la paix et la prospérité progressent.

Troisième voie d'expansion : en dehors du logiciel et de l'informatique


Nous avons vu que la première voie d'expansion des licences libres était l'ensemble des
marchés détenus par les logiciels propriétaires. Nous avons également vu qu'il y avait une
deuxième voie, constituée de nouveaux marchés qui n'intéressaient pas l'industrie
informatique traditionnelle, ou qui étaient hors de portée pour elle. Nous allons maintenant
voir qu'il existe une troisième voie d'expansion, et qu'elle se situe en dehors du logiciel.

Un programme informatique n'est rien d'autre qu'une forme particulière d'information,


organisée de façon à être comprise par un ordinateur. Rien ne nous empêche donc d'utiliser
les licences libres pour protéger d'autres types d'information : du texte, des images, des
procédés de fabrication, des molécules et bien d'autres choses encore.

Figure 4: La sphère de l'information bénéficie aussi des licences libres

Le savoir libre

Nous pouvons répartir ces informations en trois catégories : la première est le savoir libre.
L'encyclopédie Wikipedia en est certainement l'exemple le plus connu. Gérée par la société
Wikimedia, elle regroupe 3,5 millions d'articles dans 211 langues (chiffres de janvier 2006).
Tout le monde peut y participer en tout temps, ce qui fait qu'elle est constamment mise à
jour avec les informations les plus fraîches.

Une récente étude effectuée à l'initiative de la revue scientifique Nature a démontré que
Wikipedia ne comportait que 33% d'erreurs de plus que Britannica [Gil05]. Ceci laisse présager
que le savoir libre risque de prendre une place prépondérante au milieu des outils de
référence traditionnels. A terme, ceux-ci seront contraints à puiser l'essentiel de leurs
informations dans des sources comme Wikipedia, et de faire du profit en se spécialisant et en
ajoutant leur savoir-faire : sélection d'articles et analyses d'experts, par exemple.

Le savoir-faire libre

Notre deuxième catégorie d'information libre est le savoir-faire libre. Nous distinguons trois
sous-catégories : premièrement, les créations libres, comme le film Star Wreck, dont les médias
ont parlé l'an dernier. Il s'agit du premier film sous licence Creative Commons de l'histoire du
cinéma. Cette parodie de la série de science-fiction Star Treck a été tournée par des finlandais
et n'a coûté que 15'000 euros. Ce faible prix n'a pu être atteint que grâce aux milliers
d'heures de travail effectuées gratuitement par l'ensemble de l'équipe.
La deuxième sous-catégorie de savoir-faire libre est constituée des ressources libres, qui se
distinguent par le fait qu'elles ont surtout une utilité pratique. Pour leur auteur, il ne s'agit
pas forcément de démontrer des talents artistiques. Voici deux exemples de ressources
numériques libres qui se trouvent sur Internet : le site Open Clip Art Gallery propose des
dessins sous licence libre, et l'organisation SIL International publie des polices de caractères.

La troisième sous-catégorie de savoir-faire libre est constituée des inventions libres. Citons
comme exemple le projet Oscar, dont le but est de développer une voiture selon les principes
de l'Open Source. Ce projet précise que la voiture doit être simple, multifonction, robuste,
adaptée aux exigences internationales, modulaire et facile à maintenir.

Le « faire-savoir » libre

Notre troisième catégorie d'information libre est le « faire-savoir » libre, c'est à dire tout ce qui
est lié aux médias et à l'information. Récemment, Wikimedia a lancé un nouveau produit
nommé Wikinews. Ce site est peut-être le plus ambitieux de tous ceux que cette société a
créés. Destiné à donner les dernières informations sur les événements du monde entier, il y a
fort à parier qu'il concurrencera bientôt directement les agences de presse.

Mais il ne s'arrêtera pas là. Le jour arrivera où des centaines de milliers de journalistes en
herbe contribueront à ce journal. En mettant en avant les plumes les mieux cotées, ce journal
aura alors certainement une qualité comparable à celle des meilleurs quotidiens actuels. Pour
nous en convaincre, rappelons-nous l'étude de Nature sur Wikipedia citée plus haut.

En tout cas, Wikinews a pris les devants, en renouvelant quotidiennement une version
imprimable de son site. La radio et la télévision ne sont pas épargnés, puisque du contenu
audio est déjà disponible sur la version anglaise du site. En cumulant ainsi les rôles de média
et d'agence de presse, Wikinews inquiétera donc bientôt l'ensemble de la chaîne des
informations.

Nous ne sommes qu'au début de l'application des licences libres en dehors de l'informatique.
En fait, partout où il y a une information protégée par des droits ou par un secret de
fabrication, il y a une possibilité pour le libre d'exister. Le besoin, pour la société, de
promouvoir des solutions plus adaptées aux individus, et celui, pour les individus, de se faire
reconnaître par la société seront les deux moteurs qui feront progresser le libre en dehors du
logiciel.

Conclusion
Les licences libres vont prendre une place prépondérante dans tous ce qui est lié à la
propriété intellectuelle. Nées de l'informatique, elles se répandent maintenant dans d'autres
secteurs. Avec l'encyclopédie Wikipedia, la connaissance est devenue leur deuxième plus
important domaine d'application.

Les années à venir seront donc celles des licences libres, qui vont chambouler la façon dont
circulent l'argent et l'information. Le nouveau modèle qui se dessine aujourd'hui a les effets
les plus divers et les plus vastes : il fait frémir les plus puissants éditeurs de logiciels, il
bouscule les habitudes de nos entreprises, il aide le monde à se libérer et à se démocratiser, il
déborde de l'informatique pour se diffuser dans les domaines les plus inattendus, comme la
typographie ou les transports. Bref, il est en passe de s'imposer comme une étape cruciale
dans l'évolution de nos sociétés.

Figure 5: L'avenir du libre est radieux

Nos habitudes et nos mentalités vont changer. Elevés dans l'idée que tout travail méritait
salaire, nous allons devoir apprendre à effectuer gratuitement la tâche la plus noble : la
création. Pour l'accomplir tout en gagnant nos vies, nous allons devoir inventer de nouveaux
modèles d'affaire. Mais cela, c'est une autre histoire.

François Cardinaux, le 27 mars 2006

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