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• OU VA LA RÉVOLUTION RUSSE?

La « défaite » de l’Opposition
La X V e Conférence (sic) du Parti bolchevik sans originalité, dont la réussite eût procuré
à de ci-devant bolchéviks une sécurité de
a eu lieu. Ou sait q u ’il n ’y a plus 'eu Russie,
depuis la disparition de Lénine, ni véritable quelques mois ou de quelques années. L ’op­
congrès, ni conférence dans le vrai sens du position, privée de tout droit d ’exister, ne
terme, ni aucune assemblée délibérante au­ pouvait choisir qu’ entre l ’insurrection et la
thentique. Il n ’y a que réunions d’ enregistre­ soumission. Elle s ’est soumise sans rien ra­
ment, composées de participants choisis par battre de ses opinions, pour éviter une effu­
la fraction au pouvoir, où l ’auditoire vient sion de sang. Des adversaires principiels du
prendre docilement leçons et instructions, où régime peuvent seuls les en blâmer. Nous,
les organisateurs sont assurés d ’approbations communistes de la première heure comme de
automatiques, où nulle surprise n ’cst possible :la dernière minute, nous efforçons de les com­
orateurs de tout repos, débats inoffensifs, réso­prendre dans la mesure où notre information
lutions dictées d ’avance. le permet, quitte à corriger notre point de
On ignore encore la pleine signification de vue avec d ’autres renseignements.
l ’événement. Sans doute disposons-nous déjà L ’opposition est défaite sans avoir pu dis­
de plusieurs discours kilométriques des rap­ cuter, encore moins combattre. Elle a. dû
porteurs, mais il faut des loisirs pour dégager signer sous la menace u n e déclaration de re­
quelque chose de cet embrouillamini. De plus, noncement, une sorte de promesse de rester
l ’intérêt de ce genre d ’assemblées n ’est ja ­ en état de catalepsie politique... Il est vrai que
mais dans la salle mais à côté. Tout se révèle ce texte implique une possibilité de discuter
et se décide dans un petit clan d ’où filtrent dans les cadres légaux du Parti : mais c ’est
peu à peu les nouvelles. On retrouve là bien une incohérence ajoutée à tant d ’autres dans
des procédés du parlementarisme bourgeois, un Parti où la, discussion, est interdite, où la
avec variantes et traits plus ou moins accen­ légalité, implique le silence, où la moindre ob­
tués : jeux de maiionnettes en séance, conci­ jection est contre-révolutionnaire, où le bu­
liabules décisifs dans les couloirs. Enfin, ca­ reaucrate prétend incarner le prolétariat
ractéristique importante : « on » place tou- tandis que l ’ouvrier. conscient est traité de
.jours la réxxnion devant un-fait accompli. bourgeois.
Cette fois encore, cela n ’a pas manqué. Les représentants de l ’ancienne « opposi­
Tout a été mené de façon à régler, fût-ce pro­ tion -ouvrière », à leur, tour, ont dû signer
visoirement, le sort da l ’opposition avant l ’ar­une déclaration parente de la précédente,
rivée des « délégués ». mais probablement sous des menaces plus
pressantes, à en juger par les phrases où les
* signataires se condamnent eux-mêmes, eux et
%#
leurs concentions, eux et leurs propres tex­
Des politiques trop intéressés et d ’irres- ' tes,.. Ici, l ’incohérence paraît atteindre à
ponsables amateurs d ’émotions fortes espé­ l ’apogée. Mais sait-on jamais, avec cette
raient une tragédie; dans leur déception, ils forme de délire appelée bolchévisation ?
ont crié à la farce. Les communistes non- Peut-être en verrons-nous bien d ’autres.
conformistes de notre sorte, appréhendant Tout ce qu’il y a de propre, de sincère, de
une tournure violente du ' conflit, que tout digne, de révolutionnaire dans le mouvement
laissait craindre, sont naturellement d ’un au­ ouvrier mondial éprouve un profond dégoût
tre avis. au spectacle de cet enchevêtrement de com­
La fraction omnipotente, inquiète de la té­ binaisons politiciennes, dont les partenaires
nacité d ’une opposition non réductible par se sentent libérés de tout scrupule, de tout
les procédés ordinaires de l ’intimidation et impératif catégorique, de toute loi morale,
de la corruption, a usé d ’une tactique provo­ de tout principe tutélaire, sans lesquels au­
catrice dont elle espéi’ait vraisemblablement cune association humaine ne saurait exister.
