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Comprendre

l'open source et
les logiciels libres

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➔ Marché

➔ Modèles économiques

➔ Modèles de développement
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Comprendre l'open source et les logiciels libres

[1] PRÉAMBULE

« Middleware », dans le cadre de la


[1.1] Smile collection « Système et Infrastructure ».

Smile est une société d’ingénieurs experts Chacun de ces ouvrages présente une
dans la mise en œuvre de solutions open sélection des meilleures solutions open
source et l’intégration de systèmes source dans le domaine considéré, leurs
appuyés sur l’open source. Smile est qualités respectives, ainsi que des retours
membre de l’APRIL, l’association pour la d’expérience opérationnels.
promotion et la défense du logiciel libre,
de Alliance Libre, PLOSS, et PLOSS RA, Au fur et à mesure que des solutions open
des associations clusters régionaux source solides gagnent de nouveaux
d'entreprises du logiciel libre. domaines, Smile sera présent pour
proposer à ses clients d’en bénéficier sans
Smile compte 290 collaborateurs en risque. Smile apparaît dans le paysage
France, 330 dans le monde, ce qui en fait informatique français comme le
la première société en France spécialisée prestataire intégrateur de choix pour
dans l’open source. accompagner les plus grandes entreprises
dans l’adoption des meilleures solutions
Depuis 2000, environ, Smile mène une open source.
action active de veille technologique qui
lui permet de découvrir les produits les Ces dernières années, Smile a également
plus prometteurs de l’open source, de les étendu la gamme des services proposés.
qualifier et de les évaluer, de manière à Depuis 2005, un département consulting
proposer à ses clients les produits les plus accompagne nos clients, tant dans les
aboutis, les plus robustes et les plus phases d’avant-projet, en recherche de
pérennes. solutions, qu’en accompagnement de
projet. Depuis 2000, Smile dispose d’un
Cette démarche a donné lieu à toute une studio graphique, devenu en 2007 Agence
gamme de livres blancs couvrant Interactive, proposant outre la création
différents domaines d’application. La graphique, une expertise e-marketing,
gestion de contenus (2004), les portails éditoriale, et interfaces riches. Smile
(2005), la business intelligence (2006), les dispose aussi d’une agence spécialisée
frameworks PHP (2007), la virtualisation dans la Tierce Maintenance Applicative, le
(2007), et la gestion électronique de support et l’exploitation des applications.
documents (2008), ainsi que les Enfin, Smile est implanté à Paris, Lyon,
PGIs/ERPs (2008). Parmi les ouvrages Nantes, Bordeaux et Montpellier. Et
publiés en 2009, citons également « Les présent également en Espagne, en Suisse,
VPN open source », et « Firewall est en Ukraine et au Maroc.
Contrôle de flux open source », et

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[1.2] Ce livre blanc


On parle beaucoup de logiciels libres et  Ce livre blanc est diffusé sous licence
d’open source, mais en creusant un peu, Creative Commons « Paternité-Pas de
il apparaît que nombreux sont ceux, Modification » 2.01. Il peut être
même parmi les professionnels de redistribué librement.
l’informatique, qui ont une connaissance
et une compréhension assez superficielles Je remercie chaleureusement les
du phénomène. personnes qui ont bien voulu me faire
part de leurs remarques, corrections et
D’un côté les passionnés, engagés, qui se enrichissements, en particulier Benoit
régalent de la démarche communautaire, Jacquemont, Frédéric Couché et
mais ne connaissent pas toujours les Benjamin Jean.
aspects économiques, de l’autre les
décideurs du monde de l’entreprise, qui
sont de plus en plus sensibles aux
bénéfices des solutions open source, mais
en connaissent mal la philosophie,
l’histoire, ou même les questions de
licences.

Ce livre blanc est une introduction au


phénomène de l’open source, la plus
grande révolution qui touche
l’informatique depuis l’Internet. Comme
on le verra, le mouvement est bien
antérieur au web, néanmoins la puissante
perturbation sur l’économie de
l’informatique date de ces dernières
années, et ne fait que commencer.

Cet ouvrage a une vocation de


vulgarisation, s’efforçant surtout
d’expliquer l’open source à ceux qui n’y
sont pas impliqués, mais commencent à
en sentir l’importance, et ont besoin de
mieux connaître le phénomène.

Notons que le monde de l’open source est


sujet à diverses « controverses », qui
enflamment les esprits et scindent les
communautés depuis de longues années.
À commencer par l’appellation logiciel libre
versus logiciel open source ou encore
GNU/Linux versus Linux. Même s’il faut
les mentionner, nous passerons
rapidement sur ces disputes internes,
pour mieux nous focaliser sur ce qui nous
semble être plus fondamental.
1
http://creativecommons.org/licenses/by-
nd/2.0/fr/.

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Table des matières


[1] PRÉAMBULE..........................................................................................................2
[1.1]SMILE.......................................................................................................................................2
[1.2]CE LIVRE BLANC...........................................................................................................................3
[2] INTRODUCTION....................................................................................................5
[2.1]TERMINOLOGIE.............................................................................................................................5
[2.2]PHILOSOPHIE DE L’OPEN SOURCE........................................................................................................5
[2.3]BIÈRE GRATUITE ?!.....................................................................................................................7
[2.4]LES BÉNÉFICES DE L’OPEN SOURCE POUR LE CLIENT.................................................................................8
[3] LE MARCHÉ DE L’OPEN SOURCE........................................................................11
[3.1]QUELQUES ÉTUDES.....................................................................................................................11
[3.2]UNE VAGUE PUISSANTE.................................................................................................................11
[3.3]UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE............................................................................................................12
[4] HISTOIRE
ET GRANDES FIGURES............................................................................................13
[4.1]LES HACKERS............................................................................................................................13
[4.2]RICHARD M. STALLMAN ET LA FSF.................................................................................................14
[4.3]LINUS TORVALDS .......................................................................................................................14
[4.4]ERIC S. RAYMOND ET L’OSI.........................................................................................................15
[4.5]LES GRANDES DATES DE L’OPEN SOURCE.............................................................................................15
[5] COPYRIGHT ET LICENCES..................................................................................16
[5.1]PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES..............................................................................................................16
[5.2]LA FAMILLE BSD.......................................................................................................................19
[5.3]LA LICENCE GNU GPL...............................................................................................................19
[5.4]PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET BREVETS............................................................................................23
[6] SUPPORT............................................................................................................24
[6.1]OPEN SOURCE ET SUPPORT.............................................................................................................24
[6.2]SUPPORT COMMUNAUTAIRE ET SUPPORT D’ÉDITEURS................................................................................24
[6.3]3 NIVEAUX DE SUPPORT.................................................................................................................25
[6.4]COUCHES LOGICIELLES.................................................................................................................25
[7] MODELES ECONOMIQUES...................................................................................28
[7.1]PRINCIPES................................................................................................................................28
[7.2]LES FONDATIONS.........................................................................................................................28
[7.3]LES DISTRIBUTEURS....................................................................................................................30
[7.4]LES ÉDITEURS OPEN SOURCE..........................................................................................................32
[7.5]LES PRESTATAIRES.......................................................................................................................41
[7.6]SYNTHÈSE................................................................................................................................43
[8] MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT...........................................................................44
[8.1]INTRODUCTION...........................................................................................................................44
[8.2]ORGANISATION, INSTANCES.............................................................................................................46
[8.3]MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT.........................................................................................................47
[8.4]LES OUTILS...............................................................................................................................48
[9] CONCLUSION......................................................................................................51

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[2] INTRODUCTION accès au code source est simplement


rendu nécessaire par ces libertés
fondamentales, et non une fin en soi.

[2.1] Terminologie Le logiciel open source se définit par les 10


articles de l’open source definition, sur
Le code source est la version d’un laquelle nous reviendrons plus loin.
programme qui est lisible et intelligible
pour l’homme. C’est le code source qui Les deux appellations sont presque
est écrit par l’informaticien, le équivalentes, mais correspondent à des
programmeur, et qui pourra être relu et écoles de pensées différentes. Aucune
modifié par d’autres. Les programmes n’acceptant d’être englobée par l’autre, les
peuvent ensuite être compilés, ce qui américains utilisent parfois le terme de
produit le code objet, ou binaire, ou encore FOSS pour « Free and Open Source
exécutable, qui lui n’est pas Software », ou encore FLOSS pour
compréhensible. « Free/Libre and Open Source Software ».

Un logiciel libre, ou logiciel open source, est Nous avons estimé qu’utiliser « FLOSS »
un programme dont le code source est dans tout le corps de ce livre blanc serait
distribué et peut être utilisé, copié, étudié, pesant pour le lecteur, et avons pris le
modifié et redistribué sans restriction. parti d’utiliser le terme open source.
Notons toutefois que FLOSS est le terme
Notons qu’il existe des langages officiel adopté par la commission
informatiques interprétés, tels le PHP, qui européenne.
n’existent pas autrement que sous forme
de code source. Mais même lorsque le
code source est disponible, il n’est pas [2.2] Philosophie de
toujours autorisé de le modifier. Ce sont
les termes de la licence, concédée par l’open source
l’auteur ou le détenteur des droits, qui
précisent s’il est permis ou non de
modifier le code, de le réutiliser, de le Une liberté fondamentale
redistribuer, et sous quelles conditions.
Pour Richard Matthew Stallman, le père
Logiciel libre est la juste traduction de la Free Software Foundation (1985),
« RMS » pour les intimes, le logiciel libre
française de free software, l’appellation
lancée par Richard Stallman et défendue est avant tout affaire de liberté. La liberté
que doit avoir chaque individu d’utiliser,
par la Free Software Foundation, la FSF.
modifier, et redistribuer n’importe quel
Open source est l’appellation de l’Open programme. Une liberté aussi
Source Initiative, qui édicte sur le site fondamentale que la liberté d’expression.
opensource.org les conditions que doit Et indissociable d’autres valeurs,
d’éthique et de responsabilité sociale.
satisfaire une licence pour se dire open
source. Dans cette logique, un logiciel non libre,
« propriétaire » donc, porte atteinte à cette
Le logiciel libre est défini par quatre liberté fondamentale. Le logiciel libre
libertés fondamentales : exécuter le n’est donc pas une simple alternative, et
programme, l’étudier, l’adapter, le encore moins le choix d’un business
redistribuer. Il faut souligner que le libre model parmi d’autres. Le logiciel

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propriétaire est « privateur » dans le sens Mais ils représentent des vues basées sur
où il prive de liberté, et il est en ce sens des valeurs fondamentalement
intolérable. Il s’agit bel et bien une lutte différentes. »
du bien contre le mal.

On pourrait sourire de ce manichéisme, Un patrimoine de l’humanité


mais lorsque l’on voit l’extraordinaire
patrimoine de logiciels que le mouvement Enfin, nous proposons ici notre propre
initiée par Stallman a mis à disposition de vision de l’open source, non pas tant
tous, on se doit d’être surtout admiratif et affaire de liberté, mais de progrès et de
reconnaissant. On ne fait pas une patrimoine. Voici le texte d’un article qui
révolution avec des idées molles, et il présente ce point de vue.
fallait l’intransigeance de Stallman, pour
créer une vraie rupture, et un mouvement "Nous sommes des nains sur les épaules
de pensée profond, où la liberté va de pair de géants". C’est dans le domaine des
avec des valeurs de solidarité sociale et sciences que l’on entend cette pensée. Et
d’entraide. en effet, les savants d’aujourd’hui ne sont
pas plus intelligents que ceux d’hier, mais
ils bénéficient, dès leur formation, de
Un modèle de développement siècles de science accumulée et c’est sur
ce socle immense construit par Newton,
Pour Eric Raymond, il ne s’agit guère Einstein et les autres, qu’ils apportent
d’éthique, ou même de philosophie, il est leurs petites pierres.
question avant tout de démontrer la
supériorité des logiciels réalisés selon un L’informatique n’est pas exactement une
modèle de développement open source science. Mais doit-elle pour autant tout
communautaire, et de les faire entrer dans reconstruire à chaque génération ? Si
la sphère économique. c’était le cas, elle serait condamnée à
toucher rapidement ses limites. Les
Pour Eric Raymond, le dogmatisme de la informaticiens d’aujourd’hui sont-ils plus
FSF ne joue pas en faveur du mouvement, doués que ceux d’hier ? Certainement pas.
et ce sont des logiciels de qualité Ont-ils appris plus de choses en cours ?
supérieure, plus que les valeurs éthiques, Un peu sans doute. Mais cela ne suffirait
qui imposeront l’open source. pas à s’élancer plus loin.

Avec Bruce Perens, il fonde l’Open Source Car si, en sciences, le patrimoine est
Initiative en 1998, pour promouvoir l’open entièrement dans le savoir, en
source (cf. « Eric S. Raymond et l’OSI », informatique, il y a deux patrimoines : la
page 15). Le mouvement « open source » connaissance d’une part, le code source
apparaît à certain comme une opération d’autre part. La connaissance progresse
de marketing en faveur du logiciel libre. lentement et il y a peu de savoirs
Mais pour Richard Stallman, il n’est pas fondamentaux pour bâtir, disons, Firefox
permis de jeter au passage les valeurs ou bien Eclipse, qui étaient inconnus il y
fondatrices, en particulier de liberté. a 15 ans. Si l’informatique progresse, c’est
plus par le patrimoine de code source que
Dix ans plus tard, la cicatrice de cette par la connaissance, c’est-à-dire que l’on
scission n’est pas refermée entre logiciel peut s’appuyer aujourd’hui sur un
libre et open source, et l’on ne peut immense socle de code source.
choisir une appellation plutôt qu’une
autre sans s’attirer les foudres de l’un des Dans les premiers temps, les
camps. Dans la pratique, Stallman informaticiens devaient tout créer,
convient que « les deux termes décrivent pratiquement pour chaque programme.
pratiquement la même catégorie de logiciel. Puis, les systèmes d’exploitation ont

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amené un premier niveau de socle, qui est


devenu plus sophistiqué au fil des années,
[2.3] Bière gratuite ?!
et les langages de haut niveau ont amené
des bibliothèques de plus en plus riches. « Free » voulant dire à la fois « gratuit » et
« libre », les tenants du free software
Sur ce socle élémentaire, nous avons s’évertuent à faire comprendre qu’il s’agit
ajouté différents socles de développement, bien de liberté et non de gratuité, selon la
des frameworks, qui constituent une formule « free as in ‘free speech’ and ‘free
seconde couche. Et ce n’est pas tout : market’, not as in ‘free beer’ ».
nous disposons aussi d’une quantité de
composants de haut niveau, que nous En français, nous n’avons pas cette
pouvons assembler pour construire des ambiguïté, mais nous avons gardé la
applications nouvelles. Au total, 90% du formule « logiciel libre ne signifie pas
code déroulé dans ces applications sera gratuit ». Et de cette formule, certains
issu, soit du système d’exploitation, soit comprennent qu’un logiciel libre peut être
des frameworks, soit des composants. Et payant. Ce n’est pas strictement faux,
nous n’aurons réellement développé que mais presque. Expliquons.
les 10% de valeur ajoutée spécifique.
Rien en effet, dans les licences open
C’est un constat important : l’informatique source, n’interdit de faire payer la
progresse essentiellement parce que le distribution du logiciel. Mais celui à qui
socle de code qui constitue notre vous le distribuez sera autorisé à le
patrimoine s’agrandit. dupliquer et le redistribuer gratuitement
s’il le souhaite. On voit qu’il est bien
Si, dans un effort gigantesque, je réalise difficile de vendre quelque chose que
un programme nouveau, représentant d’autres peuvent donner !
disons un million de lignes de code
originales, que ce programme répond à un Comme nous le verrons en expliquant les
besoin et qu’il est un succès commercial, modèles économiques, on ne peut faire
c’est certes une belle aventure, qui payer un droit d'utilisation d'un logiciel
m’enrichira peut-être et sera utile à mes open source. On peut faire payer des
clients. prestations associées (intégration,
support, formation, etc), et/ou un droit
Mais je n’aurai pas réellement fait d'utilisation associé à une licence non
progresser l’informatique d’un pouce, car open source du logiciel.
trois ans après moi, si un autre veut aller
plus loin dans cette voie, pour faire un Donc dans la pratique, il faut retenir que
meilleur programme sans disposer du un logiciel open source est bel et bien
mien, il lui faudra repartir d’où j’étais gratuit, d’acquisition comme d’utilisation,
parti, ré-écrire mon premier million de du point de vue de sa licence.
lignes de code, pour enfin y ajouter
200 000 lignes qui l’amèneront un peu Comme nous le verrons, cela n’empêche
plus loin. Ne pouvant grimper sur mes pas qu’il soit accompagné d’une offre de
épaules, il a les deux pieds dans la même services payants : intégration, support,
boue que moi, et n'a d'autre choix que formations, développements
d'être géant lui-même. complémentaires, voire même assurance
juridique. De sorte que son « coût total de
C’est la dimension humaniste de l’open possession » est rarement nul, même s’il
source que de considérer que nous est presque toujours inférieur à celui
apportons chacun notre pierre, ajoutant à d’une solution propriétaire équivalente.
ce patrimoine commun, qui nous
permettra d’aller plus loin. »

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donc de retours d’expérience, mais


[2.4] Les bénéfices de aussi leur modèle de développement
l’open source pour le et leur intégration de composants de
haut niveau, permet à beaucoup de
client surclasser les produits propriétaires
souvent vieillissants.

