Você está na página 1de 2

CODESRIA Bulletin, Nos 3 & 4, 2006 Page 34

Le problème de l’Afrique

T
rès souvent, le discours sur l’Afri fait, c’est démolir ces institutions. C’est-
que revêt des nuances pessimis là une réalité incontestable, parce que
tes : « Un continent à prendre », « Peter Vakunta documentée. L’affirmation selon laquelle
le continent perdu », « le continent des University of Wisconsin les occidentaux ont « apporté » l’éduca-
ténèbres », « un continent en danger », et Madison, USA tion à l’Afrique est fausse. L’Afrique
que sais-je encore. Pourquoi en est-il précoloniale s’enorgueillissait de grandes
ainsi ? L’Afrique a-t-elle atteint un point universités telles que Al-Azhar en Egypte,
de non-retour ? Le continent africain est- dans le but de servir les africains. Les ra- Fez au Maroc, Tombouctou au Mali et
il réellement impossible à sauver ? Que res routes qu’ils ont construites devaient bien d’autres encore. Les chercheurs de
peuvent faire les africains du continent et servir à transporter les matières brutes l’histoire africaine confirmeraient ce fait. Le
de la diaspora, pour sauver leur conti- vers leurs industries en Occident, et les plus odieux avec l’éducation coloniale en
nent ? Ce sont-là quelques-unes des ques- écoles à former des auxiliaires administra- Afrique, c’est son manque de pertinence
tions brûlantes qui seront traitées dans cet tifs, des africains semi-alphabètes qui les pour les africains. L’éducation coloniale n’a
article. L’auteur soutient que, pour sauver assisteraient dans l’administration colo- pas cadré avec les réalités des sociétés afri-
le continent africain d’une probable catas- niale. Ce serait malhonnête que d’affirmer caines. Son but principal était de déshuma-
trophe économique, les africains du conti- que le colonialisme, l’étape suprême de niser les africains et de leur laver le cer-
nent et de la diaspora doivent examiner les l’impérialisme, était conçu en vue du bien- veau, pour les amener à croire qu’un jour,
causes profondes du bourbier dans lequel être des africains. Ngugi wa Thiongo ils ressembleront à leurs maîtres coloniaux
l’Afrique patauge aujourd’hui. (1989) soutient que « l’impérialisme n’est par la pensée et l’action. C’était un sys-
pas un slogan, c’est une réalité. Elle est tème conçu pour créer une crise identitaire.
Plusieurs facteurs expliquent le sous-dé- palpable dans son contenu et sa forme, Le racisme et les tendances suprématistes
veloppement de l’Afrique. Certains re- dans ses méthodes et ses effets » (2). blanches que l’on trouvait chez les maîtres
montent aussi loin que l’époque coloniale.
En réalité, ce que les maîtres coloniaux coloniaux ont empêché les africains de bé-
Dans son ouvrage qui fait école, intitulé
présentaient comme étant le « dévelop- néficier du système éducatif colonial.
How Europe Underdeveloped Africa
(1982), Walter Rodney illustre, sans l’om- pement de l’Afrique’ était l’expression cy- En résumé, l’éducation coloniale était un
bre d’un doute, que la plupart des maux nique de l’exploitation injustifiable des simulacre pour promouvoir la subordina-
dont souffre actuellement l’Afrique sont ressources matérielles et humaines de tion, l’exploitation et le complexe d’infé-
en réalité hérités de l’époque coloniale. l’Afrique. Durant les nombreuses années riorité en Afrique. C’est la raison pour la-