des effets de'riposte offrant prétexte à une Comment nos camarades russes ne eompren-
•sanglante répression (1) : moyen classique,1
tobre les éventualités logiques de la lutte, écrivait :
(1) On connaît la phrase de Dzerjinsky sur « la « Ou l ’ exclusion et Vécrasement légal de Vopposition,
poudre sèelie » pour l ’ automne et d ’ autres menaces ou la solution de la question à coups de canon dam
3_’a,gents du pouvoir. Un porte-plume de la fraction les rues, comme dans le cas des socialistes-révolution -
dirigeante, Larine,'évoquant dans la Frauda du 30 oc- mûres de gauche en juillet 1918 à Moscou. »
2 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

lient-ils pas, à cette époque où ils ne subis­ que dans de tristes combats comme celui dont
sent plus la griserie du combat homicide, la Conférence a prétendu enregistrer le bilan,
quand ils peuvent prendre du champ et du il n ’y a que des vaincus. &
temps pour se ressaisir et méditer, qu ’à force C ’est le Parti tout entier, c ’est le bolche­
de répudier toutes les notions de l ’éthique visme dégénéré qui sort amoindri, abaissé,
prolétarienne, de «e dégager de tout self, vaincu de cette dernière phase de crise,
aantrol sous prétexte de -sacrifier à une dis­ comme des trois précédentes. Depuis 1923, le
cipline de clique, de confondre leurs fins per­ Parti ne sait plus puiser un regain de vi­
sonnelles ou fractionnelles avec les fins du gueur dans ses'épreuves, comme il faisait au­
■prolétariat pour justifier « tous les moyens », paravant en servant les' intérêts intelligem­
de substituer aux enseignements de Marx et ment compris du prolétariat, identiques à
d ’Engels ceux de saint Ignace de Loyola et -ceux d ’un parti qui serait réellement commu­
de son contemporain florentin Machiavel, de niste. Il y a aujourd’hui des intérêts nouveaux
se tirer d ’affaire par la ruse, la tromperie, de caste, de la bureaucratie soviétique, op­
l ’astuce, —- comment ne comprennent-ils pas posés à ceux de la classe ouvrière; ou ne
qu ’ils perdent successivement leur respect peut plus servir les uns sans desservir les
mutuel, puis le respect d ’eux-mêmes, enfin le autres. Et dans la prochaine phase aiguë de
respect de tout révolutionnaire pensant ? la crise, de cette crise qui dure et continuera
Aveugles et sourds, ces parvenus éperdus de tant que les mêmes causes produiront les-
pouvoir, qui croient résoudre leurs difficultés mêmes effets, le Parti ne s ’arrêtera de dé­
alors q u ’ils les reculent et les accumulent, choir qu’ en sacrifiant les premiers aux se­
tout en se rendant impuissants à lés surmon­ conds, à supposer qu’il en soit encore capa­
ter par des discussions intestines et des hai­ ble, — ce que nous voudrons espérer jusqu’à
nes inexpiables. Que d ’autres, payés pour la dernière extrémité et à quoi nous tra­
cela, que d ’autres, suiveurs ou fanatiques, vaillerons sans faiblir en dépit des attaques;
que d ’autres, crétinisés à cet effet, les en­ mercenaires.
censant et les flagornent. En leur disant la
vérité, nous leur -avons .rendu, à eux et à la ❖
Révolution, un meilleur service. Nous conti­
nuerons. « Faites-vous des amis prompts à Comment l ’opposition, assez informée de la.
