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SOMMAIRE

3 LE LIVRE DE Andrei Amalrik Voyage involontaire en Sibérie par Maurice Nadeau


LA QUINZAINE
5 INEDIT Maurice Blanchot L'exij:!;ence du retour
7 LITTERATURE John Galsworthy La dynastie des Forsyte par Alain Clerval
ETRANGERE
8 Juan Goytisolo Revendication du Comte don Julian par Adelaide Blasquez
10 LETTRE Arno Schmidt Le rêve de Zettel par Karlheinz Schauder
D'ALLEMAGNE
12 J erzy Lisowski Anthologie de la poésie française par Guy de Bosschère
13 Guillaume Apollinaire Les onze mille verges par Raymond Jean
Les exploits d'un jeune don Juan
Livres d'Etrennes par Adelaide Blasquez
14
16 Les meilleurs livres d'art en 1970 par Françoise Choay
Jean Selz
Marcel Billot
Claude Lepelley
24 Livres d'enfants par Marie-José Lepicard
26 POLITIQUE Jean-François Revel Ni Marx ni Jésus par Annie Kriep:el
27 LETTRE Le prinlemps de r Amérique par Marc ~aporta

D'AMERIOUE
Claude Mazauric Sur la Révolution française par Louis Bergeron
29 HISTOIRE
La Révolution française .
Alice Gérard
Mythes et interprétations
François Furet et Denis Richet La Révolution française
Albert Soboul La Civilisation
et la Révolution française
Charles Tilly La Vendée, Révolution et
Contre-Révolution

31 THEATRE Dhu-Roi par Lucien Attoun


Tête d'Or
32 CINEMA Gordon Hessler Scream and scream again par Louis Seguin
Roger Corman Bloody Marna
33 Michel Drach Elise. ou la vraie vie par Roger Dadoun
34 Bertucelli Remparts d'argile par Michel Zéraffa
TELEVISION L'écriture par l'image par Jean Desfossés
Dans les galeries par Jean-Jacques Lévêque
35

François Erval, Maurice Nadeau. Publicité littéraire : Crédits photograpmquea


22, rue de Grenelle, Paris (7e ).
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Téléphone: 222·94·03. p. 3 Gallimard
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Bernard Cazes, p. 8 Gallimard
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FrançÔis Châtelet,
Françoise Choay, Abonnements : p. 16 Gallimard
Dominique Femandez,
Un an : 58 F, vingt-trois. numéros. p. 17 Flammarion
Marc Ferro, Gilles Lapouge, Six mois : 34 F, douze numéros.
Gilbert Walusinski. p. 18 Hachette
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Secrétariat de la rédaction Etranger: Un an : 70 F. p. 19 Flammarion
La Quinzaine
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2
LE LIVRE DE

Libérez Amalrik!
LA QUINZAINE

AndreÏ Amalrik rons - qui administre si barbare-


Voyage involontaire en Sibérie ment les choses, est malfaisant.

1 Traduit du russe
Coll. Témoins
Gallimard éd., 296 p.
Pour ceux qui croient au socialisme
et à une révolution dont la nécessi-
té, quoi qu'on fasse, est inscrite
dans notre propre destin, cette cons-
tatation invite à penser que le fa-
Voyage involontaire en Sibérie a meux dilemme posé par Trotsky à
été écrit antérieurement à l'U.R.S.S. la veille de la Deuxième guerre
survivra-t-elle en 1984 ?, que nous mondiale : « Socialisme ou barba-
avons lu ici en premier et qui vient rie? » mérite un puissant correctif.
d'envoyer Amalrik en camp pour La barbarie n'est plus, hélas, l'apa-
trois ans (1). C'est le récit d'une dé- nage des régimes fascistes ou « dé-
portation dont l'auteur est revenu en mocratiques ».
1966, à vingt-huit ans, et au cours D'abord, les motifs qui ont fait
de laquelle il a eu le triste avantage arrêter Amalrik. Ils sont à peine
de pénétrer dans les couches pro- croyables. Il avait pour ami un
fondes de son pays. Ce qui l'a proba- peintre dit abstrait, donc mal vu,
blement amené à écrire le pamphlet Zverev, qui avait, en outre eu le
dont les autorités soviétiques tirent tort de se laisser exposer à Paris (et
aujourd'hui vengeance: on n'envoie subi, du même coup, les étrivières
pas en effet un exempté du service de M. Aragon dans les Lettres Fran·
militaire pour troubles cardiaques çaises). Les Américains, voulant à
dans un camp disciplinaire « dur» leur tour exposer ses œuvres, dépê.
sans intention meurtrière. AmaIrik chent auprès de lui le correspondant
subit le sort de Siniavski, de Daniel d'un de leurs journaux à Moscou
et de quelques autres pour le même afin de prendre une interview.
crime impardoQnable de non-confor- Zverev est introuvable, il vit, en
misme. fait, en clochard, Amalrik s'entre-
Les deux ouvrages ne se ressem- met et reçoit chez lui ledit journa-
blent guère. Dans l'U.R.S.S. survi- liste. Il avait voulu oublier que sa
vra-t-elle... Amalrik échafaude des brave ménagère de voisine était,
vues à longue portée qui culminent comme beaucoup de Russes, une in·
dans une vision apocalyptique : dicatrice. Le voici signalé comme
celle de la désintégration du régime entretenant des rapports avec des
post-stalinien et de l'U.R.S.S. elle- étrangers (et dans quel but, sinon
même après que les Chinois l'au- de subversion et d'espionnage ?),
ront envahie. Nous sommes dans le visité par des argousins, traîné de
domaine de l'hypothèse et de la pré- bureau en bureau, perquisitionné, mille et un aspects de la persécution faim, mais cette sécurité ils la
diction, l'analyse ne paraît pas tou- les toiles de Zverev (jugées « porno- policière, le traitement réservé à ses paient très cher, attachés à la glèbe
jours solidement fondée. Dans V oya- graphiques ») et ses manuscrits (qui compagnons de cellule : pochards de leur naissance à leur mort (on
ge involontaire en Sibérie l'auteur ne peuvent qu'être « antisoviéti- invétérés, clochards professionnels, ne s'évade du kolkhoze qu'à la
se garde au contraire de toute vue ques ») saisis. Il n'a occupé jus- concussionnaires au petit pied ou faveur du service militaire ou
d'avenir, de toute incursion théori- qu'alors que des emplois temporai. simples filous qui devraient relever d'aléatoires études), transférés d'un
que, de toute appréciation d'ensem- res, son père ancien combattant à d'une débonnaire correctionnelle ou emploi à un autre qui souvent ne
ble. Il raconte seulement ce qui lui moitié paralysé et cardiaque récla- des soins du médecin, et qui seront leur convient pas davantage, payés
est advenu par un enchaînement mant tous ses soins. Le voici accusé envoyés du côté de Novossibirsk où en « unités de travail» qui donnent
de circonstances précises et détail- de « parasitisme ». On le met en l'agriculture soviétique manque de droit à quelques roubles et un sac
lées, et si le fonctionnement des demeure de trouver un travail régu- bras. La justice, en effet, se borne à de grains à la fin du mois, ne
rouages qui ont pour fin de broyer lier et on lui en refuse en même seconder la police, de façon très connaissant ni jours de repos ni va-
tout individu suspect de nourrir à temps la possibilité. La machine qui obéissante et très zélée, son rôle cances (le dimanche, en principe,
l'endroit du régime, du Parti, de l'a happé ne le lâchera plus. Il consistant seulement à mettre en jour férié, est consacré au travaîl
l'U.R.S.S., des opinions hétérodoxes passe son temps entre le bureau de forme, si l'on ose dire, des juge- « volontaire»), n'ayant pour hori-
est admirablement décrit, l'auteur police et la prison, avec de brefs re- ments déjà prononcés ailleurs, par zon que leur parcelle individuelle
se tient en deça du gémissement, de tours à la vie civile qui permettront le K.G.B. ou les polices locales. qu'ils cultivent quand les travaux
la colère ou de l'indignation. Il n'en d'accumuler de nouvelles preuves Aux environs de Tomsk nous voi· collectifs leur en laissent le loisir
appelle ni à la conscience univer- contre lui et de grossir un dossier ci dans un autre monde, et plus (?). Si peu et si mal qu'ils fassent,
selle ni aux idéaux du socialisme. Il à l'origine fort mince. AmaIrik se étonnant encore. Amalrik est versé on ne peut les chasser du kolkhoze,
se borne à montrer les faits. Au lec- défend pied à pied, trouvant padois dans un kolkhoze comme il en exis· cela leur suffit. Pour distraction, la
teur de juger. refuge derrière les articles du code. te des milliers en U.R.S.S., parmi vodka ou, la vodka coûte cher, la
Le lecteur juge, en effet, et s'il Peine perdue. Déféré devant un des paysans « libres ». TI est commis braga, un alcool obtenu en faisant
n'est pas intimement bouleversé juge-accusateur dont le principal aux travaux les plus durs, ce qui fondre trois kilos de sucre dans "un
comme, par exemple, à la lecture du travail a été de susciter de faux té- n'est pas pour surprendre, mais son seau d'eau et auxquels on ajoute en
Premier Cercle, sa conviction néan- moins, son cas expédié en quelques sort n'est pas pire que celui des temps voulu un peu de levure : un
moins se renforce qu'un régime qui minutes, il s'entend condamner à paysans ou, si l'on veut, celui des demi-verre de ce tord-boyaux écono-
traite aussi abominablement les deux ans et demi de déportation « travailleurs kolkhoziens» n'est mique permet d'oublier les misères
hommes - et pas seulement ceux dans la région de Tomsk. guère meilleur que le sien. Ils sont, de l'existence. Les jeunes danseilt le
qu'il met hors de sa loi, nous le ver" Il décrit, chemin faisant, les certes, assurés de ne pas mourir de soir au club et y. voient de temps .à
.... 3
La Qn'nza''''' Uttâ'alre, du 16 au 31 décembre 1970
LES REVUES

~ Amalrik

autre des films vieux de vingt ans. ments vétustes menacent de s'écrou- Passons sur les tribulations Les Temps modernes
Quant aux « têtes pensantes» : 1er, il faudrait en construire de d'Amalrik (qui relèvent souvent de (n° 291)
l'instituteur, le président du kol- nouveaux, mais comme « les auto- l'humour noir), sur l'impossibilité Numéro entièrement consacré aux
khoze, la secrétaire du club, appar· rités traquent avec énergie les char- pour lui de retourner à Moscou au luttes américaines, aux Etats-Unis, au
tenant au Parti, ils s'accommodent pentiers, les fumistes et en général terme de sa déportation (absent de- Mexique, en Argentine et en Uruguay.
de l'envie qu'ils suscitent en raison tous les ouvriers du bâtiment qui puis plus de six mois, et pour cause, Ce tour d'horizon est complété par le
reportage d'un jeune professeur, Clau-
de leUr petit travail de fonctionnai- travaillent de façon indépendante », il perd non seulement son logement de Courchay, à Cuba l'été dernier.
res et de leurs salaires plus élevés. ce sont les paysans eux-mêmes qui mais cette inscription qui, où que M. Courchay est optimiste.
Les déportéi» sont généralement doivent édifier de leurs mains de ce soit, autorise à résider), passons
bien vus des paysans : « nous pen- belles ruines toutes neuves : étables sur les circonstances tristement bu- Esprit (novembre 1970)
sions, dit l'un d'eux à Amalrik, sur murs bancals, porcheries sans reaucratiques de sa libération anti· Livraison très éclectique avec Casa-
que nous étions au plus bas de toit, crèches ouvertes sur le vent si- cipée. L'ouvrage vaut surtout par mayor (sur une décision de la Cour
l'échelle, tu es encore au-dessous cette peinture de la vie quotidienne de Sûreté), Paul Thibaud (sur la régio-
bérien. Quand les étudiants d'une nalisation), Manuel de Dieguez, Gabriel
de nous ». école technique voisine viennent ai- aux traits innombrables et singu. Germain et D. Pereira da Costa.
On imagine l'entrain au travail der à ces travaux hautement qua- liers qui ne sont pas seulement là La partie littéraire est consacrée. à
de ces nouveaux serfs, leur goût de lifiés, c'est encore pis : il n'y a plus pour le pittoresque. A travers eux, la peinture (Robert Marteau parle de
l'initiative, leur sens de l'organisa- c'est moins le visage du socialisme Goya) et à la poésie de Robert
qu'à loger les vaches chez l'habitant. Lowell.
tion. Ils subsistent, n'est-ce pas suf- Curieux étudiants d'ailleurs, bien qui se laisse voir que celui d'une Le texte le plus curieux est certai·
fisant ? Et leur force d'inertie est intentionnés, et qui voudraient por· Russie millénaire, encroûtée dans nement cette prière que Duvallier, le
incalculable, le comptable, ignare, ter remède à ce mal endémique de les traditions moyenâgeuses. Amal· dictateur de Haïti, a fait distribuer
en est encore à aligner des bâtons. rik les décrit en observateur des dans les églises : ft Notre Doc, qui
la désorganisation dont, à l'exemple êtes au Palais national pour la vie, que
pour calculer les « unités de tra· de ce kolkhoze, souffre le pays tout mœurs, sans commentaire acrimo· votre nom soit béni pour les généra-
vail ». entier. Il y faudrait une main de nieux ou plaintif, avec même, tions présentes et futures, que votre
fer, disent-ils, un Staline. Avec quand il s'agit de lui, une pointe volonté soit faite à Port·au-Prince et
d'humour perceptible jusque dans en province... »
Khrouchtchev, les travailleurs en
prennent vraiment trop à leur aise. le titre de son ouvrage et qui révèle
A quoi bon? en ce fragile intellectuel l'homme Les Cahiers du chemin
On frémit à penser qu'ils formeront
Amalrik, que désespèrent cette les cadres de demain. Les plus supérieur aux événements, inenta- (n° 10)
mable dans ses convictions. Né dans Jean-Luc Parant, Roger Borderie, Le
arriération ancestrale, la pagaille, « contestataires» d'entre eux, ceux Clézio, Claude Mouchard, François
l'immense gaspillage de forces et de qui, dans les conversations privées, ce pays et tenant à partager le sort Coupry, Jean Roudaut et Jude Stephan
temps dont chacun prend aisément dénoncent « les règlements en vi- de ses compatriotes, il voudrait sont au sommaire de ce numéro d'au-
son parti, ne peut s'empêcher de gueur dans les usines, le travail très seulement que ce « socialisme » tomne. Pour la première fois, la revue
qu'il ne récuse pas s'accompagne de Georges Lambrichs inaugure une
donner des conseils, de faire appel peu payé, les conditions de vie très partie critique assurée uniquement par
au bon sens du travailleur qui, s'il pénibles », ce n'est pas le gouverne- des droits fondamentaux générale. des auteurs de 'la collection c Le Che-
l'écoutait, verrait sa peine d'autant ment ou l'Etat qu'ils en rendent ment reconnus à la personne humai· min -.
soulagée. On. lui répond par des responsables, mais les juifs, qui ne et généralement, d'ailleurs, si
haussements d'épaule : les choses « ont pris tous les postes ». Beau ré· peu respectés. Il voudrait que son Action poétique (n° 44)
sultat de l'éducation socialiste! Ils pays parvienne enfin, cinquante ans Après une remise en question de
se sont toujours faites ainsi, et puis Jdanov dans le numéro précédent,
à quoi bon ? Bonne ou mauvaise, sont persuadés, comme tous les So- après Octobre, à la « démocratie po- c'est une réflexion sur le réalisme so-
la récolte ira de toute façon dans viétiques ajoute Amalrik, et « à tous litique ». cialiste à l'aide de documents et d'un
les magasins de l'Etat. Si elle dé- les niveaux de la pensée », « qu'on Ses espoirs, il en paie actuelle· inventaire critique sérieux qui est au
passe les prévisions, on n'en travail- ne peut rien obtenir que par la force ment le prix, comme l'ont payé ou centre de ce numéro. La partie poéti·
que est assurée par Pierre Lartigue,
lera pas moins pour cela. Des bâti- et la contrainte ». continuent de le payer Chalamov, Charles Dobzynski, Paul-Louis Rossi,
Soljenitsyne, Youli Daniel et quel- Claude Delmas ainsi que par des poè-
ques autres. Parce que ces hommes mes du romancier albanais Ismaël
existent et font face, on n'a pas le Kadaré dont nous avons pu lire l'an
droit, comme. sont portés à le faire dernier le Général de l'armée morte.
chez nous d'anciens thuriféraires de La Nouvelle
l'U.R.S.S. récemment « américani·
sés », de porter un grand pays tout
Revue française (n° 215)
Giuseppe Ungaretti, Jean Grenier,

!fB
entier au compte profits et pertes de Daniel Boulanger, Pierre Oster, Pierre
REIMPRESSIONS la Révolution. Leyris (sur une pièce inédite de Sha-
kespeare) et Alexandre Blok sont au
Après avoir fait le tour du mon·
de, le livre d'Amalrik va revenir en sommaire de la N.R.F. Dans la partie
10u ANDREAS-SALOME : cc FREDERIC NIETZSCHE », 20,95 F boomerang sur la tête de bourreaux
critique, Mauriac, Dickens, Le Clézio,
Poliakoff, Ionesco, Genet et Laurel et
nous avons vécu et pensé pareillement. - Nietzsche à Lou-
c ... médiocres et de leurs juges aux or· Hardy sont à l'honneur.
B. Russell: La Philosophie de Leibniz -, 23,10 F.
ft dres. Circonstancié et précis comme
A. Labriola: Essais sur la Conception Matérialiste de l'His-
ft une enquête d'ethnologue, honnête Entretiens
comme le Baedeker d'un monde La revue Entretiens, qui s'est déjà
toire -, 20,90 F. signalé par de remarquables numéros
M. Halbwachs: c La Classe Ouvrière et les Niveaux de Vie -, moins connu que la Lune, écrit sans spéciaux (dont un sur l'Algérie, publié
24,70 F. flonflons ni flaflas, Voyage involon· sous la direction de Mohammed Harbl,
H. Bourgin: c L'Ecole Normale et la Politique -, (de Jaurès à taire en Sibérie, est animé d'une toujours emprisonné ,à Alger), offre
force terrible. dans sa dernière livraison un très riche
Blum), 23,10 F. ensemble de textes sur Roger Vail-
M. Blanchot: c Le Ressassement Eternel -, 17,75 F. Maurice Nadeau land; de nombreuses photographies
contribuent à faire revivre la sédui-
Diffusion France: OPHRYS, 10, rue de Nesle, 'Paris (6e ) . sante personnalité de l'auteur de Dr6-
GORDON et BREACH : 7-9, rue Emile-Dubois, Paris (14°). le de jeu, mort en 1965. Sont en pré-
, 12, Bloomsbury Way - Londres WC 1 (1) Fayard, éd. Voir la Qulnzalne paration, par ailleurs, des numéros sur
n° 96. Lautreamont et sur Antonin Artaud.

4
INEDIT
Maurice Blanchot ••
L'exigence du retour
Le nouveau c a hie r de
l'Arc (1) est consacré à l'œu-
vre de Pierre Klossowski. Au-
tour d'une contribution capi-
tale de Klossowski lui-même
- considérations rétrospecti-
ves sur l'ensemble de son œu-
vre d'écrivain, de penseur et
de dessinateur - s'organi-
sent diverses études mytholo-
giques (Catherine Backès-Clé-
ment, Pierre Pachet), psycha-
nalytiques (Gilles Deleuze et
Félix Guattari, Michèle Mon-
trelay et Jean Reboul), rhéto-
riques (le .. théâtre de socié-
té ,,) est évoqué par des tex-
tes de Michel Butor et Geor-
ges Perros). La théologie in-
time, de la Vocation suspen-
due au Baphomet, apparaît
dans l'essai de Jean-Noël
Vuarnet sa sainte .. Thérèse
et le philosophe ". Enfin, l'in-
terprétation décisive qu'a don-
née Klossowski de .. la pério-
de turinoise" de Nietzsche
fait l'objet d'études de Brice
Parain et Claude Vivien, tan-
dis que Maurice Blanchot dé-
crit, à travers Nietzsche et le
Cercle Vicieux : .. L'exigence
du retour". De ce dernier
texte nous sommes heureux
de publier l'extrait ci-dessous:
(1) L'Arc. Chemin de Repentance.
Aix-en-Provence.

Pierre Klossowski

Pour Pierre Klossowski, qui a toujours. dans le temps hors (il) se libère du neutre en empruntant à la pluralité une possibilité
réinscrit sur nos murs, lui don- temps, nous nous rencontrions de se déterminer, par là retournant commodément à l'indétermina-
nant sa valeur d'éclat, le signe : sans nous reconnaître et nous
Circulus vitiosus deus, et ainsi, reconnaissions sans nous ren- tion, comme si (il) pouvait y trouver l'indice suffisant qui lui
comme par la main (doucement. contrer. en compagnie des amis fixerait une place, celle, très déterminée, où s'inscrit tout indé-
perfidement). nous a conduits morts. morts et vivant ensem- terminé.
là où. depuis toujours et pour ble avec eux : Si j'écris il, le dénonçant plutôt que l'indiquant, je sais au
moins que, loin de lui donner un rang, un rôle ou une présence qui
l'élèverait au-dessus de tout ce qui peut se désigner, c'est moi qui,
à partir de là, entre dans le rapport où .. je " accepte de se figer
dans une identité de fiction ou de fonction, afin que puisse s'exer-
Entrons dans ce rapport. cer le jeu d'écriture dont il est alors soit le partenaire et (en
• La mort, nous n'y sommes pas habitués. même temps) le produit ou le don, soit la mise, l'enjeu qui, en tant
que tel, principal joueur, joue, change, se déplace et prend la place
La mort étant ce à quoi nous ne sommes pas habitués, nous du changement même, déplacement qui manque d'emplacement et
l'approchons soit comme l'inhabituel qui émerveille, soit comme à tout emplacement.
le non-familier qui fait horreur. La pensée de la mort ne nous aide
pas à penser la mort, ne nous donne pas la mort comme quelque il : si je tiens au bord de l'écriture, attentif à ne pas I:y
introduire sous forme majuscule, plus attentif encore à ne pas lui
chose à penser. Mort, pensées à ce point proches que, pensant,
faire porter un surplus de sens qui lui viendrait de ce qu'on ne
nous mourons, si mourants nous nous dispensons de penser: toute
sait pas ce qu'il désigne, ce mot que je maintiens, non sans lutte,
pensée serait mortelle; toute pensée, dernière pensée.
dans la position que momentanément je lui assigne (au bord de
• Le rapport au .. il " : la pluralité que détient le .. il " est telle l'écriture), je dois non seulement le surveiller sans cesse, mais, à
qu'elle ne peut se marquer par quelque signe pluriel. Pourquoi? partir de lui, par une usurpation ou fiction impossible, surveiller le
.. ils" désignerait encore une singularité multiple, un ensemble changement de place et de configuration qui en résulterait pour ce
analysable, par conséquent maniable... Ils" est la manière dont .. moi ", dès l'abord à la fois chargé de représenter le même et
~
La Quinzaine Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 5
~ Blanchot

l'identité ou la permanence des signes mêmes dans et par leur d'un passé, révolu d'un avenir. Seule, alors, du temps, resterait
graphie, en même temps n'ayant pas d'autre forme que cette fonc- cette ligne toujours à franchir, toujours déjà franchie, cependant
tion ou ponction d'identité. Le moi n'est pas moi, mais le même infranchissable et, par rapport à « moi -, non situable. L'impossi-
du moi-même : non pas quelque identité personnelle, imperson- bilité de situer cette ligne, c'est peut-être cela seulement que
nelle, sûre et vacillante, mais la loi ou règle qui assure conven- nous nommerions le «présent -. '
tionnellement l'identité idéale des termes ou notations. Le moi La loi du retour supposant que «tout - reviendrait, semble
est alors .une abréviation qu'on peut dire canonique, formule qui poser le temps comme achevé : le cercle hors circulation de tous
règle et, si l'on veut, bénit, dans la première personne, la préten- cercles; mais, pour autant qu'elle rompt l'anneau en son milieu,
tion du Même à la primauté. De là peut-être ce caractère sacré elle propose un temps non pas inaccompli, fini au contraire, sauf en
qui s'attacherait au moi et que l'égoïsme confisque en en faisant ce point actuel que nous croyons détenir seul et qui, manquant,
le privilège du point central qu'il occupe, ainsi que le trait de tout introduit la rupture d'infinité, nous obligeant à vivre comme en état
mouvement de rassembler, associer, grouper; unifier, voire négati- de mort perpétuelle.
vement désunifier, dissocier ou désassembler. • Le passé (vide), le futur (vide), sous le faux jour d'un pré-
• il : au bord de l'écriture; transparence, en ,tant que telle, sent: seuls épisodes à insèrire dans et par l'absence de livre.
opaque; portant ce qui l'inscrit, l'effaçant, s'effaçant en l'inscription, • Supposons cela: le passé est vide et seul le jeu multiple de
l'effacement de la marque qui le marque; neutre, sous l'attrait du miroitement, l'illusion qu'il y aurait un présent destiné à passer
neutre, au point de paraître dangereusement le fixer et, si nous et à se retenir dans le passé, conduirait à le croire rempli d'événe-
étions capables de le « suivre - jusqu'à ce bord où ce qui s'écrit a ments, croyance qui le ferait paraître moins inamical, moins
toujours déjà disparu non pas dans l'autre de l'écriture mais dans la effrayant: passé alors habité, fût-ce de fantômes, il accorderait
neutralité d'écrire, de nous tenter d'avoir rapport avec ce qui le droit de vivre innocemment (sur le mode narratif) cela même
s'exclut de tout rapport et qui pourtant ne s'indique absolu que qui cependant se donne pour à jamais révoqué et en même temps
sous le mode relatif (de la relation même, multiple). irrévocable. L'irrévocabilité serait le trait par lequel le vide du
Qu'il soit majuscule, minuscule, en position de sujet, en passé marque, en les donnant pour impossibles à revivre et donc
situation de pléonasme, indiquant tel autre ou aucun autre ou comme' ayant été déjà vécus dans un présent insituable, les sem-
n'indiquant que sa propre indication, le il sans identité; personnel? blants d'événements qui ne sont là que pour recouvrir le vide,
im:>ersonnel ? pas encore et toujours au-delà; et n'étant pas quel- l'enchanter en le dérobant, tout de même en l'annonçant par l'indice
qu'un ou quelque chose, pas plus qu'il ne saurait avoir pour répon- d'irréversibilitê. L'irrévocable n'est alors nullement ou pas seule-
dant la magie de l'être ou la fascination du non-être. Pour l'instant, ment le fait que cela qui a eu lieu a eu lieu à jamais : c'est peut-
la seule chose à dire: il, un mot de trop, que par ruse nous situons être le moyen - étrange, j'en conviens - pour le passé de nous
au bord de l'écriture, soit le rapport d'écriture à l'écriture, lorsque avertir (en nous ménageant) qu'il est vide et que l'échéance - la
celle-ci s'indique au bord d'elle-même. chute infinie - qu'il désigne, ce puits infiniment profond où tom-
• Non-présent, non-absent; il nous tente à la manière de ce beraient, s'il y en avait, les événements un par un, ne signifie
que nous ne saurions rencontrer que dans les situations où nous que le vide du puits, la profondeur de ce qui est sans fond. C'est
ne sommes plus: sauf - sauf à la limite; situations qu'on nomme irrévocable, indélébile, oui : ineffaçable, mais parce que rien n'y
« extrêmes -, à supposer qu'il y en ait. est inscrit.
• Le rapport de moi à l'autre, difficile à penser (rapport que Admettons maintenant que les événements ne soient
« rapporte - le il) : à cause du statut de l'autre, tantôt et à la fois « réels - qu'au passé, machine fonctionnant de telle sorte que nous
l'autre comme terme, tantôt et à la fois l'autre comme rapport puissions nous remémorer, par une mémoire bien agencée, quoique
sans terme, relais toujours à relayer; puis, par le changement qu'il avec un léger doute, tout ce que le futur pourrait nous promettre
propose à moi, celui-ci devant s'~ccepter non seulement comme ou nous faire redouter. Mais le passé n'est-il pas toujours moins
hypothétique, voire fictif, mais comme abréviation canonique, repré- riche que l'avenir et toujours autre? Assurément, sauf si le passé
sentant la loi du même, par avance fracturé (alors à nouveau - étant l'infiniment vide et l'avenir, l'infiniment vide, l'un et l'autre
sous la fallacieuse proposition de ce moi morcelé, intimement n'étaient que la manière oblique (l'écran différemment incliné) dont
blessé - à nouveau un moi vivant, c'est-à-dire plein). le vide se donne, simulant tantôt le possible-impossible, tantôt
• L'Eternel Retour du Même : le même, soit le moi-même en l'irrévocable-révolu, sauf encore si la loi de l'Eternel Retour ne
tant qu'il résume la règle d'identité, soit le moi présent. Mais l'exi- laissait jamais d'autre choix que de vivre au passé l'avenir et
gence du retour, excluant du temps tout mode présent, ne libérera l'avenir au passé, sans cependant que passé, avenir soient appelés
jamais un maintenant où le même reviendrait au même, au moi- à s'échanger selon la circulation du Même, puisque, entre eux,
même. l'interruption, le défaut de présence, empêcherait toute communi-
• L'Eternel Retour du Même : comlTle si le retour, proposé cation autrement que par l'interruption : interruption vécue soit
ironiquement comme loi du Même, où le Même serait souverain, comme le révolu du passé ou le possible de l'avenir, soit précisé-
ne faisait pas nécessairement du temps un jeu infini à deux entrées ment comme l'utopie incroyable de l'Eternel Retour. On ne peut
(données pour une et toutefois jamais unifiées) : avenir toujours croire à l'Eternel Retour. C'est sa seule garantie, sa « vérification -.
déjà dépassé, passé toujours encore à venir, d'où la troisième Telle est, là-bas, l'exigence de la Loi.
lnstance, l'instant de la présence, s'excluànt, exclurait toute possi- • Si, dans « l'effroyablement ancien -, rien ne fut jamais présent
bilité identique. et si, à peine vient-il de se produire, l'événement, par la chute
Comment, sous la loi du retour là où entre passé et avenir absolue, aussitôt y tombe, comme l'indice d'irrévocabilité nous
rien ne se conjugue, sauter de l'un à ('autre, alors que la règle ne l'annonce, c'est que (d'où notre froid pressentiment) l'événement
permet pas le passage, fût-ce celui d'un saut? Passé, dit-on, que nous croyions avoir vécu ne fut, lui non plus, jamais avec nous
serait le même qu'avenir. Il n'y aurait donc qu'une seule modalité ni avec quoi que ce soit en rapport de présence.
ou une double modalité fonctionnant de telle manière que l'iden- (C'est comme s'il avait écrit dans la marge d'un livre qui
tité, différée, réglerait la différence. Mais telle serait l'exigence du ne serait écrit que bien plus tard, à une époque où les livres depuis
retour: c'est CI sous une apparence fausse de présent» que l'ambi- toujours disparus évoqueraient seulement un passé effroyablement
guïté passé-avenir séparerait invisiblement l'avenir du passé. ancien et comme sans parole, sans autre parole que cette voix
Soit un passé, soit un avenir, sans rien qui permettrait de murmurante d'un passé effroyablement ancien.)
l'un à l'autre le passage, de telle sorte que la ligne de démarcation • Le vide du futur: la mort y a notre avenir. Le vide du passé:
les démarquerait d'autant plus qu'elle resterait invisible: espérance la mort y a son tombeau.

