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Simplicité volontaire et Fraternité


Qu'est-ce que la Fraternité, et en quoi se distingue-t-elle de la solidarité ?
Ne faut-il pas revenir sur la dégradation du lien social, autrement dit moins de biens, et plus
de lien ? La recherche d'une vie « plus simple » est-elle nécessaire à la construction d'un
monde plus fraternel ?

Conférence du 27 janvier 2011 à la maison de la Philosophie de Toulouse.


Jean-Claude Boutemy
jean.claude.boutemy@libertysurf.fr

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Introduction.

Pourquoi ce sujet ?
Cet exposé s’insère dans le cycle de six rencontres autour de la simplicité volontaire,
organisé par l’association toulousaine d’éducation populaire La Vie Nouvelle. Au trimestre
précédent nous avons abordé la simplicité volontaire sous l’angle des besoins fondamentaux,
du désir et de la conception du bonheur de l’être humain. Le prochain trimestre nous
aborderons la problématique du sens et la dimension spirituelle. Ce soir c’est la dimension
relationnelle qui nous intéresse.
Alors qu’une croissance de consommations matérielles s’est accompagnée le plus
souvent d’une décroissance des relations interpersonnelles, et d’une dégradation du
lien social, nous nous interrogeons ce soir si la réciproque peut être vraie. Autrement
dit, notre sobriété consumériste et notre choix volontaire d’un mode de vie plus
simple n’a-t-il pas comme corolaire (ou comme condition, ou les deux à la fois) une
revitalisation des rencontres entre personnes, qui serait la porte ouverte à plus de
reconnaissance réciproque, plus de solidarité, et pourquoi pas plus de fraternité.
Ce thème de la fraternité, nous interpelle particulièrement en tant que français
puisqu’il est inscrit au fronton de nos mairies et fait partie du socle des valeurs républicaines.
Nous allons le détailler à la lueur de deux ouvrages récents, celui de Régis Debray 1 « le
moment fraternité » et celui de Jacques Attali 2 « fraternités ». Et nous croiserons ces
analyses avec ce qu’en dit Jean-Baptiste de Foucauld 3 dans « L’abondance frugale », et ce qu’il
nous en a dit dans notre rencontre du 9 janvier 2011 à Toulouse.
Ces réflexions sur la simplicité volontaire sont le fruit d’échanges depuis quelques
années au sein du mouvement fédéral La Vie Nouvelle et de sa revue « Citoyens », qui lui a
consacré un numéro spécial, et aussi plus particulièrement d’un atelier toulousain de
réflexions dénommé OASIS (osons adopter la simplicité solidaire) qui organise ce cycle de
conférences et d’ateliers participatifs.

1
R. Debray, « Le moment Fraternité », Ed. Gallimard, 2009
2
J. Attali, « Fraternités – une nouvelle utopie », Ed. Fayard, 1999
3
JB. De Foucauld, « L’abondance frugale – pour une nouvelle solidarité », Ed. Odile Jacob, 2010

1
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Plan

1/ petit rappel des grands principes de la simplicité volontaire.

Définitions

SV accessible

SV libératrice

SV souple et personnalisée

SV ouverte sur les relations

2/ qu’appelle-t-on fraternité ?

Historique de la devise républicaine

Définition

Distinction fraternité / solidarité

Approche de JB de Foucaud

Approche de Debray

Approche d’Attali

Sens de fraternité à La Vie Nouvelle

3/ rapport de la simplicité et du lien social

Moins de biens, plus de liens, c’est sur

Distinctions

lien social/rencontres/réseausocial/convivialité/fraternité/reconnaissance

Retour sur simplicité volontaire et changement social

Retour sur fraternités et besoin d’utopie

2
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1/ petit rappel des grands principes de la simplicité volontaire.