vous censurer », disait le poète satirique. Lies situation générale, instruite des intentions de
bolcheviks se sont fait de faux amis prompts ses adversaires décidés à tout, s ’est-elle lais­
à les flatter, à- les -encourager d'ans l ’erreur. sée provoquer, puis battre sans pouvoir1 se
Combien sommes-nous qui avons été à leurs débattre î L ’histoire est assez simple. Après
côtés aux heures -difficiles prometteuses de les sanctions contre Zinoviev et Laehcvitch,,
représailles et qui maintenant, exposés à des la fraction de. Staline prépara une « campa­
coups de tous côtés, les défendons contre gne d ’explication », menée dès septembre;
eux-mêmes dans leur ivresse de dictature on appelle ainsi une campagne de diffama­
non-prolétarienne ? II n ’importe : le quart tion destinée, à discréditer, à déshonorer des
d ’heure est pénible mais nous avons la plus contradicteurs tout en leur interdisant d ’ou­
belle part. vrir la bouche sous le cynique prétexte que
« le Parti » — lisez : les chefs bureaucrates;
Nous n ’aurons pas la naïveté d ’accorder à qui prétendent l ’incarner — « ne veut pas de
ees déclarations de l ’opposition une impor­ -discussion ». Ainsi, le Parti, dont on ne -de­
tance que leur refusent leurs inspirateurs, mande pas l ’avis, doit subir et voter sans
leurs rédacteurs, leurs signataires et leurs broncher des calomnies officielles qui lui ré­
lecteurs. Puisque rien ne signifie plus rien, pugnent et, -en son nom, les calomniateurs in­
puisque le léninisme couvre tout, puisque terdisent aux calomniés de parler et d ’écrire.
n ’importe qui peut faire u'importe quoi, Ou a peine à croire que des révolutionnaires
puisque.chacun se sent libre d ’abuser de sa au passé honorable puissent descendre à une
force, de se soustraire à ses engagements ou telle_ lâcheté : cela est, pourtant, dans le
de se désavouer soi-même, nous aurons pour parti d ’après la mort de Lénine. Il n ’y avait
c.e cbaos le mépris q u ’il mérite. Nous prenons aucun exemple de ce genre dans l ’histoire dit
acte d ’extorsions de signatures, de menaces mouvement ouvrier révolutionnaire.
sous conditions, de. violation de tous les prin­ Couverte d ’outrages, assaillie de menaces,
cipes formulés du communisme, accomplies l ’opposition préféra esquisser une résistance
an nom des intérêts supérieurs de la Révolu­ avant de disparaître, plutôt que succomber
tion que les uns et Jes autres comprennent sans combat. Elis se résolut donc à un acte
différemment. Nous eu tiendrons compte, que les officiels qualifient « d ’inouï » dans les
mais seulement comme illustrations d ’une dé­ annales du Parti : elle osa se rendre dans des
générescence dont nous avons signalé dès cellules ouvrières et y denumdki la parole.
1924 les syndromes, et qui, faute de commu­ Ce forfait indicible provoqua un accès de
nistes assez clairvoyants et courageux pour fureur panique des milieux dirigeants. Nous
la discerner et la combattre, n ’a cessé de renonçons à le décrire -. il faudrait traduire,
s ’aggraver. Et nous constaterons sinrplement parmi les milliers de motions maculant les jour­
OU VA LA REVOLUTION RUSSE f 3

naux, un certain nombre 'de textes caractéristi­ « Nous, condamnons avec .révolte les .agisse­
ques, et te format de la B. P. nous l'interdit. ments de l ’opposition ! »
Nous avons sous les yeux quelques liasses de « Que les chefs de l ’ opposition ne provo­
gazettes de cette période d ’hystérie 'Collective; quent pas le Parti / »
elles .semblent rédigées dans des asiles d ’alié­
nés. La P rm da de Léninegrad des 3 et 5 octo­ « Personne n ’imposera cm Parti une ligne
bre publiait des manchettes sur six colonnes liquidatrice !.. »
en caractères d'affiches et trois pages de voci­ « A bas le travail scissionniste de Voppo­
férations, d ’injures, de divagations, de me­ sition ! »
naces. E t tout cela contre ruie opposition qui,
paraît-il, n ’ existe pas, n ’a personne derrière « Tous, comme un seul 'homme ! »
elle, etc. Qu’eût-ce été si l ’opposition avait eu « Les leaders de l ’opposition resteront sans
quelques adhérents ? La 'Prmda 4e Lénines- appui ! »
grad du 5 est particulièrement instructive;
son aspect typographique sèu'l trahirait, dans « Il faut garder le Pcwti du travail frac­
la bousculade des caractères, des capitales, tionnel ! » ±
des bas •de casse, des doriques, des inter­
lignes, des points d'exclamation à tons les 'Etc., etc. Tout cela est sur six, quatre et
titres, l 'extraordinaire perte de sang-froid de deux _colonnes en lettres énormes. La lecture
la .rédaction et de la cohorte des fonction­ des titres donne une idée de ce qui se trouvé
naires dont elle exprime l ’affolement. Mais dessous ; en multipliant par mille ces phrases
