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BORIS SOUVARINE,
UN INTELLECTUEL ANTISTALINIEN
DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
(1924- 1940)
TH ESE
Pour Le Doctorat de Sociologie Politique
Présentée par
Charles JACQUIER
sous la Direction de
Madame Annie KRIEGEL
(Volume I)
A n n é e U n iv e r sita ir e 1993 -1 9 9 4
I
I'
II
I
I
I
I
Université de PARIS X - NANTERRE
BORIS SOUVARINE,
UN INTELLECTUEL ANTISTALINIEN
DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
(1924- 1940)
THESE
Pour Le Doctorat de Sociologie Politique
Présentée par
Charles JACQUIER
sous la Direction de
Madame Annie KRIEGEL
(Volume I)
Jean Ballard
Jean Ballard, une vie pour les
Cahiers, Choix et notes d'Alain
Paire, Marseille, Ed. Rivages,
1981.
1
La lecture est sans nul doute une occupation dangereuse. C'est
en effet en lisant, au tout début des années quatre-vingt, le Staline
de Boris Souvarine, réédité chez Champ libre en 1977, que naquit le
désir d'en connaître plus sur l'œuvre de l'auteur de ce formidable
livre, passé à la trappe pendant plus de quarante ans, alors que sur
son sujet avait pullulé nombre d'ouvrages d'un intérêt bien
moindre.
- 2 -
incombe sans doute aux partis communistes ; mais les partis
socialistes et autres secteurs de la gauche n'en sont pas exempts l.»
- 3 -
communiste en France, que l'extrême-gauche occupait le devant de
la scène et des nouvelles luttes sociales et ouvrières, en particulier
en France et en Italie, un tel constat résonnait comme un appel à la
réflexion en vue de renouveler la critique étriquée du stalinisme et
de l'U.RS.S. que formulaient ces courants, sans parler de l'incapacité
congénitale du P.C.F. à commencer ne serait-ce qu'un timide
aggiornamento à l'époque du «bilan globalement positif» du
«socialisme réellement existant».
- 4 -
révolutionnaire, laminé par toutes les répressions, à commencer par
celles des Etats totalitaires, qui ne lui laissait plus aucun espace
autonome d'existence et même d'expression.
- 5 -
historique semblait s'ouvrir qui laisserait le champ libre aux
progrès de l'abondance et de la démocratie. L'espace d'une saison,
l'on nous entretint de la «fin de l'histoire», mais, à peine ce discours
était-il prononcé que de nouvelles difficultés imprévues
apparaissaient, démontrant l'inanité de telles espérances : «Seuls,
ceux qui n'ont rien appris en étudiant l'histoire peuvent supposer
que ces choses “finiront par des chants et des apothéoses” 1. »
Persister à s'intéresser à l'histoire et à la compréhension du
stalinisme à partir des analyses produites par ses premiers et plus
lucides critiques ne relevait-il pas d'un parfait anachronisme ?
- 6 -
ignorer l'existence d’une ligne Schlageter dans le parti communiste
allemand de 1923, que les étranges rapports entre nazis et
staliniens sous la République de Weimar, sans parler du pacte
soviéto-nazi du 23 août 1939 !
- 7 -
être pas inutile de rappeler à tous ceux que pourrait choquer
l'emploi d'un telle terminologie pour son prétendu manque
d'objectivité scientifique que, par exemple, les militants du P.C.F.
revendiquaient, entre les années trente et les années cinquante, «le
beau nom de stalinien».
- 8 -
certaines méthodes totalitaires, mais il ne constitua jamais une
création originale et inédite par rapport à son prédécesseur.
- 9 -
En premier lieu, ce «concept» se réduit à être un inventaire à
la Prévert d'attitudes et de raisonnem ents politiques
contradictoires, en fonction des besoins de la politique extérieure
d'un État. De plus, dans le second cas, son emploi en fait un élément
central du discours de l'objet que l'on prétend étudier avec
objectivité.
* Charles Péguy, «A nos amis, à nos abonnés» [1909], Œuvres en prose, 1909-1914,
Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 19.
Péguy où l'oubli ne le dispute le plus souvent qu'à la
condescendance ou au mépris. Il y a toutefois des exceptions
comme le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
français, qui ne va pas toutefois jusqu'à s'interroger sur la notion
même de «mouvement ouvrier», alors qu'une de ses composantes
s'est transformée en une force politique agissant en fonction des
intérêts d'un État totalitaire, et non plus en fonction des intérêts
autonomes des classes laborieuses. Cela donne, par exemple, dans le
cas du Dictionnaire du mouvement ouvrier international sur
l'Allemagne des rapprochements que l'on nous permettra de juger
pour le moins surprenants entre des victimes du stalinisme comme
Hugo Eberlein ou Heinz Neumann, et des apparatchiks staliniens,
comme Walter Ulbricht ou Erich Honecker. Un certain
œucuménisme s'abritant derrière la notion par trop floue ou
élastique de «mouvement ouvrier», est-il à même de s'interroger
pour savoir s'il faut ranger les uns et les autres dans le même
moule historiographique ?
11
évidemment que du passé. L'œuvre de Souvarine reste pour tous
ceux qui voudront bien s'y intéresser afin d'opérer les clarifications
nécessaires et indispensables pour comprendre, selon le mot de
Ante Ciliga, «le plus grand événement politique et social du XXe
siècle».
1 Claude Lefort, «Une autre révolution», Libre n° 1, Paris, Petite bibliothèque Payot,
1977, p. 87.
- 12 -
français. Par rapport à notre propos, le Souvarine de l'Eloge des
bolcheviks de 1919 et celui qui condamne Nestor Makhno dans
L'Humanité, en 1924, ne nous apprend pas grand-chose, si ce n'est
sur la pertinence de son esprit critique qui lui fit abandonner
rapidement les illusions aussi lyriques que trompeuses sur la
«grande lueur à l'Est». Si les idées et la personnalité de Souvarine
sont intéressantes pour le chercheur et l'historien, entre 1916 et
1924, il faut cependant souligner que cet aspect-là est finalement le
plus connu de sa vie et de son œuvre, dans la mesure où tous les
historiens des origines du communisme français ne pouvaient
qu'évoquer un des principaux fondateurs de la Section française de
l'Internationale communiste. D'autant que le travail de Jean-Louis
Panné sur les premières années de Boris Souvarine a permis de
faire, récemment, le point sur la question 1. Par la suite, ce sont les
«gestes obscurs et souvent sans écho» d'un militant à contre-
courant qu'il faudra restituer (A.C.C., p. 8). C'est cette période, la
moins connue et la plus féconde de la vie et de l'œuvre de
Souvarine, que nous voudrions traiter dans ce travail.
14 -
Michel, Domela Nieuwenhuis, Elisée Reclus, Adhémar Schwitzguébel,
Max Stirner, Laurent Tailhade, Léon Tolstoï, etc. A la fin de sa vie, il
évoquait encore l'influence de Autour d'une vie de Kropotkine qu'il
avait recommandé sa vie durant, et précisait : «C'est dire que les
idées politiques et sociales que je partageais alors n'avaient rien de
dogmatiques, soumises qu'elles étaient à des considérations
morales, personnelles en ma conscience.» 1 II lisait également les
Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy, qui le captivait jusqu'à ce
que les violentes attaques de Péguy contre Jaurès, à l'occasion de
l'adoption de la loi de trois ans sur le service militaire contre les
dangers du militarisme allemand, à laquelle s'opposèrent les
socialistes, jette un sérieux trouble sur cette admiration.
15 -
On peut ainsi résumer les états de service du jeune Lifschitz :
Incorporé au 155e Régiment d'infanterie le 28 novembre 1913, il
fut affecté le 10 septembre suivant à la 22e section des commis et
ouvriers d'administration, puis muté à Paris dans une section de
l'intendance et enfin réformé n° 2, le 28 mars 1916, à la suite du
décès de son frère Léon, l'année précédente.
1 Jean-Louis Panné, Prémices, op. cit., p. 68. Les diverses hypothèses d'adoption de ce
pseudonyme sont examinées par J.-L. Panné p. 68-70. On se reportera également,
d'une manière plus générale, à l'article de Pierre Aubéry, «Quelques sources du
thème de l'action directe dans G erm in a l» , in Pour une lecture ouvrière de la
littérature, Paris, Editions syndicalistes, 1970, p. 31-44.
2 «Une controverse avec Lénine 1916-1917», in Lénine, Lettre ouverte à Boris
S o u va rin e, avant-propos, article, notes et post-scriptum par B. Souvarine, Paris,
Spartacus, série A, n° 38, juin 1970, p. 3.
17 -
entre les socialistes pour l'organisation d'un pouvoir stable, qui soit
vraiment le pouvoir du peuple et non celui d'un homme, si
intelligent et probe soit-il.» Et un peu plus loin, Souvarine insistait à
nouveau sur l'ampleur de la tâche à accomplir en précisant qu'elle
ne pouvait «être l'œuvre d'un homme et d'une fraction qui auraient
pour préoccupation primordiale et permanente de maintenir leur
autorité sans cesse menacée».
1 Sur la crise aiguë de l'après Première Guerre mondiale qui voit la «greffe d u
bolchevisme sur le tronc de la gauche ouvrière française», cf. Annie Kriegel, A u x
origines du communisme français, Paris, Flammarion/Sciences, 1970.
2 Jules Humbert-Droz, De Lénine à Staline, dix ans au service de l'Internationale
communiste 1921-1931, Neuchâtel, La Baconnière, 1971, p. 19.
19 -
champ libre aux «reconstructeurs» et adapter les directives de
l'Internationale aux conditions françaises, notamment sur la
question syndicale.
1 Ibidem.
2 Sur cette période, cf. Philippe Robrieux, Histoire intérieure du parti communiste
français, 1920-1945, t. I, Paris, Fayard, 1982. L'auteur de cette excellente étude
répondit, le 14 avril 1988, à notre demande de consultation des archives de
Souvarine en sa possession, qu'il serait préférable d'attendre son édition des dites
archives dont il s'occupait. Une deuxième demande de notre part, quatre ans plus
tard, n'eut pas plus de succès.
- 20 -
française» l . A la première période de l'histoire du P.C.F.,
principalement dominée par la lutte entre la «gauche», soutenue
par l'I.C., et la «droite», plus social-démocrate que réellement
communiste symbolisée par Frossard, va succéder un nouveau type
de conflits à l'intérieur de l'ancienne «gauche», totalement
surdéterminé par les déchirements pour la succession de Lénine au
sommet du parti russe. Souvarine sera, très symboliquement, le
premier exclu de ces nouveaux affrontements, aussi bien dans le
parti français qu'au niveau international, qui annonçaient la
dégénérescence irrémédiable du bolchevisme en même temps que
la victoire prochaine de Staline.
1 Ibidem, p. 168.
2 Cf. pour plus de détails, le chapitre 12, «L'année de la “bolchévisation”», de la
biographie de Jean-Louis Panné.
- 21
vœux antérieurs à la crise russe de l'Internationale, Treint était
écarté du Secrétariat général l .»
- 22 -
c o m m u n is t e , 28 mars 1924, «Dans la voie tracée par Lénine»)
S'exerçant aussi bien à la base qu'au sommet du parti et tentant de
gagner sa presse, L ' H u m a n i t é en premier lieu, la campagne
bénéficiait du prestige de l'Internationale et tentait de gagner des
éléments jeunes et sans expérience, en leur offrant une promotion
rapide dans l'appareil du Parti ou des Jeunesses.
1 Ibidem , p. 381-385.
- 23 -
le cas de Souvarine, qui sera exclu quelques jours plus tard au
cours du Ve Congrès mondial de l'I.C. (17 juin-8 juillet) :
- 24 -
stalinienne où le combat pour la défense des plus opprimés et
l'intransigeance de ses convictions passaient avant tout. Par rapport
aux innombrables apparatchiks staliniens et aux intellectuels
chantres du Guépéou, des assassinats, des camps et de la Grande
Terreur, Souvarine a toujours pu se revendiquer de cette fidélité-là,
autrement méritoire et profonde que celle de ceux qui
s'agenouillaient devant la force brute pour applaudir des
condamnations à mort au nom de la libération humaine.
- 25 -
Département des manuscrits occidentaux de la Bibliothèque
nationale (Paris), et Monique Suzzoni de la B.D.I.C. (Nanterre), et
MM. Louis Eemans du C.E.R.M.T.R.I (Paris), Pierre Rigoulot et Branko
Lazitch de l'Institut d'histoire sociale (Paris puis Nanterre), Kees
Rodenburg de l'In stitu t international d'histoire sociale
(Amsterdam), les animateurs de l'O.U.R.S. (Paris) et les Archives de
la Préfecture de police de Paris. Enfin, il me reste à remercier Mme
Annie Kriegel d'avoir bien voulu accueillir et diriger le travail d'un
étudiant au parcours plutôt atypique.
- 26 -
CHAPITRE I
LES DEBUTS DU
COMMUNISME D'OPPOSITION
1924 - 1 9 2 9
- 27 -
I — LES ETAPES DE LA BOLCHEVISATION
- 28 -
Si un regard rétrospectif permet de voir que Souvarine fut le
premier d'une longue série d'exclusions parmi les pionniers du
communisme français dans la période dite de bolchevisation, il
n'est par contre pas certain que ce fait produisit de nombreux
remous à la base du parti. Ainsi, d'après les souvenirs d'Albert
Vassart, «cette exclusion d'un de ceux qui avaient le plus âprement
combattu pour la création d'un parti communiste français et qui
jusqu'au début de 1924 en avait été l'un des militants les plus
écoutés, ne fit pas beaucoup de bruit dans les rangs du P.C., tout au
moins dans le coin de province où je me trouvais 1.»
- 29 -
revue La Révolution prolétarienne, l'expérience de Limoges autour
de Marcel Body et le rapprochement avorté entre le Cercle de
Souvarine et le groupe de La Lutte de classes de Pierre Naville et
Gérard Rosenthal.
- 30 -
De nouvelles informations transmises à Lénine sur les
événements de Géorgie et le rôle qu'y tenait Staline, l'incitèrent à
radicaliser sa critique de la personnalité et du rôle politique du
secrétaire général. En effet, la Géorgie, soviétique depuis sa
conquête par l'Armée rouge en 1921, voyait s'opposer les
bolcheviks géorgiens au commissaire aux nationalités, Ordjonikidzé,
soutenu par Staline, sur la question de l'indépendance nationale de
cette république. Après de multiples conflits, une commission fut
chargée d'examiner, à partir d'août 1922, le problème des relations
entre la Fédération russe et les autres républiques. Staline
prévoyait l'inclusion des républiques dans la Fédération russe, mais
Lénine, dans une lettre à Kamenev, fit savoir sa préférence pour
une fédération de républiques égales entre elles, obligeant Staline à
modifier son projet ; cependant que les Géorgiens refusaient d'être
inclus dans une fédération transcaucasienne comprenant l'Arménie,
l'A zerbaïdjan et leur propre pays. Après les mesures
administratives prises contre eux par Ordjonikidzé, les géorgiens
s'adressèrent à Lénine qui désapprouva totalement leur attitude et
le com ité central géorgien protesta en dém issionnant
collectivement. Divers incidents s'ensuivirent, dont des voies de fait
exercées par Ordjonikidzé surun communiste géorgien. Les
géorgiens s'adressèrent à nouveau à Lénine pour demander une
commission d'enquête. Les faits désormais révélés à Lénine allait
l'amener à changer de position et à donner raison aux géorgiens
contre Ordjonikidzé, Dzerjinski et, surtout, Staline. Il préparait une
demande d'exclusion temporaire d'Ordjonikidzé et la mise en
accusation officielle de Dzerjinski et Staline quand les progrès de sa
maladie, le privant de l'usage de la parole en mars 1923
l'empêchèrent de mener cet ultime combat au XIIe congrès du Parti
qui eut lieu un mois plus tard. Il avait auparavant prié instamment
Trotsky de se charger de la question géorgienne, mais seul
Racovsky s'opposa vainement à Staline sur la question nationale au
cours de ce congrès. Trotsky «négligea ainsi de profiter d'une
occasion, qui ne devait jamais se représenter, d'attaquer, avec
l'entière autorité de Lénine, Staline et ses partisans» l .
- 32 -
publiée dans le périodique des sociaux-démocrates russes en exil, le
Sotsialistitcheskii Vestnik du 17 décembre 1923 L
1 André Liebich, Les mettcheviks en exil face à l'Union soviétique, Montréal, Cahier de
recherche du Centre interuniversitaire d'études européennes, 1982, p. 10.
2 Cf. Max Eastman, «Autour du “testament” de Lénine», Le Contrat social, vol. IX, n°
2, mars-avril 1965, p. 78-85.
3 C f., Max Eastman, «Ce que signifie le désaveu de Trotsky», La Révolution
prolétarienne, n° 9, septembre 1925, et, «La réponse du “noyau” à deux dem andes
de Trotsky», La Révolution prolétarienne, n° 10, octobre 1925.
- 33 -
Révolution prolétarienne (n° 23, nov. 1926). Cette publication
devait coïncider avec une offensive de l'Opposition russe et
internationale, mais les oppositionnels russes capitulèrent, tandis
que Souvarine, revenu de ses brèves illusions de réintégration,
radicalisait son opposition en divulguant ce qui aurait dû être la
meilleure arme, entre des mains moins timorées, contre la dictature
du secrétaire général. Il en avait reçu une copie par l'intermédaire
de Préobrajenski, qui la tenait de la veuve de Lénine, Nadejda
Kroupskaïa. Dans ses mémoires, Marcel Body présenta une autre
version de la façon dont le «testament» parvint à Souvarine 1. Selon
lui, une copie du document lui fut transmise par Alexandre
Chliapnikov qui connaissait ses liens d'amitié avec Alexandra
Kollontaï. Profitant d'un passage à Moscou du futur fondateur de la
Ligue contre l'antisémitisme, Bernard Lecache, et de l'avocat Henry
Torrès, venus enquêter sur les pogromes commis en Ukraine en
1919-1920 pour défendre Salomon Schwartzbard devant les
Assises de la Seine, Body leur aurait confié une copie du document,
dans le but de la communiquer à Souvarine. Il est probable que
Body passa bien le «Testament» à Souvarine, mais ce dernier l'avait
certainement reçu auparavant de la façon qu'il indiqua à la fin de
sa vie 12.
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Lénine, Kroupskaïa remit au Bureau politique les précieux papiers
en demandant leur lecture au 13e Congrès. Staline, Zinoviev et leurs
amis s'y opposèrent. Ils venaient de mener contre Trotsky une
grande campagne de diffamation où leur procédé favori était
d'opposer Lénine à Trotsky en exhumant artificieusement de
vieilles querelles, tout en s'attribuant l'héritage de l'autorité du
premier, — au mépris de la vérité historique comme des intentions
de Lénine. La révélation des notes ultimes de celui-ci eût
contrecarré leurs plans.
Ces dernières notes de Lénine avaient, aux yeux des
dirigeants du Parti, tant d'importance qu'ils donnèrent l'appellation
de “testament” à leur partie essentielle concernant le Comité
central, les dangers de scission le menaçant et les caractéristiques
des principaux membres. C'est de ce “testament” qu'il a été si
souvent question dans les allusions des polémiques de ces
dernières années. C'est ce document dont l'existence même a été
niée par les néo-léninistes d'après la mort de Lénine.»
- 35 -
Lénine fut longtemps oublié, avant que Khrouchtchev y jette la
lumière des révélations du XXe Congrès du P.C.U.S.
- 36 -
ouvrier souvarinien qui pourra grouper autour de lui tout au plus
quelques centaines d'hommes, mais qui pourra causer assez de mal
à notre Parti ...» L
- 37 -
En janvier 1925, au moment où Souvarine revenait en France,
paraissait le 1er numéro de La Révolution prolétarienne, «revue
mensuelle syndicaliste-communiste». La sortie de cette revue
s'inscrivait dans le processus de crise que connaissait le Parti
français, appliquant sous la direction d'Albert Treint les consignes
de «bolchevisation» de l'Internationale communiste. Souvarine y
collabora de mai à septembre 1925, puis d'août à novembre 1926,
y traitant notamment des problèmes de la révolution russe et de
l'Internationale communiste. Les militants les plus confirmés de
cette nouvelle revue avaient, avant 1914, fondé, dans l'esprit du
syndicalisme révolutionnaire, La Vie ouvrière. Ils furent ensuite du
combat contre l'Union sacrée aux côtés des minoritaires socialistes
et de certains anarchistes, pendant la guerre de 1914-1918, dans le
«Comité pour la reprise des relations internationales», qui devint, à
partir de 1919 le «Comité pour la Ille Internationale» L Malgré
leurs préventions contre les origines en partie social-démocrates du
nouveau parti communiste issu du congrès de Tours, les militants
syndicalistes révolutionnaires de La Vie ouvrière y adhérèrent,
mais ils se heurtèrent à Treint et ses partisans. Ils en furent exclus
à la conférence nationale extraordinaire du 5 décembre 1924, pour
avoir diffusé une lettre aux membres du Parti, signée par
Delagarde, Monatte et Rosmer, où ils protestaient contre l'accusation
de vouloir reconstituer un courant de droite dans le parti,
dénonçaient le régime bureaucratique du P.C. et prenaient la
défense de Trotsky.
- 38 -
La republication du Bulletin communiste n'altéra pas les bons
rapports entre Souvarine et le «noyau» de la revue syndicaliste,
car, comme l'écrivait cette dernière, «il y avait place à côté de la
R . P . pour un organe s'attachant plus particulièrement au
redressement du Parti communiste», la naissance du Bulletin étant
interprétée comme «une marque du développement de l'opposition
révolutionnaire» (n° 11, novembre 1925). Cependant, son article de
novembre 1926 sur la défaite de l'Opposition entraîna plusieurs
réactions négatives, notamment du fabien anglais Raymond
Postgate et de l'instituteur syndicaliste B. Giauffret L
- 39 -
de l'U.R.S.S., comme s'il s'agissait d'un pays d'Europe ou d'Amérique.
Derrière des mots identiques se cachaient des réalités non pas
différentes, mais radicalement opposées. Derrière le mensonge
idéologique du pouvoir de la classe ouvrière se dissimulait une
nouvelle forme de domination, que Souvarine allait s'employer à
déchiffrer 1.
- 40 -
Simon Petlioura. Bien qu'elle se situe en marge des activités
oppositionnelles de Souvarine, il importe de s'y arrêter car, comme
il l'écrivait à Marcel Martinet, cette affaire politico-judiciaire l’avait
«accaparé» pendant un an L
- 41
Bernard Lecache, également exclu en 1923, entreprit un voyage de
trois mois en U.R.S.S. afin d'enquêter sur la responsabilité effective
de Petlioura dans les pogromes. A son retour d'Ukraine, il rencontra
Pierre Pascal à Moscou qui nota dans son journal, en date du 3
octobre 1926, que «dans tout son voyage, il a été l'hôte du
Guépéou : autos, billets pris d'avance, hôtels, compagnons de
voyage», avant d'indiquer que, malgré les témoignages recueillis
sur les massacres, «on n'a pas autre chose que des preuves morales
de la responsabilité de Petlioura, car il n'a pas laissé d'ordre écrit
de massacre» l. A son retour, Lecache publia une série d'articles sur
son voyage, du 5 février au 5 mars 1927, dans Le Quotidien, reprise
et complétée en volume dans Quand Israël meurt, au pays des
pogromes (Paris, Editions du Progrès civique, 1927).
- 42 -
s'explique probablement par sa volonté de défendre l'œuvre de la
révolution russe, à une date où les ponts entre communistes
officiels et oppositionnels ne sont pas encore tout à fait
infranchissables. Cela ne devait pas durer pour Souvarine, alors que
Bernard Lecache — «connu pour ses campagnes de bluff et de
chantage», selon Humbert-Droz — affirma nettement dans les
années suivantes sa sympathie active pour l'U.R.S.S., en siégeant au
comité national des Amis de l'Union soviétique et en collaborant au
journal de l'association, L'Appel des soviets l .
1 Cf. D.B.M.O.F., t. 34, pp. 48-50, et Jules Humbert-Droz, Mémoires, op. cit., p. 134.
2 A propos de cette campagne de presse, Ph. Robrieux note : «La volonté ouverte de
semer l'indignation et la révolte dénote toute une conception de la lutte politique au
grand jour. Vingt ans plus tard, dans une série de cas similaires, plutôt que de
déclencher un scandale, on se livrera ici ou là au chantage politique. Autres temps,
autres mœurs. » Op. cit., p. 178.
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Au début de l'automne 1928, un nouvel organe communiste
d'opposition, La Vérité (n° 1, 22 septembre 1928) sous-titré
«Organe hebdomadaire des travailleurs révolutionnaires» paraissait
à Limoges à l'initiative de Marcel Body, son rédacteur-gérant.
Marcel Body était né le 23 octobre 1894 à Limoges l . Ouvrier
typographe, il était membre de la Fédération du livre depuis 1909
et avait adhéré à la section S.F.I.O. de Limoges en août 1914, après
l'assassinat de Jaurès. Mobilisé en 1915, il se porta volontaire pour
la Russie en 1917 et fut versé, l'année suivante, à la Mission
militaire française de Moscou, dirigée par le capitaine Jacques
Sadoul. Opposé à la politique interventionniste du gouvernement
français en Russie, il rompit avec la Mission militaire et fit partie du
groupe communiste français de Moscou, rattaché à la Fédération
des groupes communistes étrangers, dépendante du Parti russe 12. Il
travailla par la suite comme traducteur dans les services de
l’Internationale communiste, puis dans les services diplomatiques à
Christiana, en Norvège, où il était le proche collaborateur
d'Alexandra Kollontaï. Il retourna définitivement en France en mars
1927 et milita au P.C.F., tout en exprimant des désaccords, jusqu'à
son exclusion au printemps 1928 pour avoir appelé publiquement à
voter pour le candidat socialiste, au second tour des élections
législatives du 29 avril, contre les consignes du parti, en pleine
politique «classe contre classe».
1 Cf. D .B.M .O .F., t. 19, p. 315-316 et ses mémoires, Un piano en bouleau de Carélie
(mes années de Russie, 1917-1927), Paris, Hachette, 1981.
2 C f. son témoignage dans «Les groupes communistes français de Russie (1918-
1921)», in Contributions à l'histoire du Komintern, s.d. Jacques Freymond, Genève,
Droz, 1965.
3 Otto Maschl (1898-1973), dit Lucien Laurat, militant du Parti communiste
autrichien et de l'Internationale communiste, puis du Cercle communiste Marx et
- 44 -
Parmi ses collaborateurs, on retrouve également les noms de Robert
Louzon, Pierre Monatte, Pierre Naville, Gérard Rosenthal (Francis
Gérard), Alfred Rosmer, Jean-Jacques Soudeille (Souzy).
Sur le premier point, il était précisé que «les hommes que l'on
a bannis ne sont pas des contre-révolutionnaires, ce sont de bons
artisans de la Révolution, coupables seulement d'avoir une opinion
différente de celle de la fraction dirigeante sur les meilleurs
moyens de vaincre les difficultés économiques dans lesquelles se
débat l'Union soviétique, de combattre la dégénérescence
bureaucratique, de défendre les conquêtes d'octobre et de préparer
la Révolution mondiale qui, seule, permettrait à nos camarades
russes d'édifier réellement le socialisme. De telles mesures
répressives appliquées à des hommes qui ont consacré leur vie à
bien servir la cause des travailleurs tourmentent notre foi
communiste et annihilent la force morale dont nous avons besoin
pour combattre la répression bourgeoise.»
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professionnels acquis d'avance à n'importe quelle majorité (...) dans
le but unique de ne pas compromettre leur situation personnelle.»
1 «Le carnet du sauvage», La Révolution prolétarienne, n° 65, 1er octobre 1928. Contre
le courant (n°15/16/17, 25 octobre 1928) annonça comme suit la parution de L a
Vérité : «Depuis le mois de septembre, nos camarades de Limoges Body et Burquet
ont fondé un journal hebdomadaire La Vérité, organe de combat et de documentation.
La Vérité a rencontré un excellent accueil auprès des travailleurs limousins.
Fraternellement nous souhaitons la bienvenue à l'organe des travailleurs
révolutionnaires de Limoges.»
- 46 -
commencer par ceux qui les ont votées, bien entendu par
acclamations L»
- 47 -
Le parti communiste n'échappait pas non plus à la critique
acerbe de Souvarine qui le qualifiait de «régiment» : «Quelques
“chefs” ordonnent et les compagnies, les escouades obéissent. Les
chefs eux-mêmes obéissent à d'autres chefs, plus haut placés et
nommés par on ne sait qui (...) Si les quelques milliers de membres
qui restent dans ce malheureux parti y comprennent encore
quelque chose, c'est qu'ils sont de bonne composition (...) Les
provocateurs des sommets du Parti font inutilement passer à tabac
quelques dizaines de militants courageux fanatisés, qui
abandonnent le mouvement après avoir subi de cruelles exactions
policières. La force communiste s'use vainement dans une
“gymnastique révolutionnaire” anachronique.»
- 48 -
sont jamais à la mesure du développement des besoins sociaux et
de la technique. Servie par un ensemble de conditions historiques
et économiques, elle ne se sent pas encore menacée par la
concurrence des rivaux et, en attendant la dure crise qui la
rappellera au sentiment des réalités, elle se laisse vivre.»
- 49 -
doivent pouvoir faire tenir un hebdomadaire s'ils veulent s'en
donner la peine. Ce n'est pas une question de sous, c'est une
question d'expérience journalistique et de volonté. L'expérience
journalistique a manqué à Body ; il a fait un journal régional qui
n'était pas régional. Alors qu'il aurait dû borner son appel à la
collaboration extérieure à deux ou trois articles au maximum il en
avait deux pages. Cela au détriment de la vie locale et régionale L»
Monatte reprochait ensuite à Body de ne pas avoir plus rendu
compte de la vie ouvrière et syndicale de sa région et, en fin de
compte, d'avoir privilégié les problèmes politiques au détriment
des questions ouvrières et syndicales. D'où sa conclusion, selon
laquelle, à l'avenir, une tentative similaire devrait «être animée
davantage d'esprit syndicaliste».
- 50 -
soulignait que «l'opposition française, bourrelée de contradictions,
squelettique, d'une insuffisance organique criante» n'avait «pas su
prendre la place nécessaire dans la lutte communiste pour la
libération du prolétariat». Par rapport aux côtés négatifs
répertoriés de l'opposition française, dont les principaux étaient,
pour lui, une «abstention totale» des problèmes nationaux, une
incapacité à mener une lutte sérieuse et l'inaptitude à dépasser les
cercles étroits de militants intéressés par les problèmes de
l'opposition, Naville indiquait que le groupe de La Lutte de classes
n'avait, jusqu'à présent, pas pensé qu'«un seul des groupes
existants en France pouvait fournir “l'axe” d'un mouvement profond
de renaissance». Trotsky répondit à ce mémorandum en indiquant
que, «si Souvarine a perdu si malheureusement son chemin, c'est
qu'après avoir rompu avec la méthode marxiste, il essaie d'y
substituer ses observations, réflexions et études subjectives et
capricieuses». Apparemment, exprimer un désaccord avec Trotsky
revenait à abandonner la «méthode marxiste».
france, 1926-1939, Paris, EDI, 1976 et, plus récemment, dans Léon Trotsky/Pierre
Naville/Denise Naville/Jean van Heijenoort, Correspondance 1929-1939, Paris,
L'Harmattan, 1989, suivi par la réponse de Trotsky.
* Pierre Naville, Mémoires imparfaites, le temps des guerres, Paris, La Découverte,
1987, p. 64.
- 51 -
La correspondance échangée par plusieurs militants du Cercle
permet de donner une idée plus précise de cet épisode L Le 13
septembre 1929, Pierre Kaan écrivait à Souvarine, alors à
Carqueiranne pour la rédaction de La Russie nue, afin de l'informer
des changements intervenus dans la position d'une partie des
adhérents du Cercle, à la suite de deux lettres d'Aimé Patri. Dans la
première (24 août 1929), Aimé Patri, précisait le choix auquel se
croyaient confrontés les partisans de Trotsky dans le Cercle :
«Puisque maintenant, il s'agit de choisir nettement entre Boris et le
Vieux comme transmetteur du “flambeau du communisme”, entre
Boris qui dit “il n'y a plus de mouvement”, Lucien qui dit “Retour
aux partis indépendants”, et le Vieux qui dit “organisons une
fraction communiste de gauche”, mon opinion est faite.» Et dans la
suivante (septembre 1929), il revenait sur la question : «Pour Boris,
il n'y a rien d'autre à faire que d'attendre que la révolution
mondiale vienne sonner à la porte pour le prier de se mettre à sa
disposition. Pour l'instant, c'est zéro et la seule activité que l'on
puisse mener est d'empêcher que zéro ne dise quelque chose par
l'intermédiaire du P.C. officiel. Pour Lucien, plus réaliste, il s'agit de
refaire une social-démocratie, régénérée selon la vieille formule
(gauche social-démo. + droite communiste = parti idéal). Ni l'une ni
l'autre de ces attitudes ne me conviennent : le nihilisme abstrait de
Boris pas plus que le genre de réalité dont Lucien nous donne
l'aimable perspective.»
- 52 -
il faut recourir à des explications subjectives. Pour Naville et
Gérard, vous aviez raison de prévoir les effets du “magnétisme
personnel”. (...) Je crois que la raison profonde d'une pareille
détermination, c'est un besoin d'action immédiate, de participation
au mouvement ouvrier, besoin bien compréhensible en un sens.
Mais je crois un peu naïf d'ériger ce besoin en doctrine.»
- 53 -
répondit longuement au groupe de La Vérité. Sur la forme, Pierre
Kaan remarquait : «vous proposez d'ouvrir un débat, et vous avez
pris déjà les mesures pratiques qui auraient dû suivre et non
précéder une confrontation des points de vue». Sur le fond, c'est-à-
dire sur l'importance de la lettre de Souvarine à Trotsky pour la
différenciation entre la gauche et la droite de l'opposition, Kaan
notait : «Cette lettre est, comme vous le savez, une réponse à
diverses publications du camarade Trotsky et ne peut être
présentée ni comme un manifeste, ni comme une profession de foi.
Souvarine y discute les 3 critères adoptés par Trotsky, après avoir
souligné que ces 3 critères ne lui paraissent pas valables. Il se place
au point de vue de Trotsky et non au sien.» Souvarine, de son côté,
jugeait ainsi cet épisode dans un courrier à Pierre Kaan du 23
octobre : «Nous sommes en présence d'une tentative de
bolchevisation n° 2, à une échelle réduite. Elle aura le sort de la
précédente. Le gauchisme de tous ces gaillards est de la littérature
obscure, inconsistante- et pauvre».
Naville, membres du Cercle. Ce document, ainsi que la lettre suivante aux membres
du Cercle, m'a été aimablement communiqué par Pierre Naville.
- 54 -
lettre à L.[éon] T.[rotsky] me pressent avec insistance de la publier.
Il n'est question que de ce document dans le Landerneau de
l'opposition, depuis plusieurs mois. De tous côtés, on m'en demande
communication or je n'ai plus, depuis longtemps, un exemplaire
disponible. Ne pourrait-on, avec une solide introduction, des notes
et quelques écrits additionnels, en faire un vol. [urne] chez
R ied er ? 1» Enfin, ils dénonçaient l'apparition d'une «droite
véritable», dans et hors du parti, dont une expression était le P.O.P.
récemment fondé par des exclus et des démissionnaires du P.C. Ils
y amalgamaient les revues syndicalistes La R évolution
prolétarienne et Le Cri du peuple, le Cercle quant à lui ne pouvant
prétendre à faire œuvre «de critique et d'élaboration intellectuelle»
quand son seul «monument théorique» était la lettre de Souvarine
à Trotsky. Selon eux, le Cercle n'avait comme seule perspective que
«la disparition ou le glissement sur des positions changeantes aux
alentours des partis “indépendants” qui entendent se placer entre
la social-démocratie et le communisme, c'est-à-dire plus près de la
première que du deuxième».
- 55 -
B. LA SOLIDARITE AVEC LES REVOLUTIONNAIRES
PERSECUTES EN U.R.S.S.
- 56 -
avaient fondé une petite communauté agricole à Yalta, sur les rives
de la mer Noire.
- 57 -
s'écoule : les mots et les choses, et les gens subissent des mutations
profondes, d'une époque à une autre. Là, nous sommes en 1924.
Milgram sera victime des “épurations” sanglantes ordonnées par
Staline, dans et par le Guépéou. (Notre ami Ghezzi, plus tard déporté
en Sibérie, périra dans un camp du Goulag.)»
- 58 -
A propos de ses deux amis qui venaient d'être libérés après un
mois d'emprisonnement, il notait des réflexions qu'il convient de
reproduire longuement car elles illustrent bien sa compréhension
précoce des mécanismes répressifs et de la dérive totalitaire du
régime :
«Tous deux ont été arrêtés sans l'ombre d'un motif, et
beaucoup d'autres aussi (sans doute une trentaine). Il a suffi qu'ils
(les deux) connaissent Nicolas; mais la quasi-totalité des autres ne
le connaissaient même pas. Donc, on arrête les gens, en usant à
leurs égards des pires procédés d'intim idation, voire de
terrorisation, on espère leur faire raconter quelque chose. Mais là
où il n'y a rien, le diable lui-même perd ses droits. Les malheureux
bouclés ne peuvent voir personne, n'ont pas de défenseur, ne
peuvent recevoir de lettre, n'ont ni livres ni journaux; ils savent
qu’on peut les accuser de n'importe quoi et qu’ils seront jugés sans
procès, sans témoins; qu'on les déportera par “voie administrative”.
Les juges d'instruction opèrent la nuit ; on réveille les détenus à 1
ou 2 heures du matin pour les démoraliser, on emploie menaces et
promesses, faux documents et mises en scène. Après un ou
plusieurs mois de ce cauchemar, l'innocent est mis à la porte,
presque avec un coup de pied quelque part ; à 1 heure du matin, on
le réveille et on lui dit : “suivez-nous” ; le malheureux peut
s'attendre à tout ; à la direction de la police on lui apprend qu'il est
enfin libre. Il faut avoir en vue que Valia n'était pas abandonnée,
que j'avais vu beaucoup de gens influents, que Léna avait parlé à
Kroupskaïa, etc. Imaginez le sort de ceuxqui ne connaissent
personne ! Et figurez-vous ce qui se passe en province... C'est à
frémir.» (S ., pp. 122-123)
- 59 -
indirecte et douloureuse avec l'arbitraire de la répression lui
permit de comprendre le tour de plus en plus inquiétant que
prenait le régime.
- 60 -
Rakovsky, ambassadeur de l'U.R.S.S. à Paris» fut signé par une
quarantaine d'intellectuels, sympathisants de la révolution russe,
notamment Romain Rolland, Georges Duhamel, Séverine, Jacques
Mesnil, Georges Pioch, Léon Werth, Marcel Martinet, Jean-Richard
Bloch, Edouard Berth, André Julien, G. de Lacaze-Duthiers, Han
Ryner, Maurice et Marcel Wullens, etc., lui demandant son
intervention «pour obtenir des garanties de justice, accusation et
jugements publics, sur des faits dûment établis, avec possibilité de
défense et de témoignages à décharge» ou la mise en liberté
immédiate de cet ouvrier syndicaliste 1. De plus, le 22 juin, une
délégation de la Ligue syndicaliste était reçue par Christian
Rakovsky, proche de l'Opposition, pour demander la libération de
Lazarévitch. Le 12 août, de Moscou, Rakovsky faisait savoir à ses
défenseurs français que Lazarévitch devait être remis en liberté, et
que possibilité lui serait donné de partir pour l'étranger.
1 Pierre Pascal, Mon état d'ame — Mon journal de Russie — t. III : 1922-1926, Lausanne,
Ed. L'Age d'homme, 1982, p. 173-174.
2 Ida Mett (1901-1973), compagne de Nicolas Lazarévitch, collabora, de 1925 à 1927,
au mensuel des anarchistes russes à l'étranger, Dielo Trouda (La Cause du travail) à
Paris. Elle vécut ensuite, avec Nicolas, en Belgique, en Espagne, puis en France où
elle collaborait à La Révolution prolétarienne (Cf. D.B.M.O.F., t. 33, p. 393).
3 Cf. D.B.M.O.F., t. 33, p. 393-395.
4 Bulletin communiste, n° 22-23, octobre-novembre 1927, p. 373.
- 62 -
réactionnaires s’expliquaient dans la mesure où le pouvoir était
accaparé par «une clique de fonctionnaires, groupée autour de
Staline» qui représentait «la caste bureaucratique» intéressée au
maintien d'un tel régime. En conséquence, le Cercle demandait aux
ouvriers révolutionnaires d'exiger «des informations sur la
répression du mouvement révolutionnaire en Russie».
- 63 -
précédent sur la personnalité des bannis et celle des accusateurs et
des juges, les raisons de leur condamnation, avant d'interpeller les
ouvriers communistes français :
Sur cet épisode, cf. Victor Serge, Mémoires d'un révolutionnaire, 1901-1941, Paris,
Ed. du Seuil, Points/politique, 1978, pp. 252-253, et Jean-Louis Panné, «L'affaire
Victor Serge et la gauche française», Communisme, n° 5, 1984, p. 89-104.
- 64 -
révèle son caractère de plus en plus autocratique, de moins en
moins prolétarien. (...) Nous lutterons au nom des véritables
principes du communisme jusqu'à obtenir l'instauration en Russie
d'une juridiction populaire obligatoire, d'un contrôle public des
actes du pouvoir, des garanties légales de justice, c'est-à-dire d'une
démocratie communiste». A propos de sa remise en liberté, le
B u lle tin s'interrogeait sur le sort des autres emprisonnés :
«Pourquoi lui seul et non d'autres qui sont dans le même cas ?
Probablement parce que Victor est connu en France où une
déclaration réclamant simplement “toute la lumière”, “la publicité
nécessaire”, a été signée par une vingtaine de membres du Comité
de défense des victimes du fascisme, dont Victor est membre». La
conclusion s'imposait d'évidence : «Le gouvernement soviétique se
moque de l'opinion ouvrière mais casse devant quelques
intellectuels libéraux et socialistes» L
1 Les articles du Bulletin étaient : «Victor Serge en prison» et «Victor Serge libéré»,
n° 27-28, avril-juillet 1928, p. 445.
2 Pour une étude détaillée, nous renvoyons à notre article, «L'Affaire Francesco
Ghezzi, la vie et la mort d'un anarcho-syndicaliste italien en U.R.S.S.», A nnali 2
(Studi e strumenti di storia metropolitana milanese). Milan, Franco Angeli, 1993,
p. 3 4 9 -3 7 5 .
- 65 -
Connu pour ses opinions anarchistes, en contact avec des
oppositionnels et prolétaire informé de la situation réelle des
ouvriers russes, Ghezzi fut étroitement surveillé dès 1928, tandis
qu'il était réduit au chômage, comme de nombreux travailleurs
russes. Il fut arrêté dans la nuit du 11 au 12 mai 1929, et, très vite,
Souvarine annonça ce nouvel acte arbitraire du gouvernement
russe.
- 66 -
égard étaient extrêmement sévères et reprenaient, en les
radicalisant des réflexions que l'on pouvait lire, au moins depuis les
festivités du dixième anniversaire de la révolution, chez Pierre
Pascal, par exemple. Stigmatisant les approbations serviles et
mercenaires de «ratés de la littérature, d'acteurs en rupture de
scène, d'avocats sans cause, de figurants ouvriers quasi illettrés et
spécialement sélectionnés pour leur inculture, de politiciens
domestiqués, de laudateurs recrutés par les pires moyens», Pascal
dénonçait vigoureusement l'usage du cynisme et de la corruption
fait pour s'attacher de pareils soutiens : «Le Gosizdat a convoqué
tous les écrivains présents à Moscou pour leur payer les droits
d'auteur refusés jusqu'à présent aux étrangers traduits. Tous les
journaux ont sollicité des nobles invités des articles largement
rétribués en roubles et en dollars. Un certain nombre de ces
“délégués” ont été nommés correspondants de presse avec de bons
honoraires en dollars : en voilà qui ne sont pas près de sympathiser
avec l'opposition ... Inimaginable curée 1 !»
1 Pierre Pascal, Russie 1927 , mon journal de Russie, t. IV, 1927, Lausanne, L'Age
d'homme, 1982, p. 262.
- 67 -
la campagne pour la libération de Ghezzi trouva un écho favorable
chez les syndicalistes de La Révolution prolétarienne, où Jacques
Mesnil fut particulièrement actif, dans la revue communiste
oppositionnelle Contre le courant de Maurice et Magdeleine Paz,
dans la revue littéraire Les Humbles de Maurice Wullens, revenu
depuis l'affaire Lazarévitch à une vue plus critique de l'évolution
du régime soviétique, etc.
- 68 -
Il nous est impossible malgré nos recherches d'affirmer à coup
sûr que Souvarine se cachait derrière cette signature, mais il nous
semble raisonnable d'en émettre l'hypothèse, et ce pour plusieurs
raisons l . D'abord, Souvarine avait signé ses articles «un
communiste» dans cette revue en 1925-1926. Le moins que l'on
puisse dire c'est que la ressemblance est frappante entre l'un et
l'autre terme, le glissement du premier au second s'expliquant par
son évolution politique : il a écrit que l'homme qui avait commencé
à écrire le Staline était «“un communiste” au sens où Jaurès se
disait communiste au début du siècle, le terme étant alors
synonyme de socialiste et de social-démocrate» (ST., p. 17). D'autre
part, parmi les articles publiés entre 1937 et 1939 sous cette
signature, tous les sujets étaient très proches des préoccupations de
Souvarine et concernaient la répression stalinienne, contre le
P.O.U.M. en Espagne et contre des hommes que Souvarine avait
connus, à un titre ou à un autre, en U.R.S.S. comme Bêla Kun ou
Francesco Ghezzi. De plus, l'article d'«un socialiste» sur Ghezzi
laissait transparaître une tonalité assez personnelle : «Si Francesco
Ghezzi est vivant, qu'on nous le rende. Qu'il vienne manger avec
nous, parmi nous, le pain amer de toutes les défaites du
prolétariat ! Si on l'a fusillé, que nous le sachions ! Que les
fusilleurs m ettent bas le masque et prennent leurs
responsabilités !» Or, qui pouvait en France connaître Ghezzi, en
dehors des militants qui signaient de leur nom habituel leurs
articles dans la revue syndicaliste, si ce n'est Souvarine ? De plus, la
tonalité de cet article nous semble bien correspondre aux propres
idées et sentiments politiques du Souvarine de 1939 : «le pain amer
de toutes les défaites du prolétariat» correspond, dans un registre
voisin, avec «l'agonie de l'espérance socialiste» dont Souvarine
parlera en 1939 dans son Staline ; tandis qu'un socialiste demandait
des comptes sur le sort de Ghezzi aux complices de l'étranger des
assassins — «intellectuels, fonctionnaires syndicaux, communistes
payés ou sincères — comme l'article de La Lutte des classes de
1929, problématique qui n'est, à notre connaissance, pas employé*
* Dans une lettre du 8 juin 1993, Mario Maurin nous indiqua que sa mère Jeanne
Maurin, étant très âgée, ne pouvait ni confirmer ni infirmer notre hypothèse.
- 69 -
dans les autres articles consacrés à l'affaire Ghezzi en 1929-1931 et
en 1938-1939.
- 70 -
II — TROTSKY ET L’«OPPOSITION DE GAUCHE».
Quoi qu'il en soit, il est aisé de constater que les rares mentions
du nom de Souvarine que l’on pouvait trouver, jusqu’au seuil des
années quatre-vingt, le désignaient, à de rares exceptions près,
comme un militant trotskyste, y compris pour le définir
politiquement, de nombreuses années après sa rupture avec
Trotsky. Souvarine s'est exprimé d'une manière très nette sur cette
dénomination, notamment à la fin de sa vie. Ainsi, dans le Prologue
à la réimpression de La Critique sociale, il écrivait : «Politiciens et
journalistes ignorants et bavards m'ont taxé gratuitement de
“trotskysme”. Cela n'existait pas, lors du conflit où je me suis
prononcé, à Moscou, contre le mensonge et l'arbitraire officiels.
Trotsky et ses partisans répudiaient alors sincèrement et
énergiquement tout trotskysme» (p. 15).
- 71
les années trente : «Trotsky produit l'impression d'une horloge qui
se serait arrêtée en 1917» l .
- 72 -
défaite de l'opposition de novembre 1926, Souvarine commençant à
tirer le bilan de ses erreurs, affirmait que l'opposition russe n'était
pas assimilable à ses leaders, aussi prestigieux soient-ils, comme
Trotsky, Zinoviev ou Chliapnikov, mais «la classe ouvrière qui pense
et veut faire elle-même ses destinées» (Ib id e m , p. 117). Mais il
faudra attendre 1929 pour que Souvarine tire, dans sa polémique
avec Trotsky, le bilan de ses divergences avec l'opposition incarnée
par le fondateur de l'armée rouge.
