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Introduction.
Pourquoi ce sujet ?
Cet exposé s’insère dans le cycle de six rencontres autour de la simplicité volontaire,
organisé par l’association toulousaine d’éducation populaire La Vie Nouvelle. Au trimestre
précédent nous avons abordé la simplicité volontaire sous l’angle des besoins fondamentaux,
du désir et de la conception du bonheur de l’être humain. Le prochain trimestre nous
aborderons la problématique du sens et la dimension spirituelle. Ce soir c’est la dimension
relationnelle qui nous intéresse.
Alors qu’une croissance de consommations matérielles s’est accompagnée le plus
souvent d’une décroissance des relations interpersonnelles, et d’une dégradation du
lien social, nous nous interrogeons ce soir si la réciproque peut être vraie. Autrement
dit, notre sobriété consumériste et notre choix volontaire d’un mode de vie plus
simple n’a-t-il pas comme corolaire (ou comme condition, ou les deux à la fois) une
revitalisation des rencontres entre personnes, qui serait la porte ouverte à plus de
reconnaissance réciproque, plus de solidarité, et pourquoi pas plus de fraternité.
Ce thème de la fraternité, nous interpelle particulièrement en tant que français
puisqu’il est inscrit au fronton de nos mairies et fait partie du socle des valeurs républicaines.
Nous allons le détailler à la lueur de deux ouvrages récents, celui de Régis Debray 1 « le
moment fraternité » et celui de Jacques Attali 2 « fraternités ». Et nous croiserons ces
analyses avec ce qu’en dit Jean-Baptiste de Foucauld 3 dans « L’abondance frugale », et ce qu’il
nous en a dit dans notre rencontre du 9 janvier 2011 à Toulouse.
Ces réflexions sur la simplicité volontaire sont le fruit d’échanges depuis quelques
années au sein du mouvement fédéral La Vie Nouvelle et de sa revue « Citoyens », qui lui a
consacré un numéro spécial, et aussi plus particulièrement d’un atelier toulousain de
réflexions dénommé OASIS (osons adopter la simplicité solidaire) qui organise ce cycle de
conférences et d’ateliers participatifs.
1
R. Debray, « Le moment Fraternité », Ed. Gallimard, 2009
2
J. Attali, « Fraternités – une nouvelle utopie », Ed. Fayard, 1999
3
JB. De Foucauld, « L’abondance frugale – pour une nouvelle solidarité », Ed. Odile Jacob, 2010
1
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Plan
Définitions
SV accessible
SV libératrice
SV souple et personnalisée
2/ qu’appelle-t-on fraternité ?
Définition
Approche de JB de Foucaud
Approche de Debray
Approche d’Attali
Distinctions
lien social/rencontres/réseausocial/convivialité/fraternité/reconnaissance
2
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Quelle définition ?
Depuis les années 1980 émergent divers courants en Amérique du nord puis en Europe
autour d’un nouvel art de vivre inspiré du refus de la surconsommation, que nous englobons ici
sous le terme plus général de simplicité volontaire.
Ainsi Dominique Boisvert4 recense les expressions suivantes :
vivre mieux avec moins, décroissance durable, mouvement « slow », frugalité,
austérité joyeuse (Ivan Illich), sobriété heureuse (Pierre Rabhi),
travailler moins pour vivre plus, objecteurs de croissance, décroissance, etc …
Ces divers vocables recouvrent certes des nuances dans l’approche, mais sont relativement
cohérents sur le fond, pour ce qui nous intéresse ici.
On peut définir cette démarche par la négative, dire ce qu’elle n’est pas, comme le fait
Dominique Boisvert,
« la simplicité volontaire n’est ni une religion, ni un parti politique.
Il n’y a ni dogme, ni programme, ni règlement ».
Ou bien la définir positivement comme le fait Paul Ariès (politologue, écrivain) :
« Pratiquer la simplicité volontaire, c’est choisir de vivre autrement,
plus frugalement avec moins de consommation, moins de technologies,
moins de vitesse, moins de soumission à des normes.
