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APRES LA « DEFAITE » DE L ’OPPOSITION

!?•
LES
Problèmes de la Révolution russe
On aurait voulu, à l’océasion du neuvième anni­ passent. Le compte rendu de ces assemblées pour­
versaire de ^Octobre glorieux, se reporter par la 1 rait être écrit d’avance. On connaît tous les trucs,
pensée 'aux premiers jours de la Révolution russe, • de Staline ■ — qui furent aussi ceux d e . Zinoviev
revivre ces grandes journées où l’héroïsme des ou­ avant la rupture. La préparation est la partie la
vriers et des paysans russes anéantit à jamais le plus importante ; elle est mécanisée comme le reste.
hideux tsarisme et lit flotter sur le monde le dra­ Une sorte de ciragon Fa.fner vomit des gaz as­
peau rouge de la Révolution sociale. Partant phyxiants, d’ épaisses nuées, de la bave empoison­
de là, on apprécierait mieux, sans doute, les née. Quand les adversaires sont hors de combat, on
développements ultérieurs de la Révolution, on en réunit le Congrès; il y a des simulacres de débats,,
comprendrait le sens, on en dégagerait les ensei­ avec des simulacres de critiques faites par des com­
gnements et, même si on devait s’arrêter sur une pères. Après quoi on approuve à l’unanimité une
phase difficile, sur une période où la Révolution résolution passe-partout où il suffit de changer-
semble stagner, ne savoir sur quelle voie s’eng'ager, quelques noms pour qu’elle s’applique à tous les-
eh bien, on le constaterait sans colère ni amertume, cas.
on comprendrait ce qui se passe, on rallierait les Essayons donc de discerner les raisons qui ont-
forces assoupies ou lasses, on pourrait préparer la pu commander la tactique adoptée par l’opposition.
nouvelle étape. E n tout cas, on comprendrait et, D’abord, comment un tel bloc d’opposition qui-
comprenant, on n’aurait pas peur de regarder les eût paru inconcevable il y a peu de temps encore
faits en face. a-t-il pu se former 9 Ensuite, pourquoi l’opposi­
Mais précisément la caractéristique de la période tion a-t-elle-renoncé tout d’un coup à la lutte con­
présente est qu’il apparaît que les dirigeants du tre le centre dirigeant en même temps qu’elle con­
Parti communiste russe ne veulent pas.qu’on com­ fessait ses erreurs 9
prenne. Congrès, conférences, réunions du Comité Je n’ ai là-dessus, pour ma part, aucune infor­
central se succèdent e f c’est toujours un peu plus mation particulière. J’en suis réduit comme cha­
d’obscurité qui s’ajoute.. Même quand on a cru, cun peut l ’être à envisager des hypothèses et à
oix voulu, voir une éclaircie, l’illusion ne dure qu’un choisir celle qui concorde le mieux avec ce qu’on,
instant. Au lendemain du 14° Congrès, après l’éli­ sait des hommes et de la situation.
mination de Zinoviev et par l’ attention attirée sui­ L ’ancienne opposition, celle de 1923, eut lors du
te marasme syndical russe, on pouvait penser 14° Congrès une situation exceptionnelle. Ses ad­
qu’une ère nouvelle allait commencer. Il n’en a rien versaires les plus acharnés se divisaient et se dé­
été. Cette opération, qui eût pu être féconde, n’était chiraient, la troïka se disloquait; seule, elle demeu­
au fond rien de plus qu’une vengeance de la bu­ rait ferme sur une hase solide. Elle reçut des avan-
reaucratie dominante, frappant l’homme qui l’aban­ ' ces des deux clans ennemis ; elle les repoussa, disant
donnait après l’avoir senne. Bon gré «mal gré, les qu’il ne s’agissait pas de combinaisons politiciennes
chefs du P. C. R. nous maintiennent dans le bour­ ■destinées à pousser une équipe ou une autre, mais
bier où ils pataugent depuis 1923. de conceptions qui s’opposaient, et dont certaines
venaient. de faire une faillite éclatante (politique
L’erreur du “ Bloc d’opposition”. paysanne du centre dirigeant, avec 1’ « Enrichissez-
vous » de. Boùkharine). Elle avait son programme
Après la 15e Conférence, la confusion est com­ et ne pouvait marcher qu’avec ceux qui s’y ral­
plète. Jusque-là on avait, avec l’opposition un point liaient sincèrement. La bataille se livra donc sans
de repère, permettant de suivre tant bien que mal les elle, mais quand Zinoviev eut été battu au Congrès,
événements. L ’opposition avait peu ou pas de elle se prononça énergiquement contre les mesures
moyens de s’exprimer. Mais on savait que devant habituelles de déportation qui suivirent. Par la