Quelle définition ?
Depuis les années 1980 émergent divers courants en Amérique du nord puis en Europe
autour d’un nouvel art de vivre inspiré du refus de la surconsommation, que nous englobons ici
sous le terme plus général de simplicité volontaire.
Ainsi Dominique Boisvert4 recense les expressions suivantes :
vivre mieux avec moins, décroissance durable, mouvement « slow », frugalité,
austérité joyeuse (Ivan Illich), sobriété heureuse (Pierre Rabhi),
travailler moins pour vivre plus, objecteurs de croissance, décroissance, etc …
Ces divers vocables recouvrent certes des nuances dans l’approche, mais sont relativement
cohérents sur le fond, pour ce qui nous intéresse ici.

On peut définir cette démarche par la négative, dire ce qu’elle n’est pas, comme le fait
Dominique Boisvert,
« la simplicité volontaire n’est ni une religion, ni un parti politique.
Il n’y a ni dogme, ni programme, ni règlement ».
Ou bien la définir positivement comme le fait Paul Ariès (politologue, écrivain) :
« Pratiquer la simplicité volontaire, c’est choisir de vivre autrement,
plus frugalement avec moins de consommation, moins de technologies,
moins de vitesse, moins de soumission à des normes.
C’est avant tout faire le choix du souhaitable et du désirable,
afin de rompre avec le mythe du « toujours plus »,
de la croissance et de la consommation devenue addiction. »

C’est une philosophie de vie qui fait appel à la conscience et la réflexion dans l’acte
même de consommer.
Conscience qu’au-delà d’un certain seuil de confort ma satisfaction est suffisante à
mon épanouissement et à mon bonheur.
Réflexion sur la justice d’un certain niveau de partage des ressources, sur la prise en
compte des générations futures, sur le non sens de réduire la biodiversité.
Autrement dit, introduction d’un jugement éthique sur les conséquences de mes actes
(impact écologique, impact social), préalablement à une décision économique, habituellement
basée sur mon pouvoir d’achat, la qualité du produit ou du service.

Cette démarche personnelle invite à mieux se connaître et cultive une conscience plus
affinée de la nature de mes désirs, et leur hiérarchie.
Distinguer par exemple,
ceux qui touchent à mon être profond, au sens de mon existence, à ma singularité,
de ceux plus superficiels liés au paraître, au mimétisme social, à la rivalité,
ou de ceux carrément induits par le conformisme ou la publicité.

4
Dominique Boisvert, « l’ABC de la simplicité volontaire » _ éditions écosociété _ 2005

3
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Quelques traits caractéristiques de la simplicité volontaire :

• Démarche individuelle, accessible dès à présent. Nul besoin d’attendre un contexte


extérieur plus favorable, un changement de société. La décision nous appartient
totalement, nous pouvons la prendre ici et maintenant.

• Cette conscientisation est libératrice. Elle évite la consommation compulsive, et


penser par soi même libère, accroît la confiance en soi, l’estime de soi. Paradoxalement
là où l’on craignait une frustration, on expérimente une libération. Paul Ariès 5 parle à
ce propos d’une décolonisation de l’imaginaire.

• C’est une démarche souple et personnalisée. Serge Mongeau précise6 :

« quand on s'engage volontairement sur cette voie alors qu'on sait qu'on pourrait faire
autrement, on domine la situation au lieu d'être dominé par elle. Si la direction que l'on
prend ne convient plus à un certain moment, il y est toujours possible de la rectifier. Ce
n'est pas une décision irrévocable, relevant d'un radicalisme qui interdit quelque
concession que ce soit, ou d'une règle rigide de laquelle on ne peut jamais déroger.»

• Démarche ouverte sur les relations de proximité et la convivialité.


Etre capable de différer un achat, de prendre le temps de la réflexion,
d’imaginer de faire autrement, par exemple de mutualiser la possession d’un objet
et d’en partager l’usage, peut être aussi l’occasion de créer des liens supplémentaires,
entre voisins ou amis, porte ouverte à la convivialité.