Les apologistes de la soi-disant « mission de régime colonial en Afrique, le conti- quelle, durant toute la période coloniale
civilisatrice » pourraient soutenir que le co- nent stagnait pendant que le reste du en Afrique, les colonialistes n’ont pas
lonialisme n’a pas été entièrement un fléau monde faisait des bonds de géant. Pen- jugé nécessaire de former des physiciens
pour le peuple africain, et même affirmer que dant toutes ces années de servitude co- et des ingénieurs autochtones. Le plus
la colonisation a fait du bien aux africains. loniale, l’Afrique a perdu toute chance de malheureux, c’est que ces legs semble
Un tel raisonnement a sans doute une cer- prendre en mains son destin. Il est incon- persister en Afrique dans le sillage de l’in-
taine force de persuasion, mais n’en est pas testable que quiconque perd le pouvoir dépendance politique.
moins fallacieux. La vérité, c’est que le co- perd inévitablement le contrôle sur son
lonialisme était une machine à sous, tout propre destin, et c’est exactement ce qui L’héritage colonial en Afrique
comme le concept tout entier de « mission est arrivé aux africains colonisés. Le pou- postcoloniale
civilisatrice » était une farce. Comme le sou- voir détermine jusqu’où un peuple peut
Les lacunes coloniales n’ont pas disparu
ligne Aimé Césaire (1989: 7), « Une civilisa- survivre en tant qu’entité. Être obligé de
avec l’avènement de l’indépendance en
tion qui ruse avec ses principes est une soumettre entièrement son pouvoir à un
Afrique. Quarante quatre ans après l’in-
civilisation moribonde ». autre constitue une forme de sous-déve-
dépendance, la plupart des dirigeants afri-
loppement. Le colonialisme a dépossédé
Qu’est-ce que les colonisateurs avaient cains continuent de se comporter comme
l’Afrique de sa base de pouvoir. L’éduca-
derrière la tête, quand ils sont venus co- des écoliers au service de leurs anciens
tion a parfaitement servi ce dessein.
loniser l’Afrique ? Comment comptaient- maîtres coloniaux. Cette remarque pose
ils se colleter avec les multiples cultures avec insistance la question suivante : les
L’éducation pour le sous-
qui existaient en Afrique ? Ont-ils conçu choses ont-elles changé en Afrique après
développement de l’Afrique
l’incorporation de cultures autochtones la décolonisation ? La réponse est non.
L’éducation est vitale pour le développe- Les dirigeants africains postcoloniaux ont
dans la culture de la métropole ? Ce sont- ment socioéconomique de chaque société.
là sans doute des questions oiseuses, eu l’opportunité d’accélérer le processus
L’ironie avec le système éducatif colonial de développement de leur continent. Mal-
puisque le développement des colonisés en Afrique, c’est qu’il a été conçu pour
était considéré comme étant l’antithèse heureusement, à de rares exceptions près,
freiner le progrès des africains. Avant l’ar- ils ont tous jeté des opportunités en or.
de la mission colonisatrice. Les adminis- rivée des colons en Afrique, il existait des
trations coloniales ont construit des rou- Ils n’ont pas répondu aux attentes des
institutions éducatives bien implantées, peuples qui les ont élus. Ce qui ne veut
tes, des écoles et des hôpitaux, mais pas y compris des universités. Ce qu’ils ont
CODESRIA Bulletin, Nos 3 & 4, 2006 Page 35

