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3 f
a UlnZalne
littéraire du 16 au 30 nov. 1970

La linguistique en 70
p'ar
Georges Mounin
----
SOMMAIRE

3 LE LIVRE DE Adolfo Bioy Casares Journal de la guerre au cochon par Hector Bianciotti
LA QUINZAINE
4 ENTRETIEN Bioy Casares pa rie de son œuvre Propos recueillis par· H. B.
6 LITTERATURE Luis Harss et Barbara Dohmaim Pori rails el propos par Jacques Fressard
ETRANGERE Claude Couffon Migl/.el Angel Asturias

7 ENTRETIEN Amado. écrivain l:'ngagé Propos recueillis par Gilles Lapou~c

9 Rey nolds Priee Un homme magnanime par Jacques-Pierre Ameue


10 ROMANS FRANÇAIS Alain Gauzelin L'île mouvante par Claude Bonnefoy
Lau<lryc Ln fpmme épUl'pillée
Paul Hordequin Motus vivendi par Pierre Péju
12 Rezvani Coma par Paul Otchakovsky-Laurens
Les américanoiaques
Les voies de l'A mérique
Michel Piédoue La menace par Lionel Mirisch
13 Daniel Apruz La Bêlamour par Cella Minart
14 Philippe Augier Les objets trouvés par Claude Bonnefoy
Clarisse Nicoïdsky La mort de Gilles par Cella Minart
15 Nicole Quentin-Maurer Portrait de Raphaël par Anne Fabre-Luce
16 EXPOSITIONS Viseux, graveur Propos recueillis
17 par Jean-Luc Verley
Dans les galeries par Jean-Jacques Lévêque
Nicolas Bischower

18 URBANISME Lewis Mumford Le déclin des l'ilh's ou III recherchepar Françoise Choay
d'un nOI//lel urbanÙme
Alexandre Mitscherlich PSYl'hanalyse et uruanisme
20 HISTOIRE Maurice Aguthon Lll république au âllage par Marc Ferro
ESSAIS Jean-Jacques Salomon Sl'ience l't politique Dar Francois Châtelet
22 LINGUISTIQUE La lingu istiqul:' par Geor~es Mounin

24 ETHNOLOGIE Bronislaw Malinowski Le., dvnamiqnes par Denis Hollier


de l' P/1011/ tion culturelle
25 CINEMA Miklos Jancso Sirol'co d'hiver Dar ROl!er Dadoun
26 THEATRE Jarry su r la Butte par Lucien AUoun
La Moscheta

François Erval, Maurice Nadeau. Publicité littéraire : Crédits photographiques


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Téléphone: 222-94·03.
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François Châtelet, p. 6 Seghers
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Dominique Fernandez, Un an : 58 F, vingt-trois numéros. p. 10 Laffont
Marc Ferro, Gilles Lapouge, Six mois : 34 F, douze numéros. Laffont
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Etranger: Un an : 70 F.
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I.E I.IVR' DE

I.A QUINZAINE
La guerre au cochon
1
Adolfo Bioy Casares mentales, ce qui les aide à se sentir l'eau dans l'eau, dans le mouvement
Journal de la guerre au cochon encore vivants. Mais les meurtres anonyme de l'histoire. Ils ne se
Robert Laffont éd., 264 p. qui sont perpétrés en ville, troublent reconnaissent plus aucun droit. Ils
leur vie faite d'humbles habitudes. s'observent et inspectent autour
Ils assistent à l'assassinat, dans la d'eux, de façon soupçonneuse, êtres
Estimant que les individus qui rue, du marchand de journaux du et choses, et tout - les rencontres
ont dépassé la cinquantaine ont fait quartier ; ils apprennent qu'un jeu- les plus fortuites, les plus banales,
leur temps, les jeunes gens de ne homme est remis en liberté après la lumière au bout de la rue ou sur
Buenos Aires, pendant une semaine, avoir tué un Il cochon» automobi- les objets d'une chambre - leur
s'appliquent avec allégresse à les liste qui ne démarrait pas assez vite apparaît comme un signe hostile.
exterminer. Les raisons pour les- à un feu rouge. Le fils de Vidal, Si ce livre autorise des lectures
quelles se déchaîne cette « guerre quand ses amis tiennent une réu- diverses, sous plusieurs angles, à
au cochon» - ainsi qualifie-t-on nion chez lui, oblige affectueuse- plusieurs niveaux, il me semble
toute personne d'un certain âge -- ment mais fermement son père à se toutefois que ne serait pas juste
n'apparaissent pas clairement. Tout cacher au grenier. Des bûchers sont celle qui ne s'attarderait pas sur ces
ce que l'on sait, c'est qu'il ne s'agit allumés dans certaines rues et l'on quelques lignes et ne saurait pas y
pas d'une révolte contre le gouver- y jette de vieilles gens; un des déceler le battement qu'elles trans-
nement en place puisque le chef de « garçons », invité par son fils à un mettent à l'ensemble du roman :
ceux qui secouent si fermement le match de football, est précipité du « Il pensa que ces présages - peut-
cocotier diffuse ses ordres à la ra· haut des gradins, puis piétiné jus- être de simples coïncidences '-- vous
dio, et que les crimes demeurent qu'à ce que mort s'ensuive. Pendant rappellent que la vie, si limitée et
impunis. On apprend aussi de la la veillée funèbre, les « garçons », concrète pour celui qui y cherche
bouche de l'un des jeunes qui qui lisent dans le journal les nou- des symboles de l'au-delà, peut tou- Ainsi, de même que l'incertitude
consent à parler de l'affaire avec velles concernant « la guerre au co- jours vous faire vivre des cauche- s'est infiltrée dans l'esprit des per-
Vidal - le protagoniste du roman chon », apprennent que le fils de la mars désagréablement surnaturels sonnages, ruinant leurs modestes
- que « derrière tout cela, il y a victime n'a pas été étranger à l'as- ( ...) Il crut comprendre pour la ambitions, dans l'espace allégorique
des gens qui réfléchissent. Quantité sassinat. première fois pourquoi on disait que du roman s'est introduit insidieuse-
de médecins, de sociologues, de sta- Entre temps, les habituelles par· la vie est un songe : si on vit assez ment un élément qui va miner le
tisticiens, et, tout à fait entre nous, ties de cartes étant interrompues, les longtemps, les faits d'une vie, symbole que l'on avait cru voir se
il y a même des gens d'Eglise ». « garçons», s'inquiétant du sort comme ceux d'un songe, deviennent dessiner au début.
Donc, serait déçu le lecteur qui, l'un de l'autre, se rendent mutuelle- intransmissibles parce qu'ils n'inté- On pense à ces vastes symphonies
après les premières pages, s'atten- ment visite à la maison et décou- ressent plus personne. au projet littéraire bien arrêté, et
drait à trouver dans ce livre un vrent, par hasard, des aspects cachés Qui est, en fait, le protagoniste où, au chœur du somptueux édifice
commentaire ou une transposition de la vie privée de leurs amis. Ainsi du roman, Vidal, qui se croit indi- sonore, s'installe en parasite un pe-
de cette révolte des jeunes qui, de- se révèle la nature dérisoire des gne de l'amour que lui porte une tit ensemble à cordes qui finit par
puis quelque temps, mobilise les so- exploits amoureux dont ils se van- jeune fille ? imposer, au discours inébranlable
ciologues et, souvent, les déroute. taient dans les conversations de café. C'est un homme qui, dans la pé- du grand orchestre, son intime et
La révolte aux contours mal définis Ils ressentent peu à peu une répu- nombre de sa chambre, pendant tenace mélodie. Dans ce livre qui
mais aux conséquences sanglantes gnance mutuelle qui reste inavouée, qu'il sirote un interminable maté, partait pour être une allégorie, les
et nettes dont il est question dans ce mais qui, lorsqu'ils se retrouvent, rumine la pensée la plus triste que thèmes éternels de la fuite du
livre, est d'une ambiguïté fertile : les pousse à vouloir faire admettre l'on puisse avoir, et qui est chez lui temps, de la vieillesse, des vicissitu-
elle laisse sa chance à de multiples que, somme toute, les jeunes ont d'autant plus poignante qu'elle lui des de l'amour, se sont glissés et y
interprétations. La « guerre au co- bien raison' de traiter de « cochon» paraît couler de source : à ses yeux, ont pris de l'ampleur jusqu'à consti-
chon » rappelle plutôt les horreurs une personne de leur âge. Ainsi, une vie, aussi brève qu'elle soit, tuer l'essentiel de la trame.
que propose la science-fiction avec indirectement, se font-ils des pro- suffit pour deux ou trois hommes. Dans le naufrage final, la seule
ses invasions d'êtres supra-terrestres cès. Les actes criminels dont il leur L'amour qui, dans sa jeunesse, lui vérité qui surnage c'est, pour les
ou, plus simplement, celles que le arrive d'être les témoins ou dont les avait semblé une grâce et, avec les personnages, de n'être qu'un corps
racisme ne cesse de nous offrir et informent la radio et la presse. les années, comme une hygiène déses- que chaque minute dégrade.
qui, pour l'invention dans la cruau· renvoient à eux-mêmes; chacun des pérée pour conjurer le vieillisse- Mais voici qu'au bout d'une se-
té, dépassent les cauchemars dl' la personnages se pénètre de son indi- ment, soudain est devenu l'interdit maine, la l( guerre au cochon»
littérature. Cependant, dès les pre- gnité sous les yeux d'un autre qui absolu. s'achève. Les vieillards se risquent
mières pages, le livre semble vouloir en fait autant. Le sentiment d'être Il finira par accepter le refuge à nouveau à profiter du soleil, assis
projeter, dans l'espace qu'il compte un poids mort dans la société, le que lui offre la passion de la jeune dans les squares. Nos « garçons»
remplir de son anecdote, l'arc d'une submerge. fille. (Il crut soudain comprendre reprennent leurs parties de belote.
allégorie et l'on peut se permettre Le rayonnement de la jeunesse par intuition que l'explication de Et ils ne sont devenus les symboles
alors, de supposer que les faits et est tel que, de continuer à vivre l'univers était dans l'acte d'amour), de rien, sinon, à la limite, de cette
les personnages qui vont surgir, se comme par le passé, peu à peu les mais quand il lui fera cette promes- grisaille à laquelle ils participent
fondront dans le symbole qui, à son remplit de honte. Ils se sentent se d'amour éternel qu'elle attend de depuis toujours.
tour, les exaltera. voués à la vindicte universelle. Dès' lui, il saura qu'il a commencé à Il me semble que dans tous les
Cette guerre déclenchée par les lors qu'ils s'y résignent, ils ne sont mentir, non qu'il mette en cause livres célèbres où un personnage
jeunes est vue à travers un groupe pas étrangers à leur propre destruc- la sincérité de leur engagement réci- quelconque se trouve pris et broyé
d'hommes qui ont tous franchi le tion. Rongés par les regards, les proque, mais parce qu'il sait, désor- par les rouages d'une société - bor-
cap des cinquante ans, mais qui jugements des autres, ils se rongent mais, que le pire peut se produire à nons nos souvenirs à Melville et à
n'en continuent pas moins de s'ap- jusqu'à entrevoir, d'une façon obs- chaque instant, et aussi parce qu'il Kafka - il en sort grandi et comme
peler entre eux « les garçons ». Le cure mais tenaillante, que ce qui est se dit: J'ai pris d'habitude, depuis auréolé par un mystérieux prestige.
soir, ils se réunissent dans un café à vivre est, dans la vie, précisément quelque temps, de me demander si On peut imaginer que sa disgrâce
pour y jouer aux cartes et se racon- ce qui se détourne d'elle et s'écoule, ce qui m'arrive ne m'arrive pas est la conséquence d'une fatalité su-
ter leurs petites aventures senti- goutte à goutte, et se perd comme pour la dernière fois. prême qui inspire toutes les lois de
~
La Qulnialne Uttéralre, du 15 au 30 novembre 1970 3
El!(TRETIEN

Bioy Casares Dioy Casares


l'univers, et qu'il est - Joseph K. Je crois que vous avez commencé rables au début, de publier un de Quand j'ai écrit l'Invention de
ou Billy Budd - quelqu'un d'exem- très tôt à écrire. Qu'est-ce qui vous mes livres. Un jour, un ami m'avait Morel, le dernier de mes galops
plaire, une syllabe indispensable y poussait? annoncé, sur un ton extasié, qu'a d'essai, je me suis dit que si je
dans la phrase que raconte le monde allait écrire un article sur Plan voulais frapper juste, je devais évi-
et qui nous raconte aussi. B. C. - La première fois? Parce d'évasion. Alors j'ai fait tant et si ter tout ce qui était personnel. Le
Le lecteur éprouve alors un sou- que j'ai commencé à écrire plusieurs bien, qu'à la fin l'article a été d'une héros est vénézuélien, or, je suis
lagement qui n'est peut-être pas très fois et je n'ai pas moins de trois remarquable froideur. argentin, et je n'ai jamais mis les
innocent: quelqu'un est mort pour premiers livres dans mes tiroirs. pieds au Venezuela; les autres
lui, et il pense que cela est bien A quoi obéissais-je? A l'amour, au Vous avez dit que tous les eCrI- personnages sont canadiens, et je
ainsi, que ce sacrifice était néces- snobisme, au vertige du plagiat. vains, de nos jours, sont des poli- ne suis jamais allé au Canada;
saire. M es cousines, qui étaient de peu tiques... l'action se déroule dans une île du
Dans son roman, Bioy Casares mes aînées, lisaient le Petit Bob de Pacifique, et je ne suis allé là-bas
n'entend pas cerner la vie de Vidal Gyp, née comtesse Martel. Aussi- B. C. - Oui, de la même façon pas plus que Giraudoux et sa
et de ses amis pour en donner l'ima- tôt, j'ai voulu écrire le Petit Bob que, à une certaine époque, tout le Suzanne. A coup sûr a n'existe pas
ge la plus nette ; il se garde de lui de Gyp. l'ai échoué. monde était théologien. V ous vous une recette infaillible pour ne pas
faire franchir ce seuil au-delà du- souvenez, n'est-ce pas, des trois vo- se tromper. Après avoir écrit ce livre
quel toute vie devient quelque cho- Quel livre aimeriez-vous écrire ? lumes de cette Histoire de la philo- et quelques autres, j'ai changé
se d'unique, en un mot, une desti- sophie du Moyen Age... Il faudrait d'avis et je me suis installé dans
'née. Ses personnages, il les laisse B. C. - Dans les moment de fa- peut-être penser au lecteur de de- une croyance plus modeste : il faut
se fondre dans l'anonymat, ils les tigue, en vO)"age, dans un hôtel de main et lui laisser quelques textes écrire seulement sur ce que l'on
réduit à leur seule réalité : n'être province, la nuit, il m'arrive de purgés de politique, pour le sauver connaît très bien.
jamais que ce corps vieillissant qui s~nger à un livre « hospitalier », de l'universel désert de monotonie
dérive vers la mort. Il leur dénie une sorte de Bible pour gens fati- où, avec passion, nous nous appli- Vous n'aimez pas parler en pu-
le privilège exaltant du symbole. gués ou impatients, qui puisse être quons à distinguer les nuances blic, n'est-ce pas?
Ainsi, le dessein allégorique s'est- lue dans n 'importe quelle circons- d'éclat de chaque grain de sable.
il effacé. Mais il fallait bien que le tance. Peut-être les livres de pensées B. C. - Ce n'est pas que cela ne
livre nous laissât entrevoir une telle de Jean Rostand ou de Samuel Vous avez déclaré que vous n'avez me plaise pas mais, voyez-vous, je
direction, pour que prenne toute sa Butler donnent-ils une idée de ce pas l'intention de devenir une ne peux pas. Pour moi, parler en
dureté cette façon qu'a l'auteur que je voudrais faire. Au mieux, conscience publique. Etes-vous public, c'est comme une prouesse
d'abandonner ses personnages au je voudrais éviter la forme de la contre les écrivains de ce genre? de jongleur. Vous rendez-vous
ressassement d'un morne passé. sentence, de l'aphorisme. Le docteur compte de ce que cela représente:
Pourtant, la voix de Bioy Casares Johnson disait que les hommes de B. C. - Non, absolument pas. le en même temps, penser, transformer
garde les caractères qui la définis- l'avenir se détourneraient des n'ai pas du tout dit ça. l'admire une vague musique en mots précis,
sent depuis toujours : la tendresse grands livres, qu'ils admettraient profondément des écrivains qui ont que l'on doit se rappeler et qui se
pudique et l'humour. Dans ce livre seulement les fragments. En litté- été des consciences publiques perdent dans la tête (comme je l'ai
dont les épisodes nombreux et sa- rature, l'intimité du ton et l'inten- Zola, Shaw, Wells, Chesterton, entendu dire par un individu qui
vamment liés créent une atmosphère sité sont des vertus contradictoires, Julien Benda. Mais je crois qu'au- téléphonait dans un bar) tandis que
de cauchemar, et où l'on glisse de difficiles à concilier, et importan- jourd'hui, derrière chaque vieille le sourire condescendant de l'audi-
l'amour à un érotisme grimaçant tes. Moi, j'aimerais donner, à l'occa- barbe a y a un écrivain et, dans toire se nuance d'impatience... Je
à la Bunuel, la tendresse va parfois sion, à ce que j'écris, un ton intime, chaque écrivain, une conscience pu- crois au fond, que seul un som·
jusqu'à la pitié. ou, tout au moins, un style qui cou- blique. C'est vraiment trop. Il n'est nambule peut parler à son aise;
En même temps, son humour, lerait naturellement, sans les se- pas mauvais qu'un écrivain se trans- mais, à peine réveillé, il se remettra
atroce comme avec négligence, se cousses dues aux effets calculés. Ma forme en guide, mais qu'il en soit à balbutier.
révèle comme une éthique : il cor- tendance à l'ironie complique les de même pour tous, en même temps,
rode les préjugés, les conventions choses. Le lecteur peut y voir une me semble stérilisant. Une foule de En lisant le Journal de la guerre
univ.ersellement répandus, auxquels forme de refus. le crois que George consciences publiques n'est jamais au cochon, certains ne manqueront
est soumis le petit monde de Vidal. Moore a dit que si l'intensité n'est qu'une foule, avec tous ses défauts. pas de penser à la révolte des jeunes
Nul doute que le lecteur qui a peut-être pas une des plus hautes Au lieu d'être de fortes personna- de nos jours...
aimé l'Invention de Morel et le Son· vertus littéraires, elle est cependant lités, comme dirait Macedonio Fer-
ge des héros, ne découvre que Bioy une des plus rares. Quand je pense nandez, une espèce de sage que nous B. C. - Peut-être les gens en
Casares s'engage ici dans une voie à Eça de Queiroz (un écrivain que avons eu à Buenos Aires, les écri- parlaient-ils déjà de cette révolte et,
différente des précédentes - la fan- j'admire beaucoup) je réussis dans vains deviennent les commis-voya- bien que je sois assez distrait, en
tastique et celle que je me résigne le ton intime et je m'éloigne de geurs affairés des religions et des avais-je su quelque chose quand,
à appeler réaliste - mais il consta- l'intensité. le crois que Proust mêle partis politiques de l'heure. Peut- vers 1967, j'ai imaginé le thème de
tera aussi qu'il emprunte à toutes admirablement ces deux vertus. être un de ces jours vais-je décro- ce roman comme une chasse : des
les deux. cher moi aussi un de ces doctorats jeunes gens agiles traquaient de
'Que l'éditeur nous promette, Un écrivain, peut-il ignorer les qui impressionnent, et qui me per- pauvres vieillards alourdis et vulné-
après ce roman dont la traduction, lecteurs? mettront de faire autorité : demain, rables. Au commencement, dans
excellente, est de Françoise-Marie dans un an, ou quand je serai mon esprit, c'était comme un ballet,
Rosset, la publication complète de B. C. - Non; je préfère la pru- centenaire. comme une série de situations qui
l'œuvre de Bioy Casares, a de quoi dence des auteurs de romans poli- Mes défauts, je les connais. pourraient être d'un film comique
nous réjouir. Il était temps que l'un ciers, qui ne les oublient jamais, ou Comme je suis par nature impatient américain des années vingt. Avec
des écrivains les plus singuliers et qui s'efforcent de ne pas les oublier. et toujours pressé, je travaille avec l'amour, somme toute vraisembla-
les plus représentatifs de la litté- La vérité c'est que moi, si je ne me lenteur, circonspection, et dans le ble, d'une jeune fille pour un
rature contemporaine de langue es- surveille pas, j'entre si volontiers plus grand calme. le me souviens homme mûr; avec la loyauté, in-
pagnole occupe la place qui lui dans les raisons de mon contradic- de ce que dit Kafka (l'un de mes certaine, des fils pour leur père,
revient. teur, qu'a m'est arrivé de dissua- saints patrons) : « L'impatience est est apparu ensuite l'essentiel de
Hector Bianciotti der des éditeurs qui m'étaient favo- la mère de tous le~ vices ». l'histoire que j'allais traiter. l'ai

4
parle de son œuvre
cru d'abord que j'allais écrire un finalement, j'ai annoncé à l'éditeur, B. C. - Ce n'est pas d'abord un
conte humoristique. Après, j'ai que je retenais le titre de Journal projet grandiose qui nous a associés.
compris que je devais employer de la guerre au cochon, j'ai vu le Nous avions tous deux reçu la
un ton sérieux. Enfin, ce qui corres- visage de cet homme blêmir, se ren- commande d'un texte publicitaire
pond chez moi à un ton sérieux. frogner, passer par toutes les cou- de vingt pages pour un produit
J'ai compris alors qu'au lieu d'un leurs. Alors j'ai compris que cet pharmaceutique contre le vieillisse-
conte ce serait un roman. Plusieurs homme était un véritable ami et ment. Nous avons accumulé les té-
fois, dans ma vie, dans mon travail, je me suis excusé pour la peine que moignages de gens satisfaits. Natu-
j'ai eu la certitude que toutes les je lui infligeais. A présent il me rellement, nous les avons inventés,
histoires que nous pouvons inventer, semble que le livre n'aurait pas pu et ils étaient tous centenaires. A
existent déjà, dans quelque ciel, s'appeler autrement et je suis sûr l'époque - c'était en 1935 - j'écri-
sous leur forme platonique; c'est à qu'il me donne raison. vais très mal. Ce fut merveilleux
l'auteur de les découvrir, un peu de travailler avec quelqu'un comme
comme un navigateur découvre une Et le caractère un peu flou, fan- Borges qui était déjà un maître.
nouvelle terre, un continent. Il faut tasmagorique de cette révolte ? Puis nous avons écrit ensemble
déterminer ce qui convient à l'ar- plusieurs livres; des contes, comme
gument choisi : conte ou roman, B. C. - Les moments les plus les Six problèmes pour Isidro
première ou troisième personne, et, intenses, les plus terribles de la Parodi; des textes de critique,
pour le style, l'humour ou la gra- vie. nous laissent des souvenirs qui comme les Chroniques de Bustos
vité, la simplicité ou la manière n'ont que la lumière des rêves. le Domecq, des scénarios. A propos de
pédante. La moindre erreur est crois que je n'avais pas d'autre cette collaboration avec Borges je
grave, mais si l'on se trompe dans choix : ou la farce, ou la lumière pen,se à une phrase de Stevenson...
le ton, l'erreur est irréparable, tout des rêves. En évitant la farce, Je crois -qu'il disait : « Il ne faut
est perdu. j'avais peut-être l'occasion de don- que nous ne sommes pas aussi illi- pas lire les mauvais écrivains parce
J'ai inventé l'histoire de ce livre ner à mon récit un peu de tristesse mités que nous l'avions cru. De que l'on croit que l'on peut écrire
à Mar del Plata, au début de 1967 ; et d'exaltation épique. N'importe toute évidence, nous n'avons qu'une aussi mal; il faut lire les bons
au milieu de l'année, un voyage en quelle méditation sur le destin de vie. De sorte que nous répétons les écrivains, parce que l'on croit que
Europe a interrompu mon travail. l'homme provoque une certaine mêmes anecdotes, les mêmes obser- l'on peut écrire aussi bien ».
En voiture, entre Milan et Rome, tristesse et entraîne aussi quelque vations, les mêmes phrases; nous
j'ai raconté l'histoire à Ginevra exaltation épique qui nous galva- nous résignons à la répétition. Par-
Bompiani. En mai 68, Ginevra m'a nise, au moins jusqu'à ce que d'au- fois j'ai envie de prévenir le lecteur De Flaubert
écrit par un roulement de tambour, que
, à Buenos Aires pour ., me. .dire tres pensées nous distraient. à Proust
qu en somme, ce que ] avaLS Lma- recommence l'histoire du Petit Bob
giné, était en train de se produire. Aviez-vous une arrière-pensée de Gyp, comme lorsque j'étais en-
Quels sont les auteurs qui vous
d'allégorie en écrivant ce roman? fant, ou l'allusion aux Trente lolis
donnent envie d'écrire, en d'autres
Et le titre? La ( guerre au co- Visages qui, au Théâtre Porteno de
mots, ceux que vous préférez ?
chon » ? B. C. - Non. Si ce livre prend la Buenos Aires, m'ont révélé, à dix
tournure d'une allégorie, ce sera ans, la $plendeur des femmes nues.
B. C. - Johnson, V oltaire, De
B. C. - C'était le titre du conte. la réalité qui la lui aura conférée. Les répétitions reviennent, inlassa-
Quincey, Wells, Benjamin Constant,
Comme il devait faire partie d'un bles, comme les petits chevaux de
Stendhal, Flaubert, Proust, Henry
recueil cela n'avait pas d'impor- Que pensez-vous des interviews? bois du manège, et l'on s'ennuie, et
James... Flaubert... Il y a long-
tance. Quand j'ai décidé d'écrire l'on se dégoûte de soi-même, de la
temps, j'ai même dit du mal de
un roman, je me suis dit que j'au- B. C. - Au commencement, nous vie. Le remède ce serait peut-être de
lui : je n'avais lu que Salamhô.
rais le temps de trouver quelque parlons de nous-mêmes, il y a des se perdre dans le travail, dans la
Et de Proust aussi, quelle horreur!
chose de mieux. l'ai présenté ce gens qui écoutent toutes les consi- composition d'un thème imperson-
le ne l'avais pas encore lu, mais
livre à mon éditeur en Argentine dérations nuancées que nous faisons nel.
WeUs en disait du mal et j'aimaÜ!
avec un autre titre; j'en étais au sur notre propre compte; nous tant Wells... le voulais qu'il eût
quatrième ou cinquième. Chacun sommes satisfaits; nous nous sen- La collaboration raLson...
d'eux m'avait, un certain mo- tons importants; nous avons été, avec Borges
ment, semblé acceptable, et puis pendant un moment, le centre du
j'en découvrais la faiblesse du syno- monde; mais après trois ou quatre Comment avez-vous commencé à Propos recueillis
nyme, de l'euphémisme. Le jour où, interviews, nous nous apercevons travailler avec Borges? par Hector Bianciotti
1.II'I'a.& l'URE

Un bilan sud-américain
al'R&NC.RE

Luis Harss et Barbara Dohmann me. Pis encore, la traduction du li- ment critique de leur travail. Leurs
Portraits et propos vre de Harss ayant été faite à pàrtir idées sur la nature du genre narratif
Trad. de l'anglais de l'édition anglaise, c'est souvent le paraissent floues ou arbitraires. Le

1 par René Hilleret


Coll. « La Croix du Sud »
Gallimard éd., 437 p.

