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ÉCONOMIE, GÉOPOLITIQUE, ENVIRONNEMENT:

LE TRIPLE ENJEU DU GAZ


DANS LES RELATIONS UE-RUSSIE
par DIDIER BOURGUIGNON (*)

Avec la teinte politique qu’il a récemment acquise, le gaz naturel a pris une place Aujourd’hui, au-delà de la sécurité énergé-
centrale dans les relations entre l’UE et la Russie. Outre la sécurité énergétique, l’enjeu tique, l’enjeu gazier est triple. Il est d’abord
se situe à trois niveaux. Le premier est celui de l’ouverture des marchés ou du maintien économique, car il s’inscrit dans l’opposi-
des monopoles, en Russie comme dans l’Union européenne. La ligne de fracture est tion entre monopoles et concurrence. Il est
complexe, et pour l’heure, en dépit d’un soutien rhétorique à l’ouverture des marchés, ensuite géopolitique, en cela qu’il occupe
c’est plutôt leur protection qui est à l’ordre du jour. Le deuxième niveau est celui de la une place de choix dans la politique étran-
diplomatie énergétique. C’est avant tout en Asie centrale que s’affrontent Bruxelles et gère de Moscou et de Bruxelles. Enfin, il est
Moscou, sur la base d’intérêts et à l’aide d’instruments diamétralement opposés. environnemental, étant donné qu’il s’inscrit
Cependant, leurs politiques sont caractérisées par de lourdes contraintes. Le troisième désormais dans le cadre plus large de la lutte
niveau est celui de la lutte contre les changements climatiques. Dans ce domaine en contre les changements climatiques.
plein essor, plusieurs convergences existent entre les politiques de Bruxelles et Moscou,
notamment en matière d’efficacité énergétique. Avec cette nouvelle donne, le gaz
pourrait voir son importance grandir, ou au contraire diminuer, ce qui ne sera pas sans LA PLACE GRANDISSANTE
influence sur la relation UE-Russie. DES QUESTIONS ÉNERGÉTIQUES
DANS LES RELATIONS UE-RUSSIE

C’est dans les années 1960 que débutent les


exportations de gaz russe vers l’Europe occi-
dentale. À la fin des années 1970, après les
chocs pétroliers, les exportations d’hydro-

L
e gaz est incontestablement un élé- carbures russes vers l’Europe de l’Ouest
ment qui revêt une importance éco- connaissent un essor sans précédent. Celles-
nomique considérable tant en ci sont généralement accompagnées d’une
Europe qu’en Russie. Moscou tire de la importation par l’URSS d’équipements et
vente ses recettes d’exportation, moteur de de technologies occidentales. Ces échanges
son regain actuel de prospérité, tandis que initiés lors de la détente entre grandes puis-
les pays de l’UE dépendent des importa- sances se poursuivent malgré le refroidisse-
tions de gaz, notamment russe, afin d’assu- ment des relations (Campaner, 2006,
rer la croissance de leur économie et le bien- pp.377-8). L’énergie est alors un domaine
être de leurs citoyens. Cependant, si l’inter-
dépendance est grande, la confiance fait
défaut. Aussi l’énergie est-elle devenue,
depuis quelques années, un sujet probléma- (*) Auteur d'un travail de recherche sur « La dimension gazière
tique dans les relations UE-Russie. dans les relations UE-Russie ».