la routine bureaucratique de l’appareil elle main­ suite, les votes des représentants des deux opposi­
tenait la politique d’audace révolutionnaire qui ne tions, l’ancienne et la nouvelle, se rencontrèrent à
craint; pas d’ aborder de front les difficultés, la con­ diverses reprises; on constata d’ abord le fait avec
fiance dans la masse du parti qui, sur tous les des sourires un peu ironiques tant il paraissait ex­
grands problèmes, doit exprimer librement sa vo­ traordinaire, puis, comme le temps passait et qu’on
lonté. Cette fois, c’est l’opposition elle-même, une approchait de la 15° Conférence, il apparut qu’on
opposition nouvelle, moins cohérente que l’ancienne, se trouvait désormais en présence d’un bloc d’op­
qui, par son attitude, accroît la confusion exis­ position comprenant lion seulement l’opposition
tante. Elle s’engage à. fond, puis’ elle s’arrête brus­ dirigée par Trotsky et celle dirigée par. Zinoviev
quement . et, selon la- formule, « reconnaît ses mais encore l’opposition ouvrière qui, affaiblie lors
erreurs ». Et l’affaire se termine par les exécutions de luttes antérieures, était restée plus ou moins
prévues. . dans l’ expectative pendant les dernières discussions.
Pourquoi l’opposition s’est-elle ainsi comportée 9 Ce bloc fut-il voulu ou se constitua-t-il par la
C’est ce qu’il faut tâcher d’expliquer, et c’est en force des choses ? Ces deux causes ont joué,, sans
fait la seule question. Car il paraît parfaitement doute, bien qu’il soit difficile de tracer' exactement
vain de s’occuper de -la 15° Conférence en soi. On les parts respectives de l’une et de l’autre. Il y eut,
sait très bien maintenant comment les choses se dans les deux camps, des partisans de l’alliance et
LES PROBLEMES DE LA REVOLUTION RUSSE 17

on sait qu’au cours des luttes, les oppositions les ce qui la condamne. On cherche les raisons impor­
plus diverses finissent toujours par se rencontrer, tantes qui ont motivé sa reculade.
au moins sur certains points. ■ Peut-être y en a-t-il de deux sortes. Malgré
Ce qui est tout à fait sûr, c’est que ce fut une l’issue de la Conférence et le vote unanime, il est
grosse faute et je ne puis comprendre que desr fort possible que la discussion ait fortement ébranlé
hommes aussi rompus aux batailles de parti l’aient le Parti et que la masse du Parti se soit dressée
comtoise. L ’opposition Zinoviev, ni même l’opposi­ d’une façon menaçante contre l’appareil. L ’opposi­
tion ouvrière, ne pouvaient apporter aucune force à tion, qui veut le renforcement du Parti et nom sa
l ’opposition--de 1923; elles ne pouvaient que l’af­ dislocation, aurait renoncé à pousser plus loin son
faiblir et s’affaiblir elles-mêmes par le désarroi et attaque par crainte d’une rupture définitive, dan­
la confusion ainsi jetés dans une situation déjà gereuse pour la Révolution et allant à l’encontre
difficile. On le vit bien 'lorsque le bloc d’opposition de son but. D’ autre .part, lorsqu’on, examine ces
décida de se lancer dans la mêlée. Les braillards questions, il faut avoir toujours présent à l ’esprit
expédiés du centre dans les cellules pour les ter­ le fait qu’ en Russie, un communiste exclu du Parti
roriser, prévenir toute discussion sérieuse et em­ se trouve du coup privé de toute, possibilité d’ acti­
pêcher l ’expression sincère de la pensée ouvrière vité quelconque. C’est la, mort politique.
eurent, dans la conjonction des oppositions, un Telles sont les raisons qui, j e . pense, ont pu
prétexte commode à cris et -à vociférations, et ils commander l’attitude dé l’opposition. Dans le cas
en usèrent abondamment. . -de Chliapmkov et de Medvédiev, les plus maltraités
Pourquoi, après s’être engagé à fond le bloc op- diffamés grossièrement et contraints encore de re­
positionnel a-t-il brusciuement renoncé à la lutte et connaître que eé sont eux qui ont tort, on ne peut
consenti à signer sa propre condamnation ? La trouver d’ autre explication que la volonté de rester
réponse à cette question n’ est écrite nulle part. dans le Parti à tout prix. Plus tard, quand des
Il faut 1-a chercher. hommes auront assez de loisirs, et posséderont les
Autant qu’on en puisse juger d’ après les infor­ informations indispensables pour écrire l’histoire de
mations recueillies dans des journaux étrangers, cette période, on sera exactement fixé. ■D’ailleurs,
les premières désignations de délégués à la Confé­ si pénibles que soient ces discussions et si graves!