- 73 -
les idées toutes faites formées dans l'atmosphère malsaine des
luttes de fractions et altérées de considérations tactiques, enfin
s'efforcer de discerner les groupes ou les hommes capables de
repenser le marxisme et d'apporter leur contribution originale à
l'élaboration d'une pensée communiste vivifiée et vérifiée par
l'épreuve.» Apprenant la publication imminente de deux articles de
Trotsky sur «l'orientation des groupes dits d'opposition» en France
et en Allemagne, Souvarine craignait que celui-ci n'ait à regretter
sa précipitation à s'exprimer aussi rapidement sur la question,
d'autant que la disproportion entre l'état du mouvement et la
personnalité de Trotsky pouvait, même involontairement, créer ou
accentuer les problèmes dans l'atmosphère précédemment décrite.
Ayant reçu un courrier sûr, Souvarine voulait surtout par cette
lettre, lui donner des nouvelles d'U.R.S.S., notamment sur le sort et
l'attitude des leaders de l'opposition russe, dont, la position, pour la
plupart, se résumait dans la motivation suivante : «le Parti fait une
politique de gauche ; l'opposition s'est trompée sur le Thermidor, le
Parti ayant démontré pouvoir maintenir sans elle une politique
prolétarienne ; il n'existe plus de sérieux désaccords entre le Parti
et l'opposition.» En outre, selon Boukharine à un sympathisant de
l'opposition, les oppositionnels étaient «infestés d'espions et de
provocateurs du G.P.U.», Staline connaissant ainsi tout ce qu'ils
disaient et faisaient et pouvant «les liquider quand il le voudra» 1.
* Pierre Broué note dans son livre L'assassinat de Trotsky (Bruxelles, Complexe,
1980, p. 39), à propos de réunions du secrétariat international de l'Opposition à
Berlin en 1931 : «nous possédons plusieurs procès-verbaux de cet organisme où il
arrivait que les agents du G.P.U. soient en majorité !»
- 74 -
indirectement sur Souvarine lui-même : «De notre mouvement
brisé, il ne reste plus, hors du parti que des miettes. En réalité, il
n'y a pas, en France, de vrais “groupes” : seulement quelques
hommes dont chacun est tenu d'assumer de multiples besognes s'il
veut essayer de maintenir quelque chose, ne fut-ce qu'un semblant
de vie groupusculaire. Or, quand un militant encore relativement
jeune, c'est-à-dire ayant beaucoup à apprendre, doit consacrer déjà
un tiers de la journée aux corvées de subsistance, qu'il faut lire
quatre ou cinq journaux et quelques revues de son pays et de
l'extérieur pour se tenir au courant, assurer une liaison par
correspondance entre les derniers survivants de la crise tant en
France qu'à l'étranger, prendre connaissance du minimum de livres
indispensables, participer à quelques réunions et discussions, — que
lui reste-t-il pour le travail théorique et doctrinal ?» De plus,
Souvarine imputait une bonne part de la «désagrégation de
l'opposition» à une «immixtion abusive des Russes dans notre
travail». Il mettait également Trotsky en garde à propos du fait que
ce dernier pouvait prêter une sorte de «vie artificielle» à des gens
qui n'existeraient pas sans lui. Enfin, Souvarine s'étonnait que
Trotsky lui prêtât les «idées et tactiques contradictoires» du groupe
allemand de Brandler et Thalheimer.
- 75 -
erreurs passées. La discussion ne manquait pas de prendre un tour
plus personnel, Souvarine répondant aux accusations de son
interlocuteur sur «l'acerbité» de sa prose : «Si parfois je me laisse
aller à une tournure vive ou à une expression forte, c'est que le
sujet m'y porte ou que l'adversaire m'y incite.» Mais le plus
important était que Trotsky renouvelait «l'erreur énorme» de
l'Internationale communiste à propos de la presse : «C'est le pire
des services à rendre à un groupe impuissant que de lui donner,
avec les divers moyens de créer un organe, l'illusion que cet organe
est son œuvre et qu'il n'a pas besoin d’effort pour arriver à la
hauteur de sa tâche.»
- 76 -
la reconnaissance de notions nouvelles imposées dans le
mouvement communiste après la mort de Lénine. Ces trois critères
semblaient à Souvarine «arbitrairement choisis et dépourvus de
valeur en soi». Il précisait : «Vous attendez d'un communiste
français, tchèque ou italien qu'il donne une solution impeccable aux
problèmes essentiels de la politique en Angleterre, de l'économique
en Russie, de la tactique en Chine. Faute de quoi, vous le classez du
côté de “la barricade” où se trouvent, d'après vous, la bourgeoisie, la
social-démocratie et le “bloc centre-droit”. Et la correction de sa
position est établie selon sa conformité à votre propre point de vue,
lequel est considéré comme étalon sans doute par prédestination.»
- 77 -
dominantes», «surestimé la conscience et la combativité des classes
exploitées», voulu «fabriquer des partis communistes à son image».
- 78 -
notion de centrisme, elle servait à Trotsky «d'expédient» pour
éviter les qualificatifs plus précis ou les définitions topiques qui
auraient mis à mal son schéma d'interprétation.
- 79 -
Politbureau sont admissibles en permanence, les oppositions
communistes n'ont pas à s'y soustraire.»
- 80 -
à tous fut de vouloir, sous votre influence, la réintégration dans un
parti où il n'y a pas de place maintenant pour des marxistes et
l'erreur plus particulière de l'opposition russe est d'y persévérer,
les uns y réussissant individuellement par le reniement, les autres
croyant réussir en groupe par un martyre dont ils attendent un
éveil du prolétariat. (...) Savoir attendre est aussi nécessaire que
pouvoir combattre et il est même possible de se taire sans perdre la
faculté d'agir comme on peut se donner l'illusion de l'action en
s'épuisant en paroles.»
- 81
B.— De la rupture de 1929 à la mort de Trotsky.
- 82 -
possible de regrouper les commentaires de Souvarine autour de
deux grands axes, le premier concerne tout ce qui touche
directement à l'U.R.S.S., le second regroupe les questions de
politique internationale et l’activité communiste dans différents
pays (Allemagne, Chine, Espagne etc.).
- 83 -
désignait, en 1920, comme «un Etat ouvrier-paysan à déformations
bureaucratiques», et précisait : «douze ans après, évidemment
grâce au régime de Staline, nous sommes dans un Etat ouvrier pur
et simple» (C. S. II, p. 98).
- 84 -
communiste devant la mortelle menace, toujours plus précise, du
nazisme et la marche de Hitler au pouvoir» 1. Ce terme de
redressement définit parfaitement la position de Trotsky jusqu'en
1933, y compris dans les mois qui suivirent immédiatement
l'arrivée des nazis au pouvoir.
- 85
Il était inutile de vouloir s'adresser aux leaders du «pseudo Parti
communiste allemand, comme si ces gens avaient des opinions et
non des raisons vulgaires d'obéir à des ordres». Trotsky essayait, en
vain, de leur expliquer «des choses très élémentaires, comme par
exemple que les ouvriers social-démocrates ne sont pas des
fascistes» ou encore «que les communistes doivent parer au danger
le plus réactionnaire avant de régler leurs comptes avec leurs plus
proches voisins politiques» ; ces considérations d'évidence étant
données pour dénoncer la nocivité de pratiques comme le plébiscite
de Prusse.
* Otto Rühle, Fascisme brun, fascisme rouge, Paris, Spartacus, n° 63, oct./nov. 1975,
p. 61.
- 86 -
immédiatement un héros et un symbole pour les courants
nationalistes d'extrême-droite. Après le discours de Radek, le parti
communiste allemand adopta la «ligne Schlageter», pour désigner
ses tentatives de s'adresser aux couches sociales prolétarisées par
la crise et influencées par les nationalistes et les extrémistes de
droite L
1 On trouvera deux points de vue différents sur l'affaire Schlageter dans les livres de
Pierre Broué, Révolution en Allemagne (1917-1923), Paris, Ed. de Minuit, [1971],
1977, p. 692-697; et Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires, Paris, Hermann,
[1972], 1980, p. 97-101.
- 87 -
changé en Allemagne dès que les partis ouvriers ont pris position
de résistance armée, alors que tout semblait perdu quand les
communistes et les social-démoerates croyaient à la fatalité d'une
expérience hitlérienne. Trotsky prouve que cette issue immédiate
n'est pas fatale. Tout cela est d'ailleurs conforme aux idées
condamnées par Trotsky comme “droitières” et qui deviennent
“gauchistes” sous sa plume, on se demande pourquoi et comment. Il
montre, en outre, qu'une victoire nationale-socialiste en Allemagne
rendrait inéluctable une guerre contre l'U.R.S.S. (...) Mais Trotsky
persiste à ne pas tenir compte de faits essentiels comme
l'inexistence de vrais partis communistes, et tout son raisonnement
s'en trouve faussé. Pour lui, “le parti” est une abstraction qui
intervient en tout état de cause, même s'il s'agit d'un troupeau
d'inconscients aux ordres d'un Manouilsky ou d'un Piatnitsky
quelconques, eux-mêmes aux ordres d'un Staline. Cette confusion
des mots et des réalités annule ou vicie le sens général de cet
article-proclamation.»
- 88 -
Souvarine saisit cette occasion pour faire connaître sa critique
des positions de Trotsky sur la situation allemande, son article
intitulée «La clef de la situation» étant une allusion transparente à
l'article du même nom de Trotsky dans le Bulletin de l’Opposition l .
1 Le Travailleur, n° 49, samedi 22 avril 1933. Les citations suivantes sans indication
d'origine sont extraites de cet article.
- 89 -
une forme nouvelle son erreur habituelle qui consiste à raisonner
sur un postulat arbitraire : l'existence d'une Internationale
communiste, dont l'inexistence est archi prouvée dans les faits.»
- 90 -
(Trotsky) vit en son ennemi mortel l'incarnation de la bureaucratie
soviétique, autre classe qu'il appelle un “milieu social distinct” et
dans son Jo u rnal il attribue la victoire de Staline à des “causes
profondes dans la dynamique des forces historiques” ... l»
1 «Trotsky en France», Le Travailleur, n° 64, 5 août 1933. De même pour les citations
suivantes.
- 92 -
hollandais (R.S.P. et O.S.P.), un groupe d'opposition suédois et des
trotskystes.
- 93 -
Au sein du K.P.-O., une importante minorité, animée par
l'ancien militant spartakiste Jacob Walcher, critiquait la direction
Brandler-Thalheimer à propos de l'évolution de la politique suivie
par l'U.R.S.S. et l'Internationale communiste. La minorité du K.P.-O.
avait rejoint en 1932 le S.A.P., le parti socialiste ouvrier, créé
l'année précédente à la suite d'une scission de gauche du S.P.D. Les
anciens oppositionnels de «droite» dans le S.A.P., au nombre
d'environ un millier, devaient s'emparer de la direction du S.A.P., à
partir de 1933. C'est à ce moment-là que Walcher et Thomas (Jacob
Reich) entrèrent indirectement en contact avec un Trotsky
désireux, après la défaite allemande, de poser le problème du
«développement des fondements d'une politique révolutionnaire
pour une longue période», ces réflexions aboutissant, le 15 juin, à la
publication d'un article de discussion signé Gourov, «Les
organisations socialistes et nos tâches» L
* Pierre Broué, T rotsky, op. cil., p. 737-738. Cf. également les notices sur Brandler,
Thalheimer et Walcher dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
international (Allemagne), Paris, Ed. ouvrières, 1990.
- 94 -
«En 1912, à Vienne, Trotsky avait réalisé une coalition
hétéroclite et éphémère de droite et de gauche englobant tous les
socialistes de l'Empire russe face aux bolcheviks. Douze ans plus
tard, Zinoviev et Kamenev se sont unis à lui reprocher cette vieille
aventure, à leurs fins politiques immédiates, visant à discréditer un
rival. Nous avons haussé les épaules. Mais, en 1927, Trotsky
récidivait dans le même esprit en concluant un nouveau “bloc” avec
ses pires adversaires de la veille, avec la droite dont il dénonçait
l'influence, avec la démagogie de Zinoviev, l'opportunisme de
Kamenev, le libéralisme de Sokolnikov, en même temps qu'avec les
oppositions démocratiques de gauche représentées par Sapronov et
Chliapnikov. Cette fois, nous avons dégagé notre responsabilité et
refusé de rester solidaire de cette politique incohérente dont les
résultats n'étaient pas malaisés à prévoir. Aujourd'hui, Trotsky
coopère à un nouveau “bloc d'Août” et ce professeur de rigorisme
doctrinal s'accommode du P.U.P. dans une tentative de rassembler
dans la pire confusion n'importe qui pour faire n'importe quoi.»
- 95 -
Dans un article du Travailleur, Joaquim Maurin, le beau-frère
de Souvarine, alors militant de la Fédération communiste ibérique
avant de participer en 1935 à la création du P.O.U.M., dénonça en
termes véhéments «La faillite du trotskysme» (n° 78, 11 novembre
1933). Selon lui, «Trotsky, avec son prestige international, avec sa
fébrile production politico-littéraire, s'appuyant de plus en plus sur
l'échec de l'Internationale communiste, paraissait devoir présider à
la résurrection du socialisme révolutionnaire.» Malheureusement, il
n'en avait pas été ainsi, Trotsky apportant «dans les organisations
d'opposition les mêmes méthodes, le même centralisme mécanique,
le même favoritisme qui régnent actuellement dans l'Internationale
communiste».
1 Cf. chap. III, à propos des réactions de Trotsky et des trotskystes à la publication du
livre de Souvarine.
populaire contre le pouvoir dictatorial du Parti-Etat l . D'une
manière discrète, son analyse constituait, à notre connaissance, la
première réévaluation positive de l'insurrection en dehors des
m ilieux anarchistes ou ultra-gauches, qui avaient pris
immédiatement conscience de l'importance de l'événement, en
même temps qu'une critique fondamentale de l'attitude de Trotsky
dans cet épisode de la révolution russe.
- 97 -
Paris. A propos de Trotsky, Souvarine remarquait «qu'on ne se
glorifie pas de certaines victoires» et soulignait que celui-ci ne
consacrait que deux lignes, dans ses mémoires, à cette affaire.
- 98 -
ajoutait : «Et c'est pitié que le silence des morts parle parfois plus
fort que la voix des vivants» L
- 99 -
de deux documents extraits de cet ouvrage, «Dernier avertissement
à la garnison et à la population des forts rebelles» (Petrograd, le 5
mars 1921) et «Discours prononcé au défilé en l'honneur des héros
de Kronstadt, le 3 avril 1921» démontrent la participation directe
et avérée de Trotsky à l'écrasement de cette insurrection populaire
et ouvrière L
100 -
philistins et sycophantes». Il s'en prenait à Victor Serge, le
traducteur français de son livre, pour un prière d'insérer qui, selon
lui, avait sciemment déformé son contenu, permettant à Souvarine
et «d'autres sycophantes» de se saisir de cette déclaration
trompeuse pour «rechercher des sophismes empoisonnés».
Englobant dans sa réprobation, outre Serge et Souvarine, des
personnalités aussi différentes que Marceau Pivert, Max Eastman,
Magdeleine Paz, pour ceux qui avaient affirmé leur antistalinisme,
et Victor Basch et Me Rosenmark de la Ligue des droits de l'homme
pour leur attitude au moment des procès de Moscou, Trotsky
stigmatisait «la tendance générale réactionnaire qui est dirigée
contre le bolchevisme et le marxisme dans leur ensemble». Trotsky,
en l'occurrence, semblait tout faire pour mériter le reproche d'un
substitutisme entre le «marxisme» et sa propre personne.
101
«tendance générale réactionnaire», en la personne de Boris
Souvarine, «ex-pacifiste, ex-communiste, ex-trotskyste, ex
communiste-démocrate, ex-marxiste..., ex-Souvarine, pourrait-on
presque dire...»
102 -
comme leur avait paru inexistant le parti de Lénine et de
Liebknecht durant la dernière guerre.»
1 «La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchevisme» (Living
marxism, vol. IV, n° 8, sept. 1939), article traduit dans :
K orsch/M attick/Pannekoek/Ruhle/W agner, La contre-révolution bureaucratique,
Paris. UGE 10/18, 1973, p. 280.
103 -
que soient les crimes de Staline, nous ne pouvons permettre à
l'impérialisme mondial d'écraser l'U.R.S.S., de rétablir le capitalisme,
de transformer le pays de la Révolution d'Octobre en colonie» *.
104
III. — L'EVOLUTION DU RÉGIME SOVIÉTIQUE
A. — LA DOMINATION DE L'ETAT-PARTI.
* «Octobre noir», Bulletin communiste, n° 22-23, oct.-nov. 1927. Article repris dans
A .C .C ., p. 119*137. Les citations suivantes sans indication d'origine renvoient
toutes à cet article.
105 -
de l'énormité de la documentation à manipuler sur la question, de
comprendre comment l'utiliser à bon escient : celle produite par les
institutions soviétiques elles-mêmes ne devant pas être confondues
avec la littérature de propagande. Cependant, même avec une
documentation topique et utilisable, «les matériaux sèchement
documentaires ne sont d'aucun secours à ceux qui ignorent
l'histoire de la Russie et croient pouvoir se passer des notions
d'économie politique, de philosophie, d'éthique constituant le
bagage culturel de véritables révolutionnaires». Il fallait pour
tenter «un bilan réellement significatif de la décade écoulée» et
dégager «le sens du développement russe», avoir recours à la
«méthode marxiste», entendue dans toute sa richesse et sa
complexité qui n'avait rien à voir avec le «simili-marxisme
élémentaire, simpliste, mécanique» en usage chez les bolcheviks
officiels.
106
Parti, opposition comprise, cela ne constituait en aucun cas «un
mode de production “de type socialiste conséquent”».
107
résolution de ses difficultés, la répression avait été l'unique moyen
d'imposer la politique d'un Parti dont, sous la force des choses, la
nature avait très profondément changé.
108
et caricatural chez les dirigeants, rigide et livresque dans
l'opposition», «rendu primaire par l'oubli de la dialectique et d'un
m atérialism e grossier par l'ignorance de tout élément
d'appréciation non économique». Il n'hésitait pas à dire, en
paraphrasant Marx dans la Critique de la philosophie du droit de
H egel, que «le léninisme» était «l'opium de l'Internationale». Selon
lui, la «faute impardonnable» de l'Opposition était d'avoir repris à
son compte ce léninisme, car en admettant «le dogme de
l'infaillibilité léninienne», «elle a contribué à monter la machinerie
religieuse sous laquelle elle s’est fait écraser. Reprenant un propos
injurieux de Zinoviev à son encontre, où l'ancien président de l'I.C.
l'avait accusé de cracher sur le mausolée de Lénine, Souvarine
laissait éclater son talent de polémiste devant le sinistre ersatz de
religiosité d'une telle momification en s'écriant :
109 -
l'aberration qui, dans une juste dénonciation de la démocratie
bourgeoise, implique aveuglément toute démocratie, oubliant notre
rôle principal de champions de la démocratie authentique, celle que
les socialistes et les communistes de toujours appelaient démocratie
sociale.» Dans cette voie, il retrouvait les réflexions de Rosa
Luxemburg pour qui la dictature du prolétariat consistait «dans la
manière d'appliquer la démocratie, non dans son abolition».
110
de son régime résidait non pas dans son inapplication effective,
comme cela est souvent le cas, mais dans le fait que la Constitution
n'avait «rien de commun avec le régimedont elle est censée définir
les institutions», car, dans les faits, «un seul individu jouit de tous
les droits et tous les autres assument tous les devoirs». Cet individu
était le Secrétaire général du parti communiste 1.
Une telle observation en dit long sur la perspicacité des commentateurs de tous
bords qui s'extasièrent, quelques années plus tard, sur la nouvelle Constitution
soviétique adoptée le 5 août 1936, «la plus démocratique du monde».
111
nombre de 1.360.469, constituaient donc des «rouages de la
machine gouvernementale soviétique», en même temps qu'ils
étaient «la principale catégorie privilégiée du régime», assimilables
au plan politique à «une sorte de patriarcat, monopoleur de
l'autorité» et disposant d'avantages économiques en termes de
sécurité de l'emploi, de logement et de rémunération. La qualité de
membre du parti n'entraînait pas comme sous Lénine des droits et
des devoirs, mais, dorénavant, «des avantages et des profits».
Dressant un réquisitoire impitoyable du changement fondamental
de nature du parti, il était logique qu'il conteste radicalement la
prétention des trotskystes à vouloir le «redresser», comme si l'on
pouvait y rejouer les luttes de tendance des partis de la IIe
Internationale d'avant 1914. La nature, mais aussi la composition et
le rôle social du parti, s'étant radicalement inversé, la seule
solution, pour rester fidèle à ses convictions socialistes, consistait à
rompre complètement avec un parti qui n'avait plus rien de
prolétarien et de socialiste, mais s'apparentait une nouvelle forme
de domination politique.
112 -
B. LA MISE A NU D'UNE SOCIETE ENCHAINEE
Songez aussi que le peuple n'a pour ainsi dire aucune liberté ;
que jamais, aux pires heures du communisme de guerre, des luttes
civiles et de la guerre étrangère, la dictature n'a été aussi
étouffante. Encore comprenait-on l'état de siège au moment du
danger. Mais maintenant ? La prose officielle, qui a envahi tous les
journaux écœure : toujours les mêmes mensonges, le même bluff,
les mêmes promesses, les mêmes formules-clichés. De quelque côté
que l'on se tourne : censure, Guépéou, fonctionnaires aux ordres. Un
formidable appareil bureaucratico-policier comprime tout L»1
113 -
Souvarine, après bien des hésitations, accepta la proposition de
l'écrivain roumain de langue française, Panait Istrati, de publier un
ouvrage sous le nom de ce dernier. Le livre intitulé La Russie nue,
sur une idée de Jean Bernier, était le troisième volume d'une
trilogie signée par Istrati, celui-ci n'ayant écrit que le premier
volume, Vers l'autre flamme, le second, Soviets 1929, étant de
Victor Serge.
114
théoriques. Il ignorait tout du régime soviétique, sauf son hostilité
au monde capitaliste, et même au point de caresser le projet de se
fixer en Russie pour y vivre désormais, lui qui ne pouvait
s'incorporer à aucune collectivité, comme s'il était possible à un
individu indépendant d'exister dans un pays où toute la population
est enrégimentée, de gré ou de force, dans un réseau serré de
cellules étatiques et policières.» (S., p. 57)
115
que l'on cherchait à atteindre afin de briser la volonté d'un
opposant que sa notoriété dans les milieux intellectuels étrangers
protégeait encore indirectement, par rapport au commun des
mortels. Après la condamnation à mort de Roussakov, Istrati
s'insurgea et fit tout ce qui était en son pouvoir pour le sauver : «Il
m'a fallu dix jours de féroces interventions, là-bas, depuis Kalinine
jusqu'au dernier procureur, en passant par la toute-puissante
presse rouge, et soixante-dix jours de patience et de labeur
termitien, d'ici, pour que, embêté, Staline (sûrement) donne l'ordre
d'acquitter Roussakov ... l ». En 1934, annonçant la mort de ce
«prolo libertaire» et donnant la conclusion de cette lamentable
histoire, Jacques Mesnil écrivait : «Le vieux Roussakov fut privé de
travail, c'est-à-dire de pain ; il vit l'une de ses filles en prison, une
autre prise de folie à force de douleur et de tourments, son gendre
en prison, puis en exil ; il fut en butte à toutes les avanies et s'il n'y
avait eu à l'étranger des protestations énergiques de gens dont le
gouvernement de Staline a besoin, il aurait été chassé de Leningrad
et réduit à crever sur les grandes routes. Malgré sa vigueur native,
le vieil ouvrier, miné par la fatigue, lesprivations, les tourments,
les persécutions s'est effondré, atteint au cœur 12 .»
116
trompeuses sur la pseudo-dictature du prolétariat. Sa faible culture
politique d'autodidacte errant ne lui permet pas encore de rejeter
des clichés que l'opposition trotskyste entretient et lui inculque,
tant sur la lutte de classes, en l'absence de lutte et de classes, que
sur la nocivité de la bureaucratie alors que le Parti über ailes est
l'Etat soviétique. Mais ses intuitions contredisent ses opinions
invétérées. Il rentre à Paris le15 février 1929, fourbu, malade,
désorienté, ne sachant plus à qui, ni à quoi se vouer : il ne peut ni
parler, ni se taire, ni écrire, ni s'abstenir. Au lendemain de son
retour, il est chez moi, il raconte... » (5., pp. 72-73).
117
les Comités que lançaient Willi Münzenberg pour sauver Dimitrov
et ses co-inculpés du procès de l'incendie du Reichstag (à
l'exception bien sûr du malheureux Van der Lubbe considéré
comme un provocateur nazi). Il fit partie du comité Thaelmann
destiné à obtenir la libération du leader communiste allemand. La
même année, il adhéra à l'Association des écrivains et artistes
révolutionnaires (A.E.A.R.) et fit partie de son comité de patronage
aux côtés de Aragon, Barbusse, Jean-Richard Bloch, André Breton,
Luis Bunuel, René Crevel, Paul Eluard, Man Ray, Eugène Dabit, Elie
Faure et Paul Nizan. Si, comme l'écrivent Anne Roche et Geraldi
Leroy, «les noms symboles de Gide et de Romain Rolland
témoignent du souci des initiateurs du mouvement de ne pas
paraître inféoder l'A.E.A.R. au P.C.», «la réalité est moins idyllique»
L Romain Rolland joua également un rôle important à Vendredi qui
a souvent été présenté comme l'hebdomadaire des intellectuels
favorables au Front populaire. Enfin, on peut noter à propos de
l'évolution de la revue Europe dans les années 1934-1936, que les
spécialistes de l'histoire littéraire de la période constatent que les
textes de Romain Rolland et Jean-Richard Bloch «peuvent encore,
par leur flou, faire une certaine unanimité ; mais si on les replace
dans leur contexte, on constate qu'ils signifient l'inféodation au
P.C.F. et à l'U.R.S.S.» 2.
118
La trilogie d'Istrati est également importante car elle
constituait le premier témoignage critique venu d'un écrivain
sym pathisant aidé de deux communistes oppositionnels.
Auparavant les ouvrages critiques, plus ou moins pertinents,
étaient venus principalement des milieux réactionnaires et
conservateurs. A gauche, les seuls documents essayant de mener à
bien une dénonciation argumentée du régime soviétique avaient
été le fait des autres courants révolutionnaires russes vaincus par
le bolchevisme et s'étaient pour la plupart intéressés à la période
1917-1921. Deux catégories d'ouvrages coexistaient dans cette
catégorie. D'abord des livres qui apportaient un point de vue
différent sur la période révolutionnaire comme, par exemple, L a
Révolution russe en Ukraine de Nestor Makhno (Paris, 1926).
Ensuite des livres ou brochures qui dénonçaient la répression dont
étaient victimes des militants socialistes-révolutionnaires ou
anarchistes, par exemple, Tché-Ka, Matériaux et documents sur la
terreur bolcheviste recueillis par le Bureau Central du Parti
socialiste-révolutionnaire russe (Paris, 1922) ou La Répression de
l'anarchisme en Russie soviétique par le «groupe des anarchistes
russes exilés en Allemagne» (Paris, 1923).
119 -
trois lettres de Boris Souvarine et ses deux lettres de décembre
1928 adressées au Guépéou en faveur de Roussakov. Il espérait
encore convaincre Romain Rolland d'accomplir un petit geste pour
les persécutés : «avec votre petit doigt, je me fais fort de soulever
bien des consciences» lui écrivait-il L
120
«magnifiques». Mais, avec une logique singulière, il exhortait Istrati
à les garder secrètes : «Vous ne devez pas les publier en ce
moment, ni surtout les laisser publier par Boris et les amis de
Serge». En effet, selon l'écrivain, «cela ne servirait en rien à la
Révolution Russe — mais à la réaction européenne, dont les
oppositionnistes font aveuglément le jeu» 1. On reconnaît là, au
passage, un argument qui était promis à un bel avenir dans le
débat politico-intellectuel des décennies suivantes.
- 121 -
les communistes oppositionnels, figure toujours comme le
repoussoir, le «fanatique». Cette rancœur remonte-t-elle au début
des années vingt où le fondateur du B u lletin com m uniste
représentait le type même du bolchevik intransigeant à l'encontre
d'un écrivain qui avait très tôt adopté la posture du «grand écrivain
humaniste» ? C'est possible, mais là ne réside pas sans doute
l'essentiel des craintes exprimées par Rolland. Sans doute, ce
dernier comprit que la position de Souvarine était la plus radicale
pour dénoncer la «dictature du Secrétariat», d'où les craintes qu'il
exprimait à Istrati. Dans la décennie suivante, l'évolution respective
des deux hommes symbolisera, chacune à sa manière, un
paradigme opposé parmi les différentes prises de position politique
adoptées pendant cette période.
122 -
était paru dans le n° 116 (avril 1931) de la RP sous le titre :
«Europe, élargis-toi, ou meurs». Souvarine commentait :
«Littérature ampoulée ou l'hypertrophie du “moi” ne parvient pas à
se dissimuler sous un pêle-mêle d'affirmations creuses d'allure
humanitaire. Le littérateur stalinien, qui sait tout sans rien étudier,
tutoie l'Europe où il ne voit même pas les classes et tranche
souverainement des questions internationales avec une suffisance
incroyable, en mélangeant Lénine, Sun-Yat-En et Ghandi dans une
pathos déclamatoire. “Le récent procès de Moscou ne m'a rien
appris que je ne soupçonnasse”, dit cet adepte de M. Cachin, tout en
donnant dans le panneau de la guerre contre l'U.R.S.S. de plus en
plus imminente» (C.S., I, p. 89). Il qualifiera ultérieurement Romain
Rolland de «Stalino-Ghandiste» après son entretien publié dans la
RP avec l'apôtre de la non-violence (C. S., I, p. 237).
1 André Gide, Retour de l'URSS suivi de Retouches à mon retour de l'URSS, Paris, Ed.
Gallimard coll. Idées, 1978, p. 95.
123
les communistes oppositionnels, figure toujours comme le
repoussoir, le «fanatique». Cette rancœur remonte-t-elle au début
des années vingt où le fondateur du B u lletin com m uniste
représentait le type même du bolchevik intransigeant à l'encontre
d'un écrivain qui avait très tôt adopté la posture du «grand écrivain
humaniste» ? C'est possible, mais là ne réside pas sans doute
l'essentiel des craintes exprimées par Rolland. Sans doute, ce
dernier comprit que la position de Souvarine était la plus radicale
pour dénoncer la «dictature du Secrétariat», d'où les craintes qu'il
exprimait à Istrati. Dans la décennie suivante, l'évolution respective
des deux hommes symbolisera, chacune à sa manière, un
paradigme opposé parmi les différentes prises de position politique
adoptées pendant cette période.
122 -
était paru dans le n° 116 (avril 1931) de la RP sous le titre :
«Europe, élargis-toi, ou meurs». Souvarine commentait :
«Littérature ampoulée ou l'hypertrophie du “moi” ne parvient pas à
se dissimuler sous un pêle-mêle d'affirmations creuses d'allure
humanitaire. Le littérateur stalinien, qui sait tout sans rien étudier,
tutoie l'Europe où il ne voit même pas les classes et tranche
souverainement des questions internationales avec une suffisance
incroyable, en mélangeant Lénine, Sun-Yat-En et Ghandi dans une
pathos déclamatoire. “Le récent procès de Moscou ne m'a rien
appris que je ne soupçonnasse”, dit cet adepte de M. Cachin, tout en
donnant dans le panneau de la guerre contre l'U.R.S.S. de plus en
plus imminente» (C.S., I, p. 89). Il qualifiera ultérieurement Romain
Rolland de «Stalino-Ghandiste» après son entretien publié dans la
RP avec l'apôtre de la non-violence (C. S., I, p. 237).
* André Gide, Retour de l'URSS suivi de Retouches à mon retour de l'URSS, Paris, Ed.
Gallimard coll. Idées, 1978, p. 95.
123
d'une dizaine de jours : 300 pages sur la situation de l'U.R.S.S. Je
t'expliquerai de vive voix, à mon retour, en quoi consiste cette
besogne un peu spéciale l .» Il demandait également de l'aide à des
amis restés à Paris, afin de compléter ses sources ou pour vérifier
un point de détail. Ainsi, dans sa correspondance à Simone Breton,
il chargeait son amie de lui acheter le premier tome des Œ uvres
com plètes de Lénine, de vérifier ou de faire vérifier le chiffre de
600.000 enfants abandonnés en U.R.S.S. dans un article de L'Œuvre
du 25 juin 1926, ou dans une autre lettre, d'acheter les derniers
numéros du Sotsialistitcheskii Vestnik chez un libraire de la rue
Bonaparte *2. Dans une de ses lettres, il informait sa correspondante
de la progression de son travail et des difficultés rencontrées : «Le
travail avance, mais plus lentement que je ne pensais, à cause de
l'abondance des matériaux à triturer, et de mes scrupules
pathologiques dans le choix et la vérification. Je n'en décolle plus de
la journée.»
124
représente non seulement 70 jours de travail à raison de 10 ou 12
heures par jour, mais des années d’études et de recherches. (...) Ce
sera une sorte de photographie de la réalité soviétique pour les 150
millions de pauvres diables de l'U.R.S.S., sans thèse ni controverse,
bien qu'il doive s'en dégager, par la stricte éloquence des faits
sèchement rapportés, une démonstration très forte. A la fin, j'ai
ajouté un chapitre qui abâtardit peut-être le caractère du livre
mais m'a semblé nécessaire pour aller au devant des
interprétations erronées ou mensongères : c'est une esquisse des
perspectives possibles pour l'U.R.S.S., malheureusement trop denses
(...). Enfin, innovation, j'ai collé un “arrière-propos” justifiant
l'actualité de l'ouvrage.
Donc rien de “fini” car le lecteur qui m'aura suivi jusqu'au
bout sera déçu de ne pas trouver un exposé analytique de la
situation économique, pour lequel il n'y avait pas de place. C'est le
plan quinquennal qui domine toute l'évolution. Je l'ai étudié à fond
et vais même écrire un mémoire là-dessus, pour les copains. Mais
impossible de le fourrer dans le bouquin. Ou alors, il aurait fallu
m'autoriser à faire 400 à 500 pages U»
125
livres par l'éditeur, nuisible à une bonne réception de l'ouvrage,
Souvarine reprochait à Istrati sa publication préalable de l'article
dans la N.R.F. et, dans un courrier du 1er décembre, il interrogeait
son ami : «Que voulais-tu ? Frapper l'opinion, mais surtout l'opinion
ouvrière et communiste. Or, tu as fait en sorte que ladite opinion a
jugé et condamné avant d'avoir lu, non seulement les trois
bouquins, mais même le premier. Et cela parce que, contrairement à
ce que tu m'écris, tu as montré d'abord non pas la proue de ta
galère, mais la poupe. Car l'affaire Roussakov, c'est la poupe et non
la proue. La proue, c'est l'entrée en matière, le coup que tu portes à
la société bourgeoise ; la poupe, c'est ton coup à la société
soviétique. En isolant celui-ci, tu changes absolument l'optique de la
position et tu as eu l'air de cogner seulement du côté soviétique.
Ayant favorisé un courant d'opinion contre toi et ta thèse (dans les
milieux ouvriers) en exhibant seulement cette poupe, tu montres ta
proue deux mois après, alors que le dénigrement a fait son œuvre.
Trop tard. On ne lira plus, car on croit être fixé sur ta “trahison”.
A part cela, on trouvera peut-être des lecteurs dans le camp
de nos ennemis, mais ce n'est pas ce but-là que nous visions l .»
pour le 2e et décembre pour le 3e. Cela n'est absolument pas un point anecdotique,
car cette publication échelonnée pesa dans la réception de l'ouvrage.
* «Lettres de Souvarine à Istrati», op. cil., p. 166-167.
2 Ibidem , p. 163 et p. 174 pour la citation suivante.
126
avant tout. Nous échouons complètement, et par ta faute : fuite à
y
Vienne, fuite en Egypte. Et n'en parlons plus. Nous ne pourrions que
nous répéter l .»
127
se sont servis de cette méthode pour forger la légende anti-
bolchévique, à laquelle les héritiers plus ou moins légitimes de
Lénine ont cru expédient de riposter par la légende soviétiste. Mais
le contre-pied d'une contrevérité n'est pas nécessairement la vérité.
Les deux légendes se valent. Loin de se compléter, elles s'excluent
mutuellement et laissent le problème entier. Inspirées d'intentions
contraires, elles procèdent d'un système identique consistant à
généraliser des faits exceptionnels : seulement les rivaux ne
choisissent pas les mêmes exemples. La vérité n'est pas dans un
juste milieu, ni composée partie de l'une, partie de l'autre thèse.
Elle est distincte, et peut impliquer des réalités incluses dans les
légendes opposées, mais en les ramenant à leurs justes proportions,
en leur restituant leur sens véritable L»
128
auxquels étaient confrontés les classes laborieuses, Souvarine
continuait en soulignant, à partir de multiples exemples tirés de la
presse soviétique, la dégradation de ces conditions d'habitation par
suite de l'accroissement de la population des villes et du nombre
par trop restreint de constructions nouvelles, entraînant des
conséquences faciles à prévoir en terme, notamment, de santé
publique. Et Souvarine, page après page, donnait, année après
année, une description accablante d'un sort qui n'était pas
seulement celui de «quelques travailleurs défavorisés, mais de
l'immense majorité, dans la première République du monde qui se
réclame du socialisme» 1. Et, thème après thème, il refaisait à
chaque fois une démonstration aussi accablante dans les faits
rapportés qu'identique dans sa méthode d'évaluation, à propos des
conditions de travail, de l'assistance médicale, des accidents du
travail, des salaires, du chômage, de l'exploitation des femmes et
des enfants ou de la durée de la journée de travail.
* Ibidem, p. 53.
129
traditionnels ; les communistes se considèrent comme les maîtres ;
ils ne dirigent pas, ils commandent ; quand il y aune cellule, elle
s'empare des fonctions du soviet 1.» Cette organisation despotique
et quasi-féodale s'établissait sur une condition littéralement
misérable des travailleurs journaliers, confirmée explicitement
dans un article de la P ravda du 14 août 1925 : «Le salaire du
journalier, dans l'écrasante majorité des cas, ne lui donne pas la
possibilité de se nourrir». Et Souvarine continuait sa démonstration,
toujours de la même manière, pour les paysans moyens ou pauvres,
avant de constater l'état sanitaire déplorable des campagnes et les
ravages de l'alcoolisme sur une population spoliée et désespérée. La
situation n'était pas meilleure dans les sovkhozes, et même souvent
pire. En conséquence, Souvarine pouvait parler «des multiples
manifestations d'un mal engendré par des survivances de barbarie
paysanne et favorisé par le régime politique» qui se manifestaient
«dans les maladies de l'appareil soviétique» : «vols, concussions,
spoliations, arbitraire, persécution des faibles, débauches, parfois
assassinats» 2.
1 Ibidem , p. 139-140.
2 Ibidem , p. 161.
130 -
général, abordaient cette question, décisive pour la nature et
l'avenir du régime instauré dans l'ancien empire des tsars :
1 Ibidem , p. 215-216.
131
acceptes, les livres ne toucheront plus dans le meilleur des cas que
l'opinion non-communiste1.»
132 -
comble de cette curée étant atteint quelques années plus tard,
quand Vladimir Pozner publia dans Commune (n° 19, mars 1935)
une «Prise à partie de Panait Istrati», dont la première partie était
intitulée «Acte de décès» et la seconde «Autopsie», quelques jours
seulement avant qu'il succombât à la maladie, le 16 avril 1935. A
notre connaissance, c'est un des rares cas où une exécution
littéraire mérite à un tel point ce qualificatif L
1 Notons pour mémoire quelques uns des articles publiés dans M onde en 1935 : «Le
Haidouk de la Siguranza», par Henri Barbusse (22 février), «Homère marchand de
cacahuètes», par Jean-Richard Bloch (15 février), «Le loup devenu mouton ou Panait
Istrati fasciste», par Louis Dolivet (1er février). Un article de cette tonalité devrait,
à tout le moins, inciter certains historiens à s'interroger plus avant sur la
personnalité de Dolivet qui, malgré sa collaboration à Front mondial, organe de la
section française du Comité mondial de lutte contre le fascisme et la guerre, une des
multiples créations de l'homme-orchestre Willi Münzenberg, passe pour un sincère
démocrate antifasciste. Cf. J.-L. Panné, Boris Souvarine, op. cit., p. 442.
2 Jean-Louis Panné, «Istrati, les révolutionnaires et la Russie soviétique». C ahiers
Panait Istrati, n° 8, 1991, p. 201-209.
133 -
lendemain il y avait chez nous une lettre lui demandant de
réserver la publication dans La Vérité jusqu'à nouvel avis. Comme
vous allez le voir, je pense que vous pourrez l'amener à collaborer,
occasionnellement, avec nous. Il ne veut pas être uniquement
“gendelettres” et c'est sûr qu'il n'est pas un écrivain ordinaire, en
tout cas, il peut être autre chose. Seulement, maintenant, il ne sait
plus quoi faire. C'est pourquoi il se retourne vers vous. Il cherche
de l'aide 1.» Mais, après la publication de «L'affaire Roussakov ou
l'U.R.S.S. d'aujourd'hui» dans la N.R.F., Trotsky tint à se démarquer
nettement d'Istrati : «Il semble bien qu'Istrati ait fait un pas tout à
fait extravagant. Je n'ai pas encore lu son article, mais ce que m'en
a dit le camarade R[anc] et ce que Marg[uerite] m'en a écrit
démontrent que c'est un allié des plus dangereux. Ne croyez-vous
pas nécessaire de dégager nettement notre responsabilité par
quelques lignes sur l'article en question dans La Vérité ?
Naturellement on pourrait en passant réfuter les ignominies de
L'H um anité 12.» Ce qui avait déjà été fait dans le n° 5 de La Vérité
par Pierre Naville — «Panait Istrati et l'affaire Roussakov» — qui
reprochait à l'écrivain son choix de la N .R .F . alors qu'il fallait
toucher les ouvriers communistes et critiquait certaines conclusions
du romancier, «entraîné par sa nature et son lyrisme». Quelques
jours plus tard, Trotsky contesta la place occupée par cet article qui
avait été publiée en «une» alors qu'une note de quelques lignes en
pages intérieures lui paraissait suffisante et précisa ses divergences
avec Istrati : «Istrati va à la presse bourgeoise pour l'informer sur
les crimes de ce mauvais gouvernement de Moscou et il en tire des
conclusions qui sont entièrement contraires aux nôtres». Ainsi,
l'utilisation de la «presse bourgeoise» était légitime dans le cas de
Trotsky et non dans celui d'Istrati. D'autres réactions négatives
eurent lieu parmi les communistes oppositionnels, comme celle de
Contre le courant (n° 38, 22 octobre 1929) où Magdeleine Paz, sous
un vigoureux «Non, Istrati», reprocha également à l'écrivain la
publication de son article dans la N.R.F., mais surtout exprimait le
fond de ses divergences : «Devant toutes les affaires Roussakov de
Russie, la conclusion n'est pas de dire : “nous avons perdu notre foi”,
135
dont pourtant la vénalité est notoire. La meute déchaînée se lança
aux trousses de l'homme, qui avait retrouvé son âme de vagabond.»
136 -
retenu à temps beaucoup d'intellectuels sincères glissant sur une
pente fâcheuse, en leur donnant à réfléchir (...)
Mais là où Istrati, bouillant d'indignation, n'a pas su faire
preuve de maîtrise de soi, Gide a gardé son calme et le self-control
qu'il fallait pour tenir en respect la meute déchaînée.
Loin de céder aux insultes et aux menaces, il a nourri et
fortifié ses convictions pour écrire ses R e to u c h e s . Dans des
circonstances générales et particulières d'ailleurs très différentes,
et tout à l'avantage du second, Istrati a sombré tandis que Gide
restait debout, mûri et grandi (AC C , pp. 302/303).»
137
- CHAPITRE II -
LE COMMUNISME DEMOCRATIQUE
1930-1934
138 -
I LES LIGNES DE FORCE D'UNE PENSEE POLITIQUE
139 -
1917. La comparaison entre la révolution russe et la révolution
française, dans un sens positif ou négatif, allait être effectuée par
de nombreux commentateurs politiques. Souvarine adopta un des
premiers cette analogie historique dans ses analyses sur les
développements de la situation révolutionnaire en Russie. En 1919
dans sa brochure Eloge des Bolcheviks (Paris, Librairie du
Populaire, s. d. [1919]), il donna à Lénine le nom d'«Incorruptible»
et compara Trotsky aux grands Conventionnels de 1793.
Commentant l'opposition entre terreur blanche et terreur rouge, il
écrivait : «La Convention et le Comité de Salut Public furent plus
sévères pour des hommes auxquels on ne pouvait reprocher la
centième partie des actes imputables à ces contre-révolutionnaires
émigrés » (p. 32/33). Selon lui, la Révolution russe avait traversé
«une période analogue à celle qu'a connue la France de septembre
1792 à juillet 1793. Les bolcheviks ont réussi à sauver la
Révolution contre les multiples périls intérieurs et extérieurs dans
une situation plus désespérée encore que celle de la France de
1793» et sans que l'on puisse leur reprocher des répressions
analogues à celles qu'ordonnèrent les Commissaires de la
Convention en Vendée.
* D’après un curriculum vitae rédigé par B. Souvarine dans les années cinquante.
140
Révolution française dont l'index des articles pour la période 1919-
1940 ne mentionne aucun article de Souvarine sous ce nom ou sous
les divers pseudonymes qu'il avait l'habitude d'utiliser. Par contre,
The Encyclopedia of the Social Sciences (New-York, Macmillan,
1930) dirigé par Edwin R. A. Seligman publia une notice de
Souvarine sur François Boissel (1728-1807) qu'il présentait comme
un jacobin et un des précurseurs du communisme : «Les vues de
Boissel sur le communisme, qui ressemblent étroitement à celles de
Babeuf, le classent, selon Jaurès, comme l'ancêtre direct de Saint-
Simon » (p. 620). Il est à noter que Souvarine citait dans les sources
de cette notice L ’Histoire socialiste de Jaurès dans sa deuxième
édition de 1922-1924, préparée et annotée par Albert Mathiez.
141
sur le 9 thermidor» et de ne pas tenir suffisamment compte des
travaux d'Albert Mathiez sur la Révolution (C. S., I, p. 22).
* Cité par François Furet, Penser la Révolution française. Paris, Ed. Gallimard, 1978,
p. 118.
142
restent liés aux mœurs et aux coutumes de la société bourgeoise et
sont incapables de se soumettre à la discipline révolutionnaire, en
particulier les francs-maçons, les membres de la Ligue des droits de
l'homme, ettous ceux qui contribuent à des publications
bourgeoises» 1.
143
soviétiques était bien dans la ligne de ce prétendu marxisme
soviétique, en réalité stalinien, où toutes les divergences
intellectuelles étaient ramenées à la question de la défense du
régime soviétique. Ceux-ci n'hésitaient pas à écrire : «Vous devenez
ainsi un des chaînons du front unique de tous les défenseurs de
l'ordre capitaliste contre l'Etat des ouvrier» (AHRF, VIII, 1931).
Mathiez eut donc beau jeu de leur répondre : «Vous n'êtes plus que
des instruments dans la main du gouvernement (...). Dans la Russie
de Staline, il n'y a plus de place pour une science libre et
désintéressée, pour une science tout court. L'histoire notamment
n'est plus qu'une branche de la propagande» (AHRF, p. 156). A la
fin de son article, Mathiez publiait un appel de personnalités
(historiens de la Sorbonne ou du Collège de France et archivistes
des Archives Nationales) en faveur d'Eugène Tarlé, professeur à
l'Université de Leningrad emprisonné depuis plusieurs mois.
144
Il faut également noter que, dans cette présentation, Souvarine
soulignait l'intérêt de l'étude des Enragés et relevait que l'article de
Michel Bouchemakine «prend à tort sa scolastique primaire à
formules pour du marxisme» (C. S., I, p. 38). Dans les numéros
suivants, Souvarine continua à rendre compte des travaux des
Annales historiques de la Révolution française de la même manière
favorable. Il approuva les positions de Mathiez dans sa polémique
avec les historiens soviétiques qui sont «bureaucratisés et asservis»
(C. S., I, p. 87). Sa seule réserve concernait la mise en question de
Marx que faisait Mathiez dans sa réponse : «M. Mathiez rétorque
fort pertinemment certains de leurs sophismes mais pourquoi
semble-t-il supposer parfois que Marx puisse être le moins du
monde en cause» (C. S., I, p. 87). Il contesta également la position de
Gérard Walter dans son article des Annales sur «Le problème de la
dictature jacobine», qualifiant un historien soviétique de marxiste.