Revue de l’Énergie, n° 583, mai-juin 2008 179


FIGURE 1 : Exportations de gaz russe vers les pays de l’UE 27 (1990-2006) mentarités Est/Ouest dans le secteur éner-
gétique, en proposant un grand traité inter-
0 5 10 15 20 25 30 35 40 national, la charte de l’énergie. Cependant,
Estonie
1,4
0,6 cet ambitieux accord est peu équilibré, ses
0,6
0,7 dispositions reflétant avant tout les intérêts
Slovénie 0,5
0,7
de l’UE (Konoplyanik, 2006, p. 553). Il n’a
0,7
2,8
d’ailleurs toujours pas été ratifié par les deux
Lettonie 1,1
principaux fournisseurs d’énergie extracom-
1,0
1,4
6,9 munautaires, la Norvège et la Russie, et n’a
Bulgarie 5,8
3,2
2,7
donc pu apporter les garanties escomptées
Grèce en matière de sécurité énergétique.
1,6
2,7 Cependant, sur le terrain, les échanges se
Lituanie 2,3
5,2
poursuivent (voir figure 1).
2,0
2,8
En octobre 2000, la Russie et l’Union euro-
Belgique
3,2 péenne décident d’instaurer un dialogue de
Pays-Bas l’énergie. Ce domaine apparaît alors comme
4,7 1990 le secteur de coopération où la convergence
2,7
Finlande 3,6
4,3 1995
des intérêts économiques et stratégiques est
4,9 la plus forte. Il s’agit de mettre en place un
7,3 2000
Roumanie
3,2
6,1 partenariat énergétique entre Bruxelles et
5,5
5,1 2006 Moscou, afin de procurer aux deux parties
Autriche 6,1
5,1
6,6
sécurité et prévisibilité dans ce domaine où
l’interdépendance est grande. Le dialogue
Slovaquie * 6,5
7,9
7,0 est conçu comme un cadre où la Russie et
8,4
14,2 l’UE se parlent d’égal à égal, sur des ques-
Rép. 7,5
tchèque ** 7,4 tions concrètes présentant un intérêt
8,4
7,2
6,8
mutuel. Le dialogue est co-dirigé alors par
Pologne 7,7
Viktor Khristenko, ministre russe de
Royaume l’Industrie et de l’Énergie, et François
-Uni 8,7
6,5 Lamoureux, directeur général de la DG
Hongrie 6,3
6,5
8,8
Transports et énergie de la Commission
10,6
13,0
européenne.
France
12,9
10
13,6
Vers 2004, l’énergie et plus particulière-
Italie 14,3
ment la sécurité énergétique deviennent
21,8
22,1
26,6 l’un des sujets majeurs de la relation entre
Allemagne 32,1
34,1
34,4
Bruxelles et Moscou, et font l’objet d’une
grande attention médiatique. C’est là le
milliards de m3
résultat d’une conjonction de facteurs. Il y
Sources : OAO Gazprom, Gazpromexport, Eurostat a l’affaire Ioukos, l’élargissement de 2004
Malte, Chypre, le Luxembourg, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède ne sont pas importateurs qui change la donne géopolitique pour
de gaz russe. l’Union européenne, la hausse des prix sur
(*) Données 1990 non disponibles pour la Slovénie et la Slovaquie
(**) Données 1990 pour la Tchécoslovaquie les marchés mondiaux, la libéralisation du
Dans les autres cas, l’absence de données indique que le pays n’importait pas de gaz russe à cette date marché de l’énergie dans l’UE et les prises
de participation de Gazprom dans le sec-
où, au-delà des oppositions idéologiques et Dès 1991, à la veille de l’éclatement de teur gazier européen, la dépendance crois-
politiques, les intérêts des uns et des autres l’Union soviétique, les Européens entre- sante de l’UE aux importations de gaz,
sont convergents. prennent de mettre en valeur les complé- notamment en raison de l’épuisement des

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réserves en mer du Nord (1), puis la crise taines voix s’élèvent en Russie pour deman- seconde est dénuée de justification écono-
russo-ukrainienne de janvier 2006, forte- der un certain degré de libéralisation du sec- mique, étant donné que les opérateurs
ment politisée à la suite de la révolution teur du gaz (4) (à l’instar du secteur pétro- gaziers conservent une marge de manœuvre
orange « pro-occidentale ». C’est à ce lier), et au sein de l’Union européenne, les dans le choix de leurs sources de gaz (7),
moment que l’énergie quitte véritablement acteurs opposés à la création d’un marché pour autant que les réseaux nationaux
la sphère de la basse politique pour monter unique et à une véritable concurrence res- soient véritablement interconnectés. En
vers la haute politique. Après le départ de tent puissants, comme le montre la diffi- revanche, des formes de coordination plus
François Lamoureux fin 2005, c’est le culté de libéraliser le marché du gaz. légères se mettent en place. L’Union prévoit
commissaire européen à l’Énergie, Andris de créer, au sein de la DG Transports et
En effet, les États membres rechignent à
Piebalgs, qui reprend le flambeau, tandis énergie de la Commission, un observatoire
abandonner leur souveraineté en matière
que le centre de gravité décisionnel en de l’énergie (8) chargé de veiller à la sécurité
d’énergie. La libéralisation du marché
matière de dialogue énergétique au sein de d’approvisionnement en énergie de l’UE.
semble ne pas avoir remis fondamentale-
la Commission européenne glisse de la Celui-ci devrait entre autres permettre de
ment en question l’étroitesse des liens entre
DG Transports et Énergie à la DG créer une capacité européenne de collecte
États et grandes compagnies énergétiques,
Relations extérieures. d’informations sur les contrats gaziers et les
les pouvoirs publics conservant générale-
En novembre 2006, dans le septième rap- projets d’investissement, et ainsi de renfor-
ment des actions assorties d’un droit de veto
port sur les progrès du dialogue énergétique cer le pouvoir de négociation des entreprises
(golden shares) dans les anciens monopoles
(2), les parties du dialogue énergétique européennes du secteur.
d’État privatisés. Jusqu’à présent, les fusions
reconnaissent que la sécurité énergétique est dans le secteur tendent d’ailleurs à consoli- Tandis que l’Agence internationale de
un défi majeur qui restera une question cen- der la position des opérateurs historiques l’Énergie souligne un manque d’investisse-
trale de la coopération énergétique entre la sur leur marché national (5). ment dans la production de gaz naturel en
Russie et l’Union européenne. Elles souli-
En outre, certains grands opérateurs euro-
gnent en outre la nécessité de renforcer la
péens, anciens monopoles publics, soutien-
transparence et d’intensifier les flux d’infor-
nent la position du monopole russe, et ne se
mations, afin de développer la confiance
montrent pas très favorables à la concur-
entre Bruxelles et Moscou.
rence, bien souvent au nom de la sécurité (1) Par conséquent, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Belgique
d’approvisionnement. Des entreprises deviennent importateurs de gaz russe (voir figure 1).
comme ENI et E. ON ont récemment (2) « Seventh Progress Report on the EU-Russia Energy
MONOPOLES échangé avec Gazprom des prises de partici- Dialogue », novembre 2006, p. 3.