Cet aspect de la simplicité est souvent résumé par le slogan : moins de biens, plus de liens.

C’est cette dimension de lien social qu’au sein du groupe OASIS, nous avons voulu
développer ici, en utilisant notre spécificité française de référence symbolique à la
fraternité.
Adopter la simplicité volontaire ce n’est pas seulement réaménager son quotidien
personnel par de petites recettes pratiques. C’est aussi au fil du cheminement
reconsidérer sa relation à son environnement social.

D’ailleurs notre référence au bonheur, par lequel nous avons commencé ce cycle
sur la simplicité volontaire, n’implique-t-elle pas
à coté des gestes concrets, indispensables,
aussi notre relation aux autres,
et le sens que nous cherchons à donner à notre vie ?

5
Paul Ariés, « la décroissance, un nouveau projet politique », Ed. Golias, 2008
6
Serge Mongeau, « la simplicité plus que jamais », Ecosociété, p235-236

4
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2/ qu’appelle-t-on fraternité ?

Le terme même de fraternité recouvre bien des ambigüités. Il a suscité dans le


passé et encore aujourd’hui polémiques et méfiance. Attali note7 : « Depuis que la
Révolution l’a introduite presque par effraction dans la devise de la France, elle avait
pourtant presque disparu. La plupart des révolutionnaires des XIXe et XXe siècles
l’ont considérée comme un concept flou, naïf, tout juste bon pour les chrétiens, les
francs-maçons ou les imbéciles. En tout cas réservé à ceux qui ne comprennent pas
que le bonheur ne se gagne et ne se protège qu’à coup de grèves ou de fusils ».
Je vais essayer, très modestement, d’y apporter quelques lumières.

Historique de la devise républicaine


Sans remonter aux grands mythes fondateurs, qui font du frère le trop
semblable, le rival et pire ennemi, producteur d’une haine qui débouche sur un
meurtre, limitons nous à ce qui concerne notre devise nationale.
En 1789, la fraternité a la cote, la réunion des états généraux vise à une « union
fraternelle » des trois ordres ; l’année suivante La Fayette dans son serment du
Champs-de-Mars propose « d’unir tous les français par les liens indissolubles de la
fraternité » et de « regarder tous les peuples comme des frères ».
Ces déclarations généreuses n’empêchent pas cependant le processus
révolutionnaire de basculer dans la terreur, puis l’empire. Le triple slogan ne
réapparait qu’en 1849 dans le préambule de la constitution, puis re-disparaît sous le
second empire, pour n’être réintégrée qu’en 1880, après huit ans de débats à la
chambre des députés.
La fraternité n’est donc évidente, ni dans son application, chacun le sait bien, ni
même dans son principe.

Définition
La liberté et l’égalité apparaissent comme des droits, de caractère individuel,
alors que fraternité est de l’ordre d’un statut, « un droit par-dessus le droit » dira
Michelet. Elle apporte une verticalité, une référence supérieure, lorsque la liberté et
l’égalité entrent en conflit. Ce qui dans la vie sociale est beaucoup plus fréquent qu’on
ne l’imagine.
Par exemple, la liberté d‘acheter et de vendre sans contrainte aucune, produit à
terme des inégalités croissantes, qui contraignent à leur tour la liberté des plus
démunis. Cette opposition, cette tension de principe, quasi-permanente, entre liberté
et égalité a été particulièrement détaillée par Attali, nous y reviendrons plus loin.