S'il le qualifiait ainsi, «ne serait-ce pas plutôt par méconnaissance
de Marx que par considération pour ce genre de “marxistes” de la
décadence bolchevik ? M. Walter ne doit pas cependant ignorer que
les marxistes n'ont pas droit de cité en Russie soviétique, sauf
comme emprisonnés, déportés ou comme citoyens passifs" (C. S., I,
p. 234). Dans ce commentaire, il soulignait également l'intérêt de
l'étude de Mathiez sur «La Révolution Française et les prolétaires».
145
accomplir ce travail. Il restera d'ailleurs jusqu'à sa mort, en 1958,
membre de la Société d'Etudes Robespierristes L
De leur côté les Annal es en 1931 (p. 557) et 1932 (p. 186)
avaient publié de courtes notes de présentation de La Critique
so ciale, probablement écrites par Mathiez, et signe d'un intérêt
certain pour cette revue, interrompu par la mort de Mathiez.
* Sur Jean Dautry on se reportera à l'article nécrologique de son ami Henri Dubief
dans les Annales historiques de la Révolution française n° 193, 1968, p. 425 à 432.
Cf. également, D.B.M.O.F., t. 24, p. 105-106.
2 Marie Tourres,op. cit„ p. 261-262.
3 Ces précisions testamentaires m'ont été fournies par Jacques Godechot (lettre du
29 janvier 1986).
146
Il convient de noter que, face à la révolution soviétique et au
communisme, l'itinéraire des deux hommes fut sensiblement
identique, en dehors de leur date de rupture avec le parti
communiste, antérieure d'un an et demi environ pour Mathiez. Du
soutien à la jeune révolution russe par identification au jacobinisme
à la prise de distance ultérieure avec le communisme officiel, pour
finir par une critique sans concession du régime stalinien, les deux
hommes ont souvent adopté des positions convergentes. La mort
inattendue de Mathiez a interrompu le rapprochement amorcé
entre les deux hommes et leurs revues respectives. Elle a, en outre,
privé les critiques du stalinisme de l'appui d'un intellectuel
fermement attaché aux idéaux de la gauche socialiste et
républicaine et doté d'un prestige intellectuel et moral à son
apogée.
147
§. 2 PERPETUER LE MEILLEUR DE LA TRADITION SOCIALISTE
ET REVISER LE MARXISME.
148
fut l'instauration d'une coupure toujours plus grande entre la
théorie et la pratique, par l'effacement même d'un mouvement
social radical. Cependant l'importance de cette question amenait, un
peu plus loin, Souvarine à constater qu'«au déclin de la pensée
socialiste ou communiste correspond indubitablement un
abaissement du niveau intellectuel du prolétariat». Evoquant les
journaux ouvriers français d'avant 1848, comme La Ruche
populaire, L ’A rtisan ou L ’Atelier, il ne pouvait dissimuler que ce
recul intellectuel était «un des plus graves problèmes posés, par la
vie même, à ceux qui attribuent au prolétariat une certaine
“mission historique”» .
149
capitaliste, l'autre par l'Etat soviétique», offrant de «profondes
caractéristiques communes en leur respective dégénérescence».
150
successeurs, les réussites _ ou les échecs _ des pays, ou des
économies, «marxistes», et tout à l'avenant. Il est difficile de
trouver un exemple aussi éclatant de la perversion et du
détournement du véritable sens des mots, qui constituent, comme
chacun le sait depuis George Orwell, une des caractéristiques
fondamentales des sociétés totalitaires.
151
Souvarine inscrivait donc le projet de sa revue comme un
trait d'union entre le meilleur de la tradition socialiste et les
interrogations anxieuses d'une jeunesse avide de comprendre, à
l'aube d'une décennie nouvelle, les problèmes posés par son
époque. Probablement, Souvarine aurait pu appliquer à sa propre
revue ce qu'il écrivait en présentant aux lecteurs de La Critique
sociale une lettre de Michel Bakounine : «L'intérêt ne faiblit pas à
notre époque envers les grands révolutionnaires du dernier siècle,
peut-être en raison même de l'insuffisance des contemporains
devant les problèmes de la révolution sociale» (C. S. I, p.156). C'est
dans cette perspectiveque Souvarine publia dans sa revue de
nombreux textes concernant le mouvement social du siècle passé,
notamment de Michel Bakounine, Auguste Blanqui, Georges Sorel,
Richard Wagner, ainsi qu'une étude sur l'insurrection des canuts ;
tandis que le marxisme de Souvarine se définissait, outre les
œuvres de Marx et Engels, par sa référence à Paul Lafargue, Lénine
et Rosa Luxemburg. Son ami Lucien Laurat fut d'ailleurs un des
principaux introducteurs, en France, de l'œuvre économique de
Rosa Luxemburg dont il résuma en 1930, pour l'éditeur Marcel
Rivière, L'Accumulation du capital.
152 -
révolution sociale, par suite de l'hégémonie stalinienne sur la
gauche et le mouvement ouvrier.
153
des ouvriers. Que les ouvriers le dirigent, cela est nécessaire, mais
malheureusement pas toujours possible. L'essentiel est que les
dirigeants soient communistes, qu'ils se montrent, en fait, les
serviteurs dévoués du prolétariat L» Malgré le clin d'oeil
volontaire, à une formule de Sorel, qui s'était défini, dans sa
dédicace à Paul et Léona Delesalle pour les Matériaux d'une théorie
du prolétariat, comme «un vieillard qui s'obstine à demeurer
comme l'avait fait Proudhon un serviteur désintéressé du
prolétariat», l'argumentation de Souvarine était d'une parfaite
orthodoxie léninienne, malgré une formulation moins abrupte pour
ménager les militants formés par le syndicalisme révolutionnaire.
154
L'année suivante, Robert Louzon allait s'alarmer de voir Sorel
présenté, de plus en plus fréquemment, y compris dans la presse
ouvrière, comme le père spirituel du fascisme, dans une lettre à
Hubert Lagardelle, l'ancien directeur de la revue Le Mouvement
socialiste. Ce dernier répondit à Louzon le 31 décembre 1932 que
son attention avait été attirée par ce phénomène.En outre, il
signalait à Louzon que «Souvarine d'un côté et Buré de l'autre
s'étaient empressés de me demander pour la publier, mon
opinion» 1. Cette démarche de Souvarine indiquait qu'il n'était pas
prêt à voir se laisser accréditer la légende tenace, et
périodiquement réactivée, d'un Sorel précurseur intellectuel du
fascisme, même s'il avait de nombreux désaccords avec celui qu'il
considéra toujours comme un serviteur désintéressé du
prolétariat 12.
155
S. I, p. 107) amenèrent Edouard Berth à répliquer dans L a
Révolution prolétarienne (n° 124, 15 février 1932). Il y rappelait
opportunément que Sorel avait publié «les deux premières revues
marxistes françaises», L'Ere nouvelle et Le Devenir social. Basant sa
défense de Sorel sur son caractère d'esprit libre et non dogmatique,
il soulevait le problème, après Sorel lui-même, des rapports Marx-
Engels et de la qualité philosophique de l'Anti-Duhring, qui ne
semblaient pas en cause pour les deux rédacteurs de La Critique
sociale. Il était nettement moins heureux dans sa tentative de
minimiser l'antisémitisme du Sorel de L 'In d ép en d a n c e par les
«prétentions exorbitantes» des juifs.
1 Sur l'originalité de l'apport de Sorel aux débats entre marxistes au début du siècle et
sur la question de l'introduction du marxisme en France, on se reportera
respectivement aux livres de Shlomo Sand, L'illusion du politique, Georges Sorel et le
débat intellectuel 1900, (Paris, La Découverte, 1985) et Daniel Lindenberg, L e
marxisme introuvable (Paris, Calmann-Levy, 1975).
156
B. L’OBSERVATION DE LA POLITIQUE INTERNATIONALE.
* Fred Kupferman, Au Pays des Soviets. Le voyage français en Union Soviétique 1917-
1939. Paris, Coll, archives, Gallimard, 1979, p. 17-18.
2 Citée par René Girault dans sa présentation des textes d'Oreste Rosenfeld : «L e
P opulaire et le premier Plan Quinquennal soviétique», Cahiers Léon Blum n° 10,
décembre 1981.
157
qu'ils croyaient percevoir dans les pays autoritaires, Italie fasciste
ou U.R.S.S. stalinienne. Ce nouvel état d'esprit de l'opinion publique
entraînait un nouveau conformisme dont la tonalité générale était
bien reflétée par les documents consacrés à l'U.R.S.S. en 1931, dont
Fred Kupferman a pu écrire : «L'U.R.S.S. stalinienne fait admirer son
ordre, ses premières réalisations et la prospérité réelle ou
apparente, des grandes villes ouvertes aux voyageurs». Ces livres
étaient «trois témoignages de bourgeois, également favorables à
l'expérience soviétique et à l'expérience mussolinienne» L
158
Le Plan quinquennal
159 -
Chronologiquement, c'est en février 1930 dans le B u l l e t i n
comm uniste (n°31) qu'il publia une première analyse longue et
documentée sur cette question, à ses yeux vitale, pour l'avenir de
l'U.R.S.S. et du mouvement communiste. Souvarine commençait par
noter l'impression favorable produite sur une partie de l'opinion
publique occidentale mal informée des réalités soviétiques, puis
précisait quelle était sa façon de se servir des statistiques officielles
: «le meilleur moyen de ne rien comprendre au Plan c'est de tenter
de s'assimiler les chiffres prometteurs abondamment fournis par
les bureaux gouvernementaux de l'U.R.S.S. à des fins de
propagande». Les chiffres les plus importants à connaître sont
«ceux qui indiquent les écarts dans l'accomplissement des tâches
maîtresses tracées par le Plan».
160 -
également les salaires réels. La situation dans l'agriculture inclinait
encore à un plus grand pessimisme sur la capacité de l'économie
soviétique à satisfaire les besoins les plus élémentaires de la
population.
161
L'échec était, selon lui, patent : «Après avoir édifié des
“géants” industriels, créé des milliers d'entreprises nouvelles, mis
en marche un outillage qui double la capacité productive de
l'U.R.S.S., il faut supputer une baisse à la production de plus de la
moitié, toujours à ne considérer que les prévisions.» La situation
était encore plus grave dans l'agriculture aboutissant à une
véritable famine dans le sud du pays et à une demi-famine dans la
Russie centrale et la Sibérie L Un paradoxe résumait parfaitement
la situation : «Plus il y a de tracteurs et moins il y a de pain».
162 -
incroyable des déchets et rebuts. A force de mentir, de se mentir à
soi-même et de mentir à autrui, à force de truquer les nombres et
de falsifier les statistiques, la clique de Staline ne sait plus elle-
même où elle en est L»
- 163 -
imaginables au lieu d'essayer de se disculper. Il notait ainsi, au
moment du procès des ingénieurs anglais : «On a pu voir défiler la
série des accusés russes, récitant leur leçon apprise par cœur et
s'efforçant d'avouer le plus possible de crimes, réels ou imaginaires
(...). Ou a-t-on vu jamais des gens qui, même à les supposer
coupables (et pour notre part, nous n'en croyons par un mot),
s'acharnent devant le tribunal à obtenir le maximum de peine au
lieu de chercher à se disculper ? Il est clair que les malheureux,
soumis à une savante préparation et terrorisée à l'idée de recevoir
une balle dans la nuque, sont prêts à reconnaître n'importe quoi en
échange de la vie sauve».
164 -
principal dans l'ordre économique, le standard de vie et le degré de
liberté sont nos pierres de touche sur le plan social l .»
* «Chronique de l'URSS : Points sur les i», Le Travailleur, n° 88, 30 décembre 1933. La
suite de cet article paraîtra dans le n° 89, 3 janvier 1934 et 90 du 6 janvier 1934. Il
répondait à un article de R. Lager sur l'économie russe paru dans les n° 81, du 2
décembre, et 84, du 16 décembre 1933.
165
La répression contre les révolutionnaires
166
de Riazanov était inattaquable d'un point de vue révolutionnaire.
Cela permettait à Souvarine de conclure en ces termes : «Par cet
exploit barbare, la dictature du secrétariat a peut-être porté un
coup mortel à un grand serviteur désintéressé du prolétariat et du
communisme (...). Mais du moins aura-t-elle en même temps
dissipé la dernière apparence susceptible de faire illusion à
l'extérieur et avoué, révélant sa vraie nature, l'incompatibilité
absolue entre le bolchevisme post-léninien et le marxisme »(C. S., I,
p. 50).
167
Au delà de ces individualités, c'est surtout l'affaire Victor
Serge qui fut l'occasion d'une prise de conscience plus aiguë de
l'importance de la répression stalinienne de la part de l'extrême-
gauche, mais aussi d'une partie du mouvement socialiste et de
certains intellectuels l .
168
Coupable du crime de penser différemment de la bureaucratie
régnante, il ne restait aux amis de Victor Serge qu'à alerter
l'opinion publique et à soulever la protestation des révolutionnaires
de toutes les écoles : «Pour ce faire le C.C.D. faisait appel avant tout
à la solidarité des organisations de travailleurs sans distinction de
tendance» (C. S., II, p. 103). L'appel des personnalités, d'une tonalité
moins politique et plus humanitaire, donnait l'essentiel des faits
récents connus sur le sort de Victor Serge et de ses proches en
revendiquant pour eux «le droit de vivre en travaillant en Russie
ou ailleurs» (C. S., II, p. 104).
169 -
mai 1933 est particulièrem ent révélatrice des problèmes
rencontrés :
170 -
sieur Barbusse, ce valet de bourreau. Pas un mot dans Europe où a
paru le dernier roman de Victor. Il n'y a donc rien à faire pour
concerter une campagne. Que chacun s'exprime et agisse à sa façon,
c'est la seule manière d'obliger les autres à s'exprimer et à agir à la
leur L»
171
millions, et le nombre des détenus politiques dans les prisons, dans
les isolateurs et les camps de concentration, à des centaines de
milliers l.
* «Les camps de concentration et les prisons soviétiques», B .E .I.P .I., n° 15, 1er- 15
décembre 1949, p. 2-3. La note de Souvarine fut publiée par Le Combat marxiste
(n °10-ll, juillet-août 1934), puis reproduite dans la brochure n° 3 (1936) des
«Amis de la vérité sur l'U.R.S.S.», Bilan de la terreur en U.R.S.S. (Faits et chiffres),
p. 5-8.
2 «Sur le cas d'Eva Broïdo», on se reportera à l'article du Combat marxiste (n° 27,
janvier 1936) , «Communications sur la situation des prisonniers politiques publiées
par la Commission d'Enquête instituée par l'Internationale ouvrière socialiste».
172 -
§ 2. L'ALLEMAGNE.
173
bouleversement fasciste et de destruction de tout le mouvement
socialiste et communiste L»
174 -
P.C.F. fut surpris par l'avènement de Hitler, ce qui d'ailleurs ne le
distingue pas des autres partis français» L 'H um anité tendit à
minimiser l'avènement de Hitler au pouvoir en titrant le 31 janvier
1933 : «Le résultat d'un moindre mal : Hitler chancelier».
175
largement répandue dans l'extrême-gauche d'un Hitler simple
instrument aux mains de la grande bourgeoisie, alors que Lucien
Laurat insistait sur le chaos intellectuel qui caractérisait la crise
allemande. De son côté Souvarine remarquait, à propos d'un
numéro du Crapouillot sur Les Allemands, que cette revue ne
dépassait malheureusement pas «le niveau de l'information
pittoresque la plus superficielle» (C. S., I, p. 39), ce qui semble avoir
été le plus petit dénominateur commun du journalisme en France
sur ce pays à cette époque.
176
son redressement contre la politique stalinienne. A la même
époque, Simone Weil, commentant une étude de Trotsky sur la
situation allemande, constatait également que ce dernier gardait
pour le parti communiste «un attachement qu'on ne peut
s'empêcher de juger superstitieux» L Cependant, elle s'en tenait à
cette simple observation dans un article par ailleurs fort élogieux.
Souvarine allait, lui, beaucoup plus loin dans l'analyse des
conditions de la dégénérescence du K.P.D. qui en faisait le contraire
d'une véritable organisation révolutionnaire et rendait totalement
infondées les espérances de Trotsky sur son redressement possible.
Là encore il convient d'amplement le citer :
177
du national-socialisme dépassait de beaucoup l'autoritarisme et le
conservatisme prussien traditionnel. Ensuite il indiquait qu'une
probable victoire nazie bouleverserait les données géo-politiques
européennes en créant, en particulier pour la Russie «un danger
qu'on entrevoit non seulement dans les paroles de Hitler, mais dans
la logique de la situation».
178
premier parti allemand face à des adversaires désunis et
désorientés L
179 -
repères chronologiquesque Souvarine se donnait pour baliser les
étapes de la décadence des grandes organisations du mouvement
ouvrier. Il faut souligner au passage que le choix de ces dates
éclairait bien les options politiques de Souvarine qui tendait à
minorer l'importance des critiques de gauche de la social-
dém ocratie d'avant 1914 (par exemple lesyndicalisme
révolutionnaire français) ou du communisme d'avant 1924 (la
révolte de Kronsdadt et les anarchistes russes).
180
parfaitement l'état de confusion et de désorientation du
mouvement ouvrier à deux mois de l'arrivée d'Hitler au pouvoir L
181
comme consigne aux syndicats libres qui lui étaient rattachés de
participer en bloc au défilé, avec le plus grand nombre possible de
gens. L'objectif tactique était probablement de montrer aux
nouveaux dirigeants la bonne volonté et le désir de coopération des
syndicats, ainsi que d'exprimer l'espoir que le gouvernement ne les
supprimerait pas. Le camarade Leipart, président de l'Union
(A.D.G.B.), s'était d'ailleurs mis lui-même à la disposition de Hitler.
Donc, ce jour-là, les ouvriers sociaux-démocrates et communistes,
l'élite syndicale de la classe ouvrière, se rendirent en cortège
jusqu'à Tempelhof, disséminés parmi les étendards SA et SS du
Grand Berlin, la Jeunesse hitlérienne, les chefs des sections locales
et d'îlots, la Ligue des jeunes filles allemandes, les formations
d'assaut de la cavalerie, les sections motorisées et aéronautiques
nazies et l'Association des femmes ... l»
182 -
exemplaire, en évoquant sa mémoire «pour appeler aux actes virils
quand sera révolu le temps des paroles».
183 -
n'avait été capable de se saisir de cette opportunité d'action de
solidarité internationale contre la dictature nazi.
184
Dimitrov et à ses co-inculpés, tout en accusant Van Der Lubbe
d'être un pur et simple provocateur nazi L
1 Cf. Le Verdict (Texte intégral des rapports et conclusions des 1er et 2è sessions de la
Commission Internationale d'Enquête sur l'incendie du Reichstag, Londres, 14, 15,
16, 17, 18 septembre-Paris, 4 octobre 1933), Editions du Comité National d'Aide aux
victimes du fascisme hitlérien, notamment les parties II et III : «Van Der Lubbe a-t-
il pu agir seul ?» et «Si Van Der Lubbe n’a pas agi seul, quels ont été ses
complices ?» Les membres français de cette commission étaient V. de Moro-Giafferi
et Gaston Bergery. Sur cette Commission et sur le rôle de Willi Münzenberg,
«organisateur invisible de la croisade mondiale antifasciste», cf. Arthur Koestler,
Hyéroglyphes II, Paris, Le Livre de poche/Pluriel, 1978, p. 58-86.
2 Edouard Liénert, op. cit., p. 59.
185
s'étonnait, ensuite, de ce qu'il nommait «le scandale du silence de
Moscou», en soulignant que, partout dans le monde, étaient
organisées des actions pour sauver les accusés, sauf dans la Russie
de Staline. La seconde partie de ce tract posait la question épineuse,
et le plus souvent occultée, des relations complexes qu'allait
entretenir l'Allemagne nazie et la Russie stalinienne. Nous y
reviendrons ultérieurement, en nous contentant d'indiquer ici
sommairement les prises de position de Souvarine devant le procès
de Leipzig et le sort tragique de Marinus Van der Lubbe.
186 -
condamnait à mort Van der Lubbe. Le C.C.D. réagit immédiatement
en dénonçant une nouvelle fois «l'attitude abominable» de
L ’Humanité qui osait encore traiter Van der Lubbe de provocateur
après sa condamnation à mort : «Cette attitude déshonore une fois
de plus les gens, qui, en qualifiant Van der Lubbe de la sorte, se
font les complices d'Hitler ; qui usurpent l'étiquette communiste
sans rougir d'approuver une condamnation à mort prononcée par
les nazis ; les hypocrites qui, par la voie des “Comités de Défense”
feignent de s'intéresser au sort des révolutionnaires persécutés,
mais en même temps applaudissent et encouragent l'étouffement
de la pensée libre, la répression impitoyable du mouvement
révolutionnaire, le perpétuel état de terreur dont souffre le peuple
russe tout entier dans le régime dictatorial de Staline ; qui
prétendent “arracher” la libération des communistes victimes
d'Hitler et par ailleurs lui livrent d'autres communistes par
l'entremise d'un soi-disant “Secours Rouge” 1.»
187
véritables communistes se dresseront toujours contre de telles
condamnations prononcés par leurs plus sanglants ennemis l .»
* Ibidem.
2 «Tribune de discussion : Encore à propos de Van der Lubbe», Le Travailleur, n° 91,
10 janvier 1934.
3 Paul Barton, «Marinus Van der Lubbe ou le mythe dans l'histoire», La Révolution
prolétarienne, n° 136, mars 1959.
188
II. BORIS SOUVARINE DANS LA CULTURE
POLITIQUE DE LA GAUCHE FRANÇAISE DES ANNEES
TRENTE.
A. LE SYNDICALISME REVOLUTIONNAIRE ET LA
REVOLUTION PROLETARIENNE.
189 -
les jugements qu'il porta sur leurs activités sont plus complexes
qu'il n'y paraît, au premier abord, et que pourraient laisser penser
les affirmations ci-dessus, quelques peu péremptoires.
190 -
sur la validité des idées de ce courant du mouvement
révolutionnaire, dans les années 1932-1934. Ainsi, dans une lettre
à un ancien camarade d'agrégation écrite fin avril ou début mai
1933, elle s'expliquait très longuement sur la question des partis et
des syndicats. Elle écrivait à son correspondant au sujet des
syndicalistes purs : «J'ai d'abord été avec eux, mais à présent je
m'aperçois que bien des problèmes ne sont pas résolus par eux. A
mon avis, il faudrait, au lieu de prendre ainsi parti, poser à
nouveau, à la lumière des dernières expériences, et examiner sans
parti pris la question de l'organisation du prolétariat1.»
191
sensiblement différente ses principaux rédacteurs. Les articles de
Pierre Monatte étaient, selon lui, des «commentaires bonasses ou
aigres-doux (...) où l'anarchisme alterne avec le républicanisme des
droits de l'homme.» (C. S., I, p. 41). Le titre de la chronique de
Monatte, le «carnet du sauvage», était, à peine modifié, «celui de
feu le vieux républicain anarchisant H. Maret dans Le Journal. Pour
cette raison, il est assez bien choisi » (C. S., I, p. 138). Jacques Pera
publiait «d'intéressantes études et monographies (...) sur les
colonies» (C. S., I, p. 41). Enfin, Robert Louzon était l'auteur «de
notes économiques (...) consciencieuses, quelquefois instructives,
mais souvent trompeuses dans leur excès de schématisme, semées
d'hypothèses mal fondées et marquées parfois par de véritables
énormités » (C. S., I, p. 42). Les articles d'idées générales de Louzon
comportaient les mêmes qualités et les mêmes défauts que ses
notes économiques.
192 -
syndicale, habituellement connu sous le nom de Comité des 22 1. Il
était composé de sept confédérés (membres de la C.G.T.), de sept
autonomes (membres de la Fédération autonome des
fonctionnaires) et de huit unitaires (membres de la C.G.T.U.). Parmi
les personnalités les plus connus de ce comité se trouvaient
notamment, Georges Dumoulin, Pierre Monatte et Marthe Pichorel.
Sa création était le résultat d'un constat d'impuissance des
minorités syndicalistes devant des organisations syndicales minées
par leurs rivalités et la volonté de déclencher un processus de
réunification syndicale dans l'esprit de la Charte d'Amiens de 1906.
Il s'agissait de réaffirmer, à l'encontre de la C.G.T., une pratique de
la lutte de classes, et à l'encontre des deux confédérations, la
priorité donnée à l'indépendance du syndicalisme face aux
ingérences des partis ou des gouvernements. Ces deux conditions
paraissaient indispensables aux initiateurs du Comité pour
permettre un redémarrage du mouvement syndical afin de le voir
tenir sa place face aux sombres perspectives de crise économique et
de guerre mondiale que certains pressentaient plus ou moins
confusément en ce début de décennie.
193
d'année en année sa subordination au Parti communiste. Ils étaient,
le plus souvent, proches des orientations de La Révolution
prolétarienne. Maurice Chambelland, militant de la C.G.T.U., était
membre du «noyau» de la R.P. tout en étant le responsable de la
publication de l'hebdomadaire syndicaliste révolutionnaire Le Cri
du peuple, «publié sous le contrôle du Comité pour l'indépendance
du syndicalisme».
194 -
qu'allaient adopter les 22, non sans hésitation ni ambiguïté. La
proposition de Jouhaux de fusion à la base entendait bien jouer sur
les contradictions internes des 22 pour enrayer leur influence sans
que le secrétaire général de la C.G.T. apparaisse comme un
adversaire de l'unité. La manœuvre allait aboutir et le Comité se
disloquer peu de temps après ce congrès.
195
l'effritement de la minorité dans l'Enseignement de la région
parisienne, situation qui devait se trouver dans les autres syndicats
vidés par les luttes de tendances : «C'est une illusion dangereuse
que de vouloir rester dans la C.G.T.U. qui perd tous les jours de ses
membres». Le 14 janvier 1931, toujours dans Le Cri du peuple,
Edouard Liénert (Union Syndicale des Techniciens Autonomes)
apportait son point de vue sur le processus lancé par les 22. Le
mouvement pour l'unité n'était, pour l'instant, qu'un mouvement de
militants. Ses promoteurs ne se sont pas contentés «d'ouvrir une
tribune où toutes les tendances du mouvement ouvrier puissent
s'exprimer», mais ont prétendu tracer une voie qui peut ne pas être
partagée par certains militants syndicaux : «On demande aux
minoritaires de redresser la C.G.T.U.. C'est une position utopique (...).
La seule issue future, c'est la rentrée à la C.G.T. pour y faire une
minorité révolutionnaire.»
196
cloison étanche entre la lutte syndicale et la lutte politique de la
classe ouvrière.»
197
aux éléments jeunes, sains et honnêtes qui croyaient pourvoir y
défendre leurs idées dans le sens d'un ralliement conscient et
révolutionnaires à la C.G.T.» (C. S., I, p. 237). Il s'en prenait aux
illusions de Ferdinand Charbit qui expliquait aux lecteurs de L a
Révolution prolétarienne (n° 123, janvier 1932), «Pourquoi nous
restons à la C.G.T.U.». Pour Souvarine, ce syndicaliste «ne voit pas
l'intérêt primordial d'une rupture avec ce groupement asservi à
l'Etat bureaucratico-policier dit soviétique » (C. S., I, p. 238) Au
moment du départ du Josette et Jean Cornée de la C.G.T.U.,
Souvarine remarquait «l'inutilité de perdre son temps dans une
organisation asservie, au moyen de cadres corrompus, à un Etat
non-prolétarien» (C. 5., II, p. 55) 1.
* L'article des Cornée, «Pourquoi nous quittons la CGTU» était paru dans le n° 126,
avril 1932, de La Révolution prolétarienne.
2 Maurice Chambelland, «La renaissance du syndicalisme», La Révolution
prolétarienne, n° 144, 25 janvier 1933.
198
Monatte, de son côté, dans son évocation de la vie militante de
Loriot s'en prenait à Souvarine en disant : «Les mœurs de clique
que le bolchevisme a étalées partout depuis 1914 pointaient déjà
dans l'ombre avec Souvarine». Cette mise en cause allait attirer de
nouvelles remarques acerbes de Souvarine sur l'échec des 22 et
leur compromission avec des syndicalistes douteux comme
Dumoulin auquel il reprochait son ralliement à Jouhaux en 1919.
Une lettre de Souzy (Jacques Perdu) du 27 novembre 1932 à
Monatte n'arrangea pas les choses l . Le militant lyonnais, proche de
Souvarine, reprochait amicalement à Monatte sa «ruade en
sourdine», en précisant qu'il en avait trop dit ou pas assez.
Soulignant que le fond de la divergence résidait dans le besoin ou
non d'un parti, Perdu demandait à Monatte d'apporter les
éclaircissements que sa phrase nécessitait dans les colonnes de la
R.P.. Dans sa réponse (6 décembre 1932) Monatte écrivait : «Ton
admiration pour Souvarine t'empêche de voir qu'il garde avec soin
de langage et la manière d'esprit bolchevik». Il reprochait à
Souvarine d'avoir parlé dans La Critique sociale «des méthodes et
procédés entre militants et qui les emploie n'est pas des nôtres».
Enfin il précisait son accusation : «Les Treint et les Suzanne Girault,
les Semard et les Frachon n'ont fait que pousser au grand jour et
étaler avec toujours plus de splendeur ce que Souvarine avait
commencé à cultiver dans l'ombre. A la pré-bolchevisation a fait
suite la bolchevisation.»
199 -
estimaient que le plus important des enseignements de ces
documents était la vénalité de la presse socialiste (R.P. janvier et
mars 1932). Souvarine confirma qu'il y eut bien une lettre de
Raffalovitch en 1905 à L 'H u m a n ité, non reprise dans le recueil,
mais jugeait son texte «trop peu explicite pour trancher
définitivement la question» (C. S., I, p. 280). Péra et Louzon firent
état du commentaire de Souvarine pour affirmer que celui-ci
confirmait leur hypothèse de la non-publication de la lettre
incriminée dans le livre de la Librairie du Travail en l'attribuant à
une sorte de «raison d'Etat» afin de préserver la mémoire du leader
socialiste. Souvarine commenta sévèrement l'argumentation de
Péra et Louzon «qui veulent à toute force une approbation
intégrale, sans même daigner prendre connaissance du texte, et
nous imputent arbitrairement un mobile inférieur. Tant de
certitude préconçue rend vaine toute discussion» (C. S., II, p. 101).
200
dans le parti communiste”, nous avons mille raisons de penser qu'il
dit la simple vérité » (R.P., n° 196, 10 avril 1935).
- 201
B. SIMONE WEIL, ALAIN ET LES L I B R E S P R O P O S .
- 202 -
sociale : «Les plus remarquables “impressions d'Allemagne” qu'on
ait lues depuis longtemps dans une publication révolutionnaire,
pour l'intelligence et la sensibilité de l'auteur, dont les qualités
d'observation et d'intuition suppléent avantageusement aux partis-
pris des grands théoriciens qui ont conclu avant d'étudier. Il y a
cependant des choses qui détonent (...). Quant au cri d'espoir final,
c'est un pur acte de foi que rien ne justifie dans tout ce qui
précède» (C. S.., II, p. 55). Souvarine a également indiqué qu'il avait
lu les «articles remarquables» de Simone Weil dans L 'E c o l e
émancipée. L'article «L’Allemagne en attente» attira en premier son
attention et la lecture des articles de L ’Ecole émancipée coïncida
avec sa rencontre et l'impressionna favorablement et suffisamment
durablement pour les évoquer plus de quatre décennies plus tard.
1 Ibidem , p. 298-299.
2 Marie Tourrès, op. cit.
- 203 -
Le mois suivant paraissait son célèbre article «Perspectives :
Allons-nous vers la révolution prolétarienne» {La Révolution
p r o l é t a r i e n n e , n° 158, 25 août 1933) qui allait avoir un
retentissement considérable dans l'extrême gauche anti-stalinienne.
Pierre Monatte et Marcel Martinet admirèrent profondément cet
article et l'auteur des Temps maudits n'hésita pas à déclarer
«qu'on n'avait rien écrit de pareil depuis Rosa Luxemburg»1.
- 204 -
pense obtenir de lui qu'il fasse une démarche auprès d'Herriot,
pour que celui-ci à son tour etc. l»
- 205
l'inaboutissement de ces projets, il faut s'interroger sur la manière
dont Alain comprenait et jugeait l'évolution du régime soviétique.
206 -
Jourdain demandant des mesures énergiques contre Hitler. En
décembre 1938, il soutiendra Jean Giono contre René Arcos le
Directeur d'Europe qui lui demandait de désavouer les propos, selon
lui injurieux, de Giono contre Romain Rolland L Si, à ce moment-là,
le soutien inconditionnel de Romain Rolland à l'U.R.S.S. faisait
problème, c'était uniquement dans le cadre global des relations
internationales et des menaces de guerre. On peut donc dire que
dans cette rupture la question de la paix surdétermine
l'appréciation sur l'U.R.S.S. qui n'a jamais été au centre de la
réflexion politique d'Alain.
Ibidem , p. 394-395.
2 Marie Tourres, op. cil., p. 244.
207
ou d'extraits du Bulletin communiste afin que les lecteurs des
Libres propos aient de meilleurs éléments d'appréciation de la
situation en Russie.
1 Ibidem , p. 246-248.
208
d'universitaires brouillés avec l'Université, les Libres propos se
distinguent de tous les périodiques par une préoccupation morale
dominante ; effort réel de probité intellectuelle, révolte sincère
contre l'écœurante atmosphère de bêtise hypocrite où nous
baignons, dégoût exprimé souvent avec esprit dans une rubrique
précieuse entre toutes, le “Sottisier”, haine profonde, “radicale”, de
la guerre et de toute servitude, enfin attachement à la liberté de
pensée, tout cela qui devrait être banal est méritoire par le temps
qui court» (C. S., I, p. 91). Pourtant le rédacteur de La Critique
sociale soulignait qu'Alain n'était pas dupe de la position dans
laquelle il se tenait et qui le distinguait fondamentalement du
socialisme et de la révolution.
- 209 -
C. ANDRE BRETON ET LE SURREALISME.
* André Breton, Entretiens, Paris, Ed. Gallimard, coll. Idées, 1973, p. 121.
210
«2°) ou bien s'engager résolument dans la voie révolutionnaire, la
voie marxiste. C'est alors se rendre compte que la force spirituelle,
substance qui est tout et partie de l'individu est intimement liée à
une réalité sociale qu'elle suppose effectivement ? l »
* Cité par Maurice Nadeau dans son Histoire du surréalisme, Paris, Le Seuil, coll.
Points, 1980, p. 93. Le livre de Pierre Naville a été réédité dans la collection de
poche Idées/Gallimard en 197S. Les citations suivantes sans indication d'origine
sont reprises du livre de Maurice Nadeau.
2 «Légitime Défense», La Révolution surréaliste, n° 8, 1er décembre 1926, p. 31,
réimpression des éditions Jean-Michel Place, Paris, 1980.
211
attitude devant cette question. On peut la résumer dans les termes
suivants : «Sympathie active à la Révolution prolétarienne,
obéissance à ses ordres quand le moment sera venu ; en attendant,
sur le plan de l’esprit, continuation de l'activité habituelle de
recherche et de mise à jour à l'inconscient, volonté d'unir cet
inconscient au conscient dans l'accession à une réalité supérieure et,
sur le plan social : résolution de problèmes moraux en fonction de
l'individu libre 1.»
212 -
qu'étant moi-même exclu du Parti, je me trouvais mal qualifié pour
donner un avis qui parût objectif ; et que chacun devrait se
comporter selon son intuition propre, quitte à tenter une
expérience personnelle» (C. S., Prol., p. 9). Il est probable que cette
rencontre eut lieu en 1927 carc'est quelques semaines après la
publication de Légitime Défense que Breton s'inscrivit au parti
communiste. De plus la dédicace de Au grand jour : «A Boris
Souvarine ses amis»,signée par Aragon, Breton, Eluard, Unik et
Péret concerne un texte, également publié en 1927 (C. S., Prol.,
p. 10).
Les cinq dédicataires sont ceux que Nadeau dans son histoire
du surréalisme dénomme les «Cinq» qui viennent d'adhérer au
Parti et de rendre publique l'exclusion d'Antonin Artaud et de
Philippe Soupault. Ils écrivaient : «Nous avons adhéré au Parti
communiste français estimant avant tout que de ne pas le faire
pouvait impliquer de notre part une réserve qui n'y était point, une
arrière-pensée profitable à ses seuls ennemis (qui sont les pires
d'entre les nôtres)...1 »
1 Ibidem.
2 Lettre de Pierre Naville, 1er juillet 1986.
3 Entretien avec André Thirion, Paris, mars 1986.
4 Entretien avec Pierre Naville, Paris, mars 1986.
- 213
Thirion écrit : «S'il nous venait à parler du trotskysme ou d'un
article de Boris Souvarine, Aragon essayait d'expliquer pourquoi
l'argumentation ou le ton avaient été susceptibles d'intéresser ou
d'émouvoir Breton *.» D'autre part, L'Histoire du surréalisme de
Maurice Nadeau montre bien que la démarche des Cinq fut bien un
processus collectif pour engager le surréalisme dans la politique
révolutionnaire.
214
Dans ce Second Manifeste, d'une rare violence polémique,
Breton attaquait d'anciens membres du groupe qui l'avaient quitté
pour se consacrer à des activités strictement politiques ou
littéraires. A propos de Pierre Naville, il lui reprochait de faire peu
de cas des «hommes envers qui il eût pu avoir contracté une dette :
Boris Souvarine, Marcel Fourrier, tout comme le surréalisme et
moi...» Breton espérait toutefois qu’il «n'est fort heureusement pas
dit que des dompteurs de la force de Trotsky et même de
Souvarine ne finiront pas par mettre à raison l'éminent reptile».
1 Cette modification a été apportée par G. Bataille dans un texte probablement écrit en
1954 et reproduit dans la revue Le Pont de l'Epée, n° 41, 1er octobre 1969.
- 215
impérialisme déclare guerre aux soviets notre position sera
conformément aux directives troisième internationale position des
membres parti communiste français (...)• Dans situation actuelle de
conflit non armé croyons inutile attendre pour mettre au service la
révolution les moyens qui sont plus particulièrement les nôtres.»
216
du mouvement révolutionnaire russe au moment du procès
Schwartzbard. A propos de Torrès, Breton considérait que la
réponse de Souvarine était une «dérobade» et ajoutait : «Pauvre
nuance, en vérité, si cet homme qui se prétend révolutionnaire
n'est pas amené par cela même à refuser aujourd'hui à M. Torrès
toute espèce de collaboration».
217
d'accusations contradictoires et, en fait, abandonnées par le
procureur au tribunal» et concluait : «On reste confondu devant
tant de bassesse» (C. S., II, P. 151). Enfin, la publication par André
Thirion de quatre pages de notes de Lénine sur La Science de la
logique de Hegel lui fit faire un commentaire désabusé sur «la
nullité prétentieuse des littérateurs pseudo-com munistes
incorporés au surréalisme» (C. S., II, p. 151).
- 218
est certainement le produit le plus dégénéré de la littérature
surréaliste» (C. S., II, p. 49). Il n'était pas plus favorable au livre de
René Crevel, Le clavecin de Diderot et à La Vie immédiate de Paul
Eluard. De ce dernier, il disait que sa poésie «est vivement goûtée
par une classe d'amateurs éclairés de la littérature moderne, mais
elle n'a rien à voir avec la poésie» (C. S., II, p. 50).
* «Du temps que les surréalistes avaient raison» (Août 1935) in Tracts surréalistes et
déclarations collectives Tome 1 (1922-1939), Présentation et commentaires de José
Pierre, Paris, Eric Losfeld, 1980.
La conclusion de ce long texte se passe de tout commentaire : «Quitte à provoquer la
fureur de leurs thuriféraires, nous demandons s'il est besoin d'un autre bilan pour
juger à leurs œuvres un régime, en l'espèce le régime actuel de la Russie Soviétique
et le chef tout-puissant sans lequel ce régime tourne à la négation même de ce qu'il
devrait être et de ce qu'il a été. Ce régime, ce chef, nous ne pouvons que leur signaler
formellement notre défiance.»
219
Souvarine, La Critique sociale (par deux voix contre une pour les
surréalistes) 1.»
220 -
III. L'ECHEC DU CERCLE COMMUNISTE
DEMOCRATIQUE
221
qui avait entraîné l'introduction du mot «démocratique» dans la
nouvelle dénomination du Cercle.
222
Concernant la question de l'utilité des réformes en régime
capitaliste le C.C.D. adoptait une position originale afin d'éviter les
écueils du réformisme le plus plat comme du révolutionnarisme le
plus inefficace : «S'il est nécessaire de collaborer à tout mouvement
même réformateur traduisant les aspirations vivantes du peuple
travailleur, il ne l'est pas moins de combattre la politique qui, sous
le couvert du réformisme, érige l'abdication en système sans même
donner satisfaction aux besoins primaires du prolétariat.»
* Cf. D.B.M.O.F., t. 39, p. 394-395. Roland Lewin lui a consacré un intéressant article
qui tente, à partir de la fameuse théorie du «fer à cheval» de Jean-Pierre Faye dans
Les Langages totalitaires (Paris, Ed. Hermann, 1972), d'expliquer un itinéraire
déroutant : «Paul Rassinier ou la conjonction des extrêmes», Grenoble, Silex n° 36,
1984.
2 Paul Rassinier, «La Fédération Communiste Indépendante de l'Est», La Révolution
prolétarienne n° 192, 10 février 1935. Toutes les citations suivantes sans indication
d'origine sont extraites de cet article.
223
Rassinier considérait, tout d'abord, que le but de Staline
n'était pas de créer des partis politiques au sens occidental du
terme mais de disposer de propagandistes dociles du «nationalisme
russe». C'est ce qui expliquait qu'il avait délibérément sacrifié tous
les partis communistes du monde au profit d'une cohorte de
propagandistes dévoués, corps et âmes, à ses ordres. Sur le plan
local, la première crise grave entraîna le départ de Lucien Hérard et
Marcel Ducret pour des divergences sur la question russe et la
tactique «classe contre classe», dans les années 1927-1928 L En
1929 les animateurs de la société coopérative la Fraternelle de
Valentigney autour de son responsable Louis Renard refusèrent la
bolchevisation en quittant le parti 12. Avec Ducret et Hérard, ils
décidèrent de créer une Fédération communiste indépendante du
Doubs et un mensuel, Le Travailleur, pour regrouper les militants
oppositionnels du département. Enfin, Paul Rassinier et la majorité
du rayon de Belfort quittèrent le parti en 1932 à la suite de
- 224
désaccords avec la Direction nationale sur la personnalité du
candidat à présenter aux élections législatives.
225
sommes pas seuls à Belfort et à Besançon à réagir contre la
déviation bureaucratico-dictatoriale du Parti ci-devant communiste.
Il existe à Paris aussi un groupement de communistes résolus à
persévérer dans le voie des premiers congrès de l'Internationale
communiste, incompatible avec la tournure actuelle du néo
léninisme officiel». Suivait le texte de la déclaration de principes du
Cercle.
* Charles Ronsac, Trois noms pour une vie, Paris, Robert Laffont, 1988, p. 89.
226
«Le PS a fait faillite
Le PC a fait faillite
Rien à attendre du PUP destiné à s'intégrer dans le parti
socialiste. Le salut de la classe ouvrière se trouve dans la
constitution d'un nouveau parti, d'un parti révolutionnaire, d'un
véritable parti communiste. C'est le but que nous poursuivons L»
* Le Parti d'unité prolétatienne fut fondé à Clichy le 28 décembre 1930 par la fusion
de deux petites organisations, le Parti socialiste-communiste (anciennement Union
socialiste-communiste) qui regroupait «les “Résistants” aux décisions du IVe
congrès de l'Internationale communiste», comme Paul Louis, et le Part ouvrier-
paysan, fondé à la fin de l'année précédente, par des exclus ou des démissionnaires
du P.C.F., comme Jean Oarchery ou Louis Sellier. C f.D .D .M .O .F., t. 29, p. 114-116
(Garchcry) et t. 41, p. 225-230 (Louis Sellier).
2 Edouard Liénert, «La politique socialiste». Le Travailleur, n° 33, 14 janvier 1933.
- 227
contenu concret à cette politique unitaire et c'était là que les
difficultés commençaient.
- 228
douloureuse et démoralisante que les illusions avaient été
immenses L
- 229
eue effectivement Lénine de la forme, du rôle et des fonctions d'un
parti était étroitement dépendante des circonstances particulières
d'un pays où la révolution était, par son contenu et ses buts
immédiats, une révolution bourgeoise. Lénine définissait, en 1904,
le social-démocrate comme «un jacobin lié à l'organisation du
prolétariat conscient» dans la mesure où les tâches de la
bourgeoisie révolutionnaire devaient être dépassées avant d'aller
vers la révolution prolétarienne. Celle-ci devait être «le mouvement
de la grande majorité dans l'intérêt de la grande majorité» et non
pas, comme pour la révolution bourgeoise, une situation historique
où les chefs — les jacobins — «conduisent et dirigent une masse
amorphe, ignorant les buts effectifs et les limites de son action». A
ce stade de son argumentation, Lucien Laurat s'appuyait sur Rosa
Luxemburg définissant, en marxiste, la social-démocratie comme le
«mouvement propre de la classe ouvrière». Dans la situation russe,
Lénine avait raison dans une certain mesure, mais dans le
mouvement ouvrier européen, la définition de Rosa Luxemburg
était «incontestablement juste».
- 230 -
L'article de Souvarine sur le nouveau parti réfutait
violemment l'argumentation de Trotskÿ et de ses partisans sur
cette question. Il constituait une sorte de plaidoyer concernant la
justesse de la position adoptée par Souvarine. Il clôturait, quatre
ans après, la polémique qui avait opposé les deux hommes en
1929 1. Souvarine signalait que si l'idée d'un nouveau parti faisait
désormais son chemin parmi les révolutionnaires, son groupe avait
été seul à l'envisager pendant longtemps. Cette analyse s'appuyait
sur la ferme conviction d'une «déchéance, irrémédiable» des partis
communistes et de l'impossibilité de «rajeunir» la pensée et l'action
des «vieux partis socialistes dégénérés».
- 231
ses fruits avec le rapprochement intervenu avec la F.C.I.E. et
d'autres éléments de l'extrême-gauche qui approfondissaient leur
critique du stalinisme, sans être convaincus par la phraséologie de
Trotsky et de ses partisans.
232 -
Rabaut, Simone Weil se chargea de la rédaction de cette déclaration
pour être sûre qu'elle correspondît bien à sa propre pensée sur ces
questions.
- 233 -
Fédération unitaire de l'Enseignement, au point que les partisans de
la minorité pro-stalinienne s'en inquiétèrent dans un article de
L'Humanité qui, à propos du rapport moral présenté au congrès de
Reims (août 1933), dénonçait la publication par L'Ecole émancipée
(n° 33, 21 mai 1933) de l'appel pour Victor Serge «signé
notamment de Laurat et de Souvarine, bien connus pour leur
activité contre-révolutionnaire...» *. Ainsi, après ce congrès, J.
Carrez pouvait écrire à propos des débats qui s'y étaient tenus : «La
déportation de Victor Serge, la fermeture de la frontière russe aux
victimes d'Hitler (intervention de Simone Weil), les études si
précises de Prader dans L ’Ecole émancipée, notre chronique de
l'U.R.S.S. sans doute aussi les ont amenés à procéder à une révision
des valeurs, à un examen critique qu'ils ont très franchement
annoncé au congrès. La Fédération de l'Enseignement est sans doute
la première organisation révolutionnaire importante (quelques
groupes politiques comme le C.C.D. et la F.C.I.E. mis à part) qui se
refuse désormais à identifier le gouvernement stalinien et la
Révolution. C'est être allé au nœud du problème, c’est avoir touché
à sa source le mal qui ronge le mouvement révolutionnaire tout
entier. C'est capital 12.» Un des principaux militants de la majorité
fédérale, Gilbert Serret, confirma, dès le numéro suivant du
Travailleur (26 août) cette prise de distance fondamentale avec «la
politique de Staline, tant dans le domaine intérieur que dans le
domaine extérieur», insistant particulièrement sur le sort des
milliers d'oppositionnels déportés. Cela est confirmé indirectement
par un militant trotskyste comme Pierre Frank, qui a pu déclarer :
«Les animateurs de la Fédération unitaire de l'Enseignement
parvinrent à conserver une position distincte du stalinisme et du
réformisme, sans toutefois rejoindre le mouvement trotskyste» 3.