Claude Couffon
titre anglais, sans aucun rapport
avec l'original, qui se trouve adapté
entre parenthèses, ou même repro-
duit tel quel sans aucun discerne·
ment. De la sorte, le Siècle des lu-
vrai roman est essentiellement in-
trospectif proclame Luis Harss. Et
pourquoi donc, s'il vous plaît? Ne
saurait-il être descriptif, et n'est·ce
pas là le cas, justement, dans une

1 Miguel Angel Asturias


Coll. « Poètes d'Aujourd'hui»
Seghers éd., 188 p.
mières, chef·d'œuvre du même Car-
pentier, devient Explosion dans une
cathédrale (sic), tandis que Rayuela
de Julio Cortazar est rebaptisé
Hopscotch (si votre libraire ne sait
large mesure, des œuvres qui nous
viennent d'Amérique latine?
Reste que l'étude est bien orien·
tée et qu'elle montre clairement ce
qui unit un homme comme Alejo
Voici un livre qui vient à pas que cela signifie Marelle en an· Carpentier, né en 1904, et un écri·
son heure, qui aurait pu être glais tant pis pour vous). Qu'on ne vain de la jeune génération comme
excellent et dont on regrette nous dise pas qu'il s'agit là de vétil· Mario Vargas Llosa: Il 's'agit tou-
de n'avoir pas à dire que du les. La première qualité d'un guide jours de dépasser un certain réalis-
bien. Quelle heureuse idée, c'est de nous guider correctement. me naïf (si peu « réaliste » au fond,
en effet, que d'avoir saisi le mais que les faux dilemmes - na·
moment où le roman latino- tionalisme ou cosmopolitisme, enga-
Bien mal servis gement ou tour d'ivoire - impo-
américain, sous nos yeux, sort
saient comme une sorte de devoir pa-
enfin de l'âge du chromo, de Dans certains cas l'affaire tourne
sa période ingénue et didac- triotique ou social). Ce dépassement,
d'ailleurs au burlesque involontai- chacun des romanciers ou des
tique, et s'affirme comme un M.A. Asturias re : le titre du beau roman de Vargas
vu par Luis Seoane, en 1951. conteurs qu'on nous présente a su le
des secteurs les plus vigou- Llosa la Ville et les chiens est ren- mener à bien, selon ses propres
reux de la narration contem- du - si l'on ose dire - par le
tes dans notre langue pour la plu. voies et pour son propre compte, à
poraine, pour dresser un pre- Temps des héros (sic), et le traduc·
part dans les dix ou quinze derniè- l'intérieur d'une création cohérente.
mier bilan! teur poursuit impavidement : « Le
res années, qui n'ont pas toujours C'est en quoi ils méritent toute no-
obtenu chez nous l'écho que l'on
titre est une révélation. Nous som- tre attention, et tout particulière-
pouvait attendre, et qui sont pour
mes dans un monde où les chiens ment ceux qui sont passés trop ina-
la première fois l'objet d'un travail
se mangent entre eux » ! Là encore perçus chez nous, tel l'étonnant
critique d'ensemble. C'est dire l'in· que celui qui ne sait pas l'espagnol Juan Carlos Onetti (1).
Ce bilan, Luis Harss et Barbara se débrouille, ou se renseigne ail·
Dohmann l'ont voulu aussi vivant térêt de cet' ouvrage pour le public Ce n'est pas, heureusement, le lot
leurs! Ces graves négligences sont de Miguel Angel Asturias, Prix No-
et attrayant que possible, sans rien français, qui pourra y découvrir -
d'autant plus étonnantes que bon bel 1967, dont l'œuvre romanesque
d'académique ou qui sente le moins en un temps où notre production
nationale apparaît bien falote - un nombre de ces romans ont été pu- a été abondamment traduite et mê·
du monde le fichier universitaire. bliés chez le même éditeur que l'étu-
Ils sont allés voir et interroger dans nouveau continent littéraire, à peine me - fait unique - grâce à un r0-
de qui leur est consacrée. Il eût man fameux ( Monsieur le Prési-
leur pays une dizaine d'écrivains, émergé, dont l'exploration lui réser·
suffi qu'une personne compétente dent), rééditée en livre de poche.
d'Alejo Carpentier à Vargas Llosa, ve toutes les joies de la surprise et
consentît à jeter un coup d'œil sur On ignore souvent, en revanche,
en passant par Asturias, Guimarâes des heures de lecture savoureuse.
le catalogue de la maison pour opé- qu'Asturias est aussi un poète, et
Rosa, Onetti, Cortàzar, Rulfo, Fuen- rer les ajustements nécessaires.
tes et Garcia Màrquez; autrement Une incitation pas seulement pour les pages en
Qu'on ajoute à cela un français pâ- prose des Légendes du Guatemala,
dit tout ce qui compte vraiment - à lire teux, voire même incorrect et semé
ou presque - à l'heure actuelle, qui lui avaient valu un chaleureux
de « coquilles », une compréhension éloge de Valéry. Claude Couffon lui
dans ce domaine, en Amérique de Il s'agit donc d'une incitation à de l'anglais parfois douteuse (lors-
langue espagnole ou portugaise. lire, qu'il faut juger comme telle. consacre, chez Seghers, une très
qu'on lit, à propos d'une œuvre aus- précieuse monographie, qui sera
De leur périple ils ont rapporté Mais c'est là précisément que les si dramatique que le Siècle des lu·
des portraits et des interviews, qu'ils choses commencent à se gâter, en pour beaucoup l'occasion d'une véri-
mières, « le résultat est une vaste table découverte. Soulignant le rôle
sertissent adroitement à l'intérieur premier lieu par la faute du traduc- vie tranquille », phrase absurde où
d'une description critique de cha- teur. Les titres des nombreux ro- essentiel de la poésie dans le réalis-
transparaît un contre·sens sur « still me magique de ses romans - à
cune des œuvres en question. V0- mans cités dans le texte apparais- life », tous les doutes sont permis),
lontairement, ils n'ont retenu, de sent sous leur forme ibérique origi- l'aide d'extraits bien choisis -
et l'on conviendra aisément que, Claude Couffon les relie aux grands
toutes les périodes antérieures, que nelle, suivie de la traduction entre une fois de plus, les romanciers la-
quelques noms et quelques grands parenthèses, ce qui semble de fort recueils de poèmes, Tempe d'alouet-
tino-américains sont bien mal servis te, Ce que dit le grand conteur,
traits qu'ils présentent en une qua· bonne méthode. Encore faudrait·il chez nous.
rantaine de pages d'introduction, en que cette traduction corresponde à Claireveillée de printemps (les deux
guise de toile de fond historique. La celle adoptée lors de la publication premier inédits jusqu'ici en Fran-
documentation pure, les « sources » en France de l'ouvrage qu'on dési- Des idées floues ce). Quel plaisir que de lire de la
et les « courants », les écrivains mi- gne ainsi à l'attention. ou arbitraires poésie bien traduite, des poèmes qui
neurs qu'on étudie comme autant Une fois sur deux ce n'est pas le demeurent poèmes. Quel plaisir que
de maillons d'une chaîne continue, cas. Ainsi le lecteur français Le texte original de Harss et de lire un livre bien écrit et bien
ce n'est de toute évidence pas leur curieux, alléché peut-être par Luis Dohmann n'est d'ailleurs pas lui- imprimé!
affaire et l'on aurait tort de le leur Hars,;, cherchera en vain chez son même sans défauts. Excellents lors- Jacques Fressard
reprocher. libraire les Pas perdus ou encore qu'il s'agit de brosser un portrait (1) On pourra lire, aux éditions
Harss et Dohmann nous propo- le Harcèlement d'Alejo Carpentier, ou de rapporter une conversation, Stock, Trousse-vioques, qui vient de
paraître, et le Chantier (Voir La
sent une approche directe d'œuvres alors qu'il lui faudrait demander le ils se révèlent parfois moins Quinzaine Littéraire, n° 38, 1·· no-
tout à fait contemporaines, tradui· Partage des eaux et Chasse à l'homo convaincants dans la partie propre· vembre 1967).

6
ENTRETIEN

. .
Amado~ ecrlvaln
,
engage
,

Jorge Amado. VOICI qua- de les séduire avec. une souris sa- rait arriver au Brésil, dans un mé-·
rante ans qu'il nous envoie vante qui ne parvient pas à les épou. lange de drame et de joie. Il y a
des nouvelles régulières de vanter; enfin, le plus noble de une chose qu'il faut savoir. Au Bré-
Bahia et du Nord-Est brési- tous, Jésuino le coq fou, homme sil, les gens sont très malheureux
lien. Il veille pour nous, là-bas, libre, qui promène ses souliers cre- mais ils ne sont jamais tristes, sur-
de l'autre côté du monde. vés, d'où dépassent ses orteils, avec tout dans le Nord-Est. Ils ont une
dans l'énorme cité chaude et la dignité d'un aristocrate de haut joie terrible qui leur permet, mal-
langoureuse où des nègres rang. Aucun de ces hommes n'a gré la faim ou l'injustice, d'aller de
dont les yeux sont bleus dan- la fibre révolutionnaire. Non qu'ils l'avant. Cela était déjà dit dans mes
sent avec des mulâtresses acceptent l'injustice ou l'ordre des premiers livres. Le changement,
belles comme l'or. Quand le choses mais ils ne l'attaquent pas c'est qu'avant j'étais un pamphlé-
crépuscule descend sur le de front. Ils conduisent leur lutte taire, je divisais le monde entre les
port, il nous fait signe, il nous avec d'autres armes inédites chez bons et les mauvais. Aujourd'hui,
pilote dans le lacis de ruelles Jorge Amado : une sorte de résigna- je sais que personne n'est tout noir
qui zigzaguent au flanc de la tion hautaine, le culte de l'amitié et ou tout blanc. Il y a des dosages en
colline, parmi les églises ba- de l'amour, du rêve, de la poésie chacun, c'est ce que j'ai appris chez
roques, les demeures patri- et de l'humour. Dickens, chez Gorki.
ciennes aux faïences bleues, Une grande partie du livre se
les taudis de planches. J. A. - Oui, on m'a dit cela. On passe dans les cérémonies noires du
m'a dit que depuis Gabriela, fille du « candomblé ». On dirait que les
Brésil, en 1958, meS livres ont
pauvres y puisent leur force.
changé de ton mais est-ce que c'est
Pour quelques jours, il a aban-
tout à fait juste ? Regardez la fin J. A. - Vous savez, ces gens-là
donné son fief. La rue Monsieur le bien, ils se présentent comme votre des Pâtres de la nuit : les pauvres étaient des esclaves. Et c'est cette
Prince a pris la place de la colline égal. Ce sont mes amis car ils n'ont décident, contre l'administration, de vie religieuse qui les a aidés à sur-
de fleurs et de palmes. Il y est aussi aucun intérêt en arrière de la tête. construire un village sauvage sur vivre car elle est très belle, très pro-
à l'aise que dans les bistrots de Ils m'apportent des cadeaux : une la colline de Tue le chat. Ce qui est fondément liée à la nature primi-
Bahia. Modeste, élégant, presque histoire qu'ils trouvent jolie, ou vrai, c'est qu'aujourd'hui, je racon· tive. Ces cultes syncrétiques ont traM
invisible avec sa silhouette vive et bien une figurine de céramique et te cette histoire telle qu'elle pour· versé tout l'esclavage et aujourd'hui
racée, les cheveux blancs, la mous- ils bavardent. Nous autres, Brési· ~
tache chaplinesque et tant d'amu- liens, ce qui nous intéresse est as-
sement, toujours, dans les yeux. sez simple : les femmes, la politi-
Sa jeunesse surprend, depuis le que, le football, des choses comme 4 romans flammarion
temps qu'il est illustre, est-ce qu'il ça, voilà de quoi je parle avec eux. distingués par la critique
ne devrait pas avoir cent ans? C'est
qu'il avait à peine vingt ans quand En France, on connaît Jorge
son premier livre, Cacao, faisait con-
naître son nom au monde entier,
Amado comme un écrivain engagé :
Terres violentes, Bahia de tous les
LA LUNE LE
en 1933. Traduit en trente-deux
langues, best-seller mondial, monu-
Saints, Gabriella, fille du Brésil, Ca-
pitale des sables, la Terre aux fruits
D'HIVER PENSIONNAIRE
ment de la littérature brésilienne, d'or; vingt romans nous ont habi- claude vigée jean-français ferrané
prix Staline en 1949, il semble igno- tués à cette voix violente et exaltée
rer sa propre célébrité. Il parle com- qui luttait contre toutes les injusti.
me il écrit, dans un beau langage ces. La vie de Jorge Amado porte
simple, on dirait d'un chapitre de trace du long combat : emprisonné "C'est le premier roman d'un étudiant de
son dernier livre traduit en fran- à plusieurs reprises, il a aussi passé vingt et un ans ... Le livre captive et retient
"Nous sommes en présence d'un itinéraire,
çais, les Pâtres de la nuit, ouvrage mais au sens le plus entier du terme. Le à la manière d'un cauchemar qui vous pour-
plusieurs années d'exil en Russie, mouvement objectif, qui est voyage et dépla-
suit et vous hante longtemps après le
ancien du reste puisqu'il a été pu- en Argentine, en France. Or, ses cement et fuite devant la poursuite homicide réveil".
VERA VOLMANE
blié au Brésil en 1964 et que deux derniers livres étonnent. La révolte des Juifs est en même te'Tlps un mouvement
gros romans ont suivi. s'y tempère, elle change de registre.
Plus trace de prédication. Le lyris.
INFERNAUX
progressif intérieur, métamorphose de la
conscience d'un jeune ét~~~~~fi~isRAHI=
Jorge Amado. C'est une me cède à l'ironie.
chronique sur les vagabonds de
Bahia. J'aime bien ces gens-là. A Les Pâtres de la nuit sont ainsi LE PALUDS
Bahia, j'ai une maison sur la col-
line, on vient souvent me voir.
Parfois, on me téléphone d'abord
d'étranges figures y forment un car-
naval nocturne et étincelant, dans la
joie, l'ivresse et la bouffonnerie :
SCHOONER claude-louis combet
et cela veut dire que des étrangers le caporal Martim, beau parleur et claude deimas
vont m'interviewer sur l'existence champion du jeu de cartes, bour-
de Dieu ou sur la littérature et que reau de tous les cœurs et dont le "Jamais un romancier n'avait mis en évidence
voulez-vous que je leur raconte ? mariage avec la belle Marialva tour- avec autant de force la nature mystérieuse
et la violence de l'amour qu'un ieune garçon
D'autres 'ois, on se présente chez ne au désastre; le nègre Massu, "Le Schooner est la fable de la jeunesse porte à sa mère. Jamais, autour d'un thème
moi sans me prévenir et alors ce géant débonnaire, dont le fils aura pour qui le sexe et la mort sont le~ seuls aussi scabreux, on n'avait organisé une
moyens de se perpétuer, d'échapper à la méditation lyrique aussi vertigineuse. Una
sont des gens de Bahia. Des gens comme parrain à l'église Notre-Da· résignation de l'age mOr, aux pièges trom- révélation littéraire est toujours quelque peu
peurs de la raison". suffocante, mais ce roman est à proprement
très pauvres mais civilisés, merveil- me du Boufim, le dieu noir Ogun, CLAUDE BONNEFOY parler un livre suffocant".
leusement civilisés. Ils viennent maître des métaux, en personne;
me voir sans motif. Pour me dire Curio, amoureux de toutes les mu-
bonjour. Ils n'ont pas le sou, eh lâtresses et qui a l'idée saugrenue

La Quinzaine Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970 7


• Jorge Amado En feuilletant ...
ils se multiplient. En 1935, j'ai ques. Ils font leur métier et ils le Makhno sur la littérature et l'art, 1. Sur le
écrit un guide de Bahia, ü y avait font sûrement très bien. Moi, cinéma (248 p.), 2. Sur le réalisme
180 candomblés. En 1961, j'ai ré· j'écris des histoires._ Remarquez,- je _ Nestor Makhno est une figure (184 p.), 3. Les Arts et la révolu-
visé ce guide, ü y avait 611 can- ne veux pas jouer à l'écrivain qui légendaire de la révolution russe de tion (192 p.). Les traducteurs res-
domblés. Aujourd'hui, Ü y en a ignore la littérature. Je lis. Il y a 1917 et du mouvement anarchiste. pectifs en sont J .L. Lebrave et J.P.
plus de müle. Dans les autres par- des livres que j'aime et des livres Son lieu d'action était l'Ukraine du Lefebvre (également traducteurs du
ties du Brésü, on assiste à la nais- que j'admire. sud où il fédéra les petits paysans livre d'Ernst Fischer: A la recher-
sance de nouveaux cultes, celui de contre les autorités tsaristes puis che de la réalité, Denoël, L.N.),
la Ubam.da. Là, le mélange est en- C'est-à-dire ? contre les armées d'occupation alle:- André Gisselbrecht, Bernard Lor·
core plus grand : vous avez des mandes et autrichiennes après tholary.
rites animistes d'Afrique, des cul· J. A. - Eh bien, si je lis un Brest-Litovsk, en 1918, dans une
tes indigènes d'Amérique, des bri- livre de Miguel Angel Asturias, je guerilla incessante qui finit par Byzance
bes chrétiennes et par-dessus tout suis ravi et en même temps un donner du fil à retordre aux bolche-
cela, du spiritisme. peu triste parce que je me dis : viks eux-mêmes. Makhno refusait Albin Michel réédite dans « l'Evo-
Ces choses-là sont essentielles « V 000 le livre que j'aurais aimé en effet de se plier aux ordres du lution de l'humanité» (en poche)
chez nous. Vous savez que le culte écrire.» «Mais si je lis un texte chef de l'Armée rouge, Trotsky, et les deux ouvrages fondamentaux de
du candomblé qui est somptueux de Borges, je suis béat d'admira- entendait mener la guerre révolu- Louis Bréhier sur Byzance : Les ins-
est très cher et pourtant tout le tion et je me dis : « V 000 un tex- tionnaire à sa façon. Les partisans titutions de l'empire byzantin et la
peuple y participe. Pas seulemeni te que je ne regrette pas de n'avoir de Makhno furent finalement dé- Civüisation byzantine. Des supplé-
le peuple : on serait surpris de pas écrit». Pour en revenir aux faits par l'Armée rouge et quelques- ments bibliographiques, dûs à Jean
connaître le nom de personnes de critiques, aujourd'hui, je me de- uns de leurs officiers fusillés pour Gouillard, directeur d'études à
la haute bourgeoisie qui viennent mande s'ils n'accordent pas trop « haute trahison ». Makhno dut se l'Ecole pratique des Hautes études,
de Sao Paulo, de Rio, pour consul- d'importance aux problèmes for- réfugier en Roumanie, puis en ont été adjoints à ces volumes de
ter les maîtresses du culte, ces mels. Je pense à Guimaraes Rosa, France où il mourut en juillet 1935. plus de six cents pages chacun et
vieüles femmes qu'on appelle les qui était mon ami. Bien. Tout le Dans une collection dirigée par qui, miracle, ne coûtent que 12 F
«mères de saints D. Je les aime monde reconnaît un très grand Daniel Guérin et Jean-Jacques Le- pièce.
beaucoup, elles ont une grande sa- écrivain mais les critiques le bel, l'éditeur Pierre BeHond réédite
gesse, une finesse extraordinaire voient surtout comme un créateur le premier volume (devenu introu- La premlere version
et puis, qu'un banquier vienne se de langage. Et pourtant, en défini- vable) des Mémoires de Makhno. de «Justine»
soumettre à la décision de ces fem- tive, pourquoi Guimaraes Rosa est·ü Deux autres suivront -(qui furent
mes, c'est intéressant, non ? un très grand romancier ? Parce 1seulement édités en russe à Paris). Béatrice Didier, professeur à
qu'il est inventeur d'univers. D (Makhno : la Révolution russe en Nanterre, donne une nouvelle édi-
Il y a une autre catégorie de - Il faut aussi vous dire que Ukraine, 1918-1921, avant-propos tion des Infortunes de la Vertu dans
femmes dont vous parlez avec ten- nous autres, écrivains brésüiens, de Daniel Guérin, 232 p., 18 F). le Livre de Poche. Elle a établi son
dresse, dans les Pâtres de la nuit, nous n'avons pas une vie littéraire texte d'après le premier manuscrit
les putains ? au sens français du terme. Je vous Nietzsche de Sade, déposé à la Bibliothèque
raconte une histoire : dans un vü- Nationale, et tenu compte des cor-
J. A. - Ah, peut-être que je lage, il y a une fête. Les paysans Les œ u v r e s philosophiques rections de l'auteur, de ses notes, de
suis un peu de parti pris, vous ne boivent beaucoup et l'un d'eux s'ap- complètes de Nietzsche, dont la ses ajouts, de ses iildications. A la
croyez pas mais que voulez-vous, proche du pasteur du vülage, lui publication a été entreprise il y a fin du volume figure le cc Cahier
elles sont charmantes, ces petites- dit : « On ne vous offre pas à boire quelques années par Gallimard, préparatoire» établi par Sade et,
là. Quand j'étais jeune, j'allais parce que vous êtes un prédica- s'enrichit d'une nouvelle édition en tête, la fameuse préface de
souvent dans ce bordel pauvre dont teur ». Et le pasteur: « Ecoute, je d'Aurore, traduite par Julien Her- Paulhan (avec qui, d'ailleurs, Béa-
je parle dans les Pâtres, le « Cas- suis un prédicateur seulement vier. Les deux tiers du volume sont trice Didier n'est pas toujours d'ac-
tello». La patronne, Tiberia, était quand je prêche. Mais quand je formés de Fragments posthumes, cord). On sait que Sade a écrit
une femme adorable. Elle était bois, je suis un buveur D. Vooo. adjoints à Aurore et qui sont pour trois versions de sa Justine. Celle-ci
une vraie mère pour les «peti- En France, les écrivains sont écri- une grande part inédits, même en est la première et la moins connue.
tes», elle les consolait de leurs vains vingt-quatre heures sur vingt- allemand. Ils ont été traduits sur (Volume double, 316 p).
peinés de cœur, elle veülait sur quatre. IVous autres, je crois plutôt les manuscrits originaux. dans leur
elles. Le mari de Tiberia était tail· que nous écrivons parce que nous ordre chronologique. Seuls, un petit Dans « le Désordre»
leur, ü faisait les soutanes des cu- vivons. nombre d'entre eux avaient pris
rés de Bahia. Quand elle a été - Je vous dis encore une his· place dans l'ouvrage fabriqué par Jean Schuster publie dans sa col-
très malade, elle m'a envoyé un toire. Il y a un écrivain dans son Mme Forster-Nietzsche : la Volonté lection Cl le Désordre », chez Eric
mot, j'ai pu la revoir avant qu'elle jardin, ü se balance dans son ha· de puissance, mis à l'index par les Losfeld, un petit ouvrage de Benja-
meure. Je vais même vous dire mac. Un voisin passe, le salue et connaisseurs de Nietzsche. (786 p., min Péret qui n'est pas à mettre
que dans une certaine partie de lui dit. « V ous êtes en train de 48 F). entre toutes les mains : leS Rouüles
ma vie, je vivais presque dans ce vous reposer D.. «Non, dit l'écri- encagées, avec des illustrations sug-
bordel, j'y mangeais souvent. vain, je suis en train de travailler ». Brecht gestives d'Yves Tanguy (80 p). Du
/'étais très heureux. /'avais même Le lendemain, l'écrivain coupe de directeur de la collection : Dévelop-
orgartisé des soirées littéraires, l'herbe dans son jardin. Le même L'Arche, dans sa collection pements sur l'infra-réalisme de Mat-
nous lisions des poèmes, des tex- voisin lui dit : « V ous êtes en train cc Travaux », publie trois petit! vo- ta, réflexions suggérées par le sché-
tes, nous les commentions. de travaüler?» et l'écrivain lumes précieux de Bertolt Brecht. ma de l'intervention du peintre au
« Non, je me repose». Ils sont formés de courts essais, de Congrès culturel de la Havane en
Vous m'avez- dit que vous n'ai· Propos recueillis notes, d'extraits de carnets, sur des janvier 68 (64 p). A paraître : des
mez pas parler littérature. par Gilles Lapouge sujets aussi divers que la littérature, ouvrages de José Pierre, d'Arthur
le cinéma, la radio, les arts plasti- Cravan, de C.D. Grabbe, et une
J. A. - Mais c'étaient des pu- (1) Jorge Amado. Les Pâtres de la ques, et contiennent, on s'en doute, réédition des œ1.èbres Lettres de
tains. Je n'ai rien contre les criti- nuit, Stock éd. nombre de vues originales. (Ecrits Guerre de Jacques Vaché.