7
P 170

5
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La fraternité n’est pas seulement un concept théorique, elle s’incarne dans des
gestes, dans des regards, dans un face à face avec l’autre, dans une rencontre
charnelle. Il y a un coté affectif, une reconnaissance réciproque, une acceptation de
l’autre comme faisant partie d’une même humanité, au-delà des différences et des
barrières culturelles.
Elle se révèle souvent dans les difficultés, face à l’adversité, lorsque le danger
menace, ou qu’un défi ambitieux est à relever. Les circonstances peuvent être
extrêmes, comme lorsque Saint-Exupéry s’adresse au Bédouin qui le sauve dans le
désert de Libye, en disant : « Tu es l’Homme et tu m’apparais avec le visage de tous
les hommes à la fois. Tu es le frère bien aimé ».
Au-delà des cas dramatiques, elle est ritualisée socialement, comme le souligne
Régis Debray, par exemple dans la fête, le banquet, la chorale ou le serment. Car
qu’est-ce qu’un serment sinon une promesse d’indivision, par laquelle un individu lie son
sort à celui d’une communauté, qu’il contribue à fonder par ce geste.
Mais ces circonstances d’expérimenter la fraternité peuvent être relativement
banales et beaucoup plus fréquentes, dans le sport par exemple, dans l’engagement
associatif ou social, syndical ou politique, dans l’aide à la personne, dans le soutien aux
exclus, aux SDF, aux sans papiers, à la soupe populaire …
Elle nous attend au coin de la rue, et la question qu’on peut se poser, chacun
pour soi, c’est pourquoi on ne la pratique pas davantage.

Distinction fraternité / solidarité


La tentation est vivace encore aujourd’hui de confondre les deux termes, ou de
préférer le terme de solidarité, plus neutre, moins connoté d’inspiration judéo-
chrétienne. C’est déjà ce qui faisait débat vers 1880, période d’élaboration de la
laïcité à la française, et de mise à la mode du solidarisme.
La solidarité aujourd’hui caractérise davantage l’action concrète, la procédure,
l’institution, le geste technique, l’intention politique. Elle est plus objective, plus
visible, plus quantifiable, plus administrative. Elle relève des analyses des sciences
sociales et des statistiques. On peut être solidaire sans se sentir frère.
La fraternité reste plus charnelle, plus affective, plus personnalisée, plus du
coté d’un statut, d’une reconnaissance, d’une considération, d’une réciprocité, et
semble plus exigeante. Elle semble relever davantage d’une métaphysique et d’une
expérience sensible d’ouverture à l’altérité (Levinas). Edgar Morin8 place la fraternité
au cœur de l’éthique de la reliance et de la compréhension.

8
La méthode _ Ethique _ 2004

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Approche de Jean-Baptiste de Foucaud

Tradition et rupture
Pour JB De Foucauld le terme de fraternité recouvre à la fois une tradition et un
moment de rupture. Il existe des expériences et des moments forts et fondateurs de
fraternité où les individus s’oublient et s’unissent dans un effort collectif, ou face à une
menace commune.
Victor Hugo l’évoque en parlant de la commune de Paris :
« Quand chacun se donne à tous et nul se songe à soi ».

Les ambigüités
Il faut cependant se garder d’idéaliser, de supposer que la fraternité équivaut au bien.
La fraternité peut être immorale, une mafia être très fraternelle.
Il y a des fraternités qui « grégarisent » les individus, les fondent dans le groupe, pas
forcément pour le bien. Inversement, il y a des fraternités qui fondent la personne, qui la
mettent debout, la responsabilisent, comme aurait dit Emmanuel Mounier, philosophe du
Personnalisme.

Les difficultés
Comment faire durer la fraternité, au-delà de l’instant magique, de l’enthousiasme qui
l’a vu naître ? Comment l’institutionnaliser, la faire vivre dans une tradition, dans la durée,
alors qu’elle ne se décrète pas, ne se mesure pas, ne se contrôle pas.
Comment dépasser la juxtaposition d’une quantité de fraternités « minuscules » de
type communautariste, pour fonder durablement une fraternité « majuscule » qui les englobe
toutes et leur assure une clef de voute ?

Pourquoi si peu de fraternité par rapport aux demandeurs d’emploi ?


Pourquoi sommes nous si lacunaires, si dans la fuite ? Les demandeurs d’emploi ont peu
d’occasion de parler, de dire leur souffrance. L’association SNC (solidarités nouvelles face au
chômage) essaie d’assumer ce chainon manquant.