6
I.ITT.RATURE

Une épopée victorienne


.TRANG~RE

1
John Galsworthy til dosage des intérêts, plus que les situation de l'artiste dans la société pement des sociétés bourgeoises que
La dynastie des Forsyte liens du sang. Mais, il est singulier soient si timides et pauvres à côté l'amour soit réduit aux termes d'un
Calmann-Lévy éd., 860 p. de voir un écrivain si pénétré de de celles de Lawrence. A cet égard, contrat, afin de ne plus être qu'une
l'invincibilité abominable de la rè- comment ne pas être surpris qu'un clause de propriété. De même que
gle sociale, mettre toute sa foi dans contemporain de D. H. Lawrence, l'argent ne doit pas être consommé,
La Forsyte Saga fait partie de ces l'amour, seule force capable, selon Virginia Woolf, Joyce, n'ait jamais la consommation sexuelle paraît sa-
livres qui, comme Contrepoint lui, de s'opposer au triomphe de senti la nécessité de renouveler la crilège. A son insu, Galsworthy, par
d'Aldous Huxley, les récits d'Evelyn l'absolutisme moral. Car, s'il assu- tradition romanesque de Thacke- le culte éthéré qu'il voue à l'amour
Waugh, Sam de Mary Webb ou re avant tout la perpétuation de ray ou de Jane Austin? Vanity fou, le plus souvent platonique, ,sa-
1984 de George Orwell, contribuè- l'espèce, l'amour est aussi le fer- Fair et Pride and Prejudice ont une crifie au mythe bourgeois.
rent au cours de l'entre deux guer- ment de désordre qui s'introduit au virulence infiniment plus corrosive N'est-il pas révélateur que la so-
res à assurer aux lettres anglaises cœur de la citadelle et l'effrite du à l'égard de l'ordre établi que le ta- ciété de la fin de l'ère victorienne,
l'audience du grand public français. dedans. Par les déportements inso- bleau de mœurs souvent fade et celle des débuts de l'époque edwar-
C'est une œuvre qui flatte les lites qui contreviennent aux visées conventionnel de Galsworthy. Dans dienne, tendent aujourd'hui ce mi·
classes dominantes dans le senti- du clan, il brav.e les préjugés, lézar- le temps que Lawrence voyait dans roir jauni où les bourgeoisies des
ment d'appartenir à un esta- de la façade de respectabilité et la médiation panique du sexe et du deux plus anciennes démocraties eu-
blishment par les valeurs et la cultu- d'hypocrisie. mythe le moyen de relier l'homme ropéennes aiment à se contempler
re. Dans le temps que les sociétés Il est évidemment impossible de à un univers dont il est exilé, dé- et à retrouver l'écho nostalgique de
libérales commençaient de se sentir donner une idée, même simplifiée, possédé par l'argent et l'aliénation leur prospérité et de leur grandeur
menacées par la montée spectacu- de la multiplicité des intrigues qui capitaliste, l'écrivain qui nous passée? Ce rapprochement tardif,
laire des fascismes, en France les se nouent autour du tronc généalo- concerne ne s'évadaii pas de la sa- les affinités que se découvrent, par-
bourgeois conquérants, pour repren- gique des Forsyte. L'ampleur de la tire des apparences. Il demeurait le delà le temps, des classes si dissem-
dre l'expression de C. Morazé, et les matière ne doit toutefois pas nous prisonnier de son milieu, lors même blables en apparence, nous donnent
dynasties bourgeoises, si l'on em- dérober l'extrême simplicité du res- qu'il tentait de s'en affranchir. envie de souscrire au jugement que
prunte le terme de Beau de Lomé- sort romanesque qui fait progresser A l'égard de la réalité sexuelle, Virginia Woolf portait à sa mort
nie, n'étaient pas si éloignés, ni par le roman. Il s'agit toujours d'événe- à l'inverse de Lawrence, Galsworthy sur l'œuvre de Galsworthy: elle ne
leur évolution, ni par les institu- ments qui ressortissent à la chroni- sacrifie sans le vouloir à l'insidieux voyait dans cette chemise empaillée
tions économiques ou politiques qui .
que d es carnets mond alns: d'eces,
.\ opprobe dont le puritanisme vic- que le peintre cynique et court
favorisèrent leur essor, ni par le sys- naissances, mariages, divorces, à torien couvre les égarements de la d'une société d'oppression.
tème des valeurs, de la postérité des quoi il faut ajouter tout ce qui tou- chair. Il est nécessaire au dévelop- Alain Clerval
chevaliers d'industrie de la Cité, che au transfert ou à l'accroisse-
qu'ils ne puissent prendre un plai- ment des biens. A travers l'écheveau
sir égal à la vaste fresque par la- compliqué d'une fresque qui s'étend
quelle John Galsworthy faisait re- tout ou long d'un demi-siècle, de
vivre l'épopée de la société v,icto- 1887 à 1930, des dernières années
rienne. du règne de Victoria, de la guerre
Galsworthy assimile l'évolution des Boers aux crises de l'entre deux
de la société au transformisme de guerres, dépression économique de
Darwin. On ne trouve dans son œu- l'après-guerre, guerre de l'indépen-
vre ni l'utopie socialiste généreuse dance irlandaise, développement du
de Zola, ni le pouvoir visionnaire de Labour et des syndicats, revendica-
Balzac, malgré des similitudes su- tions féministes, la vie de Soames
perficielles dans la conception du Forsyte (2" génération de la dynas-
développement et de l'organisation tie), représentant accompli de l'es-
sociale. L'auteur s'inspire davantage prit de propriété et de la respecta-
d'un mécanisme sommaire. Dans la bilité bourgeoise, ses deux mariages
Forsyte Saga, hélas, le talent de malheureux avec Irène, trop belle
l'écrivain ne parvient pas, comme pour son étroitesse, et Annette, une
dans la Comédie Humaine ou les Française, donnent le fil conducteur
Rougon-Macquart, à faire démentir d'une action dont les rebondisse-
les postulats qui servent d'armature ments servent à illustrer le conflit
de base à l'édification du roman. des intérêts et de la passion, de la
La vision de l'auteur coïncide, sans raison pratique aussi impérieuse que
guère les transgresser, avec les l'impératif catégoriqUe de Kant, et

Saut de la mort
conceptions théoriques insuffisantes du raffinement dont s'accompagne,
qui l'orientent dans son propos. la jouissance des avantages de la
L'argent qui a permis à la dynas- fortune. C'est avec une régularité
tie d'asseoir sa puissance et son in-
fluence et lui a donné, avec le
cyclique que, sous le voie d'une
affabulation à peine changeante, se \
roman
temps, un certain raffinement dans répètent les contradictions entre les
l'art de yivre, prévaut sur toutes principes qui font les fortunes et la
les autres considérations humani- culture ou l'art de vivre qui contri-
taires, politiques ou même familia- buent à les défaire.
les. La famille étant fondée, comme Si, pour Galsworthy, l'amour et
toute société anonyme, sur la soli- l'art sont les seules forces capables
darité des intérêts et. la valeur des d'ébranler l'ordre bourgeois, com-
placements, la parentèle exprime la ment ne pas déplorer que sa concep-
consanguinité des partages et le sub- tion de l'amour ou ses idées sur la

La Qllinzaine Utt6ralre, du 16 au 31 décembre 1970 7


La fin
mythe •• l'hispanité
Juan Goytisolo carnage de 1936 ; elle a bénéficié, siècle, dans la même ville dont il me de culture et de lecture entre-
Revendication du Comte tout au long de trente années de était le gouverneur, trahit sa patrie tient, malgré qu'il en ait, avec ses

1 don Julian
Joaquin Ortiz éd., Mexico (1)
246 p.
franquisme, d'une surenchère my-
thologique sans précédent entre une
droite intéressée à masquer la réa-
lité à coups de mythes et une gau-
che incapable de transformer ses
en ouvrant les portes de la péninsule
aux musulmans. Reprenant à son
compte, en les inversant jusqu'à
la dérision la plus complète, les
termes d'une tradition qui veut que
auteurs et ses livres familiers une
relation non moins intense qu'avec
ses amis vivants et sa réalité quoti.
dienne.
Et nous en arrivons à la dimen-
Est-ce parce que la France de désirs en réalités, préférant les la cc souillure» de l'Espagne sacrée sion proprement universelle de ce
l'idée n'existe pas que le plus soli· confondre avec ses nostalgies; et à par l'Islam soit la conséquence roman dont on réduirait abusive-
taire· des Français en fut réduit, sa l'heure où, sous les assauts conju- d'une ,c faute» d'ordre sexuel ment la portée ea le circonscrivant
vie durant, à se battre les flancs gués de l'américanisation, du tou- l'amour illégitime du roi Rodrigue à un thème et à des ob5essions par·
pour réussir à se faire « une certai- risme et de la technocratie, le cau- pour la fille de don Julian, il rêve ticulières à l'Espagne, lesquelles, au
ne idée de la France», à recréer, chemar esthétique est en passe de d'une nouvelle invasion musulmane bout du compte, pourraient bien
pour son seul usage, la face mythi- se muer en cauchemar climatisé, qui consommerait la ruine totale n'être que le dernier piège que
que, idéelle, d'une France que la elle trouve une fortune nouvelle de la terre hispanique, livrée irré· l'hispanité tend à ses contestataires.
révolution bourgeoise de 1789 s'em- dans une forme de coexistence qui médiablement à l'érotisme arabe. à ses contcstataires.
ploya à mettre à bas et dont le est à elle seule un scandale pour Pour le porte-parole de Goytisolo. Sans doute une des clefs de don
triomphe définitif de l'esprit bour- l'esprit. la répression, à partir de la recon· Julian cst·elle contenue dans le
geois devait, au siècle suivant, ba- C'est le scandale de cette coexis- quête définitive de la péninsule par défi que, son éducation sentimen·
layer les derniers vestiges ? tence que Juan Goytisolo s'a ttache Ferdinand II, de la sensualité incar· tale parachcvée, Alvaro, le prota-
L'Espagne mythique, l'Espagne à dénoncer dans son dernier livre : née par la civilisation islamique, a goniste du précédent roman de l'au·
de l'idée, ou plutôt de la chimère, Revendication du Comte don Ju- eu sur le destin de son pays un effet teur, Pièces d'identité. lance à son
qui sustenta les rêves de tant de lian, par la voix de son héros - on de blocage non moins pernicieux pays du haut du belvédère de Mont-
romantiques, ce cc cauchemar esthé- serait tenté d'écrire son héraut. que le mépris des tâches économi· juich : « Comment te ruiner, Espa-
tique» (2) dans lequel l'histoire, Voix impersonnelle d'un personna- ques et intellectuelles, associées au gne, toi qui n'es plus que ruines? ».
l'Eglise et l'Art se sont acharnés à ge délibérément privé d'identité et monde hébraïque, après l'expulsion La réponse. suggérée dans Pièces
-engluer chaque Espagnol, n'existe de consistance psychologique et dont des Juifs. Répression sexuelle et ré· d'identité, c'est don Julian qui va la
que trop: elle est sortie indemne du le discours, pour reprendre l'expres- pression intellectuelle participent donner à Alvaro et, dans cc scns,
son de l'auteur (3), sert de véhicule d'une même démarche et la destruc- on peut dire que le dernicr roman
à une cc agression aliénée, onirique tion de l'Espagne mythique, condam- de Goytisolo constitue la suite na·
et schizophrénique» contre les my· née, faute de mieux, à la collusion turelle, logique, immédiate du livre
thes qui, en dépit d'une transforma· de la métaphysique et de l'obscé· précédent.
tion profonde des structures socio· nité, de l'érotique et de la théolo- Pièces d'identité était une œuvre
économiques, conservent en Espa- gie, doit passer par une érotisation de jeunesse exem plaire - il va
gne tout leur pouvoir. à outrancc que ce nouveau don sans dire qu'il ne faut pas prêter ici
De Tanger, ville cosmopolite, Julian poursuivra, pathétiquement, à ce terme l'acceptation restrictive,
lieu d'exil privilégié de par sa posi. à coups de fantasmes, tout au long paternaliste ({u 'on lui assigne habi-
tion géographique, ses traditions de son cauchemar profanateur. tuellement - en ce que décrivant
historiques et ses franchises passées, Pour consommer sa trahison, le périple que tout homme jeune
cet homme sans nom. contemplant trahison qui équivaut ici à une for· doit accomplir pour découvrir son
les côtes de son ancienne patrie, me exemplaire de suicide, le héros identité véritable, il épuisait toutes
médite, rêve, clame, invective, raille de Goytisolo, héraut réduit tout en- les combinaisons possibles de cette
et, ce faisant, donne superbement tier à son seul discours, ne dispose entreprise de destruction des valeurs
corps à ce vieux rêve que tout Espa- que d'une seule arme : sa langue héritées qu'est une éducation sen-
gnol normalement constitué sent natale, elle-même circonscrite à cet timentale - laquelle, de nos jours,
monter en lui, sauvage, irrépressi- héritage culturel qui est sa vérita· prend nécessairement la forme
ble, à quelque moment de sa vie : ble, immarcescible patrie, sa der- d'une éducation politique et cultu-
en finir une bonne fois avec l'hispa- nière possession, la seule part du relle. Mais qu'y a-t-il au bout de
nité de Sénèque, le sénéquisme de patrimoine à laquelle il ne puisse cette quête de l'identité sinon un
Manolete et la quichotisme du Cid, renoncer, quand il le voudrait, puis- nouveau point de départ pour une
extirper de lui à tout jamais, sac- qu'elle est ce qui constitue la tex· quête nouvelle: celle d'une liberté
cager, désamorcer radicalement tou· ture même de sa pensée, de cc qui autrement terrible, qui passe préci.
te cette métaphysique obscène d'une lui reste d'être. Dans cette œuvre sément par l'holocauste de cela mê-
Espagne héroïque et mystique, pas- de transgression, de contestation me qui désormais nous définit, nous
sionnée et tragique, vouée à la tau- culturelle radicale, les citations lit· identifie. Mais laissons parler Goy-
romachie de la vertu, à la haine du téraires jouent le même rôle que tisolo : cc la patrie est la mère de
sexe et à la pornographie de la les descriptions de paysages ou de tous les vices : et le moyen le plus
mort. personnages dans le roman tradi· expéditif, le plus efficace pour s'en
Des menus f,its quotidiens, des tionnel et l'on retrouvera à la fin guérir est de la vendre, de la tra-
choses et des gens qu'il lui est don- du volume une longue liste d'au· hir (H') : pour le simple et suffi-
né d'observe~. au gré. de ses pérégri. teurs espagnols que l'auteur remer- sant plaisir de la trahison : pour
nations à travers les rues de la ville, cie pour leur collaboration cc pos· se libérer de cela qui nous identifie,
le narrateur ne retient que ce qui thume et involontaire ll. Juan Goyti- qui nous définit : qui fait de nous,
peut servir à nourrir son délire solo publie ainsi jusque dans ses malgré que nous en ayons, ies por-
mythoclaste. Nous le voyons ainsi limites extrêmes une vérité que le te· parole de quelque chose : qui
insensiblement amené à s'identifier puritanisme ou la mauvaise cons- nous donne une étiquette et nous
au Comte Julian, grand traître de cience des intellectuels rechigne gé. fabrique un masque (H') : quelle
l'histoire de l'Espagne qui, au VIlle néralement à admettre: que l'hom- patrie ? toutes : celles du passé, cel-

8
les du présent, celles du futur ( ... ) :
refuser l'identité, repartir à zéro :
Sysiphe et anssi Phénix qui renaît
de ses cendres... »

5 ouvra es·cadeaaz
Ainsi, libéré de toute subjectivité
psychologique, cet apatride volon-
taire, cet homme sans masque, sans
étiquette nous invite, au bout du
compte, à aborder dans cette patrie
inconnue qui est la destination ul-
time de toute aventure spirituelle
et dont le nom est peut-être l'uni-
versalité.
Juan Govtisolo a lu Benveniste,
les formali;tes russes et les travaux
quivoat aire dabrait"
de la « nouvelle critique» françai-
se dont il confesse hautement avoir
subi l'influence. Voilà qui ne man-
quera pas de lui aliéner un certain
nombre de lecteurs qui verront dans
les moyens linguistiques mis en œu- IERRE KLOSSOWSKI ";!~-"LUIS BUNuEL
vre dans son dernier livre une illus- Monnaie vivante . 100 photos
dans le cycle d'Antonio Galvez
tration plus ou moins fastidieuse des de Roberte texte de
thèses de Tel Quel. L'emploi sys- un album relié de 160 p. Robert Benayoun
tématique de la seconde personne format 24 x 32 lettre-préface
du singulier et du futur de l'indi· avec 100 photos . de Luis Bunuel
de Pierre Zucca un volume de 160 p.
catif, l'absence de majuscules et la 45F 60F
ponctuation binaire seraient fasti·
dieux en effet si ces procédés
n'étaient constamment mis au ser·
vice d'un projet critique très précis
qui est de souligner l'effacement
du narrateur au bénéfice d'un dis·
cours littéraire sans commencement
ni fin, équivalent en ses termes,
ouvert de toutes parts, lequel, dans
ce livre comme dans toute œuvre
vraiment significative, est éternel
ressassement, perpétuelle approxi.
mation de ce monde, de cette pa·
trie unique dont nous parle Gilles
Deleuze à propos de la recherche de
Proust.
« Mais en art ou en littérature,
William Klein
MISTER FREEDOM
ciné-roman-photos en couleur
.
Q;
c:
8
dit encore ce philosophe qui ose un album relié de 92 pages Q.
Q.
postuler le privilège absolu de l'art format 24 x 32, 45 F Q.

sur la philosophie au regard de la


vérité, quand l'intelligence survient,
c'est toujours après, non pas avant».
Avec la Revendication du Lomte
don lulian, nous assistons une fois
de plus à la miraculeuse conjonc.
tion, indéfiniment répétée dans
l'histoire des civilisations, des véri- GRANDVILLE
tés abstraites de la théorie et des révolutionnaire, Philip Caza
visionnaire KRIS KOOL
vérités très concrètes, partant com- et précurseur une fabuleuse
bien plus révolutionnaires du ly. par Laure Garein avec bande dessinée
risme. une lettre-préface en couleur
Adélaïde Blasquez de Georges Bataille un album relié de 92 p.
250 p., 200 illustrations
36 F 1...- .....1
format 24 x 32
(1) A paraître aux éditions Galli- 60F
mard.
(2) L'expression, quelque peu dé-
tournée de son sens, est de J .-M.
Chastellet dans la Littérature espa-
éric losleld éditeur
gnole et le temps de la destruction,
« Les Lettres Nouvelles ", mars-avril
1963.
(3) Cf. l'entretien de l'auteur avec
Claude Couffon dans «Le Monde»
du 11 septembre 1970.

La Qnfnplne UttUalre, du 16 au 31 décembre 1970 '9


LE'ITRE

D'ALLEMAGNE
Un rival allemand
Arno Schmidt de typoscript, en faisant un fac·si· re entre le roman et l'essai qu'avant fait que l'auteur « grave» le dessin

1 Le Rêve de Zettel
Stahlherg-Verlag
Karlsruhe, 1 330 p.
milé du texte dactylographié. Mal-
gré son prix considérable, l'édition
signée et limitée à 2 000 exemplai.
l'es était épuisée avant la fin de la
souscription.
lui Hermann Broch, Robert Musil
et Thomas Mann ont essayé de cul-
tiver. L'action romanesque sert seu·
lement de coulisse à une recherche
réflexive entreprise par les quatre
des pages à la façon dont un « écri-
vain» calligraphie sa copie (2).
C'est pourquoi un dessinateur pren-
drait lui aussi un grand plaisir à la
conception typographique du livre.
Arno Schmidt a publié voici quel. Tout aussi inhabituel est le tra- personnages principaux sous la for- Dans cet important livre-montage,
que temps deux rapports de travail vail physique et psychique investi me d'un dialogue que viennent in- les arts s'unissent pour engendrer
substantiels, intitulés Calculs 1 et par l'auteur dans cette entreprise. terrompre le monologue intérieur et une œuvre d'art totale.
II, qui récapitulent les résultats Arno Schmidt a consacré près de le commentaire critique du narra- Pourquoi le système de représen-
théoriques de ses recherches expéri. dix ans à la réalisation de son rêve teur. Les discussions dans la mai- tation complexe de Schmidt, pour-
mentales sur de nouvelles formes littéraire. Il entreprit les travaux son et le jardin, les promenades quoi ces entretiens hrillants entre
d'écriture en prose. Il y relate son préliminaires au début des années dans la lande et la forêt n'ont en quatre amateurs de littérature sur
projet d'élaborer les formes d'écri· 60, et consacra six ans, d~ 1963 à définitive qu'un seul but : faire l'œuvre de Poe et ses arrière-plans
ture en prose corespondant à cel" 1969, à la rédaction de· son magnum progresser, non le cours de l'action, hiographiques? Schmidt utilise
tains types d'expériences qui réap- opus. Cette œuvre capitale, long. mais le déroulement de la recher- pour Poe la méthode qu'il avait dé·
paraissent constamment. Après temps attendue, contient la somme che. Enfin, les rapports humains jà expérimentée dans une étude sur
avoir analysé dans le domaine du de ses travaux et de ses expériences entre les personnages principaux Karl May, son caractère, son œuvre
conscient trois processus intitulés antérieures. Il a procédé à l'agen. sont eux aussi subordonnés à ce et son influence. Les œuvres de Poe
« Erinnerung». « LOchrige Ge- cement systématique des notes, des but. sont pour lui les produits d'un refou-
genwart», et « Lanjel'es Gedan- idées et des citations contenues Pour cette recherche intégrée au lement de l'Eros, elles transposent
kenspitel», il réservait la série dans douze boîtes de 130 000 fiches. genre romanesque, Schmidt a déve- dans le domaine littéraire des rêves
d'expériences consacrées au « rêve» On ne louera jamais assez le travail, loppé un mode de présentation sexuels et des fails scandaleux. Poe
pour un ouvrage qui aurait continué les sacrifices, le courage et le zèle complexe. Presque toutes les pages est pour lui le prototype d'un grou-
Calculs. Au lieu de présenter la de ce Jean-Paul du XX, siècle. Si de son livre contiennent trois blocs pe de poètes mus par l'imagination,
mise au point théorique annoncée, l'on s'avisait de croire que Schmidt de textes qui, au lieu de se dérouler chez lesquels les incitations essen·
Schmidt a donné directement le ré- s'est épuisé dans ce livre, on n'a les uns à côté des autres, sont im- tielles proviennent du subconscient.
sultat pratique de cette dernière qu'à savoir qu'il travaille déjà à la hriqués les uns dans les autres. Il La culture comme sexualité subli-
série d'expériences. En se référant traduction d'un copieux roman de avait déjà utilisé la technique typo- mée : on se souvient d'avoir déjà
au Songe d'une nuit d'été de Sha· Bulwer-Lytton. Il prévoit ensuite la graphique des deux colonnes imbri- lu cela chez Sigmund Freud. De
kespeare, il a appelé son livre le rédaction d'un roman dont les gran· quées dans KalI ou Mare Crisium. fait, après Joyce, c'est Freud dont
Rêve de Zettel. On sait que le tis· des lignes sont déjà fixées. Les différentes dispositions typo- Amo Schmidt vient de découvrir
serand Zettel raconte aux protago. Le contenu du livre n'est pas graphiques marquaient l'alternance la portée pour son étude du monde
nistes du Rüpelspiel un rêve étran- moins singulier: il s'agit du songe de deux plans, celui des expérien- et de la littérature. C'est la premiè-
ge et profond qu'il prétend avoir fantastique d'une nuit et d'un jour ces sur terre (plan 1) et celui des re fois qu'il utilise les instruments
fait. Ce récit est placé en exergue au d'été. Dan Pagenstecher, maître des expériences sur la lune (plan II). freudiens sur une vaste échelle ; les
début du livre. livres et des esprits, se consacre à Le quotidien réel et le jeu de l'ima- représentations freudiennes l'aident
Les dimensions inhabituelles de des recherches personnelles dans gination se donnaient mutuelle· à identifier et à déchiffrer des phra.
l'œuvre de Schmidt constituent un une maison de bois sur la lande de ment des suggestions, des idées et ses ambiguës.
premier sujet d'étonnement. Le li· Lünebourg. Un jour, il reçoit la des impulsions. Les trois colonnes Au moyen de digressions qui re·
vre a le format d'un atlas : 1 330 visite de Paul et de Wilma Jacobi, du Rêve de Zettel, écrites (vu leur lèvent de la linguistique et de la
pages de dimension DIN A 4, envi- accompagnés de leur fille, âgée de format particulier) sur une machine psychanalyse, de la théorie de la
ron 9 kilos; de ce fait, on l'aborde seize ans. Le couple travaille à une à écrire à tabulateur et à chariot sexualité et de la sociologie de la
à la fois corporellement et intellec- traduction d'Edgar Allan Poe, et large, annoncent trois niveaux de culture, Schmidt entreprend de re-
tuellement. Pris dans son ensemble, veut demander à Pagenstecher des conscience. La colonne du milieu, la chercher les symboles sexuels dans
le texte contient approximativement renseignements sur certains détails plus large, contient le déroulement l'œuvre de Poe. Il n'est presque pas
9 millions de caractères, et il rem· ,de la vie et de l'œuvre de l'écrivain du récit et de l'action, à gauche, de décor, d'événement, de personna-
plirait 7 000 pages imprimées nor· américain. Cette description minu- on trouve des digressions particuliè- ge ou d'objet où il ne cherche déses-
males. Ce compendium géant cor- tieuse du déroulement d'une jour. res et de nombreuses citations des pérément à diagnostiquer une ac·
respond donc à peu près à vingt vo- née rappelle - et ce n'est pas un œuvres de Poe, le tiers droit est ré- tion de substitution ou l'image d'un
lumes de 350 pages chacun; il est hasard - l'Ulysse de Joyce, qui ra· servé à des remarques générales. organe. Il voit presque toujours
plus volumineux que la totalité des conte vingt.quatre heures de la vie Ce côté multiforme de la cons- dans l'intrigue une correspondance
livres publiés jusque-là par Schmidt. du juif irlandais Leopold Bloom. De truction du texte permet à l'auteur sexuelle, le monde de l'image est
On a compté qu'il faudrait 600 heu· même que cette joumée du 16 juin de dresser un procès-verhal détaillé pour lui la projection du monde
l'es pour le lire, et la teinte jaune 1904 à Dublin est entrée dans l'his- des événements et des conversations, corporel. Pour démontrer ses thè·
utilisée pour le papier spécial est toire de la littérature sous le nom mais aussi des associations d'idées et ses, Schmidt donne des références
destinée à ménager la vue autant de Bloom's Day, peut.être qu'un des citations. L' «œil» constam- tirées de différents niveaux de si·
que possible. L'auteur ne se fait pas jour les 1440 minutes consignées ment variahle procure l'impression gnification. Dans ce travail, le rôle
d'illusions quant au nombre de ses par Schmidt sur un nombre pres- d'une polyphonie optique, d'une essentiel revient, non aux témoigna.
lecteurs véritables. Il en compte que égal de pages grand format ac· partition d'idées et de conversations, ges hiographiques, mais uniquement
390, ce qui, selon ses propres ter· querront la célébrité sous le nom d'un hallet entre la fiction et la ré- aux expressions linguistiques du
mes, représente « la racine cubique de Dan's Day. flexion. La richesse d'invention poète. Du destin des héros et de la
de P, P étant la population ». Bien que l'œuvre s'appelle « ro- d'Arn'o Schmidt dans l'agencement situation psychique des personnages,
, Ce livre étant le premier du gen· man », sans plus de précautions, elle des textes est inépuisable, de sorte il tire des conclusions sur la pel"
re, l'éditeur se trouve confronté à se distingue fortement des réalisa- qu'il n'y a pas deux pages qui se sonnalité et le caractère de l'auteur.
de grandes difficultés d'élaboration tions habituelles du genre. L'œuvre ressemblent. Le nom du narrateur, La nature prohlématique de Poe
et de fabrication. Il a publié cette en prose de Schmidt se situe bien Daniel Pagenstechem (1), évoque fournit à Amo Schmidt un vaste
. œuvre géante en offset, sous forme plutôt dans ce domaine intermédiai· beaucoup de choses, entre autres le champ d'action. Dans ses efforts

10
de Joyce
pour éclairer le monde obscur dont tre part, leur attitude reflète des atti. ses de plan. Par exemple, le Iccteur
sont issues les créations littéraires, tudes de Poe. Des messagers et des remarque que l'auteur a utilisé deux
il procède d'une façon à la fois ri· personnages caricaluraux viennent machines à écrire dont les caractè-
goureuse et arbitraire. Ses découver- sans cesse retarder le déroulement res étaient différents, ou que les KARL MARX:
tes et ses interprétations oscillent de l'intrigue; toutefois, ils ne par· corrections ultérieures ont été effec·
entre la profondeur et la banalité, viennent pas jusqu'au cœur de l'ac- tuées avec un soin tout particulier. DIFFERENCE DE LA PHILO-
SOPHIE DE LA NAT URE
ce qui fait balancer l'humeur du tion et de la réflexion. Schmidt s'est Les lignes et les passages supprimés
CHEZ 0 E M 0 CRI T E Er
lecteur entre le plaisir et l'irritation. efforcé d'assouplir l'unité d'atmos- ont exactement la forme d'un rec· EPICURE [avec Travaux pré-
Dans son analyse du monde des phère et de ton du livre par des in- tangle dont la surface est intégrale- paratoires]. Traduction, intro-
mots et des représentations de Poe, grédients romanesques et un comi· ment couverte d'encre de Chine. Ce duction et notes par J. Pon-
Schmidt élabore un type particulier que plein de verdeur. Il recourt à sont là en définitive des choses se· nier.
d'étude étymologique. Il est attentif des métamorphoses fantastiques et condaires, mais elles contribuent
au choix des mots et aux associa- à des allégories mythico-naturelles elles aussi à occuper l'imagination, J. BAUBi:ROT :
tions caractéristiques, à l'engrenage pour interrompre le fanatisme de la réflexion et le pouvoir combina·
et à l'enchevêtrement de certaines cette réflexion sur l'art. toire du lecteur. LE TORT D'EXISTER. Des
Ces intrusions ne font que ren- Ce Rêve de Zettel, qui était l'un juifs aux Palestiniens.
expressions. Il parvient de cette fa·
çon au résultat suivant : le sens forcer l'impression d'un monologue des projets les plus attendus de ces
secondaire des mots et des expres- sans fin où le narrateur à la premiè- dernière années, est remarquable DOPPET:
sions peut être ramené à des modè- re personne et le moi du narrateur aussi bien au point de vue du conte- APHRODISIAQUE EXTERNE
les fondamentaux simples qu'il se seraient scindés en q~atre per- nu que du point de vue de la forme. ou TRAITE DU FOUET. Réé-
nomme des « étyms ». Il utilise un sonnages. A partir de l'Eros, du paysage et de dition d'un ciassique,
procédé de phonétique combinatoire Pour lire l'essai romanesque de la littérature, qui constituaient jus-
pour démontrer le voisinage séman- Schmidt sur Poe, il est nécessaire que-là sa Trinité, Schmidt a essayé MAUPERTUIS, CONDILLAC,
tique de concepts qui remontent à de connaître les œuvres de l'auteur dans le livre qui nous occupe d'étu- TURGOT, DU MARSAIS,
un étym, à un noyau verbal. II américain. Une fois de plus, dier le travail créateur de l'écrivain ADAM-SMITH:
ajoute cette remarque : « Le cons- Schmidt déploie son immense cul- et de faire une psychanalyse de
VARIA L1NGUISTICA. Préface
cient parle par expression. Mais ture sur un thème, et il en impose l'œuvre d'art verbale. Son analyse par M. Duche!. Choix et no-
vous savez d'après la Science des au lecteur par des détails de prove- d'un cas particulier problématique tes par Ch. Porse!.
rêves de Freud que le subconscient nance parfaitement diverse. Outre s'élargit jusqu'à devenir une étude
balbutie un espéranto bouffon qui des extraits en anglais des œuvres générale sur l'essence de la littéra-
P. CORNEILLE:
lui est propre; .car il utilise à la de Poe, qu'il présente comme des ture. Les repérages psychologiques
fois des images symboliques et des pièces justificatives à l'appui de ses entrepris dans ce sens sont suscepti- SUR ENA, GENERAL DES
bles de modifier plus d'une concep· PARTHES, Edition, introduc-
parentés entre mots pour rendre affirmations, on trouve, également
tion du langage et de la création ar- tion et notes par J. Sanchez,
simultanément plusieurs significa- destinées à étayer sa démonstration,
tions. Je voudrais nommer étyms de nombreuses références aux sour· tistique. Du point de vue formel,
SADE:
ces formations nouvelles qui ressem- ces de Poe. Et, pour finir, innom- Schmidt a peut-être réalisé l'équiva.
blent à des mots et qui servent aussi brables sont les allusions multifor- lent allemand de Finnegan's Wake IDEE SUR LES ROMANS.
bien à l'apparente précision de la mes et les textes extraits de l'en· de James Joyce. La puissance du Edition et notes par J. Glas-
langage et la richesse d'invention tier.
langue normale qu' « aux amphi- semble de la littérature universelle.
bologies des arrière-pensées, actes Schmidt cite l'Ancien Testament, verbale, l'entrelacement de la pho-
manqués et lapsus : la partie supé- Catulle, Ovide, Lucien, Rabelais, nétique, des associations et des jeux RICHARDSON:
rieure de l'inconscient par étym ». Cervantes, Holberg, FIetscher, Spen- de miroir sémantique permettent PAMELA ou LA VERTU RE-
Dans le dialogue entre les quatre ser, Sterne, Irving, Dickens, Bul· réellement de comparer l'œuvre de COMPENSEE.
personnages principaux, Schmidt a wer, Cooper, Scott, Tieck et E.T.A. Schmidt à la poésie intellectuelle
élargi et amélioré la forme de dia- Hoffmann. A son Panthéon inté- du grand Irlandais. En dernier res-
HUMBOLDT:
logue de ses features radiophoni- rieur, où Joyce occupe une place do- sort, la surenchère textuelle et l'in-
ques. Les divers commentaires et minante, viennent s'intégrer de nou- consistance 'formelle de la langue DE L'ORIGINE DES FORMES
veaux goûts et de nouvelles incli· constituaient la seule chance pour GRAMMATICALES.
confessions sont ourdis, interrom-
pus, poursuivis et finalement menés nations. Ceux-ci se manifestent l'auteur de représenter d'une façon
à leur terme. On voit alterner des- dans les extraits d'ouvrages psycha- valable le monde complexe de ses M. MOLHO:
criptions simples, passages en lan- nalytiques et de théories de la idées, de ses images et de ses infor- LINGUISTIQUES ET LANGA-
gue scientifique et textes obscènes ; sexualité, dans les renvois à Freud, mations. Dans le Rêve de Zettel. GE.
la langue, la création littéraire et la à Stekel et à Hirschfeld. Schmidt a créé un continent épique
vie s'interpénètrent. Cette surabon- La reproduction parfaitement fi· plein de possibilités esthétiques in-
GONGORA:
dance de texte et de matériau est à dèle du manuscrit offre au lecteur connues, et nous devons y voir un
peine ordonnée. Même les intertitres une possihilité unique de regarder des chefs-d'œuvre littéraires de no- LES SOLITUDES, SOLEDA-
tre siècle. DES Edition bilingue,
qui découpent l'œuvre géante en l'atelier de l'auteur et lui permet
huit livres ne créent pas les césures de voir la structure d'une œuvre Karlheinz Schauder
manquantes. Ils ne font qu'indiquer en train de se faire, a work in pro- Traduit de l'allemand BOULGAKOV:
que le livre contient plusieurs ro- gress. L'impression en offset repro- par J .L. LebravE' IVAN VASSILIEVITCH, Tra-
mans en un seul, qu'il fait interve- duit parfaitement la texture duction P, Kalinine.
nir plusieurs plans dans l'action et complexe du texte, avec ses complé-
(l) Sens littéral : «graveur de
regroupe plusieurs niveaux à l'in- ments manuscrits, ses passages bar- ROUSSEAU:
pages ".
térieur de la conscience. rés et ses corrections. Collés à l'in· (2) Le terme «Schriftsteller" a ESSAI SUR L'ORIGINE DES
Le~ personnages ont un rôle dou- térieur du texte, on trouve des ex- désigné jusqu'au début du XVIII' LANGUES. Introduction et no-
ble : d'une part, ils assument leurs traits de journaux, des photogra- siècle l' « écrivain public ", qui rédi· tes par Ch. Porse!.
propres conflits. ils souffrent de la phies, des diagrammes, des dessins geait des lettres pour autrui (die
puberté ou de la ménopause: d'au· faits dans les marges et des esquis- Schrift stellen).

Là Quinzaine UtténÛl"e, du 16 au 31 décembre 1970 11


Varsovie
Une anthologie
de la poésie française L'œuvre
Jerzy Lisowski sard, Racine, Hugo, Baudelaire, Mal- Guillaume Apollinaire quelque chose d'étrangement do-

1
.AlItologia poezji Francuskiejl
Anthologie de la poésie française
(t. II)
Czytelnik éQ. Varsovie, 775 p.
larmé, Rimbaud et Apollinaire. Ce
qui n'est déjà pas si mal (citez-moi
les poètes polonais que vous avez
lu ?).
1 Les onze mille verges
L'Or du temps éd., 222 p.
mestique et familial.