traduisons simplement les litres de ' ce nu­ de forcenés, on sait exactement le contenu in­
méro : tellectuel de la prose (?) insérée. Pas un fait,
pas une citation, pas une idée, pas un argu­
« L ’opposition spécule sur nos difficultés, ment : des affirmations impudentes avec une
demi-douzaine de mots interchangeables, ve­
à bas la discussion ! A bas les scissionnistes ! »
nant des « .sommets » (car même ça est décidé
« Pour la discipline bolchévique, pour en-haut lieu). Et quel enchaînement logique
l ’unité ! » des mots, quelle maîtrise de pensée... Ainsi, la
« Protestons contre les agissements crimi­ phrase : « Pour l ’imité bolchevique du Parti
nels scissionnistes de l ’opposition ! » léniniste » ; intervertissez l ’ordre des adjectifs,
;vous obtenez - « Pour l ’unité léniniste du
« Nous demandons au Comité Centrai des Parti bolchévik » ; intervertissez ensuite l ’ordre
mesures décisives contre les leaders de l’ oppo­ des substantifs, vous réalisez : « Pour le parti
sition qui attentent aux décisions des Con­ bolchévik de l ’unité léniniste », et ainsi de
grès ! » suite. N ’est-ee pas merveilleux ? Comme cha­
« Le Comité Gmbml doit prendre les me­ que mot est bien à sa place, comme chaque
sures les plus décisives contre les scission­ terme a sa raison d ’être ! Découpez quelques
nistes ! » mots de ce vocabulaire spécial, mettez-les dans
un chapeau, agitez, puis alignez-les au hasard :
« Il est indispensable d ’ en finir résolument vous obtenez à coup sûr une formule lapidaire
■avec le travail fractionnel ! » définitive pour la Prm da de Lêninegrad,
_« Pour la discipline de fer des rangs, léni­ chargée de science « léniniste ».
nistes ! » Or, l ’atmosphère de pogrome créée par la
presse des staliniens ne suffit pas à mater
« A bas la politique scissionniste des leaders l ’opposition, pourtant désarmée, privée de tri­
■de l’apposition J » bune, mécaniquement réduite à l ’impuissance.
« Les Jeunesses communistes ne toléreront Il fallait recourir aux grands moyens pour la
pas les factionnaire s dans leurs rangs ! » bâillonner et la ligoter, ne lui laissant que
« A bas les scissionnistes / » deux doigte pour signer n ’importe quoi. Ces
moyens, on les imita du fascisme italien : des
« Tout le Parti pour le Comité Central léni­ équines volantes de brutes excitées furent dé­
niste ! » pêchées en auto-camions aux réunions m'i des
« Nous exigeons qu’ on ne nous empêche pas opposants étaient signalés, avec ordre de cou­
•de travailler ! » vrir toute voix discordante de sifflets et de
hurlements, puis de frapper les tenants de
« Pour l ’unité bolchevique du Parti léni­ l'opposition, de les jeter hors dé la. safie si le
niste ! >> tapage et les menaces s ’avéraient inefficaces.
« L ’organisation d e Lénimegrad fu t et sera Il ne manquait vraiment plus que l ’huile de
l ’indestructible rempart du Comité Central ! » - ricin; sang douta coûte-t-elle trop cher là-bas.
De telles choses ne sont pas explicables par
« L ’organisation de Léninegracl est contre la seule analyse du contenu social des forces
la discussion, elle ne permettra pas la- scis­ aux prises, des causés économiques de la
sion des rangs d u Parti ! » crise.,, comme sont tentés de l ’affirmer de
« Il faut obliger les chefs opposants qui pseudo-marxistes étroits et simplistes, Des
s ’oublient à exécuter Im décisions du Parti ! » phénomènes psycho-pathologiques sont là,
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qu’il faudra étudier. Ou peut dès mainte­ la vague d ’apachisme, révéla des faits, des
nant se demander si de tels aspects de lutte chiffres. Le Troud du 15 septembre écrit ;
entre « camarades » (sic) eussent été possibles « Les crimes de cette sorte ne sont pas du tout
sans le rétablissement de la vodka, dont la rares ces denmiers temps » ; et il cite des
presse officielle n ’ose plus diss muter les exemples : à Rostov, six voyous (garçons et
ravages. Le delirium tremens, dent le journal filles) organisent te viol d ’nne jeune fille, leur
plus haut cité reflète des tremblements, est camarade, sous prétexte que la « .morale pro­
d ’origine alcoolique. D ’autres phénomènes létarienne » doit considérer la virginité comme
d ’aberration psychologique collective, dont une bonté; à Kharkov, neuf vauriens sont
la source sociale subit l ’altération de dévia­ jugés pour viol; à Elchank (province de Stali-
tions idéologiques et de diverses formes megrad), douze violent une jeune fille dans la
d ’amoralisme néo-léninistes, sont parallèles rite; à Tsaritsino, près de Moscou, onze che­
à cette psychose de guerre civile des cadres minots violent une vierge de dix-neuf ans, etc.