8
La grâce romanesque
Reynolds Price pas dans un mouvement artificielle- refermé. Mais on ne se débarrasse par sa ductilité. Souplesse volup-
Un homme mag~nime ment ralenti ce qui se donne dans pas d'un livre ·comme celui-là par tueuse de l'écriture, avec ses virgu-

1 Trad. de l'anglais
par Y. Davet
Gallimard éd., 298 p.
l'immédiat d'un regard. Il livre
tout dans un quart de phrase, et
relance par cette vivacité le dyna-
misme du texte. Les personnages
sont dans leur cadre, aussi naturelle-
un tour de passe-passe appuyé sur
des conclusions logiques. Nous ne
sommes ni dans Agatha Christie,
ni dans Feydeau.
les qui tranchent sans rompre la ca-
dence de l'harmonie : pas d'outil
plus approprié pour nous insinuer
aux franges qui séparent la veille du
sommeil, dans cette ZOne solitaire
Suite d'éclaircies subites dans ment qu'au cinéma. Les arbres et où le pouls bat dans un murmure
cette lente coulée des subjectivités le feuillage nous rendent l'héroïne Eminemment proustien de silence, quand les bruits exté-
qui se cherchent, se croisent, s'ef- digne d'amour. Reynolds Price nous rieurs s'estompent pour laisser la
fleurent, se modifient, s'interpénè- fait donc aimer ses personnages : Nous avons traversé quelque place au glissement de sa propre
trent, le roman de Reynolds Price il y a toujours quelque chose de chose d'éminemment proustien. voix, d'abord floue, puis nette, chu-
apparaît au premier abord dans la vrai et d'éphémère autour d'eux. On Comme il arrive aussi chez les r0- chotement de son propre écart à la
confusion - ou plutôt- l'extrême sent l'écart qui sépare les corps, les manciers américains du Sud, on réalité, comme quelqu'un qui serait
fusion - des personnages, les ré- tensions que cet écart engendre. Les garde un souvenir de vie gâchée à vos côtés, se rapprochant, lent glis-
sonances multipliées des dialogues rapprochements, les déplacements (d'une manière admirable), illumi- sement des jambes contre vos jam-
et le déroulement diffus des phra. modifient l'éclairage du texte, la née par des éclatS crépitants de bes.
ses aux incises qui jouent de leur tonalité d'une scène. lumière et d'action, la folie du pas- C'est ça le travail de l'écrivain
propre réverbération. Pour l'intrigue, qu'on sache qu'u- sé cimentant le tout, jusqu'à cette Reynolds Price.
Livre de surcharge : sa lecture ne poignée de personnages partent poussière âcre au milieu des arbres Jacques-Pierre Amette
est une lente montée des eaux ; elle dans une battue pour retrouver un qui se dépose sur la tôle brûlante des
entraîne le lecteur dans des remous, enfant, un chien, un serpent. Au automobiles, le temps que les fi-
des replis ; ses appels vers un mon-
de du dessous de la surface des êtres
centre, le jeune Milo, qui vivra son
roman d'éducation à la manière
dèles assistent à l'office du diman- IIIALCOLI1
nous amène vers les tropismes chers
à Nathalie Sarraute. L'approche de
d'un Wilhelm Meister qui ressem-
blerait à l'acteur lean-Pierre Léaud.
.che matin. Ce cocktail d'action pi-
caresque, de déchiffrement analy-
tique devrait accoucher d'un mons-
LOWRY
Reynolds Price garde pourtant les
figures du roman traditionnel. Les
apparences sont sauvées.
Il vivra, dans sa chair, mais aussi
métaphoriquement par grâce roma-
nesque, le passage de l'adolescence
tre. N'oublions pas qu'en vingt-
quatre heures Milo a trouvé : AU .
Dans cet échange de réfractions à l'âge adulte. Voilà pour le sujet,
« Un premier verre d'alcool, une
gentille dame dingo qui a apai- DESSOUS
(qui sont autant d'infractions au
code romanesque balzacien), dans
cette aspiration de l'auteur à un
cette colonne serrée que les éditeurs
coincent sur la bordure gauche de
la couverture.
sé (s)on ardeur, un revenant et
un python». Chacun a connu DU .
pas mal d'émotions fortes agen-
monde du deça on reconnaît les
éléments d'un paysage familier :
le roman sudiste, tel qu'on le Chant à la femme
cées Selon un tempo lent-rapide-
lent qui met le lecteur à l'épreuve.
VOLCAN
Un monument dont on n'a pas fini
L'auteur a écrit un roman d'ac- de faire le tour, où chacun pourtant
connaît surtout en France à travers tion avec un plus grand souci déchiffrera, s'il le veut, son destin à
Faulkner. C'est ainsi qu'on retrouve Au centre de cette entreprise d'analyse qu'un souci d'efficacité travers les signes secrets d'un mes-
le cadre rural, ces histoires de pay- souvent picaresque éclate le chant narrative. Le paradoxe lui a -sage encore plus actuel aujourd'hui
sans finauds qui rusent avec la Bi- à la femme, au corps féminin et qu'il ya dix ans (Maurice Chayard",
réussi. C'est ce qui déroute dans le LE MONDE) - Une œuvre prodigieu-
ble pour se justifier (ou qui font au monde féminin : Milo couche livre. C'est son privilège. Tout est se... On n'épuise pas cet. oùvrage
appel à Dieu dans le cadre du quoti- avec Kate. Pour la première fois mouvant à l'intérieur des person- bouleversant. Il fsut le lire et le relire
dien : pour réparer une roue, par il connaît la femme, penché au- afin d'en mieux pénétrer la significa-
nages : les directions se multi- tion et d'en mieux savourer les beau-
exemple) ou bien c'est un réinves- dessus d'elle, tandis que poussent plient dangereusement; pas de tés. Une voix pathétique... (Maurice
tissement de la vie présente dans le «des branches et des feuilles de points fixes; interpénétration des ni- Nadeau) - Un chef-d'œuvre comme
passé, cette fatalité régionale qui cho.ude vie blanche au-dedans...» veaux selon une méthode de brouil- il n'yen a pas dix par siècle (Paul
ronge la mémoire de personnages On baigne dans une demi-pénom- Morelle, LE MONDE).
lage qui rend la complexité de
porte-parole de l'auteur. Le tout, bre d'étreintes, de souvenirs de la l'aventure. La formulation. étonne Editions BUCHET/CHASm
préservé dans les odeurs de fin de femme mûre, cet éclairage du sou-
journée, dans un éclairage de venir, quand les paroles montent
véranda. doucement des lèvres, sans qu'on
y pense, douX chuchotis inlassable
le temps que le corps apaisé se Vient de paraître
Une intériorisation livre au bonheur des draps décou-
psychologique verts. Milo apprend bien des cho-
ses à cet instant : l'effritement du
Gaëtan Picon
Sur ce faisceau de thèmes, sur temps, des certitudes; les marques
ces éléments fixes du roman du
« Big South» Price atteint à une
des blessures affectives; il entre-
prend cette marche de l'âge adulte
Admirable
intériorisation psychologique. D'où
cette impression de dévoilement
sur une passerelle en train de bas-
culer.
D'un côté, le roman de Price se
tremblement du temps
fourmillant, cette quête ondoyante
et fugace de l'en deça, rendue plus résout comme un roman policier. 59 ILLUSTRATIONS
belle par l'opacité réaliste des appa- On dénoue l'intrigue la plus
Dans toutes librairies Il a été tiré à part
rences. Elément de vibration, basse complexe en une explication de
Volume broché 16,5 x 21.5 cm 1000 exemplaires numérOlés
continue de l'œuvre. deux pages qui ravit l'intellect du couverture acétatéc. F 35.- reUés pleine peau
Il n'y a pas de description Cl minu- lecteur. Soupçons dissipés, meur-
tieuse » ; Reynolds Price ne recense trier démasqué, le livre 'leut être

La QuInzaIne littéraire, du 15 ~ 30 novembre 1970 9


ROMANS

Jeunes auteurs
J.lRANÇAIS

Alain Gauzelin

1
Paul Hordequin
L'île mouvante
Coll. L'écart
Robert Laffont éd., 224 p.

Laudryc
1 Motus vivendi
« Les Lettres Nouvelles»
Denoël éd., 192 p.

1 La femme éparpillée
Coll. L'écart
Robert Laffont éd., 232 p.
Le livre s'ouvre sur une citation
de Mao Tsé Toung, qui explique aux
ouvriers que s'ils veulent un jour
parler un langage commun avec
ceux que la société a jusque là sépa-
rés d'eux : les intellectuels, ils de-
Outre qu'ils publient tous les vront d'abord apprendre à ces der-
deux dans la même collection et niers « à manipuler des outils sans
qu'ils sont ce qu'il est convenu d'ap- se blesser ». Bien sûr, si Mao s'adres-
peler des « jeunes auteurs », Alain sait aux ouvriers, c'est aux intellec-
Gauzelin et Laudryc ont en commun tuels que Hordequin s'adresse; son
de s'écarter (mais n'est-ce pas juste- livre constitue un effort pour poser
ment cet écart qui définit la collec- une fois de plus le problème du
tion où ils se trouvent réunis) de la langage, mais en le considérant
réalité ou du moins d'une certaine comme un problème de classe.
conception romanesque de la réalité Deux discours alternent et se
et, dans une moindre mesure, des heurtent: le premier est celui d'un
sentiers battus de l'écriture. Mais
petit bourgeois intellectuel, Clèbe
leurs voies sont différentes, comme
Alain Gauzelin Laudryc Oisagre en qui éclatent les contra-
leurs cadences, l'allusion s'accordant
dictions de sa condition, d'une part,
à la démarche lente de l'un, la pro- sous forme d'amnésie, d'autre part
vocation au style rapide de l'autre. que son narrateur encombrerait et conter son I}istoire selon l'ordre à travers une utilisation perverse du
Alain Gauzelin aime les longues qui voudrait le faire oublier. Aussi chronologique, mais elle ne le peut, langage consistant à ne plus pouvoir
phrases chargées d'adjectifs qui ras- exige-t-il du lecteur de le suivre car un nom, un événement en évo- s'exprimer qu'en fabriquant une
semblent plusieurs moments du sur la corde raide sous peine, au quent un autre, semblable ou oppo- foule inilensée de mots-gadgets qui
temps, qui égrènent la gamme des moindre faux pas de se perdre dans sé. Quelques aventures paraissent s'entre-dévorent et diffèrent sans fin
sensations, qui tentent d'abolir la les sables mouvants d'un récit au dominer, l'amour quasi-incestueux le fondamental. Le second discours
distance entre le sujet et l'objet. demeurant fort élégant et de ne plus pour le frère qui la fouettait (avec est une évocation systématique de
Phrases caressantes, enveloppantes savoir qui évoque quoi ou qui est son consentement), la fugue à seize la condition ouvrière par des tra-
qui permettent des glissements de qui et jusqu'à quel point. Mais s'il ans, le mariage avec un instituteur vailleurs dont les propos directs,
sens, qui font qu'un petit garçon y a là une ambiguïté parfois gê- jaloux, la participation aux événe- cohérents et concrets semblent
rêveur s'identifie à la femme qu'il nante, elle tient au projet même de ments de mai, le ménage à trois avec fixés par quelque magnétophone
admire, parle, agit, surtout s'ima- l'auteur. Si quelque chose demeure Jean-Paul et Ulric, et constituer la invisiblement présent dans les can-
gine agissant, parlant, comme s'il en suspens, ne paraît pas abouti, trame de la réalité sur quoi se gref- tines, les métros et les ateliers.
était elle. Mais qui est-elle ? qui est- c'est que l'aboutissement aurait clos fent tous ses fantasmes presque
il ? Quelles sont leurs relations exac- le livre et tronqué son sens en ra- exclusivement d'ordre sexuel. La pSYl'.hanalyse nous dit que
tes? Est-elle la mère, la grande menant au niveau de l'explication Bref, Gabrielle est une femme l'amnésie est l'effet d'un refoule-
sœur, une étrangère? Voilà qui n'est ce qui dérive au gré des images déchirée, « éparpillée» qui n'arrive ment qui porte sur la sexualité in-
jamais dit pas plus que leurs noms et des sensations. pas à faire coller ensemble les dif- fantile, et i\ l'origine de celle de
ne sont prononcés. Tout se situe sur Avec Laudryc, les choses sont férents morceaux de sa vie. Comme Clèbe Oisagre se trouvent bien des
·le plan du rêve, dans une ombre apparemment plus simples. S'il ne dans son premier roman les Hom- rapports difficiles avec une mère
diffuse, dans une incertitude amou- nomme pas toujours un chat un mes vains qui procédaient d'une abusive qui adresse à son grand
reusement entretenue, et quand le chat, c'est qu'il ne s'agit pas de recherche plus subtile, plus arJ l1e, garçon qu'elle appelle Fifi des let-
récit bascule, quand l'enfant gran- l'animal, mais il ne laisse aucune marquée p~r le nouveau roman, tres signées: « ta mamêle qui t'ab-
dissant reprend conscience de son place à l'ambiguïté. En revanche, Laudryc traite encore de la diffi- Jomine », ou ta « mane qui t'ho-
identité, c'est la femme qui, cessant il en laisserait volontiers une au culté d'être. Mais ce qu'il a gagné mine ». C'est une mère fière d'un
d'être idole, commence à rêver ce délire. Gabrielle, son héroïne, la en habileté, en vivacité, il l'a perdu fils qui a fait au beau pays de
qu'elle aurait pu être, fait retour narratrice, n'est-elle pas dans un en profondeur, si bien que le drame Cartézie (capitale Cartèze) de bril-
nostalgiquement sur sa propre en- hôpital, n'est-elle pas folle, aussi de Gabrielle nous intéresse moins lantes études qui portent justement
fance. mythomane que nymphomane ? Ce que ses folies. Encore ne sont-elles sur le langage : Fifi a des diplômes
Ici, rien n'est sûr. Les conscien- qu'elle dit est peut-être faux, est pas toutes de la même veine. Si « d'alphabiologie »...
ces sont des îles, et les îles sont parfois incroyable, mais quand elle Laudryc a de la verve et de l'ima- Pourtant, bien que les professeurs
mouvantes. Les individus se per- parle comme quand elle agit, elle ne gination, il n'en a pas assez pour aient' appris à Clèbe « à calibrer les
dent, se retrouvent, échangent leurs fait pas de manières, elle va droit qu'on oublie ce qu'il doit aux modes lettres, à faire des amalgames... »
reflets ou leurs fantasmes. Dans ce au hut et il ne faut guère la prier, et au désir de provoquer. Un zeste il y a maintenant des mots qui lui
jeu incessant, on ne sait plus qui semble-t-il, pour qu'elle mette son de gauchisme, un doigt de surréalis- échappent et, comme il l'écrit :
parle, qui peut nous dire ce que slip dans sa chaussure et se livre me et de la partouze en quantité « des compromettants qui flocon-
pense, ce qu'éprouve ce « il » qui se à des fantaisies moins innocentes. suffisante ne suffisent pas à faire nent, des phonèmes paületés qui
métamorphose en « elle» ou cette C'est au niveau du récit que tout un livre contestataire. Aux meilleu- jaillissent de la rophéine, où des
« elle» soudain distincte de « lui ». se complique. La confession de res pages on sent que l'auteur en somnifères comblent les pistes, les
Poussant le jeu à l'e"'treme, Alain Gabrielle est extrêmement morce- est capable. crevasses du cerveau, chassent le
Gauzelin apparaît comme un Proust lée. La jeune femme tente de ra- Claude Bonnefoy syllabé de la prose officielle... »

10
Des milliers d'heures
passionnantes

Deux UDlvers et intelligentes
8 VOLUMES PARUS

1. La Vie animale . . . . . 24,SO F


2. Astronomie 26,50 F
3. Philosophies et
Religions . . . . . . . . . . 28,50 F
4. Histoire universelle (1)
Le .Monde antique ... 27,50 F
Sa. Histoire universelle (2)
De l'Antiquité à nos
jours: l'Europe ..... 30,00 F
5b. Histoire universelle (3)
De l'Antiquité à nos
jours: le Monde moins
l'Europe 30,00 F
6. Visages de la Terre . 32,00 F
7. Les Lois de la nature 34,00 F
PARUTION 15 NOVEMBRE:
8. L'aventure littéraire de
l'humanité
176 pages " 34,00 F

Et à l'image de ce langage qu'il a Andoléa, le réel et la mémoire, sont


trop bien appris à manier, c'est la vouées à l'échec. « Ce qui me reste
réalité qui glisse entre les doigts de mémoire est pour le corps d'An-
de Clèbe Oisagre, rejeté dans sa doléa » dit Clèbe à un instant ; mais
condition d'intellectuel qui ne dis· . Andoléa a cédé à « l'érotisme des
pose que du langage mais dont le futilistes » qui transforme même les
langage n'a plus de prise sur rien. corps en une sorte de langage per-
Il est aux antipodes de l'univers verti et qui pousse l'antiquaire
de ces ouvriers qui parlent avec na· Tohil à faire uriner des petites filles
turel, sans problème, de choses très entre les glaces Louis XV pour les
tangibles qui font leur existence rouler ensuite dans de la pâte à
beignet et les faire lécher par des
se lit comme un roman
quotidienne : « ... Faut dire que
plus ça va et plus on augmente les lévriers aux langues noires.
Et Clèbe continue de couler à pic,
. un thème par ouvrage
cadences, le bruit aussi, naturelle·
ment... Le bruit, le bruit : tu as « hors du temps mesuré, tandis que
les autres s'entregonflent et font
somptueuse illustration
certains ambiants, ici qui dépassent
les cent décibels et à ce niveau t'as mine d'exister» bien qu'il sache
qu'il y a « là dessous toute une so-
vente au numéro
pas le choix, si t'es pas sourd tu
deviens dingue! » ciété aux yeux peints - amandes et
Donc, tout comme sa mère a tissé petits fours - qui brouille les cartes
autour de Clèbe Oisagre un cocon de l'éros ».
isolant, c'est ce que sa langue a de Le livre s'achève sur une étrange
maternel qui l'aliène et l'éloigne évocation métaphorique de mai 68
du monde du travail. qui n'est pas sans évoquer Boris
Vian. En une Sorbonne nommée
Pourtant, ce monde auquel il ne « Spolio » des ouvriers prennent la
peut accéder l'attire et l'appelle. parole et de jeunes étudiants volent
Clèbe nous raconte avec son style en s'accrochant à des ballons rou-
malade, qu'enfant il volait des étoi· ges ...
les qui appartenaient aux banques Cette révolte, cette fête, cette ré-
pour les donner aux ouvriers et que volution peut-être, c'est la recher-
sa mère, prenant, au-delà de sa che et l'esquisse d'un accord entre H.M.
dimension psychanalytique, sa signi- les langages séparés. Le ton du livre
fication sociale, lui faisait remar- change, la narration de Clèbe aussi,

BORDAS
quer : « Tu as tort mon Fili; l'ou- et, malgré une répression symbolisée
vrier n'est pas comme nous raison- par le cri : « mort aux enfants ! »
nable et intelligent! » quelque chose a changé pour l'intel-
Dès lors, ce n'est bien qu'une lectuel Clèbe, quelque chose qui
réconciliation entre langages intel- tient tout entier dans ce dernier
lectuel et ouvrier qui pourra rendre
à Clèbe Oisagre un sens plus exact
de la réalité puisque même ses
tentatives de retrouver, dans l'a-
mour physique avec sa maîtresse
propos: « il n'est pas écrivain ton
pote; parce que moi, à ce régime-
là, je pourrais ~tre évêque... Mais
c'est un très bon ajusteur. »
Pierre Péju
ENCYCLOPEDIE
La Qulnzalne Uttéralre, du 15 au 30 novembre 1970 11
Au triple galop
Michel Piédoue