- 234 -
D'une manière générale, les militants du C.C.D. constatèrent
avec satisfaction un changement du climat politique qui sembla,
pendant un temps très bref, plus propice à leurs thèses. Ainsi,
commentant la diffusion du tract sur le procès du Reichstag, une
note anonyme du T r a v a i l l e u r (23 septembre) constatait :
«L'atmosphère actuelle est favorable à l'heure actuelle à la
diffusion de nos idées communistes et démocratiques. Nous n'en
sommes plus au temps où le Cercle collait des affiches double-
colombier et distribuait des feuilles volantes, en particulier sur les
déportations en U.R.S.S., mais dans l'indifférence et l'apathie de la
classe ouvrière.»
- 235
Si le jugement de Trotsky est bien dans la droite ligne de la
polémique de 1929, il est intéressant de constater que son
contradicteur, pourtant également peu favorable aux idées de
Souvarine, notait à la fois la progression numérique du Cercle et
l'écho favorable rencontré par ses propositions de nouveau parti.
Alors que le Cercle commençait à recueillir le fruit de plusieurs
années de labeur ingrat et solitaire, il était cependant en proie à
des contradictions internes importantes dont Simone Weil donna
une longue analyse sur trois points : la «question du but final», celle
de l'organisation et celle des «buts du Cercle».
- 236 -
toutes les réunions. (...) Et chacun se retrempera dans la solitude et
le silence.»
- 237 -
B. LES 6 ET 12 FEVRIER ET LA RECOMPOSITION
POLITIQUE DU MOUVEMENT OUVRIER.
* Le 6 février 1934, présenté par Serge Berstein, Paris, coll. Archives, Gallimard-
Julliard, 1975, p. 11.
2 Charles Ronsac, Trois noms pour une vie, op. cit., p. 101.
- 238
Devant cette fulgurante montée en puissance de l'extrême-
droite, toute la gauche allait se réveiller, le lendemain de l'émeute,
avec, en tête, le spectre des violences de rues qui avait accompagné
Mussolini et Hitler dans leur marche au pouvoir suprême. En
riposte à ces événements d'une extrême gravité, la C.G.T. décidait,
dans la journée du 7, le principe d'une grève générale de 24 heures
le lundi 12. Elle était annoncée en ces termes dans son quotidien Le
Peuple du 8 février :
* Cité par Marc Bernard, Les journées ouvrières des 9 et 12 février, Paris, Ed. Bernard
Grasset, 1934, p. SI.
2 Marc Bernard, op. cil., p. 61.
- 239 -
d'action unitaire contre le péril commun qui existait à la base dans
les deux partis. Le bilan fut lourd avec six ouvriers tués et des
centaines de blessés. C'est à ce prix que le parti communiste avait
voulu faire oublier sa participation, par A.R.A.C interposé, à la
journée du 6, avant de se rallier avec la C.G.T.U., à la grève générale
du lundi 12. Le parti socialiste avait renoncé à sa propre
manifestation pour se joindre à l'initiative de la C.G.T.
- 240 -
oppositionnels, des unitaires, des confédérés, des anarchistes, des
sans-parti, des radicaux que la défaillance du gouvernement
Daladier a rempli de fureur L»
- 241
suivi des signatures du Cercle et de la Fédération. Nous demandions
aux travailleurs de ne pas être dupes : “L'affaire Stavisky n'a été
qu'un hypocrite prétexte”. On y trouve des phrases aussi dures
que : “Le chantage au sang versé, auquel se livrent les descendants
des massacreurs de la Commune, les bouchers de 1914, a réussi”.
Nous sonnions l'alarme : “Pas d'illusion ! Tes ennemis ne s'en
tiendront pas là. Pense à l'Allemagne et à l'Italie”. Enfin, avoir
désigné et énuméré les factieux : Croix -de-feu, Camelots du roi,
Jeunesses patriotes..., nous précisions : “L'ennemi s'est montré. C'est
lui qu'il faut abattre”. Et, pour la première fois depuis la fondation
du premier Cercle, non seulement nous ne dénoncions ni le parti
communiste, ni le parti socialiste S.F.I.O., ni la C.G.T.U. ni la C.G.T.,
mais sans même les nommer, nous déclarions : “Maintenant ou
jamais le Front unique s’impose à toutes les organisations ouvrières.
C’est une question de vie ou de mort”.
«Cet appel au front unique était un événement considérable :
il faut croire que pour nous tous la sensation du péril immédiat
était plus forte que toutes nos répulsions et rancœurs. Je dis bien :
pour nous tous. En février 1934, le Cercle ne désemplissait pas, les
réunions se succédaient. A la vieille garde représentée par Pierre
Kaan, Edouard Liénert, Lucien Sablé et moi, même s'ajoutaient
Simone Weil, Bataille, Bernier, Bénichou, Prader. L'appel que nous
avons rédigé a été approuvé par tous les présents. Même si
Souvarine ne s'est pas montré, si occupé qu'il fût à son Staline, il est
impossible qu'on ne lui ait pas demandé son imprimatur, sur le
fond sinon sur la forme.
- 242 -
«Travailleurs. Tes ennemis : J[eunesses] Pfatriotes] A[ction]
Française], Croix de Feu. Leur but : un régime fasciste en France. La
riposte : la grève générale».
«Sous le prétexte du scandale Stavisky, les hordes fascistes
ont toute un coup de main. En réalité il en va de vos libertés... Vive
la grève générale L»
- 243 -
été soumis au vote et annoté en marge “unanimité” sauf le dernier
alinéa qui est biffé sur le manuscrit» L
* Simone Weil, Œuvres complètes, op. cil., t. II, vol. I, p. 355. Toutes les citations
concernant le texte sur les «modalités de l'action antifasciste» en sont extraites (p.
355-356).
244
Le point le plus original du texte était la proposition d'éditer
une brochure sur la dimension internationale du fascisme et le rôle
de l'impérialisme français dans sa progression autour de trois
thèmes majeurs :
«1° Une partie destinée à combattre la liaison établie
par les nationalistes français entre les atrocités hitlériennes et
la soi-disant brutalité de la race allemande ; on y montrerait
que toutes les fois qu'il y a répression dirigée contre le danger
révolutionnaire, il y a semblables atrocités (...).
«2° Une deuxième partie montrant que le fascisme
allemand s'explique non par le caractère national des Allemands
mais 1) par la profondeur de la crise économique en Allemagne
et 2) par l'impérialisme français.
«3° Dénoncer le danger fasciste en France, et montrer
que tout sentiment nationaliste aggrave ce danger.»
245
pour la représenter, j'ai pris part à la première réunion qui eut lieu
le 24 février. Nous avons vite abouti à la création d'un Centre de
liaison des formations antifascistes de la région parisienne L»
1 Charles Ronsac, op. cil., p. 107-108. Ce point avait été précédemment évoqué par
Nicolas Faucier dans un chapitre extrêmement intéressant («La Grande Duperie : le
Front populaire») de son livre, Pacifisme et Antimilitarisme dans l'entre deux-
guerres (1919-1939), Spartacus, n° 124, septembre 1983, p. 106.
2 Entretien avec J. Rabaut, février 1987, Paris.
3 Charles Ronsac, op. cil., p. 108-109.
- 246 -
Les journées des 6 et 12 février avaient marqué un tournant
considérable dans l'histoire française des années trente. De plus les
événements de Vienne qui leur succédèrent immédiatement ne
firent qu'accroître le sentiment d'inquiétude et d'angoisse des
contemporains les plus lucides devant des perspectives d'avenir de
plus en plus sombres. Ainsi, le 13 février, Georges Bataille pouvait
noter : «Le journal sur lequel je me précipite pour lire les articles
sur la grève [annonce] sur trois colonnes, l'insurrection socialiste à
Vienne ; cette nouvelle catastrophique se laisse lire sans la moindre
hésitation : Autriche nazi. De toutes parts, dans un monde qui
cessera vite d'être respirable, se resserre l'étreinte fasciste» L
247
syndicats, et, comme ersatz de la terre promise du socialisme, on a
offert au prolétariat la construction de Vienne “la rouge”».
- 248
vies humaines pour racheter son irrémédiable passivité et sauver
un honneur compromis».
- 249 -
ébranlement auquel son règne ne pourra résister qu'en
apparence»1.
- 250 -
trêve nationale» traduisait, selon Souvarine, «l'impréparation de
tous les camps» et masquait «tous les préparatifs».
- 251
de ces grandes organisations 1. Mais si l’activité de ces nouveaux
groupements était un des signes d'une époque faite d'interrogations
et d'incertitudes, leur rôle, dans le champ politique n'en demeurait
pas moins très marginal.
- 252 -
En effet, elle ne différait en rien des sections allemandeet
autrichienne de l'I.O.S. qui avaient connu le sort que l'on sait.
Composé de «réformistes sans réforme» et de «révolutionnaires
sans révolution», selon une formule qu'il affectionnait
particulièrement, ce parti se contentait de sauvegarder de congrès
en congrès une unité de façade tout en tentant de remporter les
échéances électorales.
1 Souvarine comptait au nombre des abonnés du Combat marxiste (fichier des abonnés
1935, Archives Lucien Laurat, Institut d'Histoire sociale, Paris). Il y écrivait
également un article sur «Les persécutions en URSS» (n° 10/11, juillet-août 1934).
- 253
«la déchéance irrémédiable des partis communistes» et le caractère
dégénéré des vieux partis socialistes. Considérant les deux grands
partis ouvriers comme destinés à la dislocation à plus ou moins long
terme, Souvarine souhaitait dans cet article la création d'un
nouveau parti révolutionnaire. Cependant, dans La Critique sociale
de 1934, il se contentait d'hypothèses plus générales à propos du
parti socialiste en écrivant qu'«une dislocation ferait table rase du
mythe néfaste de l'unité dans l'équilibre et deviendrait point de
départ d'un mouvement de révision des idées de regroupement des
tendances et des individus avec des critères inédits».
- 254 -
plus rapidement réaliser son unité d'action. Le temps presse. Il ne
s'agit plus maintenant d'attendre qu'une organisation en ait
absorbé une autre ou de chercher à en construire de nouvelles !
C'est sous la forme souple de l'alliance entre toutes ses
organisations que le prolétariat saura réaliser son unité L»
- 255
nous a apporté que des défaites 1.» La fondation en 1935 de la
Gauche révolutionnaire de la S.F.I.O. traduira un très net
renforcement de la gauche du mouvement socialiste, pour une
courte période car elle sera exclue du parti au congrès de Royan en
1938.
256
L'ECHO DU «S T A L I N E »
( 1935 )
Heinz Abosch
«Un portrait classique de
Staline»
Spartacus, n° 8, Février-
M arsl978.
- 257 -
I - L'EXPLICATION D'UN PARADOXE.
A. LA REEDITION DE 1977.
Il fallut attendre 1977 pour que vît le jour une nouvelle édition,
complétée d'un substantiel «Arrière-propos», aux Editions Champ
libre. Malgré un oubli de presque quatre décennies, des grands
quotidiens nationaux aux principaux hebdomadaires, l'ouvrage de
Souvarine fut paradoxalement salué d'une manière quasi
unanime l . Avant d'examiner les différents arguments évoqués par
les commentateurs pour signaler l'importance du livre, il est
indispensable de dire quelques mots sur le climat général de sa
republication.*
- 261 -
Les qualificatifs élogieux étaient divers mais tous les critiques
s'accordaient à rendre un hommage appuyé au livre : «Un des plus
grands livres français du vingtième siècle» pour Le Roy Ladurie,
biographie «magistralement menée à bien» pour Max Gallo, «chef-
d'œuvre d'intelligence politique, de lucidité historique et de probité
intellectuelle» pour Gérard Chaliand.
B. L'ACCUEIL EN 1935.
- 267 -
perception et votre analyse du système soviétique ? Quel a été
son écho dans les milieux politiques ou intellectuels que vous
fréquentiez ? Comment était perçue l'évolution politique de son
auteur ?
- 268 -
II. LES CONDITIONS D ’ELABORATION ET DE
PUBLICATION.
A. LA GENESE DU LIVRE.
- 271 -
et le livre est trop gros. Nous sommes en pleine crise
économique. Je ne puis publier votre ouvrage»1.
1 Ce texte fait partie d'une série de documents autour des différentes éditions
françaises et étrangères du S taline que Madame Françoise Souvarine nous avait
permis de consulter. Les dates de signature du contrat Knopf-Souvarine et Knopf-
Warburg en sont tirées.
- 272 -
juillet 1933 : «Je n'en puis plus d'écrire (...) J'ai une dizaine de
lettres à écrire aujourd'hui. La “Cootypo” me réclame les épreuves
du Bulletin communiste et de la copie. J'ai encore beaucoup à
travailler pour la Cfritique] Sfociale], Enfin, at last but not least, le
bouquin, qui n'avance pas vite, dans ces conditions.» 1
1 Marie Tourrès, op. cit., p. 180 et 192. La «Cootypo», c'est à dire la Cootypographie,
était la coopérative ouvrière sise à Courbevoie qui imprimait le Bulletin communiste.
2 Maurice Coquet, dit Ceyrat (1895-1975), sous pseudonyme a publié La trahison
permanente : Parti communiste et politique russe, Cahiers Spartacus, 1947. Gérant
du BEIPI, puis de Est & Ouest de 1953 à 1962. Cf. D.B.M.O.F., t. 23, p. 162-163.
3 «Le parrain d'Est et Ouest, Souvenirs familiers» par Claude Harmel, Est et Ouest
n° 15, février 1985, p. 17.
- 273 -
dont la version dactylographiée dépassait les mille pages (C.S., Prol.,
P- 17).
Pendant l'été 1934, Simone Weil écrivit à Alain pour lui signaler
les difficultés de parution du manuscrit du S ta lin e : «Boris
Souvarine vient de finir un livre auquel il travaille depuis des
années concernant l'histoire de Staline en particulier et de la
révolution russe en général jusqu'à nos jours. S'il paraît, il sera
précieux car ce sera le seul livre honnête, documenté et intelligent
sur la question. Seulement il semble destiné à avoir bien du mal à
paraître. Plon l'a déjà refusé en expliquant que c'était trop sérieux,
trop bien documenté et qu'en conséquence cela ne se vendrait pas.
Le manuscrit est en ce moment chez Gallimard L»
* Ibidem , p. 15-16.
2 Jean-Louis Panné, op. cit., p. 224.
- 275 -
Dans l'avant propos à la réédition de 1977, Souvarine avait
indiqué que le manuscrit avait été présenté favorablement au
comité de lecture des éditions Gallimard par Brice Parain, avec
l'approbation de plusieurs lecteurs. Cependant la décision de
publication tardant, Georges Bataille, de sa propre initiative, était
venu s'enquérir du sort de l'ouvrage auprès d'André Malraux. Ce
dernier refusa d'intervenir et Bernard Groethuysen emporta la
décision négative finale, en arguant des intérêts commerciaux de la
maison. Ces indications allaient être reprises par de nombreux
commentateurs dans les articles sur la réédition du livre en 1977, —
à juste titre à notre sens, en fonction des arguments évoqués ci-
dessus sur le caractère symbolique de ce refus.
* Jean Lacouture, Malraux, une vie dans le siècle, Paris, Ed. du Seuil, Points/Histoire,
1976, p. 205-206.
2 Ibidem , p. 207.
- 279 -
Malraux d'après la Deuxième Guerre mondiale dans une déclaration
étonnante à un journaliste américain, Cyrus Sulzberger : «S'il y
avait aujourd'hui en France un mouvement trotskyste qui eut
quelque chance de succès au lieu de la poignée de discuteurs qui se
querellent avec les communistes [je serais] trotskyste et non
gaulliste l .» Malraux avait changé de camp, pas d'attitude.
1 Ibidem , p. 208.
2 Anne Roche-Géraldi Leroy, op. cit., p. 178.
3 J. Lacouture, op. cit., p. 207.
- 280 -
journaliste à L'Humanité, membre du parti communiste du début
des années 20 jusqu'à sa mort en 1951 L
* Il est plus que probable que l'avis favorable ait été émis par Brice Parain et le
défavorable par Bernard Groethuysen. Le troisième lecteur pourrait être Malraux, même
si, en définitive, la décision finale appartenait toujours en pareil cas à Gaston
Gallimard, d’après la description du comité de lecture donnée par Pierre Assouline.
- 282 -
disant qu'un «silence de mort pèse sur ce malheureux bouquin».
Souvarine suggérait à Alain d'écrire un compte-rendu du livre car,
«dans les circonstances actuelles, vous seul pourriez rompre le
silence qui étouffe mon témoignage et mon étude (...). Il me semble
qu'un écrit de vous, article ou lettre, dans la N.R.F. (par exemple)
appellerait l'attention de quelques esprits indépendants.»
Les termes mêmes employés par Alain indiquent bien que son
soutien, pour être réel et méritoire, n'en avait pas moins été mitigé,
car probablement le philosophe radical plaçait des espoirs
inconsidérés dans le rapprochement franco-soviétique au plan
international, et dans la victoire du Rassemblement populaire au
plan intérieur, les deux aspects étant déterminés par un
«antifascisme» dont le pacte soviéto-nazi marquera bien le
caractère illusoire. L'échec du projet de préface et d'article dans la
N R F n'était pas seulement dû au hasard ou aux aléas de l'existence
mais à de sérieuses réserves sur le contenu du livre. La lettre à
Pierre Kaan semblait quelque peu rectifier cette première
impression. Pourtant, quelques mois plus tard, en précisant son
attitude face à l'U.R.S.S., ilécrivait dans un article de Vigilance du
14 septembre 1936 : «Je n'aime pas les pamphlets que j'ai lus
contre la Russie de Staline.» Son biographe commente : «Alain
- 283 -
pense sans doute à Souvarine, entre autres » L S'il est difficile d'en
être totalement certain, l'ambiguïté de sa position et surtout son
incompréhension du stalinisme autorise tout au moins à poser la
question.
- 290 -
Un mot pour terminer à propos de Doriot. L'Emancipation, alors
sous-titré «organe central pour l'unité totale des travailleurs»
publia le communiqué de la «Librairie du travail» chargée de la
diffusion du livre. Le même journal publia également pendant
plusieurs semaines des extraits significatifs du livre à partir de son
n° 48 du 7 septembre 1935. Dans un chapeau de présentation
l'hebdomadaire qualifiait le Staline de «puissant livre» consacré à
«l'étude de l'histoire du Parti bolchevik et, en particulier, de la vie
de militant du chef de la 3e Internationale». Avec des interruptions
imposées par les exigences de l'actualité, l'hebdomadaire de ce qui
était encore pour quelques mois l'ex-rayon de Saint-Denis du P.C.F.
et non le journal du P.P.F, publia des passages importants du livre
de Souvarine jusqu'à la fin novembre 1935.
* Nous ignorons si un tel article rentre en ligne de compte dans ce que Wolfgang Klein
nomme dans son livre Commune, revue pour la défense de la culture (1933-1939),
Paris, Ed. du CNRS, 1988, «la première tentative française de mettre à profit (...) la
théorie et la méthodologie du marxisme-léninisme dans les sciences (...) et dans la
conception de l'histoire» (p. 51).
2 Charles Rappoport (1865-1941), philosophe et publiciste socialiste puis
communiste. A partir de son installation en France, en 1897, Rappoport milita à la
Fédération des socialistes indépendants de France, puis rejoignit en 1904 le s
guesdistes. Pendant la 1er Guerre mondiale, il milita avec les opposants à l'Union sacrée
dans le Comité pour la reprise des relations internationales et adhéra au P.C. dès sa
fondation. Cf. D.B.M.O.F., t. 39, p. 387-391.
- 293 -
C'était l'épuration par le vide intellectuel et moral, ainsi que par la
chute verticale des effectifs.»
1 «Comment j'ai quitté le parti communiste», Que faire ? n° 40, avril 1938. Cet article
est reproduit dans : Une vie révolutionnaire —1883-1940 — Les mémoires de Charles
Rappoport. Texte établi par Harvey Goldberg/ Georges Haupt. Edition achevée et
présentée par Marc Lagana, Ed de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 1991.
- 294 -
Toujours à propos du P.C.F., il faut noter qu’en juin 1939, l'auteur
du Staline était encore vilipendé par Georges Politzer 1 dans un long
compte-rendu du livre de Lucien Laurat, Le marxisme en faillite ?
(Les Cahiers du bolchevisme, n° 6, juin 1939, pp.808-831), dont la
tonalité apparait comme fort éloigné d'un prétendu «rationalisme
moderne». Il n'est pas indifférent de noter que, dans cette curieuse
recension, le titre même du livre de Laurat était falsifié, puisqu'il
n’était pas fait mention du point d'interrogation qu’il comportait ; ce
qui en transformait totalement le sens et pouvait ainsi faciliter la
tâche du critique implacable des «thèses hitléro-trotskystes».
- 295 -
et d'autres oppositionnels, dont le militant stalinien se proposait de
fournir la liste ultérieurement L Dans le contexte des années 1936-
1939 et après les différentes affaires dans lesquelles furent
impliqués les services soviétiques, en France notamment, les
«mesures possibles» réclamées par Cogniot se passent de
commentaire. Il est probable que Georges Cogniot réglait ainsi un
compte rétrospectif avec un Souvarine dont l'influence n'avait pas
été étrangère à sa signature, en 1925, de la célèbre lettre des 250
sur la «bolchevisation» du P.C.F., brève velléité oppositionnelle que,
selon Jean Maitron, «il regrettera toute sa vie» *2.
- 300 -
éditorial intitulé «Au seuil de la Révolution» l . Devant la question
primordiale du type de société qui suivrait un ébranlement
révolutionnaire, l'éditorialiste, très certainement Valois lui-même,
s'interrogeait sur la définition «du principe de l'organisation et du
dynamisme de la société nouvelle». En effet, à la suite d'une
révolution les peuples se trouvaient confrontés à la réussite ou à
l'échec de leur projet de transformation sociale. De ce point de vue,
l'U.R.S.S. avait causé une «profonde déception». Pour comprendre
les raisons de cet échec, l'éditorialiste conseillait vigoureusement à
tous les responsables politiques de lire «le grand ouvrage de Boris
Souvarine». En effet, «il permet de comprendre comment l'U.R.S.S.
aboutit en mai 1935 aux déclarations de Staline et de Laval. Il y a,
bien entendu, les luttes personnelles, le jeu des caractères et des
tempéraments. Mais il y a par-dessus tout, le fait que les
fondateurs du régime ne savaient pas quelle organisation socialiste
ils donneraient à l'économie conquise par la Révolution politique.
Alors tenant l'Etat et voulant durer (...), il ont employé les moyens
d'Etat. Mais ils n'ont pas encore trouvé les moyens d'édification
démocratique du socialisme libertaire et égalitaire.»
1 Une biographie intellectuelle de Georges Valois a été publiée en 1975 par Yves
Guchet aux Editions Albatros (Paris). Pour les années trente on consultera les
chapitres X - La République syndicale et la crise du Capitalisme et XI - L'approche
de la Guerre.
- 301 -
En effet, c'est à partir de 1935, d'après Yves Guchet, qu'il radicalisa
sa critique de l’Etat devant la parenté des dictatures et les menaces
communes qu'elles faisaient peser sur les libertés individuelles. En
1930, il écrivait encore dans sa préface au Discours sur le plan
quinquennal de Staline : «quelque sentiment que l'on ait à l'égard
de la violence d'Etat exercée contre les citoyens, on doit juger un
régime non selon cette violence accidentelle ou systématique mais
selon son aptitude à développer la puissance de production de
l'homme.» Au contraire, dans la seconde moitié des années trente, il
lia de plus en plus la gestion autoritaire de l'économie à la dictature
de l'Etat pour les rejeter toutes deux. A propos de l'U.R.S.S., la
radicalisation de sa critique du bolchevisme allait jusqu'à inclure
Trotsky dans sa condamnation du système économique soviétique.
Il écrivait par exemple dans Nouvel Age du 7 juillet 1936 :
«Trotsky et ses amis reprochent violemment à Staline sa dictature,
mais leur conception économique les aurait conduits à la même
dictature l .»
1 Ces articles furent publiés dans le quotidien Nouvel âge du 26 mars au 1er avril
1940. Cf. D.B.M.O.F., t. 41.
2 Entretien avec Pierre Andreu, Paris, janvier 1984. Sur son itinéraire politico-
intellectuel on se reportera à son autobiographie Le Rouge et le Blanc (1928-1944),
Paris, La Table Ronde, 1977.
3 Lettre du 16 septembre 1985.
- 303 -
collaborateur de la revue personnaliste : «Polytechnicien, agent de
change à la bourse de Paris, [il] s'est intéressé surtout aux
problèmes religieux et à la musique vue sous un angle très
personnel et extrêmement original. Son livre sur La foudre de Dieu
(1969) est écrit dans la perspective de la revue Dieu vivant (1944-
1955) qui prolongeait l'effort de réflexion qu'il avait suscité sous
l'occupation (...) en réunissant chez lui tout un groupe
d’intellectuels» L
* Ces renseignements sont fournis dans l'index biographique publié en annexe du livre
de Pierre Prévost, Rencontre Georges Bataille, Paris, Ed. Jean-Michel Place, 1987.
Pierre Prévost avait milité avant la Deuxième Guerre mondiale dans le groupe
«L’Ordre nouveau» et fréquenté régulièrement Georges Bataille entre 1937 et 1947.
2 Préface à un recueil d'articles Accords et dissonances, 1932-1944, Paris, Gallimard,
1967. L'article sur le Staline y est reproduit, p. 114-123.
- 304 -
Nouveaux Cahiers 1. De plus, les ouvrages de Serge et de Souvarine
sur l'U.R.S.S. furent diffusés dans les groupes Esprit, probablement à
partir de l'été 1936 *2. En effet, la revue personnaliste, qui avait
publié dans son n° de juin 1936 «Deux lettres de Victor Serge à ses
amis et à André Gide», entamait avec l'ancien exilé d'Orenbourg,
récemment libéré, une collaboration qui allait durer jusqu'à la
guerre, affirmant une nette orientation antistalinienne parmi des
intellectuels catholiques pourtant proches du Rassemblement
populaire 3.
* Cette anecdote m’a été rapportée, avec les précautions d'usage, par Jean-Louis Panné
qui la tenait de Souvarine lui-même.
2 D'après Paul Thibaud, citant l'historien canadien John Hellmann, dans Esprit, n° 5,
mai 1984, p. 12.
3 Michel Winock, Histoire politique de la revue “Esprit" 1930-1950, Paris, Ed du
Seuil, 1975. Cf. notamment le chapitre 4 : «L'éducation politique d'“Esprit”. Du 6
février à la guerre d'Espagne».
- 305 -
Parti. Telle est, semble-t-il, la conclusion qui se dégage d'un livre
qui, en montrant que le stalinisme n'a que de très lointains
rapports avec la réalisation de la vraie doctrine marxiste, est appelé
à avoir des répercussions profondes sur l'avenir plus ou moins
immédiat du monde.»
- 306 -
Parmi les revues de l'émigration russe, un article fut consacré
au Staline dans la revue publiée à Lille, en français, Russie et
Chrétienté L II s’agissait pour l'auteur de l'article, qui signait J. N.,
d'un volume qui devait prendre, dans l'immense littérature
consacrée à la Révolution russe et au bolchevisme, une place de
«tout premier rang». Cependant l'engagement passé de son auteur
limitait des efforts d'impartialité pourtant certains. En effet, sa
compétence s'arrêtait où se posait une question douloureuse : «dans
quelle mesure ces préceptes eux-mêmes (c'est-à-dire ceux de la
doctrine marxiste) pouvaient-ils être appliqués au pays condamné
à devenir le champ d'expérience pour tous ces théoriciens de la
révolution sociale ?»
1 Le philosophe russe Nicolas Berdiaev, très influent dans les milieux de l'émigration,
note, dans son livre Les sources et le sens du communisme russe (Paris, Gallimard,
1938) que le livre de Souvarine «est bien documenté et contient des jugements en partie
vrais, mais qui produit une impression désagréable par la part excessive qu'il donne
aux intrigues des dirigeants du parti communiste et par l'absence d'un large point de
vue historique.»
- 307 -
exceptionnelle sur la révolution russe et ses conséquences. L'auteur
de l'article, G. Fedotov, insistait sur le fait que Souvarine n'était pas
trotskyste, car malgré le respect qu'il portait à la personne de
Trotsky, il discernait parfaitement «toutes ses faiblesses
politiques». Le Staline était plus une histoire du parti communiste
qu'une histoire de la révolution russe elle-même, expliquant «les
raisons de l'ascension et de la victoire» du dictateur, tout en
rassemblant différents détails sur sa personnalité qui dessinait le
portrait d'un «despote oriental» prêt «à tout sacrifier pour le
pouvoir».
* En effet le premier numéro de la revue pacifiste animée par Léon Emery et le couple
Jeanne et Michel Alexandre, qui prenait la suite des Libres propos, sortit le 10
octobre 1935.
- 308 -
encore penser que l'U.R.S.S. a un contenu socialiste et je ne crois pas
entièrement justes les conclusions désespérantes du Staline.» 1 Une
évolution rapide des positions de Léon Emery sur ce sujet eut
pourtant lieu, car la revue pacifiste remarquait l'année suivante :
«Rien n'est aussi frappant et aussi inquiétant, dans ce Staline
admirable, que la formation de l'appareil (...) La conception
léniniste du parti révolutionnaire était naturellement celle d'un
instrument de guerre civile, puisque sa tâche essentielle était de
faire la révolution. Qu'on ait ensuite maintenu ce système alors qu'il
s’agissait d'organiser, non de combattre, qu'on en ait fait le moteur
de tout l’Etat, voilà le mystère qui contenait pcut-ctre en germe
tout le sort de la révolution...» Après la parution du Retour d'U.R.S.S.
de Gide, cette revue, délaissant les aveuglements volontaires et les
illusions lyriques duFront populaire, se demandait : «Une seule
question nous intéresse. Le régime russe est-il socialiste?» 12 En
l'occurrence, poser la question, c'était déjà y avoir en partie
répondu.
C. LE MOUVEMENT SYNDICAL.
1941, secrétaire d'Etat au Travail de cette date à avril 1942. Cf. D.B.M.O.F., t. 18,
p. 345-349.
1 René Belin, Du secrétariat de la CGT au gouvernement de Vichy, P a r is ,
Ed. Albatros,1978, p. 58.
- 310 -
Sa conclusion disait toute l'importance que le rédacteur du
quotidien syndicaliste attribuait au Staline : «Il y a bien des années
qu'un livre d'une telle importance pour tout le mouvement ouvrier
n'a été publié. Il sera longtemps une source inépuisable à tous ceux
qui travaillent à l'émancipation de la classe ouvrière de toute
domination — de celle du capitalisme aussi bien que de celle d'une
bureaucratie effrénée.»
- 313 -
étant très active dans la campagne en faveur de Victor Serge L Elle
intervint notamment en ce sens en juin 1935 au «Congrès
international des écrivains pour la défense de la culture» malgré
l'opposition d'Aragon et d'Ehrenbourg *2.
«L’unité pour l'unité n'a aucun sens ; l'unité dans la nuit, dans
le mensonge, dans les pratiques étrangères au socialisme, dans la
mécanisation et le dressage des masses populaires, dans
l'incompréhension ou le reniement de la doctrine, dans le mépris
des hommes érigés en système, le bluff en loi suprême, cette unité-
là est exactement celle qui permettra l'écrasement du mouvement
ouvrier, et son recul pour des décades ...»
- 318 -
plan le «respect de l'homme (...) condition sine qua non du
socialisme».
D. LE MOUVEMENT SOCIALISTE.
1 Lettre du 3 février 1986 de Denyse Tomas et du 18 mai 1986 de Lucienne Rey. Cette
dernière m'a dit avoir interrogé plusieurs amis qui étaient, comme elle, des habitués
du C.C.E.O. et de l'Institut Supérieur Ouvrier à la fin des années trente avant de me
donner cette réponse. Son expérience a été différente car elle participait aux
réunions d'étude du Combat marxiste autour de Lucien Laurat qui devait, dans ces
occasions, retrouver sa liberté de parole et ne plus être tenu par un diplomatique
devoir de réserve dans ses jugements sur l'évolution du régime soviétique.
- 320 -
signalait les qualités historiques et bibliographiques du livre,
probablement pour minimiser sa portée politique et critique L S'il
reconnaissait volontiers l'intérêt exceptionnel, en langue française,
de la partie du livre «qui est consacrée à exposer les conditions
historiques, politiques et sociales au sein desquelles a pu se
produire l'ascension de Staline», il se posait la question de la
précocité d'un jugement d'ensemble sur la politique de Staline. Il
écrivait notamment :
1 Lettre du 23 février 1986. Sur l'itinéraire de Daniel Bénédite, cf. D.B.M.O.F., t. 18,
p. 377.
2 Fred Zeller (né en 1912), militant socialiste puis membre du Bureau politique du
Parti ouvrier internationaliste et dirigeant des Jeunesses socialistes
révolutionnaires jusqu'à la fin 1937, adhérent du P.S.O.P. en 1939. Cf. D.B.M.O.F., t.
43, p. 414-416. Nous reviendrons au témoignage de Fred Zeller à propos de sa
rencontre avec Trotsky en Norvège.
3 Paul Parisot (né en 1917). Cf. D.B.M.O.F., t. 38, p. 50.
4 Lettre du 28 janvier 1986.
- 324 -
socialistes allant de l'embarras pur et simple à l'accueil
enthousiaste.
- 328 -
Trois ans plus tard les commentaires des deux théoriciens
marxistes sur le Staline illustreront l'importance et la profondeur
de ces divergences. Chronologiquement, c'est Fritz Alsen qui rendit
compte le premier du livre de Souvarine dans les Zeitschrift für
Sozialismus (Revue pour le socialisme) en le mettant en parallèle
avec le Staline d'Henri Barbusse. Si Fritz Alsen tenait le plus grand
compte des nombreuses qualités et apports du livre de Souvarine à
la connaissance du mouvement révolutionnaire russe et à l'histoire
de la Russie soviétique, il n'en émettait pas moins certaines
critiques d'importance.
- 329 -
pétrifier dans une nouvelle forme de domination de classe, avec la
bureaucratie comme classe exploiteuse (...). Il est indubitable que
l'existence de la bureaucratie constitue pour le développement de
l'Union soviétique vers le socialisme un handicap grave, peut-être
décisif. Mais on ne peut pas pour autant parler à propos de cette
bureaucratie, d’une exploitation des masses laborieuses, d'une
accumulation du capital.»
L'article d'Otto Bauer dans Der Kampf (Le Combat) allait encore
beaucoup plus loin dans la critique du livre de Souvarine et la
justification «dialectique» de la dictature de Staline. Le reproche
essentiel qu'il adressait à Souvarine, et qui sera d'ailleurs très
nettement contesté par Karl Kautsky, était de prétendre «expliquer
le développement entier de la dictature russe à partir de la
personnalité et du caractère de Staline.» Il signalait que Souvarine
qualifiait Staline de «médiocre et grotesque» alors que selon lui,
«sous la direction de Staline se construit avec une rapidité
déconcertante la puissante industrie de l'Union soviétique, s'engage
triomphalement, par la collectivisation de l'agriculture, une
révolution agraire d'une dimension inouïe, le niveau de vie et le
niveau culturel des masses populaires de l'Union soviétique
s'élèvent d'une façon significative, la Russie est redevenue une
puissance mondiale.»
- 331 -
suivantes : les moyens de la terreur, qui furent nécessaires à
l'accomplissement de cette tâche, ne le sont plus aujourd'hui et
doivent pour cette raison être abandonnés.»
- 334 -
dons d'intellectuel moyen, dépourvu d'esprit, sans instruction et
sans talent imposant d'orateur et d'écrivain ?»
- 336 -
Comme je lui signalais les “erreurs graves” énumérées par
Souvarine, le vieux polémiqua : “Des erreurs, des erreurs, mais nous
n'avons pas cessé d'en faire ! Lénine lui-même ne le niait pas ; le
soir de la prise du pouvoir devant le congrès pan-russe des Soviets,
il disait : “Le pouvoir est à nous, bien que nous ayons fait dans cette
dernière période des milliers d'erreurs, et je suis bien placé pour le
savoir”. Il s’ensuivit un cours magistral sur la Révolution française,
les erreurs des uns et des autres, jusqu'à la chute de Robespierre
qui avait épuisé, ainsi que ses amis, “toutes ses réserves physiques
et morales”.
* Lettre du 24 août 1985. Yvan Craipeau (né en 1911), instituteur puis professeur,
militant et dirigeant trotskyste. Cf. D.B.M.O.F., t. 23, p. 320-322.
2 Jean-René Chauvin (né en 1918), secrétaire adjoint de la Fédération de la Gironde des
Jeunesses socialistes, proche de la gauche révolutionnaire, il se rapprocha, en 1937,
du mouvement trotskyste et adhéra au Parti ouvrier internationaliste. A la veille de
la guerre, il le quitta avec la tendance Rous-Craipeau pour rejoindre le P.S.O.P. de
Marceau Pivert. Requis pour le S.T.O., pendant l'Occupation, il se cacha à Paris, mais
fut arreté au cours d'une rafle et déporté à Mauthausen, puis Auschwitz-Birkenau et
Buchenwald. Après la guerre, il milita au Parti communiste internationaliste puis au
Rassemblement démocratique révolutionnaire. Cf. D.B.M.O.F., t. 22, p. 208-209.
3 Jean-René Chauvin pense très certainement à la brochure publiée par les Cahiers
Spartacus, 1948, et intitulée Qui succédera au capitalisme ? (Série A, n° 18, juillet-
septembre 1981).
Dans leur catalogue de mars 1979 les Cahiers Spartacus présentaient comme suit cet
ouvrage : «Le socialisme doit-il nécessairement sombrer dans l'étatisme ? Un régime
post-capitaliste, autre que le socialisme est-il concevable ? Le socialisme est-il
inéluctable ? Est-il au moins possible ? Et pourquoi donc, au lieu de ce que l'on
prenait, il y a une cinquantaine d'années, pour du socialisme en germe, c'est
exactement son antithèse, sa négation, un régime diamétralement à l'opposé des
aspirations socialistes qui s'est monstrueusement développé et affermi ?»
- 342 -
hommes qui étaient à la tête de l'Internationale communiste jusque
dans les années trente. Mais ces analyses péchaient en ce qui
concerne l'évolution sociologique de l'U.R.S.S. dans cette période. J.-
R. Chauvin résumait comme suit l'appréciation portée dans les
milieux trotskystes sur Souvarine et son livre : «Avant guerre j'ai
entendu certains déclarer que Souvarine avait complètement
abandonné le bolchevisme et même trahi ; mais d'autres déclarer
qu'il avait écrit un livre irremplaçable (...) Souvarine était
principalement apprécié par ceux qui avaient abandonné la thèse
de l'Etat ouvrier bureaucratiquement déformé U»
* Lettre du 30 juillet 1985. Charles, Louis Anderson, dit Ander, correcteur, militant
de l'Union anarchiste et administrateur du Libertaire de 1932 à 1939. Cf. D.B.M.O.F.,
t. 17, p. 141-142.
2 Lettre du 30 juillet 1985. Pierre-Valentin Berthier (né en 1911), journaliste puis
correcteur, militant libertaire et collaborateur de la presse du mouvement depuis
1932. Cf. D.B.M.O.F., t. 19, p. 72.
3 Lettre du 7 octobre 1985. Maurice Laisant (né en 1909), militant pacifiste et
anarchiste. Cf. D.B.M.O.F., t. 33, p. 147-148.
4 Lettre non datée. Henri Bouyé (né en 1912), militant anarchiste, trésorier, en 1939,
de la Fédération anarchiste de langue française. C f.D .B.M .O .F., t. 20, p. 184.
- 349 -
une partie de l'opinion il ne nous apprenait rien mais au contraire il
contribua alors à la diffusion des vérités affirmées par nous depuis
longtemps, et son livre y fut bien accueilli.»
* Lettre du 1er août 1985. Paul Lapeyre (né en 1901), militant anarcho-syndicaliste de
la C.G.T.-S.R., membre de la Fédération anarchiste de langue française de 1936 à
1939, libre-penseur. Cf. D.B.M .O.F., t. 33, p. 245-246.
- 350 -
anarchistes à intégrer une réflexion menée en dehors des chapelles
habituelles du mouvement.
- 351 -
donner une explication historique et politique, mais aussi
économique et sociale.
- 352 -
Souvarine a voulu voir représenté par Lénine, avait peut-être été
mieux compris par lui que par son maître vénéré comme la force
essentielle du socialisme : c'est à dire la “force expansive de l'idée
démocratique et la soif de liberté propre à l'homme”.»
- 356 -
IV. LE DESTIN DU S T A L I N E .
* Cahiers du Futur, n° 2 «La Dictature», 1974, p. 145. Les deux listes y sont
reproduites.
2 Pascal Fouché, L'Edition française sous l'Occupation 1940-1944, Bibliothèque de
Littérature française contemporaine de l'Université Paris VII. A propos des «listes
d'interdiction», il faut consulter le chapitre qui porte ce titre p. 18-43. La citation
suivante en est extraite (p. 18-19).
- 358 -
souvent confidentiel et marginal, en marquant quelques unes des
critiques les plus radicales du totalitarisme.
* Claude Lefort, Eléments d'une critique de la bureaucratie, Paris, Gallimard, coll. Tel,
1979, p. 35.
- 359 -
de Souvarine, je l’ai lu parce qu'un vieux copain (...), Davoust — alias
Chazé — me l'avait prêté comme un des meilleurs livres d'alors sur
Staline ; lui-même avait personnellement connu Souvarine mais
épisodiquement ; entre le groupe de l'Union communiste qu'il
animait et celui de Souvarine autour de La Critique sociale, il n'y
avait guère d'affinités ou de convergences et pratiquement, ils
s'étaient ignorés 1. »
* Lettre de Léon Emery à Boris Souvarine, mai 1963 (?), aimablement communiquée par
Mme Elia Surtel.
2 Hannah Arendt, Vies politiques, Paris, les Essais, Gallimard, 1974, p. 43.
- 361 -
une réédition dans un contexte favorable pouvait sortir le livre de
l'obscurité où il avait été tenu pendant une quarantaine d'années
par les conformismes dominants et les lâchetés intellectuelles de
toutes sortes. La réédition de 1977 allait permettre de donner à lire
à une nouvelle génération ce que l'on peut désormais considérer
comme un des livres majeurs de l'histoire du siècle en même temps
qu'un classique essentiel dans l’histoire de l'anti-stalinisme de
gauche.
Notons tout d'abord que le leurre des faux débats dénoncés par
Castoriadis en 1977 n'a pas cessé, bien au contraire. La
dénonciation emphatique et rituelle du totalitarisme par les hérauts
de la dite nouvelle philosophie était entachée, dès le départ par un
mensonge, «escroquerie inaugurale des Nouveaux Philosophes, bien
dans le style du marxisme-léninisme où la plupart venaient
d'apprendre à refaire l'histoire» L Ce mensonge consistait «à
occulter le fait que depuis les années vingt, une critique, autrement
plus profonde, avait été menée par une gauche libertaire qu'on
n'avait pas voulu entendre mais qui, grâce à Victor Serge, André
Breton, Boris Souvarine, Ante Ciliga, George Orwell ..., lui avait
donné ses lettres de noblesse en même temps que son fondement
véritable.»
^ Ibidem, p.18.
Ante Ciliga, Dix ans au pays du mensonge déconcertant, Paris, Ed. Champ libre, 1977,
p. 18.
- 363 -
Quand, durant les années 1935-1936, Souvarine collationnait
les articles sur son Staline, la dite tragédie n'en était encore, si l'on
peut dire, qu'à ses prémices, mais l'auteur avait suffisamment
étudié et observé la marche des événements pour en discerner la
portée, tout en remettant en cause un certain nombre d'idées qui
avait été les siennes, depuis presque vingt ans. Il y a des fidélités
vrais et d'autres qui, en voulant garder à tout prix la lettre au
détriment de l'esprit, ne sont, au mieux, qu'une forme particulière
de fausse conscience et, au pire, la plus révoltante forme de
cynisme et de mensonge. C'est de la première, la plus rude et la
plus profonde, que Souvarine pouvait continuer de se revendiquer
en ce milieu des années trente, tout en essayant de tirer le bilan de
«vingt années durant lesquelles le mouvement ouvrier a été
démantelé» Car, suivant des réflexions d’Angelica Balabanoff
proche des propres préoccupations de Souvarine dans cette
deuxième moitié des années trente, ce qui avait tué «l'esprit du
mouvement ouvrier», c'était «qu'une idée qui a inspiré à des
générations entières un héroïsme et une ferveur sans égal ait pu se
confondre avec les méthodes d'un régime fondé sur la corruption,
l'extorsion d'aveux et la trahison. Et que, pour couronner le tout, les
mouchards et les assassins de ce régime aient fini par infecter le
mouvement ouvrier tout entier. C'est en cela que le bolchevisme
s'identifie de plus en plus avec les méthodes du fascisme 12.»
BORIS SOUVARINE,
UN INTELLECTUEL ANTISTALINIEN
DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
(1924- 1940)
THESE
Pour Le Doctorat de Sociologie Politique
Présentée par
Charles JACQUIER
sous la Direction de
Madame Annie KRIEGEL
(Volume II)
BORIS SOUVARINE,
UN INTELLECTUEL ANTISTALINIEN
DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
(1924- 1940)
THESE
Pour Le Doctorat de Sociologie Politique
Présentée par
Charles JACQUIER
sous la Direction de
Madame Annie KRIEGEL
(Volume II)
* ST, p. 554.
365
I. LA SORTIE DU COMMUNISME OPPOSITIONNEL
- 366 -
tous les préjugés du mouvement ouvrier international, y compris la
tradition marxiste l .
1934 est également l'année où Simone Weil écrivait les
«Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale»,
destinées au dernier numéro de La Critique sociale et qui ne
paraîtront qu'en 1955 dans Oppression et liberté, grâce à Albert
Camus 2. Dans ce texte, «ce ne sont plus seulement les prévisions de
Marx, mais ses analyses concernant son propre temps et l'histoire
antérieure, qui examinées méthodiquement, apparaissent souvent
comme incomplètes et parfois contradictoires 3.» Quand on sait que
pendant son expérience de travail en usine, malgré la fatigue qui
l'accable, elle écrit quasiment tous les jours à Souvarine, il ne
semble faire aucun doute de leur très grande proximité
intellectuelle sur ces questions. D'ailleurs, selon certains témoins, tel
René Chenon, Simone Weil eût dans ce domaine une influence
importante pour détacher Souvarine du marxisme 4.
- 367
état d'exaltation extrême à celui d'une dépression profonde,
désespérant de surmonter sa difficulté d'être» (Ibidem, p. 25).
- 368 -
Quoi qu'il en soit, cette rupture se déroula dans une ambiance
de drame passionnel particulièrement intense et fut relativement
longue. Ainsi que l'écrit d'une manière allusive Simone Pétrement,
«Simone Weil venait d'être gravement attristée pendant plusieurs
mois par des événements pénibles, dramatiques même, survenus
dans la vie privée d'un de ses amis.» Fin novembre 1934, elle écrit
à ses amis syndicalistes de la Loire, les Thévenon, qu'elle s'est
abstenue pendant quelques temps de correspondance à cause
d'événements «assez graves pour avoir fait sur moi une impression
lente à s'effacer» L
- 369 -
Le 8 novembre 1938, Charles Peignot, lui annonçait le décès
de sa sœur. Un correspondant britannique lui écrivait le 10
décembre : «Je regrette de lire qu'un malheur vous a fait renoncer
à toute activité dernièrement» L Le Prologue à la réédition de La
Critique sociale dira, un demi siècle plus tard, l'importance de
Colette Peignot dans la vie de Souvarine. A ceux qui seraient tentés
de regretter la grande discrétion de Souvarine sur cet épisode il est
possible de dire à la suite de l'écrivain portugais Miguel Torga : «A
mon sens, l'humanité n'a pas le droit de soutirer à l'individu ce qu'il
ne lui a point spontanément légué».
- 370 -
Dans une correspondance avec Antoine Richard, pendant les
deux mois suivants, il évoquera également ses difficultés
personnelles en indiquant : «Je suis sans domicile fixe, mes livres
sont dispersés», et en demandant qu'on lui écrive à l'adresse de la
revue L
- 371
En 1935, Boris Souvarine devint secrétaire général de l'annexe
parisienne de l'Institut international d'histoire sociale, dont le siège
était à Amsterdam, aux Pays-Bas. L'Institut parisien était installé
au 7 rue Michelet, Paris 6e. Son président était le professeur
Alexandre Marie Desrousseaux (Bracke), Directeur d'études à l'Ecole
des Hautes Etudes (helléniste et germaniste de spécialité), et député
socialiste du Nord en même temps que vice-président de
l'Assemblée Nationale. Ses deux vice-présidents furent Anatole de
Monzie, député et ancien ministre, et Georges Bourgin, conservateur
aux Archives nationales. Son directeur était Boris Nicolaïevsky
socialiste russe en exil, auteur d'une biographie de Karl Marx, en
collaboration avec Otto Maenchen-Helfen, La vie de Karl Marx,
l’homme et le lutteur, (Paris, Gallimard, 1937) et collaborateur du
Sotsialistitcheski vestnik (Courrier socialiste).