du Parti et forceiit l ’attention des sphères « E n R. S. F . S. IL, pour le premier trimestre
dirigeantes : la presse soviétique a reçu l ’or- cïe l ’année, on a enregistré 15.000 cas de cri­
cîre de-faire campagne contre l’antisémitisme minalité. A joutes sans risque à cela 100 % die
et le khouliganstvo (mot difficilement tradui­ cas non ervregistrés. CW la, milice ne réussit
sible, venant de l ’anglais hooligan (apache), pas à attraper tous les apaches. » En six mois,
signifiant à peu près apachisme, voyoucratie, 12.000 cas enregistrés à Léninegrad; 3 ':2 cas,
exploits ou exactions de vauriens). Pour­ dont 40 % d ’ouvriers, à Rostov; en huit mois,
tant, ces maladies ne sont pas d ’hier; jusqu’à 2.257 cas à Voronèje et 4.835 cas dans la pro­
présent, les journaux soviétiques les trai­ vince de cette ville, soit 900 cas par mois 30
taient par un silence prudent. Pour que de par jour. La progression de la crimina1ité est
grandes campagnes aient été ordonnées, il vertigineuse; le Troud du 18 septembre si­
a fallu que le mal prenne de vastes propor­ gnale : pour la province ouvrière d ’Ivrnovo-
tions, surtout le khouliganstvo. Vbsnessensk, 763 cas en 1924, 1.661 cas en
L ’antisémitisme n ’est pas une nouveauté 1925, 4.438 eas en 1926; pour la province
en Russie ; refoulé par la Révolution, le voici d ’Iaroslav, 7.687 cas en 1924-1925, 14.466 cas
recrudescent avec le caractère tout spécial en 1925-1926. Arrêtons-nous, car ce n ’est pas
donné par. la fraction stalinienne à la ré­ ■le sujet de l ’article, mais nous devions évoquer
la question à propos des procédés sauvages mis
gression de l ’opposition. L ’éloignement ne
en œuvre pour écraser l ’opposit’ on, au moment
nous permet guère de vérifier les allégations
où. les ouvriers révolutionnaires disent cou­
imputant aux staliniens certaines responsa­ ramment que le khouUganstvo sévit dans le
bilités directes; mais il est des coïncidences Parti lui-même.
indéniables et frappantes. Engels appelait
l ’antisémitisme un socialisme des imbéciles; La Prm da du 23 septembre annonçait que
on pourrait appeler l ’antisémitisme russe ac­ sur dix-neuf coupables arrêtés dans l ’affaire
tuel un léninisme des abrutis (1). Beaucoup de Tchoubarov péréonlok (sur 40), il se trou­
plus grave et importante est l ’épidémie de vait neuf membres des Jeunesses communistes
khouliganstvo, d ’apachisme. et un membre stagiaire du Parti, donc 59 %.