CONTRE CONCURRENCE pation dans des gisements gaziers en Russie (3) L’entreprise jouit d’un quasi-monopole dans le secteur de la
production de gaz naturel, de son transport et de son expor-
contre une prise de participation dans un tation, et diversifie ses activités dans le secteur pétrolier et élec-
Dans l’Union européenne comme en réseau de distribution en Europe ou l’accès trique.
Russie, l’enjeu gazier s’inscrit dans le cadre à des technologies modernes (6) (Paillard, (4) Gazprom notamment plaide pour une libéralisation du sec-
plus large de l’opposition entre dirigisme 2007, p. 8). Cette approche de partenariat teur, et avant tout pour une déréglementation des prix sur le
marché russe (Gazprom, 2007, p. 71).
économique et marché libéralisé. En Russie, avec Gazprom ne peut toutefois suffire à
(5) On relèvera notamment la prise de contrôle de Ruhrgas
le secteur gazier demeure très fermé aux garantir une sécurité d’approvisionnement. par E. ON en Allemagne en 2003, et le projet de fusion GDF-
investisseurs étrangers, et est étroitement Face au déficit gazier auquel est confronté le Suez en France. On notera que dans le second cas, Suez a été
contrôlé par l’État, actionnaire majoritaire géant russe (voir ci-dessous), les contrats à prié de revendre au préalable certaines de ses activités afin
d’empêcher qu’il ne domine le nouveau groupe. L’État français
du géant Gazprom (3). En revanche, long terme peuvent d’ailleurs donner une devrait ainsi détenir 35 % du nouveau géant énergétique.
l’Union européenne a entrepris en 2003 de illusion de sécurité aux consommateurs. (6) Gazprom pourrait également acquérir des parts de la nou-
créer un marché unique libéralisé dans le D’aucuns en Europe voudraient que velle société GDF-Suez en échange de la participation de Total
à l’exploitation du gisement Chtokman, « Gaz de France:
secteur du gaz. l’Union puisse parler d’une seule voix avec Gazprom impliqué dans le projet de fusion avec Suez? »,
Le clivage que l’on peut observer est com- les fournisseurs d’énergie, soit par le biais Boursier. com, 18 juillet 2007. Gazprom a démenti l’informa-
tion.
plexe, et ne se résume pas à l’opposition des instances politiques de l’Union ou d’un
(7) Russie, Norvège,Afrique du Nord, ou encore Moyen-Orient
entre les principes de libre concurrence prô- oligopole d’acheteurs gaziers. Cependant, la et Afrique sous la forme de gaz naturel liquéfié.
nés par la Commission européenne et le première approche serait politiquement (8) Conclusions de la présidence du Conseil européen des 8 et
monopole gazier en Russie. En effet, cer- inacceptable pour les États membres, et la 9 mars 2007, p. 18.

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FIGURE 2 : Exportations de gaz russe dans le monde (2000-2006) de la propriété, ce qui aura pour effet d’em-
pêcher Gazprom par exemple d’acquérir
160 Europe hors UE une participation majoritaire ou même
140 significative dans les réseaux de distribution
120 européens de gaz. De plus, il est prévu qu’en
CEI matière de systèmes de transmission, toute
milliards de m3