Pas seulement moins cher… A quoi on peut ajouter le plaisir, pour les
informaticiens, d’utiliser des programmes
Bien sûr, les bénéfices économiques sont dont ils peuvent acquérir une totale
parmi les premières raisons dans le choix maîtrise, sans barrière ni technique ni
de solutions open source. Même si « libre juridique.
ne signifie pas gratuit », ces solutions ont
toujours un coût de possession
sensiblement moins élevé que leurs La pérennité
équivalents propriétaires.
En matière de pérennité, les solutions
D’autant que les prix de prestations open source n’ont pas une garantie
tendent aussi à être moins élevés, car d’éternelle jouvence. Elles peuvent
l’ouverture du produit facilite la diffusion mourir, aussi, mais de mort lente !
de la connaissance.
Le pire qu’il puisse arriver pour une
Mais au fur et à mesure que ces solutions solution open source est une désaffection
arrivent à maturité, le moindre coût n’est progressive de la part des communautés,
plus le premier critère de choix. généralement au profit d’une solution plus
prometteuse. Ainsi, il est possible qu’il
Les principaux arguments sont alors : faille un jour changer de produit. Mais du
moins le phénomène est toujours lent, et
 La non-dépendance, ou moindre le client a le temps d’organiser la
dépendance, par rapport à un migration.
éditeur. On sait que changer
d’outil peut coûter très cher, et les Il faut souligner aussi que, même si
éditeurs peuvent être tentés de l’éditeur original était un jour défaillant, il
profiter de la vache à lait que resterait toujours possible pour une
constituent ces clients devenus communauté de reprendre en main le
captifs. En anglais, on parle de produit et ses évolutions, c’est le principe
vendor lock-in, le verrouillage par le des licences open source.
fournisseur.
Le notoriété, l’envergure des
 L’ouverture est également un déploiements, la dynamique du
argument de poids. Les solutions développement et de la communauté, ces
open source sont en général plus critères de pérennité sont relativement
respectueuses des standards, et plus facile à évaluer, et une solution open
ouvertes vers l’ajout de modules source leader offre une garantie de
d’extension. pérennité supérieure à la majorité des
solutions propriétaires.
 La pérennité est un autre critère de
choix fort, nous y revenons plus loin.
 Et la qualité finalement, car dans
L’ouverture
beaucoup de domaines les solutions
Un mot également sur la question de
open source sont réellement,
l’ouverture. La possibilité de faire des
objectivement, supérieures. Le très
modifications dans les sources est
grand nombre de déploiements et
fondamentale sur le plan théorique, mais

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parfois risquée sur le plan pratique (cf. La sécurité


« Maîtriser les sources : un droit, non un
devoir », page 10). Ce n’est donc pas en Le domaine de la sécurité mérite une
ces termes qu’il faut apprécier l’ouverture, mention spéciale. Car en matière de
mais plutôt dans la capacité à accepter sécurité, l’accès aux sources est
des extensions, ou à s’interfacer à quasiment une obligation. On ne
d’autres applications. concevrait pas que l’armée française
utilise pour ses communications un VPN
Sur le fond, il faut comprendre qu’un reçu sous forme d’exécutable d’un éditeur
éditeur à vocation commerciale n’a pas américain ou chinois.
que des intérêts convergents avec ceux de
ses clients. Certes, il évolue dans un En matière de sécurité, il est absolument
marché concurrentiel, et son produit doit obligatoire de pouvoir auditer ce qu’un
être au niveau de ses concurrents. Mais programme fait vraiment, et cela ne peut
une fois sa position bien assise, l’éditeur se faire qu’en analysant ses sources.
peut faire l’analyse que :
Pour autant, cela n’implique pas que le
 Son produit doit être performant,
programme soit open source. Certains
mais pas trop, car s’il faut plus de
éditeurs non open source acceptent de
serveurs, ce sera davantage de
livrer les sources à leurs clients, après
licences vendues.
signature d’un accord de non divulgation.
 Son produit doit être robuste, mais
pas trop, car il faut continuer à Mais il est un autre argument qui rend
vendre du support. l’open source indispensable ici : le peer
review, la validation des pairs, c’est à dire
 Son produit doit être ouvert, mais d’autres experts, et du plus grand nombre
pas trop, pour garder la maîtrise du possible d’autres experts.
client.
Faisons un petit parallèle. Dans ses
Nous ne disons pas que les éditeurs débuts, la cryptographie utilisait
propriétaires seraient machiavéliques au majoritairement des algorithmes secrets.
point de dégrader ces qualités dans leur On considérait alors que la protection de
produit, nous disons seulement que la l’algorithme contribuait à la sécurité.
priorité stratégique n’est pas Dans l’après-guerre, une révolution s’est
nécessairement mise sur ces qualités. amorcée : on a finalement conclu qu’un
algorithme secret, dont la qualité n’est
En matière d’ouverture, enfin, il faut affirmée que par la petite équipe qui l’a
souligner que le logiciel propriétaire n’est créé, avait de fortes chances d’être
pas la seule manière d’enfermer un client. défaillant, si ce n’est aujourd’hui alors
Les formats de documents sont aussi une sans doutes dans quelques années. Et a
arme puissante pour parvenir au contrario, les algorithmes qui sont
verrouillage du client. Ces dernières exposés sur la place publique, sont
années, on a pu voir une forte prise de analysés par des centaines d’experts dans
conscience de l’importance des formats le monde. S’ils ont une faille, elle est
ouverts, c’est-à-dire à la fois documentés, rapidement identifiée et connue. On peut
et d’utilisation libre. Ils sont à la fois la donc en dire autant des programmes qui
condition de l’indépendance, mais aussi exécutent ces algorithmes : le meilleur
de la pérennité des documents, et de moyen d’être assuré de leur perfection est
l’interopérabilité des applications de les exposer à l’audit de milliers
2
partageant ces documents . d’experts.
2
Pour en savoir plus:
http://blog.smile.fr/documents-ouverts-un-pont- Enfin ajoutons un dernier argument : en
entre-bureautique-et-gestion-de-contenus matière de sécurité, on préfère

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généralement les vieux algorithmes, qui grande implication, et donc un


ont fait leurs preuves, et on se méfie des budget sérieux.
dernières innovations. L’algorithme RSA
date de 1977 ! Il est naturel que depuis  Votre version modifiée est donc un
ce temps, les programmes qui fork, une version alternative, du
implémentent ces algorithmes soient produit. Elle ne bénéficiera pas, ou
parvenus dans le patrimoine commun, plus difficilement, du support tant
sinon dans le domaine public. éditeur que communautaire, et il
faudra réintroduire vos modifications
Il est donc naturel que le portail du dans les nouvelles versions pour
gouvernement consacré à la sécurité pouvoir en bénéficier.
informatique 3 accorde une place
importante au logiciel libre. Dans une majorité de cas, ces raisons
l’emportent. Pourtant, si elles devaient
bloquer toute forme de contribution, la
Maîtriser les sources : un droit, vitalité de l’open source serait
non un devoir compromise.

Il faut souligner, car c’est souvent mal Ce qu’il faut, c’est que chacun,
compris, qu’il n’est nullement nécessaire développeur indépendant ou organisation,
de maîtriser les sources d’un produit open mesure l’investissement qu’il peut faire
source, pour le déployer, l’utiliser et en sur un projet, s’y implique en échangeant
tirer bénéfice. Ni de les maîtriser, ni de abondamment avec les autres
les regarder, ni même de les télécharger. développeurs du projet, et effectue ses
modifications non pas dans son coin, mais
Il y a quelques années encore, certains dans le référentiel commun.
produits open source s’attachaient à ne
diffuser que les sources, obligeant C’est à dire qu’il est tout à fait souhaitable
l’utilisateur à recompiler et générer son d’enrichir le produit au sein de la
programme. Cette démarche un peu communauté ou en liaison avec l’éditeur,
extrémiste est aujourd’hui abandonnée mais qu’il n’est en général pas souhaitable
car elle nuit à la diffusion de l’open de le faire autrement.
source.
Pseudo open-source
Prendre connaissance des sources est un
droit et non un devoir. En théorie, il suffit de proposer ses
sources sous une licence agréée pour se
De même, modifier les sources est un
revendiquer logiciel open source. Pour
droit fondamental, mais dans beaucoup
les utilisateurs toutefois, il faut se défier
de cas c’est une chose qui n’est pas
des produits pseudo-open-source.
recommandée. Cela pour plusieurs
raisons : Il arrive couramment que des éditeurs de
 Il y a un risque important de solutions propriétaires en échec sur le
fragiliser le produit, parce que votre marché, particulièrement face à la montée
code sera moins bien testé que le en puissance de solutions concurrentes
reste, et que vous l’aurez écrit avec open source, prennent un ultime
une moindre maîtrise de l’ensemble. revirement stratégique avant de
disparaître, en déclarant que leur produit
 Sur des produits d’envergure, devient open source. Ils diffusent les
apporter des modifications demande sources avec plus ou moins de bonne
un grand investissement, une volonté, et envoient leurs commerciaux
clamer sur le marché qu’ils sont
3
http://www.securite-informatique.gouv.fr/ désormais aussi ouverts que leurs

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concurrents open source. Mais le cœur Md€, soit une part de marché de 1,4%.
n’y est pas, et ils ont la ferme résolution Ce marché devrait croître de 50% par an,
de ne laisser personne prendre la maîtrise sur un marché en croissance de 6,5%, ce
de leur code, et de garder la mainmise sur qui amène la part de marché du logiciel
la totalité des déploiements. open source à doubler en deux ans. Le
Syntec estime que la tendance sera à la
Pour les clients, ces solutions sont la pire mise en place de systèmes d’information
des voies car ils n’auront au bout du mêlant open source et propriétaire sans
compte aucun des bénéfices de l’open préjugés.
source, et en particulier subiront le même
verrouillage, le vendor lock-in, qu’avec une Selon une étude 2007 de Pierre Audoin
solution propriétaire. Mais plus grave que Consultants, le marché de l’open source
ça : l’expérience montre que ces solutions en France progresse d'environ 70% par
disparaissent presque toujours dans an. En France, le secteur public tient
l’année qui suit. une place particulière, et l’étude Markess,
de 2007, estime que le secteur public
consacre en moyenne 11% de ses budgets
informatiques aux technologies libres,
contre 7% en 2006, et 14% en 2009. Les
[3] LE MARCHÉ DE L’OPEN raisons invoquées par les décideurs sont
autant les contraintes budgétaires que le
SOURCE
besoin d’indépendance et
d’interopérabilité.

[3.1] Quelques études La France apparaît comme un précurseur


dans ce domaine, mais de son coté IDC
Tous les analystes, tant en France qu’aux estime que le marché mondial de l’open
États-Unis, s’accordent à percevoir source passera de 2 Md$ à 6 Md$ en
l’extraordinaire percée des solutions open 2011.
source dans la sphère économique ces
Enfin, citons également l’étude américaine
dernières années, et à la prolonger sur les
de Saugatuck Technologies, qui évalue à
années à venir.
10% la part des logiciels utilisés en
Il est toujours difficile de mesurer la entreprise aux U.S. qui sont des logiciels
pénétration de l'open source en termes de open source, et estime qu’elle passera à
milliards d'euros. Dans la mesure où une 15-20% d’ici à 2010.
part importante des produits sont utilisés
Mais au delà des parts de marché, tous
gratuitement, la part de marché en termes
les analystes s’accordent à penser que la
de déploiement est immensément plus
pénétration de l’open source dans un
grande que la part de marché en termes
nombre croissant de domaines est un des
de chiffre d'affaire. Il conviendrait de
facteurs les plus importants de réduction
mesurer le marché de l'open source en
des coûts informatiques dans les années à
termes de valeur de remplacement
venir.
propriétaire, c'est à dire valeur marchande
d'un produit propriétaire équivalent.

[3.2] Une vague


En France, le Syntec estimait pour sa puissante
part, dans une étude de 2007, que le
marché des logiciels et services open Comme on le verra plus loin, l’open source
source représente 450 M€ sur un marché est loin d’être un phénomène nouveau.
total des logiciels et services de plus de 30 Dans certains domaines, cette ancienneté

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fait partie de ses atouts : les logiciels collection du même nom, et l’un des
open source se sont bonifiés avec les penseurs de l’open source.
années, sont devenus toujours plus
robustes et ont vu asseoir également leur Dans un article de 20034, il revient sur la
part de marché, en particulier dans les rupture provoquée par la banalisation du
couches d’infrastructure et les outils de matériel, entamée en 1981, lorsque IBM
développement. crée un marché du PC compatible en
ouvrant son architecture. Il utilise le
Mais ces dernières années ont vu une terme de « commoditization », qui fait
sensible accélération de deux référence aux « commodities », les biens
phénomènes plus nouveaux. ordinaires tels que le blé ou le pétrole, des
biens dont le prix peut fluctuer, mais où il
Le premier est que les entreprises, y n’y a plus guère de valeur ajoutée
compris les plus grandes d’entre elles, spécifique, qui sont interchangeables,
n’ont plus aucune réticence vis à vis de banalisés.
l’open source. Les grandes DSI et les
Directions des Achats ont compris qu’elles La banalisation du matériel va donner
pouvaient y trouver à la fois des produits naissance à une immense industrie du
particulièrement solides et de vrais logiciel, dominée par Microsoft. Et
bénéfices économiques. On constate que donner naissance également à Dell, qui
de plus en plus d’appels d’offres comprendra le premier que le matériel est
mentionnent, et parfois exigent, des devenu une simple denrée industrielle.
solutions open source.
Vingt ans plus tard, l’open source apporte
Le second est l’apparition d’acteurs une rupture comparable, un changement
nouveaux, les éditeurs de solutions open de paradigme, la banalisation du logiciel,
source commerciales. A la manière des voire sa démonétisation. Système
compagnies aériennes low-cost, ces d’exploitation, serveurs, bases de
nouveaux entrants s’appuient sur un données, ces composants logiciels ont
business model différent pour apporter perdu l’essentiel de la valeur marchande
une dynamique nouvelle dans un paysage qu’ils portaient.
informatique souvent sclérosé. Base de
données, gestion de contenus, CRM, ERP, Et cette banalisation a donné naissance à
Décisionnel, … dans un nombre toujours une nouvelle industrie, dont les tenants
croissant de domaines, ces acteurs sont Google, Amazon, eBay, ou Facebook.
nouveaux révolutionnent le marché avec Les nouveaux géants du web, qui utilisent
un rapport service/prix inégalé. des centaines de milliers de serveurs, ont
besoin de logiciels démonétisés.
La rencontre des entreprises ouvertes à
l’open source, et de ces solutions toujours Certains ont dénoncé une destruction de
plus riches, est rendue possible par des valeur, lorsque les éditeurs traditionnels
prestataires informatiques spécialisés, qui perdent des parts de marché face à la
investissent dans la construction d’une concurrence de solutions open source, ou
forte expertise, et sont capables d’offrir un bien sont contraints de baisser leurs prix
support de qualité. de manière drastique. Mais c’est le
propre de tout progrès, quel que soit le
domaine, que d’apporter une telle
[3.3] Une analyse perturbation, une « destruction créative »,

économique 4
http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/arti
cles/paradigmshift_0504.html, Tim O’Reilly s’appuie
également sur une analyse antérieure de Ian
Il nous semble intéressant de citer ici une Murdock : http://ianmurdock.com/open-source-
analyse de Tim O’Reilly, l’éditeur de la and-the-commoditization-of-software/

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selon l'expression consacrée. Au final, le


moindre coût des programmes apporte un
[4] HISTOIRE
gain de compétitivité pour toutes les ET GRANDES FIGURES
industries qui consomment du logiciel, et
donc un gain de niveau de vie pour
chacun.
[4.1] Les hackers
Aux États-Unis, des personnes en
apparence intelligentes comme Steve D’une certaine manière, l’open source est
Ballmer ont comparé l’open source au aussi ancien que l’informatique, il est
communisme, injure suprême ! important de le souligner.