C’est avant tout faire le choix du souhaitable et du désirable,
afin de rompre avec le mythe du « toujours plus »,
de la croissance et de la consommation devenue addiction. »
C’est une philosophie de vie qui fait appel à la conscience et la réflexion dans l’acte
même de consommer.
Conscience qu’au-delà d’un certain seuil de confort ma satisfaction est suffisante à
mon épanouissement et à mon bonheur.
Réflexion sur la justice d’un certain niveau de partage des ressources, sur la prise en
compte des générations futures, sur le non sens de réduire la biodiversité.
Autrement dit, introduction d’un jugement éthique sur les conséquences de mes actes
(impact écologique, impact social), préalablement à une décision économique, habituellement
basée sur mon pouvoir d’achat, la qualité du produit ou du service.
Cette démarche personnelle invite à mieux se connaître et cultive une conscience plus
affinée de la nature de mes désirs, et leur hiérarchie.
Distinguer par exemple,
ceux qui touchent à mon être profond, au sens de mon existence, à ma singularité,
de ceux plus superficiels liés au paraître, au mimétisme social, à la rivalité,
ou de ceux carrément induits par le conformisme ou la publicité.
4
Dominique Boisvert, « l’ABC de la simplicité volontaire » _ éditions écosociété _ 2005
3
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« quand on s'engage volontairement sur cette voie alors qu'on sait qu'on pourrait faire
autrement, on domine la situation au lieu d'être dominé par elle. Si la direction que l'on
prend ne convient plus à un certain moment, il y est toujours possible de la rectifier. Ce
n'est pas une décision irrévocable, relevant d'un radicalisme qui interdit quelque
concession que ce soit, ou d'une règle rigide de laquelle on ne peut jamais déroger.»
Cet aspect de la simplicité est souvent résumé par le slogan : moins de biens, plus de liens.
C’est cette dimension de lien social qu’au sein du groupe OASIS, nous avons voulu
développer ici, en utilisant notre spécificité française de référence symbolique à la
fraternité.
Adopter la simplicité volontaire ce n’est pas seulement réaménager son quotidien
personnel par de petites recettes pratiques. C’est aussi au fil du cheminement
reconsidérer sa relation à son environnement social.
D’ailleurs notre référence au bonheur, par lequel nous avons commencé ce cycle
sur la simplicité volontaire, n’implique-t-elle pas
à coté des gestes concrets, indispensables,
aussi notre relation aux autres,
et le sens que nous cherchons à donner à notre vie ?
5
Paul Ariés, « la décroissance, un nouveau projet politique », Ed. Golias, 2008
6
Serge Mongeau, « la simplicité plus que jamais », Ecosociété, p235-236
4
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2/ qu’appelle-t-on fraternité ?
Définition
La liberté et l’égalité apparaissent comme des droits, de caractère individuel,
alors que fraternité est de l’ordre d’un statut, « un droit par-dessus le droit » dira
Michelet. Elle apporte une verticalité, une référence supérieure, lorsque la liberté et
l’égalité entrent en conflit. Ce qui dans la vie sociale est beaucoup plus fréquent qu’on
ne l’imagine.
Par exemple, la liberté d‘acheter et de vendre sans contrainte aucune, produit à
terme des inégalités croissantes, qui contraignent à leur tour la liberté des plus
démunis. Cette opposition, cette tension de principe, quasi-permanente, entre liberté
et égalité a été particulièrement détaillée par Attali, nous y reviendrons plus loin.
7
P 170
5
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La fraternité n’est pas seulement un concept théorique, elle s’incarne dans des
gestes, dans des regards, dans un face à face avec l’autre, dans une rencontre
charnelle. Il y a un coté affectif, une reconnaissance réciproque, une acceptation de
l’autre comme faisant partie d’une même humanité, au-delà des différences et des
barrières culturelles.
Elle se révèle souvent dans les difficultés, face à l’adversité, lorsque le danger
menace, ou qu’un défi ambitieux est à relever. Les circonstances peuvent être
extrêmes, comme lorsque Saint-Exupéry s’adresse au Bédouin qui le sauve dans le
désert de Libye, en disant : « Tu es l’Homme et tu m’apparais avec le visage de tous
les hommes à la fois. Tu es le frère bien aimé ».
