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"Traité de la peinture", de Leonard de Vinci

(in Le Paragone. Le parallèle des arts, Lauriane Fallay d’Este, Paris, Klincksieck, 1992,
pp.64-68)

Différence entre la peinture et la sculpture

Je ne trouve entre peinture et sculpture d’autre différence que celle-ci : le sculpteur fait ses
œuvres avec plus d’effort physique que le peintre ; et peintre les siennes avec plus d’effort
intellectuel. Cela se démontre, car le sculpteur doit, en produisant son ouvrage, faire un effort
manuel, frappant pour enlever le superflu du marbre, ou de la pierre quelle qu’elle soit, qui
dépasse la figure enfermée en son sein ; ce qui exige un exercice tout mécanique,
s’accompagnant souvent de beaucoup de sueur qui se mêle à la poussière et devient une
croûte de boue ; il a le visage tout enduit et enfariné de poudre de marbre, semblable à un
boulanger, et il est couvert de petites écailles comme s’il avait neigé sur lui ; son logis est sale
et plein d’éclats et de poussière de pierre.
Avec le peintre c’est tout le contraire (parlant des meilleurs parmi les peintres comme parmi
les sculpteurs), car il est assis très à l’aise devant son œuvre, bien vêtu, agitant un pinceau
léger avec des couleurs agréables, et il est paré de vêtements à son goût, et son logement est
propre et rempli de belles peintures, et souvent il se fait accompagner par la musique ou la
lecture d’œuvres belles et variées, qu’il écoute avec beaucoup de plaisir, sans être gêné par le
bruit des marteaux ou par d’autres fracas.

Que la sculpture est un travail moins intellectuel que la


peinture, et que beaucoup d’aspects de la nature lui
échappent.

Pratiquant la sculpture aussi bien que la peinture, et m’exerçant dans l’une et dans l’autre avec
la même application, je crois que je peux décider, sans encourir le reproche de partialité,
laquelle des deux est la plus intellectuelle, la plus difficile et la plus parfaite.
En premier lieu, la sculpture est assujettie à un certain éclairage, à savoir d’en haut, et la
peinture porte avec elle partout sa lumière et son ombre. Lumière et ombre sont donc
d’importance pour la sculpture, mais le praticien est aidé par la nature, c’est-à-dire le relief
que celle-ci fournit d’elle-même ; le peintre le produit par création d’art aux endroits où la
nature devrait le faire logiquement.
Le sculpteur ne peut pas créer la variété par les différentes espèces de couleurs des choses ;
mais rien ne manque à la peinture. Les vues perspectives du sculpteur ne paraissent nullement
réelles ; l’espace du peintre semble s’étendre à des centaines de milles derrière l’œuvre. La
perspective aérienne est étrangère à l’œuvre des sculpteurs ; ils ne peuvent pas représenter des
corps transparents ou lumineux, ni la réflexion des rayons, ni les coprs brillants tels que les
miroirs ou d’autres objets réfléchissants, ni les brouillards ou le temps sombre et une infinité
de choses que je ne cite pas pour ne pas ennuyer.
L’avantage de la sculpture est que d’ordinaire elle résiste mieux au temps ; mais la peinture
faite sur cuivre revêtu d’émail blanc avec des couleurs d’émail, mise au feu et fondue, dure
plus que la sculpture.
Le sculpteur pourra dire que, s’il commet une erreur, il ne lui est pas facile de la redresser ;
mais c’est un argument faible de vouloir exalter l’œuvre parce qu’une négligence y serait
irrémédiable ; et j’affirmerais plutôt qu’il est plus difficile de redresser l’esprit du maître qui
commet des erreurs que de réparer l’œuvre…, car celui qui enlève trop comprend trop peu et
n’est pas un maître. S’il a le contrôle des mesures, il n’enlèvera pas ce qu’il ne faut pas. Nous
dirons donc que le défaut est dans l’ouvrier, non pas dans son matériau.
La peinture est un art merveilleux, fondé sur des réflexions très subtiles, dont la sculpture est
incapable dans son discours sommaire.
Le peintre et le sculpteur
Le sculpteur dit que son art est plus noble que la peinture, parce qu’il est plus durable,
craignant moins qu’elle l’humidité, le feu, la chaleur et le froid. On lui répondra que cela ne
confère pas de noblesse à la sculpture, car cette aptitude à durer vient de la matière et non de
l’artiste. Et cette dignité peut appartenir aussi à la peinture, quand on peint avec des couleurs
vitreuses sur des métaux ou sur de la terre cuite, et qu’on les fait ensuite fondre au feu et
qu’on les nettoie avec divers instruments, faisant une surface polie et luisante, comme cela se
voit aujourd’hui en divers endroits de France et d’Italie, et surtout à Florence dans la famille
Della Robbia, qui a découvert le moyen d’exécuter n’importe quelle œuvre d’envergure en
peinture sur terre cuite couverte de matière vitreuse. Il est vrai que ces œuvres sont sujettes à
être cassées et brisées, comme l’est aussi la sculpture en marbre, mais pas à être fondues
comme les figures de bronze. Pour la capacité de durer, elles égalent la sculpture et la
dépassent en beauté, puisqu’elles combinent les deux perspectives, la ronde-bosse
n’admettant que celle de la nature. Quand le sculpteur fait une figure en ronde-bosse, il ne
traite que deux formes et non une infinité qui correspondrait aux innombrables points de vue
d’où elle peut être perçue : de ces deux figures, l’une est vue de face et l’autre de dos. On peut
prouver qu’il en est ainsi, car si tu fais une figure en demi-relief vue de face, tu ne pourras pas
prétendre avoir montré plus de choses que le peintre avec une figure vue du même côté ; et il
en est de même pour une figure vue de dos. Mais le bas-relief est incomparablement plus
subtil que la ronde-bosse, et approche quelque peu la peinture en ampleur théorique par son
lien avec la perspective. Tandis que l’ouvrage de plein relief n’y est pas lié, car il adopte les
mesures trouvées sur le vif ; et c’est pourquoi le peintre apprend plus vite la sculpture que le
sculpteur la peinture. Mais pour revenir à l’ambition du bas-relief, à l’instant mentionnée, je
dis qu’il exige moins d’effort physique que la ronde-bosse, mais plus d’étude, car il s’agit de
considérer les rapports des distances entre les corps du premier plan et ceux du second, et du
second au troisième, et ainsi de suite. Et si tu les examinais, toi perspectiviste, tu ne trouverais
pas de bas-relief qui ne soit plein d’erreurs concernant la saillie plus ou moins grande des
plans des corps plus ou moins distants de l’œil.

Différence entre la peinture et la sculpture…

Le peintre doit tenir compte de dix considérations pour conduire son œuvre à bonne fin, à
savoir : lumière, ténèbres, couleurs, volume, figure, emplacement, distance, proximité,
mouvement et repos.
Le sculpteur ne doit considérer que volume, figure, emplacement, mouvement et repos. Des
ténèbres et de la lumière, il n’a pas à se préoccuper ; parce que la nature elle-même les produit
dans ses sculptures. De la couleur, non plus. De la distance et de la proximité, il se préoccupe
médiocrement. Il recourt à la perspective linéaire, non à celle des couleurs, malgré les
variations que subissent avec la distance de l’œil les couleurs et la netteté de contours des
figures.
La sculpture est d’un discours plus simple et demande moins d’effort à l’esprit que la
peinture.

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