L’ODAS (observatoire de la décentralisation de l’action sociale) organise des ateliers


du vivre ensemble, et a lancé un appel à la fraternité, déjà signé par 700 maires (sur 36000).
Cette initiative répond au besoin de faire vivre la fraternité, durablement et pas seulement
ponctuellement, de l’incarner dans des institutions justes et stables, non pas en systèmes
figés mais en construction permanente.
Pour sortir des schémas angéliques, il précise que la fraternité, comme la démocratie,
pour avoir du sens doit mettre en œuvre quatre éléments en interaction constante : de
l’initiative, de la coopération, du conflit, et des règles pour les surmonter.

7
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Approche de Régis Debray

Pour revaloriser la fraternité de la devise républicaine, recréer un « nous » à partir du


« on » R. Debray s’appuie sur les droits de l’homme, en tant que valeur sacralisée et reconnue,
au sein de la nation.
Il s’attache à définir le mode d’emploi de la fraternité, « cette vertu difficile et
ambiguë, qui loin d’avoir son avenir derrière elle, pourrait bien devenir un moteur de
modernité. Voire même, car elle n’est pas tendre, un tigre dans le moteur ». Pour lui, une
fraternité est une famille non pas dénaturée mais transnaturée.

La lecture de son ouvrage « le moment fraternité » est un régal de culture et de belles


phrases bien frappées, d’autant plus difficiles à résumer, en même temps qu’une analyse
historique sans concession. Son approche est plutôt anthropologique et politique, il commence
par redéfinir le sacré, de façon large. Puis viennent les droits de l’homme, comme crépuscule
d’une religion. Et enfin le travail de fraternité dont il se plait à décrire les ambivalences et à
identifier les gardes fous nécessaires.

Quatre constats jalonnent son texte.


1_ Là où fonctionne une fraternité, il faut un « fratriarche ». Et dès qu’il n’y en a plus,
ou qu’il y en a trop, elle ne fonctionne plus.
2_ Ceux ou celles qui nouent entre eux des liens fraternels coupent plus ou moins ceux
qui les liaient au reste du monde. Ce retranchement va par degrés, du discret au secret.
3_ Les communautés fraternelles, naissant de l’adversité, ont de la peine à se passer
d’adversaires. La concorde qu’elles instaurent à l’intérieur, symbolisée par le baiser de paix, a
pour envers une discorde entretenue pour l’extérieur.
4_ Là où il y a du commun et qui dure, il y a du qui surpasse, et si plus rien ne surpasse,
il n’y a plus rien de durable ni de commun.

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Approche de Jacques Attali

Même sans sympathie particulière pour l’auteur, on peut être intrigué par le titre de
l’ouvrage : « Fraternités (au pluriel) – une nouvelle utopie ». La curiosité est récompensée par
l’approche originale. On passe vite sur la description apocalyptique de l’évolution prévisible de
la société mondiale soumise à la tyrannie des marchés, pour découvrir une réhabilitation de la
fonction de l’utopie, si souvent décriée.
Attali sans complexe, réécrit l’histoire de l’humanité à travers les quatre utopies qui
selon lui ont gouverné le monde : utopie de l’éternité, puis de la liberté, de l’égalité, et enfin
de la fraternité. Il décrit à grands traits les échecs et impasses des trois premières, en
appelant de ses vœux l’émergence de la quatrième.