Le deuxième volume recouvre la


période historique qui s'étend de la
Renaissance à la Révolution, ou l'ère
I Les exploits d'un jeune
L'Or du temps éd., 127
Don Juan
p.
cc Le château ))
Le dessein semblait extravagant, poétique allant de Malherbe à Ché-
l'ambition démesurée, la gageure On ne sort pas du monde clos de
nier. Les poètes, représentés par
intenable. Et, pourtant, l'utopie s'in- leurs œuvres, sont ici au nombre de Dans l'abondance et la cette grande demeure qui s'appelle
carne progressivement, le projet est soixante-dix. Même diversité de gen- le Château - et qui ressemble
déjà à moitié réalité. Georges Li- diversité des «d i S cou r s
res (épique et lyrique) et de tempé- peut-être à ce domaine de Neu-
sowski, le maître d'œuvre, a déga- raments connus et inconnus : les sexuels JO (j'emprunte l'ex-
gé, au seuil du premier tome (dans presssion à Sollers) qui nous Glück perdu dans la forêt rhénane
plus illustres, Sponde, Viau, Mar-
un avant-propos succinct, mais den- beuf, Voiture, Scudéry, Corneille, sont offerts aujourd'hui - du où Apollinaire avait fait, auprès
se), l'axe essentiel de l'aventure té- Scarron, La Fontaine, Molière, Cy- d'Annie, ses premières (ou secondes)
méraire qu'il méditait simultané- rano de Bergerac, Boileau, Racine.
Complexe de Portnoy, à Eden,
armes poétiques et amoureuses -
ment d'assumer et de nous faire Voltaire, Beaumarchais, Florian, voi- Eden, Eden, de New York par·
partager : une appréhension globale puisqu'on y trouve, à portée de la
sinant avec de plus obscurs, tels ty à l'Image - les œuvres
de la poésie épique et lyrique fran- Clovis Hesteau de Nuysement, An- main, tous les « charmes» que l'on
çaise (de ses origines à son étape érotiques d'Apollinaire, réédi-
dré Mage de Fiefmelin, Honorat souhaite : tantes et sœurs délurées,
actuelle), à travers quatre volumes Laugier de Porchère, Jean de Lin- tées non pas sous le manteau
paysannes, servantes, voisines,
- le mot volume n'étant point ici gendes, Denis Sanguin de Saint-Pa- mais sous les plus attrayan-
un euphémisme. La publication, au- concierges... Le jeune homme ima-
vin, Charles Vion Dalibray, Jean tes couvertures, ne font pas
jourd'hui, du deuxième tome cor- Mairet, Claude Le Petit, Nicolas Léo- gine, regarde, touche, explore,
respond sans doute au mouvement mauvaise figure.
nard, etc. C'est, toutefois, au com- compare. Non sans quelque forme
le plus vif de l'effort. Dix ans au- merce de ces derniers que l'on ris- de progression méthodique qui fe-
ront été nécessaires à la mise en que de se ménager les plus agréa-
chantier de l'Ouvrage, et quatre ans rait croire parfois à une curieuse
bles surprises.. Ainsi, pour ma part,
séparent la parution de chacun de ai-je découvert (après Lisowski, et Œuvres érotiques? Les raffinés description in vivo des différents
ses deux premiers volets : l'Antho- bien d'autres, sans doute), mais diront qu'il s'agit de la plus basse stades de « fixation » sexuelle (éta-
logie prend plus exactement sa di- sans que ma joie en soit pour au· pornographie. Et l'on sait très bien pes incestueuses comprises), en cette
mension, ainsi mesurée au temps tant atténuée, la charmante Antoi-
qui lui a déjà été consacré. qu'Apollinaire écrivit ces livres à époque où naît la psychanalyse!
nette DeshouIières (1638-1694) qui,
Georges Lisowski, secrétaire de sans atteindre à la haute voix d'une l'âge de vingt-six ans pour gagner Mais enfin, ce qui domine, c'est
rédaction de la revue littéraire Louise Labbé, n'en déroule pas moins l'argent que son petit emploi dans l'idylle, l'idylle érotique, dans sa
Tworczosc (la Création), sans doute son chant, avec une grâce infinie une banque et sa collaboration à de naïve luxuriance. Et comme le châ-
actuellement la mieux informée et et une belle sûreté de ton.
la pLus dynamique de Pologne; cri- jeunes revues ne lui procuraient teau est plein de corridors, de gre-
Georges Lisowski ne pouvait évi· pas : il fit ce qu'il fallait faire et eut niers, de verdures et de labyrinthes,
tique d'une pénétrante lucidité et demment son~er à se charger, seul,
traducteur de valeur (nous lui de- de la traductIOn de l'ensemble des la main lourde. De toute façon, il on est aussi proche de la Comtesse
vons, notamment, la version fran- textes contenus dans cette monu- gardait l'anonymat. Seulement voi- de Ségur (dont les audaces sexuelles,
çaise de Tango, de Mrozek, de Mère mentale anthologie (bien qu'il ait
Jeanne des Anges, d'Iwaszkiewicz, là : il arriva que les deux petites ini· on le sait d'ailleurs, ne se comptent
« abattu JO une grande part du tra- pas) que de Casanova.
et de plusieurs nouvelles du Traité vail). Il s'est donc entouré d'une tiales G. A. qu'il avait tout de même
des Mannequins, de Bruno Schulz), pléiade d'écrivains, parmi les plus eu l'imprudence de laisser porter
est tout particulièrement qualifié Il en va tout autrement avec les
doués que compte aujourd'hui la sur un catalogue pour curieux, sont Onze mille verges. D'abord le lan-
pour la tâche qu'il a entreprise. De Pologne (les Julia Hartwig, Jaros-
mère française, il aura vécu dix ans devenues célèbres, et aujourd'hui gage y a une étrange puissance
law Iwaszkiewicz, Adam Wazyk, Ar·
en France (de 1940 à 1950 : les an- tur Miedzyrzecki, Mieczyslaw Jas- nous n'avons plus le droit (ni mê· « quantitative» et générative. Le
nées où la guerre et ses études se- trun, etc.), qui se sont efforcés, le me la simple possibilité) d'ignorer
condaires et supérieures se sont titre nous en avertit : vierges ou
confondues), avant de choisir de re- plus souvent avec succès, à resti· que les Onze mille verges et les verges, emblèmes de coït ou de fla-
tourner dans son pays natal. A tuer en polonais, à partir de tra- Exploits d'un jeune Don Juan lui
ductions littérales, les poèmes fran- gellation, les mots sont porteurs
l'Université de Lille, sa matière de çais dans leur plus haute fidélité appartiennent. Alors, regardons-y. d'une pluralité de sens, d'une infi·
prédilection était le Moyen Age poétique. Mais, aux côtés de ces
français. En Pologne, il est devenu Les Exploits d'abord. Dans une nité d'images, et Apollinaire ne se
écrivains contemporains «un long annonce clandestine de 1907 repro- prive pas d'en jouer. Ensuite, il
l'un des meilleurs spécialistes de la cortège" de poètes polonais, chemi-
littérature classique et contempo- nant à travers quatre siècles d'his- duite par Louis Perceau dans sa ne se prive pas non plus de mettre
raine polonaise. Il est donc, aujour- toire, fait ici figure de traducteurs. Bibliographie du roman érotique, dans ce livre tout ce qui peuple et
d'hui, ce qu'il est convenu d'appeler
un parfait bilingue. Et sa naturelle Les deux tomes en préparation, ils s'intitulaient Mémoires, et, hante sa mythologie personnelle. A
aisance quand il se meut d'une et qui achèveront de donner son comme le héros s'appelait Willie, commencer par tous les fantasmes
culture à l'autre, et qu'il s'entend poids spécifique et son sens à l'aven- on pouvait penser que les réminis- « cosmopolites» qui traversent sa
à corn-prendre des génies aussi dif- ture, nous conduiront de Chateau·
briand à Germain Nouveau, et de cences autobiographiques n'étaient biographie réelle ou imaginaire et
. férents, avec une égale intuition de
leur spécificité, il l'utilise au ser- Rimbaud à Aragon .et à quelques- pas bien loin. De fait, il y a dans sont si caractéristiques des obses-
vice de l'Œuvre présente. Celle-ci uns de ses cadets les plus piaffants. les aventures du jeune Roger - sions xénophiles/phobes qu'il parta-
ne constitue ni un choix d'humeur, Je ne connais guère, pour ma part. c'est son prénom définitü - beau- ge avec son époque. Son héros, en
ni un travail d'érudition (tel qu'il d'ouvrage anthologique d'une telle
ampleur et d'une telle richesse, dont coup de choses qui sentent l'en- effet, porte le beau nom roumain de
pourrait apparaître à un regard dé-
nué d'attention), mais plutôt un n'aura finalement été exclu que la fance et l'adolescence, et plus parti- Mony Vibescu (fort proche de
panorama, et sans doute le plus « poésie populaire", considérée par culièrement cette enfance et cette quelque Bibesco proustien) et le
vaste et le plus divers qui se soit l'auteur, à tort ou à raison, comme un adolescence mi-monégasque, mi- titre de hospodar héréditaire : Apol.
jamais déployé, où l'auteur (j'allais sous-produit (du moins en France).
Et, Georges Lisowski remarque très flamande ou allemande, qu'a impré- linaire s'épanouit dans le monde des
écrire le créateur) a tenté de conci-
lier les goûts du lecteur courant justement qu'un tel effort (qui n'est gnées une si vive odor di femina, boyards et des hospodars : il y
(qui aspire à retrouver des textes consenti dans les pays capitalistes qu'ont traversées jeune mère, jeu- trouve quelque chose à la mesure de
connus ou réputés) avec ceux du les plus importants que par les nes tantes, jeunes parentes, jeunes son appétit de luxure et un aliment
chercheur ou de l'amateur le plus trusts d'édition les plus puissants)
n'a été rendu possible que dans le amies. Tout est là, dans le livre, à ses rêveries « généalogiques ». Dès
exigeant. N'oublions guère que cette
anthologie est destinée à un public cadre d'une économie socialiste et et cet érotisme presque innocent le début du livre, il annonce : « Bu-
polonais pour qui les seuls poètes grâce à elle. dans ses désordres, ses audaces et carest est une très belle ville où
français connus sont Villon, Ron- Guy de Bossc1tère ses incorrigibles curiosités, a en effet il semble que viennent se mêler

12
érotique d'Apollinaire par Raymond Jean

l'Orient et l'Occident », et, très vite, ou Ida, qui appartiennent pourtant genre d'ébats. Cependant, le trait le
nous verrons des Roumains, des aux milieux sociaux comme aux plus original de son érotisme « litté·
Serbes, des Monténégrins, des Alba- pays les plus divers, n'~nt pas raire » est peut.être dans un certain
nais, présider aux exploits sexuels grand-chose à leur envier. don d'écriture qui le pousse à une
de Mony. Cela se terminera avec des On ne s'étonne pas que la lubri- extrême précision descriptive dans
Turcs, des Allemands, des Tatars, cité de Mony renaisse, inépuisable. l'évocation des détails sexuels. Cer-
des Japonais, des Mandchous, et des ment, de l'une à l'autre. L'érotisme tes il sacrifie en cela aux lois du
batailles orgiaques à Port.Arthur, féminin est fêté ici avec autant de genre et fait scrupuleusement, avec
dans une atmosphère qui, candeur prodigalité que l'érotisme masculin. un zèle jamais lassé, ce qu'on at· .A Cologne, en 19~2
en moins, n'est pas loin d'évoquer Quelque chose de différent, pour- tend de lui. On dirait pourtant qu'il
celle de Candide. L'Orient-Express, tant, apparaît avec des personna· prend un plaisir tout personnel, vi· .la portière du train : « Et 'comme
et-" ses équivoques sleepings, est là ges comme Cornaboeux et La Cha- siblement fait du sens de la « trans- on passait sur un pont, le prince se
pour relier l'Asie à l'Europe. loupe, abominables malfrats sortis gression » et du viol du langage, à mit à la portière pour contempler
Dans ces conditions, on voit que tout droit des Mystères de Paris qui, accuser les traits, les ombres et les le panorama romantique du Rhin
le hospodar héréditaire, trouve, au moins dans un des épisodes par· lumières, à faire voir, dans un per- qui déployait ses splendeurs ver·
d'entrée de jeu, un cadre digne de ticulièrement délirants du livre, in· pétuel grossissement, tout ce qui doyantes et se déroulait en larges
ses princieres prouesses. Nous dé· troduisent une note de violence peut être vu. Ce pouvoir d'exhibi· méandres jusqu'à l'horizon. Il était
couvrons vite que, grand amateur sanglante dont des prodiges d'hu· tion de l'écriture, il en use sans re· quatre heure.'. du matin, des vaches
de femmes et en même temps giton mour rocambolesque ne parvien. tenue et parfois avec une insistance paissaient dtlns les prés, des enfants
du vice-consul de Serbie, il n'est nent pas à effacer tout à fait le côté qui prend curieusement la forme dansaient déjà sous les tilleuls ger-
pas très regardant sur l'orthodoxie inquiétant. d'une obsession - s'agissant notam· maniques. Une musique de fifres,
sexuelle. Mais quand il quitte Bu- ment des seins, des fesses, des cuis· monotone et mortuaire, annonçait
carest pour Paris, à la fin du cha· ses et des croupes - du « gros» et la présence d'un régiment prussien
pitre 1, ce sont d'autres surprises Pulsions sadiques du surabondant. Tout Apollinaire et la mélopée se mêlait tristement
qu'il nous réserve. A partir de ce est là si on le connaît un peu, avec au bruit de ferraille du pont et à
moment-là, le ton monte, le rythme On touche ici à une composante sa truculence, sa démesure, son rire, l'accompagnement sourd du train
s';lCcélère, l'imagination s'échauffe, particulièrement appuyée de l'éroti- ses indécences et son énorme en marche. .Des villages heureux
et le lecteur, entraîné, ne tarde pas que apollinarienne qui est la pré- « obscénité » caractérielle. Il a une animaient les rives dominées par les
à s'apercevoir que la notice du cata- sence de pulsions sadiques très bru- certaine façon sexuelle d'utiliser le burgs centenaires et les vignes rhé-
logue clandestin de 1907 ne mentait tales et très franchement assumées. mot « cul» qui trouve peu d'équi. nanes étalaient à l'infini leûr mo-
pas, qui disait : « Les scènes de Il n'est pas nécessaire de rappeler valents (sauf, peut-être, paradoxale- saïque régulière et précieuse ».
pédérastie, de saphisme, de nécro- qu'elle est décelable dans toute son ment, chez Bataille). Etrange pause. Etrange roman-
philie, de scatomanie, de bestialité œuvre - y compris dans son Le plus étrange, et c'est par là tisme. Mais, cette fois encore, Apol-
se mêlent ici de la façon la plus œuvre poétique - comme dans son qu'il faudra terminer, c'est qu'au linaire est là tout entier, avec la.pOé-
harmonieuse». Très harmonieuse, comportement réel : les Lettres à milieu de cette prolifération obscè- sie des Colchiques. Et, pour qui sait
en effet. Au point que le lecteur se Lou en témoignent assez ainsi que ne, la plus discrète, la plus secrète lire, sa « thématique » la plus pero
sent devenir le lieu (commun) des tous les textes où les choses de poésie tout d'un coup se glisse. Le sonnelle se découvre à chaque ligne
fantaisies sexuelles les plus inatten· l'amour se trouvent mêlées aux cho· passage le plus étonnant du livre, à des Onze mille verges. Ses mythes
dues. Le mot fantaisie étant d'ail- ses de la guerre. Pas plus qu'il n'est cet égard, est celui où, au détour intimes y coexistent pacifiquement
leurs parfaitement à sa place ici, nécessaire d'insister sur l'intérêt d'une page, sans transition, parmi avec ses plus atroces fantasmes. Ce
aussi bien par son sens propre que éclairé qu'Apollinaire a porté, en les délires copro et nécro-philes du n'est pas un des moindres paradoxes
par celui qu'Apollinaire semble un temps où ce n'était pas ordi- sleeping, on peut lire cette descrip- de ce livre aussi monstrueusement
vouloir lui donner à tout moment : naire, à l'œuvre' de Sade. tion du paysage qui se découpe dans que tendrement érotique.
joyeuse humeur dans les déporte-
On verra dans les Onze mille
ments les plus atroces. Et sans dou-
verges jusqu'à quels dérèglements
te est-ce un effet de son art littérai-
frénétiques peut aller la violence de
re. La notice du catalogue le dit
cette pulsion. La scène de l'orgie en
d'ailleurs, en concluant: « Sadiques
sleeping, terminée par un double
ou masochistes, les personnages des
Onze mille verges appartiennent
désormais à la littérature ».
assassinat, est révélatrice à cet
égard, tout autant que les scènes
de vampirisme sur un champ de ba-
taille qui occupent la dernière par·
John Cage
Du tempérament
tie du livre. Et dans telles pages de
haut déchaînement sexuel, on a
beau lire des délicatesses du genre :
Silence
Ces personnages, il serait difficile « Ses dents déchirèrent le dos d'une. traduit de l'américain
de résumer, ou même de simple. blancheur polaire et le sang vermeil par Monique Fang
ment énumérer, leurs prouesses éro- qui jaillit, vite coagulé, avait l'air 184 pages - 29 F
tiques. Disons simplement qu'Alexi. d'être étalé sur de la neige», il
ne et Culculine (qui s'appelle d'ail- n'en est pas moins vrai que la domi-
leurs, à la manière des « lionnes » nante est souvent atroce ivresse « du
de l'époque, Culculine d'Ancône) sang, de la merde et du foutre mê- Collection des Lettres Nouvelles
ont un tempérament qui aide à lés» où Apollinaire se plonge avec collection dirigée par Maurice Nadeau
comprendre pourquoi Mony a pré- une troublante rage.
féré Paris à Bucarest. Et que, Estel· Oui, on tue, on viole, on éventre
le Romange l'actrice ou Mariette la dans ce livre. Et le poète du Pont
servante, ainsi que Wanda, Hélène Mirabeau est très à l'aise dans ce

La QuInzaIne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 13


Livres
Balzac; la Dame aux camélias Œuvres complètes de Lautréamont
d'Alexandre Dumas fils; Notre-Da~ et Germain Nouveau, présentées par
me-de-Paris, de Victor Hugo; les Pierre-Olivier Walzer (voir le n° 98
Littérature Trois mousquetaires et Vingt" ans de la Quinzaine); la Petit Dorrit
après, d'Alexandre Dumas. suivi d'Un Conte de deux villes, de
Essais
Charles Dickens, publié sous la di-
Au Seuil, trois succès de l'année rection de P. Leyris et dans une tra-
La série «Bordas Encyclopédie» ont été repris en édition reliée de duction de J. Métifeu-Bejeau; Moll Couronné par le Prix des graphis-
s'enrichit d'un nouveau titre : le luxe à l'occasion des étrennes: les Flanders et autres œuvres roma- tes 1970, la Lettre et l'image de
premier volume de l'Aventu~e litté- Bienheureux de la désolation d'Her- nesques de Daniel Defoe, avec une Massin (voir le n° 96 de la Quinzai·
raire de l'humanité, publi(}-.-sous la vé Bazin; Kamouraska d'Anne Hé- introduction de F. Ledoux, traduit ne), qui traite de la figuration dans
direction de Roger Caratini et pré- bert (voir le n° 107 de la Quinzaine) de l'anglais par F. Ledoux et M. l'alphabet latin du VIII" siècle à
facé par Roland Barthes. Abondam- et Un Printemps d'Italie d'E. Ro- Schwob ; Propos II. 1906 -1936, nos jours, passionnera tous ceux
ment illustré, l'ouvrage, qui traite blès. d'Alain, texte établi et annoté par qu'intéresse l'histoire de l'art et des
des littératures allemande, anglai- S.S. de Sacy; le tome 1 des Œu- civilisations. Ce livre est actuelle-
se, américaine et française, ne pré- Au Seuil également, les Rougon- vres de J. Renard, textes établis, ment disponible chez Gallimard où
tend nullement être exhaustif inais Macquart d'Emile Zola ont été ré- présentés et annotés par L. Gui- vient également de paraître, sous le
s'attache avant. tout à proposer une chard. titre d'Ecritures, un ensemble de
édités en six volumes illustrés et
conception vivante et originale du reliés dans la collection c L'Inté- textes de Max Ernst, accompagné de
savoir littéraire, fidèle en cela à grale ,.. 120 illustrations extraites de son
l'orientation générale de cette col- Chez Albin Michel, qui a entrepns
l'édition en sept· volumes illustrés œuvre.
lection dont la présentation mérite
tous les éloges. Les éditions Erker (diffusion We- des Œuvres complètes de Pierre
ber) publient, sous le titre de la Benoît, nous sont proposées les Œu- Les mélomanes trouveront dans
Flûte de Jade, un recueil de poèmes vres complètes en deux volumes re- la Musique de Roland de Candé, qui
Chez .le même éditeur, en colla- se présente à la fois comme une
boration avec Robert Laffont, pa- d'amour chinois, calligraphiés dans liés de Guy de Maupassant, les Œu-
leur langile d'origine et traduits en vres complètes en quatre volumes re- discographie, un dictionnaire et un
raît' une importante Histoire de la vaste travail de synthèse sur les
littérature française, allant des anglais et en français, tandis que, à liés de Romain Rolland ainsi que
l'occasion du centenaire de Lautréa- les Mille et une nuits, dans une tra- formes, les techniques et les instru-·
Classiques aux philosophes, par A. ments en tous temps et en tous
Lagarde et L. Michard. Le volume, mont, paraît aux éditions Paris-Noé, duction de René-R. Khawam, en
u., fort beau volume des Poésies quatre volumes illustrés de minia- pays, une véritable somme en ma-
-enrichi de 32 hor~~exte en cou- tière de connaissances musicales
leurs, d'une bibliographie. et d'un d'Isidore Ducasse, illustré de dix li- tures en quadrichromie.
thographies originales de Hans Hel- (Seuil).
index des noms et des œuvres ci-
tés, est le deuxième tome d'·une mer.
La collection c Les peintres du C'est une encyclopédie, richement
série qui en comprendra cinq, sous ~llustrée,
le titre général de «Bibliothèque Chez Garnier, la collection c Pres- livre,. des éditions L.CL (diffusion . sur le développement des
tige,., consacrée à des ouvrages clas- Garnier) comptent cette année deux mstruments de musique au cours
des connaissances essentielles,..
siques et dont la présentation (re-· nouveautés : l'Art d'aimer, d'Ovide, des âges que nous proposent R. Bra-
liure à l'ancienne, nombreuses illus- illustré de seize bois et 12 lithogra- gard et Ferd J. De Hen' avec les
La collection «Les sentiers de la trations) est particulièrement soi- phies de Maillol et le Florilège des Instruments de musique dans l'art
création,. de Skira (voir les nO' 88 gnée, nous offre, parmi les derniers amours de Ronsard, qui. rassemble et l'histoire (A. De Visscher diffu-
et 94 de la Quinzaine) noùs a pro- titres parus : l'Illustre Gaudissart vingt-trois poèmes et chansons choi- sion Garnier).· , .
posé cette année tout un évantail de et la Muse du département, de Bal- sis par Matisse, accompagnés de
fort beaux livres, remarquablement zac; Romans et nouvelles, de Ma- soixante lithographies originales du Réalités-Hachette publie, dans sa
présentés, abondamment illustrés et dame de La Fayette; la Dame de Pi- peintre. collection c Génies et réalités,., un
d'une lecture souvent passionnante. que et autres nouvelles, de Tché- ouvrag~ sur Schumann, présenté
. Citons notamment: Je n'ai jamais khov; la Vie de mon père, de Rétif Chez Buchet-Chastel, la trilogie sous divers aspects par F. Mallet-
appris à écrire ou les incipit, par de la Bretonne. d'Henry Miller : la Crucifixion en Joris, M. Brion, M. Fleuret, C. Ros-
Aragon; Découvertes, par E. Iones- rose (Sexus, Plexus et Nexus) est tand, etc. De nombreuses illustra-
co; les Mots dans la peinture, par La collection c La Gerbe illus- présentée, à l'occasion des fêtes de tions agrémentent les textes.
M. Butor; l'Empire des signes, par trée,. de .Gallimard présente les Noël en trois beaux volumes reliéS.
Roland Barthes; l'Ecriture des Œuvres d'André Malraux en quatre Un autre chef-d'œuvre de la littéra- Deux nouveaux titres dans la col·
pierres, par Roger Caillois; Portrait volumes, ornées d'illustrations ori- ture anglo-saxonne, Au-dessous du lection c Musique,. de Griind : les
de l'artiste en saltimbanque, par J. ginales d'Alexeieff, de Chagall et de volcan, de Malcolm Lowry, nous est Instruments de musique populaire
Starobinski; Orion aveugle, par Masson (388 F les quatre volumes), également proposé chez cet éditeur d'A. Buchner et A travers chants:
Claude Simon; Imaginaires, par J. et A la recherche du temps perdu. en édition reliée. de Jacques Chailley. Les volumes
Prévert; Admirable tremblement du de Marcel Proust en sept volumes reliés, comportent de nombr~
temps, par Gaëtan Picon. illustrés par Philippe Jullian (57480 illustrations en noir et en couleurs
F). ' Chez Calmann-Lévy, où l'on peut une introduction et un index. '
La collection «Les joyaux de la Chez le même éditeur ont été se procurer les Œuvres complètes
littérature lO, éditée par la Société réédités de nombreux romans con- en dix tomes reliés, d'Ernest Re~ Nouveau titre également dans la
. Encyclopédique Française (O.D.E.G. temporains dans la collection reliée nan, ont été réédités, à l'occasion collection c Traditions musicales,.
E.), se propose de mettre à la por- c Soleil,. : Abahn Sabana David, de
de la project,ionClu feuilleton télé- de Buchet-Chastel: Musique du Ja-
tée des lecteurs à un prix aborda- M. Duras (voir le n° 98 de la Quin- visé, adapté du grand roman de pon.
ble les chefs-d'œuvre de la litté- zaine); la Guerre, de J.M.G. Le Clé- John Galsworthy, deux volumes de
rature populaire du XIX" siècle zio (voir le n° 103 de la Quinzaine); la Forsyte saga ;' la Dynastie des Publié sous la direction de Marc
dans une présentation qui était Ulysse, de James Joyce; Portnoy et Forsyte et Une Comédie moderne. Honneger, chez Bordas le Diction·
jusqu'ici réservée aux bibliophiles. son complexe, de Ph. Roth (voir le naire de la musique en' deux tomes
Chacune des œuvres sélectionnées n° 16 de la Quinzaine); l'Iris de abondamment illustrés contient
est présentée selon l'édition origi-
A la Table Ronde, enfin, la série
Suse, de J. Giono (voir le n° 92 de des œuvres d'Alphonse Allais, Tout 5 500 articles rédigés ~ plus de
nale,. avec les gravures des plus la Quinzaine); Derrière la vitre de 150 spécialistes.
Allais, est maintenant complète
grands illustrateurs romantiques. R. Merle; Point du jour, d'A. Bre- avec le huitième et dernier volume
Parmi les ouvrages parus : les ton. Sur la danse, la Bibliothèque des
des Œuvres Posthumes, récemment Arts présente un fort bel album
Contes fantastiques d'Hoffmann; paru, .!equel groupe des chroniques,
le Capitaine Fracasse, de Théophile Nouveaux titres ~galement dans la réunissant 64 dessins de Michel La-
des pleces écrites entre 1889 et 1911 rionov, reproduits en fac-similé, avec
Gautier; la Peau de chagrin, de «Bibliothèque de· La Pléiade,. : des contes et des nouvelles inédites:
des textes inédits sur l'histoire des

14
d'étrennes
ballets russes de leur création à leur par Gérard Walter; les Mémoires Parmi les derniers titres parus : volume d'une nouvelle collection
disparition et des photos prises sur de la duchesse de Tourzel (La fa- la Fraru:e de la Révolution (1789- consacrée aux périodes clés de l'his-
le vif de la Pavlova, Serge Lifar, mille royale sous la Révolution). 1799), par F. Dornic; la France de toire de l'humanité (Flammarion);
etc. : Diaghilev et les ballets. Napoléon la: (1799-1815) par P. Sus- la Fantastique épopée du Far-West,
Après Voltaire et Bussy Rabutin sel; la France des lumières (1715- de Fronval et Murtin, en deux to-
De leur côté, les cinéphiles trou- (voir le n° 10 de la Quinzaine), Jean 1789), par P. Galliano, R. Philippe et mes enrichis de nombreux docu-
veront avec l'Encyclopédie du ciné- Orieux publie chez Flammarion une P. Sussel; la Fraru:e de la bour- ments photographiques (collection
ma par l'image, de Roger Boussinot, nouvelle biographie, à la fois très geoisie (1815-1850) et Louis XIV « Pilotoramas ". de Dargaud) et la
un large panorama du septième art, documentée et fort attrayante quant (1645-1715). Véritable conquête de l'Ouest, pré-
illustré de 3 000 reproductions en .à la présentation, sur Talleyrand. facé par Yves Berger, illustré de
noir et en couleurs de photos de Chez Albin Michel, Donald Earl 400 photographies d'époque et qui
films (Bordas). Nouveau titre dans la collection brosse dans le Siècle d'Auguste (un analyse en détail l'histoire du grand
«Le livre de chevet,. de Tchou : volume relié avec 84 hors-texte en Ouest américain (Tchou).
Plus spécialisée, la collection « Ci- Correspondance féminine, qui réu- couleurs et de nombreuses figures et
néma Club" de Seghers leur offre nit, en quatre volumes, les lettres plans) un vivant tableau de la vie
un ouvrage de Léon Barsacq, pré- des épistolières les plus célèbres politique, sociale et religieuse à
facé par René Clair : le Décor du des lettres françaises, telles que Ma- Rome et dans les provinces romai- Humour
film, étude à la fois historique, dame de Sévigné, Madame de Staël, nes au premier siècle de notre ère,
critique et technique, augmentée de Juliette Drouet, George Sand. tandis que Michael Avi-Yonah retra-
120 documents, de nombreuses re- Plus de 500 documents dont de ce l'Histoire de la Terre Sainte dans $Dus le. titre de Trésors du rire,
productions de maquettes, illustrant nombreux inédits, des lettres et un très bel ouvrage, abondamment François Caradec a rassemblé des
les grandes réalisations du décor de des extraits du Journal, composent illustré, et que Max Wurmbrand en textes drôles dus aux meilleurs au-
film dans le monde entier. Autre le nouveau « Livre d'identité" consa- collaboration avec Cecil Roth, évo- teurs du XIX' et du XX' siècle,
titre dans la même collection : le cré à Cocteau sous le titre d'Album que, par le texte et par l'image, d'Alphonse Allais. et Villiers de
Cinéma fantastique, de René Prédal, Cocteau, chez le même éditeur. l'épopée du Peuple juif ou quatre l'Isle Adam à René de Obaldia, Ro-
étude d'ensemble sur les différents mille ans de survivance. land Topor, etc.
aspects de ce genre cinématographi-
que (110 illustrations). Toujours chez Albin Michel,
Histoire l'aventure de la voile (1520-1914), par Dans la collection «La main à
Sur un texte de Robert Benayoun, Donald MacIntyre, est une· vaste griffe" d'.Albin Michel, plusieurs
Losfeld présente un fort beau livre fresque de la navigation à voile en- nouveaux recueils sont proposés
consacré à un grand cinéaste espa- globant quatre siècles d'aventures, cette année avec, notamment, un
gnol, illustré de montages photogra- A l'occasion du centième anniver- retracées à travers les documents album de Chaval composé de 240
phiques : Images de Bunuel, tandis saire de la Commune, les Editions laissés par ceux qui les vécurent dessins sur le thème- de l'Homme;
qu'aux éditions Corymbe Pierre Le- Sociales présentent, sous le titre de (400 planches en couleurs, 400 mo- un album de Mose intitt»é Mosaï-
prohon consacre une importante la Commune de 1871, par Jean Bru- nochromies), tandis que chez Ro- que; Jet'aime, de Bosc; Dix ans
étude, augmentée de cent docu- hat, Jean Dautry et Emile Tersen, ·bert Laffont les Grandes routes ma- d'histoire en cent dessins, de Moi-
ments, à l'œuvre de Charlie Chaplin. un grand album accompagné de 400 ritimes,· par Bruno Tavernier, re- san; l'Amour de A à Z, d'Alain
photographies dont certaines sont constitue l'histoire des grands iti- Trez; amsi que des Dessins, par
Dans la nouvelle collection «Les encore inédites. néraires de la navigation mondial~ Topor.
usuels ", inaugurée cet autornrie par sous la forme d'un bel album relié
Hachette en coédition avec Tchou, Dans la collection «Ages d'or et et illustré de nombreux documents Plusieurs titres également dans la
le Nouveau dictionnaire des diffi- réalités" d'Hachette, Vienne au en noir et. en couleurs.. Signalons collection «Humour. de Fayard
cultés du français, de J.-P. Colin temps de François-Joseph évoque, également, aux Editions Maritimes avec une Famille bien française et
répertorie quelque 10000 mots et avec de nombreux documents à l'ap- et d'Outre-Mer (diffusion Seuil) les Vivre avec son temps, par Jean
offre 30 000 réponses qui font le pui, la vie dans la capitale de l'Au- Derniers voyages de forçats et de Bellus; le Dictionnaire des histoires
point sur ce qu'il est convenu d'ap- triche à une époque particulière- voiliers en Guyane, Les· Derniers drôles, d'Hervé Nègre, réédité cette
peler le «bon usage ", cependant ment prestigieuse. de son histoire, Antillais, par Louis Lacroix (32 hors- aimée dans une nouvelle présenta-
que le Nouveau dictionnaire des ci- cependant que le Siècle de Saïnt- texte, 3 cartes). tion; De drôles de chats et l'Œuf
tations françaises, de Pierre Oster Louis publié à l'occasion du sep- cube ou le cercle vicieux, de Ronald
propose plus de 16 000 citations d'au- tième centenaire de la naissance de Chez Robert Laffont, la collection Searle; Histoire de rire et de pleu-
teurs français suivies d'un index. ce roi, sous la direction de Régine des «Grands monuments de l'His- rer, de Guy Dupré; les Quatre sai-
Pernoud, est un brillant tableau, toire,., remarquable par sa présen- sons du rire, de Mina et André Gui].
fondé sur une importante documen- tation et son iconographie, propose lois.
tation, de la France gothique. deux importantes rééditions : His-
Biographies Deux nouveaux titres dans la col· toire du déclin et de la chute de Un nouvel album de Sempé chez
Mémoires lection des «Panoramas étrangers " l'Empire romain, d'Edward Gibbon Denoël : des Hauts et des bas.
de Seghers : le Siècle de Périclès, et Histoire des origines du christia- Chez le même éditeur, Jacques Fai-
Correspondances par Michel Nouhaud et le Siècle nisme, d'Ernest Renan. zant nous invite, avec C'est ouvert,
élisabéthain, par André Castegna. à un voyage politico-humoristique
Aux amateurs d'histoire qui ont fort savoureux, .au cours duquel l'au-
En édition reliée dans la collection Dans la «Bibliothèque historique aussi le goût des beaux livres, nous teur des Vieilles dames passe tour à
«Le temps retrouvé,. du Mercure illustrée" d'Arthaud, Simone Poi- recommandons également un album tour en revue « l'ouverture ", « l'Edu-
de France, les Mémoires de Mada- gnant nous propose un beau livre composé par Lucien Bodard et qui cation nâtionale ", «l'agitation so-
me de Staal-Delaunay, dame d'hon- intitulé les Filles de Louis XV - retrace dans l'esprit des grandes ciale ", «la bombe Servan-Schrei-
neur de la duchesse du Maine à la L'aile des princes, tandis que dans émissions télévisées l'épopée de ber,., «la gauche unie" et «le P.
Cour de Sceaux, qui évoque ici ses la série des «Grandes civilisations ,. Mao (Gallimard); Charles le Témé- C.F.".
souvenirs des premiers temps de la du même auteur, Albert Soboul étu- raire, par John Bartier, qui se pré-
Régence (présentation par Gérard die la Civilisation et la Révolution sente à la fois' Fàmme un remar- .Chez le même éditeur, Tristan
Doscot). Autres titres disponibles française. quable ouvrage d'histoire et un ma- M~a et Jacques Sternoo~ ~us
dans la même collection : les Mé- gnifique livre d'art, illustré par des donnent une anthologie des Chefs-
moires de Madame Roland; les Mé- De son côté, Denoël a lancé cette reproduct~ns des œuvres les plus d'œuvre de l'humour noir, qui réu-
moires intimes de Napoléon la: par année une nouvelle collection histo- prestigieuses des artistes dont s'en- nit un choix de textes des meilleurs
Constant, son valet de chambre; rique composée d'ouvrages élégam•. toura la Cour de Bourgogne (Ed. de auteurs de tous temps et de tous
les Actes du Tribunal Révolutionnai- ment présentés et abondamment l'Arcade, diffusion Garnier); Rome. pays, de Pétrone à Boris Vian.
re, textes recueillis et commentés illustrés : «Histoire de France,.. 1630, par Yves Bonnefoy, premier Adélaïde Blasque'l

La QuIDzalne Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970


15
LES MEILLEURS

LIVRES

D'ART, en 1970
Art antique
Jean Charbonneaux, Dictionnaire archéologique gues, principalement israé-