Le voile fut déchiré à propos de l ’affaire de Proportion à peine croyable... Après avoir
la ruelle Tchoubarov, de Lénineg -ad : quarante stupidement préconisé de décupler la répres­
ouvriers s ’étaient, saisis d ’une jeune étudiante sion, la presse a dû reconnaître que le mal
pour la violer à tour de rôle. Cette ignominie a'éside dans la démoralisation de la classe ou­
provoqua, une indignation con t'a’gn'aint les vrière et exige d ’autres remèdes ciue la peine
autorités à découvrir le mal et à le combattre. de mort. Certes, l ’amoralisme et 'l’immora­
La presse ouvrit des rubriques de lutte contre lisme — 'dont les cadres du Parti donnent
l’ exemple — précipitent la démoralisation,
(1) Il importe d ’ être prudent dans l ’appréciation née d ’autres causes. Quand de ci-devant bol­
de cet ordre de faits, toujours grossis par la presse cheviks violent les statuts, le programme, les
de 1'émigration, et de ne rien exag'érer, tout en ob­ résolutions du Parti, violent les statuts et les
servant ce phénomène publiquement signalé comme
dangereux par le Parti. A notre avis, il a surtout un désisions de l ’Internationale, violent la Cons­
intérêt symptomatique, toute dégénérescence d ’un titution soviétique, violent la légalité, vio­
parti révolutionnaire s ’accompagnant d ’emprunts aux lent les textes dans la PiW)da, il n ’y a pas de
idéologies réactionnaires. Les traces de nationalisme
signalées dans le Parti disparaîtraient avec un retour raison pour que les membres des .Tennesses
de l ’influence prolétarienne. Si l ’ on parle ironique­ communistes ne violent pas les jeunes filles
ment de pogrome à la veille de chaque répression de clans la rue. Inutile de dire nue la multitude
l ’ opposition (sous prétexte que quêlques leaders de de vauriens dont, la Prmda, dénonce mainte­
celle-ci sont juifs) ; si l ’on a parlé de fraction « ortho­
doxe » (pravosl-aviio/ia, c ’ est-à-dire appartenant à nant la présence dans les rangs communistes
l 'Eglise russe) par allusion à Rykov, Tomsky, Kalinine est, par excellence, « dans la ligne ». Ces
et Bonkharine, supposés excédés des allogènes; si l ’ on gens-là votent à tour de bras des résolutions
a parlé de gremsinisation ( c ’est-à-dire d ’ octroi abusif condamnant Brandler, Bordiga ou Résiner,
des places aux Géorgiens et aux Caucasien") à propos
de Staline et de ses amis, — c ’est, soit dit sans rien et flétrissent Trotsky ! C ’est avec de tels
dramatiser, que l ’ atmosphère du Parti n ’est pas très khoidic/ans qu’on impose silence, dans le Parti
pure. Un peu de démocratie ouvrière la nettoierait. de Lénine, aux artisans de la Révolution
OU VA LA REVOLUTION RUSSIE ? 5

d ’octobre,' à l'occasion, de son neuvième an­ tsarisme (! !), après s’être évadés de prison
niversaire. ou de Sibérie (Lénine aussi avait émigié mais
lui, voyez-vous, ce n ’ est pas la même chose) ;
où l ’on offre l ’ahurissant tableau d ’une
Radek obtint la parole trois minutes à « .Université Zinoviev » qui dénonce « le tra­
l ’usine Aviopribor, Trotsky un peu plus long­ vail c r i m i n e l scissionniste » de celui dont elle
temps... Trois minutes à l ’bomme de Spartacus porte toujours le nom (Pravda de Léninegmd
pour traiter de questions vitales de la Révo­ du 3 octobre) ; où -le rimeur usurpant le nom
lu tio n ! Mais sauf de rarissimes exceptions, de Biedny, sorte de Ponchon politicien du
. l'autorisation de parler fu t refusée dans toutes léninisme, bâfreur, ripailleur et _^profiteur,
les cellules aux opposants. Les organes du s ’essouffle en bouffonneries stipendiées contre
Parti poussent l ’inconscience jusqu’à vanter ■des hommes désarmés...
cette procédure d ’étouffement. Ce qui n ’em­ A la cellule d ’Aviopnbor, Trotsky fut lon­
pêche pas un Kirov de déclarer imperturbable- guement acclamé par l ’auditoire ouvrier, de­
ment (Pravda de Léninegmd du 21 octobre) : bout. On ne le dirait pas, à ne connaître que
« S ’il faut parler de démocratie, alors il n ’y le vote... Mais il ne faut pas oublier comment
a jamais eu de plus grande démocratie que on « vote » là-bas. Boukharine a décrit 1a.