1
Rezvani
Coma
Bourgois éd., 136 p.
ce qui avait fait une vie maintenant
brisée, tandis que se referme sur
lui-même un texte insoluhle.
Quant à Cypriuche et à Loupiotte,
roles creuses, femmes folles, police,
campeurs, faux prophètes, mare
chands, nature saccagée, intox, fou·
1 La Menace
Mercure de France éd., 241 p.
les qui piétinent aux guichets des
sa femme, ce sont de vieux améri- Les petits problèmes de petits
I Les américanoïaques
Bourgois éd., 181 p. canoïaques. De leur état clochards
au Suquet, ils exterminent joyeuse.
autoroutes de la voie de l'Amérique
auront raison de celui qui s'imagi.
nait pouvoir les ignorer. Il sera
êtres dont la seule épaisseur est
celle de l'ennui, voilà une grisaille
où Michel Piédoue, dans son troisiè-
Les voies de l'Amérique ment les marins américains en es- rejeté à la mer, une mer couverte
I Bourgois éd., 186 p. cale. A la bouteille (au préalable
vidée), à la chaussure et parfois
de détritus, maculée de gaz-oil, où
flottent vaguement quelques cada-
me roman, la Menace, semble une
fois encore se complaire. Il met à
cet exercice beaucoup de bonne foi
et de conscience, mais, comme il
même au cyanure. C'est leur maniè· vres de bêtes. Placenta d'où il lui l'avait fait dans Zoé des ténèbres et
Sans doute la parution simulta- re à eux de dénoncer un monde faudra renaître, armé jusqu'aux dans les Fonds silencieux, il peint
née de ces trois romans qui ampli. haïssable dont le gendarme et le dents cette fois. trop bien une sorte de déliquescence
fient et infléchissent l'expérience fourrier sont américains. Engage- Par son volume, l'aspect exhaus- immobile, d'évidement silencieux :
son livre en est tout vermoulu, entre
sur le vif entamée avec les Années ment? Le mot est trop fort. Cypriu- tif que donne à cette longue et fu- les mains du lecteur il est bien près
lumière et continuée par les An- che et Loupiotte sont plutôt specta- rieuse dénonciation une démarche de tomber en poussière.
nées Lula, est·elle en partie due aux teurs, quand ils deviennent acteurs brouillonne qui multiplie inlassa-
tribulations éditoriales de leur au· c'est pour leur plaisir, sur le côté blement épisodes et péripéties, in-
teur. Elle n'en offre pas moins une de la scène, en amateurs éclairés. siste jusqu'à l'épuisement, la Voie Des couples
nouvelle confirmation de sa pro· Un jour, les relations trop étroi· de l'Amérique est, des trois derniers, Des couples se défont : ainsi peut-
lixité. La bousculante profusion de tes du couple avec un autre clo- le livre où, à travers les mêmes qua- ,on résumer le « sujet ". Mais de ces
chacun des livres de Rezvani se chard, ancien chef de la police lités et les mêmes excès, Rezvani se couples nous ne connaissons que des
khrouchtchevienne qui collectionne ressemble le plus. Il n'est d'ailleurs prénoms, des ombres, et l'obstina-
complique maintenant de leur nom· tion haineuse qui leur permet de
bre... les dents creuses, leur attirent les pas question de répétition. De livre « tenir" jusqu'à ce qu'ils se brisent.
Le coma dont il est question, c'est soupçons de la C.I.A. Interrogatoi. en livre et à l'intérieur de chacun Rien qui fasse de nous autre chose
celui, volontairement provoqué, res, tortures, ils tiennent bon. Mais, d'entre eux, la méthode choisie, en que les spectateurs peu convaincus
trop abîmés pour être remis en cir- parfaite adéquation avec une écri- de gestes las, de disputes en demi-
dans lequel se précipite afin d'é· teinte. Pitoyables dans -leurs colères,
chapper à la trajectoire d'une orbite culation, ils sont ventilés sur l'Ari- ture qui est celle du débordement, impitoyables dans leur faiblesse, les
pour toujours détraquée, Sirius la zona, dans un camp spécial pour est plutôt d'accumulation. D'autant personnages de Michel Piédoue s'en-
planète folle du « Sweet home », débris divers des activités philan- plus éprouvante qu'il n'y a pas nuient tous. Minés par cet ennui
d'éclaircies sur la voie de l'Améri- plutôt que réellement menacés par
l'asile de l'horrible Monsieur Jupi. thropiques U.S. Là, il y a des Grecs, un monde dont les cahots ne les
ter. Sirius écorché vif, brûlé jus. heaucoup de Grecs, des Noirs, énor- que : l'amitié, l'amour n'existent atteignent pas, ils s'enferment dans
qu'à l'âme par les radiations de mément de Noirs, des Sud-Améri- plus ou pas encore, ils sont sus- un autisme de plus en plus miséra-
l'explosion enfin survenue, peut. cains et bien d'autres encore: on se pects, à la limite parodiés, le monde ble. Pourquoi ne se suicident-ils
bouscule dans ce véritable micro- est désespérément laid, souillé ou pas? On ne leur imagine pas d'autre
être. Sirius qui tient entre les destin.
murs de la prison où il ne cesse cosme de la répression planétaire. en instance de l'être.
d'éclater, la chronique de son mar· Jusqu'au jour où les Chinois... Et Chacun des trois récits rejette
tyre, qui guette fébrilement au mi- même si tout cela n'est qu'un rêve l'action vers le futur. Futur proche Notre portrait?
lieu d'un temps désarticulé les lu· que Cypriuche raconte à Loupiotte, qui habille une colère prophétique
Est-<.:e là notre portrait? Sommes-
'mineux passages de Luna dans son c'est aussi un livre que l'auteur mais actuelle, cela est évident. nous aussi inconsistants, aussi dé·
champ d'attraction. Elle passera, achève en le lisant à Lula. Cette De même, qu'il s'agisse de Coma, munis? Certes, peu importe ici la
fête cosmique, mais, après, le délire fois, l'âge des deux héros aidant, des Américanoïaques, mais surtout réponse. Mais l'auteur se perd à
n'en sera que plus fou, inguérissa- leurs aventures aussi, racontées de la Voie de l'Amérique, apparaît nous présenter un miroir si déce-
vant. Ce Tchékhov sans «petite
ble, l'apaisement plus inaccessible. comme autant de bonnes histoires la fiction romanesque, l'auteur n'en- musique » ne nous offre ni la nostal-
Reprendront le ballet sinistre des ou presque, le tragique passe à peu tretenant plus avec son histoire per- gie d'une chambre des enfants gar-
infirmiers gardes.chiourme, la ron· près constamment au second plan, sonnelle que des rapports en appa- dienne d'un temps perdu, ni l'illu-
de des souvenirs, des cauchemars, la tendresse au premier. La ten- rence lointains, comme tout un soire mais vivace désir d'un Moscou
qui sauve, qui fait vivre. Ses héros
des hallucinations. dresse, jamais la mièvrerie. Vieil- chacun presque. En apparence incolores, et qui se ressemblent tous,
Des trois derniers livres, Coma lesse truculente et grave, en marge, quand même, puisque enfance ou errent de café en café (et l'on ne
est le plus désespéré, expression dé· qui vient terminer une vie où Lula, elle demeure la base à partir nous' fait grâce ni du « demi"
finitive et sans issue d'une angoisse l'épreuve fut et est encore surmon· de laquelle est ressenti, heureux ou commandé, ni du merci au garçon,
ni des pièces d'un franc jetées sur la
toujours perceptible chez Rezvani, tée à deux. Loupiotte, Cypriuche malheureux, et cette fois générale- table... ), sans regret et sans espé-
celle·là qui résume et résout toutes qui écrivait, autrefois, il y a si ment plus malheureux qu'heureux, rance, sans volonté de fuir ni envie
les autres. On se souvient, dans les longtemps. un reste envahissant ; vers laquelle de demeurer, sans autre abîme
Années lumière ou dans les Années Le narrateur de la Voie de l'A mé- on revient aussi, questionner ou se qu'un présent mort-né qu'ils refu-
sent et subissent à la fois.
Lufa, de ces visions, scènes d'apo. rique a dix-huit ans. Lui aussi retremper. Refuge et référence.
calypse nucléaire, qui venaient par- écrit, et peint. Un heau jour d'été, Mais un pas est franchi, lourd de
fois déchirer la joie d'aimer, le bon- parce qu'il aspire au soleil, aux îles conséquences. Ce qui, dans les pré- De mélancoliques
'heur fou d'être avec Lula envers et lointaines où les vaches parcourent cédents livres n'était encore qu'un pantins
contre tous et tout. Elles trouvent en longs troupeaux d'immenses pla- contrepoint, certes de plus en plus
ici un aboutissement terriblement ges désertes, il s'en va. Mais, de insistant à mesure que l'on allait : Cela, et un style volontairement
neutre, tout en dialogues elliptiques
logique que rendent plus intense trains bondés de Français moyens l'autre, l'ailleurs, le différent, char· et en détails méticuleux très la Ca-
encore la brièveté, le foisonnement bavards et racoleurs en aéroglis- gés de toutes les hostilités et de tou· fetière est sur la table, donne à la
crispé d'un livre à la fin duquel il seurs où s'entassent les touristes en tes les infamies, devient à présent Menace ce caractère de mécanique
ne reste plus rien à dire. Cette fois uniforme, il n'y a plus de place prééminent, l'élément déterminant où s'agitent, falots, de mélancoliques
pantins. Personnages de Françoise
les jeux sont faits. Réelle ou rendue pour qui veut s'échapper vraiment. d'une convulsion qui n'en aura ja- Sagan dans une atmosphère « nou-
telle à force de terreur, la catastro- Vacances obligatoires, planifiées mais fini de ses souhresauts rava- veau roman" : on suit sans joie
phe aura de toute, façon eu lieu. par une administration nazifiante, geurs. leurs traces pauvres et délébiles.
Demeure le rabâchage sans fin de publicités, motels et campings, pa· Paul Otchakovsky-Laurens Lionel Mirisch

12
IOLLBCTlOI
ARCHIVES .
.JULLIARD
Fils de Miller dIrlg6e par
Plerre lora
et Jaeqaes Bevel

1
Daniel Apruz
La Bêlamour
Buchet-Chastel éd., 326 p. 3 nouveautés
Jean-Paal Bertaad
« le dédie ce livre - écrit Daniel
Apruz dans la prière d'insérer de
son second roman, la Bêlamour -
'aIm,
à ceux que la littérature contempo-
raine accable... Le roman d'aujour-
Eehel Fabre
d'hui se fait des grimaces et des Ilelavei et plantean
sourires dans une glace. Il vasouille
dans l'esthétisme. Il est gâteux, il dlDl le lad am6r1eal1l
bégaie. Il se parodie. Moi j'affirme
qu'un roman c'est avant tout une
action de même nature qu'un coup
Eehel de Certeaa
de poing sur la table ». Est-ce le cas La pOllellloD
de la Bêlamour? Oui, dans la
mesure où ce livre agresse, en effet, de Loadun
physiquement, le lecteur; non, si
l'on estime que pour être efficace,
une dénonciation - aussi désespé-
rée soit-elle - ne doit pas débou-
8 réimpressions
cher sur un constat d'échec.
gloire des rats morts pour la Apruz : « Y a plus d'horizon on' IUbert Badia
Lorsque Daniel Apruz publia la France? vous dit, c'est un cul-de-sac bien
Baleine, en 1968, l'on découvrit C'est justement cette sorte de bouclé je vous dis, là tous à se Lei Ipartakiltel
avec émerveillement un jeune écri- complicité-là qui ne se produit pas bousculer sur un même lopin sacca-
vain français qui avait, comme on dans la Bêlamour où François, qui gé... à piétiner... y a plus rien de-
dit, « du muscle» et qui, tout en est par ailleurs une réplique exacte vant moi je vous dis, plus rien... Charlel Bloeh
s'inscrivant dans la grande tradition de Sébastien, apparaît d'emblée
du roman picaresque n'en était pas comme ùne victime. « Le bonheur,
y a plus que le présent, des miettes
qui restent... y a plus que sous nos
La Dult dei
moins, aussi, un authentique des- dit-il, il faut sûrement le mode pattes un petit moment encore pour 10Dgleoateaal
cendant de Henry Miller. Mais, d'emploi pour s'en servir, mais les rester là... » En poète étonné, Le
malencontreusement, les grandes vaches, ils l'ont écrit en code sans Clézio établit de façon somptueuse
qualités de ce premier roman obs- nous refiler la clé ». Que faire, dès « le procès verbal» du mal; en
leorgel Dab,
curcissent quelque peu celles du lors, sinon assister de loin à ses conteur populiste, Daniel Apruz
second et font que la Bêlamour tribulations et comment éviter de le crie l'histoire d'un adolescent pau-
L'anmD
apparaisse par moments comme le rendre, seul, responsable de ses mal- mé faute d'avoir trouvé - ou su le
prolongement affaibli de la Ba- heurs? Rejeté par ses semblables, conserver - l'amour. Mais Béa B. Plerre loabert.
leine. Dans les deux cas, et toujours Sébastien descendait de plus en plus - déambulant sur cet immense
comme s'il voulait raconter son his- profondément dans le ventre de la champ de bataille qu'est devenue
Eehel DeDiI
toire à haute voix, Daniel Apruz ville et de cette façon il parvenait, la Ville - et François - devenu
avait parlé de solitude : Sébastien, quelquefois, à la piéger ;. François, motocycliste pour curés et sillon-
1788, lei français
puis François, sont des Candides lui, se rêve aérien, s'identifie aux nant les autoroutes afin de pouvoir ODt la parole
contemporains absolument incapa- anges et n'échappe aux autres qu'en dispenser aux milliers de victimes
bles de dominer la machine infer- se retranchant derrière l'écran de de la voiture l'extrême onction -
nale de la ville dans laquelle ils ont ses visions. « C'est les fous qui dé- sont de la même race, interchangea- eeorgel LefraDe
été lâchés et qui contemplent, im- couvrent la vérité, c'est pour ça bles presque. Quelque chose, néan-
puissants, la façon dont elle s'achar- qu'ils sont fous d'ailleurs. Ils ne la moins, les distingue : pétrie de .laiD 38
ne à les broyer. Mais Sébastien, dans supportent pas ». Lui, vraiment, il culture, Béa B, contemple l'agonie
la Baleine, participait parfois de ce
spectacle et réussissait, en injectant
se dissoudra dans la ville. du monde en esthète; pour Fran-
çois, la seule référence possible
Jaeqael Bougerle
sa propre folie à un monde absolu-
ment dément, à faire que l'invrai-
Coïncidence ou étant celle du rêve, sa condamnation
paraît plus irrémédiable encore.
Proeèl des
semblable - alors même qu'il pa· signe des temps? Mais y a-t-il deux façons d'être ulDIDunards
raissait atteindre son paroxysme - Coïncidence ou signe des temps ? déchiqueté et englouti ?
semble soudain possible. Aussi ré·
gnait-il dans tout le roman une
Publiés presque simultanément bien
que venant des antipodes, deux li-
A la fin de la Bêlamour, Fran-
çois croit avoir trouvé les siens dans
&lbert Soboal
sorte de fantastique d'autant plus vres dressent en même temps l'ef- le long cortege d'une manifestation. Le pro.
inquiétant que le lecteur se mon- froyable inventaire d'une même Puis, tout à coup, il s'aperçoit que
trait vite incapable de limiter les violence. « Le bruit a rempli le mon- leurs revendications ne sont pas les
de LoalalVi
vraies frontières du réel : savait-on de, il n'a laissé de place pour rien mêmes. Ceux-là sont des militants
s'il n'y avait pas vraiment des paris
sur les femmes nues qui disputent
d'autre. Le bruit a chassé les paroles
et les pensées, très loin, il a rempla.
et lui ne sait que brailler son besoin
d'amour. « Je suis un barbare », dit
Jeu II&ltrOD
des courses dans les couloirs déserts cé les systèmes. Tout est bruit au- Daniel Apruz. Mais non! C'est un Ravachol
du métro, ou si les égouts de Paris jourd'hui, même le silence », écrit tendre.
ne recèlent pas un ossuaire à la Le Clézio dans la Guerre. Et Daniel Cella Minart et III uareldatll-
La QuJnzaJne Litté~, du 15 au 30 novembre 1970 13
LES REVUES

De l~illlaginaire au réel
Philippe Augier un clin d'œil à Robbe-Grillet, le dé-

1
d'araignée métallique, fera amitié
Les objets trouvés part enfin de Nespo à la recherche avec un crapaud,
Minuit éd., 188 p. de sa boîte annonce des déambula-
tions bien connues. Seulement, il Tout ici est irréel. Mais comme
apparaît vite que Philippe Augier dans les contes de fées ou les récits
Promesse
Qui est Nespo? Ouelqu'un. Un a lu bien d'autres auteurs et qu'au pour enfants, tout est donné pour
individu sans âge, sans relief, sans fond, ce qu'il a lu a peu d'impor- vrai, se passe dans un monde où Brecht est à l'honneur dans cette
histoire. Un individu dont l'histoire tance. Ce qui l'intéresse, c'est une rien n'est impossible. Seulement ce livraison d'automne de la jeune revue
commence quand il s'aperçoit de la écriture qui l'entraîne vers l'imagi- que nous offre Philippe Augier, poitevine avec des essais sur la pein-
disparition de sa boîte aux lettres, naire, le rêve, le cauchemar, la ture chinoise, le théâtre chinois, le
c'est Tintin chez Jérôme Bosch, le formalisme et la dfâlectique proléta-
quand il éprouve comme un man- folie. petit Poucet perdu dans les paysa- rienne. Pour compléter le sommaire,
que grave l'absence de celle-ci, bien Cherchant sa boîte, en effet, ob- ges de Lautréamont ou explorant les des textes de Guy Scarpetta (sur
qu'il ne se souvienne plus de sa jet dérisoire et inutile, Nespo se arrière-mondes. Et son récit, amu- Brecht), Pierre Rottenberg, Jean-Marie
forme - carrée, rectangulaire - lance dans une quête tragi-comique sant, vif, ne refusant pas à l'occa- Soreau et Alain Duault.
ni du nombre de trous - plus de qui le conduit à traverser les lieux, sion les facilités du roman populai-
cinq - où il pouvait passer les à rencontrer les personnages les re «( Cela était vrai, odieusement
Les Lettres Nouvelles
doigts pour vérifier que, comme plus insolites. La visite à la concier- vrai, irrésistihlement vrai ») est plus
d'habitude, le facteur n'y avait rien ge, femme énorme et superbe, vau- qu'un jeu. La quête de Nespo est
déposé. trée. nue, un petit chat tétant sa symbolique. A sa manière, ce per- (septembre-octobre
Les objets trouvés commencent lourde mamelle, sur un immense sonnage sans visage, naïf, entêté, 1970)
par cette mésaventure de Nespo. coussin de velours cramoisi, dans un peu grotesque parcourt tous les
Malgré un zeste de fantaisie, un un véritable décor de musée, est un cercles de l'enfer à la poursuite du Numéro très divers et très touffu
relent de psychologisme «( chaque prélude aux aventures les plus fan- Graal, ce qu'il nous signifie, c'est
avec des textes cubain (Nivaria Teje-
ra), américains (Richard Kostelanetz
jour ü éprouvait la même peine »), tastiques_ Nespo verra une jeune que le monde des objets trouvés et et Tom Wolfe), haïtien (Jean Metellus
on croit reconnaître le ton. Philippe fille se dissoudre littéralement dans cependant introuvables, ce monde à avec un poème sur Malcolm X), suisse
Augier a vingt ans. Il a lu les au- le brouillard, des hommes faire la la fois réel et fantasmatique, est (Pierre Chappuis) et français (Maurice
Roche, Jacques-Pierre Amette, Roger
teurs du nouveau roman et emprun- queue pour copuler une « splendi- bien le nôtre. Pourchassé par les Borderie, Michel Vachey, Flora Dosen).
te un peu à chacun, mais sans de» créature (énorme, elle aussi, machines ou déguisé en clown de- Jorge Luis Borges publie une confé-
excès; le personnage presque ano- comme la concierge) qui reçoit la vant la mère et l'enfant, Nespo rence sur le romancier américain Na-
nyme, à la mémoire qui flanche, semence et accouche d'un enfant incarne les peurs, les nostalgies, les thaniel Hawthorne. Samuel Beckett
fait l'objet d'une étude d'Edith Four-
a des cousins chez Beckett et Pin- avec la rapidité d'une machine à contradictions de l'homme moderne. nier. Signalons aussi de courts poèmes
get, la tentative de la description sous, demandera des conseils à un de Dimitri Buican, écrivain roumain
de la boîte aux lettres semble être prophète vivant dans une toile Claude Bonne/oy inédit en son pays, sa poésie étant
jugée trop pessimiste; par exemple :
Penser
C'est le péché
De tous les temps.
D'Adam et Eve
Clarisse Nicoïdski et ici d'une mère qui raconte de est désormais rongée par une qualité C'est le châtiment du rêve.
La mort de Gilles, quelle façon on survit à la mort de nouvelle d'oubli, qui procède moins
Mercure de France éd. son fils. Mais malgré cela, les deux de la mémoire que de l'imposture,
personnages se rejoignent quand puisqu'en mourant Gilles paraît Raison présente (n° 15)
même, puisque l'on verra que pour avoir emporté avec lui, toutes les
Deuxième roman de Clarisse Ni- chacune d'elles la délivrance impli- certitudes du passé.
coïdski, la Mort de Gilles confirme que une sorte de chute dans les té- « De ce mensonge,' dit-eHe en
L'enseignement philosophique et
avec éclat les qualités du précédent nèbres où l'on reconnaît bien une observant l'érosion qui la travaille, l'enseignement de l'anglais sont mis
et frappe une nouvelle fois par l'op- brève plongée dans la folie. je ferai une vérité. Je vais retrouver en question dans ce numéro par Mau-
position entre un thème d'une très Sur un sujet aussi pathétique mon fils en dedans de mat. Puisqu'il rice Caveing, Lucien Brunelle, Jean
grande intensité dramatique et une que la mort d'un enfant, Clarisse est sorti de ma chair, é'est en ma Sumpf, Vitor Leduc et Jean Guénot.
écriture lovée dans une surprenante Nicoïdski a écrit un livre d'une so- chair que je le rencontrerai à nou- Hélène Parmelin fait un violent plai-
apparence de tranquillité. On ne briété remarquable, non pas l'his- veau. » Cela se fera, en effet : dans doyer pour la liberté de création, no-
saurait dire si ce contraste est déli- toire d'un oubli, mais celle d'une ré- une sorte d'hallucination, elle' aura tamment dans les sociétés socialistes.
bérément recherché; il semblerait signation. Car à la fin du récit, lors- l'impression, au bord d'un étang, Enfin, Marie-Christine Granjon fait une
dû, plutôt, à une extrême pudeur, qu'elle paraîtra s'insérer à nouveau de se donner à ce fils devenu entre synthèse (déjà un peu dépassée : tout
laquelle conduirait la romancière dans la vie, la mère n'aura pas da- temps adulte et ressemblant étran- va vite aux U.S.A.), de la nouvelle
à ne souhaiter se faire entendre que vantage accepté la mort de son fils ; gement à son père. La mort niée, gauche américaine.
par ceux qui la devineraient à demi- mais elle aura accepté de vivre dé- exorcisée par la démence? Pas
mot. Dans les livres de Clarisse sormais avec la blessure qui lui vraiment, et d'autant moins qu'il
Nicoïdski, la brûlure n'est pas ce tient lieu d'enfant. Aussi ce récit est- ne semble pas que Clarisse Nicoïd- Esprit (octobre 1970)
qui est donné à voir, mais ce qui il, et de façon assez surprenante, ski ait voulu mettre l'accent sur la
est donné à sentir. essentiellement physique. Comment, signification freudienne de cette<
Comme dans le Désespoir tout en effet, parler de la mort, sinon possession d'un fantasme. Ce qu'elle C'est encore la révolution aux Etats-
blanc, on trouve au centre de la comme d'une mutilation? Et de a voulu, plutôt, c'est la reconstitu- Unis qui est au centre de ce numéro
Mort de Gilles un enfant. On y re- surcroît de la mort de son enfant! tion des phases successives de la d'Esprit. C'est un panorama assez com-
trouve aussi la solitude et une voix Alors, pendant des jours et des greffe monstrueuse qu'est la réali- plet avec des collaborateurs français
pareillement coupée du monde. jours, la mère s'astreint à observer té de la mort sur un corps qui doit (Jean-Marie Domenach, Edgar Morin)
Mais, surtout, les deux romans per- cette blessure dont son corps tout désormais s'accommoder de cette et américains (Sylvia Crane, Bob
mettent chacun - bien que de fa- entier porte témoignage et engage cohabitation. Fitch, Barrington Moore, lan Young).
çon sous-jacente et seulement à un avec elle un dialogue qui la projette Rien n'est plus difficile que de Les centres d'intérêt: les mouvements
second niveau de lecture - une hors de son lieu et de son temps construire un livre autour d'une pré- de libération, la culture des. hippies, .
approche saisissante de la folie. En- habituels. Epouse et mère, mère ou sence invisible. Clarisse Nicoïdski y les • familles" et les • communes ",
tre les égarements de la petite fille épouse; durant la longue période parvient, non seulement parce les Panthères noires. la répression.
du Désespoir tout blanc et ceux de d'éloignement qui suit la mort de Enfin, la question est posée ; • La
qu'eHe est un écrivain de talent, révolution est-elle possible aux
la narratrice de la Mort de Gilles, Gilles, la narratrice prend conscien- mais aussi grâce à la qualité de son
il n'y a aucun lien; il s'agissait, ce que n'importe lequel de ces choix regard, chargé, à n'en pas douter, U.SA?" La réponse de l'auteur est
dans celui-là, d'une enfant attardée serait une trahison. Avant, son être de mémoire. pessimiste...
qui passait pour l'idiote du village requérait cette double fonction; elle Cella Minart Jean Wagner