1
Roland Martin, de la Bible liens. Travail de grande éru-
François Villard 650 articles, 54 pl. en noir. dition que la formule alphabé-
Grèce hellénistique Fernand Hazan, éd., tique rend d'une utilisation
336 p., 75 F. pratique. Travail de synthèse
(330-50 av. J.-C.)
qui éclaire les données fonda-
Coll. « Univers des formes ), mentales de l'histoire humai-
420 photos et documents L'aspect fabuleux de l'his- ne.
Gallimard éd., 420 p. toire sainte a longtemps con-
tribué à entretenir la notion Rappelons que chez le mê-
de géographie mythique que me éditeur, et dans la même
favorisaient, d'autre part, les collection, a paru cette année
La collection « L'Univers des le Nouveau Dictionnaire de la
incertitudes et les lacunes de
Formes» vient de publier son l'archéologie. L'extension des Sculpture moderne auquel
quatrième et dernier volume fouilles entreprises depuis trente-quatre critiques et his-
consacré à .l'art grec. Il s'agit, cet- quelques années et l'importan- toriens d'art ont collaboré
te fois, de l'époque hellénistique ce des découvertes qu'elles sous la direction de Robert
qui vit la éivilisation grecque se ont provoquées permettent au- Maillard. Les analyses sérieu-
dilater, à la suite des conquêtes jourd'hui de parler véritable- ses que présentent ses 472 ar-
d'Alexandre, presque jusqu'aux li- ment d'une archéologie bibli- ticles et sa documentation
mites du monde méditerranéen. que. Il manquait un ouvrage photographique (500 illustra-
où le répertoire de tous les tions) font de cet ouvrage l'u-
L'art de cette période fut par- sites de la Terre Sainte soit tile complément du Nouveau
fois, décrié, jugé décadent par établi en relation avec leur si- Dictionnaire de la Peinture
rapport à l'originalité créatrice de Délos, Aphrodite, Eros et Pan tuation topographique actuel- moderne précédemment pu-
l'archaïsme et à l'harmonie classi- le. C'est ce que vient de réa- blié. (328 pages, 75 F).
que. Il suffit de feuilleter ce ma- et acquiert son indépendance. On liser un groupe d'archéolo- J. S.
gnifique volume, l'un des plus a pu critiquer cette architecture
beaux d'une collection prestigieu- détachée de ses structures. fonda- La décoration des maisons de
se, pour constater l'injustice de mentales et très éloignée, sauf Pompéi est très justement inté-
ce jugement. Ce qui apparaît, c'est par son sens du colossal, du goût grée à cette étude : pour être plus
bien plutôt l'extraordinaire facul- de notre temps. Elle témoigne tardive, elle n'en est pas moins
té d'invention et de renouvelle- cependant d'un sens remarquable fidèle aux modèles hellénistiques.
ment qui anima l'art grec de cette de l'invention; de plus, il faut la Particulièrement dignes d'éloges
période. Les artistes hellénisti- replacer dans de vastes masses sont les efforts de F. Villard pour
ques montrèrent une grande liber- monumentales et tout un paysage tenter de retrouver, à travers les
té à l'égard des traditions classi- urbain. fresques et les mosaïques qui les
ques. Loin de s'enfermer dans un L'art classique tendait à expri- reproduisent, les œuvres origina-
carcan académique, ils surent dé- mer l'équilibre, le durable, l'éter- les perdues des peintres de che-
gager avec une incomparable puis- nel. Jean Charbonneaux - dont Samothrace. Arsinoeion valet. Au-delà de l'art décoratif
sance créatrice les multiples vir- ce sont les dernières lignes - de manière très humaine, les édi- apprécié par les riehes bourgeois
tualités en germe dans l'art classi- montre que la sculpture hellénis- fices religieux et leur décoration pour orner leurs belles demeu-
que. Rejetant, dès le IV· siècle, tique vise à exprimer l'individuel sculptée ou picturale ne sont que res, il existait un art puissant et
des règles d'équilibre qui pou- et l'instantané : l'art du portrait les éléments d'un décor. Les pré- original dont les trouvailles pour
vaient devenir rapidement stérili- s'épanouit et montre des person- occupations proprement spirituel- rendre le jeu des lumières et les
santes, ils surent retrouver, par- nalités fortement typées et carac- les semblent absentes de cet art nuances de couleur témoignent
delà l'âge classique, la sponta- térisées. L'expression sera puis- et de cette civilisation exclusive- de l'apport essentiel de l'âge hel-
néité inventive de l'art archaïque. samment individualisée, parfois ment humaine. lénistique dans le domaine pic-
Roland Martin montre cette tragique ou pathétique, comme à Les pages consacrées par Fran- tural.
« turbulence de la création» dans Pergame. Les artistes marqueront çois Villard à la peinture seront, L'art hellénistique, tel que nous
le domaine de l'architecture. Le ~vec vigueur la force, la muscula- avec leur magnifique illustration, le révèle ce magnifique volume,
cadre limité de la cité étant rom- ture, du corps masculin, la sen- une révélation pour beaucoup. est donc profondément multiple,
pu, c'est à l'échelle de vastes et sualité du corps féminin. Le mou- Si la peinture des vases subit, dès individualisé, il est mouvementé
puissantes monarchies, de gran- vement est exprimé puissamment, le IV· siècle, une irrémédiable et coloré, violent et raffiné. C'est
des villes aux riches bourgeoisies, jusqu'à l'outrance, voire au mau- décadence, la mosaïque et la pein- lui qui a élaboré l'héritage que
qu'on bâtit désormais. Dans ses vais goût : en sculpture comme ture murale connaissent un ma- le monde grec a transmis au mon-
manifestations les plus spectacu- en architecture, l'art hellénistique gnifique essor. La peinture hellé- de romain : sur bien des plans,
laires, comme l'ensemble de Per- représente une véritable conquête nistique acquiert la maîtrise de l'art de Rome n'est qu'une provin-
game, il s'agit d'nn art d'apparat, de l'espace. la couleur, de l'ombre et de la ce de l'hellénisme. C'est l'art
d'un art royal. En ville, l'archi- Cet art témoigne d'un goût vio- lumière. Les riches demeures des hellénistique, et son interpréta-
tecture cesse d'être purement lent de la vie, qui s'exprime au- marchands de Délos ou des bour- tion romaine que les artistes et
religieuse et civique; édifices pu- tant dans les scènes tragiques, vio- geois de Pella voient leurs murs les lettrés de la Renaissance et de
blics et fastueuses demeures des lentes, cruelles - guerrier mour- et leurs sols ornés de composi- l'âge classique ont découverts et
riches citadins s'insèrent dans un rant, supplice de Marsyas - que tions colorées qui élargissent et ont imités. Il n'est pas d'autre
plan d'ensemble : l'art de l'urba- dans les scènes de genre, pittores- éclairent les surfaces et les volu- exemple, dans l'histoire, d'une
nisme est une création hellénis- ques et familières. Un trait est mes. Rarement, dans l'histoire de aussi prodigieuse diffusion, dans
tique. Une esthétique architectu- souligné par les auteurs, qui est l'art, la peinture décorative a le temps et l'espace, d'une esthé-
rale nouvelle apparaît : les pro- très révélateur de cette civilisa- connu une telle maîtrise, une telle tique. C'est donc un élément es-
portions s'affinent et s'allongent, tion : la grande faiblesse de l'ins- variété, en particulier dans les sentiel de l'héritage ocidental que
les surfaces se développent plus piration religieuse; les thèmes compositions florales ou les ar- nous présente cet ouvrage.
que les volumes, le décor s'étend mythologiques sont interprétés chitectures en trompe-l'œil. Claude Lepelley

16
Art roman
La peinture murale romane trir : la furie de restaurer qui moitié du XIIIe siècle. La pensée senter dans les absides en cul-de-
Texte de Otto Demus s'était répandue, surtout en Alle- chrétienne s'y reflétait en des pro- four le Christ ou la Vierge «en
Photographies de Max Hirmer magne, au XIXe siècle. Aussi l'une grammes plus disciplinés que majesté », se présente en des

1 250 il!. en noir, 102 hors-texte


en couleurs
Flammarion éd., 590 p.
des tâches essentielles auxquelles
on s'applique aujourd'hui est-elle
la «dérestauration» des peintu-
res murales.
Cette vie, cette mort, cette sur-
ceux auxquels travaillaient les
sculpteurs. C'est pourquoi dans
ses attaques contre la décoration
des sanctuaires, saint Bernard de
Clairvaux s'en est pris au monde
schémas iconographiques partout
différents.
L'utile confrontation de docu-
ments que nous suggèrent les
352 reproductions du livre d'Otto
Le côté émouvant de ]a peinture vie, des fresques, donnent à leur fantastique des chapiteaux beau- Demus, en offrant à notre curio-
murale réside dans son caractère étude un mouvement d'intérêt coup plus qu'à l'imagerie un peu sité un itinéraire qui va de la
de peinture condamnée. Ce que continuel que semble synthétiser naïve des voûtes et des murs. cathédrale de Canterbury à Sant'
nous en connaissons représente sur certains murs un fragment Outre la liberté de son style; Angelo in Formis, près de Capoue;
les vestiges très réduits, et sou- encore déchiffrable, alors que ses variations et ses particularis- de Saint-Savin à Regensburg; et
vent très endommagés, de ce que tout le reste s'éloigne irrémédia- mes locaux, ce qui différencie la de Salzbourg au Pantéon de los
possédaient les églises à l'époque blement de notre vue. Notre peinture murale romane de la Reyes à Léon, nous montre la ri-
romane. En outre, son destin est contemplation i n qui è t e est peinture byzantine, c'est sa di- chesse des idées qui ont circulé
de continuer à se détruire et à comme suspendue à leur fragilité. versité thématique, le système dé- en Europe pour illustrer les nefs
s'effacer. La récente exposition, Ce n'est là, cependant, qu'un des coratif byzantin ayant été une et les cryptes de l'église romane
au Petit Palais, des Fresques de aspects de l'exploration à laquelle fois pour toutes réglé et appliqué, en y projetant l'univers merveil-
Florence sauvées des souillures s'est livré Otto Demus pour écrire presque invariablement, pendant leux de l'imagination médiévale
de boue, de nitrate et de mazout cette vaste étude sur la Peinture deux siècles. La peinture romane, que les rêves bibliques avaient'
que leur infligea le débordement murale romane de l'Europe cen- au contraire, à part l'habitude, sitmulée.
de l'Arno en 1966, a remis en lu- trale et occidentale, dont les pho- généralement observée, de repré-
mière cette nouvelle phase, parti-
culièrement dramatique, de son
destin (1).
Pourtant, à cette fatalité s'oppo-
tographies de Max Hirmer nous
montrent les principaux ensem-
bles et les moins connus.
L'auteur, professeur d'histoire
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se, en manière de compensation, de l'art à l'Université de Vienne,
le fait que des fresques semblent ne nous cache pas la difficulté
bénéficier d'un destin contraire d'établir les limites de la peinture
et réapparaissent, <lécouvertes monumentale 'à l'époque romane,
sous les badigeons qui les ca- de préciser en quoi, et où, elle se
chaient. Ce fut le cas, récemment sépare de la peinture grecque, et
encore, à Winchester, dans la cha- même de fixer son début et sa
pelle du Saint Sépulcre; à Lam- fin, entre la fin de l'Antiquité et
bach, en Haute-Autriche, dans le le début du moyen âge gothique.
chœur ouest de la collégiale des Mais si « le cœur de l'art roman lt
bénédictins; à Novare, dans le se situe au XIIe siècle, il en est
baptistère de la cathédrale. Mises de même pour la peinture murale,
au jour après plusieurs siècles de et c'est ce que l'ouvrage nous per-
disparition,' ces peintures nous met de constater en nous faisant
semblent d'autant plus précieuses parcourir tous les cycles icono-
qu'elles sont demeurées vierges graphiques qui ont transformé les
de toute restauration. Car, ce fut églises en grands livres d'images
là une autre façon de les meur- entre le début du XIe 'et la seconde

Oreste Ferrari ' les tombeaux des papes, le

1 Les Trésors d'art du Vatican


171 ill. dont 54 pl. en coul.
Aimery Somogy, éd., 288 p.
Belvédère, sont avec leurs dé-
cors, leurs monuments, leurs
statues, des créations complè-
tes intégrées dans un ensem-
ble architectural qui n'a cessé
Cet itinéraire à travers la de se développer depuis la
cité vaticane, et qui nous con- fondation de la basilique de
duit des plus austères aux Constantin. Le livre d'Oreste
plus frivoles représentants de Ferrari et le choix de ses illus-
l'art religieux, passe par Giot- trations font mieux que gui-
to, Michel-Ange, Raphaël, le der nos pas dans les dédales
Bernin, Canova. Mais le Vati- de l'histoire qui accompagne
can n'est pas le palais d'un cette ville apostolique : ils
collectionneur, 1e s œuvres nous donnent la synthèse
d'art n'y sont pas entrées à la d'une expérience unique, celle
faveur de circonstances ha- d'un- transfert, obstinément
sardeuses. La basilique Saint- poursuivi, de la pensée reli-
Pierre, la chapelle Sixtine, la gieuse dans tous les domaines
chapelle Pauline, les Cham- de l'art.
bres et les Loges de Raphaël, J. S. Maitre de Pistoie: Crucifixion (vers 1250)

La QuInzaIne Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970


Léo Bronstein visible en comparant à la pre-

1 El Greco
56 pl. en coul., 19 ill. en noir
Cercle d'Art., éd., 126 p.
mière reproduction du livre la
dernière - l'une et l'autre
étant des Assomptions de la
Vierge. Celle de Chicago, de
1577, porte encore les traces
Léo Bronstein voit dans la d'une certaine quiétude ita-
peinture de ce Grec, Domenico lienne, celle de Tolède, vers
Théotocopoulos, venu à Veni- 1610, situe l'ascension des
se comme peintre d'icônes corps au-dessus d'un paysage
dans la seconde moitié du qui semble éclairé par les ful-
XVI" siècle, «un héritage du gurations de la foudre. Entre
monde greco-byzàntin" con- les deux toiles, une suite de
fronté avec la conception d'un tableaux religieux, de paysa-
idéal de la Renaissance. On ges et de portraits, sont au-
peut y voir aussi l'annonce tant d'exemples du génie avec
d'un baroque espagnol d'un lequel El Greco est toujours
caractère plus tragique qu'au- allé au-delà de· ses sujets :
cun baroque n'aura comporté. dans le domaine de la pure
L'accentuation d'une esthéti- spéculation picturale. Berzé-la-ville (S.-etL.). Peinture murale
que du mouvement tourmenté
dans l'évolution du peintre est J. S. Les particuliers eux-mêmes méconnus que l'on voit avec
partiCipèrent à cette frénésie tant de difficulté dans les
en érigeant leurs propres cha· églises souvent mal éclairées.
pelles, tel Scrovegni à Padoue Ce livre était donc indispensa-
Millard Meiss décrire sèchement, il la jus- qui fit tout bonnement appel ble, qui en présente une cen-

1
Les grandes époques tifie par l'évolution de la à Giotto pour la décorer. taine du XIIIe au XVIIIe siè-
de la fresque peinture, la nécessité pour les De cette passion qui gagna cle, exce.[[emment reproduites
118 reproductions coul. artistes de dipasser,les formes l'Italie entière et la couvrit, en couleurs et surtout mer-
Hachette éd. stéréotypées . qu'imposaient selon les contemporains, de veilleusement commentées par
évidemment la rapidité d'exé- merveilles, il ne reste qu'une un érudit qui sait aussi écri-
cution, mais aussi à la fin du petite partie; mais ce sont re pour un large public.
Ces «Grandes époques de Moyen Age la transformation ces chefs-d'œuvre longtemps Marcel Billot
la fresque", précisons-le, ne de l'idée de Dieu conduisant à
concernent que l'Italie, terre l'individualisation de sa créa-
élue il est vrai de cette tech- ture. Le courant humaniste
nique que les Romains utili- allait d'ailleurs amener les ETRENNES 1970
saient déjà pour animer lt:s peintres à rechercher de nou-
murs de leurs maisons. L'ex-
position itinérante des «Fres-
veaux effets picturaux que
l'huile et la toile leur permi· offrez-les
ques de Florence" qui vient rent plus totalement. Mais la
de passer par Paris a été l'oc-
casion de publier cet ouvrage
qui présente le dernier état
fresque y perdra entre autres
ses belles couleurs que seule
l'action combinée de l'humi-
MEMOIRES
D'UN
des découvertes et récupéra- dité et des substances chimi·
tions, fruit d'un vaste pro- ques du mur pouvait altérer,
gramme de sauvegarde dont alors que l'huile assombrit
la désastreuse inondation de inéluctablement.
1966 a précipité la réalisation.
Il dépasse cependant large-
ment le cadre de l'exposition,
Si la fresque a d'autres ti·
tres de gloire qu'en Italie -
AGENT
SECRET
offrant quelque soixante-dix et antérieurement - il n'en
fresques supplémentaires qui est pas moins vrai que c'est
incluent notamment celles de là qu'elle connut son plein
Lombardie et de Vénétie. épanouissement et que c'est
De toutes les techniques
picturales, la fresque est sans
doute la plus fascinante par-
avec elle que commence véri-
tablement la peinture italien-
ne. Il est d'ailleurs à noter
DELA
ce qu'elle est on ne peut plus
intimement liée à son support.
C'est en effet une réaction
chimique du mortier humide
que cet épanouissement cor-
respond à la soudaine crois-
sance des villes et à leur riva-
lité car c'est à partir de là
FRANCE Chaque
qui' fixe les pigments colo-
rants; la cristallisation n'a
lieu (Jue le temps du séchage,
imr::;sant c:insi une rapidité
q:Af. les édifices publics se cou-
·vrirent de peintures murales
célébrant les vertus civiques
LIBRE volume de 650
pages se présente
sous reliure en balacron,
et morales tout autant qu'el-
d'exécution qui est pure vir- les invoquaient la protection rhodoïd et gardes illustrées.
tuosité. C'est du travail sans de la Vierge ou des saints de luxueux emballage
filet, à tel point que les fres-
quistes durent très vite met-
tre au point des méthodes
permettant une fragmentation
du travail. Millard Meiss indi-
locaux. De leur côté, les nou-
veaux ordres mendiants dont
la croissance n'était pas moins
rapide firent également ap-
pel à la fresque tant pour
rémy Chaque tome.: 25,85 F, les 3 tomes: 77,70 F
Un cadeau inestimable.

que de façon très claire décorer leurs églises que pour


l'évolution de cette techni- prolonger sur les murs les EDITIONS FRANCE-EMPIRE
que; il ne se borne pas à la sermons qu'ils prêchaient.

18
Classique et baroque
Yves Bonnefoy vantage, elle exige de nouveaux

I Rome 1630
Flammarion éd., 204 p.
découpages. Yves Bonnefoy les
découvre derrière les cadres re-
çus, à mesure d'une impitoyable
confrontation des travaux mu.ti·
Rome 1630 : la Ville Eternelle pIes accomplis en 16.30. L'analyse
resurgie de la Contre-Réforme, synchronique qui ne craint pas
réinstaurée métropole sacrée, re- d'intégrer les œuvres médiocres
çoit, après celle de Jules II et de (-Dominiquin, Stomer, Sorodine)
Sixte V,.la marque d'Urbain VIII. ou mineures (Bamboche, Praelen·
et des Barberini et accueille- dans burgh, Breenberg) mais inductri-
la simultanéité une extraordinaire ces de sens, rompt les contraintes
diversité de présences. Le Bernin de la monographie personnelle,
travaille au Baldaquin de Saint délivre des préconceptions qu'en-
Pierre et au tombeau d'Ur- traîne l'étude des filiations maté-
bain VIII, Borromini appose le rielles et des parentés formelles.
premier signe de son génie propre Mais elle est rectifiée, mise à
à la façade de ce palais Barberini l'épreuve par l'analyse diachroni-
que Pierre de Cortone orne de que qui resitue les œuvres dans
peintures; Lanfranc vient d'ache- la production des artistes. Ainsi,
ver la coupole de Sant' Andrea par exemple, Lanfranc apparaît
della Valle, modèle que le Domi- comme le seul peintre dont le pro-
niquin cherche à égaler à San jet coïncide avec celui de l'archi-
Carlo ai Cortinari; Poussin fait tecte-sculpteur Bernin, tandis que
l'admiration de la cour papale l'entreprise de ce dernier (c tout
avec son Martyre de Saint Eras- le sensible qu'il met en œuvre n'a
me, tandis que Peter van Laer, dit trait qu'à l'expérience tout inté-
le Bamboche, s'adonne à la rieure de la grâce lt) est dissociée,
peinture de genre, pour les tou- pas seulement de celles de Cor-
ristes; Valentin présente à Saint tone ou Borromini, mais de ce Pierre de Cortone : Deux études d'une tête de jeune fille
Pierre son Martyre des. Sainb c théâtre du vraisemblable lt re- univers muet et d'une substance nin sculptait lt) qui trouent
Procès et Martinien, Claude Lor- présenté par les Serodine, Stomer opaque, pour un simple natura- l'épaisseur de ,leur secret. Dislo-
rain peint ses premiers paysages. ou Bigot. De même Poussin - un lisme lt. n lie le c réalisme lt ita- quée par l'émergence d'un monde,
Et, dans le même temps passent instant baroque, par jeu - est lien à la grande crise de l'expé- l'étonnante galerie imaginaire qui
des visiteurs éphémères, sans opposé à Duquesnoy et rapproché rience sensible que symbolisent mène du Baldaquin de Saint
doute Le Nàin, La Tour, Seghers, de Pierre de Cortone. Et Yves les travaux de Galilée et montre Pierre à la Rome triomphante de
et en tout cas Velasquezqui pei- Bonnefoy lit aussi que 1630 enfer- comment il échappe précisément Valentin, retrouve son unité à
gnit La forge de Vulcain à Rome me une partie des artistes de de toutes parts au réel. Au natu- travers l'histoire contingente et
en 1610. Rome, tel Bernin lui-même, dans ralisme photographique où s'en- mystérieuse des artistes.
C'est cette richesse, fertile en c l'âge religieux de la représenta- lisent les post-caravagistes ro- L'iconographie de l'ouvrage ren-
contradictions et en paradoxes, tion lt, tandis que certains, au mains enfermés dans un monde voie à des œuvres exemplaires,
apanage d'une cité - non point contraire, postérité de la nostal- idéal imaginaire, il oppose le toutes également impliquées dans
close comme les autres villes d'art gie carrachienne, s'installent déjà, c réalisme lt fondé sur la réalité l'argumentation de l'auteur. Cer·
italiennes, mais ouverte' et où le tels Valentin et Claude Lorrain, rugueuse et 'l'expérience c provin- taines illustres, d'autres quasi
monde vient se former en s'infor- dans un romantisme qui annonce ciale lt de la souffrance, des Hol· inconnues, leur choix n'a pas été
mant - qui a attiré Yves Bonne· Holderlin et Nerval. landais contemporains, le Hals du dicté par un désir d'exhaustivité,
foy. Et, de ce moment dont l'ana- Ces restructurations sont pour Portrait de Descartes (1630), et le mais par ,le souci de prouver un
lyse, comme l'atteste sa biblio- Yves Bonnefoy l'occasion de met- Rembrandt de La leçon d'anato- découpage. Ce livre, qui inaugure
graphie, a sollicité les meilleurs tre en question certains concepts mie. Et il découvre dans la pein- une collection fondée sur la même
esprits, il tente une synthèse. Ou ambigus. Ainsi du Baroque, dont ture de genre de Bamboccio et approche du temps et dirigée par
plutôt deux lectures si intime- il restreint le champ (le Don Juan ses amis, la nostalgie que s'appro- Yves Bonnefoy, n'est donc pas,
ment liées d'ailleurs que le lecteur de Tirso de Molina, paru précisé- prieront Claude et Velasquez. ' en dépit de son abondante icono-
ne parvient pas toujours à les ment en 1630 est c infra-baro- Quant à la lecture seconde graphie, un livre d'images. Pas
dissocier. que lt) et dont il donne une série d'Yves Bonnefoy, celle qui sous- davantage un livre d'initiation. Il
La lecture majeure, celle qui de définitions éblouissantes : tend en filigrane son grand dé- suppose chez le lecteur une fami-
constitue le propos fondamental c ésotérisme de l'évidence lt, c sta- chiffrement global de 1630, c'est liarité relative avec l'époque et
du livre, déchiffre dans l'année de religieux de la conscience artis- aux contingences et en particu- les œuvres analysées, les problè-
1630 à Rome un de ces moments tique lt, c le paroque n'est pas un lier aux individus qu'elle évoque mes soulevés. Cette condition
privilégiés du temps ou de gran- trompe-l'œil, mais une expérience non dans l'accumulation des faits remplie, • il présente un intérêt
des structures soudain s'articu- de .J'être par l'illusion lt. De même, biographiques, mais à travers de exceptionnel, renouvelant l'éclai-
lent, où la double poussée de la la critique de la notion de réalis- fulgurants détails véridiques ou rage d'une des périodes les plus
nécessité et du hasard (dont la me peut être considérée comme inventés (c Je suis même incliné complexes de l'histoire' des arts
part n'est pas ici minimisée) fait un des fils directeurs du livre. à croire que c'est à partir de son plastiques, appelant des déchiffre-
émerger des mondes neufs et clot Yves Bonnefoy la traque et la fait inaptitude à l'expérience chré- ments nouveaux.
à jamais des domaines anciens. littéralement éclater. Il l'aborde tienne et pour le vérifier, une fois Et puis, c'est Yves Bonnefoy
La lecture attentive de 1630 fait dès Caravage, dénonçant le pour toutes, que Poussin a tenté poète qui a écrit le texte difficile
donc éclater la fausse synchronie contresens qui consiste à c Pren- en 1628 et 29 de peindre c par d'Yves Bonnefoy historien d'art.
de l'histoire chronologique. Da- dre cette peinture angoissée d'un hypothèse lt dans l'esprit où Ber- F.rançoise Choay

La QUIDralne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 19


Maria et Godfrey Blunden
et Jean-Luc Daval
Journal de l'Inipressionnlsme
435 documènts dont 175 cou!.
Skira éd., 240 p. -

Il se passe en ce monde tant de


choses qui scandalisent, exaltent,
angoissent ou déconcertent qu'il
n'est pas de majorité silencieuse
qui ne soit àujourd'hui familière
de l'idée de révolution. Nul ne se
formalisera donc, au contraire,
d'une Histoire de l'Impressionnis-
me considéré comme partie inté-
grante du c grand bouleversement
social lt qui a agité la vie fran- Auguste Renoir: Trois baigneuses, mine de plomb, 1883-1885
çaise au XIX· siècle. « à ce grand mouvement vers une poser une approche différente par une gravure représentant les
Nul n'en a jamais douté, les jeu- démocratie républicaine lt? On comme le voudrait précisément ambassadeurs japonais dans l'ate-
nes peintres qui allaient devenir peut sans crainte en douter; rien ce «Journal ». Si cette tentative lier de Nadar et deux estampes
les impressionnistes étaient des n'indique chez eux la moindre vel- rete vaine, c'est que nous n'avons d'Hirosige; et étudié en contre-
jeunes hommes en colère. Ils léité révolutionnaire, ni même pas affaire à un livre d'auteur point· dans ses rapports avec la
étaient les seuls à savoir qu'il l'expression d'une conscience po- mais à un livre d'éditeur. Et c'est peinture impressionniste, illustré
n'était plus possible de peindre litique. La débâcle de 1870 les précisément sur. ce plan que se cette fois par des tableaux de
c Les Romains de la Décadence lt verra les uns en Angleterre ou à la situent la nouveauté et la réussite, Manet, Monet, et Whistler et par
ou quelque paysage mitonné dans campagne, les autres se hasar- car ce qui nous est proposé n'est un extrait de lettre de Pissaro.
un coin d'atelier. Leurs aînés dant parfois à faire des croquis pas une nouvelle c lecture» mais Chaque élément joue de l'un à
immédiats Millet, Courbet, les des barricades durant la Commu- une méthode de lecture qui jux- l'autre, l'information est vive, ra-
peintres de Barbizon déjà s'en ne. Seule la peinture les requiert tapose dans un déroulement sy- pide, globale, l'attention sollicitée,
étaient détournés au profit de la et ils lui font franchir upe étape noptique l'histoire événementiel- la connaissance acquise.
réalité quotidienne de la nature avec une opiniâtreté exemplaire le, l'analyse des œuvres, les témoi- D'aucuns' ne manqueront pas
et des hommes, soutenus par et un éclat sans pareH. gnages des contemporains et les de faire la fine bouche sur ce di-
Proudhon qui voyait là c le vrai Quoi qu'en ait l'éditeur. lais- jugements ultérieurs de la criti- dactisme évident,' blâmeront les
point de départ de l'art moder- sons donc la Révolution et· re- que. quelques redites d'un texte à l'au-
ne~. Il y manquait toutefois le gardons .son livre. Il en vaut la La complexité de ce mode de tre inévitables et avec plus de
langa,8e propre à exprimer le peine. Des Histoires de l'Impres- lecture n'est qu'apparente si les raison quelques négligences in-
changement de regard qu'impli- sioDDisme, il y en a à la pelle, textes sont clairs et la mise en contestablement coupables, cOm-
quait cette libération du sujet. Son en noir et en couleurs; aucune page rigoureuse. Cela ne s'impro- me celle-ci qui concerne c le Dé-
élaboration était leur tâche à la" école de peinture n'a suscité vise pas il y faut une conception jeuner sur l'herbe» de Monet. Le
quelle ils ne pouvaient logique- plus importante bibiographie à initiale et un maître d'œuvre. Il récit nous apprend qu'après en
ment se soustraire; c'était une dé- tel point que tout éditeur se vou- est clair, en l'occurrence, que avoir fait une esquisse, il la trans-
marche esthétique naturelle mais lant sérieux s'en détourne volon- l'éditeur s'est préoccupé avant posa sur une toile de très grandes
que les circonstances allaient tiers jugeant le marché saturé. tout du public, qu'il l'a voulu in- dimensions qu'il détruisit mais
faire affronter une société trau- Il l'est en effet, mais par le man- telligent et qu'il a demandé à ses dont c certains fragments décou-
matisée par 1848, éperdue d'ordre que d'imagination qui caractérise collaborateurs un dossier clair et pés et vendus.. par Monet existent
et . de certitude. Pendant vingt l'édition française du livre d'art. soigneusement présenté. A Maria encore aujourd'hui lt. L'un, on le
ans, sous les insultes et les sar- Ce n'est pas de l'Impressionnis- et Godfrey Blunden il a demandé sait, est au Louvre, et un second
casmes ils n'auront pourtant me que le public se détourne, les un récit qui constitue une sorte dans une collection particulière.
d'autre ambition que celle d'un expositions sont là pour en té- de c geste» de l'impressionnisme, Ils sont reproduits ici côte à
accrochage au Salon, indispensa- moigner, mais des sempiternels dégagée des considérations esthé- côte; l'ennui est que dans la lé~
ble à la plupart d'entre eux pou'r albums de reproduction présen- tiques et de l'afflux des témoi- gende, celui du Louvre est donné
conserver· la rente servie par leur tés par d'innombrables préfa- gnages. Récit simple et familier, comme seul existant, daté de
famille, et d'en obtenir là fameu- ciers; de çet Impressionnisme presque d'un conteur qui met en 1865-66; que lé second soit daté
se médaille qui leur assurera le servi en tranches, car tout y est place les événements et les hom- de 1865 et qu'enfin la toile préli-
respect dû aux Messonnier et au- passé : peintres, paysages, por- mes. minaire, actuellement au Musée
tres Bouguereau. Faute de jouer traits, natures mortes, jusqu'aux Ponctuant ce récit et en marge, Pouchkine à Moscou également
le jeu, ce n'est que le temps qui endroits fréquentés par les pein- choisis par Jean-Luc Daval, les reproduite, est datée de 1866.
leur apportera hl gloire, lorsque tres, promus c hauts lieux de la lettres, .!èS témoignages, les cou- N'en ·prenons cependant pas
de ,nouveaux trublions provoque- peinture lt ! On ne peut il est vrai pures de presse, les jugements de prétexte pour méjuger une entre-
ront à leur tour la sottise triom- récrire l'histoire de l'Impression- la postérité, les reproductions prise comme celle-ci, de vulgari-
phante pour qui tout regard autre nisme, ni les hommes, ni les œu- d'œuvres longuement commentées sation certes mais combien. intel-
est chargé de dynamite. vres, ni les faits n'ont changé et sans pédanterie élargissant la lec- ligente, qui fait véritablement
Faut-il pour cela en faire des tant d'exégètes les ont passés au ture à une' compréhension active. honneur à son éditeur et que
révolutionnaires? Est-il équita- crible qu'on ne peut raisonnable- Ainsi sur la même double page la l'on aimerait voir se généraliser
ble, comme le fait l'éditeur, de ment en attendre encgre des révé- découverte de l'estampe japonai- à la condition toutefois d'un prix
présenter Manet, Monet, Degas, lations capitales. On ne peut non se est relatée dans le récit comme plus abordable.
Renoir, etc. comme participant plus, du moins je le crains. en pro- un événement historique illustré Marcel Billot

20
Contemporains
Gaëtan Picon de force de G. Pican est de nous muscules fuyant l'eau et le feu lt. mes s'entrelacent et tous nous in-
Admirable tremblement enchanter du tracé de son écri- . Subtilité aussi de cette courbe du vitent à nous arrêter pour les