100
acquisition par une société extracommu-
80
nautaire doive être préalablement autorisée
60 par un accord entre l’UE et le pays tiers
40 concerné, ce qui politisera immanquable-
Turquie
20 ment la question.
UE-27
0 Du côté russe, on évoque parfois la création
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
d’un « OPEP du gaz ». Certains voient
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 d’ailleurs dans la vague alliance entre la
UE-27 119,2 116,2 117,4 121,9 127,9 139,5 142 Russie, l’Algérie, l’Iran et les pays d’Asie
CEI 39,8 35,7 38,4 37,7 47,2 71,1 96,1 centrale un embryon d’organisation des
Turquie 10,2 11,1 11,8 12,8 14,5 18 19,9 pays exportateurs de gaz, où la Russie assu-
Europe hors UE 3,2 3,5 3,5 3,1 3,4 4,1 4,1
merait le rôle de leader et de producteur
Source : OAO Gazprom d’appoint (Tomberg, 2006, pp. 85-6).
L’Iran prône haut et fort la création d’une
telle organisation, mais exporte très peu de
Russie (AIE, 2006, p. 4), bon nombre d’ob- L’adhésion imminente de la Russie à
gaz. Quant à Vladimir Poutine, il affirme
servateurs estiment que sans une ouverture l’Organisation mondiale du Commerce
que la Russie n’a pas l’intention de créer un
aux capitaux étrangers, la Russie ne sera pas n’aura pas d’incidence directe sur le secteur
cartel du gaz, mais un groupe de coordina-
en mesure de produire suffisamment de gaz énergétique, auquel les règles de l’OMC ne
tion des activités visant à assurer la sécurité
pour répondre à une demande croissante sont pour l’heure pas applicables.
d’approvisionnement aux grands consom-
(voir figure 2), voire pour honorer ses Cependant, les négociations du cycle de
mateurs mondiaux d’énergie (13). Quoi
Doha, en cours depuis 2000, concernent
contrats (9). D’ailleurs, l’UE et la Russie qu’il en soit, la perspective d’une entente
notamment ce secteur sensible, et l’on
s’accordent à dire qu’il est capital d’ouvrir mondiale des exportateurs de gaz paraît plu-
pourrait dès lors tabler, à moyen ou à long
les marchés (10). Cependant, sur le terrain, terme, sur une ouverture des marchés par
le marché russe du gaz reste plus fermé que cette voie. De manière plus générale,
jamais. En outre, une nouvelle loi sur les l’OMC constituera un cadre juridique de (9) Gazprom a d’ailleurs reconnu l’existence d’un déficit de
ressources du sous-sol durcit sensiblement règlement des différends commerciaux, production, et les centrales électriques russes ont subi des res-
les conditions d’accès au marché pour les comme l’embargo russe sur la viande polo- trictions d’approvisionnement en gaz au cours de l’été 2006.
«Na vsekh ne khvatit. Gazprom priznalsia v defitsite gaza»
entreprises étrangères (11). naise, et devrait mettre un terme aux (« Il n’y en aura pas pour tout le monde. Gazprom admet le
mesures unilatérales de rétorsion. déficit du gaz »), Vremia, 21 avril 2006.
Quel que soit le degré d’incertitude entou-
(10) Seventh Progress Report on the EU-Russia Energy
rant l’ouverture du secteur gazier russe, une Aujourd’hui, l’ouverture des marchés appa- Dialogue, op. cit., p. 3.
chose semble certaine: pour que ce secteur raît toutefois fort improbable, étant donné
(11) En effet, seules les entités russes (entreprises russes ou
s’ouvre à la concurrence étrangère, il sera les réserves de part et d’autre. Du côté euro- joint-ventures détenus à 51 % par du capital russe) pourraient
péen, le troisième paquet législatif pour la participer aux appels d’offre des licences de production. Voir
indispensable que l’ouverture des marchés LOCATELLI, « La Douma apporte des restrictions importantes
libéralisation du marché du gaz, présenté à l’accès aux hydrocarbures pour les investisseurs étrangers »,
soit réciproque. En d’autres termes, l’accès par la Commission en septembre 2007, pré- easybourse. com, 26 avril 2007.
des entreprises européennes au secteur voit des mesures de sauvegarde (12) proté- (12) Proposition de directive du Parlement européen et du
gazier russe en amont ne pourra se faire sans geant le marché européen contre les sociétés Conseil modifiant la directive 2003/55/CE concernant des
que la Russie ne s’implante davantage sur les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel,
originaires de pays tiers. Celles-ci devraient COM (2007) 529, 19 septembre 2007, p. 7.
marchés européens, comme le souhaitent le être soumises aux mêmes exigences que les (13) « A gas OPEC », Economist Intelligence Unit, 5 février
Kremlin et Gazprom. sociétés de l’UE en matière de découplage 2007.