rence inquiétèrent vivement Staline et ses amis. les -conséquences qu’elles peuvent avoir, elles ne
Parmi les délégués choisis, les uns étaient .nette­ sont qu’ùn développement normal de la crise qui
ment favorables à l’opposition, d’autres étaient peu travaille la direction du Parti communiste russe
sûrs. Le centre dirigeant, qui voulait, selon la nou­ depuis la mort de 'Lénine. La tâche de créer une
velle coutume, une Conférence cent .pour cent, direction collective, que la disparition de Lénine
riposta par une vigoureuse campagne d’ « expli­ rendait urgente et nécessaire n’a jamais été abordée
cation ». C’est-à-dire qù’il envoya partout des émis­ franchement et h’ a pu, par suite, être accomplie.
saires chargés de répéter ses propres décisions et On va d’élimination eii élimination. Hier, Trotsky
surtout de faire comprendre que c’était cela qu’il et son groupe; aujoaird’hui Zinoviev et son groupe.
fallait voter et pas autre chose. Menacée d’être Qui demain ? Congrès et Conférences ne font plus
bouclée à la Conférence, l’opposition décida d’in­ que travail négatif. Les problèmes de la Révolu­
tervenir. Elle ne voulait pas se laisser étrangler en tion ne sont plus ni discutés ni étudiés ; la masse
silence. Elle engagea la lutte là où elle le pouvait du Parti est tenue bi’utalement à l’écart tandis
eneo-re, sur quelques points importants. Durant qu’une direction murée dans son omnipotence com­
cette période des négociations s’engagèrent et se met 'les fautes les plus évitables, les déviations les
poursuivirent assez longtemps entre Staline et les plus certaines et ne nous offre que la maigre conso- .
chefs de -l’opposition. On envisagea la possibilité lation de reconnaître qu’elle s’est trompée quand
sinon d’une réconciliation au moins d’un compromis l’ évidence crève les yeux.
qui aurait permis un rassemblement des forces du
parti. Mais la façon dont la lutte se déroulait au Les véritables questions.
dehors rendit vains ces pourparlers. L ’appareil une Ces problèmes de la Révolution, on les connaît
fois déchaîné, ne pouvait plus être contenu. Il bien maintenant car si on ne les examine plus pour
n’était plus possible de faire à l’opposition une eux-mêmes, on discute beaucoup autour d’eux. C’est
part, si petite fût-elle. Il fallait, exiger sa soumis­ d’abord la question centrale de la Nep. Instituée en
sion sans réserves. 1921, elle s’étend maintenant sur une période déjà
Dans tout autre pays que la Russie, on sait bien longue. Dans quelle direction entraîne-t-elle la R é -.
comment tout cela eût fini. Il y a une logique im­ volution russe ? En avant, vers le communisme ou
périeuse qui veut que certains mots, certaines accu-. l’embourbe-t-elle dans un néo-capitalisme grandis­
sations déclenchent automatiquement certains actes. . sant I Que se passe-t-il chez les paysans f Où en
E n Russie, il en va autrement. O’n salit ses adver­ est la différenciation certaine qui s’est opérée parmi
saires, on les couvre de boue, tel qui était hier de eux ? La résurrection du Koulak est-elle un mythe
la « vieille garde » à laquelle il ne fallait pas tou­ bu -une . réalité % Liée étroitement à la question de
cher, n’est plue qu’un soutien de la contre-révolu­ la paysannerie est celle -de l ’industrie. Dans quelle
tion mondiale. Si, par surcroît on obtient que l’ad­ situation se trouve l ’industrie d’Etat 1 et surtout
versaire « reconnaisse ses erreurs »', alors tout va quel est le rythme de sou développement comparé
bien, la Révolution est une fois de plufe sauvée. . à celui de l’industrie privée ? Qu’ en est-il exacte­
Injurié, diffamé, pourchassé, Trotsky avait, au ment de la nouvelle bourgeoisie : rurale et citadine,
cours des luttes antérieures, maintenu une attitude que l ’application de la Nep devait nécessairement
pleinement digne. Il s’inclinait devant les décisions faire surgir ? L ’Etat soviétique la domine-t-il com­
du Parti mais ne cédait rien. Cette fois, où un plètement ou, -au contraire, bien que n’ayant pas
groupe d’ anciens adversaires l’a rejoint, l’opposi­ de pouvoir politique, fait-elle déjà sentir sa pres­
tion n’a plus la même tenue. Si le centre dirigeant sion sur lui ? '
sort çle l’ aventure diminué, de même que dans les Quelle information possédons-nous sur toutes ces
débats antérieurs, l ’opposition, .elle aùs_si, est at­ questions? Une information fragmentaire, .celle
teinte. On ne comprend pas son attitude et c’est qu’on trouve dans les discours et écrits polémiques