1
du temps ture savante sans jamais faillir à temps, boucle du temps en nœud méditer, comme autant de propo-
Coll. « Les sentiers la discrétion d'une érudition coulant : « les derniers tableaux sitions du Tao, mais d'un Tao
de la création» contenue. De quel temps s'agit-il ? sont quelquefois ceux où le pein- occidental d'autant plus envoû-
Skira éd., 160 p. Ni de la ligne axiale indéfinie, tre commence à parler. Il annule tant par son appel qu'il se pro-
l'axe traditionnel de la fuite, irré- (pour lui sinon pour nous) ce qui pose à nous sous l'espèce d'une
missible, ni du cercle du retour précède. Il inaugure le temps. Ils écriture continue, toujours pre-
«Admirable tremblement du éternel qui absorbe dans son im- sont les tableaux d'une naissan· nant l'icône pour prétexte. Et
temps », la phrase est née chez mobilité cachée l'apparence de ce ». pourtant cette écriture linéaire,
Chateaubriand dans la vie de cette fuite, mais le temps est ici A propos de La Musique aux· riche de tout le savoir qu'elle a
Rancé, écrite à propos du tableau saisi par l'idiome de la peinture Tuileries: « l'adieu est aussi dans surmonté pour se donner au lec-
de Poussin, le Déluge; cueillie au dans son instantanéité, dans sa dans le regard de la serveuse; car teur plus ciselée encore, plus
passage par Gaëtan Pican, elle va ponctualité infinitésimale qui le temps n'est pas toujours re- tremblante encore de sa promes-
proliférer de façon rigoureuse au n'est pas plénitude d'un noyau so- présenté par l'encombrement se et de son attente, s'illustrerait
long d'un itinéraire fait de préfé- lide, mais espacement, écart, dif- d'une mémoire, la mise en ordre dans cette situation occidentale
rences et de plaisirs que l'auteur férence : « il faut que la labilité d'une expérience : il est autre- de notre impuissance qui fait de
a eus en face de tableaux aimés, s'inscrive dans la matière même» ment, mais très intensément per- notre héritage pictural cette ri-
dont il livre de façon bien tracée écrit l'auteur page 57. Au lecteur ceptible dans la signification d'un chesse herméneutique inévitable:
l'exégèse la plus sobre et la plus de ces toiles de les déchiffrer : regard, la charge particulière « et nous aussi nous voulions tra-
riche. voici cette labilité traquée dans d'une image, mieux: dans l'espa- verser le miroir. Mais nous som-
On connaît le principe de cette la débilité même de la main trem- ce invisible qui met l'image à mes toujours devant lui, les yeux
collection, Les sentiers de la blante de Poussin «qui ne veut distance ». - pleins de nos images inoubliables,
création, animée par G. Picon, plus lui obéir ainsi qu'il le vou- Liaison du temps à la mort : images des choses que nous avons
qui est de livrer le cheminement drait ». Et ce défaut physique, «qui aime le temps aime la discernées, saisies, manquées,
libre d'un écrivain dans les ren- est le brouillé fameux, la signa- mort », à l'absence, à la différen~ étreintes de toutes nos forces,
dez-vous de la poétique de l'espa- ture de Poussin, où vient rêver le ce, à l'effritement du sens, à l'évé- dans leur temps, dans notre
ce que lui donne subjectivement décalage temporel. nement dans sa dispersion qui est temps. »
la peinture. G. Pican s'appelant Le temps cette fois traqué dans rature de l'origine. Tous ces thè- Jean-Marie Benoist
lui-même à écrire nous donne une ses aUégories les plus subtiles, en
réflexion philosophique sur le une rêverie élémentaire qui n'est
temps, qui va fort loin dans l'ana- pas sans rappeler celle d'un thè- les romans
lyse, mais toujours reposant sur me Bachelardien : de ce vieillard du mois
le goût qu'il professe pour les ta- qui contemple peut-être le fleuve,
bleaux en tant qu'individualités, dessiné par Vinci,' G. Pican fait
en tant aussi que se tisse et se éclater l'évidence superficielle-
noue entre eux un réseau qui a ment héraclitéenne du « tu' ne te
le temps pour matrice. baignes jamais dans le même fleu-
En ce tracé littéraire, fait d'une ve » au profit d'une lecture de la
ligne mélodique semblable à la mouvance infinitésimale du trait.
« Avec un ~mer rassérènement,
gravure, ou à la liberté de la ligne
chez Klee, « la ligne qui rêve », on il constate les forces qui condui-
GILLES
sent à tout instant affleurer la ront à son terme une aventure
PERRAULT
possibilité d'une référence ou
d'une citation érudite. Or le tour
dont le caractère dérisoire est
souligné par ses personnages mi- les sanglots PIERRE
JEANCARD
longs
Dora Vallier par l'auteur, ne contient pas 9 nouvelles par l'auteur de la cravache
I Henri Rousseau
64 . pl. en coul., 374 Hl. en
nOir
Flammarion, éd., 128 p., 22 F
moins de faits extraordinaires
que sa légende.
Qu'il ait été gabelou de l'oc-
troi et non douanier ne chan-
ge rien à l'auréole du per-
l'orchestre rouge
et du dossier 51
un direct, un crochet,
un uppercut, ces contes
laissent groggy...
une histoire passionnée
où la mort fait irruption
dans le vert paradis
des amours enfantines.
sonnage. Que la Bohémienne
endormie ait été découverte
« Faute de biographie, écrit chez un plombier, et la Guerre JACQUES
Dora V allier, Henri Rousseau chez un cultivateur, cela fait TOURNIER
a eu sa légende ». Il a aujour- partie d'une aventure singu-
d'hui mieux qu'une biogra-
phie, grâce à ce livre où pour
lière dominée par cette singu-
lûrit~ grandiose : sa peinture.
les amours
la première fois l'œuvre -
beaucoup plus abondant qu'on
Les multiples aspects incon-
nus qui nous en sont révélés
brèves
ne le supposait (261 toiles) - et le texte intelligent de Dora
les premiers romans
nous est montré dans sa tota- Vallier font de ce livre un des de· Dominique Saint-Alban.
lité et analysé dans sa chro- meilleurs de cette collection
nologie. Mais la vie de celui où le «gabelou Rousseau"
qui apporta à la peinture mo- occupe parfaitement sa place
derne «une innocence pictu- à côté de Titien, de Véronèse
rale sans précédent,., cette et de Watteau.
vie minutieusement explorée J. S. chez
fayard
La Qu'np'ne Utthalre, du 16 au 31 décembre 1970 21
Jacques Prévert comme le rôle d'une illustra-

1
Dunoyer de Segonzac Angk.or
ImaginaIres
Les sentiers de la création
Skira éd., 112 p.
L'illustration d'Imaginaires
tion dans l'écriture des ima-
ges. Parmi celles-ci, deux sont
empruntées au musée, peut-
être les plus merveilleusement 1
Dessins 1900-1970
390 reproductions
Pierre Cailler, éd.,
456 p., 150 F.
1 Texte et photos d'Henri Stierlin
Office du Il:Vre, 188 p.

est de Prévert lui-même. Non expressives du merveilleux Chine


pas un choix donc, mais des dans la peinture occidentale : Texte de
Michèle Pirazzoli-t'Serstevens

1
collages, ceux que le poète Le songe du roi René, tiré du . «D'instinct, écrit Dunoyer
colle depuis aussi longtemps manuscrit du Cœur d'Amour de Segonzac, j'ai toujours des- Documentation de
qu'il poétise.. Et ce qu'ils don- épris, et la Vierge de Fouquet sirié à la plume, aimant la pré- Nicolas Bouvier
nent' à voir ici sans mot,;, ce que Prévert fait découvrir cision de la forme clairement Office du livre, 190 p.
qu'ils miment plutôt, c'est dans une sorte de double-jeu et franchement exprimée ».
l'art même de l'écrivain, la apparenté au collage, et au re- Ce sont aussi, pour la plupart, Japon

1
façon insolite, cocasse, irres- gard de laquelle un petit conte des dessins à la plume qui ont Tex!e de Tomoya Masuda
pectueuse, tendre ou violente du musée s'achève sur cette été rassemblés dans ce livre.
dont il assemble les mots ou ligne cruelle : "En peinture Photos de Yukio Futagawa
Et, sans aucun doute, c'est en
les idées. Nulle part mieux' comme en écriture tout s'ex- eux que le peintre, durant tou- Office du livre, 186 p.
que dans ce petit recueil on plique. li> te sa vie, s'est exprimé avec le
ne saisit à sa source cet art Retenant la leçon nous bor- plus de liberté. Mais s'il y
de l'assemblage propre au poè- nerons là nos explications chercha toujours cette "pré- L'architecture universelle, col-
te de Paroles. d'un livre charmant qu'on cision de la forme» il y trou- lection dirigée par Henri Stierlin
Comme il était prévisible, le peut ouvrir n'importe où, con- . va aussi une relative, une heu- est unique et le titre n'en précise
texte écrit qui se veut parfois sulter n'importe quand, offrir reuse imprécision, qui tient au pas suffisamment la portée. Il ne
légende (Les dieux ont tou- - presque - à n'importe qui, fait que son trait d'encre a un s'agit pas ici, en effet, d'architec-
jours été des chefs de bande en particulier à tous les en- si grand pouvoir de suggé-
dessinée, L'enclume de mer), fants et à tous ceux qui ai- ture telle qu'on l'entend habituel-
rer ce qu'il ne montre pas que
est parfois au contraire "dé- ment Prévert. c'est en notre esprit seule- lement. Ce qui est abordé, c'est
collé» et appelé ainsi à jouer Nicolas Bischower ment que la forme, en fin de civilisation après civilisation (1),
compte, se précise. C'est en la façon globale dont les peuples
cela que réside l'attrait poéti- organisent l'espace et construi-
que de ces dessins, leur char- sent dans l'espace. Autrement dit,
me de choses vues d'un rapi- non seulement il n'est pas ques-
de coup d'œil, qu'il s'agisse tion de dissocier l'architecture de
d'un village de l'Ile-àe-France, l'urbanisme, mais ces savoir-faire
de baigneuses sur une plage, sont réintégrés dans le contexte
d'un nu dans la forêt ou de
ces portraits tracés d'une main qui les rend possibles et intelligi-
qui semble distraite et qui bles. Ainsi, il ne sera pas question
sont souvent d'une émouvante d'étudier les villes chinoises sans
pénétration ; Colette écrivant référence à la symbolique de l'es-
à la Treille Muscate, Grock pace où à la hiérarchie des clas-
dans sa loge à l'Empire, Mar- ses sociales qui s'y logent; il sera
cel Proust sur son lit de mort. exclu d'analyser les demeures ja-
J. S. ponaises qui fascinent aujour-
d'hui les architectes occidentaux,
sans se référer à un système de
construction qu'on éclaire à la
fois par l'analyse de l'organisation
Jacques Prévert: Collages (détail) de la. profession de charpentier
pour commencer une succes- et de l'ùtilisation de l'équerre par
sion d!images évocatrices et Robert Fernier
René Passeron les charpentiers.

1 René Magritte
Filippacchi-Odege éd.
Les bonnes monographies
invocatrices, sorte de mise en
condition silencieuse qui
transporte ailleurs, dans le
monde du peintre: Puis, cha- 1
Gustave Courbet
127 ill. dont 23 pl. en coui.
Bibliothèque des Arts, éd.,
140 p., 69 F.
Le projet que nous venons de
définir est réalisé grâce à l'as~
ciation d'un texte dense mais très
sur les artis'tes contemporains cun des thèmes que R. Passe- structuré et d'une multiplicité de
sont chose rare. Cette saison ron a choisi de développer est cartes, plans, photographies, ta-
nous en apporte deux qui se- annoncé par une série d'ima- Nous connaissions sans dou- bleaux chronologiques. Un certain
ront analysées dans le pro- ges dans la présentation des- te Courbet, mais -le livre de nombre de problèmes spécifiques
chain numéro : le monumen- quelles le cadrage joue un rôle Robert Fernier présente cet (par exemple, pour la Chine,
tal Max Ernst par Max Ernst important. Enfin le texte de avantage, outre celui de l' Habitation chinoise archaïque
(1) et le plus modeste René chacun des cinq thèmes, des nous donner une excellente
analyse de son œuvre, de re- ou le Traité d'architecture de Li
Magritte de René Passeron grands espaces froids aux lois
de l'absurde est lui-même as- tracer d'une façon très vivan- Mingzhong) sont développés sous
dont nous voudrions seule-
ment indiquer ici qu'il doit sorti de sept à huit illustra- te l'aventure du chef de l'école forme de Notices sur des pages
nécessairement figurer parmi tions en couleur, mais de petit réaliste qui eut plus d'une fois légèrement teintées et qui, mieux
les ouvrages retenus pour les format, simultanées, toutes à pâtir des réalités de l'exis- intégrées dans le texte que des
cadeaux de fin d'année. ensemble face au texte, qui tence. Les documents sur sa notes rejetées en· fin de volume,
Ce livre est en effet remar- . permettent une confrontation vie, sa famille, ses activités ne pèsent cependant pas sur une
quable à la fois par le choix immédiate des formes et deS politiques, son exil en Suisse, première lecture d'ensemble.
des images, le texte et la mise idées. En fin de volume, le complètent intelligemment le Les livres ainsi construits s'a-
en page qui est une des clés générique, biographie, biblio- choix de reproductions de son
œuvre de peintre et de sculp- dressent à un très vaste public,
choisies pour aborder l'œuvre. graphies... allant des moins avertis aux spé-
Le parti .original qui a été F.C. teUT.
adopté est inspiré du cinéma: (1) Gallimard. J. S. cialistes. Ils constituent une in·'

22
Architectures
troduction à l'histoire des civili-
sations aussi bien qu'une initia-
tion au rôle et à la signification
de l'espace ou une somme de réfé-
rences et de documents pour les
architectes, urbanistes et tous
ceux que concerne l'organisation
de l'espace.
Le format est particulièrement
maniable et agréable. La mise en
page intelligente stimule et faci-
lite la lecture, les documents pho-
togmphiques sont toujours d'une
grande qualité.
Trois nouveaux volumes consa-
crés à l'Orient viennent de paraî-
tre. Il ne peut être question ici de
les résumer, mais seulement d'en
évoquer rapidement l'intérêt.

La Chine
Le fil conducteur du livre rési-
de dans le fait qu'en Chine « l'es-
pace architectural se présente
comme une série de mondes clos,
complets, unités indépendantes,
de plus en plus petites, de la ville Pékin. La Cité
à la maison privée », et dont l'uni- interdite. Porte
té, assurée par une commune réfé- du palais de
la tranquillité
rence au macrocosme, est souli-
gnée par l'absence - paradoxale mort, à la sexualité et à la poé- Saintonge romane bles, de leur mise en pages, im-
pour l'occidental - de toute dif-
férence entre les édifices privés
ou publics, civils ou religieux.
L'opposition entre la perennité
des schémas ou programmes et la
sie », comme le note Pierre Ram-
bach, l'architecte traducteur de
l'ouvrage. Si l'on fait abstraction
de la précision et de la richesse
de l'exposé, l'origine de l'auteur
1 Collection «La Nuit des
temps»
Zodiaque éd.
possible alors que celle des
textes était parfaite. Mais il
n'était pourtant pas de ren-
contre avec l'art roman qui
ne me reliât à ces livres qui
précarité des édifices (voir le rôle . Ingrat, je m'étais lassé de m'y avaient initié.
suffirait à donner son prix à ce cètte «Nuit des temps» à Et me voici avec le trente-
du bois) est admirablement expo- livre, en un moment où les inter-
sée et introduit à une réflexion laquelle je devais pourtant troisième volume consacré à
prétations occidentales se multi- bon nombre de randonnées la Saintonge, paré me semble-
sur la dialectique de l'espace. La plient, d'un Japon qui finit par ferventes sur les routes roma- t-il des mêmes défauts;· mais
même perspective' conduit l'au- devenir mythique. nes. J'en conservais le souve- les nefs, les bas-côtés laissent
teur au cœur de l'opposition en- Les photographies sont égale- nir des courts textes de pré- cette fois la place aux chapi-
tre villes et jardins, maçonnerie ment dues à un Japonais, auteur sentation, évoquant avec une teaux et surtout aux façades
et charpenterie. de deux monumentales antholo- justesse d'émotion, de sensi- dont la sculpture d'une riches-
Les documents photographi- gies de l'architecture domestique bilité - de connaissance en se incroyable a substitué au
ques choisis par N. Bouvier pré- un mot - incomparables, la classement habituel par édifi-
japonaise. perfection de Saint-Benoit-sur- ces, un classement thémati-
sentent un intérêt exceptionnel.
Signalons en particulier les pho- Loire, la détresse de Saulieu, que. Etrange et mystérieuse
tos aériennes de Graf zu Casteil Angkor la grandiose austérité de Tour- luxuriance, dit Dom Angelico
Le monde fantastique d'Angkor nus, la sérénité de Serrabone, Surchamp que permet certes
de Munich qui ne permettent pas mais aussi de longues descrip- la pierre tendre de Saintonge,
a tant inspiré les éditeurs d'art
seulement le rapprochement tions, dénuées, elles, d'émo- mais dont l'inspiration serait
qu'il nous est plus familier que
d'une ferme et d'un palais, mais tion, d'une rigueur intransi- peut-être à chercher au-delà
les microcosmes chinois ou japo-
éclairent un aspect généralement geante qui déspiritualisaient des mers puisque déjà ont été
nais. Mais la perspective adoptée - que les bons pères me par- suggérées des influences possi-
méconnu de l'architecture, le pay-
par l'auteur est originale qui fait donnent - aussi sûrement bles des manuscrits irlandais
sage.
d'Angkor l'épitomé et le symbole que les restaurations du XIX' sur la sculpture saintongeaise.
de la civilisation khmère : l'ana- siècle, ces pierres que par ail- Quoi qu'il en soit, il est cer-
Le Japon lyse de seize édifices construits de leurs ils nous apprenaient à tain qu'on ne peut résister à
Ce livre offre la particularité 879 à 1250 permet de reconstituer aimer. cet inventaire, que l'envie
remarquable d'avoir été écrit le système de l'espace khmer à le me souvenais aussi des vous prend de partir sur le
pour le public ocidental par un son apogée, évoqué dans son rap-· photos souvent excellentes champ pour Saintes, Echil-
port avec les structures sociales mais dont le tirage hélio de lais, Saujon, Pérignac, Tal-
spécialiste japonais de l'a tradi-
Braun empouacrait les om- mont et tant d'autres monu-
tion architecturale japonaise. et technologiques (systèmes d'irri-
bres, des kyrielles juxtapo- ments signalés, désir si fort
Ce qui explique les développe- gation) de la production (agrico- sées de nefs, de bas-côtés qu'on en arrive à trouv.er
ments qu'il accorde à la mentalité le) de cette société. droits et gauches et des colo- mesquins les griefs que susci-
japonaise, « à l'évolution de l'atti- F. C. nies de chaises qui les peu- tent pourtant cette irrempla-
tude des Japonais face à la natu- (1) Titres déjà parusMonde grec, plent. le me souvenais aussi çable collection.
re, au bouddhisme, à la vie, à la Mexique ancien, Monde roman. de leurs légendes introuva- M.B.

La QulDzalne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 23


Livres
Entre décembre et la fête des Le petit bleu et le petit Jaune poétique. On regrette de trou- Petit Ours
Rois, nous avons tous un Uvre par Léo Lionni. ver Robert -Desnos en si bon- et Petit Ours en visite
d'enfant à choisir pour ms, m· L'école des loisirs. F. 14,80. ne compagnie... Else H. Minarik.
leul, neveu, ami. Par défaut de Un chef-d'œuvre. Je pense Illustrations Maurice Sendak.
mémoire, par Indifférence, nous que c'est le meilleur livre de L'extravagante expédition L'école des loisirs. F. 9,80.
l'année. L'illustration. moder- Beaumlnet Les charmantes histoires de
donnons souvent au hasard, alors ne, abstraite, rappelle, en Petit Ours servent de livre de
que pour un adulte nous entou· Molly Lefébure.
beaucoup plus gai! celle du Idéal-Bibliothèque lecture aux jeunes écoliers
rons notre choix de mille précau· « Petit Chaperon Rouge» édité Hachette. F. 7,90. américains. La tendresse et
tions. Pour un enfant, un livre par Maeght il y a cinq ans. Désopilant pastiche de Ki- l'humour du texte, le petit
est, comme le dit Isabelle Jan Gaieté, vitalité, chaleur des pling. Racontez-le : les chats côté "démodé» de l'image
(Essai sur la Uttérature enfan· sentiments, humour. suspense, alpinistes feront rire aux tar- rendent ces livres particuliè-
tine), l'acquisition d'un vocabu· rien n'y manque. mes, mais le texte est encore rement sécurisants pour l'en-
laire, mais encore plus, par le difficile pour de jeunes en- fant.
style comme par l'image, le moyen La pomme et le paplllon fants et paraîtra peut-être trop
qu'ont les enfants de «distan· et L'œuf et la poule. " bébé» après dix ans. JoseUto
par Iela et Enzo Mari. Albertine Deletaille
cier. le monde. Ils découvrent là
L'école des loisirs. F. 13,80 Bulle Albums du Père Castor
la poésie, l'humour, l'imagination Flammarion. F. 2,60
ou la méticulosité, la longue-vue Les premiers vraiment très René Fallet
beaux livres sans texte édités Denoël. F. 18. L'intégration des petits
ou le microscope : en tous cas étrangers dans l'école. Un bon
en France pour de jeunes en- Encore un livre à raconter.
un autre point de vue sur la vie Peu d'enfants s'enchantent sujet, à l'ordre du jour. "Jo-
fants. Excellents tous les
que celui qu'ils ont à partir du deux; je préfère pourtant d'un style précieux si l'histoi- selito répète tout bas : "A-mi,
milieu famiUal. "La pomme et le papillon ». re n'est pas racontée, immé- a·mi» le premier mot qu'il a
C'est dire que la lecture doit diatement dosée à l'intérêt appris dans son nouveau
être une découverte, et non un marqué. Mais la randonnée du pays."
ro~..-on. Méfiez·vous donc des
Barbapapa coquillage, des mers du Sud
Anette Tison et Talus Taylor aux falaises de Dieppe est La mère framboise
auteurs trop fertiles, des collec· L'école des loisirs. F. 12. Maurice Carème
tions trop abondantes, des thèmes pourtant bien amusante.
Repoussant P9ur les adul· H1ustrations Marie Wabbes
éculés qui anesthésient l'Imagina- tes, le monstre n'étonne pas Editions Le Sénevé. F. 9,60.
tion. Autant que des «mauvaises même les enfants. Il est gen- La vieille amie dans la forêt
lectures. Il faut protéger les en· til, il est drôle, affectueux et LIVRES JEUX était tout de même un peu
fants des lectures insignifiantes. de bonne volonté. Images et sorcière...
Leur Jeunesse les incline facile· texte sont bien accordés. Ici, les enfants n'ont besoin de
ment à la mièvrerie. Ils ont be- personne. Ils trouvent . leur plai- La leçon de silence
soin d'être encouragés pour ab- Jerlcan et Brindisi sir dans l'animation même du pro- Yvonne Meynier
sorber des lectures vigoureuses, Pascale Claude-Lafontaine cédé. Images Eric Kubis
mais une fois bien lancés, ils ne Tisné. F. 12,70. Hatier. F. 2,50.
Les Jerican sont gros. les Se taire, cela ne veut pas
risqueront pas de retomber en dire parler moins fort, mais
infantiHsme. Brindisi sont maigres, c'est A partir de cinq ans
l'histoire familière et bienveil- fermer sa bouche tout de
lante de deux modes de. vie bon... Alors on entend autre
Je connais les animaux chose : la pluie, la pendule, le
différents dans le même mi- Illustrations
LIVRES A RACONTER lieu social : ce que tout enfant vent dans les .volets...
Marie·Rose Lortet.
rencontre quand il est invité L'école des loisirs. F. 9,50.
ure ou raconter un Uvre à un chez son copain de classe. Raccorder le corps et les Monsieur le lièvre,
eofant, c'est l'une des meilleures pattes, c'est amusant et faci- youlez-yous m'aider?
maulèrés de l'initier au maule- k .., pas déjà si facile, avec Charlotte Zolotow
L'oiseau et le marin Illustrations M. Sendak
ment d'un livre. En Angleterre, en ces animaux tricotés, char-
Joël Stein. L'école des loisirs. F. 14,80.
Allemagne, entre «l'heure de se Editions du Sénevé. F. 8,50. mants, aux contours imprécis,
coucher. et «l'heure d'éteindre à la silhouette insolite. L'illustration est charman-
Une histoire d'amitié. Ima- te : un "Alice au pays des
la lumière., il Y a quelques minu- ges modernes, vigoureuses. merveilles " sans claustropho-
tes réservées par la mère à une Texte simple, poétique dans Tintin
(Le tem.ple du soleil . On a bie, mais, chose rare à ce
lecture, ou un commentaire de la manière de Supervielle. point de perfection, le texte
"Mais c'est mon marin!» marché sur la lune).
Um d'Images. Moment de dé- Hergé. . vaut encore mieux que l.'illus·
tente, d'apaisement, où l'ogre fera "Mais c'est mon oiseau! » tration.
G.P. F. 16.
rire, où le loup n'effraiera pas. Amusant et fragile. Pages à
Passé les Uvres d'Images, bien des Cache-cache couleurs malices et à surprises qui se Slmp, le boulet de canon
lectures plus difficiles. pourront Joël Stein. déplient, se soulèvent, se re· John Burningham.
être amorcées ~, et seront ter· Editions du Sénevé. F. 9. tournent, pour tous les en- Flammarion. F. 14.
m,inées et .refaites indéfiniment Le chat poursuit la souris fants uniques de 7 à ... ett. Dans la même collection
par l'enfant tout seul. de page en page, et la souris que "Borka l'oie sans plu-
saute d'une page à l'autre mes », l'histoire parfaite d'une
PREMIERES LECTURES petite chienne affreuse et af-
fectueuse.
A partir de quatre ans
A partir de sept ans A partir de sept ans Alexis dans la forêt Foly
Format du Uvre, papier, texte,
François-Régis Bastide.
illustrations, couleurs, typogra· A six ans on apprend à lire, à Images de Monica.
Premier Hvre de poésie
phie, tout compte, tout prend Gautier Languereau. F. 28,86. sept ans, on prend le goût de l'in· Casterman. F. 10.
fon:ede loi générale, quand on n'a Une belle anthologie, une dépendance. Il faut déjà une vraie Pour un lecteur déjà dé-
enëore rien vu. belle introduction au monde lecture mais encore très illustrée. gourdi : l'histoire d'un démé-

24
pour enfants
nagement dans une résidence regardé la lune maintenant,
de grande banlieue qui se nous y allons!
transforme en déménagement
à la campagne. Dans un ca- Demoiselle Libellule
dre sans fantaisie, le charme Albums du Père Castor.
et le bon sens enfantins redé- Flammarion. F. 2,90.
couvrent l'exotisme, la vieil- Aussi précis que Fabre, par-
lesse, la nature: un monde en faitement exact et parfaite-
relief. ment raconté.

Kit Carson, l'ami des Indiens


ROMANS George Fronval
Images Jean MarceHin
Fernand Nathan. F. 16,50.
L'un des passages difficiles Un pionnier de la tolérance
dans l'amour de la lecture est cer- et de la cohabitation pacifi-
tainement le saut du livre d'ima- que au début du XIX' siècle,
ges au roman proprement dit dans l'ouest américain.
(dont l'illustration est d'aillem-s
presque toujours décevante). Il A partir de neuf ans
faut suivre le fil d'une histoire
assez longue et ne plus être du Message de Noël
tout gêné par la technique même aux enfants de France
Charles de Gaulle
de la lecture. Si le passage se Plon. G.P. F. 18.
fait trop tôt, il rebute l'enfant et Le texte même du message
le rejette vers la bande dessinée. adressé par de Gaulle aux pe-
tits Français, le soir de Noël
A partir de huit ans 1941. On regrette la banalité
de l'illustration.
Le petit cornac
Willis Lindquist Pionniers du Cosmos
Nouvelle bibliothèque rose. Henri Thilliez
La pomme et le papillon (l'Ecole des loisirs) Bibliothèque Verte
Hachette. F. 4.
Un enfant part dans la forêt Haohette. F. 4.
birmane rattraper le grand Le club du samedi sent un succès sans défaut. L'histoire des premiers cos-
éléphant retourné à la sauva- Elizabeth Enright Ici deux aviateurs naufragés monautes russes et améri-
gerie. Bibliothèque internationale. au Finmark. cains. Assez technique pour
Fernand Nathan. F. 13,50. renseigner, assez vivant pour
La maison L'atmosphère chaleureuse et passionner.
des petits bonheurs décontractée d'une famille DOCUMENTS
Colette Vivier américaine. Seul le grand dé-
Collection mille épisodes. paysement du livre empêche Dès l'âge du livre d'images, les
La Farandole. F. 5,10. de le donner à lire plus tôt. pour les
enfants sont avides de renseigne-
Réédition d'un des meilleurs
ments techniques, de précisions collectionneurs
Colette Vivier d'avant-guerre.
Thème classique de la fratrie
A partir de douze ans et d'histoires vraies, Et là, un 'UNIFORME
technicien spécialiste de dix ans
temporairement privée de la
mère. Mésaventures assorties
Opération Oiseau Noir
Paul Berna peut recevoir un beau livre édité ET LES
et happy end. Rouge et Or Souveraine.
Ed. G.P. F. 8,10.
en principe pour les adultes
(exemple type : la chasse silen-
ARMES
(par Liliane et
A partir de neuf ans Un bidonville des environs cieuse de Holecek, chez Gründ, Fred Funcken)
de Paris. La vie des bandes recueil de superbes photos de la
d'enfants. Une description pré- 5 volumes parûs
Les voyageurs sans souci faune forestière d'Europe). chaque album: 22,5Q F
Marcelle Lerme-Walter cise de la misère et de l'insé-
curité, beaucoup de vitalité.
Bibliothèque internationale A partir de quatre ans
Fernand Nathan. F. 13,50.
Alerte sur le roc blanc Les beaux métiers
L'histoire fantaisiste et aler-
te de deux enfants qui reçoi-
vent des ailes et voyagent
MA Baudouy
Bibliothèque de l'Amitié.
de chaque jour
et La ronde joyeuse
casterman
comme les oiseaux. Un con- Hatier. F. 8,60. des métiers.
texte très précis, rien de flou. Sur la frontière franco-espa- Richard Scarry.
mais rien qui grince non plus : gnole, les isards vivent dans Hachette. F. 8.
c'est gai et léger. la réserve. Braconniers, chas- Drôle et d'une précision mé-
seurs d'image et gardes fores- ticuleuse. A regarder avec
tiers montent vers les hardes papa.
A partir de dix ans avec des cœurs plus ou moins
purs. A partir de sept ans
La grande peste de Londres
Rosemary Weir Au cœur du blizzard Les hommes regardent la lune
Collection Spirale. G.P. F. 4. Leif Hamre.. A.M. Cocagnac.
Le parfait roman historique Collection Plein Vent. Images B. Gilbert.
et la découverte de la campa- Robert Laffont F. 10. Editions du Cerf. F. 13,50.
gne et de la vie à la ferme par Depuis Jack London les his- Depuis toujours et dans
un petit londonien. toires du Grand Nord connais- tous les pays, les hommes ont

La QuInzaIne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 25


POLITIQUE
On demande
un Tocqueville
Les animaux et les saisons Jean-François Revel ne saurait accomplir un autre par- me auprès d'une nouvelle généra-
Marcelle Vérité Ni Marx ni Jésus. cours que celui de son programme, tion qui ne l'a pas éprouvé dans
Hachette. F. 25.
Un texte encore très simple,
mais un découpage de i'année
très intéressant pour l'enfant
observateur.
1 La nouvelle révolution mondiale
est commencée aux Etats-Unis
Laffont éd., 256 p.
de son projet ? C'est ici exactement
le point où l'on mesure le retard
des sciences sociales : on n'a pas
encore reconnu pour les formations
sociales cette « logique du vivant »
sa chair, enfonce les intellectuels
dans une malsaine hypocrisie; car
en le disant ou sans le dire, il n'en
est à peu près aucun qui puisse, ne
serait-ce que professionnellement,
A partir de onze ans Il faut donc tenir le livre de analysée par François Jacob et qui se passer de la référence américaine
Jean-François Revel pour un événe· fait qu'un lapin ne saurait devenir - référence, ce qui écarte aussi
'La chasse silencieuse ment: sans doute parce qu'il traite lui-même ni, en se reproduisant, bien l'éloge que le dénigrement
(déjà cité, F. 18). de l'Amérique avec bon sens, parce produire une carpe. Il est vrai qu'il systématique et signifie évaluation.
Les oiseaux du monde qu'il n'a pas reculé devant le devoir est bien plus consternant, en obser· Le propos central de Jean-Fran-
François de la Grance de marquer les évidences, parce vànt par exemple la logique du sys- çois Revel est donc clair : il sou-
et Antoine Reille. qu'il consent à examiner le réel en tème soviétique, d'admettre que ce
Fernand Nathan. haite dire que l'Amérique, c'est en
langue profane. système est ce qu'il est : doué de effet important. Mais comme ce
Mammifères sauvages Ce bon sens et ces évidences sont toutes sortes de capacités mais pas qu'on a jugé important parmi les
d~Europe en effet règles si peu communes de celle d'être « lihéralisable », que docteurs parisiens ces derniers hi-
Claus K6nig. qu'ils prennent comme un air de d'attendre le miracle (au sens fort) vers, c'était la révolution, il a
Hatier. F. 18,90. courage : l'auteur et son lecteur ont de sa rencontre avec la liberté. conduit son entreprise de manière
Trois livres pour zoologues le sentiment de traverser dangereu. La logique du système américain? à donner de surcroît à la riche Amé-
amateurs passionnés. sement un champ de mines et l'ou- On n'a pas de peine à découvrir le rique cette richesse suprême : por-
vrage mérite enfin, à l'issue du par· code avec lequel chacun ici sou· ter l'espérance révolutionnaire mon·
Les merveilles
de l'avion il réaction cours, le qualificatif suprême et su- haite le décrypter : l'impérialisme diale.
Yves de Bouard prêmement ridicule - démysti. est le concept unificateur qui, du Est-ce vraiment sérieux? N'est-il
Grand Livre d'Or. F. 22. fiant. En' tous cas, même si cette slogan de la pratique politique quo- pas un peu décourageant d'être
F.22. démystification-là est un peu trop tidienne aux produits plus sophisti. contraint d'aborder un vaste sujet
Editions des deux coqs d'or. fûtée, elle a du moins une incontes- qués de la pratique universitaire, sous un angle aussi paradoxal, ou
Clair et bien documenté. table vertu hilarante : le chapitre fonde en théorie et organise la même purement verbàl : car, après
sur l'anti-américanisme béat de no- connaissance européenne de l'Amé· expulsion du politique, tout se joue
A partir de treize ans tre intelligentsia est, au cœur du rique. Malheureusement le concept sur une dévaluation ou une torsion
'Marco Polo, livre, un merveilleux condensé des d'impérialisme - malgré l'intérêt du mot révolution.
le livre des merveilles vues qui s'échangent dans les dîners que lui témoignent les éditeurs - Révolution, pas changement : de
Editions la Farandole. F. 20. parisiens entre quadragénaires obs- verse de plus en plus du côté de la celui-ci l'Amérique est coutumière
L'histoire de l'explorateur, tinément progressistes chacun vertu dormitive de l'opium: ce thè- si elle n'est pas coutumière de celle-
illustrée des miniatures ori- d'eux sachant que se faire inviter me-clef, au cœur de la pensée poli. là.
ginales du «Livre des Mer- dans une des institutions universi· tique contemporaine, est l'un des
veilles ». Certes un ( milieu intellectuel
taires du (( complexe militaro-indus- plus obscurément polymorphes. Cer- de nouveau style» (2) a depuis le
triel» ne peut le faire accuser de tes, dès son apparition, au début de milieu des années 60 surgi, s'est
Piéton d'espace
Alexei Leonov complicité avec l'impérialisme amé· ce siècle, il a souffert de grandes cristallisé et érigé jusqu'à un cer-
Stock. F. 25,10. ricain à condition bien entendu que incertitudes: mais enfin il fut l'ob- tain point en contre-communauté :
Le récit par Leonov des pre- cette institution soit suffisamment jet d'investigations ambitieuses - il de New Yort, où depuis le début du
miers voyages dans l'espace prestigieuse et qu'il fasse aussi en· faut d'ailleurs être reconnaissant à siècle il n'a jamais cessé de se re-
des cos'monautes russes. tendre les misères et les affres sur· Yvon Bourdet et Marcel Ollivier nouveler dans une version tantôt
montées pour obtenir le visa. d'avoir mis très récemment à notre plus autochtone, tantôt plus tribu-
Après douze ans, après treize Quelle est donc la thèse de Jean- disposition la traduction des grandes taire du foyer européen, il a essaimé
ans... il faut lire autre chose que Fran~ois Revel? Que l'Amérique œuves de Rosa Luxemburg et et s'est succursalisé à Boston, Chi·
des llvres pour enfants. Ce qui se est la seule société qui ne soit 'pas d'Hilferding (1). Rien de tel depuis. cago et naturellement en Californie
passera tout naturellement si l 'ha- aujourd'hui une société bloquée. Il faudrait au demeurant démon. avec des haltes provinciales comme
'bltude a été prise tôt de Ure les Car société bloquée, l'Union Sovié· trer que même circonscrit, défini, Madison. Il s'est ainsi constitué en
textes originaux des auteurs et tique. Société bloquée, l'Europe oc- rendu opératoire, le concept d'impé- réseau physique à l'échelle nationa-
non des boulllles prédigérées. Il cidentale et singulièrement la Fran- rialisme suffise à décoder le phéno- le, relié par l'avion, les caravanes de
faut lire Perrault dans le texte ce. Société bloquée, le Tiers Monde. mène américain. Démontrer encore cars convergeant à l'occasion des
pour y trouve.r le charme, et les Bien entendu, comme toutes les que le concept d'innovation par grandes démonstrations inter-régio-
contes d'Andersen dès neuf ans expressions qui ont fait fortune, exemple ne conduit pas à une ana- nales, la circulation des pétitions
dans l'édition du Mercure de cette expression de société bloquée lyse plus pertinente et englobante : pour ou contre les incidences concrè·
France (F.72), et« Tom Sawyer ... a perdu sa «relevance »originelle car enfin il y a maintenant deux tes qu'appellent les quatre thèmes
et «Le llvre de la jungle... sans et désigne maintenant n'importe siècles que le Nouveau Monde s'est majeurs de la guerre, du racisme,
mutilations (Mercure de France, quoi : quand Stanley Hoffmann, le imposé comme tel. Or nouveau, il de l'émancipation féminine et de
encore) et il dix ans «les Letres premier, avança de manière perti. l'est toujours. Cette créativité, cette l'environnement. Son assise sociale
de mon moulln ..., à onze «les nente la formule, il parlait de la immaturité préservée, cette réserve massivement «académique» est
Trois mo~uetalres... (Gautier' France des années 50, et de la so- d'énergie, quels en sont les facteurs, néanmoins plus différenciée qu'il
Languereau, F. 25 et F. 30). Alors èiété politique. les assises, les canaux, le coût, les ne semble grâce à l'apport - ou la
vers treize ans on Dra très natu· Aujourd'hui, tout est bloqué. Car produits? neutralité active - des «milieux
rellement «L'enfant de la haute on ne vieillit plus. Quoiqu'on finisse La frénésie des pédagogues de d'affaires para-intellectuels» de ré-
mer ... et « Guerre et Paix ..., quitte par m o u r i r . ' l'Enfer s'affairant à substituer les dition, la publicité, les mass-media,
a les relire plus tard, et à y décou- Bloquée, l'Union Soviétique, par· Etats-Unis à l'Allemagne hitlérien· certains cadres de gestion sophisti.
vrir des profondeurs inaperçues. ce qu'elle persiste dans son être? ne, outre qu'elle dédouane à bon quée, etc. Une sensibilité commune
. Marle-José Leplcard Bloqué. le Tiers Monde, parce qu'il compte et dangereusement le nazis. que diffusent le charter et le paper-