pas dire qu’il faut nier le fait que des fac- blèmes de développement sur le conti- par le Fonds monétaire international
teurs internes ont contribué à la situation nent. C’est un fléau qui ronge profondé- et la Banque mondiale ;
désolante de l’Afrique. ment le tissu social africain. Il ressort des • Les industries nationales sont en train
enquêtes de chiens de garde internatio- d’étouffer ;
Les causes endogènes du sous- naux tels que Transparency International
développement en Afrique (TI) basée à Berlin, que l’Afrique • Il y a une ingérence étrangère dans
postcoloniale est l’une des plus grandes les affaires internes des États-nations
Le continent africain est rongé par trois
victimes de la corruption politique à africains ;
grands maux : la sacralisation du pouvoir
politique, la corruption et la mauvaise l’échelle du globe. Il convient d’inverser • il y a une mal mauvaise gouvernance
gouvernance. cette tendance si l’on veut donner à l’Afri- (absence de transparence et d’impu-
que des chances de se développer. Ironie tabilité).
La sacralisation du pouvoir du sort, malgré l’abondance de ressour-
• La question à poser dans les circons-
politique ces naturelles—or, pétrole brut, diamants, tances actuelles est de savoir s’il y a
Très souvent, les abus de pouvoir en Afri- bauxite, aluminium, cuivre, uranium, man- de l’espoir pour l’Afrique. Le présent
que demeurent impunis, en grande partie ganèse, phosphates, minerai de fer, étain, article soutient qu’il ya une lueur d’es-
parce que les africains ont tendance à chaux, café, cacao, maïs, coton, blé, riz, poir au bout du tunnel. Pour parvenir
vénérer les dirigeants politiques. Cette bétail, caoutchouc, sorgho, bois, thé, pois- à un succès politique et économique
attitude est ancrée dans la culture. En Afri- son, pour ne citer que cela—l’Afrique considérable, les africains doivent ré-
que, les dirigeants traditionnels sont considé- demeure le continent le plus pauvre sur la fléchir et trouver un modus operandi
rés comme des intermédiaires entre les vivants terre ! Selon les statistiques, une part efficace. Nous ne pouvons pas nous
et les morts. Autrement dit, chefs, rois, lamidos énorme des budgets nationaux en Afri- permettre de tergiverser, car les tergi-
et sultans, pour ne citer que quelques-uns, ne que est dilapidée dans des pratiques cor- versations sont une perte de temps.
sont pas considérés comme des mortels, mais ruptrices. Inutile de dire que la corruption
ne se limite pas à la subornation, qu’on Les perspectives
plutôt comme des immortels « assis sur le ta-
bouret » des ancêtres et exerçant un pouvoir appelle généralement petite corruption en Pour sortir le continent africain de son
incontestable sur leurs sujets. Presque par- Afrique. La corruption comprend le trafic bourbier socioéconomique, les africains
tout en Afrique, le rôle sacré assigné aux d’influence, illégal et contraire à l’éthique, du continent et de la diaspora doivent
dirigeants traditionnels a été transféré aux appelé grande corruption. L’exaction est prendre des mesures hardies, notamment :
dirigeants politiques, avec comme consé- un autre exemple de grande corruption
que l’on trouve dans chaque pays afri- • prendre leur destin en mains. La bonne
quence l’impunité de l’abus de pouvoir et volonté, aussi forte soit-elle, ne suffit
de l’abandon du devoir. Il en résulte que cain. D’autres formes de pratiques
pas pour résoudre les problèmes de dé-
les gouvernements monopartites, les « dé- corruptives sont les pots de vin, le dol, le
veloppement de l’Afrique. Les africains
mocraties » où il n’existe pas de partis (le népotisme, les dessous de table, le favo-
doivent lutter contre la corruption en-
cas de l’Ouganda) et la prolifération de « ritisme et le détournement de derniers
démique, au moyen de l’éducation mo-
présidents à vie » sont érigés en norme en publics. La corruption est une entrave au rale et de l’inculcation de notions de la
Afrique. Un exemple type est le gouverne- développement de l’Afrique. Elle freine vie quotidienne (vérité, loyauté, res-
ment du Président Kwame Nkrumah du les initiatives de développement partout pect, honnêteté, mérite de la confiance,
Ghana. Nkrumah a adopté le titre de « dans le continent. Ce problème est rendu patriotisme) aux citoyens ;
Osagyefor », c’est-à-dire le « sauveur » plus complexe par l’incompétence des di-
rigeants. • lutter contre la pauvreté en utilisant
ou le « rédempteur » et appréciait bien tous les moyens nécessaires, y com-
d’être traité comme un dirigeant surnatu- pris la réorientation des dépenses
rel. Le Président Ahmadou Ahidjo du Ca- La mauvaise gouvernance en
Afrique d’éducation vers l’acquisition des
meroun se comportait de la même manière. compétences requises au travail ;
Il aimait se faire appeler « Le Père de la Ce qui est malheureux pour le continent
africain, c’est qu’il est rempli de dirigeants • promouvoir le dialogue Sud-Sud et en-
Nation ». Les africains doivent forger une
incompétents qui sont pour la plupart des courager l’intégration commerciale ré-
nouvelle vision du leadership politique
laquais de puissances occidentales. Il y a gionale (former et entretenir des blocs
et du paradigme du partage de pouvoir
à cela plusieurs raisons : un complexe d’in- économiques régionaux entre pays
qui garantirait la bonne gouvernance.
fériorité, une dépendance économique, le africains). Le NEPAD, la CEDEAO et
L’auteur du présent article soutient que la SADC sont des exemples à suivre
le multipartisme ne sera rien d’autre besoin d’assistance technique et l’endet-
et à améliorer.
qu’une façade tant que les africains con- tement chronique. Ces facteurs ont des
tinueront à fermer les yeux sur l’abus de conséquences profondes pour le dévelop- • Plus important, les africains doivent
pouvoir injustifiable et la corruption qui pement du continent : transformer leur indépendance politi-
affectent le continent. que, acquise au prix de rudes batailles,
• Les pays africains sont criblés de det- en une autonomie économique réelle.
tes (le service de la dette consomme
La corruption, une pierre • Enfin, et non des moindres, les afri-
une part considérable des budgets na-
d’achoppement du cains doivent apprendre à investir
tionaux en Afrique) ;
développement de l’Afrique dans l’avenir. Un continent qui épar-
La corruption a été décrite comme le can- • Le développement de l’Afrique est gne est un continent riche.
cer de l’Afrique. La prévalence des prati- entravé par les programmes d’ajuste-
ques de corruption pose de sérieux pro- ment structurel imposés à ses pays

Você também pode gostar