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18 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

des membres de la direction du Parti, ^lorsqu’il Ce qu’il faut, c’est faire l’inventaire de la Nep, un
s’agit d’ assommer uii adversaire. C est-a-dire là inventaire honnête, non pour démontrer que son
plus insuffisante et celle qui inspire le moins de contradicteur est un agent de la contre-révolution
confiance. La plate-forme et les ripostes de l’op ­ mais pour voir où on en est après cinq années d’ap­
position sont étouffées. Si on fait état d’une sta­ plication d ’une politique dont chacun sait qu’en
tistique officielle, le centre dispose toujours d’une recréant une nouvelle bourgeoisie, en lui faisant
autre statistique officielle, infirmant les déductions une part, elle présentait des dangers. On n’ ose pas
qu’on avait tirées de la première. L ’information dresser ce bilan. On trouve plus commode d’écrire,
que Rykov, spécialiste et saboteur émérite de l’in­ et de penser, que « la Nep c’ est le socialisme »,
dustrie d’Etat, est chargé de communiquer aux dé­ de ge laisser mener par les événements, de suivre
légués des sections de l ’I. G. est tout juste une in­ là ligne de moindre résistance. Qui critique et
formation pour « pionniers ». s’inquiète est aussitôt taxé de pessimisme et sur
En fait, seul un petit groupe d’hommes est lui on lance tous les valets d e plume. Le ton de la
équipé convenablement pour discuter utilement ces polémique a été tel cette fois qu’on n’oserait pas
questions. Car, une fois les principes admis, il ne mettre sous les yeux des ouvriers d’Europe ce que
s’agit plus que de questions pratiques commandées la Pravda n’a pas craint d’imprimer : Le ' chef-
par la connaissance précise de la situation. P re­ d'œuvre du genre a été un « poème » de Demian
nons l’exemple de l’industrie d’Etat. Chacun veut Biédny, le Botrel de la Révolution. On ne l’ a pas
qu’elle se développe le plus rapidement possible, vu dans VHumanité mais 'le Temps qui n’était pas'
et, par suite, lui accorder le maximum d’aide pos­ tenu à une aussi humiliante pudeur s’est hâté d’en
sible. Quel est ee maximum ? Qui a raison sur eo régaler ses lecteurs qui trouvent ainsi chez les
point ? La direction dir Parti, qui veut donner communistes eux-mêmes des raisons de mépriser les
moins; ou l’opposition qui veut donner plus 1 II communistes.
est clair que nous n’en savons rien et que, sut ces
questions pratiques, nous serions tout prêts à nous “ Le socialisme dans un seul pays”.
en remettre pleinement à la direction .du Parti
communiste russe, ainsi que nous .l’ avons fait pen- Au milieu de cette décadence trop risible de la
dans les premières années de la Révolution. Mais direction du P. C. R., on nous sert de grands dis­
cette confiance ne peut exister que si l ’on a la cer­ cours à propos de cette formule. L ’opposition n’y
titude que la direction, du Parti groupe et sait uti­ croit pas, mais Staline et ses amis, qui ne sont pas
liser toutes les forces et capacités du Parti et tra­ des pessimistes, vont lui montrer comment on réa­
vaille sous le contrôle de la masse du Parti. Ce que lise le socialisme dans un seul pays. A u temps du
nous avons sous les yeux, maintenant, est une chose communisme de- guerre, quand l’ ancienne bour­
toute différente. Nous ne voyons plus le Parti mais geoisie russe était complètement écrasée, qu’il ne
seulement son appareil- et rien ne nous est épar­ pouvait s’en former de nouvelle, que la Révolution
gné de la cuisine -— ce qui n ’est pas ce qu’un parti russe était libre de toute attache avec la bourgeoisie
a de mieux à montrer. Bien plus, certaines des d’Europe et d’Amérique, c’était, pour tous les -com­
« erreurs » commises — et reconnues après coup -— munistes, une vérité évidente que la Russie sovié­
fon t naître une véritable inquiétude, tique, si elle devait rester isolée au milieu d’un
Cette inquiétude, il semblerait que les dirigeants monde capitaliste,, serait finalement vaincue. Or, il
du P. C. R. prennent plaisir à l ’aggraver. On craint existe maintenant, dans l ’Etat soviétique, une-nou­
toujours de se laisser emporter trop loin par la velle bourgeoisie; on en peut contester seulement
critique. Dès qu’une lueur paraît, on la salue comme l’importance mais non l’existence; l’U, R. S. S. a
une ombre naissante. Mais on est tôt ramené dans accordé 'des concessions, sur son propre territoire,.