14
Requiem pour un ange
Nicole Quentin-Maurer presque absence de tout événement ment ... Mais Germain est condam-

1 Portrait de Raphaël
Coll. « Le Chemin»
Gallimard éd., 151 p.
hormis la séparation finale des deux
jeunes gens, renvoie directement à
l'absolu de l'amour qu'elle décrit,
et à la douleur que' suscite l'arra-
chement à la présence de l'Autre.
né à vivre avec son secret, avec la
mémoire de ses houles intérieures,
celle de ses extases et de son désen-
chantement. L'Ange est « passé
outre », tel celui de Rilke, appelé
C'est dans l'exquise transparence L'amant devient alors une mère en vers d'autres constellations, laissant
de sa chair doublée d'une opacité deuil cc habité (e) par un chant derrière lui une empreinte dont on
profonde, mystérieuse et qui rend acharné et nu qui déploie en (lui) ne sait si elle est d'air ou de feu.
son sexe parfois presque indéfinis- ses racines indomptables, renversant
sable et par là fascinant que surgit à la poussée de ses branches les
l'ange de Raphaël dans les fresques murs étroits de sa chair ». Dans cet-
des Chambres. Tel un de ces êtres te ultime et douloureuse parturition Une maitrise
à la douceur ineffable d'androgyne, l'amant cc accompagne ce mort tant étonnante
avec « l'étrange flèche de son corps aimé, cet infidèle, ce fou, d'une
organisant le paysage », le Raphaël curieuse litanie, une prière funèbre A part de très rares maladresses
que décrit Nicole Quentin-Maurer composée pour sa bouche... » (US). de style (pp 98 et 145), on ne pour-
anime et illumine de son passage la ra qu'admirer la maîtrise étonnante
liturgie secrète que lui consacre son dont fait preuve l'auteur dans ce
ami Germain. premier roman. Son éeriture frappe
La grande déchirure et par la profondeur du sujet, et par
la qualité du style, qui se main-
Les amours Au cc défilé paisible des heures tient jusqu'au bout dans une sorte
adolescentes illuminées par l'amour» succède de cc pertinence extrême» dans le
regard que vient nonchalamment donc la grande déchirure de l'irré- difficile exercice qu'est l'art du por-
Ces amours adolescentes qui vi- combler et décevoir l'ombrageuse médiable absence, la perte de celui trait. Il faut, je le crois, prêter à
vent les paysages à la démesure de beauté de l'aimé. La rareté des dont la résistance joueuse aurait pu, cette voix nouvelle, une attention
leur jeunesse et de leur passion paroles échangées fait que la com- avec le temps, se muer peut-être en toute particulière.
paraissent tout droit sortis d'un ta- munication se fait par le seul feu un aveu et un premier consente- Anne Fabre-Luce.
bleau de l'école du Pérugin. Le du regard qui s'emplit de sa fuyan-
« portrait» est l'histoire d'une « Vi- te proie; comme chez Proust, l'aimé
sitation », celle de l'ange impénétra- est un être de fuite. les livres
ble et lumineux qui dispense la ra-
dieuse détresse d'un désir jamais
dont
assouvi. Celui qui aime est pour lui
Un animisme on parle
un frère, un père, une mère et aussi délicat qui épouse
un amant dissimulant ses orages de les méandres YVES
désir. Entre eux, les contacts sont de la passion COURRIERE
de l'ordre du regard seul, de la fas-
cination parfois ponctuée de retour Un animisme délicat s'associe au La guerre d'Algérie
et aussitôt de fuite. Dans ce « voya- rythme « affectif» du style qui lome III
PIERRE
ge chaotique et amer de l'amitié»
l'amant se perd : « Et moi, Ger-
épouse avec beaucoup d'art les
méandres de la passion. Des réso- L'heure VIANSSON-
main, perdu, je me gonfle d'orgues nances gracquiennes se font enten- des colonels PONTE
funèbres, je fleuris de contrepoints dre çà et là, «( un jardin à rez de
obsédants, puis, tout m'abandonne parc ») dans cette langue à la fois Histoire de
De la fin de la bataille d'Algel'
au drame des barricades (1!l57-1!l6O)
...,j
sous mes paupières incendiées, je
me dresse vers toi, vers ces lueurs
précise et recueillie qui frôle par-
fois la préciosité, par le symbolisme la république """'l
ALFRED gaullienne
mobiles sillonnant la nuit au-dessus dont elle tire de remarquables effets.
de mon front écrasé, vers ces bran- Les allusions bibliques viennent sou-
ches lourdes, ces masques charbon-
neux scuptés au ciel, vers toi sans
vent nimber la personne de Ra-
phaël ; à d'autres moments, ce sont
GROSSER Le premier récit historique
complet des onze années de pouvoir
du Général de Gaulle
cesse ». les astres qui président « à des ins-
tants de ressemblance entre les
L'Allemagne lome 1
La fin d'une époque
Les progrès
deux amis. L'amant « serre alors
Raphaël dans (un) ordre secret, (il
de Mal 1958 - Juillet 1962
d'une fascination le) tire dans les chemins du retour,
le rappelle sans cesse à de communs
notre temps "LES GRA~DES ETUDES
~ONTEMPORAINES..
Expliquée par son histoire,
La nature du sentiment qui porte miroirs» dans une quête d'identité dessinée pal' deux
systèmes politiques,
Germain vers son jeune ami n'est scénienne, platoniciè'nne. modelée par son temps
pas sans évoquer la profondeur et Cet amour est également une ma-
"LES GHANDES ETUDES
la réserve soutenues du héros de la ternité et une enfance retrouvées CONTEMPORAINES ..
Mort à Venise pour l'adolescent cc dans le ventre satiné » et océani-
« aux yeux d'aube» qui s'appelle que de la mère, lieu d'apaisement sont édités
Tadzio. De même que chez Thomas
Mann, on assiste ici aux progrès
thalassal (dans le sens où l'entend
S. Ferenczi) de l'être dans son mi-
chez
d'une fascination à la fois illUIni-
nante et désespérée, à ces orgies du
lieu originel.
L'extrême nudité de l'histoire, la
fayard
La QuInzaine Uttéraire, du 15 au 30 novembre 1970 15
EXPOSITIONS

Viseux~ graveur
Après l'importante exposi- lement, et seuls l'organique et
tion consacrée par le Centre l'imaginaire m'intéressent. Tu
National d'Art Contemporain vois, c'est très éloigné d'une at·
(CNAC) au sculpteur Claude titude constructiviste, c'est une
Viseux il y a un an et ses réjl- genèse interne, une sphère qui
lisations monumentales dans engendre un cube, toute une
le cadre du 1 % (voir l'article gymnastique intérieure...
de Marcel Billot dans le numé-
ro 104 de la Quinzaine), cet Estimes-tu que la réal isation
artiste nous présente (1), ac- de ces gravures t'aura été utile
compagnée d'une série de pe- pour ton travail de graveur?
tites sculptures récentes, une
suite de gravures qui ont re- C. V. - Actuellement, j'éprou-
tenu notre attention. Ces gra- ve le besoin de me restreindre
vures, réunies sous le titre dans le choix des formes, c'est-
d'Horographies (12 + 12 = à-dire je voudrais mettre en œu-
365) et consacrées au temps, vre des volumes relativement
inaugurent une technique très simples et connus de tous, des
particulière à travers laquelle cubes, des cônes, des sphères;
Viseux poursuit son propos surtout pas de pièce nominative.
d'assembler des éléments mé- Il y en a quelques-unes dans les
talliques d'origine technologi- gravures mais très peu et ce
que. sont celles-là les perturbatrices,
celles qui ont été pensées pour
Comment as-tu été conduit à faire un axe de voiture, un joint
aborder le problème du temps de ceci ou de cela; celles-là on
qui est une notion, abstraite, a pourrait les reconnaître... Donc
priori assez éloignée de tes je tiens à dissocier les pièces
préoccupations antérieures? nominatives servant tel ou tel
aspect que tout le monde, tôt ou
C. V. - Depuis, disons, une tard, peut identifier, et les cer-
dizaine d'années, il s'est produit Viseux: Gravure, 1970. cles, les carrés, etc.
d'importants changements dans Il faut dire que pendant des
ma manière de faire, c'est-à-dire et l'élément perturbateur. Cela véler n'est pas aussi évident. années je me suis posé le pro-
dans toute cette activité liée à fait que tout s'annule et, s'il y a J'ai voulu trouver un circuit iden- blème du point zéro d'une forme.
l'assemblage, à la réalisation de une vie, elle se crée au niveau tique entre la machine qui per- Par l'informel, je me suis dit
certaines sculptures. Au départ, du regard, par la lectur~. J'ai fore et construit ces plaques et cc je m'interdis d'accepter quel-
les prétextes étaient biologi- essayé de normaliser cela par celui qui règle la machine, qui que forme que ce soit n, je vou-
ques, écologiques, et mainte- un gris qui reçoit, en spectrolo- révèle l'encrage de ces plaques. lais connaître la nature de sa
nant c'est devenu, au niveau de gie sensible, une surface métal- matière interne. Je n'ai jamais
la main, vraiment une respiration Il était essentiel pour toi de eu de besoin de destruction mais
lique, qui reçoit à son tour une
de toutes les formes que j'accep- partir d'éléments industriels besoin d'ouvrir le ventre aux
forme colorée pure. Il est très
te. Alors les horographies c'est préexistants ... choses. En trouvant une sphère,
important que l'élément pertur-
un nouveau prétexte car il s'agit bateur ait une couleur vive. . C. V. - En fait, il est essen- j'avais envie de la déchirer à
du temps, il s'agit de formuler Pourquoi as-tu util isé cette tiel de dire que je constate ces l'arc électrique pour voir ce qu'il
certains aspects du temps. Les technique nouvelle qui, tu me surfaces mais que je ne les fa- y avait dedans et quelquefois, à
horographes faisaient des signes l'as dit, rend les repérages et les brique pas. Disons que, pour l'intérieur, j'ai trouvé des choses
sur les premiers cadrans, sur les tirages très délicats? moi, toute forme est à la fois qu'on y avait mis, des robinets
premiers cylindres et ici, juste- C. V. - Disons que, jusqu'à instantanée parce qu'elle m'est par exemple, des tuyaux. Et puis
ment, il s'agit de trouver, choi- présent, les gravures étaient fai- révélée quand je la trouve et les images sont nées, l'accepta-
sir, modifier certaines surfaces... tes sur une surface - cuivre ou provisoire jusqu'au moment où, tion des formes qui n'est venue
C'est le facteur temps qui est zinc - que la main de l'homme face à une autre forme, elle en- qu'après l'exploration de la ma-
en jeu et je l'ai abordé comme blessait avec une pointe sèche, gendre une question ol,! une in- tière par des essais au niveau
on tourne les rouages d'un ré- un burin ou tout autre procédé connue. Ici, il y a des pièces du matériau. Je n'ai plus ce côté
veil. Dans ces gravures, on ver- classique. Alors, quand j'ai voulu technologiques, c'est-à-dire em- de dire « nous sommes une ou-
ra vraiment le chemin, j'ai tenu commencer à parler de ces cc es- bouties, décolletées, qui sont tre avec un estomac à l'inté-
à le montrer; il n'y a aucune cui- paces-temps n, j'ai utilisé des isolées et méconnaissables; rieur», mais j'en envie de dire
sine, aucun effet de matière et, pièces préexistantes comme ca- donc on ne voit aucune beauté « il y a une superposition de sur-
chaque fois, les couleurs ont été ches et j'ai gravé, j'ai composé a priori, aucun sens esthétique faces, en un certain ordre engen-
choisies pour mettre en éviden· comme un graveur repousse un défini sauf leur cc ambiguïté n drées » qu'il faut faire percevoir
ce autant que pour dissocier les trait pour obtenir la forme. J'ai propre... Libre à moi ensuite de en se mettant dans la peau du
trois formes. Car il y a toujours détouré autour de plaques trou- redécouper, de monter, d'inter- spectateur qui, encore une fois,
trois formes, mais certaines sont vées mais, en les regardant, je venir dans la fameuse modifica- constate.
quelquefois faites de plusieurs me suis dit cc bon, c'est très joli, tion qui va se produire quand ce Propos recueillis
éléments soudés; il y a toujours très joli ou très mal, mais enfin monde, mécanique au départ, par Jean-Luc Verley
un élément-réceptacle qui est c'est de l'imagerie, une fausse basculera dans un élément orga- (1) Galeries «Le Point Cardinal.,
comme un écran, un élément in- imagerie n, parce que l'acte de nique ou imaginaire. Je ne tiens 3, rue Jacob, 3, rue Cardinale, 12, rue
termédiaire qui est la transition maîtriser une surface, de la ré- aucun propos géométrique fina- de l'Echaudé-Saint-Germain.

16
INFORMATIONS

Dans les galeries


Poliakoff Beaudin dixième anniversaire, c'est l'accomplis- Le Comité du Salon de l'Ecole t:ran·
sement des prophéties d'Apollinaire : çaise 1970 qui présentait 220 artistes
Toute l'aventure de l'art contempo· On ne quitte pas les poètes avec ce siècle découvrira la poésie du jour- et 350 œuvres a décerné ses différents
rain se résume dans l'œuvre de Polia· Beaudin (Galeries Nationales du Grand nal quotidien, des faits divers, de la prix aux artistes suivants: Mrs Hilda
koff (Musée d'Art Moderne et Galerie Palais). Il a su tirer du cubisme une machine; autrement dit une poésie Carmel, M. A. Sidqui, Mahine Oolat-
Dina Vierny). Libérée des exigences leçon de rigueur qu'il ne confondit pas urbaine. C'est fait. César, Arman, Ville- chah, J.M. 'Géron, Thérèse Lehucher,
de la représentation la peinture peut avec l'assèchement scolaire qui était glé, Hains, Tinguely y ont puisé des Maurice Merger et Guy Péron, Fernan·
vivre de ses propres ressources. compris dans cet héritage si difficile forces suffisantes pour travailler, au- de Lestage-Mauponné, ·F. Kerleroux,
L'œuvre de Poliakoff le prouve ample- à recevoir. Manieur de lumière (com- jourd'hui, au-delà d'un groupe. L'his- G. Sailly, Isabelle de Battlk, Jane
ment. Il y a là une aventure isolée me le furent Turner, Monet ou Moran- toire, d'ailleurs, l'a assimilé. Une expo- Larroque, Hélène Yankova, et Hélène
qui peut paraître monotone quand, en di), il sait distribuer, avec pondération, sition comme celle-là a un petit air Boullier.
fait, elle est surtout obstinée, patiente une joie intime que lui donnent les cho- nostalgique de musée qui fait réflé-
chir. L'histoire va bien vite aujourd'hui. Le 20 novembre sera Inaugurée à
et fidèle. Avec simplement de la cou- ses simples : un visage si tendre Valence (Espagne) la galerie CALANIS
leur, sans dessin pour flatter l'intelli- dans l'angle des regards, un paysage: - obras de arte - Calle Nave 25,
gence, une œuvre s'élève devant nous, Paris bercé sur son fleuve. avec des lithographies originales d'ar'
et son chant s'affirme et se déploie Colas-Guérin tistes contemporains: Picasso, DaIl ,
dans notre mémoire. Parce qu'il y a, Masson, Lapicque, Carzou, Borès,
dans la poussée lente, têtue, de la cou- Vladimir-Pavlowsky Clavé...
leur sur la toile, en vue d'une organisa-
tion qui épouse moins les caprices du Corneille J.-P. Clebert et Pierre Bettencourt Simon HA-NTAI expose ses peintures
moment' qu'un juste équilibre (qui nous présentent les œuvres de Colas-Gué- récentes àla galerie Pierre Matisse à
fait penser à celui des voûtes roma- Avec Corneille (Galerie Ariel) nous rin (Galerie Desbrière et le Soleil dans New·York.
nes), une gravité, une sensibilité, une abordons le monde de la turbulence, la tête) qui s'inscrivent dans l'hérita-
inquiétude aussi, des élans, qui témoi- l'enfance y est encore proche (Beau- ge de la « Nouvelle figuration - : toute Présentée par Anatole Jakovsky,
gnent, ouvertement, d'un homme. A din a plutôt la nostalgie de l'adoles· d'horreur charnelle contenue. C'est, au Patricia MARTON expose galerie
travers l'œuvre il transparaît, s'impose cence) avec ses insolences, ses inven- contraire, dans l'abstraction la plus Antoinette rue Bourbon-Ie-ehâteau.
aussi. C'est dire qu'une telle peinture tions, sa fraîcheur inimitable. résolue que travaille' J. Vladimir-
a la chaleur communicative d'un dis- Pavlowsky (Galerie La Roue) qui aime "Le Musée Boymans Van Beunlngen de
cours confidentiel. agencer de sensuelles mais parfois Rotterdam organise une rétrospective
inquiètes matières, pétries, dirait-on. des œuvres de Sal.vador Dall, jusqu'en
par une main d'angoisse qui, parfois, janvier 1971. ta Fondation Paul Ricard
cc Nouveau Réalisme )) s'accorde des grâces et des temps de a prêté à cette occasion «-La Pêche
Lanskoy repos. au thon - qui lui appartient depuis
Avec le «Nouveau Réalisme--, quelques années.
Même si elle n'est constituée que dont la galerie Mathias Fels fête le Jean~acques Lévêque Le peintre autrichien Rodolphe Rlchly
de pièces éparses, choisies dans des
périodes différentes, l'exposition Lans- fil•••••••••••••••••••••••••••••••• fête ses 84 ans en exposant galerie
Arlette Chabaud rue Bonaparte.
koy (galerie Bongers) répond parfaite-
ment à la curiosité naturelle de l'ama-
teur qui y trouve une démonstration
des mécanismes créateurs de l'artiste.
André Masson Ingvar Larsson, Lore Kegel et Harald
Kinckowtrom terminent la saison de
la galerie Valombreuse de Biarritz.
Le collage, entre autre, si original chez Inscrite à l'écart des polémiques ac- par l'inspiration - paysages et corps
Lanskoy, y définissant une appropria- tuelles, poursuivie à contre-courant de femmes, visions panthéistes (Hom- Après l'exposition des dessins du Pr
tion de l'espace qui n'obéit pas seu- des modes, inaltérée par les recher- mage à William Blake), scènes étran- Schroder, la galerie Eskens présente
lement aux exigences de l'œil - la ches de l'anti-peinture, l'œuvre d'An- ges situées dans des espaces imagi- les gouaches récentes de Desternes
fête de la couleur n'y est point cepen- dré Masson nous atteint cependant de naires - mais identiques par la vi- (rue Sainte-Anne).
dant exclue - mais aux impatiences façon étrange, et, près de cinquante gueur de la plume qui fait de Masson
de la main. On la suit, ardente, vive, ans après ses débuts, nous concerne un des plus grands dessinateurs Balbi, Sohaap-Holster et Oljens suc·
emportée, dans la distribution des toujours aussi directement. Pourquoi? contemporains. cèdent à Pastorini aux cimaises de la
masses, la mise en place des lignes Peut-être parce que mieux qu'en au- Parmi les peintures, on est frappé galerie Moufte, rue MouttetarCl.
de force. Du monde extérieur, le pein- cune autre, on y déchiffre le visage du resurgissement, dans certaines
tre n'a peut-être retenu que des ins- multiple de l'art de ce siècle, la di- toiles, de l'écriture surréalisante si
tants, des rythmes, mais de même que versité et la simultanéité des courants particulière à Masson, caractérisée à
le buisson traduit la forêt, l'élan végé- que Masson a su assimiler, mais aus- la fois par la rigueur de sa construc-
tai, un Lanskoy porte encore dans sa si, ensuite, et souvent souterraine- tion et la place qu'elle donne aux
chair les élans de la vie. Il est réaliste ment, inspirer. Parce qu'on y lit la blancs, à l'informulé (Au parvis de
au-delà des images. trace du cubisme, de l'expressionnis- l'énigme, 1970). Cependant, Masson GALERIE LAMBERT
me, de Klee, qu'on y perçoit une des n'abandonne pas les espaces entière- Peggy
composantes du Surréalisme, qu'on y ment remplis, aux formes enchevê- GOLDSTEIN
découvre une des origines de l'abstrac- trées et frénétiques, aux couleurs élec-
Bryen tion lyrique et aussi de l'art des si-
Sculptures
triques, qui enchantèrent le jeune Pol-
gnes. Parce que ces influx si divers lock (L'engloutissement, 1968, Le pou- 14, rue St-Louis-en-l'lIe, (4e)
Il en est de même pour un Camille sont intégrés dans une totalité aux fa- voir des fleurs, 1968-1969). Mais les
Bryen (Galerie de Seine), venu des cettes plurielles mais cependant indis- deux toiles les plus surprenantes sont
mots, aujourd'hui manieur de gestes, sociables. Puisque aussi bien, la pein- inspirées par le paysage de la mer du GALERIE
distributeur de lumières qui suspen- ture de Masson est cérébrale, cons- Nord : presque vides, l'une d'elles
dent dans l'espace des questions. Ce truite, parfois presque littéraire, mais presque monochrome, la nervosité de VILLAND ET GALANIS
passage de l'image au verbe se fait capable aussi de s'abandonner à l'im- Masson ne s'y exprime plus dans le 127, bd Haussmann
dans les deux sens. médiateté de la nature et au jaillis- trait, mais dans le frémissement de la Tél.: 225-59-91
sement d'Eros : peinture qui, d'une· mince surface colorée. Fantasmes des Pierre CHARBONNIER
toile à l'autre, ou dans la même, ac- dunes de Texel (1968) laisse surgir
corde le rythme saccadé du temps un étrange oiseau dans le ciel bistre Peintures récentes
Max Ernst urbain et les calmes ondes du temps qui enveloppe la terre et la mer, tandis 17 novembre-20 décembre
bucolique, les stridences de la ville et que Néréides de la mer du Nord (1968)
Chez Max Ernst (La Hune) on voit les harmonies sourdes de la nature. ouvre aux divinités la longue route do-
plutôt une continuité dans les rapports Bref, le don de Masson, c'est peut- rée de la plage, entre la mer et les
de sympathie entre peinture et poésie. être de s'être laissé prendre au cœur dunes. Faces crépusculaire et diurne
GALERIE
Les collages, naturellement, favori- de nos contradictions et d'avoir su d'une même expérience, ces deux toi- HENQUEZ·SAINT·JOIGNV
saient cette alliance. Dans quel ordre les recueillir et s'y recueillir avec séré- les vaudraient à elles seules la visite 96, rue de Rennes - (6e)
les ranger : sont-ils des images, 'des nité. d'une exposition où l'on découvrira AUGEARD
énigmes verbales? On y découvre, de Tel apparaît le peintre dans l'expo- qu'André Masson poursuit son aven-
même que dans la peinture d'Ernst, sition que 'Ia Galerie Louise Leiris ture en l'approfondissant - mais dans LE MERDV
et dans ses poèmes, cet humour très consacre à ses travaux (dessins et la fidélité à soi, et sans rien aban· P. ROZ 1 E R
particulier où la férocité se cache der- peintures) des deux dernières années. donner. 17 novembre-5 décembre
rière les roses de l'esprit. Les vingt-cinq dessins, sont très divers Nicolas Bischower

La Quinzaine Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970 17


V • • ANISME

A la recherche d~un ordre


Lewis Mumford urbain pré-industriel où « l'homo comme l'URSS où pourtant le sol grande ville à quoi sont attribués
Le déclin des villes ou me » trouva le lieu de sa réalisation. urbain est nationalisé. une série de caractères empruntés à

1 la recherche
d'un nouvel urbanisme
France Empire éd., 336 p.