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Il en a une définition largement ouverte : « la Fraternité consiste à trouver du plaisir


dans tout ce qui a vécu, vit ou vivra. Un altruisme universel qui s’adresse à l’autre, et à tous
les autres ». Pour lui, « Fraterniser c’est trouver intérêt, (plaisir et sens) à la réussite de
l’autre ».
Il explique à quel point dans tous les domaines de la vie, l’autre est nécessaire, et
comment Liberté-Egalité-Fraternité de conflictuelle prises deux à deux, s’équilibrent et se
complètent prises toutes les trois. Il disserte sur la frontière entre démocratie et marché,
et l’intérêt d’y inclure les exigences de la Fraternité.
Il croit à la multiplication des réseaux via Internet, qui incitent à la coopération plutôt
qu’à la compétition, qui permettent de donner sans perdre. Ces réseaux accompagneront un
retour d’un certain nomadisme, existentiel cette fois, où de nouvelles relations émergeront,
dans la solitude de l’errance, formant des tribus inattendues. Les familles et les couples dans
leurs formes actuelles s’en trouveront bousculés, mais de nouvelles solidarités viendront
imposer un droit à l’enfance, un devoir de parenté, reposant moins sur la biologie et davantage
sur la fraternité.
Il imagine une organisation sociale de la fraternité touchant aussi le domaine
économique, par exemple une microfinance fraternelle, sur le modèle de la Grameen bank du
Bangladesh, ou de la tontine africaine, basée sur l’entraide et la confiance réciproque. De
même, dans l’utopie de la fraternité, chacun a intérêt à ce que les autres soient en pleine
possession d’eux-mêmes, donc en bonne santé et bien formés.
Cette fraternité s’étendant non seulement aux générations présentes mais futures,
l’écologie et l’intégrité des biens publics planétaires est aussi prise en compte. Enfin Attali
expose en quoi la France, grâce à sa devise, a aussi un devoir d’exemple, et il propose pour
terminer une dizaine de mesures concrètes appliquant ces principes.

Rappelons simplement qu’un certain nombre d’expérimentations dans le secteur de


l’économie sociale et solidaire, dans l’économie coopérative, les logiciels libres, les banques
éthiques (NEF, nouvelle économie fraternelle), existent déjà et donnent du crédit à ces
visions utopiques et futuristes.

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Sens de fraternité à La Vie Nouvelle

Enfin pour terminer ce petit parcours sur les différents aspects de la fraternité, je ne
peux pas ne pas évoquer que c’est le nom donné aux petits groupes de La Vie Nouvelle, dont le
but est d’échanger sur les évènements importants de sa vie, dans l’intimité, la confiance et la
réciprocité.
Ce point fait écho aux propos de JB De Foucauld dans sa conférence au GREP du 8
janvier dernier à Toulouse, où il définissait quatre éléments permettant de donner du sens à
son engagement social, en particulier :
« Des relations avec un petit groupe, de pairs et d’amis, avec lesquels on peut
échanger, être authentique et profond ».
C’est une forme de lien, assez rare à notre époque pour ne pas être mentionnée ici.

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3/ rapport de la simplicité et du lien social

Moins de biens, plus de liens, c’est sur :

D’abord quelques exemples concrets :


Mutualiser la possession et partager l’usage : peut se faire pour les transports
(covoiturage), pour des outils (bricolage, jardinage), pour des équipements domestiques
(ustensiles de cuisine, machine à laver, congélateur, accessoires pour bébés), pour des livres,
des disques, des vêtements, des meubles, des chambres d’amis, des jouets, … toutes ces
occasions sont bonnes pour tisser des liens entre voisins ou amis, se voir, se parler, se rendre
des services, faire plus ample connaissance, découvrir l’autre.
Contrairement à la publicité qui nous incite à l’autarcie, à chacun chez soi avec tout
l’équipement, l’acceptation d’un certain degré de dépendance, est une opportunité de
rencontre. C’est souvent à travers de petits gestes, que l’on s’apprivoise, que l’on construit
une confiance réciproque, que l’on renforce un sentiment de sécurité, que l’on conjure la
solitude.