la nuit toujours plus sombre. Pas de discussions ! au capital étranger; elle a des missions commer­
« Le Parti ne veut pas discuter », affirme la ciales presque partout; sa diplomatie est très ac­
Pravda, c’est-à-dire Boükharine. Or BouMiarine, tive, d’une activité qui ressemble parfois un peu
lui, ne s’est jamais gêné pour discuter, il a discuté trop à celle du tsarisme ; elle n’hésite pas à traiter
contre Lénine, sans demander la permission à p e r -, avec Hindenburg ; ni à faire l ’éloge de Mussolini,
sonne, et dans des moments autrement critiques ni à proclamer son amitié avec la Turquie de ICernal
-qu’aujourd’hui. I l a discuté en 1918, à l’occasion pacha où le communisme est hors la lo i; et on
de Brest-Litovsk ; il a discuté en 1920, sur la réor­ voudrait nous faire croire que, dans de telles condi­
ganisation des syndicats. Maintenant qu’il s’est in­ tions, ,1a Russie est capable, qu’elle est même en
tronisé grand bolchévisateur aux eôtës de Staline train de réaliser le socialisme sur son territoire.
après avoir secondé ’Z inoviev an 5° Congrès de C’est toujours la même méthode de polémique stu­
l’ I. C., il crie : « Silence dans les rang’s ! Nous pide : on veut dissimuler la réalité sous la phrase
avons décidé : approuvez ! » Mais si jamais la dis­ révolutionnaire.
cussion a été nécessaire, c’est aujourd’hui. Avec Si une discussion est parfaitement vaine, c ’est
'Lénine, les travailleurs avaient des garanties que celleéLà. C’ est un sujet sur lequel tous les commu­
ne peut leur donner une direction -qui se déchire nistes «devraient se trouver d’ accord. Du jour où il
sans cesse et sans cesse s’affaiblit, une direction est apparu certain que la Russie soviétique reste­
qui, sur la question fondamentale, ne s’est pas seu­ rait seule pour un assez lon g temps, la question de
lement trompée mais a nettement aiguillé la Révo­ son existence et de son développement s’est posée
lution russe sur la voie qui tourne le dos au com­ d’une .façon nouvelle. Lénine a imaginé alors la
munisme. E t c’est Boükharine, l ’auteur principal Nep et la politique des concessions que le Parti a
de cette déviation, devenu le Boukharine-Guizot de ratifiées. Dans ce cadre nouveau, la lutte change
1’ « Enrichissez-vous ! » révolutionnaire, flanqué de forme, mais des réalisations socialistes restent
de ses professeurs rouges qui, en le singeant, com­ possibles. E t si à un moment donné, elles deve­
promettaient danvantag'e encore le communisme, naient assez importantes, on peut être sûr que le
qui écrit : « Le Parti ne veut pas discuter ! » Ce prolétariat d ’occident, rendu de ce fait confiant en
qui est sûr, c’ est que-Boükharine ne veut pas qu’on la puissance créatrice de la classe «ouvrière et
discute. conscient de sa propre force, se libérerait du joug
Naturellement, il ne s’agit pas de bavardages. de la bourgeoisie. Bien avant d’avoir atteint le
LES PROBLEMES DE L A REVOLUTION RUSSE 19'

communisme intégral, la 'Russie soviétique serait les ouvriers sont battus, le Parti communiste peut
rejointe par cl’autres Etats Soviétiques et la ba­ atteindre; lui, des succès- considérables. Les mi­
taille décisive ne tarderait pas à se livrer entre le neurs britanniques sont contraints d'abandonner la
prolétariat et la bourgeoisie- p ou r la domination de journée de sept heures, de subir des réductions de
l’Europe entière. Mais la condition première d’un salaires, d’accepter des accords régionaux; leur fé ­
tel développement c’est qu’il y ait, en Russie des dération est affaiblie, menacée de désagrégation;
réalisations socialistes, visibles aineurs que dans leur défaite atteint tous les autres .ouvriers bri­
les rapports des touristes qu’il est de mode à pré­ tanniques et même ceux des autres pays; la bour­
sent de promener de Léningrad à Tifiis. Pour l’ins­ geoisie triomphe avec insolence. Il paraît, d’après
tant^ ce que les dirigeants du P.. G. R. offrent aux Kousinen, qu’il y a un autre vainqueur, le Parti
ouvriers est plutôt déprimant qu’encourageant, peu communiste britannique, lequel a remporté des suc­
de nature à ranimer l ’élan révolutionnaire. cès considérables. Il a gagné cinq mille membres.