- 372 -
de France à Berlin, Monsieur François-Poncet. Il dit à peu près
textuellement à Souvarine : «Nous dirons aux allemands que ces
archives sont acquises par la Bibliothèque nationale. L’essentiel est
d'empêcher leur destruction». L'opération fut menée à bien à Berlin
par Boris Nicolaïevsky avec l'aide de l'ambassade de France. Elle fut
répétée pour les archives du Bund. Souvarine précise : «Par la suite,
je n'ai plus eu à m'occuper directement des archives. C'est Boris
Nicolaïevsky qui assuma les tâches pratiques, qui s'entendit avec M.
Posthumus, directeur de l'Institut d'Amsterdam, pour régler
certains problèmes L»
* «Comment les archives social-démocrates ont été sauvées». Le Contrat social, vol.
VIII, n° 4, juillet-août 1964, p. 201-202.
2 Gérard Rosenthal, Avocat de Trotsky, Paris, Ed. Robert Laffont, 1975, p. 193.
- 373 -
a été tout entière menée par le service “Action” du N.K.V.D. dont le
chef Pavel Anatoliévitch Soudoplatov avait aussi Trotsky et Liova
[Léon Sedov] dans sa ligne de mire. Le général Volkogonov a
récemment révélé que l'opération “archives” avait été préparée sur
les informations de Zborowski et menée à bien d'un bout à l'autre
par une équipe de spécialistes venus de Moscou et dirigés par
l'agent du service Iakov Isakovitch Sérébriansky L»
- 374
L'année suivante, après la perquisition effectuée par de faux
policiers au domicile de Jeanne Maurin, 22 rue d'Orléans à Neuilly-
sur-Seine, Souvarine pouvait indiquer, à la suite d'un dépôt de
plainte, qu'il avait été suspecté dans plusieurs rapports, à la suite
du cambriolage de la rue Michelet 1. Il est donc permis de
reprendre les interrogations de Pierre Broué à propos des
agissements des services soviétiques en France dans cette période :
«Les autorités françaises ne savent-elles pas qu'elles ont affaire à
une bande organisée qui dispose de moyens d'Etat (...) ? Ou bien au
contraire le savent-elles et tiennent-elles compte d'une certaine
raison d'Etat ? *2»
- 375
Russie soviétique. D'octobre 1939 à mars 1940, il écrivit également
quelques articles pour Paris-Soir
- 376 -
parution dans son n° 20 (1er mars 1938). Son origine remontait
avant les élections de 1936. Cette première phase a été expliquée
par un de ses fondateurs comme suit : «Quelques-uns d'entre nous,
appartenant au milieu dit patronal, tentent de mettre au clair leurs
idées communes sur les réformes nécessaires. Il ne s'agit pas
d'établir un plan de réformes (nous sommes adversaires du
planisme) mais de marquer les d ir e c tio n s essentielles dans
lesquelles les réformes doivent être recherchées, et de préciser
quelques applications.»
- 377 -
Les fondateurs de la revue cités par Souvarine appartenaient
tous au personnel dirigeant de la grande industrie ou de la haute
fonction publique, avec pour certains d'entre eux des passages de
l'une à l'autre l .
1 Les renseignements sur ces personnalités sont tirés du livre de Claude Paillat
Dossiers secrets de la France contemporaine, La guerre à l'horizon (1930-1938),
Paris, Robert Laffont, 1981, p. 305-314.
378
dominicains, il se lie avec Emmanuel Mounier et à la revue
Esprit l .»
1 Ibidem, p. 309.
2 «Louis Armand, la prospective chez Auguste Detœuf» (Le Figaro, 31 mai 1967), in
Simone Pétrement, op. cit., p. 18.
3 Cf. La Condition ouvrière, p. 245-259, lettres à Auguste Detœuf (1936-1937).
4 Simone Pétrement, t. II, op.. cit., p. 92.
- 379 -
sûr on est dans ce cas très éloigné des perspectives de travail de La
Critique sociale. Cependant une continuité est à l'œuvre dans les
préoccupations intellectuelles de Souvarine. Son dernier article de
La Critique sociale sur «Les journées de février» mérite d'être relu
à la lumière de ses engagements ultérieurs. A propos du parti
socialiste, il souhaitait que sous l'effet d'une crise aiguë et profonde,
il puisse devenir «le point de départ d'un mouvement de révision
des idées, de regroupement des tendances et des individus, avec
des critères inédits» (C.S. II, p. 205). La référence au parti socialiste
mise à part, ces termes ne peuvent-ils pas s'appliquer au projet de
«liberté de pensée» des Nouveaux cahiers ?
- 380 -
de pays anglo-saxons) 1. Souvarine participa le 25 octobre 1937 à
une séance de confrontations sur le problème de «L'action des
étrangers et des puissances étrangères en France» (le compte
rendu fut publié dans le n° 15, 1er décembre 1937). Le professeur
Vermeil fit l'exposé initial sur l'action de l'Allemagne suivi de M.
Tarchiani sur l'Italie, et enfin de Boris Souvarine sur l'U.R.S.S. 12.
1 D'après l'article «Confrontations», Les Nouveaux cahiers, n° 20, 1er mars 1938.
2 L’intervention de Souvarine a été reproduite par Commentaire, n° 63, automne 1993,
sous le titre de : «L'espionnage soviétique en France à partir de 1932», p. 611 et
622.
- 381
Souvarine notait une évolution de la politique soviétique à
partir de 1932 et surtout de 1934. Auparavant une stricte division
du travail était observée entre agents soviétiques et membres du
parti. Depuis ces deux dates, «l'activité des partis communistes,
celle des Ambassades et celle du Guépéou s'enchevêtrent de façon
de plus en plus serrée». Enfin, la tactique russe à l'étranger depuis
1934 considérait toute doctrine comme un obstacle. Désormais elle
se préoccupait exclusivement de «rassembler à son profit de
grandes forces sous n'importe quel drapeau ou formule
idéologique» afin d'accroître son influence dans les sphères
gouvernementales et les institutions d'Etat comme la police, ainsi
que le prouvait la situation espagnole.
1 Sur ces affaires, on consultera notamment, «Les crimes du Guépéou : documents sur
les assassinats d'Ignace Reiss et de Rudolf Klement», Les Cahiers du C.E.R.M.T.R.I.,
n° 37, juin 1985.
- 382 -
c'était là l'œuvre du N.K.V.D. accomplie par des émigrés ^ S e r g e
Efron, le mari de Marina Tsvetaïeva et militant actif du mouvement
pour le retour, fut impliqué dans l'affaire Reiss *2.
* Elisabeth K. Poretski : Les Nôtres. Vie et mort d'un agent soviétique, Paris, Dossier
des Lettres nouvelles, Denoël, 1969, p. 262. D'après Maurice Nadeau c'est Boris
Souvarine qui l'incita à publier l'ouvrage d'E. Poretski (Lettre du
11 septembre 1985). En dehors de ce livre il faut également consulter les M ém oires
d’un révolutionnaire de Victor Serge et Avocat de Trotsky de Gérard Rosenthal.
2 Michel Heller et Aleksandre Nekrich, op. cit„ p. 260-263, sur le rôle de
l'émigration et son utilisation par le N.K.V.D. en Europe Occidentale.
3 Gérard Rosenthal, op. cit., p. 229-235.
4 Pierre Broué, Léon Sedov, op. cit.
$ Léo Malet, «L'assassinat de Rudolf Klement» in Enigmatika — dossier Léo Malet,
Paris, Editions de la Butte aux Cailles, 1982 (article repris du Crapouillot).
383
A cette liste d’événements tragiques, il faudrait ajouter ceux
d'une toute autre ampleur, survenus en Espagne et dont l'assassinat
d'Andrès Nin constitue le symbole de la terreur stalinienne sur les
révolutionnaires espagnols. Nous y reviendrons à propos des
commentaires de Boris Souvarine sur la situation espagnole.
- 384 -
partir aux Etats-Unis, Barmine s'adressa à des socialistes comme
Marceau Pivert, fut hébergé quelque temps chez Maurice Wullens,
et rencontra le menchevik Fedor Dan et Souvarine. De ce dernier, il
dira : «Je lui trouvai les tempes grisonnantes, le sourire amer, trop
désillusionné, mais aussi vif et mordant que dans nos discussions
d'autrefois à Moscou, à l'époque du IVe congrès du Komintem» U
* Ibidem, p. 55.
- 385 -
La pensée libre est bienveillante et compréhensive
1 Sur les rapports Bernier-Ridel, on consultera notre notice sur Louis Mercier (dit,
notamment, Charles Ridel) dans le D .B .M .0 .F .,t. 36, pp. 243-245. Sur les rapports
Weil-Ridel, on se reportera au «Journal d'Espagne» (août 1936) de Simone Weil,
dans les Œuvres complètes, t. II, vol. II, et à «Simone Weil sur le front d'Aragon» de
Louis Mercier-Vega, in Les Ecrivains et la guerre d’Espagne (Dossiers H., Panthéon
Press France, 1975).
386 -
socialiste était un signe patent de sa déchéance intellectuelle. Il est
à noter que les articles appréciés par Ridel incluaient très
certainement ceux de Souvarine ; alors que Daniel Villey prenait la
peine de signaler que son éloge des Nouveaux cahiers s'arrêtait à
ceux-ci.
- 387
B. UNE POSITION ORIGINALE DANS LE PAYSAGE
POLITIQUE.
- 389 -
un certain optimisme qui aide à vivre. Or c'est justement ce que je
suis incapable de faire...» l.
* Ibidem.
2 «La vie troublante de Ciliga, communiste yougoslave», Témoignage d'Ante Ciliga
recueilli par Marc Lazar et Jean-Louis Panné, L'H istoire, n° 103, septembre 1987,
p. 7 4 -7 7 .
390 -
s'agissait en aucune manière «d'une résurrection de l'ancien
C ercle» l . Les moyens d'action suivants étaient envisagées :
«édition de petites brochures destinées à être répandues dans les
milieux ouvriers et autres par la Librairie du Travail, le Nouveau
Prométhée et différentes associations politiques» ; des conférences-
discussions, si cela était possible, notamment par l'usage d'un local.
Le programme d'édition insistait sur la richesse de la matière sur
ces questions et donnait à titre indicatif les propositions suivantes :
«1) une brochure sur les décrets soviétiques (cf. livre de Boris) 2)
une brochure sur le stakhanovisme 3) la traduction d'un article de
Zinzinov paru dans les Dernières nouvelles etc...».
- 391
«1° — Des textes authentiques et documents officiels, en
premier lieu de source bolchéviste, scrupuleusement vérifiés et
traduits de première main, avec indication d'origine contrôlable;
- 393 -
C'est, probablement, en pensant à de tels faits que Souvarine
déclara à Victor Serge, récemment expulsé d'U.R.S.S. et accueilli à
Bruxelles : «La vérité toute nue, le plus fortement possible, le plus
brutalement possible ! Nous assistons à un débordement
d'imbécillité dangereuse !» A contrario, Victor Serge rapportait que
tous les amis qui venaient le voir de Paris insistaient pour qu'il ne
dise rien sur l'U.R.S.S., afin de ne pas décevoir les «masses
magnifiques» pour qui l'U.R.S.S. représentait «une pure étoile» 1 .
- 394 -
association, consacré à la réfutation du témoignage du syndicaliste
Kléber Legay, publié par les Amis de la vérité sur l'U.R.S.S., avant
d'être repris en volume avec une préface de Georges Dumoulin aux
éditions Pierre Tisné en septembre 1937. Grenier écrivait à propos
de cette dernière association : «Ce groupement que j'ai connu pour
la première fois à Saint-Denis, aux élections de 1936, éditait alors
des tracts dactylographiés et faisait savoir que le secrétaire de la
section dyonisienne, M. Falasse, un des lieutenants de Doriot,
recevait les adhésions à la Mairie. C'est ce même groupement,
constitué uniquement pour combattre les Amis de l'U.R.S.S. qui
vient d'éditer en brochure le rapport de Kléber Legay 1 . »
1 «Kléber Legay n'a pas tout dit», Russie d'aujourd'hui, n° 66, 1er octobre 1937.
2 — «Une brochure de Souvarine» (L.D.), Le Libertaire, n° 567, 16 septembre 1937,
— «A propos de la brochure de B. Souvarine “Cauchemar en U.R.S.S.”» (J.A.),
L'Internationale, n° 32, 13 novembre 1937,
- 395 -
Son nom figurait également parmi la centaine de militants,
historiens, sociologues ou économistes à qui fut envoyé en 1937 un
questionnaire intitulé «Faut-il réviser le marxisme ?» pour la revue
Essais et combats (n° 6, novembre 1937). La plupart des anciens
militants du C.C.D., ou collaborateurs de La Critique sociale, comme
Georges Bataille, Paul et Gina Bénichou, Jean Bernier, Jean Dautry,
Lucien Laurat, Jacques Perdu, Marcelle Pommera, Jean Prader,
Charles Rosen, Simone Weil, etc., figuraient dans cette liste de noms.
396 -
services en excitant la réplique, en suscitant d'utiles controverses là
où l'esprit critique tombait en sommeil» (C .S. I, p. 2). A l'époque de
La Critique sociale, Souvarine semblait considérer que la révision
du marxisme était dans la nature même de la doctrine. Dans ce
cadre les questions posées par les révisionnistes étaient souvent les
bonnes. Par contre les réponses qu'ils apportaient aux réels
problèmes soulevés étaient souvent contestables.
- 397 -
Souvarine poursuivait son raisonnement jusqu' au bout : «Le
socialisme sous toutes ses formes et variantes, syndicalisme,
anarchisme, communisme, a tenu lieu pendant un siècle de religion
(au sens de lien entre les hommes) aux révolutionnaires qui
entendaient créer une harmonie sociale en reclassant les valeurs
humaines par la persuasion ou par la violence. L'impuissance du
socialisme dans ses écoles réformatrices et sa faillite scandaleuse
dans les expériences révolutionnaires font renaître l'angoisse
religieuse en même temps que l'horreur du vide en politique. Le
difficile n'est pas tant de rompre avec une doctrine révélée fausse à
l'épreuve, bolchevisme ou autre, que de mettre quelque chose de
nouveau à sa place. Quant au recours à quelque chose d’ancien, la
résistance opposée par le christianisme à certains aspects du
fascisme, au racisme et au pan-étatisme, en pleine carence de la
social-démocratie et du communisme, l'attitude critique de la
papauté envers les totalitarismes de droite et de gauche, ne
suffisent pas jusqu'à présent à dissiper cette angoisse et cette
horreur, ni à répandre des certitudes. La question reste donc
entière et il n'est pas dit que notre humanité soit capable de la
résoudre.»
- 399 -
absence des colonnes de la presse d'extrême-gauche ou de certains
comités d'intellectuels anti-staliniens. On peut émettre l'hypothèse
que c'est essentiellement parce qu'il ne croit plus, depuis la fin du
C.C.D., à une quelconque possibilité de redressement d'un
mouvement ouvrier qui oscille entre l'impuissance des réformismes
et la soumission à un Etat totalitaire qui vient dénaturer son action
et pervertir ses objectifs. Ce sont ses propres termes d'«agonie de
l'espérance socialiste» qui nous paraissent le mieux expliquer sa
position singulière. Position qui n'est que difficilem ent
compréhensible par une simple référence à des notions a-
historiques de «droite» ou de «gauche», mais qui prend tout son
sens si on l'analyse comme une réponse individuelle à la tragédie
de la défaite du mouvement ouvrier révolutionnaire de l'entre-
deux guerres pour des décennies. Comme l'écrivait Ortega y Gasset
que Souvarine s'est souvent plu à citer : «Etre de gauche ou être de
droite, c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à
l'homme d'être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes
d'hémiplégie morale. De plus la persistance de ces qualificatifs ne
contribue pas peu à falsifier encore davantage la réa lité du
présent, déjà fausse par elle-même ; car nous avons bouclé la
boucle des expériences politiques auxquelles ils correspondent,
comme le démontre le fait qu'aujourd'hui les droites promettent
des révolutions et les gauches des tyrannies l .» Ce n'est donc plus le
militant révolutionnaire qui va s'exprimer sur l'U.R.S.S. et les
relations internationales mais un observateur engagé de la montée
en puissance des totalitarismes, qui voulait comprendre les Etats
totalitaires pour mieux les combattre.
1 Cité par Boris Souvarine dans Autour du Congrès de Tours, Paris, Editions Champ
Libre, 1981, p. 15. Cf. José Ortega y Gasset, La Révolte des masses, Paris, Stock,
1961, p. 32.
- 400 -
II «CAUCHEMAR EN U.R.S.S.»
* Nicolas Werth, Les Procès de Moscou, Bruxelles, Ed. Complexe, coll. La mémoire du
Siècle, 1987, p. 15.
- 401
les accusés étaient, en tous points, reconnus coupables et
condamnés à mort. La sentence leur fut appliquée avant même la
fin de l'expiration du délai prévu par la législation pour qu'ils
puissent faire appel de ce verdict.
- 402 -
fonctionnaires les survivants de sa première révolution ? Et cette
“passion juridique” de la bourgeoisie libérale qui agitait la France et
l'Europe pour l'honneur d'un juif dégradé ? Et la “religion du goût”,
cette faculté de l'âme qu'on ne saurait offenser sans mettre en
question la dignité de tous les hommes ? 1»
1 Charles Plisnier, Faux passeports, Arles, Actes Sud, Coll. Labor, 1991, p. 311.
Charles Plisnier (1896-1952) était avocat. Engagé très jeune dans le mouvement
communiste, il quitta le Parti communiste belge au congrès d'Anvers en 1929. Sur
son itinétaire, on consultera l'étude de José Gotovitch et Anne Morelli «Faux
passeports pour la révolution», in Entre l'Evangile et la Révolution, Charles
Plisnier, Etudes et documents rassemblés par Paul Aron, Bruxelles, Ed. Labor, Coll.
Archives du Futur, 1988, p. 17-39.
2 Stéphane Courtois, «La gauche française et l'image de l'URSS.», Matériaux pour
l'histoire de notre temps, n° 9, janvier-mars 1987, p. 17.
- 403 -
simple à qualifier. Il s'agit d'un soutien sans faille aux accusateurs
et aux bourreaux. Sous le titre «La Révolution se défend»,
L 'H u m a n ité du mercredi 26 août 1936 annonçait dans un petit
article en première page l'exécution des «seize terroristes
trotskystes». Pour le rédacteur anonyme de ce quotidien, «il n'est
pas un travailleur honnête, pas un socialiste sincère, pas un ami de
la paix qui ne puisse approuver l'acte de légitime défense de l'Etat
socialiste contre la bande d'assassins et d'espions dont la tâche était
de préparer l'agression hitlérienne et japonaise contre le pays du
socialisme. Il n'y a que les ennemis du socialisme, vils agents de la
bourgeoisie, qui peuvent s'élever contre la justice du peuple
soviétique.»
* Ibidem, p. 17.
- 404 -
Noces de sang qu'illustre parfaitement le compte-rendu que
fit Simone Weil, dans La Révolution prolétarienne, du congrès de
l'Union des syndicats de la région parisienne les 5, 6 et 7 février
1937 ; le verdict du second procès ayant été prononcé le 30 janvier
et les condamnés à mort exécutés, comme précédemment, dans les
24 heures. Evoquant l'intervention du délégué soviétique à la
tribune du congrès, dans une ambiance de complaisance ou de
passivité de l'auditoire à propos du procès, Simone Weil écrivait
pour les lecteurs de la revue syndicaliste révolutionnaire :
«Impossible de décrire la brutalité, la bassesse avec laquelle le
délégué russe s'est exprimé, pendant de longues minutes,
concernant la dernière fournée de fusillés. La claque a fonctionné
(...) Quelques uns sont restés assis (...) On n'est quand même pas fier
de chanter l'Internationale pour applaudir des condamnations à
mort L»
- 405
centaines de milliers de nouveaux syndiqués, modifiant la
composition sociale de la confédération.
Toujours selon Michel Collinet, «la C.G.T., avant 1936, était une
organisation d'ouvriers qualifiés très particulièrement dans la
mécanique, les produits chimiques, l'alimentation ; au lendemain de
l'accord Matignon, elle devient une organisation d'ouvriers non
qualifiés. Ses effectifs dans l'industrie de transformation (sauf dans
les mines) passent de 238.000 à 2.650.000 personnes. Ils sont
multipliés par onze. Sous la même étiquette, c'est une organisation
nouvelle qui voit le jour dont les réactions et l'esprit seront
différents du passé L»
Ibidem , p. 118-119.
2 Ibidem, p. 120.
- 406 -
ne paraissaient pas assez dociles aux tendances qui voulaient
dominer la C.G.T. L»
* Edouard Dolléans, Histoire du mouvement ouvrier, t. III, de 1921 à nos jours, Paris,
Armand Colin, 1960, p. 176.
2 Annie Kriegel, Les Internationales ouvrières, Paris, Presses Universitaires de
France, Que sais-je ? n° 1129, 1983, p. 84.
- 407
stratégie internationale contre le fascisme. l » En effet, Blum liait
explicitement «la préservation de la paix européenne à l'unité des
démocraties occidentales avec l'U.R.S.S. 12». Le regroupement des
forces antifascistes était à l'ordre du jour aussi bien en politique
intérieure qu'en politique internationale, la seconde déterminant
largement la première.
1 «Léon Blum, les socialistes français et l'Union soviétique» par Olivier Duhamel et
Nicole Racine, dans l'ouvrage collectif publié sous la direction de Lily Marcou,
L'U.R.S.S. vue de gauche, Paris, Presses universitaires de France, 1982, p. 121-153.
2 Ibidem.
3 «Au secours des travailleurs russes !» par Marcelle Pommera, Le Combat marxiste,
n°10 -ll, juillet-août 1934.
- 408
militaire et si ceux-ci ne l'ont pas dénoncé, fût-ce par ignorance (...)
Le Populaire passe sous silence les faits les plus essentiels de la vie
soviétique, contrairement à son devoir dustrict point de vue
journalistique, pour ne pas parler du point de vue socialiste L»
«Ce que Le Populaire n'a pas dit» par Lucien Laurat, Le Combat marxiste, op. cit.,
p. 12.
- 409 -
mais par respect pour les principes de justice dans la défense des
prisonniers politiques, quelles que soient leurs opinions.
- 410 -
lignes plus loin que l'U.R.S.S. perfectionnait constamment ses
institutions démocratiques.
- 411
Il faudra attendre ensuite une semaine pour que Le Populaire
revienne sur la question des procès avec un long et courageux
article de Maurice Paz 1. Après avoir souligné que «le
gouvernement de l'U.R.S.S. n'est pas un gouvernement “tabou”»,
Maurice Paz ajoutait habilement : «Pas plus que notre
gouvernement de Front populaire à direction socialiste. Nos
camarades communistes nous le font bien voir, qui ne se gênent pas
pour critiquer ici ce qui leur déplaît.»
- 412 -
Au niveau de la défense, Paz notait, après de Brouckère, que
tous les accusés s'étaient accordés à refuser le concours de
défenseurs et avaient rivalisé dans une apologie délirante de
Staline, d'une part, dans l'auto-accusation de tout ce qui leur était
reproché, d'autre part. Après un déroulement exceptionnellement
court de cinq jours pour un procès de cette importance, Paz
soulignait que les accusés avaient tous été exécutés à la sauvette
par le Guépéou. Paz signalait en outre que, malgré le caractère
précipité des événements, l'I.O.S. et la F.S.I. avaient pu se faire
entendre, au travers notamment du télégramme commun cité
précédem m ent.
- 414
pourquoi on l'obligeait «à choisir entre la parole, qui est un danger,
et le silence qui serait une honte ?» Cette conjugaison un peu
curieuse au futur n'était-elle pas une façon de ne pas dire que le
silence passé était bien, au nom des principes socialistes que Blum
revendiquait, une honte !
- 415
(ahurissants) des victimes. Rosenmark ne craint pas d'écrire : “sans
manquer de déférence à Aristote, j'estime que douter de la
sincérité des aveux serait en la circonstance un manque absolu
d'esprit scientifique et contraire à toutes les règles en matière de
preuve” 1.»
- 416 -
Le cas des intellectuels du P.C.F., ou sypathisants, ne pose
guère de problème de caractérisation. Les déclarations d'Aragon,
évoquées plus haut, se suffisent à elles-mêmes. Mais au-delà des
militants les plus convaincus, «dans son ensemble, l'intelligentsia de
gauche hésite à prendre parti dans ce qui apparaît à certains
comme un règlement de comptes entre trotskystes et staliniens :
“nous n'avons, quant à nous, écrit Jean Guéhenno dans
l'hebdomadaire de gauche V e n d r e d i , où s'expriment les
intellectuels gagnés au Front Populaire, à être staliniens ni
trotskystes : ce sont là des affaires spécifiquement russes L»
- 417
pas ses collaborateurs ! Remarquons tout de même que les réponses
reçues s'équilibrent à peu près : 6 contre Staline : Duhamel,
Goldstein, Hubermont, Jolinon, Lalou et Paulhan ; 6 pour, plus ou
moins nettement, et avec plus ou moins de précautions : Dujardin,
Freinet, Gromaire, Hamon, Prenant, Prévost. Quant à Jules Rivet qui
s'en fout et Eugène Merle qui ne s'en fout pas, on peut évidemment
les joindre au groupe des staliniens. Mais on peut ajouter aux
autres : Jean Galtier-Boissière, Jean Giono, Victor Margueritte, Paul
Rivet, Jules Romains et Charles Vildrac, qui ne nous ont pas
répondu, mais ont signé “l'Appel aux hommes” 1.»
* Les Humbles, n° 1, janvier 1937, p. lâ. Les citations suivantes sans indication
d'origine sont également extraites des «quelques commentaires» de Wullens, p. 18-
21.
- 418
ont les débouchés possibles (revues, journaux, public des
conférences, etc...), ni aux amis hérétiques dont on veut tout de
même conserver l'estime...»
- 420 -
puissante propagande des grandes machines totalitaires et à des
complicités multiformes pour imposer le silence aux points de vue
hérétiques ou non-conformistes.
- 421
La Fédération syndicale internationale ne répondit pas à cette
injonction pressante. Contacté par Leon Trotsky lui-même, N.
Schevenels, le secrétaire général de la F.S.I. écrivit laconiquement à
son avocat Gérard Rosenthal : «Le Bureau de la Fédération syndicale
internationale est surpris d'être saisi d'une requête concernant
l'examen du dossier Trotsky. Il considère que cette affaire est de
façon évidente d'un caractère purement politique et qu'il
n'appartient pas à la F.S.I. de s'en occuper alors qu'il existe un
nom bre considérable d 'o rg an isatio n s et d 'in stitu tio n s
internationalistes politiques et juridiques auxquelles vous pourriez
vous adresser.» Trotsky commenta cette réponse en proposant de
créer «une commission de savants pour classer les canailles par
catégories : “canailles politiques”, “canailles syndicales”» L
- 422 -
trop apparenté au bolchevisme de Staline». Pour lui, les inculpés
connus étaient, à l'évidence, innocents des crimes imaginaires dont
ils se chargeaient, tandis que les inculpés inconnus n'étaient que
des instruments aux mains de la Guépéou. A propos des «aveux»,
Souvarine notait déjà qu'ils avaient été obtenus «sous menace de
mort ou de torture et promesse de vie sauve». Le seul véritable
acte criminel évoqué au procès était le meurtre de Kirov «dont la
Guépéou est entièrement responsable» : c'était «l'attentat isolé d'un
isolé» qui ne révélait tout au plus dans les milieux communistes
non conformistes qu'un «état désespéré, non une organisation».
Pour Souvarine, «les terroristes en Russie sont au pouvoir et non
dans les rangs.» Sa conclusion était aussi implacable que
prémonitoire : «Etant donné l’indifférence de l'opinion publique
occidentale, on doit s’attendre, hélas ! à de nouveaux soi-disant
procès, à de nouveaux prétendus aveux, suivis de nouveaux
massacres.»
1 «Les Dieux ont soif... L'assassinat légal et publicitaire de Zinoviev, Kamenev, et des
autres compagnons et amis de Lénine», L'Internationale, n° 23, 28 octobre 1936.
2 Gérard Roche, «Défense et contre-enquête en France» dans le n° 3, juillet-septembre
1979, des Cahiers Leon Trotsky, Les procès de Moscou dans le monde. A la suite de
cet article était reproduit l'«Appel aux hommes», les lettres de Leon Sédov à Marcel
- 423 -
Après quelques hésitations, il fut rédigé le 2 septembre 1936 et
signé par douze membres du groupe. Il fut lu par André Breton lors
d'un meeting à la salle Wagram, le 3 septembre. Dans cette
déclaration Staline y était qualifié de «principal ennemi de la
révolution prolétarienne».
Martinet, une lettre de M. Martinet à Leon Trotsky et une lettre de Pierre Naville à
Herbert Solow.
1 Le texte était paru dans le n ° spécial des H um bles, le dossier des fusilleurs op. cil
Cette déclaration était signée par Adolphe Acker, André Breton, Georges Henein,
Maurice Henry, Georges Hugnet, Marcel Jean, Léo Malet, Georges Moutou, Henri
Pastoureau, Benjamin Péret, Gui Rosey, Yves Tanguy.
Elle est reproduite dans les Tracts surréalistes et déclarations collectives, t. I, de
José Pierre avec le commentaire suivant : «Ce texte, selon toute vraisemblance
entièrement rédigé par Breton, nous paraît un modèle de lucidité et d'analyse
politique». De son côté dans son article «Défense et contre-enquête en France»,
Gérard Roche écrit, à partir des carnets de Marcel Martinet : «Henry Pastoureau
prend contact avec Marcel Martinet pour lui demander de rédiger une protestation
contre le procès Zinoviev. Martinet note dans ses carnets : “Aurai-je la force d'écrire
quoi que ce soit ? Je suis accablé de dégoût”. Finalement, il rédige ce texte le 2
septembre 1936 et l'envoie à Pastoureau.»
- 424
modéré, peut-être même très modéré, afin de permettre le plus de
signatures possible et cet appel devra avoir comme conclusion et
comme revendication immédiate d'après moi, que l'opinion
publique prolétarienne, démocratique mondiale doit créer une
commission d'enquête qui aura l'autorité nécessaire pour examiner
toutes les pièces qu'on lui soumettra, entendre les témoins etc. 1»
1 Gérard Roche, op. cil. p. 101 et 103 pour les deux citations suivantes.
- 425
donne tout son temps et se charge de toutes les besognes les plus
infimes comme les plus importantes L»
- 426 -
Au début du mois d'octobre 1936, Marcel Martinet entreprit
la rédaction d'un appel contre les procès dans le sens indiqué par
Leon Sedov. Il fut aidé dans sa tâche par plusieurs militants,
notamment Marguerite Rosmer, Pierre Monatte et Michel
Alexandre. «L'Appel aux hommes» parut dans La Lutte ouvrière
(20 octobre 1936), le journal du P.O.I., et fut diffusé en tract, avant
d'être repris par une revue comme Les Humbles.
Cet appel était adressé aux militants «de tous les partis qui se
disent dévoués à la libération des travailleurs» et à tous ceux qui
luttaient pour «la justice sociale et la dignité de l'homme». Parmi
les soixante-quatorze premiers signataires, seuls les noms de
Jacques Baron, Georges Bataille et Maurice Dommanget pouvaient
être familiers aux anciens lecteurs de La Critique sociale. Parmi les
principaux rédacteurs de cette revue et/ou militants des deux
Cercles, il est frappant, sur un tel sujet, de constater l'absence de
Jean Bernier, Pierre Kaan, Lucien Laurat, Jacques Perdu, Charles
Rosen, Simone Weil etc., outre celui de Souvarine dont on a vu
précédemment la raison.
- 427 -
signer cet appel, Bataille répondit : «Pour la protestation au sujet du
procès de Moscou, elle m'a été soumise hier et je l'ai aussitôt signée.
Je pense cependant que cette protestation a beaucoup moins de
sens que le procès lui-même qui restera n'importe comment, l'un
des signes les plus expressifs de temps que personne n'aurait osé
prévoir aussi sombres. Depuis quelques années que la nuit tombe,
on peut dire qu'elle est aujourd'hui complètement noire, et ceux qui
se condamnent encore à protester contre une aussi accablante
obscurité n'arriveront guère qu'à en souffrir un peu plus L»
- 428
politiques entre les trotskystes et des socialistes comme Magdeleine
Paz, le comité accomplit un gros travail d'information sur les procès,
grâce notamment à son bulletin dont le premier numéro parut en
janvier 1937 avec de nouvelles signatures à «l'Appel aux hommes»,
notamment de Jules Romains, Charles Plisnier, Colette Audry, Han
Ryner, Sylvain Itkine et les signatures collectives de nombreuses
sections de la Ligue des droits de l'homme. Le supplément du n° 1
du Bulletin contenait d'ailleurs un mémorandum de Leon Sedov
adressé au Comité central de la Ligue des droits de l'homme.
- 429 -
C'est dans une autre perspective que Souvarine publia son
premier article sur les procès l . Il tentait de résoudre, ou, tout au
moins, de donner un début d'explication à l'attitude des condamnés.
En effet, dans tout procès ordinaire, un accusé tente d'expliquer son
geste par les circonstances, pour minimiser sa faute, ou clame son
innocence s'il s'estime victime d'une erreur judiciaire. «Mais il n'est
ni humain ni normal que des inculpés, fussent-ils coupables, à plus
forte raison innocents, se chargent eux-mêmes de crimes
inexistants, voire inconcevables, avec une sorte de frénésie
maladive.»
- 430 -
merci, même concurrence d'orthodoxie, mêmes scènes de contrition,
même louange servile élevée vers le chef». De toutes ces
constatations, il ressortait que «l'âme slave» était hors de cause.
- 432 -
de la condamnation à mort de Toukhatchevski et de sept généraux
de l'armée rouge : «Staline veut rester l'unique survivants des
compagnons d'armes de Lénine et n'avoir autour de lui que des
médiocres incapables de regarder “le soleil” en face. Car Staline
exige qu'on le compare au soleil. La parole est aux psychiatres L»
Cependant, l'année suivante, toujours à propos de l'armée rouge,
Souvarine commença à s'interroger, sur un mode aussi ironique que
le sujet pouvait le permettre, des motifs profonds d'une
«épuration», dont il donnait une estimation de l'ordre de 20.000 à
30.000 victimes pour les seuls cadres de l'armée : «C'est à se
demander si vraiment Hitler ne dispose pas en Russie d'un agent de
premier ordre ayant nom Staline, et qui lui procure tant de
victoires sans batailles 12.»
- 433 -
d'une manière irréfutable les contradictions flagrantes de
l'argumentaire de l'accusation. A propos de Trotsky, il notait : «dix
ans après la défaite de Trotsky, et même après l'arrestation de tous
les trotskystes (...) le trotskysme est déclaré ennemi public n° 1
dans cet Etat soviétique d'où Staline prétendait l'avoir extirpé.» Le
même type de contradiction se retrouvait au niveau des faits
économiques, les magistrats succès de la construction du socialisme
de la propagande des Amis de l'Union soviétique réfutant les
accusations de sabotage, d'une ampleur fantastique, dont de
nombreux cadres du régime étaient accusés.
Dans une société qui n'avait pas supprimé les classes «mais
seulement modifié et radicalisé le mécanisme du mode
d'exploitation de l'homme par l'homme et les procédés
d'appropriation par une minorité privilégiée des fruits du travail de
la majorité laborieuse», le Parti exerçait «une hégémonie sans
contre-poids ni frein». «Le régime ainsi établi ayant supprimé toute
expression normale des intérêts collectifs et des besoins
individuels, refoulé toute activité spirituelle, étouffé la pensée libre,
les concurrences et les rivalités se traduisent en fin de compte par
ces épurations, évictions, persécutions homicides dont les
événements actuels ou récents offrent les aspects les plus odieux,
sous l'idéologie officielle.» A propos du dictateur lui-même,
Souvarine, citant Frédéric Engels, pensait que «la terreur est faite
de “cruautés inutiles commises par des gens qui ont peur eux-
mêmes”».
- 435
Fi gar o du 1er mars 1938. Ce procès, que Souvarine qualifiait
d'emblée de «monstrueux», rassemblait vingt et un dignitaires
soviétiques dans «un “amalgame” invraisemblable de personnages
dont les noms seuls suffiraient à discréditer toute l'affaire»,
puisque l'on y trouvait aussi bien des personnages de premier plan,
Boukharine, Rykov et Rakovsky en tête, que des serviteurs zélés et
inconditionnels de la politique de Staline, comme Iagoda, l'ancien
chef du Guépéou et commissairedu Peuple à l'Intérieur et à la
Sûreté. Cet ancien pourchasseur de «trotskystes» de tout acabit se
retrouvait un des principaux inculpés d'un procès contre le «bloc
trotskyste-boukharinien», où les inculpés se voyaient accusés
d'avoir obéi, depuis 1921, à différents services d'espionnage
étrangers hostiles à l'U.R.S.S., afin de saboter la production,
fomenter des actes de terrorisme, saper ses moyens militaires de
défense et préparer une agression étrangère visant à démembrer le
pays et à restaurer le capitalisme.
- 436 -
victimes expiatoires à titre justificatif comme à titre exemplaire et,
d'autre part, il ne peut laisser vivre des individus qui le maudissent
en secret tout en chantant sa gloire.»
1 «Le procès monstre est ouvert», Le Figaro, 3 mars 1938. Ce dernier détail était-il un
signe annonciateur de la fameuse affaire des blouses blanches, dénoncée par
Souvarine dans une brochure signée Gédéon Haganov, Le communisme et les «juifs»?
2 «Krestinki s’est avoué coupable. Boukharine et Ivanov se sont accusés des pires
forfaits», Le Figaro, 4 mars 1938.
3 «Les accusés dénoncent leurs “complices” de France et d'Angleterre», Le Figaro, 6
mars 1938.
- 437 -
accusés, à bout de ressources défensives, avouaient
systématiquement des énormités incroyables comme ultime moyen
de susciter le doute 1.» L'épisode Buré-Rakovsky en était la
confirmation, de même que sa dernière déclaration qui laissait
entendre que ses aveux n'étaient ni l'expression de la vérité ni du
repentir, «mais un moyen de lutter contre le fascisme». De même
Boukharine tendait «à avouer toutes sortes de crimes théoriques
vagues et insaisissables (...) et à nier désespérément les crimes
précis, concrets, pratiques, dont le procureur essaie de le
convaincre».
Ainsi qu'il devait l'écrire bien plus tard, «dans les années
précédant la guerre, l'idée fixe de Staline, corollaire de sa
mégalomanie sanguinaire, était de s'entendre avec Hitler pour
détourner vers l'Ouest les hostilités menaçantes, et dans l’intention
d'intervenir in extremis, après épuisement des belligérants, avec
des forces intactes. Cette obsession exigeait, selon la logique du*2
- 438 -
paranoïaque, l'annihilation physique de tous les individus
susceptibles d'objecter à la connivence monstrueuse du
communisme soviétique avec le national-socialisme allemand, donc
la suppression de tous les bolcheviks de droite et de gauche tant
soit peu respectueux de leur doctrine traditionnelle. Elle
condamnait à mort, en outre, les principaux militaires et les
diplomates engagés à fond dans la préparation d'un conflit avec
l'Allemagne, bien qu'ils ne portassent point ombrage à Staline en
politique intérieure 1. »
- 439 -
B. LES RAPPORTS SOVIETO-NAZIS.
Avant d'envisager la question des rapports soviéto-nazis, dans
la période qui va du 30 janvier 1933 au 23 août 1939, telle qu'elle
put être abordée par Souvarine, il importe de rappeler que «dès
1917, l'Allemagne représentait aux yeux de Lénine et des
bolcheviks, la pièce maîtresse de leur stratégie internationale». Le
traité de Rapallo signé le 16 avril 1922 unissait l'Allemagne et
l'Union soviétique «dans une opposition commune dirigée contre le
traité de Versailles» l .
- 440 -
Le Travailleur concluait la reproduction de cette
correspondance de presse en indiquant que Staline allait s'efforcer
de pratiquer vis-à-vis de Hitler la même politique qu'envers
Mussolini et Mustapha Kemal, c'est-à-dire une fructueuse entente
d'Etat à Etat malgré une brutale répression contre le mouvement
communiste local. Dès février 1933, en effet, un journal comme la
Deutsche Allgemeine Zeitung avait indiqué que «la lutte
d'extermination contre le parti communiste allemand ne pèsera pas
sur les relations du Reich et de la Russie» L
- 441
assurer la paix générale». Rosen commentait l'événement en
écrivant que «Staline, au nom de la “patrie socialiste” des
travailleurs du monde, a signé un pacte d'amitié avec Hitler, le
bourreau des prolétaires allemands».
- 442 -
de neutralité germano-soviétique signé à Berlin le 24 avril 1926
sous la République de Weimar l .»
- 443 -
commentés par la grande presse et peu connus de l'opinion
publique, l'Internationale communiste entamait une vaste
campagne de propagande en faveur des communistes allemands
persécutés par le nazisme.
- 444
Sur ce point essentiel de la vie politique des années trente,
Souvarine et le C.C.D. avaient eu, à peu près seuls, l'immense mérite
de comprendre, dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir, que la seule voie
possible, pour les militants révolutionnaires, était la dénonciation
simultanée des crimes des deux régimes totalitaires et contre-
révolutionnaires. Si l'issue du combat n'engageait certes pas à
l'optimisme, il fallait au moins préserver l'exigence d'une lucidité
radicale sur la tragédie en train de se nouer, tout en sauvegardant,
en même temps que l'exigence d'une lucidité radicale,
l'indépendance et l'autonom ie du mouvement ouvrier
révolutionnaire.
1 «La patrie internationale des travailleurs», L 'E ffo rt, 22 juin 1933 ; «Le rôle de
l'URSS dans la politique mondiale», L'Ecole émancipée, n° 42, 23 juillet 1933 ; ces
articles sont reproduits dans les Œuvres complètes, t. II, vol. II, p. 250-259.
- 445
Souvarine et le C.C.D. avaient tenté d'appliquer cette exigence
de lucidité radicale à l'examen des questions de politique
internationale, en particulier en étant les premiers à souligner les
étranges complicités objectives entre les deux molochs totalitaires.
- 446 -
de grave “détérioration” des rapports germano-soviétiques, lesquels
étaient au plus bas au moment de Munich l .»
- 447
appropriées. Selon Souvarine, «cette conception d'ensemble, aucun
politicien ou diplomate occidental ne s'est montré capable de la
comprendre, alors qu'elle était parfaitement intelligible à qui
prenait la peine d'étudier sérieusement une situation aussi
sérieuse L »
C'est une telle étude que Souvarine allait livrer avec son
célèbre article du Figaro du 7 mai 1939 : «Une partie serrée se joue
entre Hitler et Staline». Il tentait de porter un regard d’ensemble
sur la politique intérieure et extérieure de Staline qui ne pouvait se
comprendre et s'analyser que comme un tout dont l'unique
préoccupation, sinon obsession, était de durer en évitant la
guerre *2.
* Est et Ouest, nouvelle série, n° 15, Février 1985, «Souvarine et la guerre qui venait»
p.55.
2 Trotsky, de son côté, écrivait le 1er juillet 1939 : «Le Kremlin ne veut ni la guerre ni
la révolution ; il veut l'ordre, la tranquillité, le statu quo, à tout prix. Il est temps
de s'accoutumer à l'idée que le Kremlin est devenu un facteur conservateur dans la
politique mondiale.» Sur la Deuxième guerre mondiale (textes rassemblés et
présentés par Daniel Guérin), Paris, Editions du Seuil, 1974, p. 70.
- 448
Dans ce cadre, le rapprochement intervenu avec les
démocraties occidentales n'avait rien à voir avec une quelconque
place naturelle de l'U.R.S.S. aux côtés des démocraties dans la lutte
contre les dictatures, mais était la seule position possible face à
Hitler, farouchement antibolchéviste malgré les nombreux signes
d'accommodement de Staline en 1933 et 1934. Le problème
essentiel se posait donc ainsi : «Tous les efforts de Staline pour
arriver à un compromis se sont brisés sur l’obstination personnelle
d'Hitler, malgré les bonnes dispositions de la Reichswehr, de
l'industrie lourde et des banques. Il suffirait donc qu'Hitler
changeât d'avis, tout au moins de tactique, pour changer toute la
conjoncture présente. On sait qu'il répugne à composer avec le
bolchevisme. Mais plutôt qu'être tenu en échec devant Dantzig, ne
préfèrera-t-il pas se prêter, pour un temps, au compromis souhaité
par Staline, quitte à s’en prendre à l’U.R.S.S. plus tard ?» (A C C ,
p. 358)
- 449 -
n'entraîne aucune nouvelle orientation de sa politique extérieure.
Le parti communiste français soutient ardemment cette thèse, et il
se propose de démontrer par une série d'articles qui vont être
publiés dans L 'H u m a n i t é et les organes locaux, que l'Union
soviétique demeure strictement fidèle à la ligne politique tracée
par Staline au dernier congrès du Parti bolchevik de l'U.R.S.S. U>
- 450 -
Le 8 octobre 1938, il publia dans le Socialist Appeal un article
intitulé «Après Munich, Staline cherchera un accord avec Hitler»,
dans lequel on pouvait lire : «Nous devons maintenant nous
attendre avec certitude à une tentative de la diplomatie soviétique
de se rapprocher de Hitler au prix de nouvelles retraites et de
nouvelles capitulations... L>
- 451
Dans ses Mémoires, Victor Serge revint également sur cette
question pour noter : «Au cours de ce même mois de mars, je lus
dans la Pravda le discours de Staline au XVIIIe Congrès du parti. Le
Chef accusait l'Angleterre et la France d'avoir voulu “semer la
discorde entre l'U.R.S.S et l'Allemagne”. Un discours de Vorochilov
authentifiait les renseignements sur la puissance militaire de
l'U.R.S.S. publiés dans une revue militaire nazie. Par Reiss et
Krivitsky, nous savions que des agents soviétiques maintenaient le
contact avec les gouvernants nazis. Le 5 mai, Litvinov, protagoniste
de la “sécurité collective” et de la “politique de paix” du Bureau
politique au sein de la Société des nations, était brusquement
démissionné. Ces indices et quelques autres annonçaient clairement
un prochain tournant de la politique russe vers la collaboration
avec le IIIe Reich. Mais la presse française manoeuvrée par les
agents communistes ne voulait ni ne pouvait rien y comprendre ;
les articles que je proposais à desjournaux de gauche furent
refusés, je ne trouvai une tribune qu'à la revue E s p r i t . Il
m'apparaissait clairement que le Bureau politique, considérant la
France comme vaincue d'avance, se retournait vers le plus fort,
cherchant un accommodement avec lui» L
* Victor Serge, op. cit., p. 371-372. L'article était intitulé «Litvinov», et fut publié
dans le n° 81, 1er juin 1939.
- 452 -
cahiers, 1 qui posait ainsi le problème : «Toutes les nouvelles (...)
laissant prévoir leur conclusion immédiate ou prochaine sont
démontrées fausses tour à tour. Il est manifeste que Staline, à
dessein, fait traîner les conversations en longueur (...) La hâte
britannique et française, après des années d'inertie, à improviser
de tous côtés des alliances pour dresser un “front de la paix” contre
d'éventuelles poussées d'expansion allemande et italienne a été
trop visible pour être contestable. D'autre part, Staline est le seul
maître en son pays (...) Aucune des lenteurs qui paralysent
l'initiative et ajournent les décisions gouvernementales dans les
Etats démocratiques n'existent en U.R.S.S. Les retards actuels sont
bien dus exclusivement à une tactique dilatoire de Staline.»