Dans l’abondance frugale De Foucauld souligne que les besoins relationnels, en dehors
du travail, s’expriment principalement dans la famille, la vie associative, l’amitié, la
convivialité. Leur satisfaction fait appel à diverses activités mais qui diffèrent du travail par
deux traits essentiels : elles ne sont pas rémunérées en argent et les normes productives
sont fixées par les personnes elles- mêmes, et non par des tiers.
De ce fait, elles lient les personnes par des jeux de créances et de dettes. Par
exemple, on donne à ses enfants en les élevant, ils ont une dette envers leurs parents, qu’ils
honoreront un jour ou l’autre, sous une forme ou sous une autre, en tout cas sous la forme
qu’ils décideront. Ce n’est pas un contrat. C’est cette dette, le fait d’être en situation de
créancier et de débiteur, qui nous oblige et qui fait lien.
Une grande partie de notre vie est consacrée au fait que l’on donne, que l’on reçoit et
que l’on rend. Et notre vie relationnelle fonctionne largement sur ce schéma anthropologique
de base que l’ambiance utilitariste et individualiste a recouvert d’un voile opaque. Et c’est
peut-être la part la plus importante de nous-mêmes, qui est ainsi occultée, ainsi d’ailleurs
qu’un autre rapport au temps, différent de celui qui prévaut dans le temps productif.

Toutes ces occasions de rencontre peuvent bien sûr, en rester à un niveau superficiel,
ne pas déboucher sur de la convivialité durable, ou de des relations amicales, selon les atomes
crochus en présence, mais ils construisent une confiance, qui est un élément indispensable de
la fraternité, pas le seul comme on l’a vu précédemment.
Les sociologues qui s’intéressent aux phénomènes de reconnaissance sociale,
distinguent généralement trois sphères :
1. la sphère publique qui garantit le respect de soi,
2. la sphère sociale qui construit l’estime de soi,
3. la sphère affective qui débouche sur l’amour de soi.
Selon cette grille, la simplicité volontaire, en tissant des liens, interagirait principalement
dans la sphère sociale, alors que, comme on l’a vu, la fraternité est plus complexe, avec des
interférences possibles dans les trois sphères, puisqu’elle déborde sur l’intime et sur le
politique.

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A la question La simplicité volontaire vise-t-elle à transformer la société ? J’avais


dans mes interventions précédentes répondu « à priori non, elle n’a pas cette ambition, c’est
une démarche essentiellement personnelle, et c’est sa limite », en me fondant sur ce qu’en
disent les prophètes d’outre atlantique, comme Serge Mongeau9.
J’y ajoutais immédiatement un bémol important, à savoir que : si cette simplicité est
bien vécue et s’avère satisfaisante pour ceux qui l’osent, elle peut devenir contagieuse et
faire des émules, et donc à terme, par synergie, de proche en proche, peser sur une
transformation collective. Mais ce n’est pas un objectif, l’essentiel de la simplicité volontaire
nous interpelle chacun individuellement, dans l’ici et maintenant.

C’est là qu’on peut introduire une distinction entre simplicité et décroissance. Une
enquête très intéressante a été menée en août 2008 par Anne Hurand étudiante d’HEC,
autour de la question : comment vivre la décroissance dans une société de croissance ? Elle a
interviewé un échantillon d’ « objecteurs de croissance », en lien avec des réseaux militants
associatifs locaux, vivant à Paris, Lyon et Toulouse. Il en ressort qu’un niveau d’engagement
plus radical, plus collectif, plus politique, que la simplicité volontaire, est praticable en milieu
urbain (et pas seulement à la campagne).
Ces objecteurs de croissance s’encouragent mutuellement à réduire leur empreinte
écologique, et leurs déchets, ils tentent de se concentrer sur l’essentiel, et de se
réapproprier leur vie, de vivre concrètement en cohérence avec leurs idées, ceci dans une
réelle convivialité et une militance active.