Peu importe l’issue des batailles ouvrières pourvu
Le Parti communiste russe et le que lé Parti communiste augmente son effectif. Le
mouvement ouvrier international. Parti avant tout : c’est la devise de l’Internationale
communiste.
Si l’on peut hésiter à se prononcer sur les pro­
blèmes^ particuliers à la Révolution russe et, par La bourgeoisie et la Révolution russe.
Suite, à approuver ou condamner l ’attitude de la
présente direction du P. O. R., il y a, par contre, J’ai entendu souvent des communistes russes
un domaine où nous sommes tout, à fait en mesure dire : « Dans nos négociations avec les bourgeois
de l’ apprécier. Le P. G. R. a toujours occupé, au du dehors, nous l'emportons toujours parce que
sein de PI. G., une place prépondérante et il y a nous les connaissons tandis qu’eux ne peuvent nous
toujours disposé d’uiie influence dominante. C’était comprendre. » -
pleinement justifié .et, pour une assez longue pé­ Cela a été vrai longtemps. Ce n’est plus vrai au­
riode, le mouvement ouvrier de tous le s . pays en jourd’hui, Les dirigeants du P . C. R. ont si bien
a grandement bénéficié. Le P. C. R. a défendu et complètement démonté leur appareil devant
l ’unité syndicale, le maintien des ouvriers révolu­ la galerie, révélé tous -leurs trucs, mis à nu toutes
tionnaires dans les vieux syndicats réformistes, leurs inanceuvres; que les- bourgeois comprennent
conjurant ainsi une débandade syndicale mena­ très bien maintenant. -Ceux-ci sont en outre entrés
çante; il a lancé le mot d’ordre du front unique, en contact avec les représentants des trusts d’Etat,
. pour permettre le rassemblement des forces ou­ les -agents des missions commerciales: et ils ont trop
vrières devant une. bourgeoisie reprenant confiance souvent constaté qu’il était facile de s’entendre avec
en son avenir ; il a combattu violemment l e . put- eux. Leurs idées- sur le bolchevisme et les bolche­
sehisme qui ne pouvait que lancer les ouvriers viks s’en sont trouvées modifiées. Ils se sont, mis à
contre un mur où leurs efforts se brisaient-.. parler avec sympathie de l ’évolution du-bolche­
Ceci c’est le passé; c’ est le travail du P. C. R. visme. Enfin,, -leurs journaux les informent mainte­
dans PI. G. au temps de Lénine. A l ’actif de ses nant avec intelligence des choses dé Russie. Lés-
successeurs, nous ne voyons rien, à inscrire. Ob ! leeteufs du Temps et du Times ont pu suivre la
ils ont répété plus que jamais : « front unique ». dernière discussion bien mieux que les ouvriers qui
C’étaient les mots, mais leurs actes étaient le sabo­ lisent les . journaux communistes.. Certainement, si
tage du front unique. Ils chargèrent de l’appliquer la bourgeoisie pouvait remplacer le régime sovié­
ceux qui Pavaient toujours ouvertement combattu tique par un gouvernement solide, elle n’hésiterait
(les Ruth Fischer et les Maslow) ou ceux qui pas un instant à le faire. Mais elle a appris à con­
l ’ avaient compromis par leur sottise : les bolche­ naître -la limite de ses- possibilités. Elle sait très
viks de « la volaille à plumer » , Us ressuscitèrent bien qu’il n’existe pas, actuellement, derrière lés
le putseliisme (dont l’élimination de Zinoviev ne bolcheviks, de forces capables de maintenir un gou­
nous a même pas délivrés). Ils n’ont rien-su tirer vernement stable. Après les bolcheviks il n’y au­
ni de la gauche d’Amsterdam, ni du comité anglo- rait que désordre et chaos. Sauf quelques- conserva­
russe, témoignant par là d’une ignorance dangereuse teurs britanniques enragés personne ne songe plus,
du mouvement ouvrier d’occident. La discussion dans la bourgeoisie, à une rupture brutale avee
autour du comité anglo-russe c’est , une discussion la Russie soviétique.. Staline et ses partisans n’out
devant un cadavre. Gela est maintenant si évident pas. manqué, cette fois encore, de dire que la bour­
que les dirigeants du P. C. R. songent à remplacer geoisie internationale était derrière l’opposition.
