VIE EN EGLISE
TEMOIGNAGE
Annie, laïque consacrée
“Mon histoire d’amour
avec le Seigneur…”
La vie avec le Seigneur n’est pas un long fleuve tranquille. En témoigne
le parcours d’Annie, laïque consacrée vivant dans un village près de Reims,
à l’occasion de la Journée mondiale de la vie consacrée (2 février).
Céline Larousse
M a vie est une grande histoire d’amour
avec le Seigneur, avec mes doutes et mes
infidélités. Il y a eu ce coup de foudre en
juillet 1978 à l’abbaye d’Orval où j’avais été invi-
tée à une retraite par des collègues enseignantes.
Dieu qui était quelqu’un de très lointain est de-
venu quelqu’un de très proche qui me demandait
de l’accueillir chez moi. J’ai acheté ma première
Bible, la prière quotidienne a pris place dans ma
vie. La contemplation du Christ dans les évan-
giles, son regard d’amour et de miséricorde sur
les exclus de son temps m’ont bouleversée. Petit à
petit grandissait en moi le désir d’un don total au
Seigneur dans une vie consacrée.
En 1982, je suis entrée dans une communauté
monastique. Les sœurs pensaient que j’étais à
ma place. Pourtant, je décidai de partir à la fin
de mon noviciat, avec le désir de continuer une
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vie contemplative tout en restant dans le monde,
sans bien savoir comment. Cette décision fut
prise avec l’accord de l’abbesse et, après une re-
traite d’un mois à Châteauneuf-de-Galaure, avec
le père Finet.
En 1985, j’ai quitté l’enseignement et entrepris
des études d’infirmière à Paris tout en travaillant
chez les Petites Sœurs des Pauvres. J’étais très heu-
reuse là-bas, au point que certaines sœurs pen-
saient que je m’engagerais dans la communauté.
Mais je sentais que ma place était ailleurs.
L’installation en libéral en 1989, le travail in-
tense et les circonstances de la vie, m’ont éloignée
de cet appel à une vie consacrée. La question du
mariage s’est posée. Puis, au carême 1999, j’ai
eu le désir de remettre de l’ordre dans ma vie. Le
sacrement de réconciliation, vécu après dix ans
d’interruption, a marqué un nouveau départ. A
44 ans, j’ai repris la route avec le Seigneur. C’est
en lisant le livre de François Morlot, Des chrétiens
comme les autres : vivre en institut séculier que j’ai
découvert la vocation qui correspondait à cet ap-
pel entendu.
Etre laïque consacrée, c’est aussi prononcer les
vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, tout en
restant dans le monde, sans habit religieux et avec
une activité professionnelle.
PROCHE DES GENS
Infirmière à domicile en milieu rural, j’ai la
chance d’être en contact avec beaucoup de per-
sonnes, de tous âges, de tous milieux et d’ac-
compagner des personnes en fin de vie qui sont
souvent éloignées de l’Eglise. La maladie et l’ap-

proche de la mort sont des temps propices pour
revenir à l’essentiel. Au cœur de grandes souf-
frances parfois, je vis de grandes joies et beaucoup
d’espérance : une réconciliation avec un proche,
une plaisanterie qui jaillit spontanément, un par-
tage sur le sens de la vie, de la mort…
Un moment qui m’a particulièrement marquée
est la mort d’un enfant de 7 ans à la veille de Noël ;
ses parents, non pratiquants, ne voulaient pas d’une
célébration à l’église, mais ils ne voulaient pas non
plus qu’il soit “enterré comme un chien”. A la de-
mande de la maman, j’ai pu contacter un prêtre âgé
en service dans ma paroisse et nous avons vécu un
temps de prière chez eux autour de l’enfant.
A travers toutes ces rencontres, je suis “en vi-
sitation”. Comme Marie visitant sa cousine
Elisabeth, je suis témoin que l’Esprit saint est
à l’œuvre dans la vie des gens, même chez ceux
qui ne vont pas à l’église. Que de petits gestes,
de belles choses, entrevus lors de ces visites et qui
nourrissent ensuite ma prière ! J’attache une at-
tention particulière au regard et à l’écoute, ces
dispositions font partie du soin. Je me souviens
d’une personne seule, j’y allais juste pour une in-
jection, en repartant de chez elle trente minutes
plus tard elle m’a dit : “Ça m’a fait du bien que
vous m’écoutiez”.
UN TEMOIGNAGE DISCRET
Au début, je travaillais seule, sept jours sur sept,
trois cent soixante-cinq jours par an. Le travail
devenant plus important au fil des années, j’ai
dû songer à m’associer avec d’autres infirmières.
J’ai la chance de travailler avec trois personnes
qui sont passionnées par leur métier et qui pren-
nent leur temps avec les malades. Mes collègues
sont mariées et ont chacune trois enfants, alors
mon célibat interroge. Parfois, des malades me
questionnent : “Vous êtes heureuse et célibataire,
comment ça se fait… ?” Occasions propices au té-
moignage. Il m’arrive d’expliquer que j’ai choisi le
célibat parce que le Seigneur a pris toute la place
dans ma vie et que je peux être ainsi disponible
pour tous ceux que je rencontre.
Je fais partie de l’Institut séculier féminin du
Cœur de Jésus*. La spiritualité du Cœur de Jésus,
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TEMOIGNAGE
qui ne me parlait pas trop au début, m’apprend à
mettre l’amour de Dieu au centre de ma vie pour
ensuite le rayonner dans le monde, auprès de tous
ceux que je rencontre, et souvent des personnes
non croyantes ou indifférentes à Dieu.
Infirmière à domicile
en milieu rural, j’ai la chance
d’être en contact avec beaucoup
de personnes, de tous âges,
de tous milieux et
d’accompagner des personnes
en fin de vie qui sont souvent
éloignées de l’Eglise.
Mon engagement comme laïque consacrée n’a
pas modifié mon cadre de vie. Je continue à vivre
seule dans le même logement. En effet, l’institut
ne prévoit pas de vie en communauté : céliba-
taire ou veuve, en activité ou retraitée, nous vi-
vons notre relation au Christ là où nous sommes,
dans la discrétion. Nous nous retrouvons une
fois par mois, en région, pour un partage de vie.
Mon institut étant de spiritualité ignatienne, une
attention particulière est donnée à la méditation
quotidienne de l’Ecriture et à la relecture de vie.
C’est aussi l’institut qui m’a encouragée à suivre
une formation en théologie jusqu’à l’obtention
d’une licence européenne à la faculté de théologie
de Strasbourg.
Il m’a fallu vingt ans pour trouver ma place
après l’appel d’Orval… Ne dit-on pas que le Sei-
gneur écrit droit avec des lignes courbes ?! Je rends
grâce pour le chemin parcouru, pour tout l’amour
que j’ai reçu et qui m’a aidée à vivre. Je rends grâce
pour les frères et sœurs que le Seigneur me donne
pour avancer plus loin sur ce chemin d’amour à la
suite du Christ, avec le Christ.
Propos recueillis par Céline Larousse
* http://www.isfcj.org
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