Au-delà des cas dramatiques, elle est ritualisée socialement, comme le souligne
Régis Debray, par exemple dans la fête, le banquet, la chorale ou le serment. Car
qu’est-ce qu’un serment sinon une promesse d’indivision, par laquelle un individu lie son
sort à celui d’une communauté, qu’il contribue à fonder par ce geste.
Mais ces circonstances d’expérimenter la fraternité peuvent être relativement
banales et beaucoup plus fréquentes, dans le sport par exemple, dans l’engagement
associatif ou social, syndical ou politique, dans l’aide à la personne, dans le soutien aux
exclus, aux SDF, aux sans papiers, à la soupe populaire …
Elle nous attend au coin de la rue, et la question qu’on peut se poser, chacun
pour soi, c’est pourquoi on ne la pratique pas davantage.
8
La méthode _ Ethique _ 2004
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Tradition et rupture
Pour JB De Foucauld le terme de fraternité recouvre à la fois une tradition et un
moment de rupture. Il existe des expériences et des moments forts et fondateurs de
fraternité où les individus s’oublient et s’unissent dans un effort collectif, ou face à une
menace commune.
Victor Hugo l’évoque en parlant de la commune de Paris :
« Quand chacun se donne à tous et nul se songe à soi ».
Les ambigüités
Il faut cependant se garder d’idéaliser, de supposer que la fraternité équivaut au bien.
La fraternité peut être immorale, une mafia être très fraternelle.
Il y a des fraternités qui « grégarisent » les individus, les fondent dans le groupe, pas
forcément pour le bien. Inversement, il y a des fraternités qui fondent la personne, qui la
mettent debout, la responsabilisent, comme aurait dit Emmanuel Mounier, philosophe du
Personnalisme.
Les difficultés
Comment faire durer la fraternité, au-delà de l’instant magique, de l’enthousiasme qui
l’a vu naître ? Comment l’institutionnaliser, la faire vivre dans une tradition, dans la durée,
alors qu’elle ne se décrète pas, ne se mesure pas, ne se contrôle pas.
Comment dépasser la juxtaposition d’une quantité de fraternités « minuscules » de
type communautariste, pour fonder durablement une fraternité « majuscule » qui les englobe
toutes et leur assure une clef de voute ?
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Même sans sympathie particulière pour l’auteur, on peut être intrigué par le titre de
l’ouvrage : « Fraternités (au pluriel) – une nouvelle utopie ». La curiosité est récompensée par
l’approche originale. On passe vite sur la description apocalyptique de l’évolution prévisible de
la société mondiale soumise à la tyrannie des marchés, pour découvrir une réhabilitation de la
fonction de l’utopie, si souvent décriée.
Attali sans complexe, réécrit l’histoire de l’humanité à travers les quatre utopies qui
selon lui ont gouverné le monde : utopie de l’éternité, puis de la liberté, de l’égalité, et enfin
de la fraternité. Il décrit à grands traits les échecs et impasses des trois premières, en
appelant de ses vœux l’émergence de la quatrième.
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Enfin pour terminer ce petit parcours sur les différents aspects de la fraternité, je ne
peux pas ne pas évoquer que c’est le nom donné aux petits groupes de La Vie Nouvelle, dont le
but est d’échanger sur les évènements importants de sa vie, dans l’intimité, la confiance et la
réciprocité.
Ce point fait écho aux propos de JB De Foucauld dans sa conférence au GREP du 8
janvier dernier à Toulouse, où il définissait quatre éléments permettant de donner du sens à
son engagement social, en particulier :
« Des relations avec un petit groupe, de pairs et d’amis, avec lesquels on peut
échanger, être authentique et profond ».
C’est une forme de lien, assez rare à notre époque pour ne pas être mentionnée ici.
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Dans l’abondance frugale De Foucauld souligne que les besoins relationnels, en dehors
du travail, s’expriment principalement dans la famille, la vie associative, l’amitié, la
convivialité. Leur satisfaction fait appel à diverses activités mais qui diffèrent du travail par
deux traits essentiels : elles ne sont pas rémunérées en argent et les normes productives
sont fixées par les personnes elles- mêmes, et non par des tiers.