26
Le printemps
de l 'Amérique
- c John en est à C.2, mais dispense sous forme de pollution,
Margaret est vraiment à C.3" Tel etc.), l'essentiel de la thèse repose
est le genre de réflexion que l'on sur une distinction entre les trois
peut entendre aujourd'hui aux états de conscience (<< Conscious-
Etats-Unis, depuis que Charles ness" 1, 2, et 3) qu'aurait traver-
Reich a publié dans le numéro du sés l'Amérique depuis la Déclara-
New Yorker du 26 septembre der- tion d'Indépendance.
nier un volumineux article présen- Remarquons, avant d'aller plus
té sur 80 pages (dont 50 % de loin, qu'il est très difficile de tra-
publicité) sous un titre modeste, duire exactement en un seul mot
comme c'est toujours le cas dans français tout ce que l'auteur en-
ce magazine spirituel et sophisti- tend par «consciousness". SI
qué : « Reflections : The Greening nous interprétons correctement sa
of America". Le nom de l'auteur pensée, c'est un état de conscience
- fort inconnu alors - ne figurait - ou plus fréquemment de fausse
qu'au bas de la dernière colonne, conscience - qui permet aux hom-.
en petits caractères; il était suivi mes d'organiser le monde autour
d'une citation humoristique sans d'eux, et en même temps de justi-
lien apparent avec l'étude anté- fier l'organisation existante, «la
rieure et tirée des petites annon- configuration mentale qui informe
ces; les dessins, pas toujours en chaque individu sa perception
drôles, qui accompagnaient le texte globale de la réalité ".

back, une commune symbolique du parences : or l'année américaine


corps - domaine où la rupture est 1970 a été finalement marquée par Selon Charles Reich, l'Amérique aurait traversé trois
la plus franche et souveraine - un un indiscutable recul des facteurs
objectifs de tension et de polarisa-
états de conscience depuis la Déclaration d'Indépen-·
langagè commun où les mots le cè-
dent en force au rythme et aux ima- tion aux extrêmes, par le passage dance. Le troisième est celui qui préside à la révolution
ges - la musique et le cinéma ré- lent de la haute conjoncture (poli- actuelle. Les Américains s'arrachent un livre qui les
pondant plus aisément que la litté- tique) de la fin des années 60 à une passionne.
rature à des exigences œcuméni- conjoncture plus basse. Le relatif
ques - telles sont les rubriques à échec de la stratégie Nixon aux
établir pour un inventaire sans sur- dernières élections de novembre est
prise. précisément lié au fait que la basse ne s'y ·rapportaient absolument pas. c Consciousness 1" est celle du

Mais de là à la révolution, la dis- conjoncture politique de l'automne C'est de cette façon très discrè- pionnier, de l'homme des petites
tance est encore grande. Sensibilité (plus basse que ce qui avait été pré- tement anglo-saxonne qu'ont été villes qui, au Xlxe siècle notam-
commune? Oui. Contre-culture? vu à la veille des vacances estivales) jetées sur le marché des idées les ment, avait l'habitude des rapports
C'est déjà plus contestable (3) : les rendait inutile la rupture des loyau- thèses de ce juriste obscur dont directs entre individus. Elle met en
attitudes et les produits de ce milieu tés partisanes· traditionnelles : l'ex- toute l'Amérique discute, depuis valeur les qualités subjectives, la
sont-ils déjà suffisamment élaborés, trême stahilité de l'électorat améri- lors, avec passion. Le numéro du réussite personnelle. les vertus de
complexes, diversifiés et stables pour cain, la faible probabilité d'un quel- New Yorker est introuvable. Le li- caractère. Elle glorifie l'effort et le
mériter le statut culturel et ne sont- conque réalignement électoral me- vre dont l'article était extrait a travail - voire la répression exer-
ils pas encore constamment mena- sure, au plan politique et compte paru sous la bannière de Random cée par la société, à titre dérivé -
cés de retomber dans le purgatoire tenu de la logique du système poli- House le 28 octobre mais le tirage mais exalte l'innocence première
folklorique? Si même on admet tique américain, la faiblesse de la était si faible que l'ouvrage a dis- de l'Adam américain.
qu'il y ait contre-culture, comment pression qui s'exerce à son encon- paru des rayons en quelques heu· Cet état de conscience devait
s'assurer qu'elle ne glisse vite à la tre et dans la perspective de le dé- res et les 100000 exemplaires tirés favoriser naturellement les abus du
situation de subculture par le procès truire. Il serait utile de le dire clai· ensuite n'ont pas été prêts avant capitalisme de la jungle en même
de ce qu'on appelle plus pittoresque- rement : cela aiderait au vrai débat la fin du mois de novembre, de temps que le développement indus-
ment récupération ? Et si même on dont une récente livraison de la Nef sorte que le titre dont on parlait le triel.
voit comment maintenir la contre- a formulé le libellé: les Etats-Unis plus figurait péniblement à l'avant- c Consciousness 2 ", le deuxième
culture dans son extériorité agressi- comme champ d'expérience de l'Eu- demier rang de la liste des best· état de conscience, était issu des
ve et désagrégative de l'autre, a-t- rope. sellers jusqu'au début de décem- carastrophes engendrées par l'état·
elle pour autant déjà engendré une Annie Kriegel bre. Encore s'agissait-il de la liste précédent : la liberté excessive
idéologie, indispensahle médiatrice. (1) Cf Rosa Luxemburg. L'accu- spéciale des ouvrages de • non- laissée aux Individus avait donné
de l'organisation révolutionnaire? mulation du capital. Trad. et prés. fiction ". liéu à une foire d'empoigne écono- .
.d'Irène Petit. Paris, Maspero, 1967 - Ou'y a-t-il donc dans cet essai qui
Enfin si même idéologie il y avait Hilferding. Le capital financier. Etu- mique d'où étaient résultés un gâ-
- impliquant dQDC un degré de de sur le développement récent du passionne tant de monde? Si l'on chis des ressources nationales et
systémat~tion et une homogénéité capitalisme. Traduit par Marcel Ol- fait abstraction de quelques formu- une crise économique de première
conceptuelle très élevés, ce. qui à livier. Préface d'Yvon Bourdet. Pa- les de combat destinées surtout à grandeur. La «Consciousness 2"
ris, Ed. de Minuit, 1970.
coup sûr n'est pas, - il faudrait en- (2) Aristide R. Zolberg. c La fran- appâter la galerie et qui ne figu- fut structurée par le New Deal de
core que l'organisation révolution- cisation de l'Amérique "'. La nef, nu- raient même pas dans les extraits Roosevelt et l'intervention de
naire ait la chance de rencontrer méro 40 (Les Etats-Unis champ d'ex- du New Yorker (Notre pays fait l'Etat dans tous les domaines. Elle
une situation révolutionnaire, indé- périence de l'Europe), juin-sept. commerce de la mort; non pas faisait porter l'accent sur le sacri-
1970.
pendante d'elle, quasi incréahle par (3) Cf Theodore Roszak. Vers une seulement celle qu'il vend à l'étran- fice nécessaire de l'intérêt indivi-
artifice et qui ne se suffit pas d'ap- contre-culture (Stock). ger mais aussi celle qu'il nous duel à l'intérêt collectif.

La QuInzaJne Utt6:alre, du 16 au 31 décembre 1970 27


~ Le printemps de l'Amérique

#'~~
La volx de cette nouvelle cons- de celui qui les porte, etc.
cience souffle à l'oreille du citoyen
qu'il lui faut se soumettre aux ins-
Si le vêtement permet de remem-
brer l'homme en son unité, la mu-
DE 20 010 DE REMISE·
titutions. Bien qu'elle soit • libé- sique nouvelle lui permet de s'ex-
primer, et la sécession par rap-
#v~
o~ ~./ OFFRE VALABLE JUSQU'AU 15-1-1970
-
rale - elle porte en elle de tels
germes de répression qu'elle a
conduit, au cours des années 60 à
port à la société existante est en
train de faire crouler la Firme-Etat,
~&~
~<i; A nos lecteurs,
ce que Reich appelle le • Corporate au nom du droit de chacun à sa ~
State - - qu'il faut bien se résou- propre responsabilité (attitude qui
La «Quinzaine Littéraire)) vous suggère, à l'occasion des
dre à traduire par la • Firme-Etat -, s'est développée parmi Jes jeunes
fêtes de fin d'année, une idée de cadeau.
encore que l'on ait besoin d'expli- Américains à l'occasion de la guer-
Notre proposition vous permet de faire parvenir pendant
citer ce concept capital pour l'au- re du Vietnam, selon l'auteur). Au
un an (ou six mois) la cc Quinzaine Littéraire ))' à des amis de
teur : selon lui, l'Etat est désor- nom du droit à la libre affirmation
votre choix. Le premier numéro de l'abonnement sera envoyé
mais géré comme une gigantesque de chacun, la nouvelle génération
sous bande personnalisée informant le bénéficiaire que c'est un
firme commerciale et industrielle qui pratique la • Consciousness 3 -
est en train de faire triompher
cadeau qui lui est fait de votre part. Vous pouvez vous-même
(du même type que la General Mo-
une révolution sans précédent que
-bénéficier du tarif particulier de cet abonnement.
tors), à laquelle se trouvent inté-
grés comme dans une • Corpora- permet d'aUieurs la technologie
tion - toutes les institutions socia- moderne, pour la première fois de
les, les fondations philantropiques- l'Histoire, en apportant la solution Je, nom , désire abonner, nom .' .
au même titre que le gouverne- au problème matériel de la subsis-
ment, l'enseignement comme l'ar- tance et une réplique au mythe de rue , pour 1 an F. 45 , rue .
mée. De même que dans une firme la malédiction d'Adam.
privée, l'intérêt de l'entreprise pri- Quoi qu'il en soit de la valeur de ville , départ. .., pour 6 mois F 25 , ville ........ , dépt ..
m~ celui des individus qui la com- ces thèses sommairement résu-
posent et qui ne sont que des sala- mées ici, le fait est que tout un Je joins mon règlement par chèque bancaire, chèque postal
riés. chacun aux Etats-Unis se voit défi- ou mandat-lettre à l'ordre de la • Quinzaine Littéraire ., 43, rue
nir en fonction de son état de du Temple - Paris-IVe.
conscience actuel (on dit C.1, C.2,
La Firme-Etat n'appartient à per-
C.3 sans préciser davantage). La
sonne, elle dicte son intérêt à tous.
critique est aisée. Il est facile de
Certes, d'aucuns y trouvent aussi
considérer l'œuvre de Reich com-
leur intérêt propre et à des degrés
divers tous les citoyens américains,
pourrait-on dire, en touchent les di-
me un ramassis d'affirmations sans
démonstrations, de phrases à l'em-
porte-pièce, de formules de choc,
SPARTACUS
videndes, mais elle s'impose sans Cahiers mensuels . Dernières publications
voire de lieux communs. Mais com-
discrimination, exproprie même Karl Marx: Textes (1842·1847)
ment alors éluder le problème que
chacun de sa personnalité tout en Critique de la philosophie du Droit de Hegel. La censure Prus-
pose le branle-bas ainsi provoqué? sienne. ta critique moralisante etc. (12B p. 7,SO F).
prônant la propriété privée (on de-
vient le concessionnaire Ford, le Reste à préciser que l'auteur. Marx et Engels: Textes sur l'Organisation.
diplômé de Yale, l'ingénieur de pour ignoré qu'il ait été jusqu'à ce Sur l'histoire de la Ligue des Communistes. Les prétendues
jour, n'est rien moins que négligea- scissions de l"Internationale. La révolution en permanence etc.
Boeing), nul ne possède plus le ciel (12B p. 7,SO F).
au-dessus de sa tête concédé à ble. A quarante-deux ans, il est
aujourd'hui professeur de droit à Jean Barrué: L'Anarchisme aujourd'hui.
une compagnie aérienne, ni le
Yale. Après des études brillantes Bakounine: La réaction en Allemagne (inédit - 104 p. 6 F).
droit de s'habiller à sa guise (en
hippie par exemple) s'il veut con- dans cette université célèbre, il se Jean-Jacques: Luttes sociales, grèves sous l'ancien régime (144 p.
voyait confier d'abord la direction 4,SO F). .
server un emploi. L'homme de
du journal de droit de la Faculté, Anton Pannekoek: Lénine Philosophe. Préface de P. Mattick. Remar-
l'organisation y est réduit à son ques, critiques de K. Korsch (12B p. 7,SO F).
complet gris qu'il doit retirer en puis un poste de stagiaire auprès
d'un juge à la Cour Suprême dont Léon Trotzki: Rapport de la délégation sibérienne (1903). Naissance
rentrant pour se sentir de nouveau du bolchévisme (96 p. 6 F).
un être humain, vivre en famille, il devenait le confident. Bientôt, il
quittait le secteur public pour en- Rappel des récentes publications:
tondre sa pelouse (dans des pays
trer dans une firme de Wall Street; Maurice Dommanget: Babeuf et la Conjuration des Egaux (BO p. S F).
autres que les Etats-Unis, le re-
cours du gazon lui serait refusé). de là il se rendait à Washington Karl Kautsky: Les trois sources du marxisme (64 p. 4 F).
La ~ Consciousness 3 • est celle où il appartenait à un des plus Louise Kautsky: Mon amie Rosa Luxembourg (96 p. 6 F).
qui préside à la révolution actuel- grands cabinets d'avocats des R. Luxembourg-Mehrjng: Grèves sauvages. Spontanéité des masses.
le. Charles Reich consacre des pa- Etats-Unis, chargé de régler à (Belgique 1902-1913 - S2 p. 4 F).
ges brillantes au vêtement adopté l'amiable les affaires les plus déli- Herman Gorter: Réponse à Lénine (La ma'iadie infantile du Com-
cates entre les grosses firmes et munisme). (112 p. 4F).
par la jeunesse contemporaine -
le gouvernement; enfin, lassé de Ida Mett: Le Paysan russe dans la Révolution et la post-révolution
des effets qui révèlent le corps en (nu servage à l'esclavage (BO p. S F).
lui conférant souplesse et grâce; ces 'jeux, il regagnait Yale où le
réclamait le corps des professeurs. Riazanov-Engels-Luxemburg: La confession de Karl Marx (32 p. 3 F).
qui servent à toutes les circons-
Il a mis cinq ans à écrire son livre Alain -Guilherm: Le Luxembourgisme aujourd'hui (64 p. 4 F).
tances de la vie des jeunes car on
dont il a déchiré trois versions suc- Lénine: Lettre ouverte à Boris Souvarine (32 p. 2 F).
peut les garder pour travailler,
dormir, se rouler par terre, voya- cessives. A noter: Reich se récla- Abonnements: 3S F. Adr. à J. Lefeuvre S, rue Ste-Croix-de-Ia-Bretonne-
me de Marcuse, ce qui ne fait aucun rie, Paris S'.
ger, danser; qui, sous l'apparence
plaisir à ce dernier. Dépôt Librairie • ta Viei'ile Taupe. 1, rue des 'Fossés-Saint-Jacques,
du déguisement le plus fantaisiste, Paris S'. Conditions habituelles aux libraires.
révèlent la personnalité prOfonde Marc Saporta

28
HISTOIRE
Points de vue sur
la Révolution française
Claude Mazauric On en prendra volontiers acte.
Sur la Révolution française. Mais certaines approches dans son

1 Contribution à l'histoire
de la révolution bourgeoise
Editions sociales, 240 p.

Alice Gérard
déroulement, sont-elles si évidem·
ment réactionnaires - et si fran-
chement éloignées des propositions
de recherche des historiens marxis-
tes eux-mêmes? D'autre part, la
La Révolution française, polémique historique, dans son
mythes et interprétations plein droit de cité, doit prendre la

1 (1789-1970)
Coll. « Questions d'Histoire »
Flammarion éd., 140 p.

François Furet et Denis Richet


responsabilité de ne jamais dévier
vers le règlement de comptes pero
sonnels.
D'abord, l'histoire de la Révolu-
tion se porte-t-elle mal? Un petit

1 .La Révolution française, 2 tomes


Hachette. Réalités éd.
livre bien fait d'Alice Gérard: La
Révolution française, mythes et in-
terprétations (1789.1970), qui vient
Albert Soboul de prendre place dans la collection
La civilisation (1 Questions d'Histoire» dirigée avec

1 et la Révolution française
Coll. « Les grandes civilisations »
Arthaud éd., 634 p.

Charles Tilly
succès, chez Flammarion, par Marc
Ferro, nous inclinerait plutôt à l'op-
timisme... Nous renvoyons ici à ses
pages 107-132, consacrées aux
(1 controverses actuelles» (1945.
La Vendée, Révolution 1970).

1 et Contre-Révolution
Coll. « L'histoire sans frontières »)
Fayard éd., 386 p.
Certes, Alice Gérard reconnaît
d'entrée de jeu que l( l'historiogra-
phie révolutionnaire a marché ail
même rythme que l'histoire généra.
le depuis la fin de la deuxième
~'­
Le roi est mort... Vive la nation
(Albert Soboul) ; si elle « mérite de
conserver une pOsition privilégiée
déplaçant pour un temps au moins
l'attention vers sa préhistoire et vers
« On ne peut celer la défaveur guerre mondiale : la guerre froide, dàns le champ d'investigation des sa postérité. Pour ma part, la lecture
qui, depuis quelque temps déjà, les divers schismes communistes, historiens », c'est à la fois qu'une des révolutions qui tour à tour
s'attache, dans les milieux d'histo- ont retenti sur elle» (p. 107). Elle bonne connaissance « de ce moment s'épaulent et s'affrontent en France
riens, à l'époque de la Révolution rappelle que l'histoire marxiste- particulier. de l'histoire nationale » de 1787 au coup d'Etat de Brumai-
française ». Ainsi Albert Soboul léniniste, Il la plus conquérante », a est indispensable à la formation re ne m'a jamais paru mieux s'éclai-
ouvre-t-ill'avant-propos qu'il a écrit eu à lutter contre l'interprétation d'élites qualifiées pour diriger la rer qu'au retour de longues ,:lxplo-
pour le recueil récemment puhlié marxiste libertaire de la Révolution France contemporaine, et parce que, rations dans l'Ancien Régime ou
par Claude Mazauric aux Editions (Daniel Guérin), et contre Il le révi· d'un point de vue théorique, « la· dans le XIX· siècle. Qu'on pardonne
sociales, sous le titre : Sur la Révo- sionnisme libéral ou néo-libéral », recherche des voies de la révolution à un historien qui n'est pas un mili-
lution française. Contributions à courant auquel elle rattache d'ail· socialiste» devrait « réveiller le tant politique d'apercevoir toute la
l'histoire de la révolution bourgeoi- leurs - et nous retombons en plei- désir des historiens de connaître richesse de la Révolution française,
se. Mieux encore, ou pire : certains ne polémique! - la Révolution les chemins suivis par les révolu- d'un point de vue (étroitement ?)
s'efforceraient « de remettre en française de François Furet et Denis tions bourgeoises » - et particuliè- scientifique, à la fois comme révéla·
cause l'acquis de plus d'un demi- Richet. Passons sur un tel rattache- remnt par « la Révolution françai- teur des clivages multiples d'une
siècles d'historiographie révolution- ment, qui paraît introduire l'effort se en tant que mouvement le plus très vieille société, trop différenciée
naire, de Jean Jaurès à Georges de réflexion de Furet et de Richet spectaculaire et forme la plus ache- pour ne pas craquer et ne pas reje-
Lefebvre ». comme en appendice aux fausses vée d'une révolution bourgeoise et ter ses anciens principes d'unité, et
Si, effectivement, des démolis- fenêtres inventées par l'historien démocratique» (Claude Mazauric). comme collection inépuisable de
seurs entreprenaient, par haine ou américain R. R. Palmer pour les Or, pour ceux qui , en France ou projets politiques et sociaux livrés,
par incompétence, de nier l'immen- besoins de sa révolution « atlanti- à l'étranger, n'envisagent pas seule- non sans désordre, à un XIX· siècle·
se valeur réflexive, méthodologique, que », ou aux paradoxes et aux acro- ment l'histoire de la Révolution tout occupé à perfectionner des es-
scientifique et humaine des travaux baties de l'historien britannique française comme une célébration pa· quisses, à recueillir des mythes, et
de Jaurès et de Lefebvre, je serais A. Cobban; rapprochement peut- triotique ou comme un arsenal pour à fourbir des armes pour de nou-
des premiers à envoyer ma signature être involontaire mais certainement les luttes idéologiques quotidiennes velles révoltes - ou de nouvelles
à un hypothétique comité de défen- abusif (p. llO). Et lisez plutôt et la consolidation des théories du répressions. Qu'on m'excuse, aussi,
se. Mais en sommes-nous là, et (p. ll4 et suivantes) le réconfor- matérialisme historique, le point de de croire, avec quelque attachement
l'opportunité commande-t-elle, vrai- tant tour d'horizon, l'inventaire vue, surtout dans les vingt derniè- excessif, sans doute, à un archaïsme
ment, de relancer l'histoire de la systématique qui montre, à propos res années, a été évidemment· diffé- de l'observation expérimentale, que
Révolution par les voies de la po- du problème des origines comme rent. Ce n'est pas, semble-t-il, faire les analyses historiques sont faites
lémique et de l'affrontement idéo- de celui du dynamisme interne de injure à la Révolution française, pour affiner les théories, et non pas
logique, comme le suggère expres- la Révolution, l'ouverture de multi· « notre mère à tous », et la mère des pour couler un nouveau béton par·
sément Claude Mazauric ? « Il est pIes chantiers. révolutions modernes, ce n'est pas dessus des forteresses.
admis que les historiens de la Révo- Mais c'est peut-être bien là que lui dénier son effet de choc, l'im· Au reste, pourquoi perdre son
lution ont l'humeur combative », s'insinue un premier malentendu. portance de ses ruptures, l'irréversi- sang-froid ? Le premier tome de la
nous dit-il; et d'affirmer la néces- Pour les marxistes orthodoxes, bilité de ses impulsions, ni son ca- Civilisation et la Révolution fran-
.sité « d'une défense et illustration (1 l'histoire de la Révolution s'ins- ractère de césure majeure dans no- çaise, écrit par Albert Soboul pour
des thèses matérialistes classiques crit dans le temps court» et « doit tre histoire nationale, que de vou· Arthaud et sa collection « Les gran·
sur la Révolution française ». être ·d'abord sociale et politique» loir en améliorer l'intelligibilité en des civilisations », se présente bien

La Qllinzaine UtUnlre, du 16 au 31 décembre 1970 29


~ La Révolution française

- il est vrai qu'il nous arrête aux Mais aussi en montrant, d'après sait par une stratification horizon- et à travers laquelle les hommes des
portes de la Révolution elle-même des travaux récents, que « l'argent tale dont l'argent était le seul cri- Lumières ont pu osciller de l'espoir
- comme un essai prudent de syn- joue un rôle de plus en plus grand, tère » (p.282). La récente thèse de d'un arbitrage appuyé sur l'existen-
thèse sur Il la crise de l'Ancien Ré- pour le noble, tout au cours du Jean Sentou (Fortunes et groupes ce de la bourgeoisie la plus puissante
gime ». On connait la structure ha- XVIIIe siècle» (p. 227), que des sociaux à Touloltse sous la Révolu- du continent, à la résignation d'un
bituelle des volumes de la collection aristocrates s'occupent d'affaires fi- tion) atfire l'attention sur le fait recours à la révolution dont ils
Arthaud dans un volume de plus de nancières, maritimes, industrielles qu'à ce processus osmotique s'est étaient conscients de ne pouvoir
de six cents pages, cent trente envi- (p. 228), qu'ils entrent « dans le substituée à la fin du XVIIIe siècle, maîtriser tous les prolongements;
ron sont occupés par des tableaux mouvement de l'économie capitalis. dans une ville parlementaire telle 2) sur l'importance idéale de ces
chronologiques et un copieux index te » (p. 229), en petit nombre sans que celle qu'il a étudiée, une nou- solutions Il en pointillé» souhaitées
·documentaire ; l'illustration est doute, mais aussi, souvent, avec velle barrière de caste, et que les par les tenants d'une Révolution li-
groupée, tout au long du livre, en quelle puissance de capitaux mobi- effets de ce.tte substitution ont été bérale et modérée, qui se sont peu
cahiers accompagnés de notices. liers ! proprement révolutionnaires. à peu dégradées au contact de la
L'iconographie, techniquement bon- Certes, le rôle de l'aristocratie Toutefois, notre sentiment est le réalité révolutionnaire et de la pra-
ne, est fort bien choisie et les noti- dans l'évolution économique et so- suivant. Au niveau des élites tique politique, mais qui conservent
ces sont abondantes et remarquable- ciale de la France reste profondé- concurrentes - aristocratie d'une toute leur valeur comme fils
ment informées. C'est faire injustice ment ambigu et, pour dire vrai, in- part, bourgeoisie .riche de l'autre, conducteurs pour l'historien.
aux autres séries que de signaler, suffisamment cerné. Les écarts se désireuse de récolter les fruits de sa Au-delà, j'ai déjà dit que je ne
par exemple, le joli choix des rési- creusent, à l'intérieur d'une nobles- richesse sur le plan du prestige so- partageais pas toutes leurs interpré-
dences aristocratiques (pages 232 à se qui s'enrichit, entre une petite cial et du rôle politique - le conflit tations, dans un article des Anna-
236). Quant au texte, on sent der- noblesse campagnarde fidèle à l'idée n'était sans doute pas d'une acuité les auxquelles des amateurs de la
rière sa solidité charpentée l'expé- d'un monopole des carrières mili- insurmontable. Les événements de petite histoire des polémiques, s'ils
rience déjà longue du professeur taires et sensible à son appauvrisse- 1789 ont, sous la pression populaire, en avaient le loisir, pourraient se
des Universités de Clermont-Fer- ment relatif, passionnément atta- précipité une opération chirurgicale reporter. Mais je ne pense pas, tous
rand et de Paris, et l'information chée à la défense des droits et des qu'une cicatrisation aurait pu, théo- comptes faits, que leur liv,.-e soit
toujours tenue à jour de l'anima- privilèges, et une « noblesse d'af· riquement, suivre. L'aristocratie animé d'une vindicte à l'égard du
teur des Annales historiques de la faires », souvent liée aux élites ad- pouvait surmonter le sacrifice de populaire qui exige que l'on déter-
Révolution française et de la Socié- ministratives éclairées, immensé- l'égalité d'accès aux emplois, et le re la hache de guerre. Combien il
té des Etudes robespierristes - le ment riche et d'où sont parties bien rachat des droits seigneuriaux est regrettable que nous ne puissions
tout, communiqué dans un style des initiatives de progrès économi- comme le remboursement des offi- faire parler les morts! Peut-être
aisé, parfois incisif, qui convient que. Ambiguïté d'une aristocratie ces pouvait, dans l'hypothèse d'un alors, comme dans les confidences
certes - réserve faite de l'austérité qui, si elle a participé aux hardies- déroulement régulier et d'une stabi- des plus grands chefs révolution-
de nos sujets, à nous historiens - à ses des entreprises nouvelles, n'en lité monétaire, se muer en opération naires· du XXe siècle, saisirions-
la lecture par un public assez large. incarne pas moins avant tout un profitable. Le désir intense de la nous, dans la bouche des ombres du
Pour être aéré, le livre n'en est mode de vie prestigieux fondé sur bourgeoisie disposant de capitaux Comité de Salut Public, des propos
pas moins compact, et surtout il la possession de seigneuries et la de s'approprier de nouvelles terres assez désabusés pour faire paraître
soulève, par l'ampleur des sujets consommation d'une rente foncière trouvait sa satisfaction dans la spo- ceux de Furet et de Richet plus lu-
traités, un maelstrom de problèmes. en hausse constante. Et c'est la do- liation allègrement acceptée par cides que pessimistes.
Aussi, la Quinzaine littéraire n'étant mination sociale de ce « modèle » tous du clergé, et ne lésait pas l'aris- Ceci dit, il faut revenir au livre
pas la Revue historique, choisirons- qui confère à son tour aux compor- tocratie. de Claude Mazauric. Car il fait
nous d'accrocher la discussion tements de la bourgeoisie - et de la Ce schéma théorique s'est trouvé succéder, à une première partie
non point sur l'épaisse première par- Révolution bourgeoise - ses pro- infiniment dépassé par la révolu- d'Il Essais critiques» dont la ver-
«(
tie La Terre et les Paysans»)~ non pres ambiguïtés. tion permanente qui s'est installée ve est indéniable, une seconde par-
plus que sur la dernière «( Le Qua- Jusque-là, en effet, et Albert So- dans les campagnes, et bientôt par tie de Il Contributions» dont la
trième Etat»), mais sur les deux boul inscrit bien la question en fili· les mesures de rigueur prises contre qualité constructive ne l'est pas
morceaux centraux «( L'Aristocra- grane dans la troisième partie de son les émigrés. Je ne cherche pas à re- moins. La sixième de ces contribu-
tie » ; « Bourgeois et Bourgeoisie »). livre, bourgeoisie et aristocratie sont- faire l'histoire, ni à amputer la Ré- tions, intitulée Il Vendée et Chouan-
Je ne pense pas Il solliciter» le tex- elles des « classes antagonistes » ou volution française qui, précisément, nerie », nous sera l'occasion de si-
te d'Albert Soboul en disant que des Il élites concurrentes»? L'au- a fait jouer bien d'autres ressorts so- gnaler, pour conclure cette chroni-
l'un de ses apports importants tant teur rappelle le mot de Cournot : ciaux et a connu dans la suite, pour que, la traduction française (Fayard,
à la littérature d~ haute vulgarisa- « Rien n'était plus marqué que la reprendre l'expression d'Ernest La- collection Il L'histoire sans frontiè-
tion historique qu'à une explication subordination dans les rangs de cet- brousse, son Il temps des anticipa- res ») du livre de l'historien et so-
nuancée de la Révolution française te société bourgeoise », et ajoute : tions». Simplement, de la lecture ciologue Charles Tilly : La Vendée,
aura été d'insister sur le renforce- Il Méprisée des grands, la bourgeoi- du livre d'Albert Soboul, lui-même Révolution et Contre-Révolution.
ment des aristocraties au cours du sie les imitait de son mieux. Jalou- nourri des plus solides travaux, je Fondée sur une analyse micro-régio-
XVIIIe siècle. Non pas seulement au sant l'aristocratie, elle ambitionnait tire la confirmation que François nale et sur la méthode qui consiste
travers des modalités multiples de s'insinuer dans ses rangs... On Furet et Denis Richet ont eu gran- à faire répondre les documents d'ar-
d'une réaction nobiliaire, sur l'étude comprend qu'animée d'un esprit si dement raison, dans leur Révolution chives aux questionnaires de la so-
de laquelle se greffe et doit se gref- éloigné de la démocratie, la bour- française si énergiquement prise à ciologie moderne, cette étude est à
fer plus que jamais un effort sup- geoisie n'ait eu de cesse, après la parti par Claude Mazauric, d'attirer la fois très stimulante et, de temps
plémentaire d'évaluation du pôids rude épreuve de l'an II, de restau- l'attention, ou de la ramener après à autre, fort irritante. Elle a en
des droits seigneuriaux et féodaux, rer la hiérarchie sociale » (p. 356). une longue période où l'accent a éte tout cas la fraîcheur du regard d'un
élément si important du point de Aux couches supérieures de la bour- plus souvent porté sur la phase chercheur d'o1,ltre-Atlantique posé
vue de la connaissance de la struc- geoisie, au contact avec les divers démocratique de la Révolution; 1) sur une campagne française riche
ture des fortunes aristocratiques types de l'aristocratie, une omose sur cette zone d'incertitude qui en contrastes. A lire. donc - com-
comme de celui de l'interprétation s'opérait depuis longtemps: Il dans s'étend de la fin du règne de me les titres précédents - et en ou-
de la Révolution comme mouve- ses couches les plus hautes, la so- Louis XV à la manifestation écla- bliant les querelles d'historiens.
ment essentiellement antiféodal. ciété d'Ancien Régime se caractéri- tante de la trahison de Louis XVI, Louis Bergeron