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tôt improbable. Tout d’abord, une grande tout géopolitiques, peut revêtir plusieurs novateur (17). Le traité instituant la
majorité du gaz naturel reste soumise à des formes. Premièrement, la Russie peut utili- Communauté européenne n’attribue pas à
contrats à long terme, avec des prix généra- ser le facteur de dépendance énergétique et l’Union de compétence directe en matière
lement alignés sur ceux du pétrole. Ensuite, les livraisons d’énergie afin de promouvoir de politique énergétique, exception faite
tant que les prix des hydrocarbures restent des objectifs politiques dans les relations d’Euratom, et la gestion de l’approvisionne-
élevés, la création d’un tel cartel présente avec les pays acheteurs, comme elle le fait ment en gaz et en pétrole est toujours restée
peu d’intérêt pour les pays exportateurs. surtout avec les anciennes Républiques une prérogative nationale. Cependant, face
Enfin, il n’existe actuellement pas de véri- soviétiques. Deuxièmement, elle peut utili- aux évolutions récentes, les États membres
table marché mondial du gaz, mais plutôt ser les perspectives d’expansion géogra- ont pris conscience de la nécessité de « par-
trois marchés régionaux: le marché euro- phique des gazoducs et oléoducs (15) afin ler d’une seule voix » au sujet de certaines
péen, fourni surtout par la mer du Nord et de promouvoir les intérêts russes à l’étran- questions de politique énergétique exté-
la Russie; le marché asiatique, qui s’appro- ger. Le projet d’oléoduc vers la Chine et le rieure (18).
visionne auprès de la Malaise, de l’Indonésie Japon et la construction du gazoduc
Bruxelles entend faire usage de sa puissance
et de l’Australie; et le marché américain, qui Nordstream sous la Baltique en constituent
douce. Parmi les priorités de l’UE, on
puisse principalement ses ressources au de bons exemples. Troisièmement, elle peut
notera la promotion d’accords internatio-
Canada et à Trinidad-et-Tobago. inviter certains investisseurs étrangers à par-
naux, notamment sur le régime de l’après-
ticiper à l’extraction des hydrocarbures sur
Cependant, le Qatar, numéro un mondial Kyoto et sur l’efficacité énergétique; les rela-
son territoire afin de promouvoir certaines
du gaz naturel liquéfié (GNL), fournit déjà relations bilatérales. Même si Moscou tions énergétiques avec les pays limitrophes,
l’Europe, les États-Unis et l’Asie. Cette nou- recourt peu à cette forme de diplomatie et la création d’un marché de l’énergie à
velle technologie pourrait bien changer la énergétique, on peut considérer que les l’échelle du continent, par l’intégration de
donne, d’autant que le marché du GNL échanges de participation avec de grands pays tels que la Moldavie, la Norvège, la
devrait doubler de 2004 à 2010 (AIE, groupes allemand, italien ou français appar- Turquie et l’Ukraine dans le traité de la
2007, p. 17). On assisterait ainsi à la lente tiennent à cette catégorie. Quatrièmement, communauté de l’énergie (19); la réduction
émergence d’un marché mondial, sur lequel elle peut chercher à contrôler les structures de la menace d’éventuelles ruptures; et
les prix seraient découplés de ceux du énergétiques en aval à des fins commerciales l’amélioration des conditions d’investisse-
pétrole et déterminés par les marchés spot à et éventuellement politiques. C’est ce ment. Avec la Russie en particulier, l’Union
court terme. Le Qatar ambitionne d’ailleurs qu’elle a fait en Asie centrale, et plus récem- européenne veut en priorité négocier un
de concurrencer sérieusement la Russie et ment sur le marché européen.
les autres fournisseurs sur le marché euro-
péen d’ici à 2015 (14) (Paillard, 2007, Cette politique, aussi impressionnante soit-
p. 20). C’est peut-être par ce biais que pour- elle sur le papier, est toutefois soumise à de
rait s’ouvrir indirectement le marché russe. lourdes contraintes sur le terrain: la produc- (14) Le Qatar est d’ailleurs vivement opposé à la création d’un
tion demande de gros investissements, les cartel des pays exportateurs de gaz.
infrastructures d’exportation sont entière- (15) Ce que l’on appelle parfois « pipeline diplomacy ».
ment tournées vers l’Europe, la Russie est (16) Les siloviki et les libéraux de Saint-Pétersbourg, notam-
DIPLOMATIE ÉNERGÉTIQUE plus consommatrice qu’exportatrice d’hy- ment.
drocarbures, et sa politique extérieure éner- (17) Cette politique est définie dans la communication de la
La Russie étant désormais une « superpuis- Commission au Conseil et au Parlement européen « Une poli-
gétique est mal coordonnée (Allison, 2006, tique de l’énergie pour l’Europe », COM (2007) 1 final, 10 jan-
sance énergétique », il est tout naturel que p. 33). Cette politique est en outre soumise vier 2007, pp. 27-9, et entérinée deux mois plus tard par le
les hydrocarbures occupent une place de à d’importantes contraintes internes. En Conseil européen.
choix dans la politique étrangère du effet, les hydrocarbures, comme d’autres (18) Notons toutefois,comme l’a réaffirmé le Conseil européen
des 8 et 9 mars 2007, que chaque État membre conserve le
Kremlin. Dans l’Union européenne, une secteurs de l’économie russe, sont pris dans droit de déterminer librement son bouquet énergétique.
politique énergétique extérieure se dessine, les luttes d’influence, les différents groupes Conclusions de la présidence, p. 23.
principalement afin de relever le défi de la d’intérêt (16) tentant de convertir leur pou- (19) Le traité instituant la communauté de l’énergie, signé le
sécurité d’approvisionnement et des chan- voir politique en biens économiques et 25 octobre 2005, vise à créer un vaste marché énergétique
rassemblant l’UE et ses voisins des Sud-Est.Cette initiative s’ins-
gements climatiques. financiers (Guillet, 2007, p. 23). crit dans le cadre du « processus d’Athènes », lancé en 2002,
dont l’objectif est de reserrer les liens entre l’UE et les Balkans
La politique extérieure énergétique de Pour l’UE, la mise en place d’une politique occidentaux,en promouvant un rapprochement dans le secteur
Moscou, basée sur des considérations avant extérieure de l’énergie constitue un élément de l’électricité et du gaz.