D’une certaine manière, on pourrait dire : Lorsque, dans les années 60, les premiers
c’est tout le contraire, l’open source est un ordinateurs arrivent dans les universités,
pur produit du capitalisme. L’une des l’accès libre aux programmes est la
lois du capitalisme n’est-elle pas que dès norme. Lorsqu’un universitaire trouve
lors qu’un acteur tire un profit exagéré de une nouvelle molécule, il montre le
sa position sur le marché, il apparaît des procédé à ses collègues, lorsqu’il écrit un
acteurs concurrents pour ramener un programme intéressant, il le montre à ses
niveau de profit raisonnable ? Mais collègues. C’est la démarche normale du
depuis longtemps déjà cette loi progrès scientifique.
élémentaire de la concurrence ne semblait
plus pouvoir jouer dans l’édition logicielle. Les années 60 et 70 sont sous le signe des
C’est finalement l’open source qui hackers, le plus souvent des étudiants
ramènera un niveau de profit raisonnable brillants, des meilleures universités
dans l’industrie du logiciel. Si 100 américaines, qui se jettent avec passion
millions de personnes sur terre ont besoin dans les premiers balbutiements de
d’une suite bureautique, alors il suffit l’informatique. Ils passent des nuits sur
qu’ils dépensent chacun 0,1 € par an pour leurs programmes, attendant de pouvoir
financer un effort de développement accéder quelques heures à un peu de
satisfaisant. D’une manière indirecte, temps-machine, qui est une denrée rare.
c’est ce juste prix qu’apporte l’open Ils partagent leurs astuces et leurs
source. programmes, au sein de différents clubs.

Pour autant, il existe aussi des domaines En 1962, Spacewar, un programme réalisé
où la banalisation n’est pas à l’ordre du au MIT, est parfois cité comme le premier
jour, et où au contraire c’est l’open source projet open source, en même temps que le
qui apporte une nouvelle dynamique de premier jeu vidéo. Créé par une petite
progrès dans des marchés sclérosés. Mais équipe, il s’enrichit ensuite pendant
toujours en réhabilitant la concurrence, et plusieurs années, grâce aux multiples
donc l’innovation, ainsi que le retour à un contributions rendues possibles par le
juste prix de marché. libre accès au code source.

D’une manière générale, avec l’open Le terme hacker de cette époque n’a pas la
source c’est l’expertise, c’est à dire la connotation sulfureuse d’aujourd’hui : un
connaissance qui prend toute sa valeur, hacker est alors un programmeur à la fois
au détriment de la simple propriété ou passionné et surdoué. Pas très éloignés
antériorité. La monétisation de la des nerds, « polards » en français, ce sont
connaissance est simplement eux qui posent les fondations de
proportionnelle à la rareté de l’expertise l’informatique moderne et beaucoup
au regard de la demande, selon des lois de créeront les entreprises leaders
marché ordinaires. d’aujourd’hui.

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Les hackers ont une philosophie, la dernier des vrais hackers. Dès 1983, il
hacker ethic, qui prône le libre accès aux souhaite un système d’exploitation et des
ordinateurs et aux programmes, et d’une outils libres d’utilisation, en lançant le
manière plus large la gratuité de projet GNU, qui vise à créer le premier
l’information. Ils sont globalement système d’exploitation libre, inspiré de
méfiants de l’autorité – en phase avec les Unix. En 1990, le projet est bien avancé,
mouvements étudiants des années 60 – avec en particulier un excellent
mais surtout, ils sont convaincus qu’il y a compilateur C (GCC), un éditeur réputé
de la beauté, de l’art, dans un programme, (Emacs), et une grande panoplie
et que l’informatique peut amener un d’utilitaires. Mais le noyau (GNU Hurd)
monde meilleur. est à peine commencé lorsque Linus
Torvalds sort son noyau Linux.
C’est dans les années 70 que la pratique
de ne pas diffuser les codes source des En 1985, Stallman fonde la Free Software
programmes s’est répandue, et que le Foundation (FSF), qui est à la fois l’entité
business model de l’éditeur de logiciel en charge du projet GNU, un lieu de
propriétaire est apparu. réflexion et un vecteur de promotion et de
défense du logiciel libre. La FSF a créé la
On pourrait retenir comme date licence GNU GPL, et son évolution récente
marquante de la scission entre le logiciel en v3 (cf. « La licence GNU GPL », page
libre et le logiciel propriétaire la réunion 19).
du Homebrew Computer Club, en 1976.
Lors de cette réunion, Bill Gates et Paul Richard Stallman est une personnalité
Allen présentent un programme atypique, penseur et activiste, en même
interpréteur de langage Basic, qu’ils ont temps que hacker. Il continue de sillonner
écrit pour le Altair 100, un des premiers le monde aujourd’hui, pour faire la
ordinateurs à microprocesseur. Les promotion du logiciel libre, et ne permet
membres du club prennent la bande pas que l’on oublie les valeurs fondatrices
perforée représentant le programme, la du mouvement.
dupliquent et la diffusent. Bill Gates,
furieux, écrira une lettre devenue
fameuse, intitulée Lettre Ouverte aux [4.3] Linus Torvalds
Hobbyist5, dans laquelle il explique que le
travail des développeurs doit pouvoir être En 1991, Linus Torvalds, étudiant
justement rémunéré, et que s’il ne l’est finlandais âgé de 21 ans, travaille à
pas, c’est l’innovation qui sera étouffée. développer un noyau de système
Le raisonnement est juste, et pourtant d’exploitation. Il s’inspire en partie de
l’avenir montrera qu’il est également Minix, un noyau expérimental qui
possible de réaliser de grands accompagne le livre de Andrew
programmes en open source. Tanenbaum, ouvrage de référence depuis
1987 : « Operating Systems : design and
implementation ». En quelques mois de
[4.2] Richard M. travail, il sort la version 0.01. Fin 1991,
Linux passe sous licence GPL, ce qui
Stallman et la FSF contribue à lancer une forte dynamique de
développement communautaire, qui
On peut considérer Richard Matthew conduira à la version 1.0 de Linux en
Stallman comme le père fondateur du 1994.
logiciel libre en tant que courant de
pensée, et il est décrit parfois comme le Linus Torvalds est plus un architecte et
développeur qu’un penseur ou un militant
5
http://en.wikipedia.org/wiki/Open_Letter_to_Hobb de l’open source ; il est respecté par tous,
yists

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mais prend rarement part aux débats officielle d’une licence open source, publiée
enflammés qui secouent les sur le site, et qui fait consensus.
communautés. Aujourd’hui encore, c’est
lui qui arbitre les orientations importantes Le site opensource.org publie également
du noyau Linux. un recensement des licences open source
agréées, une soixantaine de licences.
Soulignons que le système d’exploitation
est constitué du noyau et d’un grand
nombre de composants utilitaires sans
lesquels on ne saurait utiliser le noyau.
[4.5] Les grandes dates
Une majorité des composants entourant le de l’open source
noyau Linux étant issus du projet GNU,
Richard Stallman estime qu’il convient de 60-70  Les années hacker – voir
toujours appeler le système GNU/Linux,
plus haut
en reconnaissance des apports du projet
GNU.
1983  Année du “GNU Manifesto”
de Richard Stallman.

[4.4] Eric S. Raymond et 1984  Début du développement du


projet GNU, premier système
l’OSI d’exploitation libre ; le noyau
Hurd ne sera démarré qu’en
Eric S. Raymond est l’un des avocats 1990.
célèbres de l’open source, dans la fin des
années 90. Il a écrit différents ouvrages 1985  La Free Software Foundation
dont ‘La Cathédrale et le Bazar’, un des
textes fondateurs du mouvement6.  Distribution de la couche
graphique X Window en open
Il défend principalement la supériorité du source par le MIT
modèle de développement, donc de la
qualité des applications, davantage que 1989  Création de la licence GNU
les questions morales et humanistes. GPL
Contrairement à Stallman, Raymond n’est 1991  Linus Torvalds diffuse la
pas lui-même un hacker de haut vol, il est première version de Linux
davantage un penseur de l’open source.
Il s’est opposé à Stallman dans différents 1993  Création de la distribution
articles, estimant que les positions Linux Debian
intégristes de ce dernier pouvaient
desservir le mouvement.  FreeBSD 1.0
Eric Raymond est, avec Bruce Perens, l’un 1994  Première distribution RedHat
des fondateurs de l’Open Source Initiative
(OSI), qu’il crée en 1998, l’année où la 1995  Première version du serveur
mise en open source du navigateur Apache Httpd
Mozilla marquera une victoire symbolique
du mouvement. Encore aujourd’hui, 1997  « La Cathédrale et le Bazar »
l’OSI est un peu le gardien du temple de de Eric S. Raymond
l’open source au travers de son site
opensource.org, qui porte la définition 1998  Netscape livre Mozilla en
open source
6
http://catb.org/~esr/writings/cathedral-
bazaar/cathedral-bazaar/

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 Debian 2.0 milliard de dollars.

 IBM choisit le serveur Http  Google lance Android, un OS


Apache pour son offre web open source pour
smartphones
 Les « Halloween Documents »
notes internes de Microsoft 2009  Oracle rachète SUN pour 7
sont mis sur la place milliards de dollars
publique (cf « Erreur : source
de la référence non trouvée »,  Nokia ouvre sa plateforme
page Erreur : source de la Symbian en open source
référence non trouvée)
2010  Les entreprises françaises du
1998  Première version de Typo3 logiciel libre, organisées en
associations régionales, se
1999  Introduction en bourse de réunissent au sein du
Redhat Conseil National du Logiciel
Libre.
2000  SUN ouvre la suite Open
Office en open source.

 Première version de eZ
Publish [5] COPYRIGHT ET LICENCES

 Smile déploie Cofax, CMS


open source pour le CEA et [5.1] Principes
Egide.
élémentaires
2001  Introduction en bourse de
Mandriva Les programmes open source ne sont pas
des programmes « sans licences » comme
2003  SCO, avec l’aide de on l'entend parfois. C’est au contraire
Microsoft, attaque IBM et leur licence qui les fait open source. Ils
quelques autres, invoquant ne sont pas non plus dans le domaine
des droits sur Linux. public, c’est à dire n’appartenant à
personne en particulier, ou du moins
2005  Création de Alfresco, éditeur exempts de droits patrimoniaux.
open source d’une solution
de GED Lorsqu’un développeur écrit un
programme, il en détient les droits
2006  Redhat acquiert JBoss, pour d’auteur, le copyright. Dans certains cas,
350 millions de dollars. ce peut être l’entreprise qui l’emploie qui
en détient les droits. Et ce copyright peut
 SUN annonce le passage de être vendu, comme bien immatériel, d’une
Java sous GPL entreprise à une autre.
2007  L’Assemblé Nationale Le détenteur du copyright est libre de
Française adopte Linux pour définir l’utilisation qui peut être faite de
les postes de travail des son programme :
députés.

2008  SUN rachète MySql pour 1

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 Il peut le garder pour lui, en droit d’utiliser le programme que sous


interdire l’utilisation à qui que ce telles et telles conditions. S’il refuse ces
soit. conditions, il n’a pas le droit d’utiliser le
programme.
 Il peut vendre ses droits à un tiers,
personne physique ou morale.
Mentions élémentaires des
 Il peut utiliser son droit d’auteur
pour préciser les conditions qu’il licences
pose à l’utilisation de son
Toutes les licences open source ont en
programme. Il écrit ces conditions
commun quelques clauses de bon sens :
dans les termes de la licence
d’utilisation.  L’identification claire du propriétaire
du copyright, y compris au travers
A noter qu’en droit français, il n’est pas
des copies ou travaux dérivés.
aisé d’abandonner ses droits et de mettre
son programme dans le domaine public de  L’obligation de conserver la notice de
manière irréversible. licence en l’état, sur le programme et
les travaux dérivés. C’est bien sûr
Il faut bien expliquer aussi que ce n’est une nécessité technique : inutile de
pas la diffusion des sources qui fait qu’un définir des termes de licence s’ils
programme est open source, c’est le droit, sont évacués dès la première copie.
inscrit dans la licence, de les utiliser, de
les modifier et de les redistribuer  La protection de l’auteur vis à vis des
librement. utilisateurs de son programme, ses
éventuels défauts et les
Il est donc important de bien assimiler la conséquences de ces défauts : « ce
logique suivante : à la base de l’open programme est fourni ‘en l’état’ (« as
source il y a la licence, et la licence is »)… ». C’est bien le moins qui
n’existe qu’à partir du droit d’auteur. puisse être exigé : l’auteur vous
laisse utiliser librement son travail,
Ainsi tous les logiciels open source ont un vous n’allez pas quand même lui
propriétaire, ils ne sont pas « à personne », réclamer des dommages et intérêts.
ni même « à tout le monde ». Dans
A noter que dans certains pays, la
certains cas, ce propriétaire peut être une
distribution payante d’un programme
fondation à but non lucratif, ou bien ce
entraîne des droits inaliénables. D’une
peut être une entreprise commerciale
manière générale, la licence ne peut être
ordinaire. Il peut s'agir aussi de
contraire au droit national. C’est
plusieurs coauteurs, en particulier à la
pourquoi elle dit “Si vous ne pouvez pas
suite de contributions successives.
distribuer le programme en satisfaisant à
Le détenteur des droits est libre de fixer la fois vos obligations liées à licence et
les conditions de licence, il est libre d’en d’autres obligations applicables, alors vous
changer même, et il est libre d’y faire des ne pouvez pas distribuer le programme du
aménagements ou exceptions, ou de tout ».
diffuser à certains selon une licence, à
d’autres selon une autre licence. C’est à dire que soit l’on peut respecter les
lois nationales et la licence à la fois, soit
Celui qui reçoit le programme, en on est dans l’interdiction de distribuer le
revanche, n’est pas libre. Il est lié par les programme sous ladite licence.
termes de la licence. Certes il n’a pas
signé de contrat, mais la licence lui a été
bien énoncée, et elle stipule qu’il n’a le

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Définition d’un logiciel libre 2. Code source : la licence doit


permettre la distribution sous
Comme évoqué plus haut, le logiciel libre forme de code source, et si le code
se définit par le respect de quatre libertés source n’accompagne pas le
fondamentales : programme il doit être disponible de
manière facile et pratiquement
 exécuter le programme, gratuite.

 étudier le programme et l’adapter 3. Travaux dérivés : la licence doit


selon son besoin (ce qui implique permettre des modifications et des
bien sûr l’accès au code source), travaux dérivés, et doit permettre
que ces travaux soient distribués
 redistribuer le programme pour aider sous les mêmes termes de licence.
son prochain,
Revenons sur ce point 3 : la licence doit
 et enfin améliorer le programme et
au minimum permettre de redistribuer les
distribuer ces améliorations au
travaux dérivés sous la même licence.
public (ce qui de même implique le
Elle ne doit pas nécessairement l’obliger.
libre l’accès aux sources).
On verra que cette nuance est à la base de
Comme on l’a évoqué déjà, la finalité la distinction entre la famille BSD et la
première est la liberté, l’accès au source famille GNU.
n’est qu’un pré requis pour respecter cette
liberté. Parmi les autres articles de cette
définition figurent différentes clauses de
non-discrimination : la licence ne doit pas
Définition d’une licence open exclure tel groupe d’utilisateurs, ni tel
source domaine d’application, ni tel
environnement technique. Par exemple,
L’OSI, Open Source Initiative, a édicté une l’auteur du programme ne peut pas, en
définition précise de ce que signifie open pacifiste militant, préciser que son
source, une définition qui est aujourd’hui programme ne doit pas être utilisé pour
reconnue de manière à peu près guider des missiles. Du moins s’il ajoute
universelle. cette clause la licence ne sera plus open
source.
Avoir une définition officielle précise est
très important, une licence ne doit pas Licences GNU et BSD
pouvoir être plus ou moins open source :
elle l’est ou ne l’est pas, les choses doivent Il y a deux grandes familles de licences
être claires. open source : la famille BSD et la famille
GNU GPL. On parle parfois de licences
Et le site de l’OSI, opensource.org, indique copyleft pour les secondes et de licences
aussi quelles sont les principales licences
non copyleft pour les premières.
qui se conforment à cette définition. On
« Copyleft » est bien sûr un jeu de mot en
y retrouve bien entendu les licences bien
référence au « copyright », jeu de mot
connues, à commencer par la GPL, que
nous détaillons plus loin. traduit parfois par « gauche d’auteur », vs.
« droit d’auteur ». Mais pour autant le
La définition comporte dix points, dont les copyleft n’est pas un abandon de droit.
trois premiers sont les principaux :
Pour qu’il n’y ait pas de confusion,
1. Libre redistribution : la licence ne précisons que si la FSF et le mouvement
doit pas interdire à qui que ce soit du logiciel libre préfère les licences
de vendre ou donner le programme. copyleft, à commencer par la GPL, il n’y a

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pas correspondance entre logiciel libre et


copyleft : les licences BSD sont aussi du
[5.3] La licence GNU GPL
logiciel libre.
La licence GNU GPL
[5.2] La famille BSD La licence GNU GPL est utilisée par 70%
des programmes open source. Mais ce
La licence BSD (Berkeley Software pourcentage en nombre n’est pas le plus
Distribution) autorise n’importe quelle important puisque certains logiciels
utilisation du programme, de son code phares de l’open source sont sous
source et de travaux dérivés. Le code d’autres licences.
sous licence BSD peut en particulier être
utilisé intégré à des logiciels sous licence La licence GNU GPL, « GNU General
non open source. On sait que Microsoft a Public Licence », se caractérise
repris du code TCP-IP sous licence BSD principalement par son article 2, qui
dans Windows, et que MacOSX est basé énonce le droit de modifier le programme
sur FreeBSD. et de redistribuer ces modifications, qui
constituent des œuvres dérivées, à la
La seule contrainte spécifique est condition que ce soit sous la même licence
l’interdiction de chercher à tirer avantage GPL.
de la dénomination de l’auteur, ici
l’Université de Berkeley. C’est ce que certains appellent le
caractère viral de la licence : elle se
C’est donc la licence la plus libérale, qui communique aux travaux dérivés. Mais il
entraîne le moins de contraintes : les est plus correct de parler de réciprocité,
programmes sous licence BSD sont ou de donnant-donnant.
quasiment dans le domaine public. C’est
aussi peut-être la plus ancienne, Bien sûr, toute la question est alors de
puisqu’elle remonte à 1980. Il n’est pas savoir qu’est-ce exactement qu’une œuvre
interdit de modifier le texte de la licence, dérivée et qu’entend-on par distribuer ? Il
de sorte que l’on rencontre une multitude existe une vaste littérature sur le sujet, et
de versions dérivées, à quelques mots pourtant les zones d’ombre subsistent.
près. C’est un handicap pour la clarté et Certains estiment même qu’il n’est pas
la lisibilité de la licence. mauvais de laisser quelques doutes.