Alexandre Mitscherlich
Dans les trois cas, même effort pres-
que désespéré pour s'arracher à ces
nostalgies, intégrer la spécificité du
présent. Lefebvre renonce aux évo-
cations médiévales qu'on trouvait
Mais on pourrait aussi centrer
l'éclairage sur les différences entre
ces trois livres et ce qui peut consti-
tuer la part propre de chacun dans
l'appropriation d'une constellation
Greenwich Village ou à des agglo-
mérations de type pré-industriel. Sa
« grande cité américaine n'a comme
arrière-plan que la vie humble d'un

1
quartier historique tellement spé.
Psychanalyse et urbanisme dans Le droit à la ville et, dans une nouvelle. Dans cette optique, nous cial qu'il en devient unique ». Où
Gallimard éd., 206 p. perspective bien proche de celle de envisagerons seulement les ouvra- est l'urbain ? Dans l'imagination de
Foucault, invoque « coupures}) et ges de Mumford et de Mitscherlich, l'intellectuel romantique qui en
mutations. Mumford évoque de que rassemblent une positivité - et projette les structures pittoresques
Pour Henri Lefebvre, dans un « nouveaux modèles d'intégration sans doute aussi un positivisme - et anachroniques sur la mégapole
de ses derniers ouvrages (1) « l'ur· urbaine» tandis que Mitscherlich étrangers à Lefebvre. dont les dimensions le subjuguent.
bain monte à l'horizon, occupe len- assure qu'il n'est « pas question de La leçon est à méditer.
tement le champ épistémologique, faire revivre les vieilles villes... ni Le livre de Mitscherlich est d'une
devient l'épistémè de l'époque. de les prendre pour modèles ». En- La scène urbaine tout autre portée. Il apporte sans
L'histoire et l'historique s'éloignent. fin, à chaque fois, l'auteur se veut doute la première (4) contribution
La psychanalyse, la linguistique, généraliste qui transcendera les di- américaine systématique de la psychanalyse à
comme l'économie politique, après visions du travail intellectuel fata· la théorie de ce qu'on appelle en·
leur apogée, commencent à décli- les à l'urbanisme (et dénoncées avec En ce qui concerne le premier, core l'urbanisme et ouvre des voies
ner ». une verve particulière par Lefebvre le contenu n'est ni à la hauteur du que des chercheurs allemands ont
On contestera que la psychana- dans sa critique des opérations plu- titre ni, de loin, au niveau des ou- déjà commencé d'explorer (5).
lyse, la linguistique et l'urbain for- ridisciplinaires); ainsi, le métaphi- vrages à l'incomparable érudition Un exposé schématique montrera
ment des champs homogènes, on losophe Lefebvre effectue, grâce à qui ont fait la renommée de Mum- que ses thèmes et thèses résultent
protestera que l'urbain n'est pas la pensée dialectique et utopique le ford, tel en particulier The Culture d'une lecture de Freud à l'opposé
une figure de l'épistémè. En revan- même travail que l'historien Mum- of Cities (non traduit en français) ; de celle des post.freudiens de gau-
che, il faut bien constater que le ford, grâce au poids de la mémoire c'est qu'il s'agit, en fait, d'une série che, notamment Marcuse.
discours sur la vil1e qui naquit avec historique, ou que le psychanalyste d'articles de circonstance, échelon·
'Owen et Fourier au début de l'ère Mitscherlich grâce à l'intervention nés de 1956 à 1968, au gré de
industrielle occupe aujourd'hui une de la mémoire philogénétique du l'actualité urbaine américaine. De
place grandissante dans la réflexion psychisme humain. Et, à chaque rapides analyses consacrées à la La ville comme
de notre société. sur soi et dans le fois, l'œuvre de sauvetage s'accom- nécessité de mélanger les classes
projet des sciences humaines. Et il plit donc en partie dans une prise d'âge (intégration du troisième âge image maternelle
est non moins certain que l'arrache- de conscience, dans une identique dans la cité) ou exigences écologi- archaïque
ment de ce discours à ses structures attitude réflexive. ques de l'enfance laissent transpa-
du XIX- siècle n'en finit pas de raître l'image, déjà familière aux
s'achever. lecteurs de Mumford, d'un modèle La figure de la ville chez Mit-
C'est ce dont témoignent trois urbain issu de Ebenezer Howard, scherlich est intégrée dans une vi-
livres parus en français depuis juin
_Entre Venise et Tokyo préfiguré dans les nouvelles villes sion dualiste de l'homme. D'une
dernier : La révolution urbaine anglaises, et dont l'évolution récen· part, celui·ci est l'être qui se plie
d'Henri Lefebvre, Le déclin de!j, vil· La convergence de ces critiques, te des transports devrait enfin ren- à toutes les adaptations et, par la
les de Lewis Mumford, Psychana. leur commune violence, leur fixa· dre la réalisation possible. mobilité de son intelligence, cons-
lyse et Urbanisme d'Alexandre Mit- tion à des concepts comme ceux de En fait, pour le lecteur français, truit une seconde nature. D'autre
scherlich. Trois pays, (France,· centralité, leur attachement à la fi· l'intérêt assez ténu de ce livre tient part, il demeure l'animal prisonnier
Etats-Unis, Allemagne fédérale) gure idéale de la ville dont l'arché· à l'évocation (impressionniste) de la de la « nature primaire » qui a eu
trois disciplines (la philosophie, type flotte curieusement entre Ve- scène urbaine américaine, qu'il besoin d'un « ancrage dans un ré-
l'histoire, la psychanalyse), trois nise et Tokyo; leur incapacité mê- s'agisse de la genèse des villes ou seau de relations affectives constan·
orientations politiques (un marxien, me à se défaire d'une terminologie de la problématique urbaine incar· tes pendant une longue période de
un démocrate, un libéral) différen- (la-ville - l'urbain) dont Mumford née par ses hérauts, de Mumford maturation » pour pouvoir accepter
tes n'en laissent que plus fortement a pourtant montré qu'elle impli- lui-même (voir le vigoureux auto- leur ambivalence et réaliser ensuite
apparaître les identités, l'apparte- quait par définition un autre terme, portrait brossé dans sa déposition ce dépassement. L'individu humain
nance à une même constellation la campagne, face cachée de ce qui devant le Sénat) à Henry Wright et est ainsi pris dans un processus
épistémologique, de transition. constitue un seul et même proces- Clarence Stein, en passant par ses circulaire où les niveaux primaire
Même violence dans l'attaque des sus; et dont pourtant Lefebvre a têtes de turc, Jean Gottmann Doxia- et secondaire se déterminent mu·
réalisations urbaines actuelles, mê· reconnu avec pertinence qu'elle de- dis, Jane Jacobs. Cette dernière, tuellement. Et, traditionnellement,
mes chefs d'accusation: monotonie, vrait être amputée du terme cam- que la F:rance découvre aujourd'hui, la ville - dont l'image ressemble à
indifférenciation qui supprime la pagne dont la dénotation a irrémé- dix ans après la parution de son celle d'une personne et qu'un lien
créativité humaine, (substituant le diablement disparu; tout cela premier livre (3) fait l'objet d'une « objectal» lie à son habitant -
mécanique à l'organique, le produit témoigne de la puissance de la polémique éclairante et démysti- est le lieu privilégié de ce proces·
à l'œuvre). Même étiologie, cher- constellation épistémologique évo- fiante, en particulier pour les Euro- sus : lieu du développement de
chée dans la propriété privée du sol quée au début et montre assez qu'à péens, qui se jettent sans critique l'intelligence et de l'autolibération,
urbain et dans la division du tra- la racine de ces discours, on doit sur le message de Mrs Jacobs. Sans mais aussi des relations interperson-
vail, inductrice de passivité (l'ana- trouver plus qu'une crise économi· nier la contribution de celle-ci au nelles primaires et de la socialisa-
lyse -de la vie quotidienne par Mit- que ou politique, une « crise de bon sens, Mumford montre à l'ori- tion qui les conditionne.
scherlich recoupe celle de Lefebvre). civilisation ». Et c'est bien d'ail· gine de son livre l'obsession (amé- Cette théorie éclaire pour Mit·
Dans les trois cas, la critique se leurs ce dont témoigne aussi l'exis- ricaine) de la sécurité et dénonce scherlich l'événement consécutü à
fonde sur la même image de la tence d'une crise urbanistique ana· les extrapolations et confusions sur la révolution industrielle : l'intelli-
belle totalité médiévale, du paradis logue à la nôtre (2), dans des pays lesquelles il repose : apologie de la gence transforme le milieu à un

18
-- .--
,
1 fI .. ~~/
ID
urbain
",... f
1 ~
rythme qui menace le nécessaire souvent invoqué aujourd'hui par les
enracinement affectif. Dans le urbanistes, reposait en fait sur un
«conflit entre volonté d'organisa- fond d'identité, toutes les demeu-
tion du neuf et réflexes primitifs
d'auto-conservation », la vie est dé-
res étant bâties sur un même proto-
type ou standard, librement ac- --ç;;?- CJ -
bordée par la massivité de la créa-
tion anti-naturelle. Pas plus que les
métropoles du XIXe siècle, les nou-
cepté.
Le cercle noté plus haut est donc a ..--'--
1 ------
bouclé à l'envers. Notre urbanisme
veaux ensembles du XXe siècle ne régressif assimilable à une réaction
peuvent apporter à leurs habitants de panique, est incapable de créer
le «minimum vital» de satisfac- le milieu favorable au développe-
tions primaires. Si on se souvient ment de l'ego : il forme des sur-.
du rôle déterminant des quatre

. ---------
adaptés (inadaptés). Cette analyse
premières années de la vie pour le pessimiste débouche cependant sur
destin psycho-affectif de l'individu une série de propositions concrètes
humain, c'est au niveau de l'enfant

.----
ressortissant à une double activité -"~-
qu'apparaît le plus dramatiquement ,..---.-_ ....
réflexive et pratique : lutte contre
la double carence de ces environ- la puissance dissimulatrice de l'in-
nements. Ils sont en effet impropres .-----
conscient et combat pour la recon-
à assurer aux petits le sentiment de quête du sentiment de respectabi-
sécurité et le libre jeu des pulsions lité, mais aussi élaboration d'un
affectives primaires (qui par défini- milieu plus favotlible à la construc-
tion ne peuvent être contrôlées tion (Bildung) du petit humain.
qu'après avoir reçu satisfaction). Et Or, bien que pour Mitscherlich « la
ils sont également impropres à four- grande ville soit une donnée inéluc-
nir les réseaux où l'enfant puisse table pour une société qui ne peut
faire progressivement l'expérience

..
venir à bout de ses tâches d'organi-
de l'ambivalence des relations hu- sation que par un énorme accrois-
maines et à travers elle apprendre sement des services », il est cepen-
à « renoncer à satisfaire son ego dant amené ici à proposer et définir
primaire ». A la figure précise de une petite unité « reposant sur une
la cité se substitue une image ma- expérience affective de tous les ins-
ternelle archaïque indifférenciée, sur la ville depuis le XIXe siècle d'une constellation nouvelle, celle
tants», la seule où puissent se
terre-mère nourricière qui n'est plus et jusque dans les projets urbanis- que nous masquent encore tant de
constituer des relations humaines
. perçue comme gestalt et objet libi- tiques les plus récents, des deux concepts, la ville, la campagne, le
véritables - et où l'enfant dispose
dinal mais dont on attend passive- à la fois de « voisins» et d'un es- courants que nous avions nommés centre, et qui les remplacerait pa~
ment qu'elle vous nourrisse. progressisme et culturalisme. Dès ce que nous avons nommé ailleurs
pace non abstrait (avec boue, ca-
lors que ces systèmes de valeurs se- le post-urbain? .
chettes, animaux vivants, etc.).
raient repérés dans leur simulta-
La candeur des analyses de néité, une double recherche s'impo- Si Mitscherlich ne va pas jusque
Des conduites Mitscherlich fera parfois sourire. serait. D'une part, elle tenterait de là, son livre permet de poser la
régressives Comment peut-on par exemple ren- rendre nos agglomérations vraiment question et il ébranle, parfois mal-
dre compte du statut foncier des contemporaines de nos savoirs et gré l'auteur et en dépit de tous les
villes par la seule régression à un savoirs-faire, des acquisitions de la liens qui l'y rattachent, les fonde-
C'était là le thème de la Société
tabou? Comment peut-on aussi science et de la technologie. D'autre ments de l'ancien discours sur la
sans Père. Frustré, l'individu se
radicalement faire abstraction des part, elle entreprendrait d'en faire ville.
réfugie dans une série de condui-
tes régressives, névrotiques. Il fuit dimensions économiques et politi- des matrices propices au développe- Françoise Choay
dans la passivité de l'hyperadapta- ques de la ville ? Pourtant, ces sim- ment de l'identité personnelle et à
tion : c'est ainsi que Mitscherlich plifications, ou plutôt le choix des la création de relations interperson- (1) La révolution urbaine,. idées.
strates élémentaires du psychisme nelles. Cette vision duelle ne doit Gallimard.
interprète l'inertie des habitants des
grands ensembles, leur incapacité où se situe l'analyse, ne doivent pas pas être interprétée comme une (2) Que Lefebvre reconnaît sans pou-
de formuler des revendications po- faire méconnaître l'apport considé- homélie sur le changement dans la voir l'expliquer.
sitives. Il fuit aussi dans l'indivi- rable de Mitscherlich. continuité : tout en dégageant la (3) The Death and Life of the Great
dualisme dont Mitscherlich dénon- Si celui-ci se rattache à bien des notion de « seuils de dénaturalisa- American Cities, Random House; N.Y.
ce deux manifestations pathologi- égards, comme nous l'avons mon- tion », Mitscherlich n'en ouvre pas 1960. Voir « La Quinzaine» n° 3; j'avais
moins à celle-ci un horizon infini. donné de larges extraits de cet ouvrage
ques solidaires : la régression-fixa- tré, aux « idéologies» du XIXe siè- en 1965 dans Urbanisme, Utopies et
tion au « tabou de propriété privée » cle, il contribue cependant à les fai- En outre, ne serait-il pas temps Réalités, Le Seuil.
(<< quant aux forces qui s'opposent re éclater. L'introduction délibérée de réfléchir aux petites unités évo-
(4) Devançant la publication des
à une redistribution du sol urbain, de l'inconscient (et en particulier quées par Mitscherlich. Pareille travaux d'ailleurs très différents, de
je propose d'y voir l'action d'orga- de concepts tels celui de régression) structure ne marque-t-elle pas le J. Rykwert. Cf La Maison d'Adam au
nisations pulsionnelles du type pri- dans le discours sur la ville, en moment de rompre avec le concept Paradis, à paraître au Seuil.
mitif »); et le développement de perturbe aussitôt l'ancienne organi- de l'urbain ? La réalisation dialecti- (5) Voir notamment de R. Bent-
l'idéal pavillonnaire, tentative su- sation. Ainsi la dichotomie des for· que de l'urbain par l'urbain a-t-elle mann et M. Müller Die Villa ais Her-
prême de l'ego lésé pour se sous- ces primaires et secondaires du un sens? Ce qu'on appelle l'urba- renschafts-Archirekrur, Suhrkamp 1970,
traire aux contraintes de la disci- psychisme présente sans doute une nisation (planétaire) ne marque-t- qui reprend, en l'approfondissant et en
l'appliquant à l'analyse de la villa palla-
pline sociale. Mitscherlich rappelle, grande valeur opératoire. Elle peut elle pas la fin de l'urbain ? Penser dienne, puis de la villa péri-urbaine des
à ce propos, comment à l'époque de notamment rendre compte de l'exis- et réaliser ces nouvelles unités éco- XIX' et XX' siècles, un thème cher à
la cité, le jeu des différences, si tence, sous-jacente dans le discours logiques ne conduirait-il pas au seuil Mitscherlich.

La Qulnzalne Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970 19


ESSAIS

Les réalités locales


1
Maurice Agulhon plus compté et le plus concouru à des riches, elle se manüeste souvent Jean.Jacques Salomon
. La République au village le pousser à l'action ? » Cette ques- à l'occasion des fêtes folkloriques, Science et Politique

1 Coll. « Civilisation
et mentalités »
Plon éd., 540 p.
tion se compliquerait encore si cino
quante ans plus tard, on ajoutait
que ce même villageois est à la fois
patriote et internationaliste, socia·
liste et très attaché à sa petite pro-
que la droite catholique essaie de
récupérer à son profit mais vaine·
ment. D'autres pratiques collectives
comme le carnaval et le charivari
deviennent prétexte à manifester
Le Seuil éd., 407 p.

Le premier et immense mérite de


Jean-Jacques Salomon est d'appor-
Depuis le Tableau politique de la priété. dans la rue sans trop de risques. ter des informations en un domaine
France de l'ouest, la sociologie po- Méthodiquement menée, l'analy- Cette vitalité folklorique (qui an- où la littérature de langue fran-
litique n'avait guère fait que suivre se montre qu'au tournant .du nonce le renouveau régionaliste des çaise a produit jusqu'ici plus de
et perfectionner la méthode mise au XVIUe-XIXe siècle, les masses ru· époques postérieures, et qui est une pamphlets que d'analyses fondées.
point par André Siegfried.• raIes ont plus ou moins perdu les forme de la résistance à l'Etat et à Il s'agit ici du statut de la science.
En débarquant en Provence en ressources d'appoint fournies na· ses fonctionnaires, ne va pas, d'ail- Entendons bien: non de ce c( genre
1832, la duchesse de Berry comp- culturel » abstrait dont les manuels
tait bien aborder une terre fidèle, de philosophie présentent l'image
« une Vendée méridionale»; le défraîchie, mais de cette institution
Midi méditerranéen n'avait-il pas multiforme qui, dans les sociétés
été le pays de la Terreur Blanche? modernes, joue un rôle déterminant
Il cesse de l'être, sans grande raison intellectuel, politique, stratégique,
apparente, au cours du règne de technologique, social. Il est question
Louis-Philippe et c'est cette énigme de l'activité scientifique en tant que
que Maurice Agulhon essaie de ré- celle-ci concerne directement au-
soudre dans cet ouvrage. Cette jourd'hui non seulement le travail
micro-histoire n'aurait pas plus re- de la cc pensée » mais encore et sur-
tenu l'attention pourtant, si la tout le niveau des forces producti-
nouveauté de l'approche ne faisait ves, l'organisation des rapports de
de cette étude un exemple, aussi production et les problématiques
révolutionnaire, à sa façon, que politiques.
l'ouvrage, désormais dépassé d'An-
dré Siegfried sur l'Ardèche. Elle
permet de comprendre également
comment, de l'univers dramatique La science comme
de 1848-1851, on est passé à l'uni- vocation pratique
vers serein de 1880-1940 parce que
l'ancien régime économique a dis-
paru au temps du Second empire ; J.-J. Sawmon rappelle d'abord
et comment, du folklore serein de opportunément que la science, dès
la politique de gauche, on passe au qu'elle s'est constituée comme telle,
climat actuel parce que la société aux XVIe - XVIIe siècles, s'est don-
paysanne se défait et s'intègre à né une vocation pratique. Il a fallu
l' « univers des loisirs » où la Pro- tout l'empirisme débordant du siè-
vence tient la place que l'on sait. cle dernier ...:..- tant sous sa forme
Mais l'essentiel n'est pas là. positiviste que sous son avatar spi-
L'intérêt de l'ouvrage se trouve ritualiste - pour qu'on en vienne
dans le fait que Maurice Agulhon à oublier que· Galilée s'est voulu
rompt avec les schémas mécanistes aussi ingénieur, que le Descartes de
qui, traditionnellement, résolvaient la quarantaine projetait de réformer
tous les problèmes par l'opposition radicalement, grâce à sa nouvelle
grossière des intérêts de classe; il physique, la médecine et la méca-
rajeunit et bouleverse cette appro- nique (et, du coup, la morale) èt
'che en sachant montrer que le mê- guère par les industries diffuses. leurs sans l'ébranlement de la piété que le personnage central de cette
me individu peut être à la fois un Les campagnes ont ainsi été d'au- traditionnelle, rendant l'église vul- opération fondatrice est le chance-
et plusieurs, sans prendre nécessai- tant plus sensibles aux contraintes nérable à l'assaut de la libre pensée. lier Francis Bacon, baron de Veru-
rement conscience des contradic- que subissait l'uage collectü d'un Parallèlement, l'horizon culturel lam, politique et réformateur. Car
tions qu'implique la complexité de certain nombre d'usages ou de des masses populaires s'élargit. D'a- c'est finalement l'image du chance-
son statut. Ainsi, « un paysan peut biens, les forêts en particulier. bord, on apprend à lire, puis on lier qui s'impose historiquement.
être un salarié, par rapport à son .Bien avant mai 1968 et ses séquel- connaît mieux le français et on De la nouvelle Atlantis de Bacon
employeur, ou un preneur de bail, les, les incendies de forêts ne se assiste à cc une descente sociale» au Tableau historique des progrès
par rapport au propriétaire bailleur. comptent plus, « la haine des popu- des goûts littéraires ou autres : de l'eaprit humain de Condorcet,
Dans les deux cas, il fait face au lations envers l'Etat oppresseur se toute une réalité sociale et politique publié à la fin du XVIIIe siècle, la
bourgeois. Il peut être aussi (et sou- manifestait à l'endroit des agents se découvre aux masses comme il même idée' mobilise les ip.tellectuels
vent simultanément) un producteur forestiers : elle est la principale en est aujourd'hui avec l'image et le épris de cette science nouvelle : celle
confronté au marché des produits cause de ces sinistres » (1838). Cet- film, compréhensibles de tous, qui d'une société où le pouvoir - le
agricoles, affronté à tous les échelons te tradition d'indocilité se retrouve n'ont pas de patrie et sont un fac- pouvoir de décider comment doivent
du monde du négoce. Il est enfin en mille occasions, la lutte contre teur d'accélération dans l'acquisition être organisées les sociétés - serait
un villageois, inséré dans le réseau l'impôt, notamment, qui permet de du savoir, de la réflexion politique tributaire du savoir - un savoir
si complexe des droits et des devoirs vérifier l'alliance soigneusement ca- et de la prise de conscience. expérimentalement et logiquement
de la commune. Qu'est-ce qui a le chée de l'Etat, des hommes de loi et Marc Ferro justifié.