Revue de l’Énergie, n° 583, mai-juin 2008 183


nouvel accord de partenariat qui englobe le Caspienne à la Méditerranée. Cependant, ronnement et de la lutte contre les change-
secteur énergétique, et espère toujours obte- en raison d’une augmentation des prix du ments climatiques. En 2006-2007, avec la
nir la ratification du traité sur la charte de gaz russe vendu à l’Azerbaïdjan, les pre- publication de plusieurs documents (28), le
l’énergie et de son protocole sur le transit. mières livraisons de gaz vers la Turquie n’ont monde industrialisé semble avoir pris
Par ailleurs, Bruxelles entend développer les débuté qu’à l’été 2007 (25). La construction conscience de cette problématique ainsi que
relations avec les pays gros consommateurs d’un gazoduc transcaspien (26) est souvent de la possibilité et de la nécessité d’agir afin
d’énergie, mais surtout avec les grands pays évoquée, bien que le projet ne soit actuelle- d’éviter des répercussions désastreuses pour
exportateurs et de transit, en particulier en ment pas formalisé. Preuve de la volonté de l’économie mondiale et la planète.
Asie centrale et sur le pourtour de la mer Bruxelles de s’engager dans cette région, le
Conseil européen de juin 2007 a adopté Dans le « World Energy Outlook 2006 »,
Caspienne et de la mer Noire.
une stratégie pour l’Asie centrale, dans l’Agence internationale de l’Énergie exa-
Cette région, qui borde la Russie sur son laquelle les hydrocarbures constituent indé- mine deux scénarios pour la période allant
flanc Sud (de l’Asie centrale au Caucase du niablement une priorité (27). jusque 2030. Elle insiste sur la nécessité de
Sud en passant par la Caspienne) semble mettre en place un « scénario de politiques
être le théâtre d’un duel géopolitique et On le voit, dans cet espace géographique,
alternatives » (telles que celles envisagées par
diplomatique à fleurets mouchetés entre Bruxelles et Moscou ont des intérêts très
divergents et mènent des politiques concur- l’UE) afin de ralentir l’accroissement de la
l’UE et la Russie. Moscou est depuis long- demande mondiale en énergie et de réduire
temps très présent dans ces pays qui appar- rentes. Cependant, tant du côté russe que
du côté européen, la politique énergétique les importations des pays de l’OCDE en
tiennent à sa zone d’influence tradition- énergie après 2015 (AIE, 2006, pp.1-6).
nelle. Les entreprises énergétiques russes ont extérieure est grevée par de lourdes
beaucoup investi dans la production et le contraintes internes et externes. Du côté des Les relations UE-Russie sont également
transport d’hydrocarbures en Asie centrale. contraintes internes, on notera les divisions concernées: un dialogue environnemental
En mai 2007, la Russie a obtenu du entre différentes factions russes, ainsi que les est lancé en octobre 2006. Bruxelles attache
Turkménistan et du Kazakhstan un accord intérêts conflictuels entre États membres de désormais une importance toute particu-
sur la construction d’un nouveau gazoduc l’Union européenne. Les projets de gazoduc lière à ce domaine de coopération, qui est
passant au nord de la Caspienne qui ache- « Nordstream » et « South Stream », soute- étroitement lié à celui de l’énergie. Aussi
minera le gaz d’Asie centrale via la Russie nus respectivement par l’Allemagne et
(20). Un mois plus tard, Gazprom a l’Italie, semblent contrecarrer la politique de
annoncé qu’il entendait construire avec le diversification des sources d’approvisionne-
groupe italien ENI un nouveau gazoduc, ment en gaz naturel menée par les Vingt-
appelé « South Stream », reliant la Russie à Sept. Pour ce qui est des contraintes
la Bulgarie sous la mer Noire. externes, on remarquera surtout la lourdeur (20) « Russia clinches gas pipeline deal », BBC News, 12 mai
des investissements à consentir pour diversi- 2007.
L’UE entend bien s’engager elle aussi dans la fier les voies de transport, ainsi que les aléas (21) Reliant la Turquie à l’Autriche via la Bulgarie, la Roumanie
région. Elle a lancé en 2004 l’« initiative de de la politique internationale. Ainsi, s’il y a et la Hongrie. Il devrait être opérationnel en 2012.
Bakou », dialogue énergétique associant quelques années, on prévoyait de relier le (22) Entrée en service prévue en 2011.
l’UE, les pays de la mer Noire, de la Turkménistan à la Turquie en passant par (23) Également appelé BTE (Bakou-Tbilissi-Erzurum),il relie les
Caspienne et leurs voisins. Il existe de nom- l’Iran, au sud de la Caspienne, une telle gisements gaziers azéris à la frontière turque en passant par
breux projets de gazoducs et d’oléoducs la Géorgie.
option paraît aujourd’hui impossible, d’où
visant à créer un corridor Sud reliant la le projet, bien plus coûteux, de gazoduc pas- (24) « Azerbaijan’s Shah Deniz Field On Stream », Oilvoice.
com, 15 décembre 2006.
Caspienne à l’UE sans passer par la Russie. sant sous la mer Caspienne.
(25) « Too energetic a friendship », The Economist, 25 août
La construction du gazoduc Nabucco (21) 2007.
devrait commencer en 2009, le connecteur
(26) Reliant le port turkmène de Türkmenbasy à Bakou en
Turquie-Grèce est opérationnel depuis passant sous la mer Caspienne. Il permettrait d’acheminer le
novembre 2007, et la construction du GAZ, ENVIRONNEMENT gaz d’Asie centrale vers l’UE sans passer par la Russie.
connecteur Grèce-Italie devrait débuter en ET DÉVELOPPEMENT DURABLE (27) The EU and Central Asia: Strategy for a New Partnership,
2008 (22). Plus en amont, le gazoduc du COREPER, 31 mai 2007.
Caucase Sud (23), construit parallèlement à Depuis peu, la problématique du gaz, et de (28) Notamment le rapport « The economics of climate
change » présenté en octobre 2006 par Nicholas STERN et le
un oléoduc, est entré en fonction en l’énergie de manière plus générale, vient 4ème rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouverne-
décembre 2006 (24), reliant ainsi la s’inscrire dans le cadre plus large de l’envi- mental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en janvier 2007.