Dans la famille BSD, on trouve aussi la Voyons déjà ce qui est clair.
licence MIT, et la licence Apache. Cette
dernière est d’une grande importance
puisque utilisée déjà par la cinquantaine Que signifie « Œuvre dérivée » ?
de projets de la fondation Apache. On
peut citer également les licences Mozilla À coup sûr, si vous prenez un morceau de
(MPL) et SUN (CDDL). Les différences code source du programme A, que vous
entre ces différentes licences sont de modifiez des lignes ou ajoutez des lignes
l’ordre du détail. pour obtenir un programme B, c’est une
œuvre dérivée.

De manière certaine également, si vous


appelez des fonctions du programme A
depuis un programme B, en liant les deux
programmes (« link »), alors ici aussi, le
programme B est une œuvre dérivée.
Cette liaison entre les programmes peut

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Comprendre l'open source et les logiciels libres

être statique ou bien dynamique, c’est à A l’inverse, utiliser et déployer un


dire résolue à l’exécution seulement. Il programme au sein d’une même
existe un débat quant à savoir si une organisation, n’est pas distribuer. Ce qui
liaison dynamique donne une œuvre signifie qu’une entreprise peut construire
dérivée. une œuvre dérivée, et l’utiliser en interne
sur autant de postes ou serveurs qu’elle
Dans les environnements techniques juge utile, sans être tenue de diffuser les
modernes, il existe en fait une diversité de sources de l’œuvre. C’est un point
moyens d’invoquer les services d’un essentiel dans la sphère économique.
programme autrement qu’en appelant une
fonction. L’appel des services d’un Une autre question importante est celle de
programme A au moyen de protocoles la relation client-fournisseur dans les
d’échange réseau standards n’implique métiers de l’informatique. Lorsqu’un
pas que le programme B soit une œuvre prestataire tel que Smile construit une
dérivée. Si c’était le cas, alors un application utilisant des composants sous
navigateur adressant une requête à un licence GPL, et livre cette application à
site dont les programmes sont sous GPL, son client, le prestataire doit livrer
se trouverait lui-même obligé d’être GPL. l’ensemble des sources, y compris ajoutés.
Cette obligation de distribution des
En fait, il est souvent admis qu’un sources ne concerne QUE les personnes
programme B est considéré œuvre dérivée qui reçoivent le programme, ici donc le
du programme A, si B ne peut pas client. Il n’est pas requis de les mettre sur
fonctionner de manière utile sans A, ceci la place publique.
indépendamment des modalités
techniques de la liaison. Par ailleurs, le client peut soit garder pour
lui le programme (c’est-à-dire au sein de
Qu’en est-il d’un programme qui utilise son organisation), soit le distribuer, mais
par exemple une base de données MySql, alors obligatoirement sous licence GPL.
sous licence GPL ? Si ce programme
n’utilise pas, pour appeler la base, de Notons aussi que utiliser ou proposer
librairies sous licence GPL, alors il l’œuvre dérivée sous forme de service en
n’invoque les services de MySql que au ligne (software as a service), même
moyen de protocoles standards, ce qui commercial, n’est pas distribuer. C’est ce
n’implique pas qu’il soit GPL lui-même. que fait Google par exemple. Sur ce
Mais si le programme ne peut fonctionner point, voir plus loin la licence AGPL.
autrement qu’avec une base MySql, alors
on pourra considérer qu’il est œuvre
dérivée malgré tout. A noter que la FAQ L’esprit de la GPL
de MySql sur le sujet des licences a été
critiquée pour laisser entendre que toute Au delà des mots, l’esprit de la licence
forme d’utilisation commerciale devait être GPL est que, en tant qu’auteur ou
sous licence commerciale, ce qui est propriétaire d’un programme, je vous
erroné. donne le droit de l’utiliser et d’utiliser ses
sources à condition que vous en fassiez
autant. En somme, c’est donnant-
Que signifie « Distribuer » ? donnant.

Ici encore, certaines choses sont claires. La licence GPL a pour effet de diviser le
À coup sûr, si vous commercialisez votre monde en deux « camps » : le GPL et le
programme en tant que progiciel, cela reste du monde. Si vous êtes du coté
s’appelle distribuer. GPL, alors tout le patrimoine open source
sous GPL vous est accessible sans
restriction. Si vous êtes dans l’autre

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camp, c’est à dire que vous ne voulez pas La figure suivante7 est issue du site
distribuer votre code en donnant aux gnu.org. Les flèches indiquent la
autres la même liberté qui vous était compatibilité des licences.
donnée, alors vous ne pouvez pas en
profiter.

C’est ce qu’on pourrait appeler du


donnant-donnant, que les critiques de
cette licences appellent son aspect viral.

Compatibilité des licences


La question de compatibilité des licences
est primordiale. Si un programme A est
sous licence LA et un programme B est
sous licence LB, alors est-il possible de
construire un programme C utilisant à la
fois A et B ? Le programme C héritera
des exigences de LA et de celles de LB, et
s’il y a des contradictions entre ces
exigences, s’il est impossible de respecter Notons qu’une licence LA qui serait de type
les unes et les autres, alors il faudra copyleft, et pratiquement identique à la
renoncer à utiliser A et B.
GPL, mais porterait un autre nom, ne
Etant donné la domination de la licence serait pas compatible GPL, puisque l’œuvre
GPL dans l’open source, la question dérivée ne pourrait pas être à la fois GPL
principale est la compatibilité avec la et LA. C’est le cas par exemple de la
licence GPL. Un programme open source, licence « réciproque » introduite
qui aurait une licence incompatible avec récemment par Microsoft, la MsRL.
la GPL, aurait une utilisation plus réduite.
LGPL
Parmi les licences compatibles on peut
citer les licences BSD, MIT, ou la licence
La licence LGPL est très proche de la GPL,
Apache (compatible GPL-v3). Parmi les
mais autorise à appeler des fonctions du
non-compatibles, citons les licences SUN
programme à partir d’un autre
CDDL, Eclipse, Mozilla.
programme, sans exigence vis à vis de ces
programmes, qui peuvent ne pas être sous
licence open source eux-mêmes. Cette
licence est donc particulièrement
appropriée pour des librairies de fonctions
destinées à être appelées par différents
programmes, sans poser de conditions
trop fortes sur ces programmes.

LGPL signifiait initialement Library GPL,


mais l’appellation a été changée en Lesser
GPL (Moindre GPL), car Richard Stallman
souhaitait minimiser la correspondance
« librairie = LGPL » et permettre
d’envisager aussi bien des librairies sous

7
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GPL. La LGPL est un compromis entre la  Une protection contre les


volonté forte de promouvoir l’open source, revendications de brevets logiciels :
et éviter sa récupération au service de celui qui diffuse son code sous
logiciels propriétaires, et d’autre part la licence GPL-v3 donne tous les droits
volonté de rendre le plus grand service par d’utilisation permis par la licence et
la plus large utilisation. s’interdit de poursuivre les
utilisateurs au nom des brevets
A noter qu’au delà de la permission de logiciels.
linker, la LGPL introduit quelques
conditions un peu subtiles sur le  La possibilité d’ajouter certaines
programme linké. Certains restrictions particulières à la licence,
programmeurs ont préféré diffuser sous parmi un nombre limité de
GPL avec en addendum une special possibilités, ce qui donne un peu
plus de flexibilité dans les problèmes
linking exception, autorisant l’appel de
de compatibilité de licences.
fonction.

La GPL with special linking exception est AGPL (Affero)


plus lisible et plus permissive, ce qui l’a
fait choisir par SUN pour le JDK. Comme on l’a vu plus haut, il n’est pas
interdit de prendre un programme sous
licence GPL, construire sur cette base un
GPL-v3 programme qui soit œuvre dérivée, et
utiliser ce programme pour son propre
La version 3 de la licence GPL a été
besoin, y compris en le déployant au sein
achevée courant 2007, et s'est déployée
de son organisation, sans pour autant en
progressivement.
diffuser les sources. De la même
manière, il n’est pas interdit d’offrir un
Elle vise à améliorer la v2, et l’adapter à
service accessible sur l’Internet, qui soit
un contexte qui a évolué, sur les points
construit avec cette œuvre dérivée, sans
suivants :
pour autant en diffuser les sources, car
 Une plus stricte définition juridique cet usage n’est pas une distribution.
des termes, prêtant moins à
interprétation ; Avec la montée en puissance des offres de
services hébergés, de type Software as a
 L’interdiction d’empêcher, au moyen Service (SaaS), ce type d’usage s'est
de dispositifs physique ou en ne étendu fortement. Or à bien y réfléchir,
fournissant pas l’information rendre le programme accessible
requise, la mise en œuvre du logiciel directement à ses utilisateurs finaux au
modifié sur son hardware cible. travers de l’Internet, est bel et bien une
C’est ce qui avait été appelé manière d’interdire l’accès aux sources,
tivoisation, du nom de l’entreprise tout en faisant une exploitation le plus
Tivo, fabriquant de magnétoscope, souvent commerciale, qui s’apparente à
qui y avait recours. une distribution.

 Le cas de l’interdiction faite, dans de C’est pour répondre à ce risque de


nombreux pays, de contourner les contournement que la société Affero a
DRM. Une œuvre dérivée d’un créé, en coordination avec la FSF, la
logiciel GPL-v3 ne peut invoquer licence AGPL ou Affero GPL. Elle est
cette interdiction. C’est à dire qu’il identique à la GPL, mais ajoute un article
n’est pas interdit d’écrire un qui dit que si le programme initial
programme de DRM en utilisant des permettait un accès par le réseau et
composants GPL-v3, mais il est diffusait ses sources par le réseau, alors le
interdit d’interdire de le contourner. programme dérivé doit en faire de même.

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L'article est le suivant: libres ou non – porte sur un programme,


tandis que le brevet logiciel peut porter
« Si le programme tel que vous l'avez reçu sur un procédé, dans le sens le plus vague
est prévu pour interagir avec les qui soit. Le double clic sur un bouton de
utilisateurs au travers d'un réseau, et si, souris, par exemple (brevet 6,727,830) ,
dans la version que vous avez reçue, un ou bien encore le fait d'établir une liste de
utilisateur interagissant avec le programme tâches pour les programmeurs (brevet
avait la possibilité de demander la 6,748,582) et bien d'autres aberrations.
transmission du code source intégral du La plupart de ces brevets sont sans
programme, vous ne devez pas retirer cette valeur, mais on ne le saurait qu'à l'issue
possibilité pour la version modifiée u d'un long et coûteux procès. Leur valeur
est dans la perspective du procès, et non
programme ou une œuvre dérivée du
dans l'issue du procès.
programme (...) »
En 1991, Bill Gates déclarait « Si, au
C’est une mesure fondamentale, et il nous
moment où la plupart des idées
semble qu’elle tendra à se généraliser à
l’avenir. d'aujourd'hui ont été inventées, les gens
avaient compris comment les brevets
seraient accordés avaient déposé des
brevets, notre industrie serait totalement
[5.4] Propriété paralysée aujourd'hui ». Et effectivement,
Intellectuelle et brevets si Dan Bricklin, l'inventeur du tableur
avec Visicalc avait déposé un brevet en
1979, Microsoft n'aurait pu sortir Excel
Le terme général de propriété
avant 1999.
intellectuelle fait référence à tous les
aspects juridiques relatifs à la propriété Aujourd'hui, les grands éditeurs déposent
sur les biens immatériels créés par des brevets aux Etats-Unis, à tour de
l’intellect. bras, par milliers. Ils ne s'attaquent pas
entre eux, mais ils utilisent la menace
Le copyright sur un programme est une
d'actions invoquant les brevets comme
notion assez claire. Même si l’on a évoqué
arme atomique à l'égard des plus petits
plus haut les imprécisions possibles dans
éditeurs, et du monde open source. De
la notion d’œuvre dérivée, une chose est
manière totalement organisée, presque
sûre : si un programmeur se met à son
avouée, ils utilisent les brevets pour
clavier et écrit du code que son esprit
verrouiller leur oligopole, en sclérosant
conçoit, il n’est pas en train de violer un
l'innovation.
quelconque copyright. Lui-même, ou son
employeur, est titulaire des droits On considère parfois que les logiciels open
d’auteur sur son code. source ont plus à craindre des brevets
logiciels, simplement parce que leur code
En d’autres mots : on sait quand on
est ouvert. S’ils font usage d’algorithmes
enfreint un droit d’auteur. Ce n'est pas le
couverts par brevet, alors il est facile de le
cas pour les brevets, et aucun
découvrir. A l’inverse, si Microsoft ou
développeur ne pourrait travailler s'il
Oracle utilise du code qui enfreint un
devait se demander à chaque ligne est-ce
brevet, ou même un copyright, il serait
qu'il est en train de violer un brevet parmi
extrêmement compliqué de le démontrer.
les millions déposés.
Fort heureusement, les brevets logiciels
Il faut bien comprendre la distinction
n’ont pas cours en Europe, mais le danger
entre le copyright, le droit d'auteur et le
est grand et ses partisans ne désarment
brevet. Le copyright – qui est à le
pas.
fondement des licences, qu'elles soient

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Comprendre l'open source et les logiciels libres

[6] SUPPORT invoquée également


propriétaires.
par les licences

[6.1] Open source et [6.2] Support


support communautaire et
Le support des programmes est une support d’éditeurs
question clé. Dans l’informatique en
général, et plus encore dans l’open En matière de support open source, il faut
source. bien séparer deux mondes : les produits
communautaires d’une part, les produits
Qu’entend-on par support ? La capacité d’éditeurs commerciaux d’autre part.
à apporter de l’aide dans l’utilisation du
programme et à corriger le programme le Les produits communautaires (Linux,
cas échéant. Apache, PHP, …) bénéficient avant tout
d’un support communautaire. C’est à dire
Le support peut s’adresser aux basé sur le volontariat de développeurs
utilisateurs finaux, comme aux impliqués, qui répondent aux questions
exploitants du programme, ou encore aux des utilisateurs sur les mailing-lists et
programmeurs travaillant sur le forums. Et basé également sur le suivi et
programme. la prise en charge des anomalies sur les
plateformes de développement
Le déploiement de programmes pour des communautaires.
tâches critiques, en particulier dans des
entreprises, requiert absolument un Lorsque la communauté est active, comme
support, car le risque d’une situation de c’est le cas autour des grands produits, ce
blocage est trop important, cela que ce support communautaire peut être d’une
blocage soit dû à une anomalie ou à un très grande efficacité, d’une très grande
mauvais usage, mauvaise configuration, réactivité, très supérieur à un support
incompatibilité, etc. commercial. Mais certains utilisateurs
resteront chagrinés qu’il soit sans
La question du support est un sujet garantie, que l’on ne puisse attaquer
sensible en matière de logiciel open personne si un problème n’était pas
source. En premier lieu parce qu’il y a résolu. En réalité, la plupart des
une différence de fond, pour les produits supports d’éditeurs commerciaux sont
d’origine communautaire, entre un également sans garantie de résultat.
support de communautés et un support
d’éditeur. En second lieu parce que les Outre l’aspect communautaire, se pose
éditeurs de produits propriétaires aussi le problème de la diversité des
voudraient faire croire que le support est produits. Un système d’information peut
un point faible des logiciels open source. inclure couramment plus de 10 produits
différents dans la ‘pile’ logicielle : Linux,
Il est vrai que la licence open source porte Apache, Tomcat, MySql, Hibernate, …
en général en gros caractères la mention : Lorsqu’un problème survient, à qui
ce logiciel est fourni en l’état, sans s’adressera-t-on ? Les clients
garanties, etc… Et de fait, il serait professionnels demandent un
extraordinaire de réclamer quoi que ce interlocuteur unique, pour prendre en
soit à l’auteur qui vous a permis d’utiliser charge les premiers niveaux de support.
son œuvre. Mais on oublie parfois que
l’absence de garantie est le plus souvent Très tôt dans le développement de l’open
source, des acteurs commerciaux ont

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Comprendre l'open source et les logiciels libres

répondu à cette demande de support. mesure de ses compétences, ou


C’est le positionnement des ‘distributeurs’ sinon détermine l’aiguillage
tels que Redhat ou Mandriva, mais aussi approprié vers un spécialiste.
des premières SSLL en France, telles que
Alcôve, Linagora ou OpenWide.  Niveau 3 : un intervenant expert
spécialisé apporte la correction
définitive.