- 453 -
A l'issue de ces réflexions, Souvarine notait : «Au lieu de la
coalition mondiale tant redoutée, les bolcheviks voient deux
groupes de puissance active (...) qui s'opposent entre elles d'une
manière irréductible». Dans ce cadre, pour Staline, «l'idéal est la
sécurité, donc l'entente avec l'adversaire le plus dangereux,
autrement dit le plus fort.» La défense de la démocratie dans le
monde n'avait rien à voir dans l'affaire, d'autant que l'U.R.S.S., après
l'avoir anéantie sur son sol, avait, selon Souvarine, «prêché
l'exemple à tous les fascismes». On retrouve là une idée importante
sur l'antériorité de la variante stalinienne dans la genèse des
totalitarismes que Souvarine semblait avoir adoptée L
- 454 -
Début août, Souvarine revint sur la question des négociations
anglo-franco-soviétiques, pour constater qu'après avoir réclamé,
depuis le pacte franco-soviétique, des «conversations d'états-
majors», les autorités soviétiques faisaient nettement moins preuve
d'enthousiasme sur ce sujet, alors même que les gouvernements
anglais et français venaient d'accéder à cette demande l . Ce fait
troublant venant à la suite de l'annonce de l'arrestation de 79
officiers supérieurs à Moscou, Souvarine tentait de faire un peu de
clarté dans une situation particulièrement complexe. Il revenait
donc en détail sur les différentes affaires qui, depuis l'exécution du
Maréchal Toukhatchevski en juin 1937, s'étaient produites dans
l'armée rouge, évaluant le nombre de militaires victimes de
«l'épuration» à plus de trente mille 12. Si la question restait
passablement obscure, il fallait essayer toutefois d’y faire un peu
de lumière «par nécessité politique, diplomatique et militaire
d'actualité quotidienne», alors qu'allaient débuter les conversations
entre militaires anglo-français d'une part, soviétiques d'autre part.
A partir des révélations de Walter Krivitsky, ainsi que
d'informations diverses, il apparaissait que «l'état-major et les
cadres de l'armée rouge ont été anéantis par Staline au cours d'une
laborieuse machination où s'entremêlent l'action de la Guépéou et
celle de la Gestapo». De tout cela, Souvarine ne pouvait manquer de
poser une alternative simple sur l'enjeu des négociations militaires
qui s'ouvraient : «Ou l'armée rouge était quasi tout entière dans des
mains allemandes, et aucun état-major français ni britannique ne
peut se fier à des militaires de cette sorte ; ou c'est une fable, et ce
sont les maîtres actuels de l'U.R.S.S. qui font le jeu de l'Allemagne.»
Dans sa redoutable simplicité, l'alternative posée par Souvarine
- 455
démontrait parfaitement que l'initiative diplomatique était entre
les mains des puissances totalitaires, et particulièrement celles de
l'U.R.S.S.
1 Selon l'expression de Jean-Paul Brunet dans son article, «La presse française et le
pacte germano-soviétique (Août 1939)», Relations internationales, n° 2, 1974.
- 456
les ouvriers et les intellectuels susceptibles de gêner tôt ou tard sa
politique d'entente avec Hitler.»
1 Dans son article, Jean-Paul Brunet écrit : «Souvarine accuse les Russes d'avoir
retardé les conversations militaires de Moscou en faisant visiter Léningrad, puis
Moscou, aux missions militaires française et anglaise (...). Il semble avoir
totalement oublié les retards et les atermoiements franco-anglais...» Cette remarque
nous semble totalement infondée, dans la mesure où le problème de la lenteur des
soviétiques à conclure un accord avait été abordé par Souvarine dès le 1er juillet,
- 457 -
En conclusion, Souvarine tentait de «discerner les mauvais
coups que Staline prépare», et envisageait que la signature du pacte
impliquait «la plus grave menace pour la Pologne». Rappelons que
le point n° 2 du protocole secret annexé au pacte de non-agression
germano-soviétique, qui ne sera connu qu'après la fin de la seconde
guerre mondiale, stipulait : «Dans le cas où interviendrait un
changement dans les territoires appartenant à l'Etat polonais, les
zones d'intérêt de l'Allemagne et de l'U.R.S.S. seraient sensiblement
délimitées par la ligne que forment les cours de la Narev, de la
Vistule et de la San. La question de savoir si les deux parties
souhaitent voir maintenir un Etat polonais indépendant et celle des
limites de cet Etat ne pourront être définitivement examinées qu'à
la faveur d'éventuels développements politiques. Dans ce cas les
deux gouvernements résoudront la question par la voie d'une
discussion amicale 1. »
dans son article des Nouveaux cahiers. Il est donc surprenant de voir accusé
Souvarine d'une «passion anti-stalinienne bloquant net tout effort d'analyse», alors
que son article des Nouveaux cahiers est oublié, ou ignoré, par cet historien.
1 Communication donnée au procès de Nuremberg , audience du 25 mars 1946 (Procès
des grands criminels de guerre , t. 14 ) reproduite dans Les Grands Evènements du
2 0 e siècle et les journaux de l'époque , n° 62, 1984. Le point n° 1 du protocole
concernait les pays baltes.
- 458 -
Le jour où Le Figaro publiait cet article, les troupes
allemandes envahissaient la Pologne, dont l'armée était dans un
état d'infériorité flagrant, tant au point de vue des effectifs que du
matériel. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne et la France
déclaraient la guerre à l'Allemagne. Le 17 septembre, les troupes
soviétiques envahissaient à leur tour la Pologne, dont l'armée
allemande avait déjà occupé, en deux semaines, une grande partie
du territoire.
1 A. Rossi, op.cit., p. 72. Dans ce passage, Rossi citait des extraits des Mémoires (1939-
1946) du général W. Anders (Paris, La Jeune Parque, 1948) qui forma en U.R.S.S.,
après juin 1941, un corps d'armée polonais avec des rescapés des camps soviétiques.
L'armée Anders s'illustra aux côtés des Alliés pendant la campagne d'Italie,
particulièrement à la bataille du Monte Cassino (Cf. le beau livre de Josef Czapski,
Terre inhumaine, Lausanne, L'Age d'homme, 1978).
- 459 -
C'est donc désormais dans le contexte radicalement nouveau
d'une Seconde Guerre mondiale déclenchée à l'initiative des Etats
totalitaires, qui retiraient les premiers butins de leurs brigandages,
que Souvarine allait poursuivre son observation méticuleuse de
l'évolution du système stalinien et des rapports soviéto-nazis.
- 460 -
exemple, Gina Bénichou écrivait à propos d'un livre de Klaus
Mehnert que «ce nazi parle de l'Union soviétique avec une
“objectivité” où la sympathie ne le cède qu'à l'admiration. De tels
éloges adressés par ce que la bourgeoisie aura jamais créé de plus
réactionnaire au pays de la soi-disant patrie prolétarienne, ne
peuvent surprendre profondément ceux qui regardent la Russie
autrement qu'avec des oeillères.» Après avoir examiné les motifs
de ce jugement favorable dans les domaines de «l'étude de
l'aristocratie nouvelle», en d'autres termes la nouvelle classe
dirigeante, Gina Bénichou concluait en indiquant que ce livre
donnait «de précieuses indications sur les méthodes idéologiques
du fascisme et du régime stalinien.» (C.S. II, p. 180)
soulignait dans son article sur «Le problème de l'Etat» (C.S., n° 9, septembre 1933 )
«certaines coïncidences de résultats du fascisme et du bolchevisme». Sur cette
question, nous renvoyons à notre brève mise au point, «La part maudite de Georges
Bataille», La revue du Mauss, n° 15/16, premier et deuxième trimestres 1992.
- 461
sont eux aussi dépourvus de sens. La position des antifascistes,
c'est : Tout plutôt que le fascisme ; tout, y compris le fascisme sous
le nom de communisme. La position des anticommunistes, c'est :
Tout plutôt que le communisme ; tout, y compris le communisme
sous le nom de fascisme L»
1 Simone Weil, Œuvres complètes, t. II, vol. III, op. cit., p. 54-55.
2 «La parenté du régime nazi et du système soviétique». C om m entaire, n° 62, été
1993 ; précédé de «Souvarine et Rougemont : Explications» par C. Jacquier.
- 462 -
disent les nationalistes. Tyrannie disent les démocrates. Autant de
mots ou de mensonges pour les fidèles du culte allemand. Il ne
s'agit ici que de religion.»
- 463 -
III. LA MARCHE VERS LE SECOND CONFLIT
MONDIAL
- 464
Après plusieurs mois de montée aux extrêmes, agitation
sociale d'un côté, préparation d'un complot militaire de l'autre,
éclata le 17 juillet à Mellila le soulèvement des militaires séditieux.
Il ne se propagea ensuite que lentement dans les provinces et la
capitale à cause de la résistance des forces populaires et d'une
mauvaise coordination entre les initiatives des généraux factieux.
Ibidem, p. 27.
2 Ibidem, p. 61.
- 465
étrangers de l'Internationale communiste et de l'Internationale
syndicale rouge l .
- 466 -
fusion du Bloc ouvrier et paysan et de la Gauche communiste
d'Andrès Nin. Pendant les années qui précédèrent le
pronunciamento des généraux espagnols, il fut arrêté et
emprisonné à plusieurs fois. Etant donné le rôle de premier plan de
Joaquin Maurin dans le mouvement communiste espagnol,
Souvarine ne pouvait qu'être bien informé de l'histoire et des
combats du mouvement ouvrier de ce pays ; sa propre évolution
étant, avec les indispensables correctifs de lieu et de caractère, en
quelque sorte parallèle à celle du dirigeant du P.O.U.M.
- 467
grâce à sa sœur Jeanne Maurin que je fis sa connaissance. A
l'occasion d'un meeting sur l'Espagne, elle me présenta son frangin
(...). Souvarine appuya chaudement le tract que nous distribuions à
ce meeting... et l'ensemble de nos positions sur l'Espagne» l .
1 Extrait d'une correspondance de Gaston Davoust à Henri Simon, reproduit dans une
lettre de ce dernier du 22 mai 1986. Jeune Taupe (n° 8, décembre 1975) a présenté
deux tracts non datés de l'Union communiste sur l'Espagne, le groupe auquel
appartenait G. Davoust, postérieurs aux événements de Barcelone et à la répression
contre le P.O.U.M.
2 II faut rappeler qu'une idée similaire était exprimée dans l'éditorial du n° 1 de L a
Critique sociale, mais, en 1931, ce pessimisme latent était, malgré tout, compensé
par l'idée de la transmission d'un savoir, d'une expérience historique aux nouvelles
générations. Ce n'était manifestement plus le cas en 1937.
- 468
Pour la seconde, «les militaires ont provoqué une tuerie sans
excuse dans une République où trouvaient place tous les courants
d'idées (...) A l'instigation de Rome et de Berlin, les droites se sont
rebellées contre le suffrage universel et leur action traduit, outre
une volonté de perpétuer l'asservissement des travailleurs de leur
pays, l'intention de contribuer à l'encerclement de la France
démocratique, étape dans la conquête fasciste de l'Europe.»
- 470 -
C'était également l'avis de Simone Weil qui «approuva dès le
début les efforts de Léon Blum pour éviter une guerre entre
nations» l . Ainsi, dès son retour d'Espagne, Simone Weil donna à
V i g i l a n c e , l'organe du Comité de vigilance des intellectuels
antifascistes (C.V.I.A.), un article dont le pacifisme radical était
rehaussé par sa récente situation de combattante volontaire dans la
colonne Durruti. Elle y écrivait notamment en s'en prenant aux
partisans du P.C.F. : «Il ne s'agit plus pour certains camarades de
transformer la guerre internationale en guerre civile, mais la
guerre civile en guerre internationale. On entend même parler de
“guerre civile internationale”. Il paraît qu'en s'efforçant d'éviter cet
élargissement de la guerre, on fait preuve d'une honteuse lâcheté.»
Simone Weil avait alors beau jeu d'inviter ceux qui défendaient
cette position à ne plus hésiter à payer de leur personne en partant
combattre en Espagne. De son côté elle prenait fermement son
parti : «Entre un gouvernement qui ne recule pas devant la guerre
et un gouvernement qui recule devant elle, le second sera
ordinairement désavantagé dans les négociations internationales. Il
faut choisir entre le prestige et la paix.» *2
- 471
pression sur les puissances nanties, qui cherchent à s'assurer de
meilleures positions en Europe dans l'éventualité d'une future
guerre générale, qui se tâtent là en attendant l'heure du grand
règlement de comptes L»
- 472 -
sabre de bois d'une démocratie parlementaire sénile avec le fer
bien trempé de jeunes dictatures totalitaires». Il est à noter que
c'est plus l'aspect de la profonde faiblesse du régime intérieur de la
France que Souvaine mettait en avant, pour justifier la politique de
Blum, qu'une argumentation pacifiste radicale du type «La guerre,
y compris la guerre civile, dévore la révolution».
- 473 -
assassiné les libertaires italiens Berneri et Barbiéri, le leader du
P.O.U.M. Andrès Nin. Ils essaient de déshonorer leurs adversaires
socialistes, communistes ou syndicalistes en les traitant de fascistes,
d'agents de Franco, de Mussolini et d'Hitler, ils veulent mettre en
scène comme à Moscou des procès d'espionnage et de trahison l .»
- 474
la France peuvent servir encore la Paix et l'Europe en posant les
éléments et les principes de suspension d'armes et d'armistice aux
deux parties belligérantes espagnoles.» En conclusion, Raymond
Froideval demandait une intervention de la Fédération syndicale
internationale pour avancer dans la voie d'une solution pacifique et
négociée.
1 J. Bernier, op. cit., p. 1. Les citations suivantes sans indication d'origine sont
extraites de cette même brochure.
- 476
de compromis impérialiste» afin de sauvegarder la paix ne signifiait
pas «choir comme Blum dans le conformisme anglais et le jeu
impérialiste de la City». Il proposait donc «d'appliquer une
politique d'aide à la révolution» en appelant la C.G.T. et les
travailleurs à l'action, en fournissant une aide directe et indirecte à
Madrid et Barcelone.
- 477
parti qui avait courageusement dénoncé «l'infamie des procès de
Moscou et les méthodes staliniennes de colonisation du mouvement
ouvrier» : «En mai 1937, après que les ouvriers barcelonais,
syndicalistes, anarchistes organisés en grande majorité dans la
C.N.T., eussent pris les armes pour répondre à une provocation du
policier stalinien Rodriguez Salas (la tentative d'occupation du
Central téléphonique gardé par des miliciens de la C.N.T. et de
l'U.G.T.), les ministres communistes sommèrent le président du
Conseil, Largo Caballero, de prendre prétexte de ces événements
pour mettre le P.O.U.M. hors de la légalité. Largo Caballero, plutôt
que de se faire ainsi l'étrangleur de la démocratie, préféra
démissionner et fut remplacé par Juan Negrin, inconnu jusqu'à ce
moment. Le P.O.U.M. fut — tout à fait illégalement — dissout, ses
journaux et ses biens confisqués, ses militants arrêtés par
centaines L »
- 478
reproché de s'être attaqué à «un pays ami, dont l'appui moral et
matériel a permis au peuple espagnol de défendre son
indépendance» et d'avoir «calomnié la justice soviétique», allusion
transparente à la ferme condamnation que le P.O.U.M. avait
prononcée sur les procès de Moscou. Enfin, les dirigeants du
P.O.U.M. étaient accusés d'être «en contact avec les organisations
fascistes de l'Espagne rebelle et également avec les organisations
internationales connues sous le dénom inatif général de
“trotskystes” et dont l'activité au sein d'une puissance ami
démontre qu'elles se trouvent au service du fascisme européen et
asiatique...» En dehors du premier point, l'acte d'accusation dressé à
Barcelone s'inscrivait dans la «suite directe des procès de Moscou».
- 479 -
Le Libertaire (28 juillet 1938) s'indigna de voir la C.N.T. sur la
sellette, pratiquement accusée d'abandonner le P.O.U.M. Le
rédacteur de l'hebdomadaire anarchiste, Louis Anderson, rappelait
les interventions de la C.N.T. et de la F.A.I. en faveur du P.O.U.M.,
mais il exprimait clairement l'embarras, qu'il partageait, de la
majorité du mouvement anarchiste espagnol en écrivant à propos
des conséquences de la guerre civile et du soulèvement populaire :
«Un impératif catégorique s'est imposé en dehors de toutes
conditions politiques : des armes. Ce n'est pas la faute de la C.N.T. ni
de la F.A.I. si les seules armes sont venues de la Russie. Ce n'est pas
non plus leur faute si l'inertie du prolétariat international a laissé
carte blanche à Staline en Espagne. Ce n'est pas leur faute si les
socialistes du monde entier n'ont su qu'emboîter le pas à leurs
gouvernements et ont sur le plan politique délibérément fermé les
yeux devant les excès staliniens en Espagne.» Les arguments de
Louis Anderson n'étaient pas faux, mais il n'en était pas moins vrai
qu'une plus grande coordination et solidarité entre l'ensemble des
courants non-staliniens du mouvement ouvrier espagnol auraient
pu contrecarrer plus efficacement, sinon éviter, que l'Espagne ne
devienne selon la formule du journaliste anarchiste José Garcia
Pradas, directeur du quotidien de Madrid C.N.T., «une république
démocratique dirigée par le P.C. sous contrôle du G.P.U.» ou, comme
le dira l'ancien dirigeant du P.O.U.M., Julian Gorkin, dans les années
cinquante, «le premier essai de démocratie populaire» L
* Pierre Broué, Staline et la révolution, le cas espagnol, Paris, Fayard, 1993, p. 246-
253.
- 480 -
agents du Guépéou pour ne pas subir le sort de Berneri, de Nin et
des autres victimes de la Guépéou en Espagne L
- 481
Parlement et à l'Armée populaire ; c’est lui qui prépare et exécute
le soulèvement de mai 1937 ; lui qui maintient la liaison déjà citée
avec des organisations fascistes ; lui qui utilise les codes secrets, les
émissions de radio ; lui qui ordonne et arrange la sortie d'Espagne
de grandes quantités d'or et d'œuvres d'art mal acquises et encore
plus mal vendues ; lui qui a des rapports avec la pléiade
d'aventuriers étrangers qui, sous le masque de “soldats
internationaux”, s'abritent dans les rangs du P.O.U.M. et que la
police a dû expulser du territoire national, certains sous la forte
suspicion et d'autres avec la certitude qu'ils étaient des agents de la
Gestapo et de l'Ovra... ; lui qui donne l'ordre à la 29e division
d'abandonner ses positions de Huesca, pour se joindre au
soulèvement de mai...» 1
1 Cet extrait de l'acte d'accusation est cité par Victor Alba, op. cit., p. 355-356. Le
même auteur a rassemblé, en collaboration avec Marisa Andevol, les pièces de ce
curieux procès dans : El processo del P.O.U.M. (Junio de 1937 - octobre de 1938),
Barcelone, Editions Lerna, 1989. Cf. le compte rendu de cet ouvrage par Jean-Louis
Panné dans Communisme, n° 28, 1991, Paris, Ed. L'Age d'homme, p. 123.
- 482 -
Montseny, l'ancien chef du gouvernement Largo Caballero et
l'ancien ministre de la Justice, le catholique Manuel de Irujo.
* Julian Gorkin, Les Communistes contre la révolution espagnole. Paris, Ed. Belfond,
1978, p. 228. On consultera en particulier le chapitre intitulé «Un procès de
Moscou à Barcelone», p. 211 à 229.
- 483
Outre la dissolution du P.O.U.M., Gorkin, Andrade, Bouet et
Gironella furent condamnés à quinze ans de prison, Arquer à onze
ans, tandis que David Rey et Escudé étaient acquittés.
1 «Per un anno, nel 1940, la Gestapo e la Ghepeù hanno lavorato insieme, in Francia,
ed. è stato allora che mi hanno rapinato di tutto il mio carteggio, non solo con Simone
Weil, ma anche con George Orwell...». «Ma Boris l'aveva detto», entretien avec
Barbara Spinelli, La Reppublica, 8 février 1984. M. Bernard Crick, le biographe de
l'auteur de 1 9 8 4 , n'évoque pas, ou peu, les contacts internationaux qu'Orwell
entretint dans les milieux antistaliniens et ne fait, à aucun moment, mention du nom
de Souvarine (Georges Orwell, une vie, Paris, Ed. Balland, 1982 ; en particulier le
chapitre X : «L'Espagne et le meurtre nécessaire»).
2 «Réalités chinoises», l er-15 janvier 1938. Les citations suivantes, sans indication
d’origine, sont extraites de cet article.
- 484 -
les rivalités inter-impérialistes en Espagne et celles de la guerre
entre la Chine et le Japon, dans la politique suivie par Staline. Dans
son analyse, faisant suite à une séance de la revue sur les affaires
de Chine, Souvarine insistait tout particulièrement, en préambule,
sur la nécessité de «chercher les causes profondes de la guerre
actuelle», indépendamment de l'indignation face aux actions des
agresseurs et de la solidarité humaine envers les victimes.
- 485
Hitler traversa deux jours après le pays comme un libérateur et
proclama l'Anschluss le 15, c'est à dire l'annexion de l'Autriche au
Reich allemand, processus avalisé formellement le 10 avril par un
plébiscite organisé en même temps en Allemagne et en Autriche. Ce
fait extrêmement grave se déroula sans réactions notables des
puissances occidentales, incitant Hitler à pousser, partout et sans
attendre, son avantage. L'Anschluss s'était fait sous le prétexte de
libérer le peuple allemand d'Autriche persécuté. Hitler, fort de son
nouveau succès, allait renouveler la manœuvre à propos de la
minorité allemande des Sudètes qui était rattachée au nouvel Etat
tchécoslovaque.
- 486 -
Président du Conseil français, Edouard Daladier et son ministre des
affaires étrangères, Georges Bonnet, se rendaient à Londres où ils
devaient se ranger à la politique de compromis et de conciliation du
gouvernement britannique. A l'issue de ces rencontres, une note
franco-britannique concluait «qu'il appartient aux deux
gouvernements d'exercer une pression très vive à Prague pour que
la Tchécoslovaquie accepte la solution qui lui est proposée par deux
puissances amies». A la suite de ces pressions, la Tchécoslovaquie
se résigna, le 21 septembre, à accepter l'abandon du territoire des
Sudètes exigé par Hitler.
1 «La crise européenne (Notre appel du 15 septembre)», Nouveaux cahiers, n° 32, 1er-
15 octobre 1938, p. 16-20. Ce texte est évoqué par Jean-François Sirinelli dans
Intellectuels et passions françaises, Manifestes et pétitions au XXe siècle, Paris,
Fayard, 1990, p. 117-118.
- 488 -
plupart, membres de la fédération des P.T.T. autour de Jean Mathé,
mais il y avait également deux animateurs du C.C.E.O., dont Lucien
Laurat, et deux représentants de la Fédération des cheminots, dont
Lucien Cancouët. Dans les parlementaires figuraient le député
socialiste André Philip, et, dans les «profession diverses», Edouard
et Jeanne Liénert.
- 489 -
“antimunichois” de gaieté de coeur. Cela voulait dire que, pour
arrêter Hitler, on acceptait de risquer la guerre et le cortège des
grandes tueries de 1914-1918. Du moins, si elle était difficile,
c'était une option simple. Etre “munichois”, en revanche, pouvait
signifier des attitudes différentes, voire contradictoires 1.»
1 Ibidem, p. 10.
2 op. cit., p. 357-359.
3 Jean-Pierre Azéma, op. cit., p. 20-22.
- 490 -
comme la réédition pure et simple du scénario qui s'est joué avant
1914» i.
- 491
abandonner ses prises de position pacifistes et affirmer la nécessité
de la résistance face à la démence du nazisme L
1 Cf. son projet d'article «Réflexions en vue d'un bilan», écrit pendant le printemps et
l'été 1939. Œuvres complètes, t. II, vol. III, p. 99-116.
2 «La vérité sur septembre 1938, petite introduction à la politique extérieure
contemporaine», Le Crapouillot, janvier 1939.
- 492 -
qui résument parfaitement sa position, marquée du double sceau
de la désespérance et de la lucidité, dans ces années de l'immédiat
avant guerre : «Nos objections et remarques ne prêtent sans doute
pas à l'optimisme cher à tout parti armé de solides parti-pris, mais
devraient aider à regarder la situation en face et à la mieux
comprendre, avec ses conséquences proches et ses répercussions à
plus longue échéance l .»
- 493 -
B. LES RAPPORTS SOVIETO-NAZIS PENDANT LA DROLE
DE GUERRE ET L'AGRESSION DE STALINE CONTRE LA
FINLANDE.
* C'est sous ce titre que l'écrivain publia une brochure réunissant quelques articles
publié aux Etats-Unis dans le New leader de New York, ainsi que des textes inédits
de 1944-1946, sur la nouvelle donne planétaire issue du Second Conflit mondial,
Paris, Cahiers Spartacus, n° 13, janvier 1947.
- 494
Mais la réalité des rapports germano-soviétiques était sans
doute plus prosaïque, comme le laissait entendre Souvarine en
écrivant que la vérité était «sans doute moins impressionnante»
que ces grandes fresques spectaculaires de géopolitique. Pour
envisager d'une manière réaliste ce problème angoissant, il était
indispensable de bien avoir à l'esprit, d'une part les positions
successives adoptées par Staline depuis l'arrivée d'Hitler au
pouvoir, d'autre part, les difficultés auxquelles était confronté le
régime soviétique, difficultés aussi réelles qu'indépendantes de la
politique internationale suivie par Staline.
- 495
que l'U.R.S.S. devait apporter à l'Allemagne nazie. Le pacte du 23
août n’avait pas résolu comme par miracle les difficultés de
l'économie soviétique. Souvarine était revenu à de nombreuses
reprises depuis le milieu des années vingt, en particulier à propos
des «plans quiquennaux» qui avaient tant impressionné l'opinion
publique occidentale, y compris la plus éloignée d'une
problématique socialiste ou marxiste, sur les problèmes, difficultés
et impasses structurels de l'économie censée construire le
socialisme sur un sixième du globe. Il savait donc mieux que
quiconque qu'il était matériellement impossible à l'U.R.S.S.
stalinienne d'aider l'Allemagne nazie d'une façon spectaculaire : «Le
commerce futur entre l'U.R.S.S. et l'Allemagne (...) ne modifierait
pas sensiblement les conditions créées par le blocus». Il s'agissait
de «retrouver le niveau atteint en 1931», c'est à dire «4,5 % du
total des importations allemandes et 7,9 pour cent du total des
exportations». Ces chiffres n'avaient rien d'extraordinaires, et, en
tout cas, pas la signification que les commentateurs voulaient bien
leur attribuer. De toute façon, il n'était pas dans l'intérêt de Staline
de voir se développer trop l'Allemagne dont le voisinage
deviendrait alors dangereux. Reprenant un argument central de ses
analyses de la politique de Staline, Souvarine indiquait que «son
intérêt consiste à provoquer, puis à alimenter toute guerre où il n'a
point, ou peu, de part effective, et dont le résultat prévisible soit la
ruine des adversaires. Il escompte l'affaiblissement de toutes les
puissances, seule perspective impliquant le renforcement de la
sienne, relative.»
- 497
pour activer la coopération économique russo-allemande (...)
Aucune des “nouvelles” ou soi-disant telles ainsi répandues n'a été
jusqu'à présent, digne de créance.»
1 «La technique de la fausse nouvelle perfectionnée par les bolchéviks». Les citations
suivantes, sans indication d'origine, en sont extraites.
- 499 -
de choses connu et de toute péripétie imprévue — rien n'est négligé
dans cette pernicieuse besogne.»
1 Les citations suivantes, sans indication d'origine, sont toutes extraites de cet
a rticle .
- 500 -
Souvarine écrivait : «Toute l'action de l'U.R.S.S. et de
l'Internationale communiste tend à renverser les régimes
“capitalistes” par la révolution. Mais dès qu'il s'agit de l'Allemagne
hitlérienne, et du moment que l'U.R.S.S. a conclu un accord avec elle,
l'hitlérisme devient une “idéologie comme toute autre”, une
“opinion politique” qu'on peut ne pas partager, mais à laquelle il ne
faut pas opposer la force. Ces sophismes hypocrites ont un seul but :
arracher à la guerre contre l'Allemagne toute justification, tout
prestige “idéologique” et dégager totalement l'action des partis
communistes des brumes qui s'étaient accumulées les dernières
années avant la guerre l .»
- 501
rien de commun avec la définition et le programme du
bolchevisme.»
- 502 -
soviétique (...) Die Zukunft proclame l'U.R.S.S. champion de
l'antifascisme. Après cette date, le journal proteste contre la
“trahison” de l'U.R.S.S. puis contre l'entrée des troupes soviétiques
en Pologne (...) L'U.R.S.S. n'est plus alors considérée comme un Etat
socialiste mais comme une “dictature impérialiste” L»
* C f. France des étrangers, France des libertés (Presse et Mémoire), Paris, Ed.
Ouvrières/Génériques, 1990. p. 23.
2 «L'U.R.S.S. et l'Europe», 1er novembre 1939.
- 503 -
qu'à ce niveau, elle se distinguait «à la fois des pays démocratiques
et des autres Etats totalitaires par son régime économique,
inséparable du régime politique». Le système économico-politique
soviétique ne pouvait fonctionner «qu'au moyen d'une bureaucratie
innombrable constituant une nouvelle classe sociale», s'appropriant
l'Etat, s'appuyant sur le Parti unique et organisant sa domination
par la dictature des prix.
- 504
Les objections de type économique, présentées par Souvarine,
lui semblaient plus sérieuses, mais la tendance de fond de
l'économie allemande semblait devoir réduire de plus en plus les
différences formelles entre les économies des deux pays. Au-delà
de strictes considérations historiques ou économiques, Pierre Kaan
pensait que «les deux phénomènes, bolchevisme et nazisme, sont
deux formes superficiellement différentes d'une réalité identique.
Il s'agit d'un même mouvement de subversion destructrice qui
secoue notre monde (...) Le processus que Souvarine a décrit
magistralement dans son Staline se retrouve (mutatis mutandis)
dans l'hitlérisme...»
- 506 -
Helsinki 1. Les forces en présence étaient particulièrement
déséquilibrées puisque l'armée rouge disposait pour ce conflit de
vingt divisions de dix-sept mille hommes chacune, tandis que les
finlandais mobilisaient dans la hâte douze divisions de quinze mille
hommes, la disproportion étant encore plus grande au niveau de
l'équipement et du matériel de ces troupes.
- 507
l'hébétude». Tel était donc le pseudo chef de gouvernement à ses
ordres que Staline avait installé à sa dévotion, pour tenter
d'accréditer auprès d'une partie de l'opinion la fable d'une aide
amicale de l'U.R.S.S. aux «forces progressistes» finlandaises.
- 508
L'autre raison de l'échec initial de Staline dans son agression
contre la Finlande résidait dans la «faillite de l'idéologie
communiste» : «En fait, il n'existe pour l'armée rouge nulle raison
de se battre, car elle a perdu ses anciennes mobiles sans en
acquérir de nouveaux et n'a par conséquent aucun ressort moral. La
supériorité de la Finlande sur l'U.R.S.S. est celle d'hommes
relativement libres sur les esclaves L»
1 «Pourquoi tout ressort moral fait défaut aux troupes soviétiques». Le Figaro, 30
décembre 1939.
- 509 -
CONCLUSION
- 510 -
A partir du 10 mai 1940, l'Allemagne entreprit sa grande
offensive à l'Ouest. Après une attaque-éclair contre les Pays-Bas,
l'armée hollandaise dut capituler le 15 mai, alors que la reine
Wilhelmine et le gouvernement hollandais s'étaient réfugiés à
Londres le 13. Le 20 mai les armées allemandes étaient à Arras,
Abbeville et Amiens. Au début de l'offensive allemande contre la
Hollande et la Belgique, l'Etat-major français pensa que l'armée
allemande allait rééditer le plan du général Schlieffen en 1914. Le
général Gamelin engagea les forces françaises sur une ligne Anvers-
Bruxelles-Namur, contre l'aile droite de la Wehrmacht, tandis
qu'Hitler portait la plus grande partie de ses forces blindées dans
les Ardennes, afin de prendre les armées franco-anglaises à revers.
- 511 -
Limousin, à La Bourboule, où Detoeuf s'était replié avec la direction
de l'Alsthom. Enfin, il gagna Nice (Alpes-Maritimes) où il épousa
Françoise Hauser, le 22 octobre 1940 1 . Evoquant son état d'esprit à
cette époque, Souvarine a écrit que, «tout en escomptant
l'endurance de l'Angleterre», il croyait «le désastre français
irrémédiable». Il devait changer d'avis, quelques mois plus tard,
quand il apprit que l'armée allemande se préparait à attaquer
l'U.R.S.S. : «Tout le monde savait, dans le Midi, que les soldats de la
Wehrmacht achetaient sans compter tricots, chandails, sous-
vêtements chauds, gants, etc., pour affronter un rude hiver en
perspective, et ils répondaient aux questions des français intrigués :
“Russland!”"(...) Quand l'agression allemande contre l'U.R.S.S. eut
lieu, j'écrivis un papier prédisant qu'Hitler allait à sa perte,
motivant mon argumentation entre autres par une citation de
Jaurès : “La Russie se défend par sa profondeur”. A plus forte raison
ma certitude fut-elle renforcée quand Hitler, la même année,
s'avéra assez insensé pour déclarer la guerre aux Etats-Unis» (C.S.,
Prol., pp. 18-19).
- 512 -
étrangers, tous échoués ici, et qui attendent... J'avais toujours
trouvé que les innombrables possibilités de départ vers les terres
lointaines donnaient à Marseille une atmosphère à part.
Maintenant, c'est l'impossibilité du départ qui donne au spectacle
de la mer, du port, et d'une foule hétéroclite une couleur
particulière 1 . »
- 513
Souvarine ne passa par le grenier des Cahiers du Sud de Jean
Ballard qui, tout particulièrement pendant cette période, accueillait
la plupart des intellectuels réfugiés en zone Sud et de passage à
Marseille, contrairement à Simone Weil qui collabora à plusieurs
reprises à la revue littéraire marseillaise et envoya à Souvarine,
dès publication, les numéros des Cahiers du Sud contenant son
article «L'Iliade ou le poème de la force» (n° 230 et 231, décembre
1940 et janvier 1941).
par des agents de la Gestapo, surveillé par la milice de Pétain, quelque peu protégé
par le Comité de Secours américain, discrètement fréquenté par les premiers
gaullistes...»
Sur l’itinéraire de Guiseppe Emanuele Modigliani (1872-1947), on se reportera à la
notice de II Movimento operaio italiano (1885-1943) dirigé par F. Andreucci et T.
Detti (Milan, Editori Riuniti, 1978).
* Entretien avec Mme Souvarine, Paris, 1985.
- 514 -
attentat similaire contre un président de la République française.
Rendant compte du livre de J. Lovitch, et surtout de la longue
introduction de H. Rollin, Souvarine écrivait, en 1933 : «Les
partisans associés des Romanov et des Hohenzollern, sous des
inspirations communes, sont capables des pires méfaits au nom
d'une mystique incohérente qui ne peut s'assouvir que dans un
carnage universel» (C.S. II, p. 41).
- 515
Cette situation particulière de Marseille, dernier espoir de
fuite hors d'Europe pour des milliers de réfugiés, explique la
création du Centre Américain de Secours à l'instigation d'un groupe
d'intellectuels libéraux américains, soutenu par l'épouse du
président des Etats-Unis, Eleanor Roosevelt, dès août 1940. Son
principal animateur américain était Varian Fry, un journaliste de
sensibilité libérale de Foreign Affairs, aidé par plusieurs français,
notamment Daniel Bénédite, un ancien militant socialiste de la
Gauche révolutionnaire 1 . Le mandat de Fry était de «tirer des
griffes de Pétain, Hitler, Mussolini et Franco des intellectuels
menacés de toutes nationalités.» 2 Comme l'a noté Jean Rabaut, Fry
commença «par rencontrer — parfois solliciter — des candidats au
départ (...) Il [fallait] opérer clandestinement tout en gardant une
façade officielle, en butte non seulement à la surveillance des
hommes de Vichy et de la Gestapo, mais à l'hostilité sournoise du
consulat américain. Il [fallait] déjouer les escrocs. Il [fallait], par
entregent, ruses et pourboires se procurer des passeports et des
visas (...) Il [fallait] loger les arrivants à Marseille...»
1 Daniel Bénédite a donné un témoignage intéressant sur cette période dans son livre
La Filière marseillaise, un chemin vers la liberté sous l'occupation, préface David
Rousset, Paris, Clancier-Guénaud, 1984.
^ Jean Rabaut, op. cit., p. 345.
^ Lettre de Daniel Bénédite, 23 février 1986.
- 516 -
des visas de sortie très largement. Je me trouve être au courant
parce que j'ai dû ces jours-ci m'occuper pas mal d'affaires
d'étrangers (...) Peut-être, après tout, feriez-vous bien d'y songer?
Vous seriez peut-être quand même mieux là-bas. Vous y êtes
connu, grâce à votre livre 1 .» A sa sortie, en 1939, juste après la
signature du pacte soviéto-nazi, le Staline avait été salué par de
nombreux intellectuels américains, notamment, John Dewey, Max
Eastman, Sidney Hook, Eugene Lyons, Ferdinand Lundberg, James T.
Farell, William Henry Chamberlin, etc. (ST., p. 14).
- 517 -
Finalement Souvarine put partir, au début août de la même
année, en s'embarquant à partir de Lisbonne, via l'Espagne, vers les
Etats-Unis, comme la majorité des émigrés. Le Portugal était
devenu en raison de sa neutralité le principal point de passage
entre les deux continents. A propos de cette «route de Lisbonne»
que Denis de Rougemont avait empruntée quelques mois plus tôt,
l'essayiste personnaliste suisse notait dans son journal : «Pour
combien d'hommes le billet du C lipper ou d'un petit paquebot
américain n'est-il pas le dernier coupon de cette carte du bonheur
que tous croient mériter ? 1 »
518
françaises réfugiées à New-York comme «une colonie aussi
remarquable par l'exceptionnel éclat des personnalités qui la
composent que par son absence de toute idée claire et unifiée sur
ce que la misère des temps exigeait d'elles», il apparait que la
situation relativement marginale de Souvarine était dans la logique
des choses parmi cette «colonie chaotique» d'exilés 1 . Il revit
également Simone Weil après son arrivée dans cette ville, début
juillet 1942.
- 519 -
quitte à vous supprimer plus tard ; mais il ne faut pas attendre
d'eux trop d'intelligence 1 .»
î Ibidem.
2 Cf. D.B.M.O .F., t. 38. p. 305-309.
- 520 -
illusions sur le milieu qu'elle fréquentait dans les bureaux
londoniens. Le 15 juin 1943, elle écrivit à ses parents, à propos de
Souvarine : «Je suis contente que B. ne pense plus à venir ici.
D'abord parce qu'il n'y a jamais eu la plus petite parcelle de
possibilité. Puis parce qu'il y serait très malheureux». Et quelques
lignes plus loin : «Si vous voyez B., dites-lui bien que je n'ai et,
j'espère, n'aurai (je préférerais coucher sous les ponts) aucune
responsabilité dans rien — ni dans le bien ni dans le mal 1. »
SimoneWeil devait s'éteindre quelques semaines plus tard, le 24
août , au sanatorium d'Ashford.
1 Simone Weil, Ecrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, 1980, p. 242
et 244.
2 Philippe Robrieux, op. cit., t. IV, p. 511.
3 Cf., lettre et ouvrage cités de Colin W. Nettelbeck.
- 521
D'abord plutôt gaulliste, il prit ensuite la défense du Général
Giraud dans Virginia Quaterly 1 . Dans cet article, Souvarine brossait
un portrait élogieux du Général Giraud, connu de l'opinion
internationale depuis son évasion spectaculaire de la forteresse de
Koenigstein en Allemagne en avril 1942, et retraçait sa carrière
militaire depuis sa sortie de l'Ecole de Saint-Cyr. Après avoir réfuté
différentes critiques adressées au général Giraud, notamment qu'il
serait politiquement «réactionnaire», Souvarine concluait ainsi :
«General Giraud has only one program : to drive the Germans out of
Africa, then out of France. He knows French North Africa and ail its
complexities. He knows the Spanish zone and the Axis menace
lurking there. Finally, he knows the Arab tribes. There would seem
to be a remarkable affinity between the man and the job. Political
inexpérience accounted for by a strictly military career may
conceivably lead him into an occasional blunder, but this cannot be
helped. He is not responsible for the présent confusion 2.» Le
rédacteur en chef de American mercury était Eugene Lyons, un
ancien correspondant de United Press à Moscou de 1928 à 1934,
qui, d'abord favorable à l'U.R.S.S., devint ensuite farouchement
antistalinien et présida, après la Deuxième Guerre mondiale, le
«American Committee for the Liberation of the Peoples of Russia».
1 Ainsi le qualifie Ph. Robrieux dans sa notice biographique. Jean Rabaut qui l'avait
rencontré, en 1941, à Marseille nous affirma qu'il lui avait semblé, à, l'époque,
«plutôt gaulliste» (Entretien avec l'intéressé, Paris, 1987).
2 «In defense of General Giraud», The American mercury, avril 1943, p. 421-427.
3 D.B.M.O.F., t. 41, p. 339.
- 522 -
particulier sur la question du devenir de la Pologne ou sur celle du
second front 1 .»
- 523 -
les temps que nous vivons : il n’y a pas d'issue (...) Et devant la
perspective de la fin des grandes opérations militaires en Europe,
chacun sent que la question n'est pas là. Que cette guerre ne
conduit pas à la paix. Qu'un mensonge énorme pèse sur ce bas
monde. Et d'autres mensonges subsidiaires.» En mars 1947, il
insistait plus particulièrement sur ses difficultés personnelles :
«Impossible de bouger. Impossible aussi de rester ; pas de visas,
donc pas de jobs. Et puis nous n'en pouvons plus. Nous traînons une
existence absurde, faite d'expédients, et sans direction, sans
horizon.»
1 Dans ses mémoires non publiées, L. Cancouët écrit : «Un ami que nous n'avons pas
revu depuis le début de la guerre frappe à notre porte. Il nous apporte des nouvelles
de Simone Weil dont nous ne savions plus rien (...) Il débarquait d'Amérique où il
- 524 -
suite, Lucien Cancouët devint le premier gérant de la revue de
Souvarine, Le Contrat social. D'autres, enfin, remisèrent leur
critique du stalinisme pour des jours meilleurs, invoquant
Stalingrad et le rôle du P.C.F. dans la Résistance pour mieux oublier
le pacte soviéto-nazi et l'attitude du P.C. pendant la drôle de guerre.
Déjà, en mai 1945, il écrivait à Rosmer, qu'en Italie, «Silone et
Modigliani se sont résignés à collaborer avec les communistes.
Disent qu'on ne peut pas faire autrement.»
avait passé toute la guerre» (volume II, p. 268). Manuscrit dactylographié conservé à
l'Institut d'histoire sociale, Nanterre.
* L'Observateur des deux mondes et autres textes, Paris, Ed. de la Différence, 1982,
p. 7 -8 .
- 525
communisme” et convaincre la gauche traditionnelle qu'il en est
“l'ennemi le plus cruel”» 1 .
- 526
faits et des textes, s'attache à restituer le parcours de Souvarine, de
l'immédiat après-guerre à sa mort. Il n'est pas interdit d'envisager
qu'une telle étude trouverait une grande unité dans la trajectoire
politique du fondateur du Cercle communiste démocratique, sans
parler de sa fidélité à certains principes moraux. Cela éviterait de
limiter l'œuvre de Souvarine à son seul S ta lin e , qu'après avoir
encensé de la façon la plus conventionnelle, certains
commentateurs ensevelissent sous l'accusation qu'ils jugent
infamante d'«anticommunisme professionnel» pour qualifier ses
prises de position dans les années cinquante et soixante. Délaissant
cette vieille scie, ils s'apercevraient peut-être que le sort des
travailleurs soviétiques demeura au centre de sa condamnation
radicale d'un régime qui n'eut de socialiste que le nom, car il resta
jusqu'à la fin de ces jours «solidaire des exploités et des opprimés
de toutes sortes» l .1
- 528
LETTRE A LA REVOLUTION PROLETARIENNE
A la rédaction de la R.P.
Camarades,
- 529 -
impossible de traiter des souffrances du prolétariat russe et des
destins d'une révolution en danger avec l'impassibilité d'un
rédacteur de procès-verbal. Je ne revendique pas la sérénité du
spectateur, mais l'ardeur du militant. Le journal où j'écris s'appelle
Révolution prolétarienne, et par conséquent évoque une notion
impliquant quelque rudesse et même une violence non limitée à la
forme. Je plains celui qui se croit révolutionnaire et s'émeut d'une
tournure de phrase un peu vive : relisez quelques pages de nos
classiques révolutionnaires et nos proses contemporaines vous
paraîtront bien pâles. «Souvenez-vous, — disait Saint-Simon à ses
disciples — que pour faire quelque chose de grand , il faut être
passionné» .
- 530 -
accusations que j'avais coutume de lire dans des journaux où je
n'aurais pu répondre.
- 532 -
18 septembre, Pravda du 23 septembre : est-ce assez clair ? Je ne
puis ni chanter ni mimer ni danser Troud et Pravda de telle et telle
date, mais seulement l'écrire. Et quand j'écrirais cent fois la même
chose, quelle raison de supposer que Postgate comprendrait mieux
à la centième fois ?
- 533
accepter cette manière vague d'ignorer certaines responsabilités,
directes ou non. Quand les vingt cinq millions de famille paysannes
russes cultivent la terre, accomplissant les gestes ancestraux
qu'aucune thèse d'aucun congrès d'aucun parti ne leur a jamais
appris ; quand des millions d'ouvriers russes triment au fond des
mines ou sur les chantiers ou devant les haut-fourneaux ou à
l'établi, selon les dures lois de la production moderne de tous les
pays ; quand à la fin de l'année, les statisticiens alignent les chiffres
traduisant les résultats de cet immense labeur, — les dirigeants du
parti s'en attribuent le mérite et la presse à leur dévotion leur fait
honneur des pouds de blé et des tonnes de houille. Si la pluie
nourrit les céréales et si le soleil mûrit la moisson, c'est grâce au
bureau politique, et même à l'Agit-Prop. Mais les millions de
chômeurs, les centaines de milliers d'enfants abandonnés, les
milliers de prostituées, la misère, la mendicité, l'apachisme et
l'ignorance, — ce n'est la faute de personne. C'est l'héritage du passé,
l'état arriéré du pays, les conséquences de la guerre, bref toutes
sortes de causes impersonnelles qui nous valent ces plaies. Une
telle façon de résoudre la question est trop simple. Des marxistes ne
peuvent attribuer à des individus, si puissants soient-ils, des torts
ou des mérites hors de proportion avec des phénomènes
économiques et sociaux d'envergure collective ; nous qui ne
sommes ni des serviteurs du pouvoir, ni des démagogues, nous
cherchons sincèrement à aider la classe ouvrière à faire ses affaires
elle-même, et ne pouvons nous tirer d'embarras par le classique :
«C'est la faute au gouvernement» en contre-partie du «c'est grâce
au comité central léniniste» des flagorneurs attitrés. Nous savons
que ce n'est pas le gouvernement qui produit l'acier et que ce n'est
pas lui qui ordonne de violer les jeunes filles dans la rue. Mais nous
savons aussi que l'Etat n'est pas sans influence sur la production,
surtout en Russie sur la production industrielle, et qu'il joue un rôle
immense dans l'éducation, qu'il peut avoir parfois une action
décisive sur certaines taressociales. Il est donc p ossible que le
gouvernement ait un mérite dans l'amélioration de la production et
il est p o ssib le qu'il ait une responsabilité dans certains fléaux,
quelles que soient par ailleurs les causes objectives qui
interviennent. Dans le cas qui nous occupe, j ’ai dit sous une forme
plus ou moins heureuse, n'ayant pas le talent littéraire de Postgate,
- 534 -
en tout cas j'ai voulu dire, et je le répète, que les dirigeants du Parti
et du pays portent une lourde responsabilité dans la vague de
démoralisation et d'immoralisme dont les effets ont été signalés,
dénoncés et commentés par la presse soviétique quand le mal s'est
avéré virulent. Si les dirigeants donnent l'exemple de l'arbitraire,
du mépris des lois, de la répudiation de toute morale, les dirigés
doivent inévitablement sur d'autres plans, à une autre échelle, sous
diverses formes, donner libre cours à leurs dérèglements et
débordements. J'ai écrit dans la R.P. de septembre déjà : «il faut
une légalité révolutionnaire pour abolir l'arbitraire bureaucratique,
il faut soumettre à la loi — la loi dictée par le prolétariat en
révolution — le secrétariat du Parti, le Politbureau et le Guépéou,
qui actuellement ne connaissent d'autres lois que celles de leurs
improvisations. La dictature du prolétariat doit trouver sa formule
dans un système de droits et de devoirs qui fasse loi pour tous...»
Telle est ma pensée de toujours exprimée sous diverses formes.