20

Vocations de la sCience
l'histoire, mais la critique) qu'il va Dès lors, le scientifique est double- wash. Doublement responsable : à
vite lorsqu'il résume en quel- ment responsable. Science et politi- l'égard d'une science dont le scienti-
ques pages le devenir navrant qui a que étudie - avec des références re- fique ne parvient pas à apprécier les
conduit le matérialisme dialectique marquables et surprenantes - l'ap- développements à l'égard d'une so-
des débats entre « mécanicistes » et parition de cette responsabilité nai- ciété qu'il ne contrôle pas, à laquelle'
« déboriniens » à Jdanov et à Lys- ne et péremptoire chez les physiciens il fournit des instruments d'une ex-
senko... des U.S.A. qui sont à l'origine de la traordinaire efficacité, qui dépend
fabrication de la bombe atomique; il de lui, mais dont, plus fondamenta-
met clairement en place la significa- lement, il dépend. Avoir tant de
tion à la fois navrée et confiante des puissance, et si peu de pouvoir !
Le savant et le promoteurs du mouvement Pug-
scientifique

En tout cas, le problème est dé-


sormais, posé au fond. Le XIX" siè-
cle a laissé subsister la notion du
savant, chercheur désintéressé, pas-
sionné d'abstraction, distrait et uto-
.... vient de paraître
OCTOBRI 1970
SARAH KOrllAI
t

Galilée, par Ottavio Leoni,


piste. Depuis quelque cinquante L'enfance de l'art
ans, « sous la pression des événe- une interprétation de l'esthétique freudienne
Bibliotheca Marucelliana, Florence. ments», disons plus nettement : à
cause du' développement industriel
et des impératifs stratégiques de la
.lACQUIS BIIIT
Or, il va de soi que s'attribuant deuxième guerre guerre mondiale, Psychologie économique ahicaine
ce rôle pratique" la science doit est advenu le scientifique. Ce der-
rencontrer concrètement la politi- nier, ce n'est pas le savant - celui DOIIIIIQUI ZAHAI
que. Cela arrive précisément lors de qui sait, au sens où pouvaient Religion, spiritualité et pensée
la Révolution française. Il n'est pas l'être Descartes, Leibniz ou Lavoi-
tout à fait sûr que J .-J. Salomon soit sier - ; ce n'est pas l'ingénieur,
ahicaines
juste avec les Conventionnels. Peu
importe: ce qui compte, c'est qu'il
au sens vieilli et désormais contra-
dictoire « du bricoleur qui s'y LOUISB WIISS
marque avec précision - dans son connaît»; ce n'est pas le techno- Mémoires d'une européenne
esquisse historique - l'attitude de crate (il faut se féliciter à cet égard, Tome DI (1934-1939)
la bourgeoisie au pouvoir lorsque les que, dans ce texte, J .-J. Salomon ne
conséquences de la révolution sont
réduites. De 1815 à 1930 le libé·
s'étende jamais sur deux débats en-
combrants et inutiles : celui de la
BILlIE DIUTSCH
ralisme joue double jeu. En tant nature de la technocratie et celui de La psychanalyse des névroses
qu'il est propriétaire de l'Etat, il la différence / ressemblance entre
« laisse faire» les savants; il les sciences de la nature et sciences hu- PAUL TILLICH
protège distraitement; il leur ac- maines). Le scientifique sait qu'il Histoire de la pensée chrétienne
corde quelquefois des garanties, appartient à un groupe social relati-
mais quasiment aucune ressource.
En tant qu'il détient les moyens
vement unifié; qu'il a une fonc-
tion dans la société, imposée par
IASTOI BOUTHOUL
de production et qu'il pressent cette société même, qu'il a des objec- Traité de polémologie
l'importance de la recherche scien- tifs, tenant à ce statut social, mais
tifique, il s'efforce de l'infléchir - aussi aux exigences propres de son PETITE BIBLIOTBEQUE PAYOT

•....
déjà - du côté de la rentabilité métier ; qu'il est, en fin de compte,
technologique. un employé - de l'Etat, des indus·
triels, mais que son emploi a une
PAULDIIL
Psychologie de la motivation


tradition telle et une efficacité si no 185
grande, tant imaginaire que réelle
La science, que sa place dans la production est IIAXIMILIII RUBIL
affaire d'Etat ,Pages de Karl Mart pour une éthique
exceptionnelle. Dans la deuxième
partie de l'ouvrage, la plus riche 11II socialiste.
Ainsi se trouve posé, de biais, le
problème de ces cinquante dernières
années. F.D. Roosevelt demande,
pour le lecteur de langue française,
J .-J. Salomon met en évidence le
fait que la science contemporaine -
&. L Sociologie critique
Il. Révolution et socialisme
no 188
no 187
1
après la crise, aux chercheurs amé- soutenue par ses techniques, mais
.1.-1. IALBRAITH
ricains de s'associer à l'élaboration
du New Deal; Léon Blum fait
coincée entre la fonction qu'elle se
donne et la place qu'on lui attri- 1-1 La crise économique de 1929 no 188
0
--
d'Irène Joliot-Curie, puis de Jean bue - est incapable d'imposer,
Perrin, des sous-secrétaires à la
Recherche scientifique. Dès lors, la
parce qu'elle ne saurait la détermi-
ner en toute sûreté, une politique
A.S.HILL
science devient une affaire d'Etat. de la science. Selon l'auteur, la
La liberté, pas l'anarchie
Elle l'était déjà, il est vrai, en
Union soviétique; là encore, on
rationalité en acte, la raison réelle,
n'a pas le pouvoir de savoir ce
11III réflexions à propos de Summerhill no 189
pourrait dire à J.-J. Salomon (sans
'reproche, car son objet n'est pas
qu'elle veut, de faire valoir clai-
rement ce qu'elle propose.
&. Catalogue sur demande aux Bditions Payot
Service QL 106, bd Saint-Germain, Paris 6"

La Qu1nza1ne Uttéraire, du 15 qu 30 novembre 1970 21 '


• J..J. Salomon

« Nous sommes au rouet », di- En fait de linguistique, l'éd,i- Après l'Introduction à la linguis- conter de l'intérieur l'histoire na-
rait Leibniz. Pourquoi s'étonner, tion française a rattrapé le tique (1955) de Gleason, bien tra- turelle, intellectuelle et sociale d'un
dès lors, que la conclusion de J .-J . temps perdu. On voudrait l'en duit par Françoise Dubois-Charlier lexicographe de grande taille. Com-
Salomon soit étrange et se perde féliciter, mais d'abord, à ce (Larousse, 1968), et qui est un ma- me j'aime bien l'auteur, me per-
dans une fausse transcendance. Elle qu'il semble, elle n'y a pas de nuel de linguistique bloomfieldien- mettra-t'il de lui dire qu'il a tort de
se réclame d'une citation saisissante mérite particulier : cela se ne, et sans parler du Chomsky le sacrifier dans son introduction (et
de Nietzsche où sont dénoncées les vend bien. Même on pourrait plus récent (Le langage et la pen- là seulement, c'est curieux) au lan-
trois « erreurs » de la pensée euro- craindre, si la mariée pouvait sée, Payot) voici maintenant la gage à la mode sur le langage?
péenne triomphante : la croyance être trop belle, que cela ne se traduction du Language (1932) de Quelle idée, quand on a tant de
en la bonté et en la sagesse de Dieu, vende que trop bien. Que le Bloomfield lui-même, qui paraît choses solides à dire et qu'on les dit
la foi en l'efficacité de la connais- public, encore un certain chez Payot. Avec presque trente si bien, de parler, vingt pages du-
sance comme moyen de bonheur, temps, n'accepte d'avaler tout ans de retard, mais il est bien que rant, du dictionnaire comme d'une
l'idée que l'homme peut prendre la et n'importe quoi, ou presque. ce retard soit enfin comblé, car la « duplicité du verbe avec soi-même,
place de Dieu. Elle marque, dans De plus, tout ce mouvement dimension de l'ouvrage reste intac- dont le rôle est non de décrire,
le texte même, le caractère foncière- ne va pas sans quelque préci- te. Bloomfield en effet, qui sert de mais d'épuiser une totalité, de figer
ment irrationnel de l'insertion de la pitation, ni par conséquent cible commode aux chomskiens le mouvant, en un mot de
rationalisation scientifique dans sans négligences. (pour des raisons propres à la vie combler ? » Si un Alain Rey y suc-
l'histoire, hier et aujourd'hui, avec intellectuelle américaine, qui ne va- combe, il faut que la préciosité lin-
les conséquences mêmes que cette lent absolument pas pour l'Europe) guistique parisienne des littérateurs
situation annonce : un nouveau Par exemple, dans le Langage cet n'est sûrement pas aussi périmé soit un mal terrible. (Comme on
divorce, qui se profile, entre le sa· inconnu, de Julia Joyaux (Denoël), qu'ils le disent. Il n'est pas prudent apprécie rétrospectivement l'origina-
voir et le pouvoir. Et, cependant, si riche en détails vivants 'sur l'his- de croire qu'il aurait déjà passé, lité contestataire du Molière de
elle propose une solution de type toire du langage, on sent un peu comme Racine et le café de Mme de 1659 écrivant, seul contre tous, les
spéculatif (ou, si l'on préfère, mora- trop le livre fait à coups de ciseaux Sévigné. Simplement, c'est plus dif- Précieuses ridicules, et récidivant
lisant). Dans le scientifique, il y dans les travaux des autres, ce qui ficile de lire Bloomfield aujour- treize ans plus tard - oui, treize
aurait toujours un savant qui som· à tout prendre reste de la très bonne d 'hui, sans éclairage historique et ans : nous ne sommes pas sortis de
meille. Contre celui-là, pris dans les vulgarisation, conforme à l'ambition théorique qui mette en place chez l'auberge pseudo-structuraliste -
réseaux des sociétés constituées, se déclarée de la collection : Le point lui ce qui demeure. Heureusement, avec les Femmes savantes 1) Qu'ap-
dresse celui-ci qui « n'est pas seule- de la question. Mais les non linguis- l'avant-propos de Frédéric François, paremment les Matinées structura-
ment celui qui sait et fait la science tes qui, en dépit de l'heureuse for- véritablement magistral, est ici l'in- listes d'Albert Crémant (chez Pau-
pour la science, (mais qui) est aus- mule, ne sauraient avoir ici rectifié troduction qu'on souhaiterait à cha- vert) aient fait si peu rire à Paris
si celui qui la pense comme problè- d'eux-mêmes, vont tomber sur un que grande œuvre du passé, et qui semble à cet égard un fait instruc-
me pour l'humanité ». Suorri qui n'est autre que Snorri, manquait dans le Gleason : un art tif, et plutôt désolant.
sur un Baliânder qui est Bibliander, de lire Bloomfield en 1970. De ces
et deux fois sur un Dalgrano qui est vingt-deux pages, un autre eût tiré Les philosophes
Dalgarno. Est-ce l'auteur qui a re- la substance d'une thèse doctorale, et le langage
intitulée comme il se doit : Le pro-
Un document décisif copié trop vite? Est-ce plutôt le
jet bloomfieldien, essai d'interpréta-
Avec les Points de vue sur le
moulin de l'édition qui, trop sou- langage d'André Jacob (chez
vent malgré l'auteur, tourne trop tion épistémologique du discours
Klincksieck), nous touchons, comme
Pourquoi supposer qu'il y ait un vite? d'une textualité formalisatrice. Nous
avec Julia Joyaux me semble-t-il, à
lieu, qui ne serait ni celui de la Les éditions Denoël ont aussi n'avions, sur Bloomfield, rien
un autre secteur encore : celui des
science « pure» - J .-J. Salomon donné voici moins d'un an - outre d'équivalent jusqu'ici, même en
philosophes français qui cherchent
en a démystifié l'idée - ni celui des le précieux Guide alphabétique sur américain. Si Frédéric François
à réaliser l'aggiornamento linguis-
sciences appliquées et qui serait la linguistique, de Martinet, qui est nous offrait une présentation criti-
tique de leur propre discipline. Le
celui de la science « tout court ». devenu tout de suite un instrument que de la théorie des signes chez
linguiste éprouve à l'égard de ces
où seraient posées, en toute mira- de travail indispensable pour les Peirce, nul doute qu'en comblant
tentatives des sentiments mêlés.
culeuse abstraction, les questions de apprentis-linguistes (sérieux) - la l'une des dernières lacunes qui nous
Comme le livre de Jacob est une
la « pensée» et du « problème de traduction française de Language, restent en matière de traduction
anthologie de textes sur le langage,
l'humanité » ? Ce qUe dit Nietzsche, Thought and Reality (1956) de d'ouvrages fondamentaux pour la
on est ravi, surtout pour toutes les
c'est que cette supposition est insup- Whorf, sous le titre Linguistique et sémiologie, il nous donnerait aussi
périodes antérieures au XXe siècle,
portable et malfaisante. Ce que dit anthropologie; toutefois avec ce une introduction vite classique à la
de trouver sans peine, en français
Marx - que J .-J. Salomon cite per- sous-titre insolite : Les origines de lecture d'une œuvre qui en a bien
dans le texte, tant de fragments de
tinemment - c'est que la force de la sémiologie. Le cher Whorf et le besoin.
langues diverses, souvent connus
la production scientifique doit êire, pauvre Saussure seraient bien éton- par ouï-dire, et souvent difficiles
comprise comme élément des forces 1
nés d'apprendre que le premier (le- d'accès; Mais en même temps on est
productives et de leurs conséquen- 1
quel semble avoir tout ignoré du Dans un tout autre secteur, voici sensible à l'aplatissement synopti-
ces politiques. Mais peu importe ce: second) « a établi un pont entre la le Littré d'Alain Rey (Gallimard, que de toutes ces citations où tout
que disent Marx et Nietzsche. Ce: linguistique et la sémiologie (saus- collection les Essais). Sans doute est sur le même plan, Humboldt et
qui compte maintenant, c'est non la 1
surienne) », qu'il ignorait totale- fallait-il un outsider de la linguisti- Steinthal par exemple, Saussure et
fonction que peut avoir abstraite- 1
ment, et dont son ouvrage n'offre que française et de la lexicologie - W eisgerber, malgré des notices for-
ment l'activité scientifique, mais la 1
pas la moindre trace. Mais la sé- et un outsider gagnant - pour dé- cément cursives. On finit même par
force additionnée que celle-ci appor- 1
miologie, cela commence à se ven- couvrir que nous connaissions si se demander si ces fameux Text-
tera dans les luttes de classes. dre. Un journaliste soucieux de se mal l'auteur du Littré, qui ne méri- books, que nous envions plus d'une
A cet égard aussi, Science et po- brouiller avec beaucoup de monde tait pas un' tel oubli. Mais Alain fois à l'Amérique, ne risquent pas
litique est un document décisif. tient là un joli sujet d'enquête : Rey, qui a donné avec Josette Rey d'être aussi désorientants qu'utiles,
mais qu'est-ce donc aujourd'hui, en dix à quinze ans de sa vie au Robert à cause de leur pointillisme. Faire le
France, qu'un directeur de collec· et au Petit Robert, était sans doute mont Blanc en hélicoptère n'est sû-
François Cluîtelet tion linguistique ? bien placé pour revivre et nous ra- rement pas de l'alpinisme. Plaise à

22
en 70
Dieu que le livre de Jacob ne finisse
pas dans le ravitaillement en sujets
de dissertations pour le baccalau-
réat, et en citations pour l'ornement KARL MARX:
des mêmes. Pour le reste, le syncré-
tisme inorganique des philosophes DIFFERENCE DE LA PHILO-
SOPHIE DE LA NAT URE
sur le langage n'est sûrement p~
CHEZ 0 E M 0 CRI T E ET
encore dépassé par ce genre d'ou- EPICURE [avec Travaux pré-
vrages, qui risqueraient plutôt de paratoires]. Traduction, intro-
le perpétuer. duction et notes par J. Pon-
nier.

J. BAUBI:ROT :

La linguistique LE TORT D'EXISTER. Des


juifs aux Palestiniens.
cc non linguistique»

DOPPET:
Que dire de Du sens, le dernier APHRODISIAQUE EXTERNE
ouvrage de Greimas? C'est essen- ou TRAITE DU FOUET. Réé-
tiellement le recueil de ses articles dition d'un classique.
entre 1966 et 1970. C'est donc le
Greimas de la période parisienne, MAUPERTUIS, CONDILLAC,
beaucoup plus préoccupé de sémio- TURGOT, DU MARSAIS,
logie (barthésienne, non saussu- ADAM-SMITH :
rienne), d'épistémologie, de mytho- VARIA L1NGUISTICA. Préface
logie comparée, d'analyse littéraire, par M. Duchet. Choix et no-
que de linguistique. Un tel ouvrage tes' par Ch. Porset.
décourage le compte rendu du lin-
guiste. Personnellement je regrette P. CORNEILLE:
,que Greimas - l'homme et le sa- Roy LICHTENSTEIN (dOC\llDent Sonn&btnd)
vant sont la gentillesse même - SUR ENA, GENERAL DES
ait renoncé à ce qu'il appelle après PARTHES. Edition, introduc-
tion et notes par J. Sanchez.
Martinet la linguistique « linguis-
tique» pour s'enfoncer, sans bon-
nes armes à mon avis, dans la lin- déchiffrer le langage de la réalité quotidienne SADE:

guistique « non linguistique». Si IDEE SUR LES ROMANS.


pleins de suggestions que soient ses Edition et notes par J. Glas-
articles, le livre ressemble à un car· tier.
guistique) - simple rattrapage prend, voudraient tout tout de sui-
refour (de théories) où un malin d'un retard sensible, il faut le te : c'est-à-dire des manuels. Il est
génie serait venu durant la nuit répéter - masque sans doute le du devoir pénible des linguistes de RICHARDSON:
permuter tous les panneaux d'orien- nouveau retard que nous sommes les détromper. De longtemps encore PAMELA ou LA VERTU RE-
tation. Greimas est devenu comme en train de prendre. En effet, le les choses ne" seront pas si simples. COMPENSEE.
une espèce de musicien qui ferait à problème central en France actuel- Il faut d'abord qu'eux-II!êmes en·
perte de vue des « variations» et lement, pour ce qui est de la lin- seignants prennent conscience des HUMBOLDT:
des « fantaisies» sur des thèmes guistique, est brusquement devenu problèmes posés par le fonctionne-
d'autres musiciens: pour l'entendre, très différent. C'est celui de la ré- ment réel de la langue. Il se trouve DE L'ORIGINE DES FORMES
il faut d'abord connaître parfaite- GRAMMATICALES.
novation de l'enseignement de la que le seul ouvrage publié ces
ment ces autres musiciens. Le moins pratique de la langue à l'école. Il temps-ci, qui leur propose non pas
qu'on puisse dire est qu'il ne s'agit se trouve que nous manquons' de des recettes pédagogiques tout éla- M. MOLHO:
pas d'une lecture pour débutants; bonnes descriptions scientifiques borées, mais des exercices de ré- LINGUISTIQUES ET LANGA-
encore moins, comme le croyaient d'ensemble, homogènes, du français flexion sur des points précis du GE.
déjà de sa Sémantique, structurale écrit et parlé du XX· siècle, qui français, des manières neuves d'ob-
trop d'étudiants en lettres moder· pourraient fournir une base éprou- server la langue, c'est le seul livre GONGORA:
nes, d'une introduction à la linguis- vée à l'expérimentation pédagogi- dont on ne leur parle pas, dont on
tique « linguistique» aux moin- LE~ SOLITUDES. SOLEDA-
que; sauf des grammaires tradition- ne rende pas compte, qu'ils ne con-
dres frais. DES. Edition bilingue.
nelles plus ou moins remises au naissent pas, dont je n'entends pour
goût du jour. Disons même fran- ainsi dire jamais parler dans les
chement : on souhaiterait que la réùnions pédagogiques, à quelque BOULGAKOV:
France possède, pour la rénovation niveau que ce soit : Le français IVAN VASSILIEVITCH. Tra-
de l'enseignement du français lan· sans fard, d'André Martinet (Pres- duction P. Kalinine.
Le retard que gue indigène, l'équivalent du Cen- ses Universitaires de France). C'est
nous sommes tre de Linguistique Appliquée de un livre de travail, et de réflexion. . ROUSSEAU:
en train de prendre Dakar, qui travaille avec une belle C'est la raison pour laquelle tous ESSAI SUR L'ORIGINE DES
et productive continuité théorique les enseignants devraient le prati- LANGUES. Introduction et no-
et méthodique sur l'enseignement quer : ils n'ont jamais eu peur de tes par Ch. Porset.
Toute cette activité réjouissante du français langue seconde! Les l'un ni de l'autre.
dans le domaine de l'édition (lin. enseignants, et certes on les com-'. Georges Mounin

La Qulnzaine Uttéraire, du 15 au 30 novembre 1970 23


ETHNOLOGIE

L~ échange inégal
qu'il n'a pas eu le temps d'achever quelque « génie de la tribu » comme
l'ouvrage qu'il projetait de leur en inventaient les théoriciens des
consacrer : il meurt en 1942 et patterns auxquels s'est opposé Ma-
les Dynamiques de l'évolution cultu- linowski (cf. le chapitre qui lui est
relle est un ouvrage posthume consacré dans A. Kardiner et E.
Ces quatre points suffisent pour Preble, Introduction à l'ethnologie),
indiquer qu'il ne s'agit pas là d'un c'est la loi du « Do ut des », la réci·
ouvrage capital; ils ne doivent pas procité des échanges. Or, de ce
faire oublier pourtant le caractère point de vue, l'Mrique du Sud -
particulièrement explosü du sujet mais cette observation est valable
qu'il traite : les rapports raciaux pour l'ensemble des situations de
en Mrique du Sud. Mais même sur contact avec d'autres types de so-
ce point il y a lieu de regretter que ciété que l'Europe a provoquées -
Malinowski, bien que certaines des est fort loin de constituer une
analyses qu'il fait de ces rapports société : les échanges entre les
raciaux soient exemptes de conces- communautés qui s'y côtoient n'ont
sions, oublie, dès. qu'il s'agit de en effet rien de réciproque. La
l'avenir, leurs implications explosi- situation est celle que l'économiste
ves ou qu'il pense pouvoir· les A. Emmanuel a baptisée « échange
conjurer par des vœux aussi plato- inégal ». fi. En comparant la valeur
niques que celui de convaincre la des choses données et celle des clw-
société blanche'« qu'il n'y a pas de
prix trop élevé à payer pour éviter
un désastre inévitable ». Il est vrai
que nous ne sommes encore qu'en
1940.
Ces vœux sont également liés à
une promotion de l'anthropologie
appliquée ou pratique «( la science
commence avec ses applications»)
qui débouche sur un pragmatisme
condamné à masquer ce que le pro-
blème a de radical : Malinowski
ESPRIT
s'efforce de déceler la présence ou
les germes de « facteurs communs J) Sur une décision
Bronislaw Malinowski culturelle, qui consiste en recher- aux Blancs et aux indigènes, « fac- de la Cour de Sûreté
Les dynamiques ches sur les relations raciales en teurs communs» à partir desquels

1 de l'évolution culturelle
Trad. par G. Pintzler
Payot éd., 237 p.
Afrique, peut paraître décevante :
l'Mrique n'était pas « le» terrain
de Malinowski qui n'a pu y faire
d'ailleurs qu'un « voyage» de cinq
mois en 1934.
il deviendra en somme relativement
facile d'aménager l'apartheid. Tout
cela repose sur un optimisme lié au
fonctionnalisme : les institutions
semblables remplissant, dans toutes

Les Frances
divergentes
(le régionalisme)
1° Malinowski était meilleur ob- les sociétés, une fonction identique,
servateur que théoricien. Ce juge-
3° Le fonctionnalisme (théorie,
élaborée par Malinowski, selon la- rien n'exclut a priori la possibilité •
ment ne sera pas remis en question quelle la culture est un appareil d'un «compromis» entre christia- Lettre à un Rev. Père
à l'occasion de la traduction de ses permettant la satisfaction des be- nisme et religions indigènes, entre sur l'intelligence
ouvrages théoriques: ni la Théorie soins fondamentaux) a longtemps modes de production primitü et
scientifique de la culture ni les Dy-
namiques de l'évolution cuturelle
été opposé à l'histoire. Il conduit capitaliste, etc.
Mais pour être efficace ce

d'autre part à considérer une société Goya
ne risquent de supplanter les Argo- comme un système organique clos compromis doit se soumettre à une
nautes du Pacifique occidental ou (on a reproché en ce sens aux Ar- loi du tout ou rien : ou bien la •
la Vie sexuelle des sauvages du gonautes de ne pas faire sentir transformation concerne l'ensemble Max Picard et
N ord-Ouestde la 111élanésie. davantage l'existence de la douzaine de la société, ou bien elle échoue.
2° « Les meilleures monographies d'Européens installés aux îles Tro- Il est contradictoire par exemple de Gabriel Marcel
sont généralement dues à des en-
quêteurs qui ont vécu et travaillé
briands et dont la présence ne pou-
vait pourtant pas être sans effets
vouloir que les chefs conservent leur
autorité politique et de détruire en •
dans une seule région» (Lévi- sur le fonctionnement des institu- même temps la religion qui la fon- Inquiétude au Maroc
Strauss). C'est sans doute une des
raisons pour lesquelles l'œuvre de
tions indigènes). En conséquence
l'étude des contacts de culture et de
de et le régime foncier qu'elle im-
plique. Une évolution contrôlée par •
Malinowski (parmi les premières à l'évolution qu'ils font subir aux des administrateurs acquis aux Ben Salah
s'être fondées sur une expérience de institutions n'a été abordée qu'assez conclusions de l'anthropologie cultu-
terrain et consacrée presque exclu- tard par Malinowski : la désorgani- relle permettrait ainsi à une société •
sivement aux Mélanésiens - pour sation qui en résulte constitue pour d'un type spécüique, ni africaine NOV!MBRE 1970 : 7 F
ne pas dire aux Trobriandais) - est le fonctionnalisme, un terrain où il ni européenne, de se constituer en