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l’Union européenne adopte-t-elle une nou- Il existe des synergies entre la lutte contre les quet énergétique, et en particulier dans la
velle politique globale qui place les change- changements climatiques et la sécurité d’ap- production d’électricité (36).
ments climatiques au centre de la politique provisionnement. L’efficacité énergétique
Cependant, on peut actuellement observer,
énergétique (29). Partant du constat que les constitue un excellent exemple de domaine
dans la nouvelle politique énergétique euro-
politiques actuelles ne sont pas durables, dans lequel tant la Russie que l’Union euro-
péenne ont tout intérêt à être actives. En péenne notamment, un changement de ton
l’Union européenne identifie trois défis à
outre, on a suggéré, afin de lutter contre les à propos du nucléaire, qui gagne en légiti-
relever en matière d’énergie: durabilité,
changements climatiques, d’œuvrer à mité, en tant qu’énergie émettant peu de
sécurité d’approvisionnement et compétiti-
découpler la croissance économique de la CO2. Cette source d’énergie pourrait à
vité.
consommation en énergie (34), ce qui l’avenir concurrencer le gaz dans la produc-
Pour apporter une solution globale à ces aurait également des effets très positifs pour tion d’électricité. À moyen terme, on pour-
trois défis, l’UE entend mener une « nou- la sécurité d’approvisionnement. Enfin, la rait préférer construire des centrales
velle révolution industrielle », et se fixe mise en place de mécanismes du protocole nucléaires que des centrales électriques au
toute une série d’objectifs pour l’horizon de Kyoto en Russie, où le potentiel de gaz naturel. Cet arbitrage dépendra avant
2020: réduire les émissions de gaz à effet de réduction des émissions de gaz à effet de tout de facteurs actuellement entourés d’in-
serre de 20 %; économiser 20 % d’énergie serre est considérable, serait bénéfique tant certitudes: le prix du gaz, le prix des émis-
grâce à l’efficacité énergétique; porter la pour Moscou, qui en retirerait une source sions de CO2 et l’acceptation du nucléaire.
part des énergies renouvelables à 20 % du de revenus, que pour Bruxelles, qui pourrait
bouquet énergétique de l’UE; porter la part atteindre ses objectifs de réduction d’émis-
des biocarburants à 10 % dans les trans- sions en finançant de tels projets (AIE,
ports. En outre, elle veut stimuler la 2007, p. 63). L’UE prévoit d’ailleurs d’ou-
recherche dans les technologies énergé- vrir le système communautaire d’échange
tiques, notamment le piégeage et le stoc- de quotas d’émission aux pays tiers, dont la
kage de CO2 ; améliorer la compétitivité sur Russie, afin d’en faire un marché mondial
(29) Livre vert « Une stratégie européenne pour une énergie
le marché européen de l’énergie, notam- du dioxyde de carbone (35). sûre, compétitive et durable », COM (2006) 105 final,
ment en renforçant son intégration et les mars 2006. Communication « Une politique de l’énergie pour
Dans les deux scénarios qu’elle envisage l’Europe », COM (2007) 1 final, janvier 2007. Plan d’action du
interconnexions (30). Elle prévoit enfin de
pour l’horizon 2030, l’Agence internatio- Conseil européen (2007-2009) Une politique énergétique pour
promouvoir la solidarité énergétique au sein l’Europe, mars 2007.
nale de l’Énergie prévoit que les combus-
de l’UE, notamment en cas de crise énergé- tibles fossiles restent la principale source (30) L’objectif est de porter à 10 % les capacités d’intercon-
tique, et veut « parler d’une même voix » d’énergie dans le monde et que la part du
nexion entre les marchés nationaux pour ce qui est de l’élec-
tricité et du gaz, Plan d’action du Conseil européen (2007-
afin de promouvoir ces objectifs dans les gaz naturel augmente légèrement (AIE, 2009), « Une politique énergétique pour l’Europe »,
relations internationales. 2006, p. 2). En dépit de l’essor des énergies mars 2007, p. 18.