Du côté des éditeurs open source (MySql, Une correction portant sur le code source
eZ Publish, OpenERP et bien d'autres), la d’un programme ne peut se faire qu’au
question est différente : l’éditeur est une niveau 3.
société commerciale et son business
Bien entendu, une règle générale en
model est essentiellement basé sur son
matière de support est qu’il faut limiter les
offre de support. Ici donc, le dispositif de
intervenants aux premiers niveaux, si
support est très proche de celui des
possible n’en avoir qu’un seul jusqu’au
produits propriétaires. Pas identique
niveau 2, qui est en charge de l’aiguillage.
toutefois car en parallèle, en complément
au support payant de l’éditeur, il existe C’est ce qui est représenté sur la figure
souvent un support communautaire,
plus ou moins vivace selon les produits.

Mais le plus souvent, les corrections


touchant au code ne sont assurées que
par l’éditeur.

Pour les nouveaux éditeurs de l’open


source commercial, le support produit est
le fondement du business model, il est
leur raison de vivre, leur unique source
de revenus. On peut donc s’attendre à
un support de grande qualité, incluant
une variété d’options en termes de
réactivité. suivante :

[6.3] 3 niveaux de
support [6.4] Couches logicielles
Rappelons tout d’abord la définition Dans la suite, nous distinguons 4 couches
usuelle des niveaux de support : d’une plateforme open source typique :
 Niveau 1 : un opérateur non-expert  Le système d’exploitation
prend note de la demande, la saisit GNU/Linux. Le niveau 3 ne peut
dans l’outil de suivi, et consulte des être assuré que par des
instructions simples pour tenter un communautés (Debian), ou des
dépannage. distributeurs spécialisés (Redhat,
 Niveau 2 : un intervenant expert sur Mandriva, Canonical).
une variété de domaines analyse la  Les composants système divers,
demande, fait un premier diagnostic généralement inclus dans la
du problème. Il résout le problème distribution, typiquement Apache ou
ou trouve un contournement dans la Tomcat. Ceux-là également sont

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généralement supportés au niveau 3


par les communautés, par exemple
celle de l’Apache Software
Foundation.
 Les solutions de haut-niveau
d’éditeurs open source, typiquement
eZ Publish, OpenERP ou bien Nuxeo.
Elles ne peuvent être supportées au
niveau 3 que par leur éditeur.
 Enfin, les modules applicatifs
spécifiques, ou bien configurations
complexes de ces applications. Ce
peut être par exemple une
application métier entièrement
spécifique, construite sur un
framework open source, ou bien des Ainsi, il est clair que le besoin de support
jeux de gabarits ou extensions d’un est plus fort pour les couches
outil de gestion de contenus. Elles supérieures. S’il y a interlocuteur unique,
sont réalisées le plus souvent par un alors ce sera naturellement celui qui peut
intégrateur de solutions open intervenir sur ces couches.
source, mais éventuellement par les
équipes du client final. Et bien sûr,
c’est celui qui les a réalisées qui est Support en l’absence d’applicatif
le mieux placé pour en assurer le spécifique
niveau 3.
La figure suivante représente le cas où les
Il est clair que la stabilité va croissante
produits open source sont utilisés en
entre ces 4 couches : les bugs dans
l’état, avec aucune ou très peu de
Apache sont rares, mais ceux de Linux
configuration. C’est typiquement le cas
sont plus rares encore. Les solutions de
d’un déploiement de la suite OpenOffice.
haut niveau sont moins robustes que
Apache, mais la probabilité de bugs est la
plus forte dans les développements
spécifiques, tout simplement parce qu’ils
n’ont qu’un nombre limité d’utilisateurs et
une moindre ancienneté.

C’est ce qui est représenté sur la figure


suivante :

Si la configuration inclut un produit


d’éditeur en plus des produits de
communautés, et toujours en l’absence de
configuration spécifique élaborée, alors le
client peut s’adresser directement à
l’éditeur pour les niveaux 1, 2 et 3 sur son
produit, et au distributeur sur les couches

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inférieures. Il est rare que les éditeurs Dans ce cas de figure, l’intégrateur est le
souhaitent assurer du niveau 1 et 2 au plus à même d’assurer le support de
delà de leur produit, sur l’ensemble de la niveau 1 et 2 sur l’ensemble de la pile, en
configuration. se tournant vers les expertises
appropriées pour le niveau 3.

Centre de support intégrateur


Enfin, certains prestataires proposent Il peut arriver toutefois que le client ait
d’assurer un support global multi- plusieurs configurations différentes,
produits en niveaux 1 et 2. C’est le cœur reposant sur les mêmes couches basses,
de métier de certaines SSLL, mais et aura confié à un distributeur le support
quelques SSII généralistes s’y sont mises global sur ces couches.
également.

Il est rare qu’elles aient l’expertise requise


pour assurer le niveau 3 sur toute la
palette des composants, mais elles
peuvent construire une expertise
suffisante sur quelques-uns d’entre eux.

Cette seconde figure représente une


alternative, dans laquelle le client final
s’adresse à un distributeur pour le
support du bas de la pile : système
d’exploitation et composants système, et à
Cas d’une application ou l’intégrateur pour les composants
configuration spécifique supérieurs.

La figure suivante représente le cas où le


client utilise une application spécifique,
ou bien une configuration complexe d’une
solution open source d’éditeur, qui a été
élaborée pour lui par un intégrateur de
solutions open source.

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[7] MODELES ECONOMIQUES lucratif, qui stimulent et pilotent le


développement de grands produits open
source.

[7.1] Principes Distributeurs

Ce qu’on appelle modèle éconmique, ou A la manière de Redhat, Canonical


« business model », ce sont les principes de (Ubuntu) ou Mandriva, ils sélectionnent
fonctionnement qui assurent la rentabilité des outils et composants autour d’un
d’une société. On peut étendre l’analyse noyau Linux, en assurent le packaging, la
aux organismes à but non lucratif en distribution et le support. Ils ont souvent
s’intéressant du moins à leurs revenus et aussi une activité d'éditeurs.
charges.
Éditeurs
Et de fait, tout n’est pas gratuit dans
l’open source, et il y a une vraie économie Ils créent un produit logiciel, qu’ils
de l’open source, qui a ses particularités. diffusent sous licence open source, en
tout ou partie. Ils assurent la promotion
On distingue trois grandes familles de de leur produit, et proposent des offres de
logiciels open source : (1) les produits de support.
fondations (Apache, Eclipse, Linux, …), (2)
les produits communautaires et (3) les
produits d’éditeurs. La question des Prestataires
modèles économiques se pose
Les prestataires de l’open source vendent
essentiellement pour ces derniers, dont
des services, que ce soit dans un mode de
l'offre constitue une part croissante du
régie ou de forfait. La prestation peut
patrimoine open source.
porter sur du conseil, de l'intégration, du
On sait bien que les logiciels open source support, de la formation, de
ne sont pas tous écrits par des bénévoles, l'hébergement, etc.
le soir après leur travail, pour le plaisir ou
pour la gloire. Ils existent, ces
développeurs passionnés qui prennent [7.2] Les fondations
sur leur temps libre pour faire avancer
des projets. Ils existent, et on peut les Les fondations et autres organismes à but
remercier, mais ils n’écrivent au final non lucratif tiennent une place très
qu’une toute petite partie des programmes importante dans l’écosystème de l’open
open source que nous utilisons. source.
La question est souvent posée par les Les plus grands produits open source, et
néophytes incrédules : Mais si c’est ceux qui ont la plus large diffusion, sont
gratuit, alors comment ça peut marcher, il issus de ces fondations, ou bien repris en
faut bien que quelqu’un paye à un charge par celles-ci.
moment ?
La Free Software Foundation, déjà
Nous étudions ici les 4 typologies évoquée plus haut pour sa définition du
d’acteurs de l’open source : logiciel libre et des licences GNU GPL et
ses missions de défense et de promotion
Fondations du logiciel libre, continue de jouer un rôle
clé dans le développement des
A l’image de la fondation Apache, ou composants du GNU Project qui sont
Eclipse, ce sont des organismes à but non associés au noyau Linux.

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Voyons quelques unes des autres grandes Les dépenses, sur la même période, ne
fondations. sont que de 33 K$, dont 28 consacrés à la
mission principale de la fondation de
diffuser ses logiciels open source au public
Apache gratuitement, c’est à dire principalement
des coûts d’hébergement et d’exploitation.
Le serveur Http Apache est le produit
fondateur de la fondation éponyme. Il On constate donc que les flux financiers
remonte aux tous débuts du web, soit sont minuscules, comparés à la puissance
1995, où quelques développeurs réunis au effective de la fondation dans sa mission
sein de l’Apache Group entreprennent de promotion et de développement de
d’améliorer le premier Httpd du NCSA, grandes applications open source.
comme alternative aux outils de Sun et
Netscape. A partir de 1996 et jusqu’à L’avancement des projets est surtout basé
aujourd’hui, le serveur Apache est le plus sur le volontariat, mais également sur les
utilisé sur le web. dons en nature que peuvent faire des
entreprises en autorisant certains de leurs
La Apache Software Foundation (ASF) est développeurs à travailler sur des projets
une association à but non lucratif de droit Apache sur leur temps de travail, pour
américain, et l’un des temples de l’open une période convenue. Des accords
source. Dans le paysage de l’open spécifiques permettent d’assurer que le
source, c’est la seule entité qui ait à la fois fruit de ce travail est propriété de l’ASF.
les moyens de pousser des projets
nombreux et d’envergure, et qui ne soit Il y a une bonne cinquantaine de projets
pas à la recherche de profits. Apache, dont la notoriété, la diffusion et la
qualité sont variées. Dans l’ensemble,
Du fait de cette vocation non commerciale, une caractéristique commune est d’avoir
l’ASF est motivée à donner naissance à une architecture logicielle solide, basée
des projets de qualité, qui puissent être sur des standards.
utilisés librement par le plus grand
nombre. C’est aussi cette caractéristique Citons quelques-uns de ces produits :
qui amène des entreprises ou Apache Httpd, Perl, Lucene, Tomcat, Ant,
développeurs à donner des programmes à Cocoon, Lenya, OfBiz, Struts, et bien
l’ASF. d’autres…
Les programmes des projets Apache
appartiennent à l’ASF, qui les diffuse sous Eclipse
licence APL, une licence non-copyleft.
Eclipse est une initiative qui réunit de
La fondation Apache est financée par grandes sociétés informatiques, à
quelques sponsors, et tire de petits l’initiative d’IBM, pour développer
revenus de l’organisation de séminaires, initialement une plateforme de
vente de goodies et dons en ligne. Mais développement intégrée (IDE, Integrated
en fait, la fondation a surtout un tout Development Environment), du même nom.
petit budget.
Le mouvement change de statuts en 2004
Sur son bilan 2005-2006, qui reste en pour devenir fondation Eclipse,
2010 le dernier publié, elle déclarait des association à but non lucratif (non profit
recettes de 150 K$, dont 95 K$ de dons et organization).
50 K$ de revenus de ses services, répartis
entre recettes des conférences Apache La mission de l’organisation est de créer et
(environ 30 K$) et des Codes Awards (20 promouvoir un ensemble d’outils de
K$). conception, développement et gestion de

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programmes, ainsi que des composants et  Distribuer ces produits et leurs mises
frameworks. à jour, c’est à dire assurer leur
acheminement jusqu’aux
L’intérêt stratégique, pour IBM, est de utilisateurs-clients
contrer la plateforme Microsoft dans les
entreprises. En effet, la qualité des outils  Assurer le support de ces produits :
de développement tient une part hot-line, traitement des demandes,
importante dans l’adoption d’une conseil, formation
plateforme par les développeurs, et les
outils de développement Java étaient Initialement, dans les années 90, le
souvent jugés moins bien intégrés et moyen de distribution privilégié était la
moins ergonomiques que ceux de disquette puis le CD-ROM, et la principale
Microsoft. activité des distributeurs était le gravage
et la distribution des CDs. Aujourd’hui,
La fondation est financée par ses la diffusion est majoritairement online, et
membres, de grandes sociétés proches de le cœur de métier des distributeurs s’est
l’informatiques (IBM, Intel, BEA, Motorola, déplacé pour se centrer sur le support.
Nokia, Oracle, SAP, Zend, …). Elle
dispose de salariés pour des missions Les distributeurs distribuent
administratives, mais les développeurs essentiellement des produits dont ils ne
sont des programmeurs indépendants, ou sont pas détenteurs des droits. Ils n’ont
bien travaillant pour des entreprises qui donc pas le choix de proposer telle ou telle
leur accordent du temps pour participer à licence, ou bien une licence GPL et une
ces projets. licence commerciale comme le font
certains éditeurs : c’est le détenteur des
La fondation fournit 4 services à la droits qui décide de la licence. Les
communauté Eclipse : distributeurs open source diffusent une
majorité de produits sous GPL, et
 une infrastructure matérielle qui quelques produits sous BSD ou d’autres
héberge les travaux, licences.

 un cadre juridique pour les Certains sont aussi éditeurs de quelques


questions de propriété intellectuelle, produits de leur distribution.
 des processus pour le
développement communautaire, Redhat
 et la promotion et facilitation des
Fondé en 1994, Redhat domine de très
projets au sein de l’écosystème.
loin ce marché, avec près 2800 employés
dans le monde en 2009. Pour beaucoup
d’entreprises, en particulier aux États-
[7.3] Les Distributeurs Unis, Redhat a donné sa crédibilité à
l’open source.
Les distributeurs sont des sociétés comme
Redhat, Ubuntu, Mandriva, Suse et Redhat est aussi un des plus importants
quelques autres, dont l’activité est de : contributeurs du noyau Linux, et est
également éditeur de produits open
 Sélectionner des produits et versions, source, au premier rang desquels figure le
entourant le noyau Linux serveur d’application JBoss, acquis en
2006, ou des outils tels que Hibernate.
 Valider la maturité et la robustesse
de ces produits Le support est disponible par abonnement
(subscription), payé annuellement. Le
prix dépend du périmètre de produits

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concernés, et du niveau de service. Au parvenant à quelques résultats positifs en


catalogue Redhat, ce support peut aller de 2004 avant de replonger dans le rouge.
$350 à $2500, par an et par serveur. Le Sur l'exercice 2006-2007, le chiffre
modèle est donc par construction très d’affaire est de 4,2 M€ et la perte
récurrent. A noter que le contrat de d’exploitation de 2,3 M€. Les derniers
support inclut une clause de « Intellectual chiffres disponibles à mars 2010 sont
Property protection », une assurance ceux du troisième trimestre 2008, avec un
juridique qui protège le client CA de 0.83 ME, et une perte
d’éventuelles actions d’éventuels d'exploitation de 0.64 ME. Il semble que
détenteurs de brevets. Une clause très Mandriva souffre particulièrement de la
prisée aux États-Unis. montée en puissance de la distribution
Ubuntu.
Les souscriptions représentent 82% des
revenus de Redhat, le reste provenant des Mandriva est éditeur de produits en
prestations de formations et conseil. Du propre : la solution de gestion de parc
coté des coûts on peut identifier, sans informatique Pulse 2.0, et le serveur Ldap
connaître la part de chacun : Mandriva Directory Server. En 2007,
Mandriva a également fait l'acquisition de
 Les coûts habituels d’une société Linbox.
commerciale : services généraux,
RH, services commerciaux,
marketing. A noter que les coûts de Debian
commerce et marketing représentent
36% du chiffre d’affaire, et les autres Même si elle ne vise pas un semblable
coûts administratifs, 20%. business model, il faut ici une mention
spéciale pour Debian, une distribution
 Les coûts associés aux prestations Linux non-commerciale, la plus ancienne,
de support : hot-line, experts, la plus communautaire et finalement la
consultants plus proche des valeurs fondatrices de
l’open source. C’est aussi la seconde
 Les coûts des développeurs
distribution Linux la plus utilisée.
contribuant aux produits open
source distribués, ou recherche et
Projet fondé par Ian Murdock (aujourd’hui
développement : 18% environ. chez SUN), en 1993, il se caractérise par
Au total, le résultat net de Redhat pour les Debian Free Software Guidelines,
l’année 2008-2009 est d’environ 79 M$, énoncées en 96 (qui inspireront l’Open
sur un chiffre d'affaire de 653 M$. Source Definition), et son système de
gestion des packages.