Cette question de la légalité a fait couler beaucoup d'encre en
Russie, depuis 2 ans, et comme elle n'est pas résolue, on doit y
insister. Deux juristes communistes bien connus, Krylenko et
Iakhontov ont défendu contre la thèse officielle de l'efficience
révolutionnaire celle de la légalité révolutionnaire et leur point de
vue a été critiquée dans les Isvestia du 7 septembre 1926 (je dis,
camarade Postgate : Isvestia du 7 sept. 1926) dans les termes
suivants :
- 535
question mais c'est déjà quelque chose que de l'avoir posée. Quand
on le voudra j'apporterais là-dessus des faits, des documents et des
arguments. Ce n'est pas tout : les dirigeants ont des responsabilités
lourdes aussi par l'exem ple qu'ils donnent, leurs actes et leurs
paroles ayant une bien plus grande portée que ceux du commun
des mortels. Là encore il y a beaucoup de faits, de documents,
d'arguments à jeter dans le débat. Enfin il est une autre sorte de
responsabilités qui pèsent sur les dirigeants : celle d'interdire ou
d'entraver toute initiative spontanée de la masse ou des individus,
de briser leur activité autonome, d'étouffer leurs créations, de
n'admettre comme n'ayant droit à la vie que les formes
d'organisation officielles, les institutions du Parti ou de l'état
stérilisées par la bureaucratie, et de vouer ainsi au désœuvrement,
à la démoralisation, à la débauche des milliers d'êtres sans culture,
sans maîtrise de soi, sans but de vivre, et comme dit le poète sans
foi ni loi sans feu ni lieu. Je dis que si le parti était un parti, si les
syndicats étaient des syndicats, si les soviets étaient des soviets, si
les coopératives étaient des coopératives, au lieu d'être simplement
des appareils, tout ne serait pas encore pour le mieux dans la
meilleure des républiques soviétiques, mais les maux seraient
moindres, et en voie de réduction au lieu d'aller s'aggravant.
- 537 -
«Si nous ne comprenons pas, il y a de leur faute» écrit
Monatte à propos des camarades qui ont longtemps séjourné en
Russie. Il y a peut-être aussi de la faute du lecteur qui exige des
opinions toutes faites, des sujets tout mâchés, des simplifications
déformatrices quand la question est complexe. Si le lecteur daignait
s'en donner la peine, bien des choses lui seraient accessibles
d'emblée sans qu'il soit besoin de seriner : précisément celles qui
ne varient pas selon le degré de longitude. Supposons cependant
que le lecteur moyen ne puisse se faire une idée suffisante sans
secours. Mais Monatte ? N'a-t-il pas bénéficié d'informations
personnelles précieuses, n'a-t-il pas eu en même temps que moi-
même des entrevues avec des camarades de diverses nuances
d'opinion, qualifiés pour nous documenter, n'avons-nous pas
partagé nos renseignements ? Dans l'énorme «littérature» publié
après coup par l'exécutif, n'a-t-il rien puisé ? N'a-t-il rien lu d'utile
dans divers journaux comme LeTemps (articles de M. Rollin),
L'Inform ation et certaines publications sérieuses comme celles du
Bureau International du Travail. Et si, après avoir tout lu, Monatte
peut écrire : «nous ne comprenons pas, nous ne pouvons pas
comprendre», il y a sans doute d'autres raisons que celle qu'il
invoque.
- 540 -
ils ne disent pas toujours ce qu'ils pensent, ils ne pensent pas
toujours ce qu'ils disent. Tout est empoisonné de tactique. Mais je
ferai mieux bientôt que de résumer des thèses, je les publierai
intégralement. Cela n'expliquera pas à Monatte «l'absence de grand
écho dans le parti russe» puisque personne là-bas ne les connaît,
c'est-à-dire que quelques centaines seulement les connaissent sur
un million de membres du Parti.
541
possibles. C'est un rien. Combien de lignes Monatte m'accorde-t-il
pour cette bagatelle ?
Boris Souvarine.
- 543 -
2 - La controverse
Otto Bauer-Karl Kautsky sur le S t a l i n e
1 A l'exception notable de la réédition par Henri Weber d'un livre écrit par Kautsky
en 1930 : Le Bolchevisme dans l'impasse, Paris, Collection Quadrige, Presses
Universitaires de France, 1982.
- 544 -
Le texte d'Otto Bauer avait été reproduit en annexe de notre
D.E.A. d'histoire, «Matériaux pour une étude de la pensée politique
de Boris Souvarine», (École des hautes études en sciences sociales,
Paris, 1983-1984). Nous le reprenons ici avec ceux de Karl Kautsky
et de Fritz Alsen qui n'avaient jamais été traduits en français. Nous
les reproduisons dans l'ordre chronologique de leur parution L La
traduction a été effectuée par Daniel Pullara. Qu'il trouve ici
l'expression de notre gratitude pour ce travail.
- 545 -
«Staline avec et sans masque»
- 546 -
Souvarine montre comment l'historiographie russe officielle
s'abandonne toujours un peu plus à l'accumulation dithyrambique
d'attributs enthousiastes : «colosse d'acier», «grand maître»,
«meilleur léniniste», «le meilleur d'entre les meilleurs» ; le livre de
Barbusse est l'exemple même de ce type d'historiographie qui ne
vise à démontrer rien d'autre que l'infaillibilité de l'homme «entre
les mains de qui repose la meilleure part de ton destin, qui que tu
sois».
- 550 -
personne de Staline, mais aussi avec les méthodes propres à Lénine
de choisir et de traiter les hommes.
- 554 -
Souvarine et Barbusse se sont aussi posés la question de
l'avenir du «pays de Staline». Naturellement pour Barbusse il n'y a
ici aussi aucun problème. Certes, il proclame : «La bureaucratie a
toujours tort», mais comment peut-on appeler bureaucratique le
régime de Staline ? Il aligne chiffres sur chiffres, les confronte
avantageusement avec le développement économique des autres
pays. Littéralement : «il est interdit de faire obstacle à l'évolution.
Il est interdit de se tromper».
- 555
parler, à propos de cette bureaucratie, d'une exploitation des
masses laborieuses, d'une accumulation du capital.
- 556 -
«Le D ictateur dans la dictature»
- 561
Une telle sélection se justifie par l'œuvre accomplie. L'œuvre
de Staline, c'est l'industrialisation et la collectivisation de l'économie
de l'Union soviétique, une œuvre qui a bouleversé non seulement
l'image de l'Union soviétique, mais aussi l'image du monde.
Souvarine insiste beaucoup sur le fait que Staline emprunte les
conceptions fondamentales de sa «ligne directrice» à des
adversaires vaincus par lui, conceptions qu'il avait combattues
comme utopiques avant qu'il n'en ait éliminé les auteurs. Mais dans
ce cas précisément, il ne s'agit pas tant de conceptions ou de
projets, mais de leur réalisation ; il s'agit d'avoir la volonté de ne
pas reculer devant les difficultés les plus démesurées, de tenir le
coup face aux obstacles les plus effrayants. Aussi nous est-il arrivé
de considérer la lutte entre Staline et Trotsky comme la lutte entre
l'idée et l'appareil, entre la personnalité et la bureaucratie. Mais
comment, pourrions-nous, face aux résultats impressionnants des
six dernières années, contester que Staline fût plus grand que nous
ne l'avions cru ? Une biographie qui, telle celle de Souvarine,
consacre à la lutte des fractions à l'intérieur du Parti un espace
beaucoup plus large qu’à l'industrialisation et à la collectivisation
de l'Union soviétique, ne rend pas justice à cette œuvre historique.
- 565 -
Réflexions sur le front unique
- 567 -
Goethe a dit une fois que l'infâme est le puissant. Otto Bauer
ajoute que, dans les conditions de la dictature, c'est le plus infâme
qui devient le plus puissant.
- 570 -
bolcheviks influents, fit carrément virer la politique bolchévique
!.»
Mais cette fois aussi Lénine obtint la victoire dans son parti. Il
espérait que les élections qui eurent lieu alors pour constituer une
Assemblée Nationale lui donneraient la majorité. En cela il se
trompait. C'est bien la coalition des partis socialistes — menchéviks,
bolcheviks et socialistes-révolutionnaires ensemble — qui réunit
une immense majorité. Les bolcheviks avaient encore une fois la
possibilité de participer à un front unique socialiste et de former
ainsi un gouvernement qui rassemblerait la grande masse du
peuple. La supériorité de cette masse aurait suffi à elle seule à faire
échouer toute tentative de soulèvement armé contre le
gouvernement socialiste. Si les bolcheviks s'étaient alors résolus à
ce front unique, la Russie se serait épargnée trois années de guerre
civile et l'effroyable misère qu'elles apportèrent, la paix et la
liberté auraient favorisé un rapide redressement de l'économie et
avec cela, un prolétariat tellement développé qu'il aurait été
- 571
presque capable de mettre en œuvre une bonne partie de
l'économie socialiste et de la gérer avec succès. Tout cela sans
dictature, sans terreur sanglante, grâce à la démocratie des
prolétaires et des paysans. Naturellement personne ne peut
affirmer en toute certitude que les choses se seraient réellement
passées ainsi, mais il y avait là la possibilité, l'unique possibilité de
faire naître de la Révolution autant de prospérité et de liberté pour
les masses populaires qu'il était permis étant données les
circonstances. Cette possibilité n'était donnée que dans la mesure
où le gouvernement socialiste s'appuyait sur la grande majorité de
la population, ce qui ne pouvait avoir lieu que par le front unique
socialiste.
* *
- 573
collectivisation de l'Union soviétique ne rend pas justice à la portée
historique de cette œuvre».
* *
- 578
Pourtant je ne saurais me réjouir de l'aspiration actuelle à la
formation d'un «front unique». Déjà le nom «front unique» donne à
penser. Pourquoi pas «l'union» avec les communistes ? Parce
qu'eux-mêmes n'envisagent pas une telle union. Il ne faut pas que
les ouvriers sociaux-démocrates et les ouvriers communistes se
rassemblent pour travailler ensemble à un but commun selon des
méthodes démocratiques qui impliquent qu'une décision, précédée
d'une franche discussion, soit prise par un vote libre et reconnue
aussi bien par la minorité que par la majorité. Non. Les
organisations qui jusqu'à présent sont séparées doivent le
demeurer et leurs actions communes ne seront mises en œuvre
qu'à la suite d'accords, passés entre elles. Alors même si l'une des
organisations ne représente qu'une toute petite minorité de
l'ensemble du mouvement, l'autre en constitue la grande masse.
Cela conduit à un renversement du principe de la démocratie. Il
peut arriver que, par un désir d'apaisement, la majorité s'incline
devant la minorité, du moins dans la mesure où celle-ci
empêcherait la majorité d'agir conformément à la direction décidée.
* *
C'est de cela dont il est question dans l'article déjà cité de Otto
Bauer, intitulé «Le front unique dans la politique mondiale». Bauer
pense qu'il serait souhaitable que les socialistes et les communistes
collaborent dans tous les domaines, mais cela se heurte à de
grandes difficultés. Cependant il y a un domaine qui ne
supporterait aucune expectative, celui de la politique mondiale. Que
la paix du monde soit menacée, il sera alors nécessaire et urgent de
construire un front unique. C'est la raison qui en est mal vue. La
scission des sociaux démocrates et des communistes est la moindre
cause de menace sur la paix mondiale. Le front unique serait
beaucoup plus important et beaucoup plus urgent pour
sauvegarder ou recouvrer la démocratie. C'est dans ce domaine
qu'apparaissent les péchés capitaux de la lutte communiste contre
la social-démocratie. La paix elle-même n'est menacée que par les
gouvernements fascistes. Afin de la sauvegarder, il serait urgent et
nécessaire de leur substituer un régime démocratique. Le front
unique qui voudrait se limiter à sauver la paix serait tout à fait
inapproprié. Sa condition de possibilité, ce serait qu'il serve avant
tout la lutte pour la démocratie.Il
- 586 -
L’ARTICLE DE J. PERA DANS
LA REVOLUTION PROLETARIENNE K
Vous lirez donc avec autant de plaisir que moi le gros bouquin de
Souvarine. Au long de ces pages vous aurez l’impression de
marcher en pays connu. C'est votre histoire que Souvarine vous
raconte, en cette histoire du bolchévisme. Les rois aiment beaucoup
paraît-il se faire raconter l'histoire de leur règne ; eh bien, vous
constaterez que pour des raisons différentes sans doute, les
humbles trouvent aussi plaisir et profit à se pencher sur ce qui fut
une grande expérience de leur vie.
587
Son travail est extrêmement documenté. Il est écrit avec
beaucoup de sérieux et on peut dire sans esprit polémique;
seulement une passion contenue bien compréhensible et un grand
désir de voir clair.
* * *
Bolchévisme et terrorisme
588
individuelle. Ils les réprouvent même à un point déraisonnable. Car
si tous les gouvernements, absolument tous, emploient ou ont
employé le meurtre en certaines circonstances, il faut bien se dire
que ce n'est pas par hasard. De même il semble sensé de penser
que, dans la lutte pour le pouvoir, l'éventualité peut se présenter
de devoir ou tuer ou disparaître, ou bien encore il peut y avoir des
situations où un attentat éclatant soit la seule forme possible de
protestation. A ces raisons de bon sens, les bolchéviks vainqueurs
ont toujours opposé des fins de non-recevoir, répétant qu'il n'est
pas d'autre moyen d'action révolutionnaire que la persuasion des
«masses».
1 On pourra penser ce qu'on voudra, mais c'était pour se procurer l'argent du tsar,
une manière toujours plus sympathique que celle des administrateurs de L'H um anité à
peu près à la même époque. Sous l'égide du camarade Briand (Aristide), c'était
l'arrosage pur et simple, L 'H um anité recevait à peu près autant à elle seule que toute
l'«abominablement vénale» presse bourgeoise.
589
l'obscur fonctionnaire du parti dans les combinaisons par lesquelles
il s'est haussé jusqu’au plus fantastique des pouvoirs personnels.
Passons vite sur la façon dont il élimine tous ses rivaux, puis les
piétine. «Je dois dire que quiconque admet la lutte sous la condition
de ne pas déconsidérer les chefs nie en fait la possibilité de toute
lutte idéologique dans le parti» déclare-t-il avec cynisme ou peut-
être, comme dit Souvarine, par incapacité de comprendre les idées
autrement qu'à travers les hommes... C'est peut-être là du
matérialisme, mais ça ne nous donne pas envie de nous pencher sur
ces anciennes luttes dont, au long de plusieurs années, nous avons
perçu, étonnés, les échos souvent écœurants.
590
Commission de contrôle; Tchoubar à la place de suppléant rendue
ainsi vacante au Politbureau; Boukharine au gouvernail de
l'Internationale, sans titre présidentiel; de moindres personnages
partout où l'appareil ne semble pas assez sûr.»
Après son triomphe, «il est inutile de suivre dans le détail les
opérations dites «organisatoires» par lesquelles Staline exerce alors
une souveraineté sans limite et dont l'efficacité secrète peut
s'exprimer en trois syllabes : Guépéou... On ne peut discerner les
motifs de la soudaine ascension d'un Syrtsov, promu à la Présidence
du Conseil des commissaires pour la Russie à la place de Rykov
destitué, sinon qu'il fallait bien nommer quelqu'un dont Staline soit
sûr, à tort ou à raison. Personne ne comprend autrement la
désignation de Molotov à la tête du Conseil des commissaires pour
l'Union soviétique, autre fonction retirée à Rykov, quitte à supposer
que Staline voulait s'en débarrasser du Secrétariat...»
591
Mais sous les apparences se cachent souvent des réalités plus
profondes. Trotski a-t-il raison?
«Trotski, attentif à découvrir une lutte de classes derrière toute
lutte de cliques, expliquera ses défaites, sans rien expliquer, par la
sourde poussée des paysans prospères et du capitalisme mondial.»
En fait, il est vraiment impossible d'expliquer quelque chose dans la
Russie postrévolutionnaire par la lutte des anciennes classes. Mais
Souvarine nous paraît approcher de la véritable explication en
indiquant en Staline dès 1923 «le type représentatif d'une classe
sociale en ascension».
LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Le gouvernement
592
fédération de «communes». Mais le temps est loin où Lénine
prévoyait des soviets librement élus et la « c o n c u r r e n c e
démocratique des partis» dans leur sein. La «dictature du
prolétariat» continue et, sous ce régime, comme l'a dit je ne sais
plus quel puissant du bolchévisme, il peut bien exister plusieurs
opinions prolétariennes, mais à la condition que ceux qui n'ont pas
l'opinion du pouvoir soient en prison.
593
Souveraineté, certes. Mais il est difficile de la croire collective.
On verra mieux :
594
«meilleur des léninistes», enfin le «meilleur des meilleurs» ... Tout
cela s'imprime chaque jour, à chaque colonne de chaque page de
chaque journal, dans un tutoiement extatique intraduisible. Au
Congrès, qui s'intitule modestement «Congrès des vainqueurs», le
record est battu par un des favoris, Kirov. lequel salue «le plus
grand chef de tous les temps et de tous les peuples». Les discours
s’ouvrent et se ferment sur une profession de foi à la gloire du
surhomme, avec explosion très spontanée d'ovations et
d'acclamations inextinguibles. Il faut renoncer à dépeindre l’accueil
réservé à Staline lui-même quand il prononce le rapport du Comité
Central. Après le Congrès, les échos du plébiscite se répercutent à
n'en plus finir dans des assemblées locales, des articles, des
résolutions, des télégrammes.
595
puissance dictatoriale sans équivalent dans le monde et sans
précédent dans l'histoire. »
596
«Les cadres organiques du Parti ne comptent pas moins de
100.000 individus pour quelque 1.200.000 membres et stagiaires.
En outre, environ la moitié de l'effectif total, soit plus d'un demi-
✓
fonctionnaires de l ’Etat.
597
paperassière, le parasitisme insatiable dont les principaux organes
bolchévistes signalent par interm ittence certains effets
tératologiques mais en respectant le mal dans ses causes
profondes.»
598
les place dans les commissions de contrôle», c'est-à-dire dans les
innombrables polices qui sont les organes de la dictature.
Suite (1)
599
Signalons que les survivances «prolétaro-communistes» dont
parle Racovski se chercheraient vainement en dehors du
vocabulaire officiel.
600
exploitation-là se comparerait non pas à un phénomène du passé,
mais à un phénomène contemporain, à une certaine forme
d'exploitation des indigènes dans certaines colonies françaises. En
Indochine, au Maroc, par exemple, des Français trop nombreux
forment un appareil administratif qui, par l'impôt, coûte à
l'indigène beaucoup plus qu'il ne lui rapporte L Exploitation
certaine, dont chaque fonctionnaire est participant. Mais dans notre
langue on a une répugnance certaine à dire que cette exploitation-
là, comme l'exploitation directe par le fonctionnaire prévaricateur,
résulte d'une certaine «propriété privée».
y
La vie ouvrière
1 Ne nous y trompons pas. Cette exploitation indirecte n'existe pas qu'en Russie et
dans les colonies française. Elle tend à progresser considérablem ent en France même.
Mais là ce n'est plus au bénéfice des fonctionnaires, c'est à celui de capitalistes. Le
temps n'est plus où armateurs et compagnies de chemin de fer, par exemple, cherchaient
leur profit dans la seule exploitation de leurs travailleurs et dans une certaine conduite
commerciale de leurs entreprises. Aujourd'hui, ils exploitent la nation entière par des
déficits fictifs que le produit des impôts vient combler.
601
«Une décision du Comité central (7 septembre 1929) avait
institué le «commandement unique» du directeur dans chaque
entreprise de production, abolissant les derniers droits théoriques
des comités ouvriers. Par la suite, les décrets s'accumulent au
préjudice irréparable du prolétariat souverain.
602
choc, vrai chantage à la faim et droits de priorité pour le logement,
le chauffage, les fournitures les plus nécessaires. En juin, les
salariés sont rendus responsables des avaries du matériel, ce qui
permet d ’assimiler au sabotage les accidents dus à la qualité
défectueuse des outils et de la matière première, au désordre
administratif, à l’incurie gouvernementale. Les chefs d’entreprise,
après le commissariat du Travail, reçoivent pleins pouvoirs de
transférer d'office techniciens et ouvriers spécialisés sans leur
assentiment...
603
* * *
1 Allusion au fameux roman de Gogol qui est, entre autres choses, une satire de la
façon dont les Russes font les comptes démographiques.
604
... Cette imprécision des chiffres est sans doute à rapprocher du
besoin d'une «statistique de classe» proclamé par les staliniens... A
rapprocher aussi de leur conception du journalisme : «l'information,
disent les professeurs de journalisme soviétique ne consiste pas à
donner des nouvelles, mais à faire l'éducation des larges masses«,
«l’information est un instrument de la lutte des classes, non un
miroir pour refléter avec objectivité les événements» ce qui, dit
Souvarine, justifie par avance tous les mensonges au nom de
l'intérêt plus ou moins mal compris de la révolution.
* * *
Fort mal.
605
documentation soviétique, à côté d'une creuse phraséologie de
propagande»
Fin 1929, «après le pain, les autres denrées sont rationnées, puis
les objets manufacturés. Le nombre des bouches à nourrir
augmente, mais les marchandises de nécessité primaire se raréfient
à mesure que les prix montent. Au seuil de l'an 1930, la
consommation par habitant reste en qualité et en quantité au-
dessous de la misérable moyenne d'avant-guerre, car «dans deux
domaines, celui du fe r et celui du blé, nous retardons
considérablement sur 1913«, convenait le président du Gosplan à la
dernière conférence du Parti».
606
Néanmoins, après la sinistre période vécue, une certaine
amélioration du ravitaillement se fit sentir, comme dans tous les
pays retardataires où l'activité économique dépend presque
entièrement de la moisson.»
Cela n'empêche pas que pour les objets industriels, en 34, «après
comme avant le plan quinquennal, il faut à l’habitant soviétique des
heures et des heures de station, des formalités interminables pour
se procurer une aiguille à Moscou, un clou en province et un peu
partout du sel, un billet de chemin de fer, un gramme de quinine».
Les paysans
607
suggestions, et même les exagère, et dirige le pays sans trembler, à
travers la guerre aux campagnes, vers la famine artificielle et
gouvernementale.
608
poursuivie sans relâche au cours des années suivantes et que les
calculs officiels varient entre 5 et 10.000.000 dans le
dénombrement des koulaks, non compris les malheureux moujiks
présumés dans l'aisance. (Peu après le premier quinquennium, en
1933, la presse de Rostov a signalé, par dérogation accidentelle à la
consigne du silence, la déportation en bloc de trois stanitsy
cosaques du Kouban, environ 50.000 personnes; or, plus de 100.000
habitants de la même région les avaient précédés sur les chemins
du malheur en direction nord.) On peut donc admettre que
5.000. 000 de villageois au moins, sans distinction d’âge ni de sexe,
ont été chassés de leurs foyers, voués à une misère inique et
beaucoup à la mort. Mr H. Walpole, qui a scruté avec attention les
données du commissariat du Travail, arrive aussi au total de 4 à
5.000. 000 pour 1931, chiffre largement dépassé par la suite, et en
fait état dans son introduction à Out of the Deep, Lettres from
Soviet Timber Camps l, recueil de lettres navrantes de Mennonites
déportés, dont l'authenticité est garantie par le directeur de la
Slavonie Review. Untémoin oculaire qualifié et renseigné, 1.
Solanévitch, un des rares évadés du bagne soviétique où il a
travaillé dans les services de planification et de répartition,
confirmera en 1935 ces estimations avec des précisions nouvelles.
Il est impossible de savoir combien ont péri de faim ou de froid
dans les forêts septentrionales, sur les chantiers des grands travaux
publics et dans lescamps de concentration. Mais des
renseignements partiels en donnent une idée à la fois imprécise et
terrible, surtout de l'hécatombe des enfants expulsés avec leurs
mères, parfois dans l'épouvante de la nuit, et malgré les rigueurs de
l'hiver transportés du sud au climat tempéré vers les zones
glaciales où tant de petits innocents privés de toit, de soins et de
tout, ont trouvé prématurément un tombeau.»
1 Anglais : Hors de l'abîme, lettres des camps soviétiques pour le travail des bois.
609
manière. Des millions de bêtes de trait sont abattues alors que la
traction mécanique n'existe encore qu'en projet, _ et il en résulte
une restriction automatique des labours et des emblavures. Des
dizaines de millions de bovins, de moutons, de porcs et de volailles
subissent le même sort, _ et le lait, la viande, les oeufs vont
manquer pendant des années. Une loi improvisée, trop tardive et
peu efficace, punit de prison le meurtre d'un boeuf ou d'un veau
perpétré «par malveillance». On rationne tous les produits, la ration
diminue mais la plupart des aliments disparaissent et le
ravitaillement des centres industriels est compromis pour
longtemps. La bureaucratie accuse tantôt la pluie, tantôt le beau
temps, puis les koulaks et enfin le bureaucratisme.»
610
( S uite et f i n )
En 1933, «on vit instaurer, dans l'immensité des plaines, avec des
sentinelles à pied et des gardes à cheval, une surveillance diurne et
nocturne inconnue dans les annales de l'agriculture. Il fallut dresser
des miradors au-dessus de la mer de seigle, afin d'y poster des
guetteurs armés, puis mobiliser la jeunesse communiste et même
des enfants pour épier la maraude; il fallut interdire l'accès des
chemins et des sentiers, sauf aux détenteurs du mot de passe. La
presse félicita des gamins qui avaient dénoncé leurs vieux parents,
«perruquiers» coupables d ’avoir «tondu» quelques poignées d'épis
cachés ensuite au fond d'un seau, recouverts d'herbes ou de fruits.»
«... La peine de mort pour vol s'applique aux larcins dans les
champs : un affamé ayant glané quelques épis ou dérobé quelques
légumes, produits de son labeur, sera passible de la sentence
capitale. De même, par une décision du Comité central, à de vagues
délits comme le sabotage des travaux agricoles et toute espèce
d'intention de nuire dans le labourage et l’ensemencement.»
Paperasserie et parasitisme :
611
supporter d'énormes frais généraux qui grèvent les prix de revient
et rendent les bilans déficitaires.»
612
canonisation des compositeurs du passé, à commencer par
Beethoven et Moussorgski». La lettre de Staline doit faire «d e
chaque orchestre soviétique un lutteur collectif pour le marxisme-
léninisme authentique...» Après la musique, la peinture. Tel critique
d'art dénonce un «paysage contre-révolutionnaire», telle autre
obscure et encombrante nullité proscrit Rembrandt et Rubens... Les
musées de Moscou s'enrichissent de pancartes explicatives suivant
quoi Renoir et Degas représentent le «capitalisme pourrissant»».
613
plan n'était pas un plan, par une prévision du développement jour
par jour ou mois par mois de la vie du pays avec coordination
constante entre les diverses activités, c'était une série de
programmes maximum à réaliser en cinq ans, puis en quatre, dans
les principales branches de la production ;
614
7° Et c'est certainement le point le plus important : Lénine a pu
dire que le socialisme c'était «les soviets plus l'industrialisation».
Les «soviets» n'existant plus en dehors du vocabulaire et de la
fiction constitutionnelle, on peut dire que Staline a industrialisé la
Russie en tournant le dos au socialisme. En ce malheureux pays «le
souvenir même du programme socialiste ou communiste a disparu,
hormis des pénitenciers».
Le régime knouto-soviétique
615
Si tentant cependant que soit le rapprochement, on aurait tort de
dire : la Russie est retombée dans son vieil absolutisme; il n'y a rien
de changé!
616
lutter contre leurs auto-mitrailleuses? (Demandez-le aux Syriens de
1919 et 1925 !) Comment lutter contre leurs presses?
Qu'ils veuillent bien réaliser cela ceux qui acceptent avec aisance
l'idée des régimes autoritaires, ceux qui acceptent que le socialisme
soit selon le mot de Spencer «un esclavage futur»! Cet esclavage ne
sera pas un simple rappel du passé. Il sera beaucoup plus terrible
que ce que l'histoire a déjà produit! ... Jetez seulement les yeux sur
les conditions matérielles et spirituelles des millions d'humains, à
l'ombre du drapeau rouge, du Pacifique au Rhin! Et ce n'est qu'un
commencement. Dès que la guerre éclatera, cet esclavage moderne
prendra sa véritable figure.
617
Beaucoup de camarades qui ont lutté pour la révolution russe à
l'époque héroïque, écœurés de ce qu'est devenu l'objet de leurs
espoirs, trouvent une explication simpliste à leur désillusion en
maudissant Staline. Tous les trotskistes, en particulier. Et chez eux
c'est systématique. Tout était très bien, pensent-ils, dans une très
bonne révolution dirigée par le meilleur des partis. Mais un
mauvais génie nommé Staline est venu. Et tout est devenu très
mauvais.
618
Tout ce qui nous révolte dans le bolchévisme d'aujourd'hui
existait déjà, ou était prévisible, dans le bolchévisme à qui nous
donnions notre amour.
1 Ce dernier point mérite qu'on s'y arrête. Souvarine cite quelques déclarations du
maître caractéristiques.
«L'histoire de tous les pays atteste que livrée à ses seules forces la classe ouvrière ne
peut arriver qu’à la conscience trade-unioniste.»
Le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit à le subordonner à l’idéologie
bourgeoise.»
... Mais tout n'est pas mauvais dans les idéologies des bourgeois, puisque seuls certains
bourgeois arrivent à être de vrais socialistes :
«le porteur de la science n'est pas le prolétariat, mais la catégorie des intellectuels
bourgeois : c'est en effet dans le cerveau de certains individus de cette catgorie qu’est
né le socialisme.»
En conséquence :
«La conscience politique de classe ne peut être apportée à l'ouvrier que de l’extérieur,
de l’extérieur de la lutte économique.» (Celle-ci est énorme et renferme, avec toute la
tyrannie possible, le germe de la nouvelle classe parasite!)
619
Voici un exemple de cette subordination aux beaux jours de
notre amour fervent :
620
achat de conserves alimentaires propre à révéler la pusillanimité, la
routine, la peur des responsabilités de la haute bureaucratie
soviétique : «Comment se fait-il que dans la capitale de la
République des Soviets, il ait fallu deux enquêtes, l'intervention de
Kamenev et de Krassine et un ordre du Politbureau pour acheter
des conserves ?»
621
Dans la mesure où nous avons pu croire que c'était un
mouvement d'où sortirait la libération des hommes, certainement
nous avons eu tort.
... Pour que le passage à une société ouvrière sans maîtres soit
raisonnablem ent imaginable, une autre condition que la
suppression violente des maîtres est nécessaire : c'est que dans les
industries, l'influence ouvrière balance l'influence patronale, et pas
seulement par la capacité de résistance ou de revendication des
ouvriers, mais par leur capacité d'organiser la production et la
622
société L Et quand je dis influence ouvrière, je ne veux pas dire
l’influence de quelques individus bien doués, issus de familles
ouvrières et formant l'état-major de quelque C.G.T., tyrans en
perspective - je veux dire l'influence des ouvriers eux-mêmes, des
ouvriers de chaque usine. Il faut que les ouvriers forment une
classe qui égale les autres classes au point de vue cohésion et les
dépasse en valeur humaine.
623
mériter que par la culture incessante de la dignité, de la vraie
fraternité, de la tolérance.
midi-là donc, dès 2 heures, la foule était dense à Hyde Park. Foule ouvrière et
entièrement antifasciste, foule immense. Bien avant que les fascistes n'arrivent, toutes
sortes d'orateurs étaient là, formant leurs petits meetings individuels. La plupart
ouvriers ou chrétiens, mais aussi des réactionnaires. Parmi ceux-ci, l'un m'a
particulièrem ent frappé. D'allure formidablement hypocrite, orateur d'un club
réactionnaire dont il avait accroché la pancarte à son tréteau, il disait aux ouvriers des
choses dures, fausses et révoltantes. Les ouvriers, tous antifascistes, l'écoutaient avec
colère, hachaient son discours d'interruptions, mais malgré l'énorme disproportion des
forces, la face à claques n'a pas été descendue, la face à claques a été respectée. Un
ouvrier britannique n'use pas de la force contre des arguments, même mauvais et
blessants! J'ai trouvé cela absolument étonnant. Je n'imagine pas une chose pareille en
France... Par contre, une des grandes causes de l'impopularité totale du fascisme
démontrée ce jour-là était que, dans un meeting fasciste récent, des interruptrices
antifascistes avaient été assomées. Procédé latin ou russe que n'admet pas l'ouvrier
anglais.
Angleterre, France, Italie ou Russie, échelle de libertés décroissantes. Et de respects de
l'homme décroissants.
624
Tâchons de limiter la catastrophe!
J. Péra.
625
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
626
I Archives :
— Fonds publics :
France
Bibliothèque nationale, Paris, départem ent des manuscrits
occidentaux.
— fonds Georges Bataille, une lettre non datée, (1932?), Réf. N.a. fr.
15854, f. 376.
— fonds André Lang, une lettre du 11 novembre 1967, N.a. fr. 15950,
f. 224.
— fonds Marcel Martinet, huit lettres de 1919 à la fin des années
vingt : . Fonds classé mais non coté à la date des renseignements
communiquées par Mme Florence de Lussy (lettre du 7 décembre
1990).
627
1960), Anne Roche, dix-neuf lettres (1982-1984), Sylvie Sator
(extraits de lettres à Simone Breton, 1929), Fred Zeller (1977-1980).
Autres pays :
628
II Journaux et périodiques consultés :
629
III. Périodiques ayant rendu comptes du Staline en
1935 et utilisés au chapitre III.
Nous donnons ci-dessous la liste des périodiques consultés par
ordre alphabétique, suivis de leur référence, du nom du rédacteur de
l'article et de la bibliothèque de consultation ou de la personne qui
nous a bien voulu nous communiquer l'article.
630
10. L'En dehors, n° 287, mi-octobre 1935
(communiqué par Alexandre Skirda)
11. Esprit, n° 40, 1er janvier 1936,
Marcel More (Institut d'histoire sociale, Paris)
12. Etudes, Tome CCXXV, 20 novembre 1935,
Louis Jalabert (communiqué par M. Daniel Pullara)
13. L'Etudiant socialiste, n° 4, janvier 1936,
Jean Rabaut (Bibliothèque de documentation internationale
contemporaine, Nanterre)
14. La France de Bordeaux, 21 août 1935,
Georges Bourgin (Bibliothèque nationale, Versailles)
15. Gringoire, n° 348, 5 juillet 1935,
Jean-Pierre Maxence (Bibliothèque nationale, Paris)
16. L ’Homme réel, n° 19, juillet 1935,
(Institut d'histoire sociale, Paris)
17. L'Idée libre, n° 10, octobre 1935,
J. B. (Centre international de recherches sur l'anarchisme,
Marseille)
18. L'Information sociale, 22 août 1935,
Magdeleine Paz (Bibliothèque nationale, Versailles)
19. Le Journal de Rouen, 3 et 24 septembre 1935,
R.G. Nobécourt (Bibliothèque nationale, Versailles)
20. Lectures prolétariennes, n° 1, 1935,
Robert Ranc (communiqué par Jean-Louis Panné)
21. Le Libertaire, n° 465, 4 octobre 1935
(Bibliothèque nationale, Paris)
22. Marianne, n° 144, 24 juillet 1935
(Bibliothèque nationale, Paris)
23. Le Mercure de France, 1er octobre 1935,
631
Emile Laloy (Bibliothèque municipale, Marseille)
24. Le Mois, n° 56, 1er août au 1er septembre 1935
(Bibliothèque de documentation internationale contemporaine,
Nanterre)
25. Le Musée social, n° 6, juin 1936,
(Le Musée social, Paris)
26. La Nation Belge, 16 juillet 1935,
Charles Bernard (communiqué par la Bibliothèque royale
Albert 1er, Bruxelles)
27. Nouvel Age, 4 septembre 1935, éditorial,
(Bibliothèque nationale, Paris)
28. Les Nouvelles littéraires, n° 665, 13 juillet 1935,
Pierre Dominique (Bibliothèque nationale, Paris)
29. La Nouvelle Revue Française, février 1936,
Etiemble (communiqué par Daniel Pullara)
30. L'Œuvre, n° 7215, 3 juillet 1935,
Gaston Martin (Bibliothèque nationale, Paris)
31. L ’Ordre nouveau, n° 25, 15 novembre 1935,
(communiqué par Pierre Andreu)
32. Le Peuple, n° 5450, 22 décembre 1935,
G. Stolz (Bibliothèque nationale, Paris)
33. Le Populaire, 30 juillet 1935,
Jean-Baptiste Severac (communiqué par le Centre de
recherches sur l'histoire des mouvements sociaux et du
syndicalisme, Paris)
34. Que faire ? Janvier et février 1936,
A. Martin, (Centre d'études et de recherches sur les
mouvements trotskystes révolutionnaires internationaux,
Paris)
632
35. La Révolution prolétarienne, n° 209, 25 octobre 1935, n° 210,
10 novembre , n° 211, 25 novembre 1935,
J. Péra (Institut d'histoire sociale, Paris)
36. Revue anarchiste, n° 24, octobre/décembre 1935,
Nobody (Centre international de recherches sur l'anarchisme,
Marseille)
37. Le Rouge et le Noir, 4 septembre 1935
Ernestan (communiqué par la Bibliothèque royale Albert Ier,
Bruxelles)
38. Russie et Chrétienté, n° 4, septembre 1935,
J.N. (communiqué par la Bibliothèque slave, Meudon)
39. Le Temps, 31 août 1935,
W. d'Ormesson, (Centre de recherches sur l'histoire des
mouvements sociaux et du syndicalisme, Paris)
40. Le Travailleur (Bruxelles), octobre 1935,
N[icolas] L[azarévitch], (communiqué par Alexandre Skirda)
41. La Wallonie, n°204 (16° année), mardi 23 juillet 1935
Lucien Laurat (communiqué par la Bibliothèque royale Albert
Ier, Bruxelles)
Journaux étrangers :
42. Annales Contemporaines, tome LIX, 1935,
Paul Milioukov (communiqué par l'Institut d'études slaves,
Paris)
43. Cité Nouvelle,
G. Fedetov (communiqué par la Bibliothèque de l'Ecole des
langues orientales, Paris)
44. Courrier Socialiste, n° 21, 10 novembre 1935,
633
R. Abramovitch (communiqué par la Bibliothèque de l'Ecole des
langues orientales, Paris)
45. Der Kampf, novembre 1935,
Otto Bauer (Institut d'histoire sociale, Paris)
46. Zeitschrift für Sozialismus,
n° 24-25, septembre/octobre 1935, Fritz Alsen,
n° 26-27, novembre/décembre 1935, Karl Kautsky
(Bibliothèque de documentation internationale contemporaine,
Nanterre)
634
III Ouvrages généraux :
635
Ciliga Ante, Au pays du mensonge déconcertant, Paris, Gallimard,
1938. Edition définitive : Dix ans au pays du mensonge déconcertant,
Paris, Champ libre, 1977.
Etiemble, Le Meurtre du petit père, Lignes d'une vie II, Paris, Arléa,
1989.
636
Korsch Karl, Marxisme et contre-révolution ( choix de textes traduits
et présentés par Serge Bricianer), Paris, Le Seuil, 1975.
637
Pétrement Simone, La vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1978.
Plisnier Charles, Faux passeports, [1937], Arles, Actes Sud, coll. Labor,
1991.
Poretski Elisabeth K., Les nôtres, vie et mort d’un agent soviétique,
Paris, Denoël, coll. Les Lettres nouvelles, 1969.
Ronsac Charles, Trois noms pour une vie, Paris, Robert Laffont, 1988.
Sernin André, Alain, un sage dans la cité, Paris, Robert Laffont, 1985.
638
Trotsky Léon, Sur la Deuxième guerre mondiale (textes rassemblés et
présentés par Daniel Guérin), Paris, Le Seuil, 1974.
Yvon, L'U.R.S.S. telle qu'elle est (préface André Gide), Paris, Gallimard,
1938.
* Chronologie :
639
Dictionnaires biographiques :
Andreucci Franco, Detti Tommaso, Il movimento operaio italiano,
1853-1943, Milan, Editori riuniti, 1978.
Arendt Hannah, Vies politiques, Paris, Gallimard, coll. les Essais, 1974.
640
Broué Pierre, L 'A s s a s s in a t d e T r o ts k y , Bruxelles, Complexe, coll. La
mémoire du siècle, 1980.
641
Fouché Pascal, L ’édition française sous l'Occupation 1940-1944.
642
Marie Jean-Jacques (voir Haupt Georges).
Nettelbeck Colin W., French forever, exile in the United States 1939-
1945, New-York/Oxford, Berg, 1991.
643
Témime Emile, L a g u e r r e d 'E s p a g n e c o m m e n c e , Bruxelles, Complexe,
coll. La mémoire du siècle, 1986.
travaux universitaires :
644
Cahiers du C.E.R.M.T.R.I., n° 7, juin 1985, «Les crimes du Guépéou :
documents sur les assassinats d'Ignace Reiss et de Rudolf Klement».
—, n° 10, 1993, «Pour un homme qui est mort trop tôt !» par Albert
Cornier, suivi par «Sur la revue Les Humbles» (Charles Jacquier).
645
Est et Ouest, nouvelle série, n° 15, février 1985, «Hommage à Boris
Souvarine».
L 'H isto ire, n° 103, septembre 1987, «La vie troublante de Ciliga,
communiste yougoslave» (entretien) par Marc Lazar et Jean-Louis
Panné.
Preuves, n° 17, juillet 1952, «John Dewey homme d'action» par Alfred
Rosmer.
646
IV R e n se ig n e m e n ts et té m o ig n a g e s ( e n tr e tie n s et
co rresp o n d an c es)
647
ESQUISSE BIBLIOGRAPHIQUE
DES ARTICLES
DE BORIS SOUVARINE
648
La bibliographie que nous présentons ci-dessous ne mentionne que
les périodiques auxquels Boris Souvarine a collaboré. Une liste de
livres, brochures et plaquettes a été établie à la suite de l'article de
Jeannine Verdès-Leroux consacré à Souvarine dans le numéro de mai
1984 de la revue Esprit.
Notre travail a été établi grâce à une liste établie par Souvarine lui-
même et se présentant comme suit :
Collaborations secondaires :
649
• 1918-1920 Le Phare - La Revue Communiste
• 1920-1925 La Nouvelle internationale
• 1921-1925 L'Internationale - L'Avant-Garde
• 1937-1940 The Modem Quaterly - La Vie Intellectuelle
• 1937-1940 La Revue de Paris - Le Mois Suisse
• 1937-1940 Life
• 1941-1954 The American Mercury - Partisan Review
• 1945-1946 Fortune - Virginia Quaterly
650
1937-1940 Les Nouveaux cahiers, bi-mensuel
1939-1940 Paris-Soir, quotidien
1916-1919 Le P opulaire so cia liste in te rn a tio n a liste ,
hebdomadaire puis quotidien
1925-1926
puis 1936 La Révolution prolétarienne, mensuel
1920 La Revue communiste, mensuel
1937 La Revue de Paris, bi-mensuel
1932-1934 Le Travailleur (Berfort), hebdomadaire
1918 La Vérité, quotidien
1928 La Vérité (Limoges), hebdomadaire
1938 La Vie intellectuelle, bi-mensuel
Bulletin communiste
1ère année : n° 1, 1er mars 1920 —> 5ème année : n° 46, 14 novembre
1924.
Sous-titré : Organe du Comité de la troisième Internationale du n° 1
(mars 1920) au n° 49 (novembre 1921).
Devient Organe du Parti communiste (S.F.I.C.) à partir du n° 50 (1921)
et jusqu'en novembre 1924.
Parution hebdomadaire.
Le n° 43 du 26 octobre 1922 porte le nom de Bulletin communiste
international (fondé par le comité de la 3ème Internationale) à la suite
de la décision du nouveau Comité directeur du Parti de remplacer son
fondateur et directeur, Boris Souvarine par Paul Louis. Les n° 44
(2 novembre 1922) à 51 (21 décembre 1922) sont publiés par le
Bureau politique du P.C.F. Après le 4ème Congrès mondial de
l'Internationale communiste, la direction du Bulletin revient à Boris
Souvarine avec Amédée Dunois comme directeur suppléant. Le
numéro du 28 décembre 1922 reprend sa numérotation au n° 44,
sans tenir compte des numéros publiés en novembre et décembre
1922 par l'ancienne direction du Parti.
652
proteste par une «Lettre aux abonnés du Bulletin communiste»
appelant à une souscription en vue de publier une revue marxiste.
En novembre 1924 le P.C.F. publie un nouvel hebdomadaire les
Cahiers du bolchévisme (organe théorique du Parti communiste
français).
653
n° 25 - 19 août : p. 1 : «Leur politique et la nôtre».
n° 26/27 - 26 août : p. 1/2 : «L'orientation nouvelle du Parti
socialiste».
n° 28 - 2 septembre : p. 1/2 : «Vers l'orientation nouvelle du
mouvement ouvrier».
n° 29 - 9 septembre : p. 1/2 : «La politique et les syndicats».
n° 30/31 - 16 septembre : p. 3 à 6 : «Critique des déclarations et
rapports faits par M. Cachin et Frossard devant
l'I.C.»
n° 32 - 23 septembre : p. 1/2 : «Reconstructeurs à tout prix».
p. 9 à 11 : «Le Populaire contre la IIIè
Internationale».
n° 33 - 30 septembre : «Légalité et illégalité».
n° 34/35 - 7 octobre : p. 1/2 : «Au congrès de la C.G.T.»
n° 36 - 14 octobre : p. 1/2 : «L'adhésion à la IIIè Internationale»,
p. 15 : «Mesures de défense».
n° 37 - 21 octobre : p. 1/2 : «La victoire de la gauche allemande».
n° 38/39 - 28 octobre : p. 1/2 : «Nécessité d'une presse
communiste».
n° 40 - 4 novembre : p. 1/2 : «Nécessité d'une presse communiste».
n° 41/42 - 11 novembre : p. 1/2 : «Le 3è anniversaire de la
République Soviets»,
p. 6/7 : «Héros et martyrs du communisme :
John Reed».
n° 43 - 18 novembre : p. 1/2 : «La motion des reconstructeurs».
n° 44/45 - 25 novembre : p. 1 : Hors de l'Internationale
p. 7/8 : «Le Bulletin communiste et L e
Populaire».
n° 46 - 2 décembre : p. 1 à 3 : «Nécessité d'une scission».
n° 47/48 - 9 décembre : p. 1/2 : «Héros et martyrs du
communisme : Lefebvre, Vergeat, Lepetit»,
p. 4 à 6 : «Un comité de résistance».
n° 49 - 16 décembre : p. 1 à 4 : «L 'Internationale des
reconstructeurs».
n° 50/51 - 23 décembre : p.3/4 : «De l'alliance à la fusion».
n° 52/53 - 30 décembre : «Le Congrès de Tours».
654
n° 1 - 6 janvier : p. 1/2 : «Après le congrès de Tours et la
scission salutaire»,
p. 3 : «Lettre de Loriot et de Souvarine au
Congrès de Tours».
n° 2 - 13 janvier : p. 17/18 : «Il est encore temps de choisir»,
n° 3 - 20 janvier : p. 33/34 : «L'esprit communiste»,
n° 4 - 27 janvier : p. 49 à 51 : «La scission en Italie»,
p. 64 : «Les raisons de Verfeuil».
n° 5 - 3 février : p. 65/66 : «Aux ordres de Moscou ?»
n° 6 - 10 février : p. 81/82 : «Les communistes à l'épreuve»,
n° 7 - 17 février : p. 97/98 : «Les naufrageurs de la C.G.T.»
n° 8 - 24 février : p. 116 : «Voix de prison» (Loriot, Souvarine).
n° 13 - 31 mars : p. 201/202 : «Les communistes devant
l'opinion»,
n° 14 - 7 avril : p. 217/218 : «Le III® Congrès de
l'Internationale communiste».
n° 18 - 5 mar : p. 293 à 296 : «Commentaires d'un
communiste».
n° 33 - 11 août : p. 545/546 : «Contre l'opportunisme de droite
et l'inopportunisme de gauche».
n° 42 - 6 octobre : p. 690 à 697 : «Le III® congrès communiste
mondial - Notes et commentaires».
n° 50 -10 novembre : p. 819 à 823 : «Ni indolence, ni démagogie».
n° 55 - 15 décembre : p. 918 à 926 : «Le parti communiste français à
la veille du congrès de Marseille».
n° 56 - 22 décembre : p. 941 : «La confession de Bakounine» par
Victor Serge. Présentation de B. Souvarine
655
n° 32 - 3 août : p. 601/602 : «La crise du parti français vue
par un optimiste» (La C orrespondance
internationale, n° 55, 27 juillet 1922).
n° 33 - 10 août : p. 617/618 : «La Seine»,
p. 619 : «Déclaration»,
p. 620 à 623 : «L'Internationale et le Parti
français. Un discours de Souvarine».
n° 34 - 17 août : p. 633/634 : «Pour ou contre le communisme»,
p. 644/645 : «Deuxième discours de
Souvarine».
n° 36 - 31 août : p. 665 à 667 : «Notre crise».
n° 37 - 7 septembre : p. 681 à 683 : «Des ouvriers, pas
d'ouvriérisme».
n° 38 - 14 septembre : p. 697 à 699 : «Nos désaccords»,
p. 712 : «La révolution prochaine».
n° 39 - 21 septembre : p. 713/714 : «Quatre motions de politique
générale»,
p. 727/728 : «Ouvriers et intellectuels»
(Réponse à une lettre de M aurice
Chambelland).
n° 40 - 28 septembre : p. 729/730 : «Sur le Front unique».
n° 41 - 5 octobre : p. 753/754 : «Le salut de notre parti».
n° 42 - 12 octobre : p. 777 à 779 : «A la veille du congrès»,
p. 782 à 785 : «Pour et contre le Front unique»
(Discours prononcé devant l'Assemblée des
militants de la Fédération de la Seine),
p. 789/790 : «Le IVe Congrès mondial et son
ordre du jour».
n° 43 - 26 octobre : (Fondé par le Comité de la Ille Internationale)
p. 794 à 796 : «Que l'Internationale décide —
La leçon du Congrès».
n° 44 - 28 décembre : p. 818 : «L'Internationale a décidé»,
p. 819 à 822 : «La gauche avait raison».