ce comité anéanti de leur fait, par un « comité de C’est le contraire qui est vrai. Le Temps, entre au­
mineurs révolutionnaires » qui, loin d’être un puis­ tres, s’est montré très stalinien. A u lendemain du
sant instrument d’unité comme aurait pu l’être le 14e Congrès, il écrivait : « Là où il n’y -avait jus­
comité anglo-russe, sera très susceptible de devenir qu’ici qu’une domination brutale au nom de princi­
un_ instrument de scission. pes inflexibles, qu’il n’était pas permis de discuter,
Les déclarations récentes de Kousinen à; l’Exé­ ü y aura désormais- une action soutenue des.
cutif élargi de l’I. C. ne sont pas faites pour nous grandes influences, une réaction constante des dif­
rassurer. Kousinen est un Finlandais prudent, férents éléments de la vie nationale. C’ est un pro­
timoré, que Zinoviev -avait mis au secrétariat de grès, incontestablement, et ce progrès, tel qu’il se
l ’I. C. pour être sûr que jamais aucune initiative trouvé réalisé par l’approbation sans réserve don­
ne serait prisé én son absence. Il seconde aujour­ née par la grande majorité du Congrès du Parti
d’hui Boukharine et on peut être sûr que lorsqu’il communiste russe à -la politique intérieure et exté­
parle il exprime toujours la pensée des dirigeants rieure du comité central, donne au gouvernement de
du P. C. R. Examinant la situation des divers Moscou plus de latitude pour agir dans le domaine
partis communistes, il a déclaré, ceci r « Le Parti national et le domaine international. »
communiste anglais à atteint des succès considéra­ Même note, plus stalinienne encore, dans un
bles1particulièrement dans la grève des mineurs. » journal conservateur anglais, l'Observer, dont un
D ’où il faut .conclure que les ouvriers et le Parti envoyé spécial en. Russie terminait son enquête en
communiste sont des choses bien distinctes. Quand ces termes : « Quel est le but de Staline ? Une-
20 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

bonne "administration. C’est un politicien pratique, ïaroslavski, un des hommes de confiance du centre,
capable d’adapter ses vues théoriques aux faits. Il .qui est contraint d’écrire : « Que chaque ouvrier,
reconnaît le besoin de l’aide étrangère, de la stricte que chaque paysan honnête réfléchisse profondé­
organisation du travail. Homme du Sud lui-même, ment^ Il devra reconnaître qu’être antisémite c’ est
il sait que le paysan décidera à la longue du destin s’avilir et se faire du tort. »
de la Russie. Cet homme n’est pas un songe-creux Que prouve tout cela sinon que l’emprise capi­
idéaliste. C’est un politicien prudent et sagace. Il taliste se manifeste maintenant dans tous les do­
doit tenir ses promesses et il ne peut les tenir maines de la vie soviétique, qu’elle a pris une im­
qu’en restaurant la prospérité de la Russie. » Le portance telle que des discours sur « le socialisme
directeur du journal, Garvin, enregistre de son côté, dans un seul pays »: ne suffiront pas à l’enrayer.
avec satisfaction, le « succès de Staline ». Il écrit : Il ne s’agit pas de s’affoler devant elle mais de
« Staline et ses associés sont maintenant en me­ grouper toutes les forces révolutionnaires pour la
sure de pousser leur extension de la Hep. La dicta­ dominer. Là direction de Staline et de ses amis
ture d’un prolétariat urbain sera mitigée par des ■nous inquiète narce qu’elle disperse au lieu de ras­
mesures destinées à donner au paysan producteur sembler, parce qu’elle supprime la discussion, éloi­
sa juste part dans l’économie intérieure d’un pays gne les congrès, bâillonne les ouvriers russes. Elle
dont la population est, pour une énorme part, aura toujours des thuriféraires qui ne manqueront
paysanne. C ’est là une nouvelle borne dans l’évo­ jamais de l’aider à se tromper. Nous croyons nos
lution inévitable art communisme. » critiques. plus utiles; ce sont des critiques d’amis
Enfin voici un texte d’ordre plus général et qui fidèles de la Révolution russe.
doit retenir notre attention. Il est de M. Wickham A. R osmeb .