Il s’agit là d’une politique très ambitieuse, renouvelables et des biocarburants imposé (31) L’expansion des biocarburants par exemple pourrait être
limitée par la demande alimentaire grandissante à l’échelle
dont la mise en application dépendra fort par le Conseil européen, le gaz restera vrai- mondiale.
de la volonté politique des dirigeants euro- semblablement avec les autres énergies fos- (32) On ne sait si la réduction de 20 % doit se calculer à par-
péens, ainsi que d’autres facteurs (31). siles (pétrole et charbon) une composante tir des niveaux actuels, des niveaux projetés pour 2020, ou
L’objectif de réduction des émissions de gaz essentielle du bouquet énergétique de d’une année de référence dans le passé, comme 1990 dans le
cas du protocole de Kyoto.
à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, et de l’Union européenne dans les années à venir.
(33) Plan d’action du Conseil européen (2007-2009), « Une
30 % si les autres pays développés s’asso- On pourrait toutefois assister à un arbitrage politique énergétique pour l’Europe », mars 2007, p. 21.
cient à l’effort, est formulé de manière complexe entre différentes sources d’éner- (34) De 1971 à 2002,chaque point-pourcent de croissance du
vague (32) et pourrait bien ne jamais être gie, prenant en compte des facteurs aussi PIB mondial calculé aux parités du pouvoir d’achat a été
accompagné d’une croissance de la demande en énergie de
atteint. En revanche, les objectifs en matière divers que les coûts et l’efficacité, la sensibi- 0,6 % (Shafranik, 2006, p. 50).
d’énergies renouvelables et de biocarburants lité aux prix du combustible, la dépendance (35) Communication de la Commission européenne « Création
adoptés par le Conseil sont contraignants aux importations, les réserves mondiales d’un marché mondial du carbone », COM (2006) 676,
(33). Une fois qu’ils seront fixés pays par disponibles et les émissions de CO2. Le gaz 13 novembre 2006.
pays, ils auront force de loi et les États qui est comparativement le plus avantageux des (36) La libéralisation du marché de l’électricité a créé un essor
des centrales à gaz, moins chères à financer, et de ce fait favo-
ne les respectent pas pourront se voir impo- combustibles fossiles, ce qui explique risées par le secteur privé.« Liberal markets create addiction to
ser des amendes (Blakey, 2007, pp.2-3). d’ailleurs sa présence croissante dans le bou- gas », Financial Times, 2 février 2007.

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Cela pourrait considérablement modifier diplomatie énergétique. Ici, les intérêts et les Seconde Guerre mondiale. Cependant, si la
les rapports de force entre Bruxelles et instruments de Bruxelles et de Moscou sont construction européenne a permis un rap-
Moscou. divergents. Toutefois, leur politique a ceci prochement spectaculaire entre Paris et
en commun qu’elle est limitée par des inté- Bonn, cette dynamique des petits pas sur
rêts conflictuels au sein même des structures des questions concrètes semble ne pas fonc-
décisionnelles et par la lourdeur des inves-
CONCLUSION tionner entre Bruxelles et Moscou. Cela
tissements à consentir pour diversifier les
tient peut-être à l’éloignement des percep-
sources d’approvisionnement. Le troisième
Avec la teinte politique qu’il a récemment tions, des modes de fonctionnement et des
niveau est celui de la lutte contre les chan-
acquise, le gaz naturel a pris une place cen- valeurs. On est ainsi tenté de constater
gements climatiques. Dans ce domaine en
trale dans les relations entre l’UE et la qu’en dépit de sa place centrale, la dimen-
plein essor, plusieurs convergences existent
Russie. L’enjeu se situe à trois niveaux. Le sion gazière et l’interdépendance qui la
entre les politiques de Bruxelles et Moscou.
premier est celui de l’ouverture des marchés
caractérise ne sont pas à même d’influencer
ou du maintien des monopoles, en Russie En dépit d’une dépendance mutuelle appe-
lée à perdurer et d’une certaine commu- le reste des relations entre l’Union euro-
comme dans l’Union européenne. La ligne
de fracture est complexe, et pour l’heure, en nauté d’intérêts, la relation UE-Russie est péenne et la Russie. Il semble plutôt que la
dépit d’un soutien rhétorique, l’ouverture caractérisée par une absence de confiance. dimension gazière soit simplement fonction
des marchés a bien du mal à se faire une On pourrait y voir un parallèle avec la rela- de l’ensemble des relations entre Bruxelles
place. Le deuxième niveau est celui de la tion franco-allemande au lendemain de la et Moscou ■

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