Mandriva
Si Redhat affiche une santé éclatante, les
distributeurs Linux français ont connu au
contraire des années difficiles.
Anciennement Mandrakesoft, la société
diffuse et supporte depuis 1998, la
distribution Mandriva Linux, qui a accédé
au ‘top 10’ des distributions au plan
mondial.

Introduite en bourse en 2001, la société a


un parcours mouvementé, traversant un
redressement judiciaire en 2003,

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tournées vers le développement et le


[7.4] Les éditeurs open support du produit. Elles font peu de
source marketing, peu de commerce. Comme les
compagnies low-cost, elles ont
structurellement des coûts très inférieurs,
Éditeur open source ce qui leur permet de vivre avec de faibles
revenus.
L’éditeur, c’est celui qui détient les droits
du produit, en assure le développement, Malgré tout, développer un programme de
la promotion, la diffusion et le support. qualité coûte cher, même s’il est open
source. Un peu moins cher peut-être
Dans un premier temps, les seuls acteurs que son équivalent propriétaire, parce que
commerciaux de l’open source étaient des (a) il peut s’appuyer sur d’autres briques
distributeurs plus que des éditeurs, open source, pour autant que leur licence
l’acteur emblématique étant Redhat. le permette, (b) il peut bénéficier de
contributions communautaires, et (c) il a
C’est MySql qui a ouvert la voie de la probablement plus de développeurs
logique de l’éditeur open source, et depuis passionnés. Mais tout cela ne fait pas
quelques années, ce modèle a donné du logiciel à moitié prix.
naissance à de nombreux nouveaux
acteurs, particulièrement dynamiques. Puisque développer un programme coûte
cher, il faut bien que l’éditeur trouve un
Les éditeurs open source sont des sociétés retour sur son investissement. Et même
commerciales ordinaires, c’est à dire à but une certaine prime de risque, puisque son
lucratif. Comme un éditeur ordinaire, risque est grand de ne pas rencontrer le
elles investissent massivement dans le succès espéré.
développement de leur produit, et parfois
également dans sa promotion, son Ce qui pose la question du modèle
marketing. La seule différence est que le économique des éditeurs open source,
produit est diffusé sous licence open souvent indissociable du choix de
source, ou parfois sous double licence. licences. Voyons quels sont ces modèles,
et les grandes tendances du moment.
Pourquoi choisissent-ils ce modèle ? Au
delà de l’adhésion aux valeurs de l’open
source, ils font sans doute l’analyse que
Vraiment open source ?
l’open source est devenu le seul moyen de
Certains éditeurs pourraient être tentés
percer dans un marché prisonnier de
d’être « plus ou moins open source »,
quelques oligopoles. Un peu à la manière
diffuser les sources sans les droits
des compagnies aériennes low-cost, ces
d’utilisation, ou avec différentes
nouveaux acteurs amènent un business
conditions restrictives, bref de se
model légèrement différent, de nature à
proclamer open source sans l’être
casser les positions acquises.
vraiment.
Si la finalité économique est très
Heureusement, ce n’est pas possible, et
semblable, ces nouveaux acteurs ont
c’est l’apport fondamental d’institutions
néanmoins des caractéristiques
comme la FSF et l’OSI, que de définir sans
spécifiques par rapport aux éditeurs
ambigüité ce qui est, et ce qui n’est pas,
classiques. En premier lieu, ce sont de
une licence open source.
petites structures, de très petites
structures en comparaison des éditeurs
Les éditeurs open source ne peuvent donc
en place. MySql comptait 360 employés
pas tricher, ils doivent diffuser leurs
au moment où SUN en a fait l'acquisition.
produits sous une licence agréée. Ce qui
Et leurs forces sont majoritairement

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signifie que les utilisateurs peuvent Vente de licence


librement et gratuitement redistribuer
lesdits produits, c’est la définition même. « Vendre des licences » et « open source »
semble une contradiction. Effectivement,
La plupart des éditeurs choisissent la même s'il n'est pas interdit de faire payer
licence GPL, qui présente pour eux deux la distribution, il n'est pas possible de
grands avantages : (1) elle est connue et faire payer un droit d'utilisation sur un
donc parfaitement lisible, elle est perçue logiciel open source (cf. « Bière gratuite
par le marché comme un gage de ?! », page 7).
transparence, (2) elle interdit à d’autres
d’intégrer le produit dans un Mais il y a plusieurs cas de figure de
développement propriétaire, et donc de se double licences possibles.
faire de l’argent sur le dos de l’auteur ou
détenteur du droit d’auteur.
1) Sortir de la GPL

Business model de l’éditeur open Le premier est une licence non open
source source, propriétaire donc, qui permet au
client de ne pas être tenu par les
Les éditeurs open source ont trois types obligations de la licence GPL. En
de revenus : particulier si le client veut distribuer une
œuvre dérivée utilisant le programme, et
 Ventes de licences ne souhaite pas diffuser ses sources, il lui
faudra acquérir une licence commerciale.
 Vente de support Des éditeurs comme eZ Systems ou MySql
 Vente de prestations proposent cette option.

Auxquels s’ajoutent dans certains cas des Pour des applicatifs de haut niveau, par
revenus issus de leurs intégrateurs exemple le CMS eZ Publish, ce n’est en
partenaires : partenariat payant pour général pas une source de revenus
certains, ou commission sur l’apport importante car la finalité est de faire un
d’affaires, lorsque des prospects sont site et rarement de faire un produit. Mais
dirigés vers des partenaires. dans le cas de MySql, la vente de licences
représente plus de la moitié du CA.
Et bien sûr, au chapitre des dépenses, on
trouve : 2) Modules complémentaires payants
 Le développement produit
Le second cas de figure est celui où
 Le support l’éditeur propose des modules
complémentaires à l’application
 Le commerce et le marketing principale, ces modules étant
exclusivement sous licence commerciale.
Les éditeurs bénéficient aussi de l’open Selon les cas, la partie open source pourra
source au niveau des coûts : en pouvant être plus ou moins complète. Mais si elle
s’appuyer sur l’extraordinaire patrimoine est trop légère, et donne l’impression
de code déjà disponible sous licence open d’être un simple appât pour ferrer le
source, ils font d’importantes économies pigeon, elle sera rejetée. Si l’application
de développement. open source est de qualité, et que les
modules payants sont optionnels, le
modèle peut tenir la route. On peut citer
Talend et Pentaho, comme éditeurs ayant
choisi ce modèle.

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3) Dépendance entre le support et la Modèle 1 : uniquement le support


licence
Certains éditeurs ont un business model
Le troisième cas, le plus courant, est celui fondé presque uniquement sur l'offre de
où l’éditeur crée une dépendance entre support. Dans cette catégorie on trouve
son offre de support et la licence eZ Systems, Nuxeo, Tiny (OpenERP),
commerciale. Dans ce cas l’éditeur ne Spago.
propose aucun support, même payant,
sur la version open source. Pour avoir du Il n’y a qu’une version du produit, et une
support, il est nécessaire de choisir la licence unique - open source donc - un
licence commerciale. C’est le cas de seul référentiel de sources, et des
l’éditeur Alfresco par exemple. correctifs disponibles à tous. Le produit
peut être librement téléchargé et déployé,
Quels revenus ? et les « clients » ont le droit d’utiliser le
produit sans payer le support.
Pour un éditeur open source, les sources
de revenus possibles sont les suivantes : Le support étant clairement facultatif, il
faut savoir démontrer aux clients les
 le support et la maintenance, bénéfices qu’ils peuvent en attendre.
toujours dans le cadre de contrats Auprès des DSI de grands comptes, ce
récurrents n’est généralement pas trop difficile. En
cas de plantage d’une application critique,
 les prestations associées: audit, personne n’imagine d’aller expliquer au
conseil, formations, voire intégration président qu’il était possible de souscrire
un support mais qu’on avait préféré s’en
 les droits d’utilisation associés à la
passer ! Et par ailleurs, les grandes DSI
licence, à une licence non libre,
perçoivent bien que l’économie est déjà
donc.
très grande par rapport aux logiciels
 les reversements de prestataires qu’elles utilisaient précédemment. Mais
habilités auprès de plus petites entreprises, la
démonstration est parfois plus difficile.
Dans une logique d'expansion globale et
rapide, les éditeurs ne peuvent pas miser L'une des difficultés du pur support
beaucoup sur les prestations. Faire annuel et que s’il n’a pas servi pendant
l’intégration de son propre produit est une année, certains pourront hésiter à le
tentant au début, mais cela ne permet pas renouveler. Bien sûr, on leur dira : il y a
de construire un réseau de partenaires une logique d’assurance dans une
intégrateurs. prestation de support, ce n’est pas parce
que vous n’avez pas été cambriolé cette
Mais surtout, un modèle économique basé année que vous allez résilier votre
sur la prestation est perçu par les assurance ! Mais de leur côté ils
éditeurs, et ceux qui les financent, comme répondront : si cette appli a tourné sans
un modèle « non scalable », c'est-à-dire problème pendant un an, elle pourra bien
qui ne permettra pas d’augmenter les continuer de tourner un an de plus !
revenus sans augmenter les effectifs, et
donc les coûts. En somme un modèle qui C’est le problème et le paradoxe du
ne permettra pas les taux de marge des support : plus le produit est de qualité,
éditeurs propriétaires. moins le support est facile à vendre.

Mais en fait, une majorité de produits


sont en permanente évolution, sous la
pression concurrentielle. Et c’est la force
des produits open source que d’évoluer

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souvent plus vite que les autres. Le version stable, voir même y réappliquer
produit n’est jamais totalement stabilisé, les patchs, mais ici ce n’est pas le but.
toujours en mouvement, et le support
toujours précieux pour une utilisation Le support vient en bundle avec la licence
professionnelle. entreprise, dont il est indissociable, tandis
qu'au contraire on ne peut espérer aucun
support, même payant, sur la version
Modèle 2 : stabilité et support libre.
D'autres éditeurs choisissent un modèle
qui fait payer la stabilité. Ils distribuent
leur produit sous deux licences, l'une Pour l’éditeur, les avantages sont
libre, l'autre non-libre. Mais ce n'est pas nombreux.
tout à fait le même produit.
La version community aide à diffuser le
Dans cette catégorie, on peut citer produit, à le faire connaître largement au
Alfresco, Jahia, Pentaho, eXo, Liferay. niveau mondial, tant par les clients
potentiels que par les intégrateurs
Avec la licence non-libre, on a une version potentiels.
« enterprise-ready », « production grade »,
« fully tested », etc. tandis que la version Et par ailleurs, une fois parti sur la
libre, intitulée « community », ou encore version enterprise et son support
« labs », est présentée comme pas stable, annualisé, il est délicat pour le client de
pas testée, vraiment le truc pour les revenir à une version community. Le
geeks, limite dangereux, à ne surtout pas downgrading serait à gérer comme une
déployer en production. véritable migration. Il y a donc une forme
de fidélisation que ne permet pas le seul
Le vocabulaire est celui-ci, mais dans les support payant.
faits les différences ne sont pas toujours
bien identifiées. L’éditeur ne peut pas A l’inverse, l’inconvénient est que si la
faire vivre deux référentiels de code version community est trop instable, elle
différents sur le long terme, il faut donc ne contribue pas à la bonne image du
au minimum resynchroniser community et produit et à sa promotion. Et si au
enterprise de temps en temps. En contraire elle est d’une bonne qualité, elle
général, la version community est la risque d’être utilisée malgré les mises en
version en cours de développement, sur garde alarmantes.
laquelle les développeurs interviennent en
continu, tandis que la version enterprise Laisser les utilisateurs expérimenter une
est celle qui a été gelée puis validée en version instable n’est pas toujours
profondeur, a reçu différents correctifs et suffisant. Le processus complet
en reçoit en continu, distribués dans le d’adoption est bien souvent : recueil
cadre du support. d’information, téléchargement,
expérimentation, projet réel non critique,
Ainsi, paradoxalement, la version et enfin projet stratégique. Pour
community est en avance de phase, elle beaucoup d’entreprise, la version
dispose des dernières fonctionnalités, community doit permettre d’aller jusqu’au
mais elle est moins stable, soit du fait projet réel non critique, qui permettra de
d’une avance de phase dans les faire un choix stratégique. C’est en cela
développements, soit du fait d’un retard que le degré de stabilité doit être étalonné
dans les correctifs. Dans un bon avec soin.
gestionnaire de sources, on pourrait
espérer pouvoir extraire la dernière

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Modèle 3 : fonctionnalités Le support


avancées et support
Comme on l'a vu, le support est la
Enfin, le troisième modèle est celui d’une principale source de revenus pour la
licence double définie selon le niveau de majorité des éditeurs open source. Les
fonctionnalités : une version GPL avec offres de support sont le plus souvent sur
des fonctionnalités réduites, une version la base d’une souscription annuelle, par
enterprise non libre avec des instance du produit, par serveur ou par
fonctionnalités avancées. processeur.

Dans ce dernier modèle, on trouve par Le support inclut en général :


exemple Talend, Jasper, ou encore MySql.
 Un accès privilégié aux correctifs, et
Dans ce cas, il n’y a pas de différence de à des ressources spécifiques.
qualité, de stabilité. Les programmes  La prise en charge des problèmes,
correspondant au premier niveau de que ce soit anomalies ou problèmes
fonctionnalités sont les mêmes. Comme d’utilisation ou de mise en œuvre.
pour n’importe quel programme, le
gestionnaire de sources identifie les  Éventuellement des prestations
dernières versions stables, et les derniers d’audit, de certification, ou de prise
builds, mais n’importe qui peut aussi de contrôle à distance, surveillance
télécharger la dernière version stable. En proactive et corrections.
revanche, les sources de la version
enterprise ne sont parfois pas diffusées du Correctifs
tout.
Les éditeurs peuvent être tentés de
Ne pas définir la différence en termes de maintenir un écart entre le niveau de
qualité offre d’une certaine manière une correctif des clients sous support et le
meilleure image de l’éditeur, de sa référentiel de sources public. Mais ils
capacité à produire un logiciel solide. n'en abusent pas, car c’est aussi la
Elle évite l’association d’idées « libre = réputation de leur produit qui se joue sur
instable », qui est assez désagréable et par la version open source. En revanche, les
ailleurs infondée. clients sous support reçoivent les
correctifs en ‘push’, sans les avoir
Mais ici aussi, toute la difficulté réside demandés.
dans le tracé de la frontière : il faut en
mettre suffisamment dans la version libre Le contrat de support peut inclure
pour qu’elle soit largement diffusée et également l’accès à certaines ressources
donne l’impression d’un produit riche, et privilégiées : forums, base de
suffisamment limitée ne pas permettre des connaissances, mailing lists, voire même
utilisations à forte valeur ajoutée. documentation. Mais là aussi, ne pas
diffuser librement de documentation est
en général plutôt pénalisant. Il faut se
souvenir que les libres utilisations sont
aussi des produits d’appel pour
l’utilisation en conditions critiques, qui
demandera du support.

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Résolution de problèmes rapidement une vague d’adhésion et de


contributions.
Beaucoup de contrats de support
distinguent différents niveaux, en termes Ce n’est toutefois qu’en 2000 que MySql
de passera sous licence GPL. Jusqu’à cette
date, une licence spécifique excluait les
 Nombre de problèmes sur l’année plateformes Windows et interdisait à qui
que ce soit de proposer un support
 Temps de réaction sur problème
payant. En fait une telle licence ne passe
 Horaires d’ouverture de la hot-line pas les critères de l’open source definition.