ESltRIT
une des œuvres majeures de l'eth- hésite à s'engager; sa position n'y Afrique du Sud.
nographie. Mais c'est aussi une des est pas avantageuse. Ce qui assure la cohésion d'une 19, rue Jacob. Paris 6-
raisons pour lesquelles l'étude sur 4° L'intérêt de Malinowski pour société, ce n'est pas la commune l C.C.P. Paris 1154-51
les Dynamiques de l'évolution ces problèmes a été même si tardif participation de ses membres à

24
CIN:fKA

Jancso
ses qui ont été enlevées, écrit Mali- Miklos Jancso
nowski, nous ne devons pas oublier Sirocco d'hiver
que lorsq'f'on en v~~t aux eJo.1]-§
spirituels, il est facile de donner
mais plus difficile d'accepter. Les En conjoignant, pour former le titre
avantages matériels, eux, sont faci- de son dernier film, Sirocco d'hiver,
deux termes vivement antagonistes
lement acceptés mais ne sont cédés (été/hiver, chaud/froid, mobile/stati-
qu'avec répugnance. Or c'est préci- que, événement/durée), Jancso con-
sément de dons spirituels que nous firme qu'une des matrices majeures
sommes le plus généreux, alors que de son expression réside dans le prin-
cipe de l'opposition dualiste, de la
nous conservons la richesse; la paire conflictuelle, du couple ennemi,
puissance, l'indépendance et l'éga- de la dichotomie exterminatrice, com-
lité sociale ». me on voudra - qu'illustrèrent avec
Mais, peut-on même dire que netteté des œuvres antérieures : les
Sans Espoirs en 1965, les Rouges et les
l'Europe, qui prend ses terres à
l'Africain, lui donne le christianis-
Blancs en 1967 et Silence et Cri l'an-
née suivante, Mais le titre n'est pas
"-
i
me en échange puisque l'aspect le seulement la formule condensée de .,1
plus tangihle de ce « don » consiste relations dueIles que le film déploie •
(1
sur le mode de la destruction, il opère
en une répression impitoyable de aussi pour son propre compte, comme )'
toutes les manifestations de la reli· valeur unitaire; en désignant un temps
gion indigène? En réalité, en saisonnier marqué par un paradoxal
attaquant celui-là l'infrastructure et événement météorologique, Sirocco
d'hiver paraît nous introduire dans
celui-ci les superstructures, le mis- quelque chose qui est de l'ordre de la (c'est-à-dIre : va-et-vient, chassés-<:roi- inscrite dans un certain espace; et
sionnaire et l'entrepreneur (même si nature, ou, à tout le moins, dans une sés) jusqu'à l'obsession, jusqu'à un comme ce • dans. risque d'Introduire
leurs moyens peuvent s'opposer à réalité - affective, par exemple - effet quasi-hallucinatoire; dans un trop de' volume, de • profondeur .,
l'occasion) poursuivent le même qui pourrait être liée métaphorique- film de Jancso, tout personnage (à Jancso - encore qu'il exploite sans
ment à du • naturel., à du • cosmi- l'exception de faire-valoir statiques, im· hésiter les valeurs dramaturgiques tra-
but : la détrihalisation de l'indigène que. ; or, les premières images dénon- mobiles, comme ·les .vieilles paysannes
et sa prolétarisation. ditionnelles de certains volumes, tels
cent brutalement cette attente, et nous de Sirocco d'hiver) est d'abord llne que la cour d'une ferme ou d'une pri-
« Toutes ces conclusions nous installent au contraire dans un temps . trajectoire, U1Ie courbe de mouvement


son - pousse à la bi-dimensionnalité,
fournissent une leçon de morale» historique marqué par un événement
humain dramatique: le 9 octobre 1934,
écrit Malinowski qui demande aussi à Marseille, Alexandre 1er de Serbie et
que l'on prenne garde à ne pas Louis Barthou, ministre français des

Giveusjust
détruire le « civisme ». Ces termes Affaires étrangères, sont tués par des
lénifiants peuvent étonner. Ils sont nationalistes croates et macédoniens;
cet • insert • d'actualité, bout de pelli-
impliqués par le point de vue prag- cule tremblotante, à peine lisible avec
matiste qui, en face du développe- son grain taché, ses noirs baveux, n'en
ment des nationalismes africains, affirme pas moins, dans toute sa gloi-

twominutes
cherche quels compromis proposer re cinématographique (les • actuali-
tés. !, le • pris sur le vif! .), l'histo-
au pouvoir blanc. Dans un processus ricité; en contraste avec la formule
d'évolution que l'Europe a imposé verbale du titre, il s'offre, dans sa
aux Africains, Malinowski se brièveté et son mutisme, comme une
sorte de • titre visuel., de • titre ico-
contente d'être auprès des Blancs
l',avocat, l'interprète de ces derniers.
Pourtant lorsqu'il oppose le « Pays
nique., il définit, pour exploiter une
acception chimique du terme, le • titre
historique. 'du film; si, aussitôt énon-
and we'lI give you a whole year.
de l'Homme Blanc» et le « Labeur cé, il se replie, il laisse une trace dure,
de l'Homme Noir», lorsqu'il mon- sous forme de l'horizon politique qu'il Two minutes is aIl it takes to fill in the coupon below. It
tre que même la politique des réser-
dessine, et par ailleurs, il va opérer brings you a full year's subscription to The Times Literary
comme une articulation déterminante
ves a pour conséquence réelle de de l'organisation narrative-symbolique Supplement, the world's leading weekly review of books.
contraindre les indigènes à quitter du film : l'insert, en effet, inaugure la The T.L.S. puts you in direct contact with the international publishing
leurs terres et de les jeter sur le durée spectaculaire, le temps de la scene, giving you the most informed and authoritative comment ranging
représentation, de la projection dans
marché du travail (agricole, indus- la salle; mais le récit proprement dit over more books from· more countries than any other journal in its
triel, domestique) européen, Mali- (qui, lui-même, s'ouvre sous le signe field, To help you select your reading, and to give you an aw~eness of
nowski semble disposer d'outils qui du • naturel., du • cosmique. : forêt, books that perhaps you cannot find rime to read, the T.L.S. lS a very
devraient le dispenser de recourir à neige) commence quatre ans avant,
montrant comment, vers 1930, les na- enjoyable essential. If you already have a subscription, how about
ce genre de perspectives que l'on tionalistes sont accueillis sur le sol introducing afriend?
hésite à qualifier d'optimistes. hongrois; mais l'activité des exilés,
Il aurait fallu, entre autres, que précisément, est orientée vers l'atten- r.;::~:-;;~:-z.;~a:;,s~Ple~~~---------l
soient mises davantage en rapport tat, comme l'atteste la présence, dans
la grande salle du château, d'une carte
1 TiIDes Ne'-Vspapers LiIDited, 8 rue Halévy, Paris ge 1
avec Wall Street ou la City les 1 Please arranlre a year·s subscription ta the T .LoS. startinlr 1
conditions de travail d'un des plus
de Marseille, véritable panneau 'de si-
gnalisation historique; ainsi se des-
l
'-Vith the earliest possible issue. TICK AS APPLICABLE.
misérables prolétariats, celui des
mines d'or de Johannesburg. Il au-
sine une • boucle à deux niveaux. (de
l'historique au narratif, du narratif à 1 D
1 enclose a cheque for 76 Fr. D
Please invoice me in due COUIlle. 1
l'historique, avec maints chevauche-
rait fallu insérer le problème des ments, et chevauchées), qui constitue 1 Name.. Profession 1
relations raciales en Afrique du Sud
dans la perspective mondiale de
une figure très significative de ·la sty-
listique de Jancso.
1 Position held . . .. _.... 1
l'impérialisme : est·il inconcevable Outre sa fonction dans l'organisa- 1 Address. . .. . . 1
tion globale du film, cette figure s'ac-
que l'anthropologie le fasse ?
Denis H ollier tualise dans des tracés plus élémen-
1 L Date...................................................
~
1
taires, repris, ressassés, ré-itérés

La QuiilZatne Littéraire. du 15 au 30 nO".'>',.iJte 1970 25


TH:IIATRE

~ Jancso

'valorlsant de grandes surfaces plates, dans un tel contexte, arme redoutable, Le théâtre d'aujourd'hui est-il rations, et qui ressemble à une
apparemment neutres : un mur de • revolver. braqué - et c'est le sim- encore du théâtre? Il ne suffit quête du bonheur qui serait le
plAtre, une vaste plaine de terre grise, ple gommage de la ilettre T qui sauve
ou de neige. Les • évolutions. d'un la vie de Varlam Chalamov (1)); le plus de refuser la cérémonie, la bonheur lui-même face à la déd-
personnage et ses relations aux au- signe-clef, unificateur, est fourni par tradition littéraire, les rapports sion de l'espace vie-homme,
tres sont autant de courbes (rectili- une proclamation libertaire, dont le classiques entre l'œuvre et son c'est bien sûr - le malaise des
gnes, brisées, sinusoïdales, embrouil- héros, Lazar, fait emphatiquement la
lées) qui se rencontrent, se heurtent, lecture - longue citation tirée d'un public, il faudrait à la limite reje- âmes ".
se repoussent ou s'enveloppent - mou- ouvrage qui dénonce l'odieuse empri- ter la scène et même la salle!
vements browniens de sujets atomi- se de l'Etat sur l'individu écrasé, ato- Que restera-t-il alors de ce dont Mais l'addition est trop lour-
sés, dont la charge, la surcharge, fait misé; pareil texte, dans pareil contex- nous avons hérité? La culture
percevoir une figure-destin fondamen- te, définit certes le statut du héros, de : pourquoi Barrault, par fidé-
tale, l'Enfermement. L'orÎ9inalité de Lazar - butant, de fait, incessamment, étant aussi une forme exaspé- lité à Jarry, dont il voulait à tra-
Jancso, ici, ne réside pas seulement contre la Loi du groupe, et par elle rante de la propriété privée, le vers les œuvres nous raconter
dans 'le recours systématique aux pa- finalement anéanti, puis récupéré; désarroi et l'irritation percent la trajectoire, n'a-t-il pas éla-
noramiques latéraux, elle vient surtout mals il renvoie surtout, pensons-nous, face à l'évolution convulsive du
du décalage opéré entre la courbe du à la façon dont Jancso perçoit sa pro- gué? Il a refusé le - collage"
personnage et le mouvement de la pre condition d'homme et d'artiste - théâtre. Quoi qu'il en soit, le pour faire un - montage" alors
caméra, -laquelle tantôt ,le devance tan- libre/enfermé, choyé/menacé, trahi/ théâtre restant le moment d'une que l'œuvre assimilée, il aurait
tôt -s'y accroche, suscitant un rythme récupéré - dans une société bou- relation privilégiée entre quel- fallu retranscrire et traduire.
de fuites et de poursuites, ,des désé- clée (2), la Hongrie d'aujourd'hui; qu'un qui joue et un autre qui
quilibres et des tensions de na- nulle allusion pensable, naturellement, Platon, nous rappelle J.-l. Bar-
ture spécifiquement cinématographi- au concept de • masses révolutionnai- le regarde, il s'agit, même si le rault, discernait trois âmes chez
que, donnant au film de Jancso com- res .; il ne reste guère d'autre re- mot est gênant, parce que gal- l'homme : le ventre, la tête et
me un sourd halètement, un souffle cours à l'homme Jancso que de s'adon- vaudé ici comme ailleurs, de par- le cœur. C'est le cœur qui man-
particulier, le -souffle d'une agonie : ner à une problématique individualiste, ticiper, son bagage culturel à la
Les héros de Jancso sont voués à la à vocation humaniste et morale, sur le que le plus dans ce spectacle
mort, sans espoirs. thème, où s'Ulustra Camus, de • l'in- main. et la tête y tient trop de place
dividu contre la société.; et à far- Chassé de l'Odéon pou r par rapport au ventre.
Enfermement, agonie, échec : le hé- tlste Jancso, que de griffer avec sa
ros, abattu, est repris, absorbé par caméra, mettre sa griffe sur une sur- n'avoir pas voulu devenir - va·
la grande surface grise-blanche, la face durcie, hostile, sans perspective, let ", Jean-Louis - Barrault a re- Néanmoins, s'étant refusé à
terre, la neige. Groupons ou regrou- et pour finir, triomphante; que de • trahir" l'œuvre de Jarry, Bar-
pons maintenant, pour être bref, les
pris son brigadier de pèlerin du
pousser, dans cette société des bou- rault aurait peut-être pu nous
signes essentiels disséminés dans le ches closes, du Silence, son Cri; que théâtre pour repartir à zéro.
film, et traçons-en, à notre tour, -la de faire se lever un Sirocco-mlrage Mais on ne repart jamais tout à con v ai n cre totalement s'il
courbe, pour voir à quelle structure dans ce pays d'hiver, de la glaciation fait à zéro, et c'est là parfois le s'était attaché essentiellement,
Ils abouti'ssent : l'histoire s'impose stalinienne, du glacis soviétique. par un travail presque exclusif
d'emblée, horizon, donc ,lecture, poli- drame des - serviteurs" d'un
tique, à condition d'opérer ce réta- Roger Dadoun art mutatif par excellence. Avec sur le texte, à rendre la pièce
blissement qui fait des .. actualités. Jarry sur la Butte, en désirant dans sa complexité. Malheureu-
l'actualité, qui transforme 1930 en réussir à tout prix la rencontre sement Barrault a sacrifié à la
1970; ces nationalistes croates exilés, (1) Récits de Kolyma, Denolll (Coll. Lettres
mise en scène alors que le texte
qui tournent en rond sur un bout de Nouvelles). avec le public d'une œuvre peu
sol hongrois, nous suggèrent l'idée d'un connue, Barrault a voulu trop proposé nécessitait déjà une
(2) La séquence des femmes nues présente,
exil Intérieur, attitude existentielle ty- à sa manière, une autre • boucle -; la rela- dire en une seule fois. Et cette culture livresque étendue.
pique d'une _société totalitaire; la- tion homosexuelle Indique la fermeture; l'en.
fois son enthousiasme l'a trahi.
quelle société exige de ses membres trée d'une tierce personne, par effraction, viol,
qU'l'ls soient fondamentalement liés
garantit l'universalité de la violence; mals,
par le Jeu de la nudité et des actrices fran-
Cependant, assez paradoxale- A l'Elysée-Montmartre, il a
par des relations d'agressivité (mé- çaises qui l'assument, l'érotisme forme œdème ment, ce n'est pas la pièce qui fait éclater le lieu scénique en
fiance, menaces, dénonciations, chan- recouvrant la violence, et renvoie à une
• francité - galante, et surtout à la • corrup· est en cause mais le spectacle cernant de fauteuils conforta-
tages, asphyxie...), Illustrées dans le tlon de l'Occident bourgeois _. Bonne cons- lui-même. J'ai trouvé plus d'in- bles le parterre prolongé jus-
film moins par les froides tueries que cience et fausse piste pour une éventuelle
par -la • ronde des revolvers. accom- censure, • distraite - à bon compte. Ii aurait térêt malgré les écueils placés qu'aux derniers rangs. Il a voulu
fallu une analyse comparée de la réception de
pagnée de la rengaine • Etes-vous ar- celte séquence par un public hongrois et un par Barrault - en dehors d'Ubu démythifier le théâtre sans par-
mé? (et n'importe quel mot devient, public français. que connaît-on sérieusement de venir pour autant à nous faire
Jarry? - à découvir un homme entrer dans son jeu. Le sitar,
à travers un texte qu'à suivre les l'encens, les chansons et la mu-
évolutions d'une trentaine de sique de Michel Legrand, la cho-
Il. comédiens et musiciens. Plon- régraphie de Norbert Schmucki,
~ geant à bras-le-corps dans les le -. rythme psychédélique ", les
VW. œuvres complètes de Jarry, et - effets très modernes et scien-
Date délaissant volontairement la sé- tifiques" (1), l'érotisme mas-
rie des Ubu connue, Barrault a qué dans des costumes de Jac-
IOUscrit un a h o _ t mis à jour un ensemble de tex- ques Noël, significatifs mais non
o d'un an 58 F 1 Euanger 70 F tes dont, par les thèmes, la mo-
dernité est évidente. Pris sépa-
signifiants, tout cela peut faire
• moderne " mais apparaît com-
o de six mols 34 F 1 Euanger 40 F rément, chacun d'eux avait, en me plaqué et gratuit. Dans des
~Iement joint par
effet, de quoi surprendre et in- rapports scène-salle qui prédis-
o mandat poslal 0 chèque postal téresser. Le besoin du dépasse- posent à l'inattention, surtout
o chèque bancaire ment de soi, la fuite vers son quand le spectacle dure trois
Renvoyez cel~ carte à double, qui est à la fois ce que heures, à trop vouloir dire et
l'on voudrait être et ce que l'on montrer, Barrault se disperse et
La Quinzaine Il........
ne sera jamais, cette nécessité déroute.
de jouer pour exister, face à
43 rue du -rem"I'!. Paril •. l'intelligence implacable et dés- Dans Henri IV, par exemple,
C.C.P. 15.551.53 Paris humanisée, cette angoisse de ou dans Rabelais, remettant son
vivre qui trouve son défoule- métier cent fois sur l'ouvrage,
ment dans toutes sortes de libé- Barrault nous présentait déjà

26
Jarry sur la Butte
La Moscheta
une anthologie vivante de ses
mises en scènes, d'où les redi-
tes inévitables. Et le souci qu'il
a de se rencontrer avec nous à
chaque représentation, avec son
rire désarmant, cette volonté
évidente de vouloir jouer avec
nous, le poussent juvénilement
à céder à un trop-plein de vitalité
et d'intentions. Avec Jarry sur la
Butte, Barrault voulait faire rire,
mais c'est à penser qu'il nous
donne et pas nécessairement à
réfléchir. C'était pourtant aussi
son propos.
Depuis 1968, Barrault est dé-
sormais contraint à chaque spec-
tacle de jouer à quitte ou dou-
ble. Ce qui est lamentable. Il
est possible que dans d'autres
conditions de travail il ne se
serait pas réservé un rôle de
comédien aussi important. Il
aurait eu alors le recul néces-
saire du seul metteur en scène
qui trie et dans son texte et
dans son spectacle. Et il aurait
plus certainement réussi cette
fête théâtrale qu'il voulait don-
. ner, avec la complicité d'une
troupe remarquable, sur la butte
Montmartre. Le Père et la Mère Ubu, dans «Jarry sur la Butte lt.
L'actualité théâtrale ayant
parfois de curieux hasards, c'est La pièce originale de Ruzante femme, et même de l'amitié ce désespoir entretenu dans les
précisément sur la scène de a constitué pour la compagnie essaie de survivre - Marcel bidonvilles de Padoue, de Récife
l'ex-Odéon - symboliquement une base extraordinaire de re- Maréchal exécute un merveil- ou de Nanterre. Cette trouvaille
rebaptisé Théâtre de France - cherches qu'elle poursuit sur ce leux exercice de re-création technique enrichit le spectacle
que la fête théâtrale s'est instal- même spectacle depuis 1962 d'un texte. Acteur, il retrouve, en obligeant les acteurs - Ber-
lée avec La Moscheta de Ruzan- (2). Auteur-acteur du XVIe siè- par-delà le temps et l'espace, ce nard Ballet, Jean-Jacques Lagar-
te. Pour peu de temps, hélas! cle, Ruzante est le créateur d'un qu'il y a de commun à tous les de et José Gagnol sont égaIe-
Ce spectacle de Marcel Maré- personnage dont il prit le nom héros populaires, depuis Ruzan- ment excellents ---' à jouer sur
chal a été conçu pour retrouver et sous le couvert duquel, en te, qu'il interprète, à Charlot en au moins deux registres. Et le
l'actualité d'un classique, en dialecte padouan, devant la cour passant par Arlequin. Il est co- décor du même Jacques Angé-
dehors d'un lieu et hors du des princes, il assénait quelques mique et pitoyable, tendre et niol, fait de tôles et de débris de
temps, c'est-à-dire dans notre vérités graves enveloppées sub- poétique, roublard et généreux, toutes sortes, comme seuls les
temps. C'est que Marcel Maré- tilement dans le rire gros; avec veule et respectueux, mais sur- bidonvilles savent en montrer,
chal pratique l'art du théâtre ce balancement de l'insolence tout battu et mécontent. ajoute, dans sa laideur subli-
avec ce que cela suppose de calculée et de la démesure Mais Marcel Maréchal n'est mée, la note indispensable à
contact direct avec la réalité contrôlée que Rabelais prati- pas seulement l'acteur le plus l'approche d'un spectacle qui se
théâtrale d'aujourd'hui qui veut quait à merveille, il déplorait complet de sa génération, il est veut simple dans sa démarche
que l'on joue à jouer sans que l'écrasement des campagnes aussi, dans une décentralisation et clair d'ans sa finalité : avec
l'on puisse oublier, ne fût-ce par les cités florissantes qui théâtrale qui s'interroge, l'une son montage sonore, ses addi-
qu'un instant, au demeurant ras- obligeaient le paysan spolié à des valeurs les plus sûres com- tifs et références à l'actualité,
surant, que face à la vie, le théâ- mendier son droit à la vie. Habi- me animateur et metteur en ses intermèdes, la Moscheta,
tre est un jeu dans lequel les lement, Ruzante affirmait sa « ré- scène. Pour éviter le piège du sous le couvert de la comédie
cartes sont truquées : le théâtre sistance " par le langage: il op- vaudeville statique, il fait jouer de bonne humeur, se veut un
pouvant tout au plus servir de posait, par exemple, la langue le rôle de Bétia, la femme du appel sans équivoque aux sous-
faire-valoir à la vie. des paysans padouans à celle paysan, convoitée par tous, par prolétaires de tous les pays qui
Marcel Maréchal et ses cama- parlée par les na':ltis, « le Mos· un acteur remarquable de fines- n'ont que ferraille et boue pour
rades de la Compagnie du Co- cheto ", c'est-à-dire le florentin se et d'intelligence, Jacques tout horizon. C'est aussi un ap-
thurne, qu'il dirige avec Jean littéraire des villes, considéré, Angéniol, qui se garde bien pel aux spectateurs d'un soir :
Sourbier, ont pris depuis bientôt précisément, comme une langue d'imiter la femme, mais remo- qui déchirera la frange?
dix ans, à Lyon, le pari, aujour- de classe. dèle de l'intérieur le sujet deve- Lucien Attoun
d'hui gagné, de réussir la ren- Sur un thème, somme toute nu objet. Bétia devient alors le (1) Voir la préface de la pièce pa-
contre difficile entre un réper- assez simple, et depuis devenu mythe de l'espérance et le lieu rue aux Ed. Gallimard (collection
Manteau d'Arlequin).
toire contemporain et un public classique - un paysan dépos- géométrique de ces rêves ca- . (2) Voir le texte de la pièce parue
délaissé ou exclu. sédé de ses «biens", de sa chés, de ces cris retenus et de aux Ed. de l'Arche.

La Qulnzalne littéraire, du 15 au 30 novembre 1970 27


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La Qulnzalne Littéraire, du 15 qu 30 novembre 1970 29


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