De ce fait, elles lient les personnes par des jeux de créances et de dettes. Par
exemple, on donne à ses enfants en les élevant, ils ont une dette envers leurs parents, qu’ils
honoreront un jour ou l’autre, sous une forme ou sous une autre, en tout cas sous la forme
qu’ils décideront. Ce n’est pas un contrat. C’est cette dette, le fait d’être en situation de
créancier et de débiteur, qui nous oblige et qui fait lien.
Une grande partie de notre vie est consacrée au fait que l’on donne, que l’on reçoit et
que l’on rend. Et notre vie relationnelle fonctionne largement sur ce schéma anthropologique
de base que l’ambiance utilitariste et individualiste a recouvert d’un voile opaque. Et c’est
peut-être la part la plus importante de nous-mêmes, qui est ainsi occultée, ainsi d’ailleurs
qu’un autre rapport au temps, différent de celui qui prévaut dans le temps productif.
Toutes ces occasions de rencontre peuvent bien sûr, en rester à un niveau superficiel,
ne pas déboucher sur de la convivialité durable, ou de des relations amicales, selon les atomes
crochus en présence, mais ils construisent une confiance, qui est un élément indispensable de
la fraternité, pas le seul comme on l’a vu précédemment.
Les sociologues qui s’intéressent aux phénomènes de reconnaissance sociale,
distinguent généralement trois sphères :
1. la sphère publique qui garantit le respect de soi,
2. la sphère sociale qui construit l’estime de soi,
3. la sphère affective qui débouche sur l’amour de soi.
Selon cette grille, la simplicité volontaire, en tissant des liens, interagirait principalement
dans la sphère sociale, alors que, comme on l’a vu, la fraternité est plus complexe, avec des
interférences possibles dans les trois sphères, puisqu’elle déborde sur l’intime et sur le
politique.
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C’est là qu’on peut introduire une distinction entre simplicité et décroissance. Une
enquête très intéressante a été menée en août 2008 par Anne Hurand étudiante d’HEC,
autour de la question : comment vivre la décroissance dans une société de croissance ? Elle a
interviewé un échantillon d’ « objecteurs de croissance », en lien avec des réseaux militants
associatifs locaux, vivant à Paris, Lyon et Toulouse. Il en ressort qu’un niveau d’engagement
plus radical, plus collectif, plus politique, que la simplicité volontaire, est praticable en milieu
urbain (et pas seulement à la campagne).
Ces objecteurs de croissance s’encouragent mutuellement à réduire leur empreinte
écologique, et leurs déchets, ils tentent de se concentrer sur l’essentiel, et de se
réapproprier leur vie, de vivre concrètement en cohérence avec leurs idées, ceci dans une
réelle convivialité et une militance active.
9
S. Mongeau : « la simplicité plus que jamais », Ed. écosociété, Montréal, 1998
10
T. Verhelst : « Des racines pour l’avenir – cultures et spiritualités dans un monde en feu », Ed. L’Harmattan
11
C. Arnsperger : « Ethique de l’existence post-capitaliste – pour un militantisme existentiel », Ed. Cerf
12
E. Morin : « une politique de civilisation » avec Sami Naïr, Ed Arléa, 1997
« La voie. Pour l’avenir de l’humanité », Ed. Fayard, 2011
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Premier trimestre :
Deuxième trimestre :
Simplicité et fraternité
Qu’est-ce que la Fraternité, et en quoi se distingue-t-elle de la solidarité ?
Ne faut-il pas revenir sur la dégradation du lien social ? Moins de biens, plus de lien …
La recherche d’une vie « plus simple » est-elle nécessaire à la construction d’un monde plus fraternel ?
Simplicité et fraternité
Choisir de vivre la simplicité dans le monde inégalitaire d’aujourd‘hui m’incite-t-il à m’insérer dans des
réseaux de solidarité et à considérer la « fraternité » comme une valeur essentielle ?
troisième trimestre :
Simplicité et spiritualité
Quelle relation entre ma volonté de vivre simplement et mes aspirations et/ou pratiques spirituelles ?
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