 Garantie de correction MySql AB comptait 360 employés, pour


un chiffre d’affaire de 40M$ en 2006,
 Prise de contrôle
derniers chiffres connus lors du rachat
La relation avec le support est en général par SUN. Il faut bien mesurer à quel
de type web ou mail pour les contrats point ce sont des chiffres minuscules au
basiques, et téléphonique pour les regard des grands éditeurs traditionnels.
contrats haut de gamme. Oracle comptait le même année 68 000
employés et un chiffre d’affaires de 17
Md$. C’est à dire 400 fois plus.
Trois éditeurs open source
En 2004, avec la version 4, MySql a
modifié ses conditions de licence, les
MySql
connecteurs permettant à des
MySql A.B. est une entreprise suédoise, programmes d’accéder à la base, sont
éditeur de la base de données du même passés de la licence LGPL à la GPL. Les
nom. implications sont très fortes. En effet, le
fait qu’un programme appelle une base de
En 1994, il n’existait pas de base de données n’implique pas qu’il soit
données relationnelle légère, et encore « construit sur » la base de données, au
moins open source. Depuis 1990, il sens de la licence GPL. A priori donc, un
existait déjà Postgres, créé par Michael programme peut utiliser en tant que
Stonebraker, déjà fondateur de Ingres. serveur une base MySql sous GPL, sans
Mais à cette époque, Postgres n’utilisait tomber sous les obligations de la licence
pas SQL mais QUEL comme langage de GPL. Mais pour réaliser cet appel, les
requête. applications utiliseront le plus souvent le
connecteur fourni par MySql. Ainsi, en
Dans l’année 1994, Hughes, un étudiant mettant les connecteurs sous licence GPL
australien, réalise pour Postgres un et non LGPL, MySql vise à propager aux
traducteur de requête de SQL vers QUEL, applications utilisant son serveur les
puis il finit par réécrire la couche de implications de la GPL, et de cette
stockage, en simplifiant au maximum les manière pousser davantage de clients vers
fonctionnalités. Son projet s’appelle mSql, ses licences non open source.
et il acquiert rapidement une belle
notoriété. C’est pourquoi ce changement de politique
commerciale a été mal vécu dans les
En 1995, Michael Widenius, de la société communautés open source. Les
suédoise TcX ajoute une interface SQL développeurs de PHP en particulier ont
compatible avec mSql sur le moteur de invoqué l’incompatibilité entre la licence
base de données maison Unireg. Dès le utilisée pour PHP. Pour y répondre,
début, la société adopte un modèle MySql a ajouté une clause particulier, la
d’éditeur open source, ce qui crée

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« FLOSS exception8 », et l’armistice a été l’intégration du produit dans ses propres


conclue avec la communauté PHP. projets, sur son marché local, la Norvège.
En 2002, le produit a déjà une
Enfin, en janvier 2008, SUN a acheté reconnaissance mondiale, et l’on parle
MySql pour environ 1 milliard de dollars, déjà de « killer application du PHP » !
de l’ordre de 20 années de chiffre d’affaire.
Le deal a été vu comme une prise de A partir de 2004, eZ Systems s’implante
conscience, de la part des acteurs dans différents pays européens, puis aux
traditionnels, de la montée en puissance États-Unis.
des éditeurs open source.
En 2006, eZ Systems met en open source
les quelques composants associés au
CMS, qui ne l’étaient pas. En avril 2007,
MySql vend son produit MySQL eZ Systems lève 5 M$ de capitaux auprès
Enterprise, qui est essentiellement une d’investisseurs norvégiens, ce qui lui
offre de service. Les services relèvent permettra certainement un élan nouveau
principalement du support, de l’audit et vers son but de devenir le système de
du conseil. gestion de contenus de référence, y
compris pour les plus grandes
L’offre de service est dissociée de la nature entreprises. En 2009, une nouvelle
de la licence : elle concerne par défaut les augmentation de capital est réalisée.
programmes diffusés sous licence GPL,
mais le client peut à son choix utiliser la Le business model de eZ Systems est
licence commerciale, au même prix. fondamentalement basé sur le support,
avec des offres silver, gold, et platinum,
Sur son site, MySql énonce le principe qui se distinguent par le nombre de
général que l’utilisation de la base dans le tickets d’incidents inclus, et le temps de
contexte d’une organisation commerciale prise en compte, pour des prix allant de
devrait être sous licence commerciale. $6990 à $13990.
L’autorisation de diffuser au sein d’une
même organisation sans nécessité de Alfresco
rendre publiques les sources, n’est pas
évoquée, mais elle découle de la licence Alfresco est fondé en 2005 par des
GPL. anciens dirigeants de Documentum et de
Business Objects, qui amènent avec eux
eZ Systems des architectes de grands éditeurs, et des
capitaux importants. Alfresco est donc le
eZ Publish est un outil de gestion de parfait exemple de la nouvelle génération
contenus (CMS) écrit par Bård Farstad en d’éditeurs open source.
1999 et diffusé sous GPL à partir de 2000.
Le produit est d’entrée de jeu mieux La première génération d’éditeurs open
conçu qu’une majorité des applications source avaient en général commencé à
PHP, surtout de cette époque. Il adopte l’université ou dans leur garage, et
rapidement une modélisation objet, et une s’étaient imposés petit à petit en
couche d’abstraction permettant de construisant une communauté. Au
travailler avec n’importe quelle base de contraire, Alfresco a directement les
données. moyens de financer une équipe de haut
vol, tant en développement qu’en
Comme pour MySql, les revenus des marketing, et se fait reconnaître en à
premières années viennent surtout de peine deux ans, comme un grand acteur
sur son marché, celui de la Gestion
8
http://www.mysql.com/about/legal/licensing/foss-
Electronique de Documents (GED),
exception.html typiquement un marché sclérosé entre les

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mains de quelques grands acteurs nombres, à la manière de MySql : le fait


vieillissants. que 10 millions d’utilisateurs ne payent
rien à MySql AB n’est pas problématique
Alfresco diffuse son produit de GED sous si sur ce nombre, il en reste 10 000 qui
deux licences : ont des utilisations suffisamment
stratégiques, et souhaiteront disposer
 Une version Community, sous licence d’un support d’éditeur, avec délai
GPL d’intervention garanti.
 Une version Enterprise, sous licence
Le pourcentage de clients qui feront appel
commerciale
au support éditeur dépend de la typologie
Alfresco ne propose pas de support, même de produit. Pour un produit grand
payant, pour la version community, tandis public, par exemple un antivirus open
que la version Enterprise au contraire, est source, il sera bien difficile de faire payer
indissociable de son support, sur un du support à beaucoup, ou de vendre sa
mode de souscription annuelle, par version payante. Pour un produit dont la
serveur. vocation est fortement B2B, par exemple
une Gestion Electronique de Documents,
En termes de licences, il est intéressant la part des clients demandeurs de support
de noter que Alfresco a commencé par sera naturellement plus grande.
utiliser une licence issue de la MPL
(Mozilla), avec une clause spéciale Contributions communautaires
obligeant à présenter un message
d’avertissement sur toutes les pages de Les éditeurs open source comptent en
l’application. Début 2007, Alfresco est général assez peu sur les apports
passé sous licence GPL pour la version communautaires, du moins sur le cœur
community, ici aussi pour une meilleure de leur produit. Ils les acceptent car c’est
lisibilité de la politique open source. dans la logique de l’open source, mais ne
les encouragent guère et l’on peut penser
Alfresco précise clairement dans sa FAQ qu’il ne leur déplait pas de garder la
qu’un déploiement au sein de son maîtrise de leur produit.
organisation, n’est pas considérée comme
une distribution, ce que tous les éditeurs A noter que si son morceau de code est
ne disent pas aussi clairement. accepté, le contributeur devra
généralement signer un accord spécifique
La version community est modifiée au fil qui permet à l’éditeur de disposer
de l’eau, tandis que la version enterprise librement de son code. C’est assez
est l’objet de releases trimestrielles naturel, car si chaque contributeur
validées. pouvait spécifier ses propres conditions de
licence, le produit final serait un
A noter également que le contrat de enchevêtrement de licences indémêlables.
partenariat que Alfresco signe avec ses
intégrateurs leur fait interdiction Afin de bénéficier d’une dynamique
d’intégrer la version community, de sorte communautaire, tout en conservant la
qu’il est difficile pour les utilisateurs de maîtrise du noyau de leur produit,
cette version d’obtenir un support certains éditeurs mettent en place un
professionnel. dispositif d’extensions, qui permet
d’apporter des enrichissements au
produit, de manière propre et
Loi des grands nombres indépendante du noyau, en assurant la
compatibilité avec les versions futures.
Pour prospérer, les éditeurs open source
doivent être dans une logique de grands

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Noyau, extensions et écosystème Les licences open source autorisent toutes


les forks, c’est dans la définition même de
Le modèle qui semble le plus efficace, et le l’open source.
meilleur compromis, est celui qui
distingue le noyau du produit, sous la Il peut y avoir en gros deux raisons pour
responsabilité de l’éditeur, et les un fork : un désaccord quant aux
extensions, réalisées par des orientations technologiques, ou bien un
contributeurs externes. désaccord quant à la politique
commerciale et de licences.
Les principes de cette séparation sont les
suivants : Ainsi, si un éditeur prend une orientation
qui déplait à la communauté, il s’expose à
 Le noyau doit être d’une grande un fork. Par exemple en 2006, l’ERP
robustesse, il est certifié par Adempiere, naît d’un fork de Compiere
l’éditeur ; les contributions externes résultant d’une politique commerciale
y sont rares. tournant le dos aux communautés, suite à
l’entrée d’investisseurs dans Compiere
 L’interface entre le noyau et les Inc.
extensions est bien documentée et
stable, c’est à dire qu’un Autre exemple fameux, le fork donnant
changement de version du noyau naissance à Joomla en 2005, à partir de
n’implique pas, du moins le plus Mambo, un outil de gestion de contenus
souvent, un changement de version très populaire.
des extensions.
 L’éditeur stimule la réalisation Selon les cas, le fork peut l’emporter ou
d’extensions, car elles donnent de la bien vivoter, selon le dynamisme de la
valeur à son produit et témoignent communauté. Il y a aussi des forks non
aussi de l’existence d’une pas communautaires mais d’entreprises
communauté, en soi un gage de commerciales, par exemple l’ERP
pérennité. L’éditeur offre en général OpenBravo, s’appuyant également sur
une plateforme de mise à disposition Compiere comme socle de son
des extensions. Il peut le cas développement.
échéant mettre en place un dispositif
d’évaluation ou de certification des Le fork est une épée de Damoclès au
extensions. dessus de la tête de l’éditeur, qui l’oblige à
rester fidèle à ses valeurs et à sa
Ce modèle noyau/extensions est celui qui communauté. Mais à contrario, certains
réalise le meilleur point d’équilibre entre éditeurs peuvent aussi en conclure qu’il
les rôles respectifs de l’éditeur et de la vaut mieux éviter qu’il existe une réelle
communauté, réunissant la garantie et maîtrise de leur noyau dans les
l’engagement de l’éditeur, avec le communautés.
dynamisme et le l’énorme capacité de
développement de la communauté.
Propriété Intellectuelle & Brevets
Les « Forks » Aux États-Unis en particulier, les
éditeurs proposent, en association avec
On appelle « fork » une scission dans un leurs offres de support, une protection
projet de développement, dans laquelle légale vis à vis de possibles violations de
une nouvelle équipe de développement brevets logiciels. Dans ce pays, une
part de la même base logicielle pour faire entreprise qui utiliserait des programmes
évoluer le produit à sa manière. violant des brevets pourrait se voire
attaquer et réclamer des indemnisations

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potentiellement énormes si la compagnie a du mal à trouver son business model, et


est riche. du mal aussi à convaincre des
prestataires d’utiliser son produit, de le
C’est devenu, ces dernières années, l’un faire lui-même. Mais le marché
des axes d’attaque les plus virulents des sanctionne le plus souvent ces
concurrents de l’open source, à combinaisons.
commencer par Microsoft, qui a utilisé
son accord avec Novell pour entretenir
l’idée qu’il existe un risque à cet égard.
Et paradoxalement, ces intimidations
[7.5] Les prestataires
servent aussi les éditeurs open source
commerciaux, qui vendent finalement de Pour les prestataires IT, intégrateurs de
la protection légale autant que du support solutions open source, le business model
produit. est pratiquement inchangé, basé sur la
vente de prestations et d’expertise autour
En Europe toutefois, les programmes des produits open source, ceci sous la
informatiques sont explicitement exclus forme :
de la Convention sur le Brevet Européen,
et d’une manière générale le recours au  De support
judiciaire est moins dans les mœurs, de  De projets clés en main,
sorte qu’il n’y a pas de crainte semblable.
 De prestations de conseil ou
d’expertise en assistance technique
Éditeur-intégrateur
Nous distinguons ici deux types
Le marché informatique se divise depuis d’activités, auxquelles correspondent des
longtemps entre éditeurs et intégrateurs. prestataires souvent différents : le
Les éditeurs développent des produits, support open source et l’intégration open
susceptibles de satisfaire un nombre source.
important de clients. Les intégrateurs
s’appuient sur ces produits pour
construire des systèmes d’information Les prestataires de support open
répondant au besoin spécifique d’un de source
leurs clients.
Nous avons distingué ici distributeurs et
De tout temps, open source ou pas, il s’est prestataires, même si les distributeurs
trouvé des prestataires tentés par le sont prestataires, à leur manière. Mais
double jeu : éditeur et intégrateur à la d’un point de vue historique, la frontière
fois, éditeur qui intègre lui-même son reste marquée. Les distributeurs
produit, intégrateur qui n’a qu’un seul n’offrent aucune autre prestation que la
produit à son catalogue. Et de tout diffusion, le support et la formation,
temps, cela n’a pas marché. Parce que autour des logiciels inclus dans leur
pour gagner des marchés, l’éditeur doit ‘distribution’. Sur ces composants, sur le
construire un réseau d’intégrateurs noyau Linux en particulier, ils ont une
partenaires, et il ne peut y parvenir s’il est expertise pratiquement irremplaçable.
lui même le premier concurrent de ses
propres intégrateurs. Mais il existe une telle diversité de
composants open source, que le besoin
Sur le marché des solutions open source, est apparu très tôt d’avoir un support
on rencontre fréquemment de tels global, concentré entre les mains d’un
éditeurs-intégrateurs, mais ils ne donnent prestataire unique. C’est sur ce métier
jamais naissance à des solutions leaders. qu’est né en France le concept de SSLL,
La tentation est grande, pour l’éditeur qui Société de Service en Logiciel Libre : une

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société qui se propose d’assurer le méthodologique, tant en développement


déploiement et le support de qu’en conduite de projets.
configurations multi-produits à base de
logiciels open source. Elles ont été Au chapitre consacré au modèle de
rejointes plus tard par les SSII développement, nous verrons que l’open
généralistes, ouvrant des centres de source a aussi beaucoup fait progresser le
support open source. développement, et les prestataires
intégrateurs sont les premiers à faire
Les prestataires de support open source, usage des bonnes pratiques, mais aussi
tels que Linagora par exemple, peuvent des bons outils, issus de l’open source :
également construire des applications IDE, gestion des sources, outils de tests et
spécifiques, mais leur cœur de métier est d’intégration continue, suivi des
dans le support, par exemple de produits anomalies, etc. Les intégrateurs open
prêts à l’emploi tels que la suite Open source ont, en la matière, une longueur
Office. d’avance.