Steed, ancien directeur du Times, directeur de la
1ieview o f Meviews : « Notre propre désir-est que
Mussolini et le fascisme puissent .durer jusqu’à ce UN E L E T T R E D’EftSTIViAN
qu’ils aient atteint leur conclusion logique et iné­
vitable, de sorte que, dans tous les pays, les ama­
teurs impatients de solutions faciles puissent être Nous avons reçu de Max Eastman la lettre suivante,
guéris de la manie qui consiste à croire que la que nous publions bien volontiers :
force est un remède pour toute maladie politique. Cher Camarade,
Pour la même raison, nous regretterions de voir le Pouvez-vous m ’ accorder les quelques lignes néces-
système .bolchéviste de Russie renversé par quelque soÂres pour m e perm ettre de dire à mes amis politi­
soulèvement violent. Là aussi, là main dirigeante ques de France que j e n ’ ai pas reçu uni son pour l ’ ar­
du temps fera son œuvre si lé temps nécessaire lui ticle publié par le New York Herald et d ’ autres jou r­
est accordé; et les masses « prolétariennes » des naux, dans lequel j e reproduis le tex te du « testam ent »
autres pays pourront être guéries de quelques-unes de Lénine ?
des illusions qu’elles entretiennent actuellement. » D epuis trois années, l ’ opposition m arxiste au bu­
Voilà un porte-parole de la bourgeoisie qui ne reaucratisme qui domine actuellem ent l ’ In tern atio­
redoute pas de voir le socialisme réalisé dans un nale — opposition qui se com pte par dizaines de mille
seul pays; il ne craint qu’une chose, c’est qu’on ne et comprend quelques-unes des têtes les plus solides
laisse pas à la Russie soviétique le temps de s’user du m ouvëment —- n ’ a aucune possibilité d ’ exprim er
elle-même et à fond. ses vues dans la Pravda, la Rote l'aime, î'Humanité,
Mais, dira-t-on, si cette usure lente et continue le Workers’ Weekly, le Daily Woïker, on tou t mitre
de la Révolution russe était si évidente, les ouvriers organe communiste. E n m êm e tem ps, tous ces jou r­
russes ne laisseraient pas faire, ils réagiraient, ils naux n e cessent de dénoncer et d ’ attaquer cette oppo­
défendraient leur Révolution. sition, sans retenu e comme sans le moindre scrupule.
Les ouvriers russes ont tenté de parler : on ne Quand cet éta t de choses aura cessé, nous n ’ aurons
les y a pas encouragés. Nous avons pu lire ces plus besoin de recou/rir ■ —■ exceptionnellem ent et en
joùrs-ci de nombreuses statistiques officielles ac­ cas d ’ absolue nécessité — mix colownes de la presse
compagnées de toutes sortes de pourcentages. Mais capitaliste p o m sow n ettre les fa its essentiels à ceux
nous n’avons vu nulle part le pourcentage d ’ou­ qui ont le droit de les connaître, les ouvriers.
vriers déportés, chassés de leurs usines, réduits au A v ec mes salutations communistes.
chômage, p arce. qu’ils s’étaient permis d’exprimer M ax E astman.
des opinions qui n’étaient pas celles de la direc­ 16 novem bre 1926. - -
tion du Parti. De plus après leur grand effort, ils
sont en proie à une certaine lassitude. Les pre­
mières années de la Révolution ont été dures; la
vie matérielle est aujourd’hui moins pénible, d’où Le Collier de Perles
une tendance à laisser faire. Ils n’échappent pas
non plus aux effets néfastes de l’enveloppement ca­
pitaliste. C’est l’Etat soviétique d’abord qui, pour Les techniciens, les écrivains, les artistes, les au­
teurs sont déjà syndiqués. Les uns sont en dehors ue
combler le déficit de son budget, a rétabli le mono­ la G. G. T., mais d ’ autres en font partie. Tous peu­
pole de l’alcool. Puis d’autres résurrections tsa- vent donc y venir, et c ’est à la 3e qu ’il faut q u ’ils
ristes ou capitalistes ont surgi. Le « banditisme » viennent.
n’a pas été inventé par les adversaires de Staline. P ierre B esnard ( V oix du Travail, 15 nov.)
C’est la Pmvdci, et avec elle toute la presse soviéti­
que, qui l ’a signalé; montrant par la placé qu’elle fi..
lui consacrait que ce mal avait déjà fait de grands
Le Bureau politique considérant le camarade Rap-
ravages. L’antisémitisme renaissant n’est pas non poport comme qualifié pour expliquer la doctrine
plus une imagination. C’est également dans les marxiste dans l ’Hunrianitê, celui-ci reprendra à partir
journaux soviétiques qu’on trouve des appels invi­ de samedi sa rubrique la DOCTRINE E T L ’H IS­
tant les ouvriers à « ne pas remplacer la lutte de TOIRE.
classe par une guerre religieuse ou nationale ». C’est (Humanité, 16 novembre.)

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