Cette démarche, en prolongement de la simplicité volontaire fait partie de ce que les


sociologues ont observé depuis quelques décennies : l’émergence d’une mouvance sociale,
étiquetée « créatifs culturels », vivant des formes plus personnalisées, et plus originaux de
rapports sociaux.
D’autres penseurs de ces comportements de résistance au système comme Thierry
Verhelst10 les nomment les « mutants ». Christian Arnsperger11 pour sa part préfère le terme
de « militants existentiels », et nous appelle à le devenir aussi.
La simplicité volontaire en est probablement l’une des voies, l’une des portes d’entrée.

La philosophie de la vie simple, accoucheuse d’esprits libérés de l’angoisse de l’emploi


et du pouvoir d’achat, pourrait alors s’avérer plus fertile que prévu. Il est trop tôt pour
l’affirmer.
Mais la Fraternité, dans sa dimension utopique, apporte une verticalité essentielle,
nous permettant encore d’espérer et de contribuer à un mieux vivre ensemble. Edgar Morin12
par toute son œuvre ne cesse de nous y inviter, et nous rappelle qu’en chinois le mot crise a
deux sens : risque, danger et chance, opportunité.
A nous de nous en saisir. L’avenir n’est pas écrit.

9
S. Mongeau : « la simplicité plus que jamais », Ed. écosociété, Montréal, 1998
10
T. Verhelst : « Des racines pour l’avenir – cultures et spiritualités dans un monde en feu », Ed. L’Harmattan
11
C. Arnsperger : « Ethique de l’existence post-capitaliste – pour un militantisme existentiel », Ed. Cerf
12
E. Morin : « une politique de civilisation » avec Sami Naïr, Ed Arléa, 1997
« La voie. Pour l’avenir de l’humanité », Ed. Fayard, 2011

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La Vie Nouvelle de Toulouse

Programme 2010-2011 d’animation du thème « Simplicité Volontaire »


à La Maison de la Philosophie de Toulouse

Premier trimestre :

Jeudi 21 octobre (20h30) conférence-débat :

Simplicité, besoins fondamentaux, bonheur


La résistance à la stimulation de la publicité, visant à nous faire consommer toujours d’avantage, ne
doit elle pas s’enraciner, au delà des arguments « raisonnables » écologiques et sociaux, dans notre
propre conception du bonheur, pour faire du choix de la simplicité volontaire une démarche libre et
sereine ?

Jeudi 25 novembre (20h30) atelier participatif :


Simplicité, besoins fondamentaux, bonheur
Suis-je aussi libre que je l’aimerais, entre mes besoins fondamentaux et la publicité lors de mes
décisions d’achat ? En quoi ma conception du bonheur et de mes vrais besoins m’aide-t-elle à résister
aux stéréotypes véhiculés par la pub ?

Deuxième trimestre :

Jeudi 27 janvier 2011 (20h30) conférence-débat :

Simplicité et fraternité
Qu’est-ce que la Fraternité, et en quoi se distingue-t-elle de la solidarité ?
Ne faut-il pas revenir sur la dégradation du lien social ? Moins de biens, plus de lien …
La recherche d’une vie « plus simple » est-elle nécessaire à la construction d’un monde plus fraternel ?

Jeudi 24 février (20h30) atelier participatif :

Simplicité et fraternité
Choisir de vivre la simplicité dans le monde inégalitaire d’aujourd‘hui m’incite-t-il à m’insérer dans des
réseaux de solidarité et à considérer la « fraternité » comme une valeur essentielle ?

troisième trimestre :

Jeudi 21 avril 2011 (20h30) conférence-débat :


Simplicité et spiritualité
Un certain nombre de traditions de sagesses philosophiques, de spiritualités et de religions ont prôné
des démarches de simplicité, articulant intériorité et détachement, pour des raisons différentes et
selon des modalités diverses. La pratique de la simplicité volontaire a-t-elle à voir avec une expérience
spirituelle ?

Jeudi 26 mai 2011 (20h30) atelier participatif :

Simplicité et spiritualité
Quelle relation entre ma volonté de vivre simplement et mes aspirations et/ou pratiques spirituelles ?

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