celle d ’ aujourd’hui dans l’histoire de notre chose dans un exposé fam eux; le président
Parti. » Si une telle goujaterie peut aussi im­ annonce une résolution officielle et demande;
punément s’étaler devant le Parti, les khou- Qui est contre ? « Naturellement, personne
îigans auraient bien tort de se gêner... n ’est contre... » En effet, il faut de l ’héroïsme
« Pour l ’unité, centre la discussion / » Tel pour lever la main quand on sait risquer le
est le titre générique sous lequel la Pravda a renvoi, le chômage, la perte de son pain, du
inséré les motions condamnant l ’opposit'on. pain de sa femme et de ses pauvres gosses,
La même idée est formulée de mille façons dif­ et quelque fois pire. Personne n ’est dupe des
férentes. E n faut-il davantage pour caracté­ « chiffres » que la clique dirigeante a le
riser un régime, un système ? L ’unité est in­ front de présenter comme le résultat d ’une
compatible avec là discussion — voilà ce qui controverse où des auto-camions^ chargés de
ressort de plusieurs tonnes de résolutions. saboteurs ont joué un rôle essentiel.
C ’est pourquoi tout diseuteur est traité de
criminel, de scissionniste, de renégat, de meii-
chévik, de contre-révolutionnaire. C ’est pour­
L ’opposition est battue; elle n ’est pas
quoi toute discussion est interdite depuis la
vaincue; elle ne peut pas l ’être, car elle est
mort de Lénine. C ’est pourquoi, si cette affir­
l ’avant-garde ouvrière elle-même. L'opposi­
mation reste en vigueur, on ne pourra plus
jamais discuter sans tomber sous l ’inculpaition tion, ce n ’est ni Trotsky, ni Zinoviev, ni
de haute trahison... Ghliapnikov, ces militants . plus ou moins
On est frappé aussi de la fréquence d ’une doués, plus on moins intelligents, instruits,
expression, d ’intention apologétique, consis­ éloquents ou courageux, — c ’est la classe
tant. à comparer-le Parti... à un mur. L e Parti ouvrière qui pense et veut faire elle-même
a- été un véritable mur ! L ’opposition s’est ses destinées. Nous étudierons, quand le ré­
heurtée à un mur... Evidemment, si le Parti pit nous sera donné, la signification des di­
est un mm-, l ’opposition a bien tort de vouloir vers courants d ’opposition du Parti, le rôle
le chapitrer. Comment discuter avec un mur ? de leurs représentants, l ’avenir de leurs con­
D ’habitude, pour bien marquer l 'inaptitude ceptions. Mais il faut voir au delà, fouiller
■au raisonnement' d ’un interlocuteur, on dit : plus avant, pour discerner ce qui s ’élabore
autant s’adresser à un mur. Les ci-devant hfi- dans les profondeurs de la Russie en révo­
ehéviks ont1fait leur idéal d ’un tel mur. Ils lution r c ’est cela qui éclairerait les mérites
se vantent d ’avoir fait de leur Parti un. mur, et les erreurs des groupes antagoniques, dont
un mur derrière lequel il se passa quelque le malheur commun est de manquer de ce qui
chose, dont, hélas ! ils n ’ont pas l ’air de se suppléerait à l ’impossible recul historique
rendre compte. et que Lénine possédait au plus haut point,
De plus en plus fort : des formules de ca­ — la faculté d ’échapper à l ’ambiance, de
serne, d ’adjudants de quartier et de caporaux subordonner l ’immédiat an futur, les détails
de semaine, employées par les contre-révolu­ ■aux grandes lignes. Les communistes d ’Oc­
tionnaires pour tourner notre Parti en déri­ cident, qui ont le recul géographique à dé­
sion, sont devenues d ’nsage courant réel faut de l ’autre, auraient pu donner de
contre l ’opposition. « Au garde; à vous ! », l ’aide... N ’en parlons plus. On sait à quoi ils
« La main au képi! », « Les mains dans le se sont ravalés. Au moins, que les foyers ré­
rang ! », voilà ce ô u ’on peut lire dans les volutionnaires qui subsistent sachent, dans
organes du Parti, à l ’adresse des hommes cette dixième année commencée de la Révo­
d ’ Oetobre. Les pires grimaces, les plus char­ lution, étudier celle-ci avec conscience et en
gées des carmatures deviennent réalités. Il ne dégager des leçons.
faut plus s ’étonner de rien dans un Parti où Nous y aiderons les hommes de bonne vo-
un Motetov rie rouait pas dW cuser les norte- .
parole de l ’opposition d ’avoir émigré sous le B oris S otjvartnu.

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