30
THtATRE

Le "jeune théâtre"
Alfred Jarry rien d'autre qu'ul\ état d'esprit pla- Claudel découvre "alJgoisse de la
Ubu Roi nant autour d'un personnage sans mort, l'irrationnel lui apporte un
Théâtre de Plaisance situation. Prendre trop au sérieux commencement de solution qu'il lui
l'auteur dramatique Jarry c'est vou- faut accepter telle quelle. Mais,
Paul Claudei loir prendre la farce de trappe pour contrairement à ce que l'on a pu
Simon-Tête d'Or une force de frappe. Il y a, me sem- dire, en se référant à tort à la vie
Salle Aydar ble-t-i1, deux manières de jouer de Claudel, Simon ne meurt pas
Ubu Roi aujourd'hui : trahir Jarry soumis à l'Eglise: Claudel n'a pas
en respectant l'esprit ou le respec- encore oublié les Illuminations de
le «jeune théâtre. occupe en ter en trahissant la lettre. Rimbaud, ni assimilé et accepté
force à son tour l'actualité théâ- J'avais vu en 1967 un Ubu tchè- pleinement la révélation de la grâce
trale. Comme il est un tout parfai- que par le Na Zabradly, de Prague. derrière le pilier de N,)tre-Dame de
tement divisible, ses mouvements Le co-adaptateur et metteur en scè- Paris. l'œuvre de Claudel est cer-
sont nécessairement dispersés et ne Jan Grossman avait réussi à tes une défense de .. l'Eglise, notre
diversifiés : Bernard Sobel et Jean prendre Jarry à son piège. le père mère », mais c'est l'illustration de
Dufour donnent une rigoureuse ver- Ubu n'était pas déguisé: son ven~ la soumission torturée de " l'un de
sion de la pièce ambiguë de Brecht, tre était celui d'un petit-bourgeois ses fils» ; ;. Il faut empêcher Dieu
Homme pour Homme (1), Jean- obèse; la mère Ubu était une jolie d'être tranquille ».
Pierre Vincent, sous le couvert du fille qui avait de l'ambition pour l'intérêt de la mise en scène de
rire efficace, fait découvrir un Gol- deux. Les spectateurs commen- Denis L10rca réside dans la volon-
doni méconnu et «révolutionnai- çaient par sourire de la scène de té qu'il a eue de nous le rappeler,
re ., le Marquis de Montefosco (2), ménage mais insensiblement se tout en soulignant par ailleurs le
Jean-Marie Patte orchestre habile- trouvaient plongés dans une atmos- profond enracinement charnel de
ment une tragédie de salon, Médée, phère propre à l'un des continua- Claudel à la terre, cette autre
de Sénèque (3), André Benedetto teurs de Jarry, Kafka. le tragique " mère» : le cordon ombilical ne
reprend son beau poème dramati- naissant de cette constatation: Ubu sera jamais tout à fait coupé! la
que Rosa-Lux (4) et Gérard Gelas c'est nous! Cet Ubu, revu par « le meilleure part du théâtre de Clau-
lance son cri d'espérance radicale brave soldat Schweik., avait un del sent l'odeur de la terre fraîche-
Opération (5) et. par ailleurs, deux parfum du trop précoce printemps ment remuée et le parfum de la se-
nouveaux venus, Denis 1I0rca et de Prague. mence en gestation. Dans ce dialo-
Guénolé Azerthiope, se révèlent Au Théâtre de Plaisance, Guénolé gue privilégié et mystérieux avec la
avec éclat. Azerthiope, habituellement connu terre, il y a également, bien sûr,
Assez curieusement, ces deux comme décorateur, sous là nom de cet attachement aux valeurs d'un
derniers s'imposent non pas par Jean-Marie le Tiec, prend la pièce passé éternel et biblique de l'homo
une contestation de l'héritage cultu- de Jarry à bras-le-corps : dès la pre- me "né de la terre ..,
rel mais en faisant leurs classes mière image scénique, le père Ubu Et, à force d'épuration. de styli-
avec deux pièces considérées est plongé dans la merdre jusqu'au sation et de mouvements secs et
comme des chefs-d'œuvre. Le pre- cul. Rien ne nous est épargné : la Une scène de Tête d'Or musclés, où la voix l'emporte néan-
mier mérite de 1I0rca et Azerthiope chienlit de l'Etat est partout. A moins sur le geste dessiné gros-
est d'avoir su, malgré des moyens coups de gags insolites, d'accessoi- sièrement dans l'espace limité,
financiers ridicules, s'attaquer à res portés par de gros enfants, Jean-Louis Barrault ne parvenait pas Denis L10rca et une bonne troupe -
qui n'ont pas su casser leurs jouets, à oublier la trajectoire de l'homme d'où l'on peut détacher cependant
deux monuments, Tête d'Or et Ubu
les comédiens - tous excellents - Claudel. alors que le prologue de Denis 1I0rca, également remarqua-
Roi pour réussir un ravalement bril-
amusent en s'amusant et ne pren- Tête d'Or annonce lumineusement ble comédien, Michel Hermon,
lant et justifié : les statues sont de
nent rien au sérieux : ni JarrY, ni la 'fin de la pièce : enterrant la jeu- Jean-loup Wolff, Arlette Bonnard,
nouveau à leur place!
les spectateurs cernés de tous en- ne femme - Ophélie? - Simon Jean-Jacques Blanc et Serge lhor-
Dans ce XX· siècle né avant ter- droits. Ubu Roi redevient l'énorme découvre le non-sens de la vie oc- ca - redonnent à Tête d'Or son at-
me, Tête d'Or - ses deux versions pochade de potache pataphysicien troyée et justifie par avance son mosphère primaire, « naturelle. et
datent de 1889 et 1894 - et Ubu que tout normalien a rêvé d'écrire: attitude apparemment inexplicable, barbare. Un théâtre spontané, mê-
Roi - créé en 1896 - constituent le plus grand canular de Jarry se- quand, au faîte de la gloire, il rend me dans sa recherche policée qui
les deux pôles d'un renouveau théâ- rait-il d'avoir fait croire à plusieurs la couronne à la princesse et veut laissait beaucoup à espér.er de ce
tral parti en guerre à la fois contre générations de Français qu'il avait se laisser mourir seul. nouvel auteur nommé Claudel!
un classicisme desséchant et un écrit un chef-d'œuvre? Grâces soient rendues à Denis
réalisme horripilant. Un nouveau Autre tête couronnée décapitée : 1I0rca et-à ses comédiens!
monde artistique s'ouvre, sur les
La solitude sidérale
Simon Tête d'Or. Mais avec la pièce Lucien Attoun
voies tracées par les poètes qui, de Claudel, le propos du metteur .de l'homme
à la' suite de Baudelaire, enterraient en scène Denis 1I0rca est diffé-
joyeusement et sans ménagement rent : rendre au futur auteur de la solitude sidérale de l'homme
un siècle étranger à leur mémoire (1) Par l'Ensemble Théâtral de Genne-
l'Annonce faite à Marie ce qui lui me paraît être, en effet, un thèmà villiers.
du futur. est dû et que le poète lui-même, capital de la pièce qui participe di- (2) Créée aU Théâtre de Sartrouville,
Depuis soixante-quinze ans, l'alU- dans le souci qu'il avait eu de rectement d'une connaissance ap- actuellement au Théâtre Daniel Sorano de
vre de Jarry constitue la tentation "réussir sa carrière catholique-, profondie de Shakespeare. Cebès et Toulouse.
(3) Au Théâtre de la Cité Internationale.
première soit des nouveaux venus a contribué à faire oublier (6). Ce Simon sont les deux faces d'Ham- (4) En tournée; publiée aux Editions
au théâtre soit de ceux qui au ter- n'est pas par hasard, ou par fausse let-Claudel jeune, mais Simon va P.J. Oswald
me d'une carrière bien remplie se coquetterie, que Claudel avait em- rejeter cette impuissance paraly· (5) Au Théâtre de la Cité Internationale,
remettent en question. C'est que pêché de son vivant la représenta- sante, Cebès, et agir enfin, en vou- publiée aux Editions Stock. Collection Théâ-
tre ouvert.
l'esprit de chansonnier est toujours tion de sa première pièce. Mais par lant dominer ou ignorer ses contra- (61 Salle Ayder. 35. avenue Rapp,
vivace en France. Car, Ubu Roi n'est scrupule, en 1959, comme en 1968, dictions. Et à l'instant où Simon- Paris·Se .

La Qnlnzalne Uttâ'alre, du 16 au 31 décembre 1970 31


CINiMA

Hantises
par Louis Seguin

Gordon Hessler l'apparition d'une race nouvelle giflés lorsqu'ils jurent, on chante
1 Scream and scream again d'homme fabriqués, de «composi-
tes - dont il est donné à croire, en
blimer quelques peurs idéales, le
prolifique, inégal et talentueux Ro-
ger Corman part du niveau élémen-
à la veillée et l'orl respecte le dra-
peau. Au retour de leurs rapines,
Roger Corman une inquiétante fin ouverte, que le taire de la description. Il retrace la attaques de banques ou agressions

1 Bloody Marna
Beverley, France Elysées
Studio Raspail

Chacun, au moins par ouï-dire,


règne commence malgré le faux-
semblant d'une défaite provisoire.
Fritz Lang, dit la publicité, a fort
apprécié le film. L'approbation éton-
nera peu si l'on songe que l'ombre
biographie de Ma Barker et l'his-
toire de son gang, se plaçant ainsi
dans sa propre ligne (Machine Gun
Kelly, le Massacre de la Saint-
Valentin) et aussi dans la filiation
d'encaisseurs, Ma et ses fils rega-
gnent leur maison bourgeoise, ses
abat-jours de perles et ses croûtes
lénifiantes. L'amour familial, filial
et fraternel, règne, poussé jusqu'à
connaît les notes de Marx, dans la des forces secrètes et des sociétés plus générale des films contempo- l'inceste et enrichi, à l'occasion, de
Sainte Famille, sur Eugène Sue. Il parallèles a toujours fasciné et ter- rains sur le gangstérisme de la pratiques homosexuelles. Les étran-
y définit les règles et les lois où se rifié à la fois l'auteur des Mabuse Dépression, dont l'un des sommets gers, fille ou garçon, y serviront à
reflète sans se voir la fiction du et du Maudit. Scream renoue avec reste le Legs Diamond de Boetti- tous, quelles que soient les affini-
mélodrame. Les séries, au cinéma, cette obsession d'après le roman- cher, et l'œuvre la plus illustre, tés sentimentales, d'objets de plai-
jouent de la même façon un rôle de tisme, balzacienne surtout, de la
masques et. de manière semblable métaphysique du complot, dont on
aussi, posent les conditions d'une retrouve une autre extrémité, pas-
rupture qui ne peut être provoquée sablement pourrie, avec la légende
que de l'extérieur, par un « auteur -. de l'agent secret. La vraie politique
Deux films récents, Bloody Marna y est le fait d'une minoritée ca-
et Scream and scream again qui, chée, agissant en retrait, oubliée
par ailleurs appartiennent à des des lois et à qui les gouvernements
écoles et à des genres distincts, délèguent en catimini leurs puis-
sont d'assez bonnes preuves de sances. Le scientisme de Frankens-
ces opacités et de cette possible tein et de ses descendants (mis à
brisure. part la Revanche de Frankenstein
Scream and scream again re- qui, faisant triompher la créature,
prend quelques vieux principes du donnait au phantasme l'ouverture
film d'horreur. Il apparaît comme réelle de l'humour) trouve ainsi
un composé de Dracula et de Fran· avec des films tels que Scream un
kenstein, sans l'aura crépusculaire achèvement idéal. Scream prend
du premier et dépouillant le second place à la suite, par exemples, de
de son désespoir. Si le démiurge l'Invasion des profanateurs de sé·
crée encore des produits impar- . pulture de Don Siegel (195l:!, sur
faits, l'enveloppe au moins est un scénario, le fait est important,
achevée, stable et perfectionnée, de Daniel Mainwaring) et le Village
voire séduisante. Les hideurs de des damnés (1961). de Wolf Rilla,
l'âme, communes en la circonstan- parmi les représentants d'une es-
Une scène de Bloody Marna
ce, ne transparaissent plus sur thétique de la menace, mais au le Bonnie and Clyde, d'Arthur Perm. sir mais, il faut y insister, rien ne
l'épiderme. Toute l'habileté de Gor- lieu d'y voir le dessein d'une con- Au contraire de ses essais précé- sortira du cercle de famille. L'ap-
don Hessler a été de créer un pro- trainte extérieure, cosmique, il en dents, ou des autres filins cités, il partenance est, à elle seule, justi-
duit renouvelé et qui provoque la fait une conclusion interne, consé- ne s'attache plus à une stricte dé- fication. De même pour la violence.
répulsion avec la plus grande éco- quence in·éluctable de la folie scien- nonciation de la violence ou de Psychopathes, les frères Barker,
nomie des moyens. Peu de sang tifique, retournant contre lui-même la lâcheté ni, à l'extrême, à une l'aîné surtout, se laissent aller, aux
donc, et des effets quelquefois l'optimisme dont il était parti. La mise en question sociale vague- hasards de leur «travail -, à quel-
étrangers au c1acissisme du genre. froideur, appliquée et très anglaise, ment libertaire. Moins encore. Il re- ques menues strangulations et
La manière est quelque peu recher- à peine entachée de quelques en- fuse de renouer avec le roman- noyades mais ces péchés, aussitôt
chée, avec un succès inégal, mais chaînements banals qui font succé- tisme de Gun Crazy ou avec le li- regrettés et pleurés, sont autant de
sa recherche s'interdit les surpri- der le hurlement d'un chanteur au béralisme sourcilleux d'un Lang prétextes pour l'empire spirituel de
ses trop habituelles pour être véri- visage d'une fille torturée, distend, obsédé par la relativité de la Jus- Ma, qui se plaît à absoudre et à
tablement surprenantes. Le scéna- étale l'événement et lui accorde tice. Bloody Marna joue une carte consoler le coupable. Cette fortune
rio, fragmenté, obéit à une ambition tout un poids de vérité. Ainsi mise des plus classiques, avec l'aide ef- de la vertu trouve sa perfection
semblable. Des actions sans liens en œuvre, l'hypothèse banale du ficace du scénariste Robert Thom, avec l'enlèvement d'un riche négo-
apparents y filent, convergentes, «savant fou» et de 1'« apprenti Car Bloody Marna se lie tout en- ciant. La victime, incarnation du
jusqu'à se rencontrer et ménagent, sorcier - se métamorphose en re- tier à la morale la plus banale, non père et de l'époux absents, va se
chacune, leur propre intérêt. Un cherche d'une mystérieuse déten- parce que le crime, au dénoue- prêter au jeu du remplacement. Vi-
coureur à pied frappé d'une crise tion des pouvoirs. Le mythe cristal- ment, y est puni mais parce que ri 1 à souhait, physiquement et mo-
cardiaque se trouve, dans une lise et contredit l'Histoire; il les héros s'y veulent respectueux ralement, il couchera avec Ma et
mystérieuse clinique, amputé de s'évertue à matérialiser une mena- de coutumes et us de l'establish· entretiendra· avec les fils des rela-
chacun de ses membres. La police ce factice pour mieux ignorer l'im- ment américain. La famille de Ma tions disciplinaires.
recherche un mystérieux tueur manence du véritable antagonisme. Barker est un matriarcat qui offre Ce n'est que plus tard, lorsque
vampirique. Dans un pays «totali- Ce faisant, il organise des pouvoirs un o!?jet de psychanalyse presque la bande traquée verra son unité
taire -, un dirigeant assure, au sens d'attraction dont la contemplation caricatural. Le père y est abandon- se désagréger, que la respectabi-
propre, sa prise de pouvoir. Et les et l'étude ne sont pas sans agré- né lorsqu'il a procréé des garçons lité connaîtra quelques failles. De-
trois actions se nouent tandis ment ni profit. vigoureux mais cet épisode fugi- vant le corps de l'un de ses fils,
qu'est donnée l'explication. Les Bloody Marna offre un abord tout tif n'entame en rien le désir de res- mort d'un abus de drogue, Ma me-
aventures étaient provoquées par différent. Au lieu de rénover et su- pectabilité. Les fils de Ma sont nacera Dieu de son pistolet. Mai~

32
• •
Elise, ou la vraie vie
~ Louis Seguin

il s'agitencore d'excès plus que d'un à autre quelques poussées aiguës


renversement. Le ton lui-même est (cf. tout le substrat psychologique
d'une hilarité joviale qui en appelle de la guerre d'Algérie. et plus ré-
plus à Charles Williams qu'aux clas- cemment, la • rumeur - d'Orléans).
siques de l'humour noir. Les fissu- Reprenant avec une scrupuleuse
res ne s'élargiront qu'à la fin. Pen- fidélité les données du livre de
dant l'ultime siège, accompli sous Claire Etcherelli (2), le film de Mi-
l'œil intéressé de touristes pique- chel Drach n'hésite pas à addition-
niqueurs, l'aîné se suicidera tandis ner les potentiels subversifs de
que les autres seront anéantis un ces trois domaines : l'amour d'Eli-
par un. Et le film de Corman et se et d'Arezki naît sur une chaîne
Thom s'achève en hommage à la de montage, dans le fracas des
mère américaine. Le générique fi- outils et l'épuisement, et aussitôt
nal se déroule sur l'agrandisse- saisi par l'hostilité des ouvrières
ment d'un timbre poste qui repro- et ouvriers français (et syndiqués) ;
duit un tableau célèbre de Whis- il s'affirme dans des cafés, sous les
tler, allusion doublement sarcasti- regards et les propos I)argneux des
que si l'on sait que le modèle d'une clients qui parlent de jeter une bom-
toile volontiers confondue au my- be atomique sur l'Algérie ou de lar-
the de la Mom était une personne guer tous les travailleurs algériens
des plus acariâtres et que le pein- de France dans la Méditerrannée;
tre s'est, dans son œuvre, davan- il s'aventure dans les rues de Pa-
tage préoccupé de problèmes for- ris, dans les taudis de la Goutte
mels que de piété filiale. d'Or, sous la menace, à tout ins-
Le dénouement mortel, ou, du tant, de rafles d'ont on ne sait si
moins, catastrophique, de la presque l'on reviendra vivant; il connaît
totalité des films criminels n'est pas enfin l'épreuve de l'humiliation et
une simple concession aux mœurs, du mépris, lorsque les policiers
un hommage obligatoire et vague- obligent Arezki à se dévêtir com-
ment hypocrite du vice à la vertu. plètement. Ces violences, ces hai-
La nécessité même de l'isl;lue est nes, ces menaces, cette massive
comme le signe de l'irruption tar- adversité, n'ont d'autre effet que
dive de la conscience, l'instant où de dégager plus nettement ce qu'a
l'idéologie se replie sur,:elle-même, de rare et de précieux, de limpide
refermant son discours comme le et de tranchant, l'amour d'Elise et
couvercle d'un cèrcueil. Le pessi- d'Arezki.
misme contemporain' de la science- A se soumettre rigoureusement
fiction, peur panique de l'atome ou, au livre de Claire Etcherel li , à le
comme dans Scr~am, proclamation proposer en images précises, im-
d'une toute puissance souterraine, médiatement lisibles, franches,
participe d'un même défaitisme. La sans concession ni détour, organi-
symétrie d'une hantise issue, et sées en Ün récit simple et linéaire,
coupée, de la réalité (Seream) et le film de Drach néglige le,S trans-
Michel Drach de séquences s'étendant sur 47 mi- formations qu'impose le passage à
d'une réalité 'née de la hantise et Eli,e ou la vraie vie nutes (1); et choqué encore plus

1
qui lui reste liée (Bloody Mama) l'écran de la vision essentiellement
(Saint-Germain Village, Studio- de voir, dans ce cadre banal inso- subjective (ce • je. omniprésent)
se vérifie dans une fatalité identi- Parnasse, Elysées-Lincoln l, lite, naître et s'affirmer l'amour
que. C'est à ce point, et dans cet- de l'écrivain; mise en images, la
Saint-Lazare III). - entre une Française et un Arabe,
te perspective que le mythe p~ût, subjectivité se camoufle comme
militant F.L.N. de surcroît. telle, devient du psychologique et
ou non, éclater. Entre le résultat Elise ou la vraie vie, le film de
décevant qui clot les séries italien- du sentimental; par une sorte de
La censure acceptée et l'auto- Michel Drach, apparaît ainsi, avant
nes sur le hold-up et la dérision censure appliquée par ,les cinéas-
"- . • ruse de l'image -, qui tient au
tout, comme une audaCieuse ten- fait, fondamental. que le film effec-
terminale du Trésor de la Sierra tes français, alliées dans un anta- tative d'attaquer de front les tout-
Madre, il y a, au cœur d'une même tue toujours un travail qui lui est
gonisme complice à un avant-gar- - puissants tabous auxquels, dans propre, le film de Michel Drach .:...
mythologie, une nécessaire, mais disme sans danger, ont si bien une sorte d'accord tacite, la pres-
non inéluctable, brisure. De mê- alors m~me que tous ses Ingré-
modelé la réceptivité du spectateur que totalité de la société française dients : exploitation économique.
me, poussé par un pique-nique, un que ce dernier est choqué - au se soumet : tabou concernant les
suicide et la mère de Whistler, racisme, guerre d'Algérie, répres-
sens que l'on voudra - de voir ap- conditions réelles, concrètes, quo- sion, etc., se veulent politiques et
Bloody Mama franchit le pas déci- paraître à l'écran l'intérieur d'une tidiennes, du travail - conditions
sif d'une mise en question à la- idéologiques, et malgré sa préten-
usine, défiler une chaîne de mon- qui, montrées dans un film, redon- tion à n'être qu'un • film de sensi-
quelle l'obscurantisme ,de Seream tage avec des ouvriers répétant nent aux concepts trop souvent
n'a pas accès. Sur le plan du spec- bilité - - manifeste une curieuse
les mêmes gestes automatiques sur abstraits d'exploitation, d'aliéna- incapacité à alimenter une vérita-
tacle même. la différence et le des carrosseries qui avancent im- tion, d'asservissement, leur poids
problème sont d'importance. C'est ble réflexion politique.
perturbablement - et cela non véritable et leur irrécusable pré- Roger Dadoun
une question - ~a question - de pour quelque effet de pittoresque sence; tabou visant un racisme
mise en scène. ' misérabiliste ou une concession pourtant massivement présent à (1) Le film dure 105 minutes. Cf. Inter-
idéologique à l'ouvriérisme. mais l'état endémique dans la société view de Drach il • Polltlque-Hebdo" n" 8.
(2) E11.. ou la vraie vie, Deno~U, • Les
Louis Seguin dans une substantielle succession française et qui connaît de temps Lettres Nouvelles'", 1967.

, La Quinzaine UttiraIre, du 16 au 31 décembre 1970 33


TELllVUION
De "Chebika" a"
"Remparts d'argile"
Chebika est un village du sud sociologique, de même Bertucelll, • rythme majestueux - du film, nous Deux émissions dramatiques pro-
tunisien, situé bien au-delà de To- pour tourner Remparts d'argile, re- avons trouvé celui-ci d'une saisis- grammées à une quinzaine de loura
zeur, dans un 'désert où • des 'my· fusait le cinéma-vérité. Bertucelli sante rapidité. Aucune complai- d'intervalle: Ils étaient tous mes fils,
pièce d'Arthur Miller dans une réali-
riades de scorpions, d'insectes de n'est pas allé à • Chebika - pour re- sance dans la présentation des sé- sation d'Agnès Delarive et Une fatl·
toute sorte, de .Iézards et de ser· cueillir des informations filmables. quences. En une quinzaine de minu- gue passagère écrite et réalisée par
pents se livrent 'à leurs activités Avec la caméra il a préféré apporter tes l'auteur recompose • Chebika - Gérard Chouchan, posent clairement
frénétiques et continues -. Ainsi une histoire (mais véridique à un comme Godard, dans Week-end, sut par leur confrontation le problème de
la dramaturgie télévisuelle.
s'exprime Jean Duvignaud, qui de certain degré, puisque se référant recomposer un univers socia-auto-
1960 à 1965 a enquêté sur Chebika à l' • affaire de la carrière - racon- mobile. Mais dans chacune de ces Dans les deux cas le problème
posé a la même actualité; la pièce de
avec un groupe de ses étudiants en tée par Duvignaud dans son livre). visions admirablement brèves et théâtre de Miller écrite en 1947 pos-
sociologie. Ce ne fut pas, cepen- Remparts d'argile est donc focalisé pleines, le splendide entre en riva- sède la même ouverture sur le monde
dant, une enquête classique. Ques- sur un point d'intrigue. Les hommes lité avec la signification. sociale - que le scénario de Gérard Chouchan
tionnaires, recensements, stâtisti- de • Chebika - travaillent à casser (sinon. révolutionnaire -) des ima- conçu spécialement pour la télévision.
les deux œuvres sont ce que l'on
ques Intéressaient moins Duvi- des pierres sous la surveillance ges, et toujours au détriment de pourrait appeler des reportages imagi-
gnaud que la • saisie - d'une maigre d'un délégué aux travaux publics cette signification. naires : à partir de la fiction elles
population enfermée dans des murs en complet-veston qui chaque se- Le cinéaste dira que ce n'est l'las veulent toutes deux cerner à un mo-
de torchis, et disposant d'un puits, maine leur alloue quelques dinars. de sa faute si les lieux et les êtres ment donné la réalité de notre société
et inviter le spectateur à s'identifier,
d'un troupeau de moutons, de quel- Un jour, l'un des hommes trouve la qu'il a choisi de filmer sont objec- à s'intégrer ou à participer à l'action et
ques poules et chevaux, d'un mé- paie trop maigre, et la refuse. Les tivement, essentiellement beaux, et l'obliger à réfléchir. Ces caractéristi-
tier à tisser - et aussi de bijoux autres l'imitent. Ils s'assoient par que c'eût été fausser son film que ques font partie des principes de base
d'argent, de traditions et de my- terre, sous les yeux des femmes d'éluder cette beauté. Remparts d'une nouvelle école de télévision :
l'Ecriture par l'Image, principes qu'a
thes. L'examen profond et patient du village d'argile. L'armée arrive. d'argile compte un personnage parfaitement établis son responsable
auquel s'est livrée l'équipe de Duvi- Une vingtaine de soldats encerclent central - une admirable jeune au service des émissions dramatiques
gnaud (à une époque décisive : cette résistance passive. Vingt- fille qui prend peu à peu conscience dirigé par André Frank : Pierre lévell-
celle du début de l'indépendance quatre heures s'écoulent ainsi. Les de la misère du village et de la lé. A cette nouvelle école, nous devons
déjà plusieurs réussites telles que Un
tunisienne) est devenu un livre, hommes ne bougent pas. 'les sol- vanité des moyens que l'Etat em- fils unique de Michel Polac (prix Geor-
Chebika (Gallimard, 1968) dont on dats s'en vont. Les hommes ren· ploie pour y remédier : assistante ges Sadoul), De la belle ouvrage, de
peut regretter qu'il n'ait pas enco- trent dans le village. sociale sophistiquée en visite- Maurice Failevic dont la qualité essen-
re, en' France du moins, le succès Au risque de choquer certaines éclair, cassage de pierres sous- tielle est de ne pas dissocier la forme
du fond et de faire ainsi une œuvre
des Enfants de Sanchez d'Oscar âmes généreuses nous dirons payé, école où le jeune instituteur de création spécifiquement télévisuel-
Lewis. Chebika, en effet" est une d'abord que R~mparts d'argile rap- explique aux enfants la • position - le où tout participe de la même recher-
fiction sociologique. Des gens se. pelle Le sel de la terre non pas par de leur village sur un globe terres- che : • L'image sonore télévisuelle dlf·
sont exprimés, bribe par bribe. Aux son message socio-politique, mais tre crevé. Mais cette trop belle fusée et dramatisée par son écriture
devra grâce' à la vénu:lté la plus par-
• enquêteurs - ils ont dit leurs acti- simplement parce' que la terre où fille reste un personnage de roman, faite de son action, de son contexte
vités, leurs rites, leurs légendes. se déroule le film de Bertucelli est en ce sens qu'elle demeure enfer- et de ses personnages, créer l'effet
Ils se sont peu à peu reconstruits, une terre salée : celle des chotts, mée dans sa lucidité révoltée. Cer- de la plus parfaite confusion dans
reliant leur présent à leur passé et celle d'un désert montagneux où tes, le film comporte urie leçon im- l'esprit du spectateur, lui faisant pren-
dre la fiction qui lui est offerte c0m-
à lel:lr avenir (s'il y en a un). Cette l'on trouve le sel en plaques. Ber- portante : si les soldats s'en vont, me une réalité -. (P. léveillé). C'est
reconstruction, Duvignaud l'a re- tucelli a construit'une remarquable après avoir cerné les travailleurs ce qui me paraît être la qualité majeure
transcrite en un ouvrage qui conser- esthétique de l'aride, et sans pèndant un jour, ce n'est pa,s parce de Une fatigue passagère et ce qui
ve une précision sociologique, mais doute cette beauté, formelle (ces que Ceux-ci ont. tenu -, mais parce manque essentiellement à la réalisa-
où affleure sans cesse une dimen- que l'Etat tunisien ne peut pas pous- tion télévisuelle de Ils étalent tous
plans • inoubliables - de murs rnes fils, conçu dans le style le plus
sion de la personne que trop sou- splendidement lépreux sous le so- ser plus avant la répression - sur- banal et le plus conventionnel de
vent la sociologie laisse de côté: la leil, de sol craquelé, de chevaux tout quand il s'agit d'un village l'école de télévision des Buttes-Chau-
dimension de l'imaginaire. Dans un arabes, de' visage desséchés) a· perdu. Il y a quelque chose de mont 1960.
livre peuplé de personnages réels, t-elle fait écrire à certains critiques pourri dans la marche des ex-coloni- Arthur Miller écrivit cette pièce
Duvignaud sait dire comment les le mot passe-partout d' • incanta- sés vers le socialisme et l'auto- quelques années après la fin de la
guerre. Dans cette œuvre représenta-
gens de Chebika passent, de 1960 à tion -, ou des expressions comme gestion. Cette impuissance double, tive d'un certain théâtre social améri-
1965, d'un état. fictif - (leurs mil· • beau à couper le souffle -. les hommes de • Chebika - (à la cain, il dénonçait le système capita-
lénaires modes de vie) à un état Remparts d'argile s'ouvre sur une fois coupés de leur vie tradition- liste basé sur l'argent et le profit. Un
historique - c'est-à-dire aux trans- nelle et de la vie • moderne -) en homme n'a pas hésité en temps de
citation de Franz Fanon qui dit en guerre à vendre li l'armée des pièces
formations sociales figurant dans substance que la phase' bourgeoise ont-ils conscience? d'avion défectueuses provoquant ainsi
le programme du Néo-Destour. Pro- de l'indépendance ,aura été une Voilà pourquoi nous eussions pré- la mort de nombreux jeunes aviateurs.
gramme à visées socialistes on le phase inutile. Cette vérité désor- féré voir Remparts d'argile tourné Ce thème a de nombreuses résonan-
sait. Même àChebika le modernis- en. cinéma-vérité -, si artificielles ces contemporaines : le système amé-
mais évidente, Bertucelli la démon" ricain est resté le même, la ,guerre
me destourien fit sentir ses effets: tre, mais aux spectateurs seuls (et qu'en soient les formes et les for- au Vietnam continue, Il y a quelques
on voulut faire construire à ses ha· occidentaux) : les participants du mules. Nous aurions préféré voir mols seulement de jeunes pilotes alle-
bitants une maison administrative film n'en. sortent - pas persuadés, moins de splendeurs arides, et en- mands trouvaient la mort dans des
avec, des pierres extraites d'une tendre davantage de paroles vé- circonstances Identiques... Cette pièce
et c'est là toute la différence avec en prise directe sur la réalité vivante
carrière proche du village. Ils au· Brecht. Et encore faisons-nous peut- çues. A la pudeur et au silence on s'est trouvée désincarnée par sa réali-
.raient préféré reconstruire d'abord être trop confiance à ces specta- pouvait préférer une enquête fil· sation qui a transformé ce qui aurait
leurs propres maisons. Aussi firent· teurs, car ceux-cI admirent un filgt mée, sans doute plus banale, mais dO être un témoignage en une démons-
Ils la grève des pierres. La troupe à travers laquelle se serait peut· tration ennuyeuse. la réalisatrice s'est
où le beau fait sans cesse écran contentée de laisser parler les person-
vint, puis s'en alla. devant le réel et le vraI. Et pourtant, être esquissée, chez les gens de
nages de Miller .sans même tenter de
Sur cet Incident, Jean Duvlgnaud au service de la vérité qu'il veut • Chebika - une prise de conscience leur Insuffler la vie, de les intégrer li
a centré le scénario qu'II écrivit démontrer, Bertucelli a mis une re- de leur aliénation - pour employer une société, li un milieu. Pourtant ces
un mot lui aussi banal. personnages n'existent réellement, au
pour le cinéaste Bertucelli. De mê- marquable efficacité technique : niveau même de l'écrlture théâtrale,
me que Cheblka dépassait l'enquête . contrairement aux admirateurs du Michel l'rafla que par la soclété dans laquelle Ils vl-