L’intégration de solutions open Prestation open source et


source prestation traditionnelle
Les prestataires intégrateurs de solutions Les produits open source
open source – tels que Smile – communautaires n’ont pas d’éditeur
construisent des applications globales, susceptible d’apporter une aide
des systèmes d’information, à base de commerciale ou marketing, un support à
logiciel open source. l’avant-vente, ou un support en phase de
projet. Même pour les produits open
Bien sûr, ils assurent également le source commerciaux, les éditeurs sont
support de l’ensemble de leurs créations, souvent de petites structures, aux
incluant les développements et ressources limitées, et plutôt tournées
configurations spécifiques, et produits vers le développement produit.
sous-jacents, mais leur cœur de métier
est dans l’intégration, la construction Le prestataire prend donc souvent à sa
d’applications. charge une partie de l’investissement
amont qui incombait traditionnellement à
La valeur ajoutée de l’intégrateur open l’éditeur : il sélectionne les produits les
source commence dans le choix de plus solides et pérennes, en assure la
solutions. L’open source amène une promotion et la vente, voire une partie du
immense profusion de solutions, dont support.
certaines immatures, ou au contraire
obsolètes. Cette richesse est aussi un Devant l’extraordinaire montée en
handicap : beaucoup de clients craignent puissance des solutions open source, tous
de faire un mauvais choix. L’intégrateur les prestataires IT espèrent une part du
open source ne peut pas attendre que le gâteau ; c’est ainsi que les grandes SSII
Gartner ait sélectionné les heureux élus, il généralistes ont fini par s’y intéresser.
doit mener une action permanente de
veille et d’évaluation, afin de déceler les Mais à chaque révolution, qu'elle porte
produits prometteurs, et les produits les sur la technologie ou le modèle
plus solides. économique, les acteurs en place ne
peuvent attraper la nouvelle vague. Parce
Après cela, un projet d’intégration de qu’ils sont devant un dilemme que l'on
systèmes à base d’open source ressemble peut résumer à « peut-on se permettre de
à un projet d’intégration en général, et tuer la vache à lait historique ? ».
demande la même expertise

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Le phénomène est connu, et a été Les flux de prestations


parfaitement analysé par C. Christensen
dans Tne Innovator's Dilemma (1997). Sur la figure suivante, nous représentons
Compagnies aériennes majors contre les flux de prestations intellectuelle entre
compagnies low-cost, opérateurs les différents acteurs identifiés. Cette
téléphoniques historiques contre prestation peut être du développement de
nouveaux entrants, mais aussi IBM contre programme, ou bien de l’intégration, du
Microsoft, et maintenant Microsoft contre conseil, du support, de la formation.
Google. L’histoire se répète et l'opposition
libre vs propriétaire est du même acabit :
un intégrateur traditionnel de peut pas
renoncer à la manne qu'il tire du logiciel On distingue les principaux flux de
propriétaire et de ses prix élevés. A moins service :
que l’open source ne soit exigé au cahier
des charges, la SSII traditionnelle  Contributions en prestations de
proposera un produit propriétaire. développeurs salariés, de la part des
D'autant que, n’investissant pas en amont distributeurs tels que Redhat, de
dans la veille technologique et la relation donateurs tels que IBM ou Google, et
avec les communautés ou éditeurs open dans une moindre mesure,
source, elles manquent de légitimité sur d’éditeurs commerciaux et
ces territoires nouveaux. d’intégrateurs, au bénéfice des
fondations tels que Apache qui ont
en charge de grands projets open
source.
[7.6] Synthèse
 Offre de prestations d’intégration,
En guise de synthèse, nous analysons les développement et support des
relations entre ces différents acteurs de intégrateurs et des éditeurs
l’open source, en considérant trois types commerciaux, vers les clients et
d’interactions, en forme de flux : utilisateurs finaux.

 Les prestations, y compris écriture de


programmes, support, conseil,
formation, intégration.

 Le code source, c’est à dire les


logiciels.

 L’argent, enfin, qui fait de tout cela


un business-model !

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Les flux de code source Les flux d’argent


Sur la figure suivante, nous avons fait Enfin, cette dernière figure représente les
apparaître les flux de code source. Pour flux d’argent entre ces différents acteurs.
le distinguer de la prestation de
développement, qui relevait des flux
précédents, on ne considère ici que la
livraison de programmes déjà écrits.

On y distingue les principaux


flux suivants :

 Le paiement par les clients finaux


Ici, les principaux flux sont : des prestations de support aux
éditeurs commerciaux et aux
 Le code source constituant les distributeurs
grands logiciels open source,
diffusés par les fondations et utilisés  Le paiement par les clients finaux
par les éditeurs commerciaux, et par des prestations d’intégration et de
les intégrateurs. support aux intégrateurs.
 Les programmes distribués par les
distributeurs, à destination des
clients finaux.
 Les programmes des éditeurs
[8] MODÈLE DE
commerciaux, à destination des DÉVELOPPEMENT
clients.

[8.1] Introduction

Halloween document
En 1998, un mémo interne a filtré de chez
Microsoft. Mis sur la place publique, il est
connu depuis sous le nom de Halloween
Document I9.

Dans ce document, que Bill Gates en


personne transmet à son board, un
9
http://catb.org/~esr/halloween/

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analyste étudie le mouvement open Le modèle bazar, au contraire, fonctionne


source et les dangers qu’il présente pour dans un apparent désordre, où
l’entreprise. Mais surtout, il reconnaît interviennent un très grand nombre de
que : développeurs dans un cycle de production
et tests en continu.
 Les projets open source ont atteint
ou dépassé la qualité des offres C’est ce modèle bazar, si représentatif de
propriétaires l’open source, que nous explorons plus
 Les projets open source sont avant.
maintenant des projets de grande
échelle et de grande complexité Les grands projets
 Les projets open source ont des communautaires
atouts spécifiques impossibles à
reproduire en termes de motivation Quand on parle de modèle de
et de nombre de participants. développement open source, on parle
uniquement des projets communautaires,
Au delà des considérations éthiques, au et généralement des plus grands d’entre
delà de la guerre commerciale, c’est un eux, tels que Gnome, Mozilla, Apache
choc pour Microsoft que de réaliser qu’un Httpd, Eclipse, Linux. Les éditeurs qui
mode de développement radicalement diffusent leurs produits sous licence open
différent peut marcher aussi bien, et source ont en général des modèles de
parfois mieux. développements traditionnels, et n’ont pas
une volonté particulière d’étendre leur
C’est ainsi que le modèle de communauté de développeurs.
développement des grandes applications
est l’un des aspects les plus intéressant Les études montrent que le plus souvent
du mouvement open source. un petit nombre de programmeurs
réalisent la plus grosse part des
développements. Sur un projet où 200
Cathedral and the Bazaar programmeurs auront participé, on
trouvera typiquement que 10 d’entre eux
Ce que Microsoft découvre en 1998 a déjà ont écrit 50% du code.
été analysé, et théorisé par Eric S.
Raymond dans un essai qui reste une Comme tous les projets informatiques, les
référence : The Cathedral and the Bazaar. projets open source ont besoin de
quelques leaders visionnaires et
Il y oppose le modèle de développement architectes de haut vol, pour à la fois
traditionnel, le modèle cathédrale, et le montrer le chemin et définir le découpage
modèle de développement initié avec en modules.
Linux, le modèle bazar.
Sur les plus grands projets, on constate
Dans son analyse, le modèle cathédrale souvent que les principaux développeurs
n’est pas uniquement celui des logiciels ne sont pas des bénévoles, mais sont
propriétaires, il est également celui de salariés d’entreprises IT. Leurs
grands projets open source, tels que GCC. employeurs ont différentes raisons pour
Ce modèle s’appuie sur une équipe de les laisser travailler sur ces projets, des
développeurs compacte, travaillant sur raisons qui peuvent être :
des cycles de développement relativement
longs, et diffusant les sources à l’issue de  De marketing : pouvoir faire état
chaque phase. dans sa communication d’avoir un
développeur « commiter », sur un

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projet phare équivaut à un IBM, Qlogic, Novell, Intel, …), qui


important budget publicitaires. fournissent environ les 2/3 du code.
 De gouvernance : c’est le moyen
d’avoir son mot à dire sur les
orientations stratégiques du produit. [8.2] Organisation,
 De socle technologique : ils font instances
avancer plus dynamiquement un
socle de produits dont ils sont
directement utilisateurs, et dont Développeurs, commiters
dépend tout ou partie de leur
business. Même si toute méthodologie cherche à
rendre la qualité moins dépendante de la
 De maîtrise : la société sera valeur individuelle des développeurs, il
compétente et légitime pour proposer n’en demeure pas moins que l’expérience
du support sur le produit. et le talent de chacun, mais aussi la
motivation sont des paramètres
 Voire également de motivation des fondamentaux.
collaborateurs, tant ceux qui
participent que ceux qui pourraient Les projets open source, du moins les
le faire. plus prestigieux d’entre eux, ont en
général un avantage à cet égard. Ils
Une année de développement attirent les meilleurs et les plus motivés
des programmeurs, parce que faire partie
Linux
des commiters Linux est la consécration
suprême pour un développeur.
Le site LWN.net a publié une analyse très
intéressante10 des contributions au noyau
Les commiters sont les personnes
Linux, d’où il ressort que sur une année
autorisées à soumettre directement leurs
de développement (2.6.16 vers 2.6.20) :
contributions dans le référentiel des
 28 000 changements ajoutés sources. Pour accéder au statut de
commiter, il faut avoir proposé des
 Par 1 961 développeurs différents contributions de qualité, et avoir gagné le
respect de ses pairs. On est donc dans
 Remplaçant 1,26 millions de lignes
une logique de récompense du mérite et
par 2,01 millions de lignes de code
d’évaluation par ses pairs.
nouveau.
 Le noyau a augmenté de 754 000
lignes.
Gouvernance

Au total: Sur un projet, des choix sont à faire, des


décisions sont à prendre. Qui décide et
 Le développement est effectivement selon quel processus ?
parallélisé à très large échelle
D’une manière générale, les projets open
 Linus Torvalds n’est plus que source ont un fonctionnement
l’auteur d’une très petite partie du relativement démocratique, dans le
code périmètre des commiters, avec tout de
même une instance d’arbitrage, qui se
 Une majorité des développeurs sont
réduit parfois au ‘gourou’ du projet.
payés par leur employeur (Red Hat,
Les fondations ont des institutions plus
10
formalisées avec un board of director d’une
http://lwn.net/Articles/222773/

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dizaine de membres, élus annuellement Modularité impérative


par les commiters. Le board se réunit
périodiquement (virtuellement), de l’ordre Pour que quelques centaines de
d’une fois par mois, et prend ses développeurs puissent travailler sans se
décisions, qui sont publiées dans un marcher sur les pieds, il faut tracer des
compte rendu public. frontières propres et identifier des
modules de dimension gérable par un
Certains projets, Gnome par exemple, ont développeur.
formalisé les règles de cette démocratie.
Dans d’autres, un noyau plus réduit, voire Si la bonne modularité, c’est à dire le
une personne unique, rend les arbitrages découpage d’un grand projet en petites
ultimes. Pour le noyau Linux, entités élémentaires, est un des principes
typiquement, c’est encore le rôle qui élémentaires du génie logiciel, dans les
revient à Linus Torvalds. Mais dans tous grands projets open source cela devient
les cas, la hiérarchie au sein du projet une exigence vitale. La logique du
n’est fondée que sur la valeur et la « diviser pour régner » est incontournable.
reconnaissance des pairs.

[8.3] Modèle de
développement

Modèle de développement en Le principe est donc de découper le


système dans son ensemble en sous-
cascade systèmes dont les interfaces sont
parfaitement définies, de sorte que chaque
Les modèles de développement
sous-système peut évoluer dans son
traditionnels, que ce soit en cascade ou
développement indépendamment des
« cycle en V » ne conviennent pas aux
autres, du moment qu’il respecte les
projets communautaires.
interfaces convenues.

A l’intérieur d’un même sous-système, le


découpage se poursuit, au niveau des
classes, objets, fonctions.

Développement itératif
Le modèle de développement
communautaire prédominant est appelé
itératif, ou encore « en spirale ». Ses
L’enchaînement linéaire de phases principes fondamentaux sont :
distinctes suppose une planification
globale et une affectation des tâches  d’une part un découpage en modules
centralisée. Par ailleurs, qui suivent chacun leur propre cycle
indépendamment même du contexte de développement
communautaire, ces modèles se prêtent
mal aux très grands projets : ils ne  d’autre part l’itération de cycles
permettent pas de bien gérer des besoins courts répétés (spécifications,
qui évoluent, et ils n’apportent pas développement, intégration) de
suffisamment de retours d’expérience, de manière indépendante sur chacun
feedback, d’une étape vers la précédente. des modules.

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Il faut souligner que ces modèles de


Et le tout dans le contexte général de développement ne sont pas propres à
l’intégration continue, qui permet de l’open source communautaire. Ils
mesurer l’avancement, et de maîtriser les peuvent convenir à une variété de grands
régressions, tout particulièrement dans projets. Mais ils doivent beaucoup à
les incompatibilités qui pourraient l’expérience des projets open source.
apparaître entre les modules.

Le modèle en spirale a également des Test et accès au code


aspects qu’on pourrait appeler
« darwiniens », c’est à dire qu’à tout La phase finale d’un cycle de
instant un développeur peut donner développement est la stabilisation et les
naissance à une version nouvelle d’un tests. On parle de version béta lorsque le
module, qui pourra ou non remplacer la programme est entre les mains d’un sous-
précédente selon qu’elle est considérée ensemble d’utilisateurs finaux volontaires.
supérieure.
Les projets open source ont une claire
On obtient donc le fonctionnement supériorité dans la phase de tests, à deux
général représenté sur la figure suivante, égards. Tout d’abord par le nombre plus
où chaque module suit son propre cycle important de personnes intervenant dans
en spirale. cette phase, et leur plus grande
motivation. Et deuxièmement par le libre
accès aux sources, qui permettra une
meilleure qualification des anomalies.

[8.4] Les outils


Les grands projets open source ont fait
progressé la méthodologie, mais ils ont
aussi apporté énormément aux outils qui
l’accompagnent.

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Environnement intégré Intégration continue


Pendant longtemps, les outils de Les projets open source ont généralisé la
développement de l’open source étaient pratique de l’intégration continue.
un peu rustiques. Sophistiqués au plan
technique, mais peu travaillés au plan L’intégration continue consiste à générer
ergonomique. et contrôler de manière quotidienne
l’ensemble de l’application, afin d’identifier
Les choses ont changé toutefois, et le plus en amont possible d’éventuelles
comme on l’a vu plus haut, la plateforme régressions, erreurs ou incompatibilités
Eclipse en est la meilleure illustration. entre modules.
Initialement plutôt orientée vers le
développement Java, elle se prête On sait depuis longtemps que le coût de
aujourd’hui à tous les environnements, et correction d’une anomalie croît de
son exceptionnelle modularité lui permet manière très forte avec le temps qui
d’accueillir un nombre extraordinaire sépare son apparition dans le code de sa
d’extensions. Même les équipes de détection. L’intégration continue vise
développement qui ne sont pas donc tout simplement à réduire ce temps
spécifiquement orientées vers l’open au maximum : si au jour J un
source ont aujourd’hui adopté cette programmeur commite un changement
plateforme. comportant un bug, son erreur lui est
signalée à J+1, et le coût de correction
sera extrêmement faible.
Gestion des sources
L’intégration continue entre dans le cadre
Les outils de gestion des sources tels que plus général du test-driven development,
CVS ou SVN sont le fondement de tout développement piloté par le test. Cette
développement communautaire. Ils approche consiste à écrire les scénarios de
permettent de gérer les ajouts simultanés test et mettre en place les outils associés,
de centaines de développeurs, en avant d’écrire les programmes. Les tests
identifiant précisément chaque vont du niveau unitaire, jusqu’au niveau
modification, son auteur, sa date et sa interfaces.
finalité, et permettent de revenir sur une
modification. Les principaux outils d’intégration
continue sont CruiseControl, et
L’usage de ces outils s’est aujourd’hui Continuum, qui est intégré à Maven.
généralisé, mais les grands projets open
source ne seraient tout simplement pas
possibles autrement. Suivi des demandes et bugs
Moins sophistiqués, mais importants
Outils de génération néanmoins, sont les outils de suivi des
demandes et des anomalies, les « issues »,
Une autre famille d’outils, où excelle avec en particulier le célèbre Mantis, mais
l’open source, est celle des outils de aussi Bugzilla, associé au projet Mozilla.
génération, qui permettent d’automatiser
les opérations de génération d’un
programme, en gérant les dépendances Outils d’échanges
entre composants. Depuis le rustique
make Unix, jusqu’à Ant, et plus Enfin, les développeurs utilisent
récemment, la Rolls de la catégorie, pratiquement tous les outils d’échange
Apache Maven. communautaires existants, au

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développement desquels ils ont souvent


participé :

 Mailing-lists automatique
 Forums
 Wiki, en particulier pour
spécifications et documentations
 Messagerie instantanée

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[9] CONCLUSION porte aujourd’hui la plus grande révolution


de l’informatique depuis l’Internet. Et le
mot de révolution n’est pas excessif tant
J’espère que ce petit ouvrage vous aura
les positions en place sont bouleversées,
permis de mieux comprendre l’open
et le modèle économique de nombreuses
source, et que nous aurons su aussi vous
entreprises reconsidéré.
communiquer un peu de notre
enthousiasme.
Pour aller plus loin, et apprécier les
apports des solutions open source pour
L’open source est un mouvement
votre activité, pour votre entreprise, nous
merveilleux, à la fois par les valeurs qu’il
vous conseillons les autres livres blancs
porte, de liberté, de solidarité,
de Smile : gestion de contenus, portails,
d’ouverture, et par les bénéfices qu’il
business intelligence, gestion de
apporte, tant aux citoyens qu’aux
documents, ERP, … dans tous ces
entreprises.
domaines, Smile a évalué les meilleures
Même si l’open source a ses racines bien solutions open source du marché, et vous
antérieures au web, on peut affirmer qu’il apporte ses retours d’expériences.

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