34
L'écriture
par l'image Dans les galeries
vent, l'extérieur est plus important SCHNEIDER BRAM VAN VELDE
que leur maison si nous voulons les INFORMATIONS
comprendre et nous intéresser à leurs L'une des principales ambitions de La reconnaissance, par le public
problèmes. L'univers proposé par l'au- l'art attuel est de «serrer au plus français, de Bram Van Velde fut diffi-
Une rétrospective d'Alberto MAGNEL-
teur n'est pas clos et sur le petit écran. près. le pouls de la vie. L'art gestuel, cile et tardive. Le caractère absolu-
LI a lieu au Musée des Beaux-Arts de
le mot avait besoin de l'image pour dans son débordement lyrique, dans ment révolutionnaire de sa manière de
Nantes, faisant suite à une importante
signifier, il ne pouvait vivre sans elle. ses outrances, traduit les mouvements peindre 'l'isolait; et ce n'est qu'en
1958 qu'une série d'expositions dans exposition des œuvres anciennes et
L'image, c'est le moyen dont s'est d'une sensibilité éveillée. La réalité récentes de Paul DELTOMBE.
servi Chouchan pour réaliser Une fati· n'y étant plus projetée en images mais les musées étrangers lui fit, peu à
gue passagère. «Ces récits témoins ayant été, très souvent, l'amorce de peu, acquérir une réputation à la hau-
teur de ses mérites. Aujourd'hui il ap- Le Salon LE TRAIT qui se, tient. aux
qui font l'écriture par l'image sont ce cette gymnastique porteuse de cou- Halles, pavi'lIon XI, rue Plerre-Lescot,
qu'on peut appeler des thèmes contem- leurs qui vont, plaquées sur la toile, paraît comme le précurseur d'une cer-
taine peinture de caractère lyrique qui Jusqu'au 31 décembre, ne com~orte
porains. Ils utilisent des matériaux pris recréer une dimension poétique du uniquement que des gravures ORIGI·
dans la réalité qui solidement orga- monde. La démarche de Schneider (ga- a déferlé sur l'Europe après avoir écla-
NALES.
nisés dans des tons et styles diffé- lerie Arnaud) relève de ce' type d'am- té aux U.S.A. (où l'influence de Bram
rents font l'originalité de chaque œu- bition. Elle fut d'abord accomplie dans Van Velde fut prépondérante). Aujour-
d'hui volontiers confondu avec le ly- Cinq peintres de tendances diverses
vre en fonction de ses auteurs _. Cette une véhémence échevelée, qui creu- exposent galerie RoI' Volmar (rue de
nouvelle dramaturgie a pour base tech- sait ses espaces, inventait ses acci- risme « venu du nord. (à travers Ale-
chinsky, et, de fait, tous les artistes Bourgogne) : AYOT-VEZY, T.J. JERVIS,
nique le reportage (sans aucun doute dents à bout de bras. Aujourd'hui le M. MATSAKIS; J. MONNIER et GLEI-
l'un des apports les plus intéressants geste s'est durci, resserré, l'impact de Cobra) celui de Bram Van Velde
intériorise la peinture ou, plutôt, offre ZES-BOBIN.
à la télévision). Aucune scène de stu- n'en a que plus de violence. Il obli-
dio : tout se passe en décors naturels, tère la surface dans la briéveté bles- à la peinture l'investigation de l'espace
intérieur ou vécu qui s'exalte dans la Jusqu'au 9 janvier:, exposition de la
dans la rue, l'usine, les champs, sante du signe, comme marqué au
couleur, un graphisme libre, courant «Réalité onirique. chez Jacques
Dans Un~ fatigue passagère, Anne fer.
sur la surface, se dénouant en suivant MASSOL, avec Michel BLUM, GROBE-
est la femme d'un architecte, elle a les rythmes du corps. Graphisme qui TV, JOUSSElIN, J.M. MARTIN et PRO-
une vie aisée entre son mari et deux Avigdor ARIKHA WELLER.
a, chez Van Velde, des franchises, des
jeunes enfants. Un jour elle ouvre ardeurs et même parfois des grâces
une lettre qui contient le résultat d'une Il est intéressant de confronter le Le coloriste Karl BRUCHHAUSER et
d'une grande originalité et d'une sa-
analyse de sang faite pOlir son mari. lyrisme libéré d'un Schneider (moti- le sculpteur Rudolf Christian BAISCH
veur incomparable, colère et douceur
Elle est effrayée mais ne va cependant vé par le souci d'approcher le cœur exposent galerie Mouffe.
s'harmonisant dans le temps même
rien montrer de sa peur tout en ten- des choses en en traduisant ,les spas-
de l'écriture. (Musée d'Art Moderne)
tant de connaître la vérité. Devant la mes les plus lointains) avec celui d'un Le Roue, rue Grégoire-de-Tours pré-
menace de mort Anne va s'interroger Avigdor Arikha (C.N.A.C.) qui pour- sente les œuvres de ABBOUD, HESS,
sur sa vie? leur vie? leur amour? suit à la fois l'espace et le temps dans HELION
KARSKAYA, LACOSTE, SCHULTZE, et
Ont-ils eu le temps de vivre ensemble? des visions arrachées à la réalité grâ- Si, aujourd'hui, pour la majorité des SOUCHARD chez Knoll International
Le travail est plus fort que l'amour, ce à un dessin paradoxalement, tout à esprits avertis il n'existe plus d'anta- rue Vital-Garles à Bordeaux.
Anne le sait, elle l'accepte. Ces deux la fois vif et tenace, d'une Intensité gonisme fondamental entre l'abstrac-
êtres vivent devant nous leur aventure qui confine, parfois, à la douleur. A tion et la figuration il n'en fut pas tou- A l'occasion des «Ballets de l'Opéra
et leur histoire devient la nôtre. la peinture, qui implique une diversité jours ainsi durant les premières décen- de Paris. au Théâtre des Champs-
Dans De la belle ouvrage, de Faile- des moyens mis en œuvre suscepti- nies de l'abstraction (de 1910 à 1950). E'lysées, une collection d'Œuvres Inti-
vic, la réalité du monde ouvrier et un bles, selon lui, de nuire à l'intensité A tel point que certains artistes cons- tulées « IMAGES de la DAN8'E. d'lise
problème réel (un technicien rempla- voulue du «discours " Arikha préfère cients de la vanité et de la fragilité VOIGT, sera présentée du 21 décem-
cé par une machine) sont plus facile- le dessin : le moyen le plus simple de telles frontières durent jouer le jeu bre au 20 Janvier au Foyer du Théâtre
ment traduisibles qu"un problème abs- (sinon le plus pauvre) pour retenir des groupemènts, des scissions, des des Champs-Elysées.
trait comme la mort. Chouchan, auteur l'instant, pour le photographier. Il si- manifestes pour imposer un langage
n'a pas toujours été bien servi par tue non seulement les attitudes, les dont la nouveauté effrayait. Il en est Communiqué
Chouchan réalisateur. Il lui aurait sou- choses, les espaces, mais la lumière ainsi pour Hélion dont la rétrospective
vent fallu plus de lyrisme et, parfois, qui circule, et jusqu'à la respiration au Grand Palais confirme quel grand GALERIE·LlBRAIRIE
un regard froid. Gérard Chouchan s'est qui sourd de chaque être, de chaque peintre il est dans 'sa farouche soli-
trop souvent laissé aller à une certai- objet. JOSIE PERON
tude. Abstrait avant de retrouver le
ne conve!'ltion d'imagerie bourgeoise monde de la réalité mais en fait tou- 7 ter, rue Saint-Placide
et n'a pas su élssez maîtriser son su- Geneviève ASSE jours identique à lui-même : voyant. Bab. 40-16
jet. Il est' regrettable aussi que le jeu Dans le sens de la synthèse il a LlCA DAHAN
trop conventionnellement théâtral des Cette respiration avec son théâtre : d'abord choisi les signes géométriques
deux principaux interprètes Josée Des- l'espace; et ses parures : la lumière, mais épris de la vie il a voulu à l'in-
4 au 19 décembre 1970
toop et Vania Viler, soit en décalage est l'essentiel des sujets de Geneviève térieur même du langage de la rigueur
par rapport, au quotidien de l'image. Asse (C.N.A.C.) qui a d'abord tenté donner un sens humain, une dimension GALERIE VENDOME
Cette nouvelle dramaturgie exige du une approche toute de lenteur, de charnelle à ce qui n'aurait été (et qui 12, rue de la Paix
comédien d'autres qualités, il ne s'agit douceur, des objets les plus simples. fut chez d'autres) que cryptogrammes
plus de jeu, mais de vérité, de sin- On évoquait, alors, Morandi, Chardin. morts. La vie la plus ordinaire affluant
Opé. 84-77
cérité, d'expérience humaine. Rappe- Peu à peu, ce qui était identifiable dans son œuvre i'I a su garder toute Pierre G. LANGLOIS
lons-nous l'authenticité du héros prin- dans sa peinture s'est fondu dans le sa lucidité d'homme qui affronte la vil- 8 décembre au 9 janvier 1971
cipal de Failevic chez lequel à aucun milieu ambiant. Il ne reste plus, sus- le, les objets, les visages et même
moment derrière l'ouvrier nous ne pendue en extase, que cette lumière, l'histoire. Il devient témoin. Non pas
pouvions soupçonner le comédien. que, d'un pinceau lancinant, subtil et au sens artificiel donné à ce terme LA HUNE
Le risque d'échec que représente sensible, à la limite du vide, elle re- pour ceux qui jouent avec les apparen- 17(}, bd St-Germain
l'aventure du tournage de ces nouvel- tient, avant le néant promis. ces de l'époque mais dans le sens de FR 1E D L A END E R
les dramatiques paraît beaucoup plus la profondeur du vécu, de l'amour.
grand que dans la réalisation d'une gravures récentes
CHARBONNIER
dramatique conventionnelle. Dans jusqu'au 11 janvier 1971
l'écriture par l'image la notion de texte D'une facture minutieuse, descrip- GARCIA-MULET
est périmée, il fÇlut constamment tive mais subtile et inventive, dans ROR VOLMAR
compter avec l'environnement, rien ne l'énumération des détails, la peinture Sa franchise graphique organise des
peut être définitivement fixé hormis de Charbonnier développe des paysa- rythmes horizontaux, tumultueux dans
58, rue Bourgogne
la situation. Pour le réalisateur comme ges qui ont le charme prenant des leurs enchevêtrements, ou verticaux, Tél. : 551-95-43
pour le comédien il s'agit d'une sorte • fonds. des primitifs. Les architec- et qui, tantôt bouchent l'espace de du 4 au 17 décembre 1970
d'improvisation permanente. tures y sont grêles, comme de fragi- leurs nerveux, durs et rapides change- G. A YOT·VEZY
Jean Desfossés les et provisoires décors. Mais le ments de rythmes, tantôt dressent de
Ipeintre choisi de préférence l'univers fougueuses croissances, mi-humaines TERENCE J. JERVIS
N.B. : Les citations,sont extraites de contemporain des H.L.M. où le rythme mi-végétales : figures de sauvages et MICKY MATSAKIS
la brochure O.R.T.P. «Contribution à fusant de leurs hautes silhouettes joue primitives mythologies, qui trouvent, JEAN MONNIER
une dramaturgie de la télévision " (si- délicatement avec le délié nerveux là. un accent nouveau. (Galerie Le So- salle Hypogée
tuation de l'écriture par l'image, juillet des ramures des arbres. (Galerie ViI- leil dans la tête).
1970). land-Galanis) . Jean-Jacques Lévêque GLEIZES· BOBIN

La Quinzaine Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970 35


• Choses de la vie -, Trad. du russe par Un livre d'une rare où l'arrivée d'un du chinois, présentée
une histoire de marins- A. Bloch et violence, qui a fait • étranger - va servir et annotée, par M. loi
ROMANS pêcheurs bretons. N. Beznikoff l'objet de nombreuses de révélateur. Gallimard, 152 p., 21,25 F
FRANÇAIS Introduction mesures d'interdiction
• Roger Laporte d'Ho Zamoyska dans les pays Quatre poètes
Fugue Gallimard, 296 p., 24 F anglo-saxons et que portugais
• Antoine Blondin Gallimard, 176 p., 14 F Un recueil de nouvelles d'aucuns tiennent pour POESIE Camoes, Cesario Verde,
Monsieur Jadis Un récit où l'auteur dues à un des auteurs une des œuvres Mario de Carneiro,
ou l'école' du soir d' • Une voix de fin russes les plus célèbres majeures de notre Fernando Pessoa
Table Ronde, silence - poursuit avant 1917 et qui, époque. Traduction et
après une longue Jean.Luc Dejean
240 p., 19 F sa rE;j::herche sur La feuille à l'envers présentation par
Par l'auteur de l'expérience de l'écriture période d'oubli, • Nivaria Tejera S. de Mello Breyner
retrouve aujourd'hui Gallimard, 192 p., 18 F.
• L'humeur vagabonde - (voirie n° 45 Somnambule du P.U.F., 340 p., 15 F.
et d' • Un singe de la Quinzaine). un regain d'intérêt. soleil
en hiver-. Trad. de l'espagnol Jean-Paul Klee
par Adélaïde Blasquez L'Eté éternel
Jean Yvane Milan Kundera Préface de C. Vigée REEDITIONS
Les pèlerines Risibles amours Coll. • Lettres
Maurice Cury Dessin de C. Claus .CLASSIQUES
Sur la route Denoël, 208 p., 14 F Trad. du tchèque Nouvelles -
Denoël, 256 p., 23 F Ed. Chambelland,
de Salina Par l'auteur d' • Un par François Kérel 75 p., 15 F.
cow-boy en exi'l - Gallimard, 232 p., 20 F Un vaste poème de la
Denoël, 192 p., 12 F
(voir le n° 82 Un recueil de nouvelles, non-communication et Charles Cros
Le roman dont Patrice de La
de la Quinzaine). écrites entre 1963 et de l'absurdité du monde. Tristan Corbière
l'adaptation Tour du Pin
cinématographique 1969, par l'auteur de Œuvres complètes
• Paul Ritchie Une 'lutte pour la vie Editions établies par
passe actuellement • La Plaisanterie -
Le protagoniste Gallimard, 328 p., 28 F Louis Forestier et
sur les écrans (voir le n° 60
parisiens.
ROMANS de la Quinzaine). Trad. de l'anglais Un ensemble de poèmes Pierre Olivier Walzer
ETRANGERS par René Daillie d'inspiration religieuse avec la collaboration de
• Lettres Nouvelles - ou profane qui alternent Francis F. Burch pour la
Paul Guimard .Hubert Selby Denoël, 288 p., 23 F avec des lettres. correspondance de
Les cousins de Last exit to Brooklyn Un roman qui a pour Tristan Corbière
« La Constance » • Léonid Andréev Trad. de l'américain cadre une pauvre Kouo Mo-Jo • Bibliothèque de la
Denoël, 232 p., 13 F Les 'sept pendus et par J. Colza maison meublée de Poèmes Pléiade -
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rapports de Hugo
MEMOIRES et Baudelaire. Editions E.S.F., l'ouvrage fondamental Recueil de textes, L'homme éternel
CORRESPONDANCE 128p.,20F du philosophe allemand devenus difficilement Gallimard, 360 p., 27 F
L'homme, animal affectif (voir le n° 8 de la accessibles et choisis Une remise en question
Michel Dassonville voué à l'émotion et à Quinzaine) • parmi les travaux des énigmes de l'univers
Ronsard, étude ses manifestations d'ordre philosophique. qui redonne à la
Guy Bechtel historique et littéraire pathologiques. puissance du rêve une
Paracelse Tome Il : A la conquête Ciree certaine valeur
Planète, 288 p., 31 F de la Toison d'Or Méthodologie dans le monde technique
L'histoire de ce grand 1545-1550 Georges Bastin de l'imagination et scientifique.
mage de la Renaissance, Librairie Droz, Dictionnaire de la Textes réunis et ESSAIS
qui fut aussi un médecin 210 p., 49,50 F psychologie sexuelle présentés par
et un professeur Le deuxième volume Ch. Dessart éd., Jean Burgos Jean Rostand
d'Université. d'une série qui en 408 p., 28,70 F Lettres Modernes, Quelques discours,
comprendra quatre Un répertoire des Cahiers du Centre E. Bonnefous de 1964 à 1968
et dont le premier termes et des concepts de recherche sur L'homme ou la Club Humaniste éd.,
Jean Bruhat évoquait les • Enfances les plus importants l'imaginaire, nature ? 168 p., 15 F
Karl Marx, de Ronsard. de la sexologie. 350 p., 35 F. Préface de J. Rostand D'Hiroshima à la Lune.
Friedrich Engels Hachette, 464 p., 28 F
Club Français du Livre, Un inventaire des
300 p., 36 F F.E. Dorenlot Michel Gauquelin Keith Gore dangers qui menacent Robert Tocquet
Une étude critique Malraux ou l'unité Connaître les autres L'idée du progrès l'humanité et un Meilleurs que les
et biographique. de pensée Coll .• Comprendre, dans la pensée de ensemble de solutions hommes
Gallimard, 320 p., 24 F savoir, agir. Renan concrètes pour les Nombreux dessins et
Une relecture de Denoël, 256 p., 28,50 F A-G. Nizet éd., conjurer. photographies
Fritz Habeck Un bilan des différentes
Malraux qui met 320 p., 32,25 F. Edition Spéciale,
Villon ou la légende voies de connaissance
l'accent sur l'unité 224 p., 24 F
d'un rebelle des autres, sous leurs • André Breton
profonde d'une œuvre Une étude sur les
Trad. de l'allemand aspects empiriques C.1. Gouliane Perspective cavalière
apparemment multiple. sociétés végétales et
par E. Gaspar et scientifiques. Hegel ou la philosophie Texte établi par animales qui rompt
Mercure de France, de la crise Marguerite Bonnet résolument en visière
320 p., 29 F Entretiens sur Trad. du roumain par 8 pl. hors texte avec les théories
Un document la paralittérature Maryse Choisy Jean Herdan Gallimard, 252 p., 20 F traditionnelles.
passionnant sur la Sous la direction de La guerre des sexes Payot, 450 p., 42,60 F (Voir le n° 104 de la
réalité quotidienne N. Arnaud, F. Lacassin Edition Spéciale, Par le directeur de Quinzaine) •
d'un homme et J. Torel 288 p., 22 f l'Institut 'de philosophie Louise de Vilmorin
et sur la vie Plon, 475 p., 38 F Un ouvrage sur la de Bucarest. Carnets
universitaire Travaux de la .Décade sexologie féminine qui Arkon Daraul Gallimard, 136 p., 20 F
au Moyen Age. tenue au Centre Culturel entend donner des bases Les sociétés secrètes Un recueil de pensées,
International de Cérisy solides à l'actuel Jacques Henriot Trad. de l'anglais d'aphorismes, de
Kouo Mo-Jo en septembre 1967. mouvement La condition volontaire par F. Menetrier confidences et de courts
Autobiographie d'émancipation féminin. Eléments pour une Planète, 320 p., 29 F récits dans la tradition
Trad. du chinois phénoménologie de la Une vaste enquête sur des moralistes français.
par P. Ryckmans Jean Gattégno praxis les croyances, les rites
Lewis Carroll MA et J. Guilhot Nauwelaerts, 308 p., 67 F et les symboles des
Gallimard, 200 p., 23,25 F
José Corti, 400 p., 50 F L'équilibre du couple Une étude qui a pour sociétés secrètes d'hier
Un grand humaniste
chinois d'hier et Une étude remarquable Editions E.S.F., objet le vouloir comme et d'aujourd'hui. HISTOIRE
sur l'homme et sur 172 p., 24 F forme phénoménale
d'aujourd'hui.
l'œuvre. L'avenir du couple et de la praxis.
celui de la famil-le dans Ph. d'Iribarne
notre société en La science et le prince Florimond Bonte
CRITIQUE La littérature évolution. Henri Lefebvre Denoël, 368 p., 26 F Le chemin de l'honneur
HISTOIRE sous la direction La fin de l'histoire Les relations de la Editions Sociales,
de Bernard Gros Epilégomènes science et du pouvoir 364 p., 22,50 F
LITTERAIRE Coll.• Comprendre - • C. Lacoste-Dujardin Editions de Minuit, dans une démocratie Les députés
savoir - agir. Le conte Kabyle 235 p., 20 F digne de ce nom. communistes pendant
Denoël, 544 p., 47,50 F Maspero, 536 p., 32,70 F Un prolongement la • drôle de guerre.
Princesse Bibesco A la fois un Une étude ethnologique méta-philosophique à la et la Résistance.
dictionnaire, avec plus qui s'effl'rce . réflexion de Hegel, VassHy Kandinsky
Au bal avec Ecrits complets
Marcel Proust de 400 biographies, et • d'appréhender une Marx et Nietzsche sur
un traité, avec société à travers son la fin de l'historicité. Coll.• Médiations- Robert Boutruche
Cahiers Marcel Proust Gonthler.
10 articles faisant le expression culturelle •. Seigneurie et
n° 2 Edition établie par
point sur tous les féodalité
Gallimard, 144 p., 7 F Karl Marx Philippe 'Sers
genres littéraires. Tome Il : L'apogée
Réédition d'un livre Dinopriglia Différence de fa Denoël, 408 p., 49 F XIe et XIIIe siècles
devenu depuis ReqUiem pour papa philosophie de la Un recueil d'études, Aubier-Montaigne.
101"~temps Alain Virmaux Editions E.S.F. nature chez Démocrite essais, articles et notes 550 p., 42 F
illtrouvable. Antonin Artaud 158 p., 20 F et Eplcure de cours d'un des Le tome 1 de cet

La QuIDzaI.oe UttUaire, du 16 au 31 décembre 1970 37


ouvrage était paru en en Europe dans les • Michael towy Ph. Huisman Robert Cornevin Les merveilles
1959 et avait été réédité années 1378 à 1382. La théorie de fa M. Jallut Théâtre en Afrique Noire du Louvre
en 1968. révolution chez le Marie-Antoinette et à Madagascar Préface d'A. Parrot
jeune Marx «L'impossible bonheur • Nombr. illustrations 220 ill. en noir et
• Mouvements populaires Maspero, 128 p., 14,80 F 125 en couleurs
160 i11. en couleurs ,Le livre Africain éd.,
Raymond Cartier et sociétés secrètes Une analyse marxiste de 100 i11. en noir 336 p.• 32 F Hachette, 316 p .• 120 F
L'Histoire mondiale en Chine aux XIX' la genèse du marxisme. 4 hors-texte Un bilan du théâtre Un choix des
de l'après-guerre et XX' siècles d'hier et d'aujourd'hui chefs-d'œuvre du Louvre
Tome 2 : 1953-1965. Vilo, 246 p.• 110 F
Ouvrage collectif en Afrique Noire et li destiné au visiteur
De la guerre froide à Ernest Mandel La vie quotidienne de
préparé par Marie-Antoinette Madagascar, par un de 1970.
l'assassinat de Kennedy J Chesneaux, F. Davis Anthologie du
contrôle ouvrier reconstituée à travers historien et un
350 documents en noir et N. Nguyet Ho
et en couleurs, cartes Maspero, 440 p., 18,10 F les livres, les meubles, ethnologue.
Maspero, 496 p., 60 F G. Lilliu
Presses de la Cité, Un travail de recherche Une anthologie des les objets d'art
différentes expériences qu'elle aimait. H. Schubart
432 p., 123,80 Fies 2 vol. s'étendant sur deux Civilisations anciennes
siècles d'histoire du de contrôle ouvrier qui Jacques Le Marquet
ont été faites en France L'Ile des Pommes du bassin méditerranéen
peuple chinois. Le grand atlas Corse, Sardaigne,
Jacques Desmarest et en d'autres pays. Gallimard, 304 p., 22 F
Evolution de la France mondial Une pièce au thème Baléares. les Ibères
contemporaine 400 documents en original et poétique et Préface de J. Thimme
Gilbert Mury couleurs Traduit de l'allemand
La France de 1870 Albanie, terre de dont l'architecture
Hachette. 424 p., 40 E POLITIQUE Vilo, 270 p., 108 F évoque l'expérience de par M. Massiani et
l'homme nouveau Une somme des P. Wirth
Une étude qui s'efforce ECONOMIE Maspero, 186 p.• 14,80 F Xénakis dans le domaine
de comprendre les connaissances actuelles de ·Ia musique. 43 pl. couleurs,
Le seul pays d'Europe en matière de 52 dessins in texte.
raisons pour lesquelles dont les dirigeants se
notre pays est passé géographie humaine, , 5 cartes,
réclament publiquement économique et physique. 26 photographies
du premier rang de Staline et de Mao. Romain Rolland
à l'état de puissance John K. Galbraith Les tragédies de ta fol Coll. • l'art dans le
secondaire. L'ère de l'opulence Saint louis • Aert • monde.
Calmann-Lévy, • Nicos Poulantzas Erika Runge A. Michel. 256 p., 52,40 F
Femmes de notre Le temps viendra
344 p., 24 F Fascisme et dictature A. Michel, 296 p., 19 F Une étude qui éclaire
Réédition, revue et La 1... Internationale temps d'un jour nouveau
François Dornic Trad. de l'allemand Trois drames écrits par
La France de mise à jour par l'auteur. face au fascisme l'auteur de • Jean- l'histoire de ces
d'un ouvrage publié en Maspero, 400 p., 23,70 F par Léa Marcou civilisations méconnues
Louis XIV Coll. • En direct. Christophe, dans les
Coll. • Histoire de 1961 et considéré Une question d'une dernières années du parce que marginales.
comme un classique. brûlante actualité à Mercure de France.
la France. 304 p., 19,50 F siècle dernier.
Denoël, 256 p., 35 F l'heure où l'impérialisme
traverse, sur le plan Dix-sept entretiens au Permerke
Une étude qui se situe magnétophone, avec des Texte par
à trois niveaux Brigitte Gros mondial, une crise
4 heures de transport profonde. femmes allemandes de R. Avermaete
successifs : celui des tous âges et de toutes 150 ill. en noir et blanc,
événements, celui de par jour
Présentation de conditions, sur leurs ARTS 100 quadrichromies
.l'histoire des structures. Harrison Salisbury problèmes quotidiens. URBANISME Ed. Arcades. diff.
et celui des hommes Roger' Priouret Chine U.R.S.S.
Denoël, 192 p., 14 F Garnier, 385 p., 300 F.
et des idées. La guerre inévitable Un grand peintre belge,
Par une des cinq Trad. de l'américain
femmes maires d'une Noël Simon qui a apporté entre ·les
par Max Roth Paul Géroudet deux guer.res, une
,Marcel Dupont ville de plus de cinq 16 documents h. t. et
Napoléon et la trahison mille habitants, un cri Les survivants Anquetin conception totalement
2 cartes S.O.S. pour 48 animaux De l'art rénovée de l'art.
des maréchaux d'alarme sur le problème A. Michel, 344 p., 24 F
Nombr. illustrations des transports dans la 48 aquarelles Texte établi et annoté
Par l'auteur des • 900 par Camille Versini sur
Hachette, 256 p., 30 F région parisienne. 37 dessins
jours " une analyse fort Vilo, 280 p., 80 F les manuscrits de Pierre Seghers
L'attitude des maréchaux pessimiste des relations Jacques Charpier
créés par Napoléon au A la fois un ouvrage de l'auteur
entre l'Union Soviétique documentation et un cri 45 i11. hors texte L'art de la peinture
moment de Georges Fischer et la Chine. 24 illustrations
l'écrou1ement José Rizal, Philippin d'alarme en faveur des 128 dessins in texte
espèces animales Nlles Editions Latines, Seghers, 728 p., 45 F
de l'Empire. (1861.1896) Une anthologie
Un aspect du Turgot menacées de disparition. 628 p., 70 F
Ecrits économiques Mort en 1932, Anquetin commentée des textes
nationalisme moderne essentiels des peintres,
Histoire de la France Maspero, 128 p., 11,80 F Préface de B. Cazes fut l'ami de Toulouse-
Ouvrage collectif sous la Série • Fondateurs de Louis Souchon Lautrec, Van Gogh. critiques et théoriciens
L'action et les de l'Art
direction de G. Duby conceptions politiques l'économie· Accusé. taisez·vous Signac, Sisley, Pissarro,
Tome 1 : Naissance Calmann-Lévy, Préface de F. Pottecher Renoir. Réédition.
d'un héros de
d'une nation (des l'Indépendance 392 p., 19,20 F. Table Ronde,
origines à 1348) des Philippines. 260 p., 18 F
Généalogie, chronologie, Monique Vernhes Un document inattendu, Pierre Gassier
bibliographie et index Jean Bloch sur l'affaire Ben Barka, Juliet-Wilson RELIGIONS
Larousse, Pour la Guadeloupe par un de ses Goya, sa vie, son œuvre
Celso Furtado indépendante SCIENCES
3 vol., 1200 p., Les Etats-Unis et le participants, condamné 48 pl. couleurs
prix de souscription : Maspero, 60 p., 3 F par la suite à six ans 200 i11. en noir OCCULTES
sous-développement de Une dénonciation de
399 F .•.l'Amérique Latine de détention. 1 780 documents
Une explication très toutes les guerres Vilo, 400 p., 250 F
Calmann-Lévy, coloniales françaises à
nouvelle de l'Histoire 280 p., 23,40 F Un somptueux ouvrage Robert Claude
de France à travers travers l'histoire dont la documentation
Par l'ancien ministre exemplaire de la Le converti de Damas
celle des Français. brésilien de la THEATRE constitue le catalogue Casterman/Coli.
Guadeloupe. complet de l'œuvre
planification dans le • Adolescent qui es-tu ?,
gouvernement Goulart. du peintre. Une perspective pour le
Michel Mollat
Philippe Wolff DOCUMENTS chrétien d'aujourd'hui, à


Jean Anouilh travers la doctrine
Ongles bleus, Nguyen Khac Vien Ne réveillez pas W. Lam
Jacques et Ciompi apostolique de
Expériences Madame Dessins
Calmann-Lévy, vietnamiennes saint Paul.
• Andreï Amalrik Table Ronde, Préface
336 p., 24 F Editions Sociales, Voyage Involontaire 216 p., 13,50 F d'Y. Taillandier
Un tableau d'ensemble 272 p., 22,50 F en Sibérie La nouvelle pièce 8 p. d'hors-texte en coul. Marce'l Hertsens
synthétique et ' La leçon de la Trad. du russe par d'Anouilh, jouée Denoël, 112 p., 140 F Sagesse éternelle
comparatif, des divers résistance vietnamienne Hélène Chatelain actuellement à la Un grand peintre de la Chine
types de conflits pour les nations en lutte Gallimard, 296 p., 28 F Comédie des contemporain, venu Avec la collaboration
sociaux qui éclatèrent pour leur indépendance. (voir ce .n°, p. 3) Champs-Elysées. du surréalisme. de M .-1. Bergeron

38
Uvres publiés du 20 nov. au 5 déc.
Le Centurion, Nathan, 160 p., 18,50 F correspondance publié Edward Bond révolte de la Jeuneue
290 p., 38,70 F Un périple à la fois entre 1900 et 1907 et Demain la veNle Casterman/Mutatlons
Adaptation française INEDITS Orientations
Les grands textes du touristique, historique et proposant aux
confucianisme et du géographique au pays acheteurs des photos, d'Eric Kahane Par l'un des leaders
taoïsme. des Esquimaux. des livres et des objets Gallimard/Théâtre du du mouvement
érotiques. monde entier anarchiste, le
La pièce représentée Philippe d'Arcy mouvement libertaire
Histoire des religions Ada Bon actuellement au T.N.P. Hoéné Wronskl repensé à la lumière
Tome 1 : Religions Les cuisines Seghers/Philosophes des événements de
J. Lyon de tous les temps
antiques • Religions de régionales d'Italie L.-P. Serenl mal 1968.
salut (Inde et Nombr. Illustrations Une étonnante figure
La forme physique René Kallsky
Extrême-Orient) Denoël, 292 p., 87 F et une œuvre Insolite
pour tous Skandalon (1776-1853) .
sous la dlrectlol\ Un voyage Nombr. photographies Gallimard/Le Manteau Jacqueline lévi-Valensi
d.'H.-Ch. Puech gastronomique et Denoël, 224 p., 33 F d'Arlequin Camus
26 cartes et Illustrations pittoresque à travers Par une journaliste Un drame cycliste Garnier/Critiques de
Jean Cohen notre temps
• Encyclopédie de La les provinces Italiennes spécialisée dans inspiré librement par la Sexualité Inhabituelle
Pléiade - l'information médicale carrière du champion Camus vu par ses
Gallimard, 1 528 p., 79 F. Casterman/Vie affective contemporains et
Georges Peeters et un kinésithérapeute. Coppi. et sexuelle
éclairé par un choix
Pleins feux sur Une étude due à un de textes.
René Marié les rings médecin sur les
La singularité Un hors-texte Georges Michel anomalies sexuelles.
chrétienne Préface de Un petit nid d'amour Denis Marion
Casterman, 184 p., 15 F Maurice Chevalier POCHE Gallimard/Le Manteau André Malraux
Un essai qui s'efforce C. CruIse O'Brien
Table Ronde, LITTERATURE d'Arlequin Albert Camus Seghers/Cinéma
de trouver des solutions 256 p., 18,50 F Par l'auteur des d'aujourd'hui
concrètes aux problèmes Seghers/Les Maîtres
Par un grand spécialiste • Jouets - et des Une critique de l'œuvre
qui dominent français de ia boxe. • Aventures d'un laveur modernes
Le premier volume de filmée d'André Malraux,
actuellement la de carreaux -. et notamment de
théologie. cette nouvelle collection
Ray Bradbury consacrée aux • L'espoir -, par un de
Pierre Boulanger Je chante le ceux qui participèrent
Guide des cavernes principaux
Jacques Maritain corps électrique Peter Nlchols représentants au tournage de ce film
touristiques de France Trad. de l'anglais pendant la guerre
De l'Eglise du Christ Préface de N. Casteret Un Jour dans la dela pensée
Desclée de Brouwer, par Jane Fllllon mort de Joe Egg contemporaine. d'Espagne.
27 III. hors texte Denoël/Présence
428 p., 27,50 F Nlles Editions Latines, Adapté de l'anglais
La personne de l'Eglise du Futur. par Claude Roy
260 p., 24 F Francis Dauguet Jean Ormezzano
et son personnel. A la découverte de Gallimard/Du monde
entier Le loisir Jeunesse à deux
136 grottes présentées Félix de Chazournes Casterman/Enfance, Càsterman/Vle affective
par ordre alphabétique. Cette pièce a été créée
Eyrenée Phllalethe Caroline ou le départ en novembre 1969 au Education, Enseignement et sexuelle
L'entrée ouverte pour les îles Théâtre de la Gaîté- Loisir ou liberté d'être. • L'Itinéraire d'une
au palais fermé du roi Philippe Couderc Livre de Poche. Montparnasse. nouvelle carte du
Coll. • Bibliotheca Guide de la bonne Tendre, laquelle ne
Yves Deforge· conduit pas toujours
Hermetica - cave L'éducation
Denoël, 320 p. Ed. de la Table Ronde, Mérimée au marlage-.
. technologique
Un classique de \a 424 p., 30 F Colombe Casterman/Enfance,
littérature alchimique. Un florilège de ce que Garnier/Flammarion ESSAIS
Education, Enseignement David Pears
la gamme étendue des
vins de notre pays peut Wittgenstein
Albert schweitzer J.B. Priestley Claude-Henri Frèches Seghers/Les maîtres
Vivre offr.ir à
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Dix-huit sermons René Clair L'un des plus éminents
Bilingue Aubier- Cinéma d'hIer, portugaise
traduits de l'allemand Flammarion. Oue sais-je? représentants du
par M. Horst Paula Delsol cinéma d'aujourd'hui positivisme logique de
Préface de La météorologie Gallimard/Idées. l'Ecole de Vienne.
Georges Marchal populaire Stefan Wul Alice Gérard
·Postface d'U. Mercure de France, Niourk La révolution française
Neuenschwander 160 p., 15 F Denoël/Présence Lucien Fèbvre Mythes et G. Petlt-Dutaillis
A. Michel, 232 p., 19 F Un guide pratique du futur. Philippe Il et la Interprétations Les communes
Les sermons prononcés magnifiquement Franche-Comté 1789-1970 françaises
à Strasbourg par illustré. Flammarion/Science. Flammarion/Ouestlons A. Mlchel.L'évolution
A. Schweitzer du temps d'histoire de l'hûmanlté
de son pastorat. En marge de la Une histoire vivante du
Jacques Falzant POESIE Daniel' Guérin Révolution française, Moyen Age, qui explique
C'est ouvert Ni dieu, ni maître une autre histoire qui, les racines lointaines·
P.-P. Verbraken Denoël, t28 p., 12 F dès l'origine se
Les pères de l'Eglise Petite Collection de faits politiques
Un savoureux voyage Maspero. développe actuels.
PanonHna patristique polltico-humoristique. parallèlement: celle
Ed. de l'Epi, 120 p., 14 F de "Idée que l'on
Une introduction à Abdellatif Laâbi
La poésie palestinienne Le Coran s'en fait. Pierre Schaeffer
l'œuvre des Pères de irène Karsenty
l'Eglise. Le livre de la de combat Garnier/Flammarion. L'avenir à reculons
cuisine alpine Pierre Jean Oswald/ Casterman/Mutatlons
Léon Homo Orientations
Denoël, 292 p. La poésie des pays Les InStitutions
Un ensemble de arabes Un livre à contre-
Louise Michel politiques romaines courant des lieux
HUMOUR recettes ·La première anthologie A. Michel/L'évolution
de la poésie de la La Cormriune communs qui circulent
VOYAGES muitinationales- Histoire et souvenirs de l'humanité
quoique propres au résistance palestinienne. actuellement en matière
DIVERS En appendice, le procès Les différentes phases
massif alpin. d'une évolution qui de prospective:
de Louise Michel
Petite Collection procédait,. malgré les
Noureddine Aba Maspero. apparences, d'une
L'art érotique Montjoie Palestine 1 Znnie Ubersfeld
Jean-Claude Berrier logique interne Armand Salacrou
(voluptés sensuelles) Pierre Jean. Oswald/ impérieuse.
Alaska, splendeUr L'Or du Temps, Théâtre Africain Seghers-Théâtre de
sauvage 97 p., 19 F Un poète algérien Emile Zola tous les temps
Coll. • Pays et Cités Fac-similé d'un réagit à la guerre Mon saion • Manet Maurice Joyeux Le bilan d'une œuvre
d'Art • catalogue de vente par des Six Jours. Garnier/Flammarion. L'anarchie et la riche en contradictions.

La Quinzaine Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970 39


Collection Témoins/Gallimard

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Vincent Auriol
MON SEPTENNAT
Antonin Liehm Jean-Pierre Diény
TROIS GÉNÉRATIONS LE MONDE EST A VOUS
Entretiens sur le phénomène culturel tchécoslovaque La- Chine et les livres d'enfants

Arthur London Zhores Medvedev


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Cl
C
o
u
L'AVEU GRANDEUR
ci
ci
ci
Dans l'engrenage du procès de Prague ET CHUTE DE LYSSENKO

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