656
n° 10 - 8 mars : p. 145/146 : «Une tâche pressante parmi les
autres».
n° 11 - 15 mars : «Le courage de la lâcheté».
n° 12 - 22 mars : «L'occasion manquée».
n° 13 - 29 mars : «Les 25 ans du Parti communiste russe»,
«Remaques à propos de l'impérialisme».
n° 14 - 5 avril : «Un parti communiste».
n° 15 - 19 avril : p. 167/168 : «Une brochure de Léon Trotsky».
n° 17 - 26 avril : p. 183/184 : «Le XIIe Congrès du Parti
bolchévik».
n° 19 - 10 mai : p. 223 : «Sur l'Impérialisme».
n° 32 - 9 août : p. 464/466 : «Antoine Ker» (Article écrit à
Moscou pour la revue l 'I n t e r n a t i o n a le
communiste n° 26/27 - 1923).
n° 34 - 23 août : p. 504/507 : «Q uelques problèm es
internationaux».
n° 35 - 30 août : p. 520 à 522 : «L'anniversaire de l'attentat
contre Lénine».
n° 36 - 6 septembre : p. 536 à 538 : «Les Etats-Unis d'Europe».
n° 37 - 13 septembre : p. 560 à 564 : «D'autres problèmes
internationaux».
n° 38 - 20 septembre : p. 576 à 579 : «Syndicalisme et
nationalisme».
n° 39 - 27 septembre : p. 592 à 594 : «Parti et classe».
n° 44 - 1er novembre : p. 787/788 : «Les premiers aspects d'une
guerre civile»,
p. 794/795 : «La question des réparations».
n° 45 - 8 novembre : p. 801 à 803 : «Révolution russe, révolution
allemande, révolution mondiale».
n° 46 - 15 novembre : p. 817/818 : «Péripéties d'une guerre civile».
n° 47 - 22 novembre : p. 841/842 : «Quelques leçons d'un échec».
n° 48 - 29 novembre : p861/862 : «Avec les “hors la loi”».
n° 49 - 6 décembre : p. 877/878 : «Les tâches du Parti bolchévik».
n° 50 - 13 décembre : p. 897 à 900 : «Le XIIIe Congrès du Parti
bolchévik»
n° 51 - 20 décembre : p. 921/922 : «Notre congrès».
p. 923 à 925 : «Le parti communiste russe se
critique et se redresse».
657
n° 52 - 27 décembre : p. 945 à 948 : «Le Cours nouveau du Parti
bolchévik».
658
communiste russe (traduit par le camarade
Lounatcharsky)».
n° 26 - 27 juin : p. 630/631 : «Le cas Souvarine devant
l'Exécutif élargi (Interventions de Souvarine)».
Bulletin communiste
659
n° 2 - 30 octobre : p. 4/5 : «La crise du communisme»,
p. 14 : «Chronique de la vie soviétique :
Progrès économiques et difficultés nouvelles»,
n° 3 - 6 novembre : p. 35 : «Frounzé»,
p. 36/37 : «Le huitième anniversaire de la
Révolution d'Octobre».
n° 4 - 13 novembre : p. 50/51 : «L'actualité politique et sociale»,
p. 59/60 : «Progrès économiques et difficultés
nouvelles, chronique de la vie soviétique»,
p. 61 à 64 : «Opinions et arguments de nos
lecteurs : réponses».
n° 5 - 20 novembre : p. 66/67 : «La social-démocralisalion du Parti
communiste français».
n° 6 - 27 novembre : p. 84 à 87 : «Ni kérenskisme, ni fascisme ou :
misère des comparaisons superficielles»,
n° 7 - 4 décembre : p. 104/105 : «Kautsky contre Trotsky».
n° 8 - 11 décembre : p. 115 à 118 : «Notre tactique, notre
programme»,
p. 125 à 127 : «Chronique de la vie soviétique :
Avant le XlVe Congrès du Parti»,
n° 9 - 18 décembre : p. 130 : «L'actualité politique et sociale»,
n° 10 - 25 décembre : p. 149 à 153 : «Le XIVe Congrès bolchévik. La
signification d'une défaite».
660
p. 247 : «Lettre au comité exécutif de l'I.C.
(10 décembre 1925)».
661
p. 527/528 : «Réponses à L'Humanité. Lettres
au gérant de L'H um anité du 15 mars 1929 et
du 20 mars 1929».
Clarté
1919
1920
Combat marxiste
662
La C o rresp o n d a n ce in te r n a tio n a le
La Critique sociale
663
n° 1 - mars 1931 : p. 1 à 4 : «Perspectives de travail».
Revue des livres :
Sciences sociales : p. 16 : Frédéric Engels : L'origine de la famille,
de la propriété privée et de l'Etat. Traduit par
Bracke (A.M. Desrousseaux) (Paris, Alfred
Costes, 1 vol. in-16 de 240 p.)
p. 17/18 : V.I. Lénine : Œuvres complètes. TX,
la Tactique électorale des bolchéviks et la lutte
contre le menchévisme. (Paris, Editions
sociales internationales, 1 vol. in-8 rel. de
586 p.)
Biographies-mémoires
p. 19 à 22
• Louis R. Gottschalk : Jean-Paul Marat (Paris, Payot, 1 vol. in-8)
• Valeriu Marcu : Lénine (Paris, Payot, 1 vol. in-8)
• Pierre Chasles : La vie de Lénine (Paris, Plon, 1 vol. in-16)
• Pierre Fervacque : La vie orgueilleuse de Trotsky (Paris,
Fasquelle, 1 vol. in-16)
• Hélène Iswolsky : La vie de Bakounine (Paris, Gallimard, 1 vol.
in -16)
• Ilya Ehrenbourg : La vie de Gracchus Babeuf (Paris, Gallimard, 1
vol in-6)
• John Drinkwater : La vie de Cromwell (Paris, Gallimard, 1 vol.
in-16)
• Emmanuel Aegerter : La vie de Saint-Just (Paris, Gallimard,
1 vol. in-16) - p. 19 à 22
• Général Brou ssilov : Mémoires. Guerre 1914-1918. Préface du
Général Niessel (Paris, Librairie Hachette, 1
vol. in-16) - p. 22/23
• J. Steinberg : Souvenirs d'un commissaire du peuple, 1917-
1918 (Paris, Gallimard, 1 vol. in-16) - p. 23
664
Qu'est-ce que le plan quinquennal ? (Bureau
d'Editions, une brochure in-8)
V. Molotov : Nouvelle étape (Bureau d'Editions, une
brochure, in-8)
L'édification du socialisme et les malaises de
croissance (Bureau d'Editions, 1 vol. in-16)
J. Staline : La collectivisation du village (Bureau
d'Editions, 1 vol. in-16)
I. Yakovlev : Les exploitations collectives et l'essor de
l'agriculture (Bureau d'Editions, une brochure,
in-16)
A.L. Strong : L'agriculture soviétique moderne (Bureau
d'Editions, une brochune, in-16)
N. Krylenko : La lutte de classe par le sabotage (Bureau
d'Editions, une brochure, in-16)
Krjijanovsky : Révélations sur un complot contre le pouvoir
soviétique (Bureau d'Editions, une brochure, in-
8)
L'ouvrier dans l'Union soviétique (Bureau
d'Editions, une brochure, in-8)
La femme libérée et le plan quinquennal
(Bureau d'Editions, une brochure, in-8)
p. 25/26
Elie Borschak : La paix ukrainienne de Brest-Litvosk. Extrait
du Monde slave (Paris, Alcan, une brochure,
in-8)
*
n° 2 - juillet 1931 :
p. 49 à 50 «D. B. Riazanov».
Revue de livres :
Sciences sociales :
• Lénine : La Commune de Paris (Paris, Bureau d'Editions,
brochure, in-16) - p. 66
Révolution russe :
• P. Gorine : La Révolution russe de 1905 (Paris, Bureau
d'Editions, 1 vol. in-16)
• B. Bajanov : Avec Staline dans le Kremlin (Paris, Les
Editions de France, 1 vol. in-16)
665
• J. Staline : Deux bilans. Rapport du comité central au XVIe
congrès (Paris, Bureau d'Editions, in-8)
Discours sur le plan quinquennal. Préface de
Georges Valois (Paris, Librairie Valois, in-8)
*
n° 3 - octobre 1931 :
Revue de livres :
Histoire :
• A. Gorovtseff : Les révolutions. Comment on les éteint.
Comment on les attise (Paris, Félix Alcan, 1 vol.
in-16) - p. 121/122
Révolution russe
• A. Block : Les derniers jours du régime impérial (Paris,
Gallimard, 1 vol. in-16 de 223 p.)
• L. Bach : Histoire de la révolution russe
I - La révolution politique (Paris, Librairie
Valois, 1 vol. in-8 de 362 p.) p. 125/126
n° 4 - décembre 1931
p. 145 à 147 «Chaos mondial».
Revue de livres :
Sciences sociales
• Lénine : La Révolution bolchévique (Paris, Payot, 1 vol.
in-8 de 387 p.) p. 166
Histoire :
• V. Serge : L'An I de la Révolution russe (Paris, Librairie
du Travail, 1 vol. in-8 de 471 p.) p. 166/167
Révolution Russe :p. 169 à 171
• A. de Monzie : Petit manuel de la Russie nouvelle (Paris,
Firmin Didot, 1 vol. in-16 de 332 p.)
666
• V. Molotov (Scriabine) : Le plan quinquennal triomphe (Paris,
Bureau d'Editions, brochure in-16 de 72 p.)
n° 5 - mars 1932 :
p. 193 à 196 «Le socialisme et la guerre».
Revue de livres :
Biographie - Mémoires :
• V. Kluchevski : Pierre le Grand et son œuvre (Paris, Payot, 1
vol. in-8 de 262 p.)
• E. Bey : S ta lin e (Paris, Gallimard, 1 vol. in-16 de
282 p.), p. 223
Politique internationale :
• L. Trotsky : Les problèmes de la révolution allemande
(Paris, Ed. de la Vérité, broch. de 61 p.), p. 224
Union soviétique :
• M. Foubman : Piatiletka. Le Plan russe (Paris, Rieder, 1 vol.
in-16 de 225 p.)
* H.R. Knickerbocker : Les progrès du plan quinquennal (Paris,
Valois, 1 vol. in-16 de 302 p.)
n° 6 - septembre 1932 :
p. 241/242 «Sombres jours».
Revue de livres :
Politique :
• C. Malaparte : Technique du coup d'Etat (Paris, Bernard
Grasset, 1 vol. in-16 de 295 p.) p. 269/270
n° 7 - janvier 1933 :
p. 1 à 6 «Quinze ans après».
Revue de livres :
Histoire :
• L. Trotsky : Histoire de la Révolution Russe
I - La Révolution de février (Berlin, Edition
Granit, . in-16 de 532 p.)
* C. Malaparte : Le bonhomme Lénine (Paris, Grasset, 1 vol. in-
8 Couronne, 385 p.) p. 38/39
667
• F.A. Ossendowski : L é n in e (Paris, Albin Michel, 1 vol. in-8,
445 p.) p. 38/39
Politique Internationale :
• J. Lovitch : Tempête sur l'Europe. Introduction de Henry
Rollin (Paris, Ed. La Flèche d'Or, in-16 écu,
221 p.) p. 40/41.
Bibliographie :
• Victoroff-Toporoff :: Rossica et Sovietica. B ibliographie des
ouvrages parus en français de 1917 à 1930
inclus relatifs à la Russie et à l'URSS (Saint-
C loud, E d itio n s d o cu m en taire s et
bibliographies, 1 vol. in-8 de 130 p.) p. 51
n° 8 - avril 1933 :
p. 57 à 60 «Anniversaire et actualité».
n° 9 - septembre 1933 :
Revue de livres :
Sovietica :
• V. Pozner : URSS. Présentation de Luc Durtain (Paris, Les
œuvres représentatives, 1 vol. in-8 de 255 p.)
p . 132/133
Bibliographies -Mémoires :
• J. Jacoby : Lénine (Paris, Flammarion, 1 vol. de 126 p.) p.
137
n° 10 - novembre 1933 :
Revue de livres :
Doctrines :
• P. Lafargue : Textes choisis, annotés et préfacés par J. Varlet
(Paris, Editions Sociales Internationales, 1 vol.
in-8 de 188 p.) p. 176
668
Alexandra Dumesnil avec la collaboration de
Wilfrid Lerat. Introduction de Camille Bloch
(Paris, Alfred Costes, 1 vol. grand in-8 de 734
p.) p. 194/195
n° 11 - mars 1934 :
p. 201 à 205 «Les Journées de février».
Revue de livres :
Biographies - Mémoires :
• O. Rulhe : Karl Marx (Paris, Grasset, 1 vol. in-8 de 423 p.)
p. 247/248
Le Figaro
Cote BN : D 13
1937
1938
669
n° 60 - 1er mars : «Nouvelles perspectives sanglantes en URSS».
n° 61 - 2 mars : «Une lutte sans merci pour le pouvoir dans les
coulisses du Kremlin».
n° 62 - 3 mars : «Le procès monstre est ouvert
n° 63 - 4 mars : «Le procès de Moscou».
n° 64 - 5 mars : «Le procès de Moscou».
n° 65 - 6 mars : «Les accusés dénoncent leurs “complices” de
France et d'Angleterre».
n° 66 - 7 mars : «L'incroyable excès des aveux se retourne
contre l'accusation».
n° 67 - 8 mars : «Les débats se poursuivent dans l'obscurité et
l'incohcrcncc».
n° 68 - 9 mars : «Encore des dénégations et toujours des
aveux».
n° 73 - 14 mars : «Après le verdict du tribunal suprême de
l'URSS».
n° 81 - 22 mars : «Les mystères du Kremlin
Les morts en sursis, les assassinats médicaux et
la solitude de Staline».
n° 83 - 24 mars : «“Epuration” soviétique,
Les coupes sombres de Staline dans l'Armée et
la Flotte rouges».
n° 96 - 6 avril : «Hitler va-t-il protéger les Allemands de la
Volga ?»
n° 302 - 29 octobre : «Le silence de Staline».
n° 343 - 9 décembre : «La Guépéou change de tête».
1939
670
Une partie serrée se joue entre Hitler et
Staline».
n° 139 - 19 mai : «Ivan Maïski à Genève ou les raisons de
Staline».
n° 206 - 25 juillet : «Heur et malheur de Fedor Raskolnikov».
n° 214 - 2 août : «F. Raskolnikov plaide non coupable».
n° 235 - 23 août : «Depuis longtemps l'URSS désirait un
rapprochement avec le Reich».
n° 236 - 24 août : «Les raisons de Staline».
n° 237 - 25 août : «La promptitude diplomatique de Staline».
n° 239 - 27 août : «Une “lettre ouverte" à Staline. Le réquisitoire
d'un ambassadeur des Soviets».
n° 244 - 1er septembre : «Le conseil suprême de l'URSS modifie la
loi militaire et ratifie le pacte germano-
soviétique».
n° 336 - 2 décembre : «La civilisation finlandaise en péril».
n° 338 - 4 décembre : «Un fantoche : Otto Wilhelm Kuusinen».
n° 354 - 20 décembre «Staline n'aura pas sa victoire à l'occasion
de son 60e anniversaire».
n° 357 - 23 décembre «Pourquoi l'armée allemande est en échec
en Finlande».
n° 364 - 30 décembre «L'armée rouge en Finlande. Pourquoi tout
ressort moral fait défaut aux troupes
soviétiques».
1940
671
n° 130 - 9 mai : «Kelim Vorochilov maréchal sans victoire n'est
plus à la tête de l'Armée rouge».
L'Humanité
n° 1 le 18 avril 1904
Sous-titré «journal socialiste» jusqu'au 7 avril 1921
A partir du 8 avril 1921 —> «journal communiste»
Directeur : Marcel Cachin
Cote BN : D 30
Les articles précédés du signe * sont signés Varine
1920
672
1921
1922
673
n° 6585 - 5 avril : «La vérité. Comment seront jugés les social-
révolutionnaires».
n° 6589 - 9 avril : «Le procès des socialistes révolutionnaires».
n° 6594 - 14 avril : «Le procès des socialistes révolutionnaires.
Conversation avec Konopleva et Semionov».
n° 6606 - 26 avril : «Anatole France mystifié».
n° 6624 - 15 mai : «Le procès des social-révolutionnaires».
n° 6634 - 25 mai : «Premier Mai à Pétrograd».
n° 6643 - 3 juin : «Plutôt l'indiscipline !».
n° 6665 - 25 juin : «Le procès des social-révolutionnaires. Les
menées des Internationales réformistes».
n° 6667 - 27 juin : «Devant le tribunal suprême révolutionnaire.
Notes d'un témoin».
n° 6683 - 13 juillet «Le front unique et l'expérience russe».
n° 6711 - 10 août : «Le procès des S.R.».
n° 6712 - 11 août : «La condamnation du Parti S.R.».
n° 6713 - 12 août : «Les Dieux ont soif !
La condamnation du Parti S.R.».
n° 6714 - 13 août : «Les Dieux ont soif !»
n° 6715 - 14 août : «Les Dieux ont soif !
Les effets de la terreur rouge sur le parti S.R.»,
«Une ignominie»,
«La condamnation du parti S.R.».
n° 6716 - 15 août : «Les Dieux ont soif !
La disparition des S.R. de gauche».
n° 6717 - 16 août : «Les Dieux ont soif !
Crimes des S.R. et châtiment».
n° 6718 - 17 août : «Les Dieux ont soif !
Les accusateurs des S.R.».
n° 6720 - 19 août : «La co n tre-rév o lu tio n m asquée. Une
déclaration des émigrés S.R».
n° 6722 - 21 août : «M. Herriot et les Soviets».
n° 6725 - 24 août : «Les amis des S.R. Leurs boniments».
n° 6726 - 25 août : «La déchéance de deux partis socialistes».
n° 6727 - 26 août : «La fin du parti indépendant d'Allemagne».
n° 6728 - 27 août : «La future scission des socialistes italiens»,
«Un nouveau congrès de Tours».
n° 6729 - 28 août : «Une Internationale de moins».
n° 6732 - 31 août : «Les légendes absurdes».
674
n° 6733 - 1er septembre : « S c is s io n s et fu s io n s dans
l'Internationale».
n° 6746 - 14 septembre : «Leurs calomnies. Le prétendu suicide de
Timofeiev».
n° 6748 - 16 septembre : «La résurection de Timofeiev
1923
Moscou».
n° 7034 - 31 mars : «Le front unique contre les soviets».
n° 7035 - 1er avril : «En Russie soviétique. Ralliem ent au
communisme».
n° 7036 - 2 avril : «Le mouvement antireligieux en Russie
soviétique».
n° 7044 - 10 avril : «Choses de Russie».
n° 7046 - 12 avril : «“Ce n'est pas une résolution, c'est une
tactique...”».
n° 7047 -1 3 avril : «N.E.P.»
n° 7048 - 1 4 avril : «Ce que nous dit Léon Trotsky».
n° 7054 - 20 avril : «Le Parti bolchévik tient son 12e congrès,
Une nouvelle phase de la Révolution».
n° 7055 - 21 avril : «Les bolchéviks discutent».
n° 7057 - 23 avril : «Pendant que siège le Congrès bolchévik».
n° 7058 - 24 avril : «Le parti bolchévik trace sa ligne».
n° 7079 - 16 mai : «Le 12e congrès du Parti bolchévik».
n° 7084 - 21 mai : «Six ans après».
n° 7172 - 17 août : «Tsé-Kou-Bou».
n° 7173 - 18 août : «L'Internationale ham-bourgeoise».
n° 7177 - 22 août : «Perspectives révolutionnaires».
675
n° 7180 - 25 août : «L'Eléphant».
n° 7196 - 10 septembre : «Drôle de libertaire».
n° 7246 - 30 octobre : «Retour de Russie : Interview avec Souvarine».
n° 7247 - 31 octobre : «Le fascisme contre le prolétariat allemand.
Déclaration de Clara Zelkin».
n° 7248 - 1er novembre : «Allemagne et Russie rouges. Un rapport
avec Léon Trotsky. Réponses à quelques
questions».
n° 7250 - 3 novembre : «Le congrès du Parti communiste
norvégien».
n° 7251 - 4 novembre : «La Révolution allemande vue de Moscou.
Un exposé de Léon Trotsky devant les ouvriers
métallurgistes».
n° 7253 - 6 novembre : «La scission dans le Parit communiste
Après la défaite bulgare. Déclarations de
Kolarov».
n° 7260 - 13 novembre : «Dansl'Internationale jaune. Menchéviks
et socialistes révolutionnaires essaient de
fusionner».
n° 7261 - 14 novembre: «La Révolution choisit son heure».
n° 7264 - 17 novembre: «En Russie rouge
Le sixième anniversaire de la Révolution».
n° 7265 - 18 novembre: «Les émigrés russes s'expliquent».
n° 7266 - 19 novembre: «Socialisme et nationalisme».
n° 7274 -27 novembre : «Une ré u n io n com m une des
Internationales social-démocrate et syndical-
réformiste7.
n° 7280 - 3 décembre : «Il faut détruire la presse vénale».
n° 7281 - 4 décembre : «Les Preuves».
n° 7282 - 5 décembre : «Ce que les honnêtes gens doivent savoir.
“L'abominable vénalité de la presse”. Le Figaro
et La Liberté en vilaine posture. Nous ne serons
pas seuls».
n° 7283 - 6 décembre : «Ce que les honnêtes gens doivent savoir.
Un lot de maîtres-chanteurs. Le Sénateur
Bérenger à l'ouvrage. Une manœuvre de M.
Tary».
n° 7284 - 7 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...”. Le Matin dit tout mais... pas cela.
676
7285 - 8 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...”.
M. Bunau-Varilla et sa comptabilité».
7286 - 9 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...”. Le Matin poursuit. L 'H um anité
continue. L'Humanité assigne Le Matin en 500
000 francs de dommages et intérêts».
7287 - 10 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” M. Perchot, sénateur, Légion
d'Honneur et maître-chanteur».
7288 -1 1 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Le Petit parisien et Le Petit journal
ne valent pas mieux que Le Matin !»
7289 - 12 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Agent de change... Agents de
chantage !»
7290 - 13 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” M. Arthur Meyer sur la sellette».
7291 - 14 décembre : «“L’abominable vénalité” du Te mps et
celle de La Liberté et de La Patrie !
Les insulteurs de Jaurès pris la main dans le
sac».
7292 - 15 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Nouvelles poursuites. Nouveaux
documents».
7293 - 16 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Un historique de la corruption... et
la description de quelques procédés».
7294 - 17 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Où nous en sommes».
7295 - 18 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Quelques journaux déjà nommés... et
encore un sénateur !»
7296 - 19 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Un défilé hétéroclite».
7297 - 20 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Le défilé continue».
677
n° 7298 - 21 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Les journaux se suivent... et se
ressemblent».
n° 7299 - 22 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” M. Letellier et M. Lautier à la
caisse».
n° 7300 - 23 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Le Policier Recouly au travail».
n° 7301 - 24 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” A quoi servent les décorations».
n° 7302 - 25 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Les appétits du Temps».
n° 7303 - 26 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Les combinaisons du Temps».
n° 7304 - 27 décembre : «Les discussions entre bolchéviks»,
«“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Où Le Temps passe d'un guichet à
l'autre».
n° 7305 - 28 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” Après Le Temps vénal, Le Temps
félon».
n° 7306 - 29 décembre : «“L’abominable vénalité de la presse
française...” De tout un peu !»
n° 7307 - 30 décembre : «“L'abominable vénalité de la presse
française...” L'Action française aurait touché !
n° 7308 - 31 décembre : «“L’abominable vénalité de la presse
française...” Financiers et journalistes se
donnent la main».
1924
678
7312 - 4 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Toujours des noms et des chiffres».
7313 - 5 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” C'est par millions que l'argent russe
était répandu dans la presse».
7314 - 6 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
fran çaise...” Les hommes aux chèques
répondront-ils ?»
7315 - 7 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” C'est le tour de M. Poincaré d'entrer
en scène».
7316 - 8 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Comment on prépare une guerre !
MM. Klotz, Tardieu et Israël sur la sellette».
7317 - 9 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” La main de M. Poincaré et de Klotz
dans le sac d'argent russe».
7318 - 10 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Klotz, grand corrupteur».
7319 -1 1 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Isvolsky expose le rôle de Poincaré
et de Klotz».
7320 - 12 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Une formidable escroquerie.
Comment le Gouvernement russe s'est fait
“rouler” par le Gouvernement français».
7321 - 13 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Les bénéficiaires de l'escroquerie»,
«Sur un livre de Magdeleine Marx» (C'est la
lutte finale : six mois en Russie soviétique.
Flammarion).
7322 - 14 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Encore des chiffres et de nouveaux
noms».
7323 -1 5 janvier : «“L'abominable vénalité de la presse française...
Comment Le Matin se procure de l'argent».
7324 - 1 6 janvier : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Les affaires du Matin».
679
n° 7325 17 janvier «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” M. Ernest Judet accuse»,
«Les S.R. sont graciés».
n° 7327 19 janvier «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Des “m ystères” de presse.
L'incident Louis Isvolsky».
n° 7333 25 janvier «Le successeur de Lénine».
n° 7335 27 janvier «Illitch, cher Illitch».
n° 7336 28 janvier «La légende infâme du wagon plombé».
n° 7337 29 janvier «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” En attendant de nouvelles
révélations».
n° 7339 31 janvier «Qu'on se le dise. Rien de changé dans la
politique soviétique».
n° 7340 1er février «“L’abom inable vénalité de la presse
française...” M. Georges Bourdon dans un
mauvais pas»,
«La légende infâme du wagon plombé,
Réponse à une lettre de Jean Longuet»,
«La Russie, la sottise et la malhonnêteté».
n° 7341 2 février : «Contre la Russie soviétique. Recrudescence de
diffamations».
n° 7342 3 février : «Il y a fagot et fagot».
n° 7343 4 février : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” D'une énigme à l'autre».
n° 7353 14 février «Londres et Moscou».
n° 7364 25 février «Regardez les travaillistes».
n° 7368 29 février «Ramsay Mac Donald court au discrédit».
n° 7370 2 mars : «Le Labour Party prépare la guerre».
n° 7371 3 mars : «Pour l'indépendance de Chypre».
n° 7376 8 mars : «Travaillisme : Impérialisme».
n° 7377 9 mars : «La fin d'un bluff sanglant. Makhno
démasqué».
n° 7380 12 mars : «A la veille des procès
L'abominable vénalité de la presse française».
n° 7381 13 mars : «L'abominable vénalité du M a t i n et de
quelques autres Nouvelles lettres de M.
Raffalovitch».
680
n° 7382 - 14 mars : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Le Matin et ses affaires».
n° 7383 - 15 mars : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Le procès du Matin commence».
n° 7390 - 22 mars : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Le principal témoin de M. Bunau».
n° 7391 - 23 mars : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” Et voici le nom de L'Echo de Paris».
n° 7392 - 24 mars : «“L'abom inable vénalité de la presse
française...” M. Kokovtzev lui aussi parlait de
vénalité».
n° 7396 - 27 mars : «Lettre aux abonnés du Bulletin communiste»
(précédé d'une “déclaration du Comité
Directeur" du Parti Communiste - SFIC -
affirmant : “Le camarade Souvarine a
contrevenu deux fois consécutives aux
décisions du Bureau politique et du Comité
Directeur).
L ’Internationale
681
Mais à condition qu'ils cessent de tuer et de
détruire».
n° Al - 23 décembre 1923 : «Paris et Moscou. La reconnaissance
du pouvoir des Soviets».
L'Internationale communiste
Le Journal du peuple
1917
682
n° 68 - 18 mars : «Considérations socialistes sur la Révolution
russe (article partiellement censuré)
n° 70 - 20 mars : «La Russie sans tsar» (article partiellement
censuré)
n° 71 - 21 mars : «Ils tiennent...» (article partiellement censuré)
n° 86 - 12 avril : «Revue des livres»
n° 89 - 15 avril : «Les “yeux de côté” et “l'air malin”».
n° 91 - 12 avril : «La Révolution en Russie. Les chiens aboient...
et les révolutionnaires russes continuent».
n° 98 - 24 avril : «Revue des livres».
n° 102 - 28 avril : «Les colères des Jacques en Russie» (article
partiellement censuré).
n° 120 - 16 mai : «Le peuple russe maître de ses destinées»
(article partiellement censuré).
n° 121 - 17 mai : «La R évolution en Russie» (article
partiellement censuré).
n° 122 - 18 mai : «Le voyage de Martoff, Axelrod et Angelica
Balabanoff» (articlepartiellement censuré).
n° 125 - 21 mai : «Droit au but» (article partiellement censuré).
n° 132 - 28 mais : « D éfaitistes et d é fa itiste s» (a rtic le
partiellement censuré).
n° 140 - 5 juin : «Les socialistes russes devant l'Internationale
et devant l'Histoire».
n° 141 - 6 juin : «Où le lecteur trouvera : quelques mises au
point, un petit cours de russe à l'usage des
journalistes».
n° 153 - 3 juillet : «Revue des livres».
n° 170 - 20 juillet : «Protestation».
n° 179 - 29 juillet : «La révision de la Constitution» (article
partiellement censuré).
n° 203 - 22 août : «Revue des livres».
n° 206 - 25 août : «La Révolution russe. Encore G. Alexinsky».
n° 207 - 26 août : «La situation s... en Russie. Un important
document» (article partiellement censuré).
n° 208 - 27 août : «Revue des livres» (article partiellement
censuré).
n° 209 - 28 août : «Entretien avec Lazzari, secrétaire du PS
italien» (article partiellement censuré).
683
n° 221 24 septembre : «Le Congrès de la Fédération de la Seine»
(article partiellement censuré).
n° 228 1er octobre : «Le congrès fédéral de la Seine. Victoire des
Internationalistes. Par 5145 mandats contre
5005, la Fédération de la Seine repousse la
participation m inistérielle. A l'unanimité,
l'exclusion de Gustave Hervé est demandée».
n° 234 7 octobre : «Le congrès de Bordeaux».
n° 235 8 octobre : «Le congrès de Bordeaux».
n° 236 9 octobre : «Le congrès de Bordeaux».
n° 237 10 octobre : «Le congrès de Bordeaux».
n° 238 11 octobre : «Le congrès de Bordeaux».
n° 249 22 octobre : «Osera-t-on proroger les pouvoirs de la
Chambre».
n° 268 10 novembre : «Le triomphe des Soviets
n° 269 11 novembre : «La Révolution russe. Les minimalistes
contres les maximalistes».
n° 271 13 novembre : «Maximalisme».
n° 287 29 novembre : «Séance tumultueuse à la Chambre. La
Haute-Cour jugera M. Malvy. Après 9 h. de
débat, la Chambre adopte à l'unanimité les
conclusions du rapport Forgeot».
n° 298 10 décembre : «Trotsky, Lénine et Krylenko».
n° 311 23 décembre : «La journée parlementaire».
n° 311 23 décembre : «La nouvelle affaire Dreyfus. Devant une
Assemblée de 3000 citoyens, députés,
journalistes, assistants, M. Caillaux réduit
complètement à néant les accusations absurdes
forgées contre lui».
1918
684
n° 128 - 8 mai : «L'intervention japonaise».
n° 131 -1 1 mai : «Pour la liberté de la presse».
n° 137 - 17 mai : «Guerre ou Paix. Le point de vue de Lénine».
n° 140 - 20 mai : «Expulsion d'un ami de la France».
n° 145 - 25 mai : «Jean Jaurès et l'action française. L'expulsion
de Robert Dell» (article partiellement censuré.)
n° 223 -1 2 août : «La condamnation de M. Malvy et l'opinion
publique».
n° 362 - 26 décembre : «Pour la paix avec la Russie».
n° 363 - 27 décembre : «Un geste symbolique. M. de Lubersac et
Lénine ou comment un officier français
monarchiste serra la main du grand chef
bolchéviste».
n° 365 - 29 décembre : «La solidarité ouvrière a sauvé Tom
Mooney».
1919
685
n° 116 - 26 avril : «La vie à Moscou. Ce que rapporte un
journaliste anglais qui a récemment passé la
semaine dans la capitale russe».
n° 119 - 29 avril : «La vie à Moscou».
n° 125 - 6 mai : La situation politique en Russie. L'enquête d'un
anglais».
n° 129 - 10 mai : «Des nouvelles fraîches de Russie. Encore un
Américain qui défend les soviets».
n° 135 - 16 mai : «La nouvelle Internationale. Sa fondation et ses
premiers débats».
n° 136 - 17 mai : «La campagne de Russie. Empêchons ce crime».
n° 141 - 22 mai : «Contre la nouvelle guerre».
n° 143 - 24 mai : «Et Prinkipo ?»
n° 164 - 14 juin : «L'appui des alliés au fusilleur Koltchak».
n° 166 - 16 juin : «Pour la défense du régime des Soviets. Un
exposé de Boris Souvarine devant la Ligue des
Droits de l'homme».
n° 171 - 21 juin : «Pour la défense du régime des Soviets. Un
exposé de Boris Souvarine» (suite).
n° 173 - 23 juin : «Pour la défense du régime des Soviets. Un
exposé de Boris Souvarine» (fin).
n° 181 - 1er juillet : «Les archives secrètes du tsar. Des révélations
sur les origines de la guerre».
n° 190 - 10 juillet : «Le mouvement communiste en Pologne. Ce
que Liebermann n'a pas dit».
n° 197 - 17 juillet : «Tout arrive. L'Académie des Sciences entend
un hommage aux bolchévistes».
n° 204 - 23 juillet : «La douleur poignante d'un savant russe».
n° 206 - 25 juillet : «La vie simple de Bêla Kun.Intéressantes
déclarations du leader communiste».
n° 212 - 31 juillet : «Jaurès»,
«L 'intervention crim inelle en R ussie.
L'assassinat de Jeanne Labourbe par des
officiers français».
n° 220 - 9 août : «Pour sauver la Russie. Redoublons d'efforts».
n° 227 - 16 août : «L'assassinat de Jeanne Labourbe».
n° 229 - 18 août : «Bibliographie socialiste. Education par Ludovic
Zoretti».
686
n° 234 - 23 août : «Comment a été fondé la 3è Internationale. Un
récit inédit».
n° 237 - 26 août : «La Terreur blanche aux Etats-Unis. On réclame
l'amnistie générale. M. Wilson fait la sourde
oreille».
n° 246 - 4 septembre : «La scission chez les socialistes des Etats-
Unis».
n° 252 - 10 septembre : «Voix de Russie. Le conseil central des
syndicats russes lance un appel à la solidarité»
(présentation).
n° 257 - 15 septembre : «Après le congrès».
n° 259 - 17 septembre : «Paix avec la Russie».
n° 261 - 19 septembre : «A la chambre. Un courageux discours de
Jean Longuet» (présentation).
n 23 septembre : «Sauvons les soldats russes».
n 25 septembre : «L'entente contre la Russie. Une inqualifiable
attitude. L'effacement de Koltchak. Les
nouvelles propositions de paix».
n° ... - 29 septembre : «La troisième Internationale».
n° 273 -1 e r octobre : «La crise anglaise. La grève s'étend à d'autres
corporations».
n° 274 - 2 octobre : «La crise anglaise. Les cheminots poursuivent la
lutte».
n° 275 - 3 octobre : «Les grèves anglaises. Les ouvriers sont fermes,
les chefs négocient».
n° 280 - 8 octobre : «La grève des cheminots anglais. La morale de
cette histoire».
n° 282 - 1 0 octobre : «En Russie. De plus en plus fort».
n° 283 -1 1 octobre : «L'étranglement de la République des Soviets.
Le silence des socialistes français».
n° 284 - 12 octobre : «L'inexpiable crime des gouvernants alliés. Le
témoignage de M. Bullitt».
n° 286 -1 4 octobre : «La nouvelle Internationale».
n° 289 -1 7 octobre : «Le peuple français laissera-t-il assassiner la
Russie soviétique ?»
n° 290 -1 8 octobre : «Lettre ouverte au citoyen Frossard».
n° 291 -1 9 octobre : «Le Parti socialiste devant la Russie attaquée».
n° 292 - 20 octobre : «La Révolution russe en danger. Le sort de
Pétrograd».
687
n° 294 22 octobre : «Les assassins continuent».
n° 296 24 octobre : «Jacques Sadoul inculpé. Il est condamé
d'avance»,
«Que faire pour la Russie».
n° 297 ■ 25 octobre : «La vérité sur l'affaire Sadoul».
n° 301 ■ 29 octobre : «Un discours de Lénine».
n° 303 ■ 31 octobre : «Amédée Dunois».
n° 305 - 2 novembre : «Paul Faure».
n° 311 - 8 novembre : «Deux années de révolution bolchévique».
n° 315 • 3 décembre : «Une recrudescence d'opportunisme».
n° 318 ■ 6 décembre : «Le mot et la chose».
n° 319 - 7 décembre : «Tout le peuple à la torture. La famine en
Autriche».
n° 321 - 9 décembre : «Les indépendants allemands ont adhéré à la 3e
Internationale».
n° 323 - 11 décembre : «Le prochain congrès socialiste français».
n° 325 - 13 décembre : «Devant l'Europe dévastée».
n° 326 - 14 décembre : «Dans l’Internationale. La défaite de
Kautsky».
n° 327 - 15 décembre : «Dans l'Internationale. La position de Fritz
Adler».
n° 328 - 16 décembre : «Dans l'Internationale. L'attitude du Parti
français».
n° 329 ■ 17 décembre : «Pour sauver les enfants de Vienne».
n° 331 - 18 décembre : «La famine à Vienne. Dans l'Internationale.
Le Congrès de Strasbourg».
n° 332 - 19 décembre : «Dans l'Internationale. Pour une décision
claire des socialistes français».
n° 334 - 21 décembre : «Dans l'Internationale. Avec les fusilleurs
ou les fusillés».
n° 335 - 22 décembre : «Démagogie stérile».
n° 336 - 23 décembre : «L’Irlande résiste à l'oppression. Une
déclaration de ses élus» (présentation).
n° 338 - 26 décembre : «Le congrès socialiste ajourné».
n° 340 - 28 décembre : «Dans l'Internationale. Reconstructeurs
tardifs».
n° 343 - 31 décembre : «Dans l'Internationale. L'entrée n'est pas
libre».
688
1920
689
n° 42 - 11 février : «Le congrès socialiste. Les deux thèses».
n° 44 - 13 février : «Ignoble manœuvre».
n° 49 - 18 février : «L'Internationale impossible».
n° 52 - 21 février : «Dix mille victimes de la terreur en Hongrie».
n° 54 - 23 février : «Avant Strasbourg».
n° 78 - 18 mars : «18 mars».
n° 79 - 19 mars : «Révolution et contre-révolution en Allemagne.
L'émeute à Francfort. Les impressions d'un
témoin».
n° 80 - 20 mars : «Révolution et contre-révolution en Allemagne.
L'émeute à Francfort. Les impressions d'un
témoin».
n° 82 - 22 mars : «Journées d'émeute à Francfort. Toni Sender
leader des Indépendants».
n° 87 - 27 mars : «La Révolution en Allemagne. A Berlin chez les
communistes».
n° 88 - 28 mars : «La Révolution en Allemagne. La scission chez
les communistes».
n° 89 - 29 mars : «La Révolution en Allemagne. L'opposition
syndicale communiste».
n° 90 - 30 mars : «Une soirée chez Daumiq».
n° 97 - 6 avril : «L'Allemagne socialiste. Les indépendants et la
Troisième. Les déclarations du citoyen Crispien
n° 104 - 13 avril : «Deuxième ou Troisième Internationale. Trois
conférences socialistes en Angleterre».
n° 105 - 14 avril : «Equivoques et contradictions. Entre deux
Internationales».
n° 106 - 15 avril : «La Terreur blanche. L'assassinat de Paul de
Motte».
n° 117 - 26 avril : «Nouveaux attentats contre le peuple russe».
n° 119 - 28 avril : «Réponse de Moscou à Leipzig».
n° 120 - 29 avril : «Encore un grand complot».
n° 121 - 30 avril : «L'Internationale et le premier Mai».
n° 124 - 4 mai : «Le communisme en Allemagne».
n° 125 - 5 mai : «Paix aux Soviets. Les délégations pour la
Russie».
n° 127 - 7 mai : «H om m age du g o u v e rn e m e n t aux
communistes».
n° 130 - 10 mai : «Imbéciles et gredins»
690
n° 151 - 3 1 mai : «La fessée à Daudet. Une lettre de B.
Souvarine».
n° 184 - 3 juillet : *«Faux et faussaires».
n° 191 - 10 mai : * «Tribune libre. Un insulteur de Lénine».
n° 192 -1 1 juillet : * «Anniversaire : Eugène Léviné».
n° 193 - 12 juillet : * «Bourrage. La semaine d'amour».
n° 200 -1 9 juillet : * «Les méprises d'un savant. Par haine du
bolchévisme M. Edmond Perrier a menti. Un
membre de l'Institut, sa “causerie scientifique”,
son ignorance, ses histoire de brigands. Et
quelques démentis...»
n° 209 - 28 juillet : * «Les méprises d'un savant. L'aveu de M.
Perrier».
n° 213 1er août : * «Marcel Cachin et Frossard entrent dans le
“complot”. Ils invitent le Parti socialiste à en
faire autant» (présentation).
n° 219 7 août : * «Deux congrès».
n° 232 20 août : * «Et vive la IIIe Internationale».
n° 242 30 août : * «Autour de la IIIe In te rn a tio n a le .
L'inquiétude bourgeoise».
n° 243 31 août : * «Mise au point».
n° 247 4 septembre * «Tribune libre. Les conditions
d'admission à l'Internationale communiste».
n° 282 9 octobre : * «Les sornettes de Mme Snowden. Ben Turner
les dénonce».
n° 284 11 octobre : * «Tribune libre. Dans le parti italien».
n° 286 13 octobre : * «Tribune libre. Touchante sollicitude».
n° 299 26 octobre : * «Tribune libre. Les chiens aboient...»
n° 311 7 novembre : * «Anniversaire».
n° 323 19 novembre : * «Tribune libre. Patatras...»
691
n° 60 - 10 mars : «Une opinion objective sur les causes de la
guerre. Déclaration du Président Wilson».
n° 65 - 15 mars : «A la Chambre : Le comité secret continue».
n° 66 - 16 mars : «Deux incidents à la Chambre».
n° 72 - 22 mars : «Le ministre Ribot devant la Chambre».
n° 74 - 24 mars : «A la Chambre : Les douzièmes provisoires».
n° 78 - 28 mars : «A la Chambre : L'incorporation de la classe
1918».
n° 80 - 30 mars : «A la Chambre : Le régime des entrepôts».
n° 81 - 31 mars : «A la Chambre».
n° 82 - 1er avril : «A la Chambre».
n° 111 - 7 mai : «Vers l'action. Conférence nationale de la
minotité socialiste».
n° 127 - 23 mai : «A la Chambre : discours de M. Ribot sur les
buts de la guerre».
n° 129 - 25 mai : «A la Chambre : Le problème du
ravitaillement».
n° 136 - 2 juin : «La dernière faute à commettre. Le
gouvernement refuse les passeports pour
Stockholm».
n° 158 - 9 juillet : «Après le Comité secret. Violents incidents à la
Chambre».
n° 168 - 18 juillet : «A la Chambre : l'impôt sur le revenu».
n° 171 - 21 juillet : «A la Chambre : On parle du charbon».
n° 172 - 22 juillet : «A la Chambre : Les pupilles de la Nation».
n° 174 - 24 juillet : «La loi des pupilles. Joute oratoire à la
Chambre».
n° 175 - 25 juillet : «A la Chambre : Les pupilles de la Nation».
n° 176 - 26 juillet : «A la Chambre : La loi Mourier».
n° 177 - 27 juillet : «A la Chambre : La loi Mourier est votée».
n° 178 - 28 juillet : «A la Chambre : La révision de la Constitution».
n° 181 - 31 juillet : «Situation politique tendue. Le gouvernement
n'a pas la majorité à la Chambre».
n° 182 - 1er août : «A la Chambre : Une déclaration de M. Ribot.
Les traités secrets avec la Russie» (article
partiellement censuré).
n° 183 - 2 août : «Deux séances à la Chambre. Le renvoi des
vieilles classes. Les crédits provisoires».
692
n° 1 8 4 - 3 août : «Un grand débat politique à la Chambre. Les
passeports seront refusés aux socialistes».
Paris-Soir
Cote BN : D 67
Nouveaux cahiers
693
1937
1938
1939
Le Populaire
1916
694
n° 25 - 16/22 octobre : «Deux mots à Homo».
n° 26 - 23/29 octobre : «Mise au point»,
«Il faut agir».
n° 29 - 13/19 novembre : «Des droits de l’HommeauDroit du
canon»,
«Encore Homo».
n° 30 - 20/26 novembre : «Marcel Cachin et l'Alsace Lorraine».
n° 31 - 27 novembre/3 décembre :
«A nos amis qui sont en Suisse».
n° 32 - 4/17 décembre : «Première impression de Congrès».
n° 33 - 18/24 décembre : «Dans la Fédération de la Seine : la victoire
internationaliste».
n° 34 - 25/31 décembre : «Les débats du Congrèsdu24au29
décembre 1916».
1917
695
n° 70 - 10 novembre : «La situation politique en Russie. Quelques
im portants renseignem ents donnés par
Roubanovitch».
n° 71 - 17 novembre : «Le socialisme et la conquête du pouvoir».
n° 72 -24 novembre : Revue des Livres : Les bases d'une paix durable
par August Shvan
n° 73 - 1er décembre : «Délit d'opinion».
n° 76 -22 décembre : «La politique de Lénine. Un télégramme de
Martof suivi de “une explication” par B.
Souvarine. La révolution russe. D'une semaine à
l'autre».
1918
1919
696
n° 272 12 janvier : Traduction, présentation et notes d'un texte de
John Reed : «La République des Soviets contre
tous les impérialismes».
n° 288 28 janvier : «Pour la paix avec la Russie».
n° 310 19 février : «L'opinion de Norman Angell sur la paix de
demain».
n° 328 9 mars : «Les alliés violeront-ils les droits de l'Irlande».
n° 329 10 mars : «Un congrès socialiste pan-américain».
n° 330 11 mars : «Une controverse sur le bolchévisme».
n° 338 19 mars : «La Russie avec les bolchéviks»,
«Un complot d'Arkhangel».
n° 350 31 mars : «La paix avec la Russie».
n° 370 20 avril : «La révolte aux Indes».
n° 374 24 avril : «Les congrès socialistes en Angleterre».
n° 377 27 avril : «Pour la liberté de l'Inde».
n° 389 10 mai : «Les socialistes révolutionnaires et leurs
diverses politiques».
n° 392 13 mai : «La peur du bolchévisme».
n° 394 15 mai : «Paix avec la Russie !»
n° 396 17 mai : «La campagne de Russie».
n° 399 20 mai : «Autour de Koltchak».
n° 400 21 mai : «La guerre en Russie. Une défaite de Koltchak
bluff contre révolutionnaire».
n° 401 22 mai : «La guerre en Russie. Les armées et les flottes
anglo-françaises contre la Révolution russe»,
«Le manisfeste de Kerensky».
n° 402 23 mai : «Pour ou contre la révolution».
n° 403 24 mai : «La reconnaissance de Koltchak».
n° 404 25 mai : «Les ennemis de nos amis».
n° 410 1er juin : «Les abus de la “République russe”».
n° 440 1er juillet : «La guerre continue encore sur 23 fronts!»
n° 441 2 juillet : «Pourquoi la guerre continue en Europe
orientale».
n° 442 3 juillet : «Dans le Parti socialiste des Etats-Unis».
n° 443 4 juillet : «Les dictateurs alliés au travail. M. Bratiano
quitte le pouvoir».
n° 444 5 juillet : «La discorde parmi les dictateurs, après le
départ de M. Bratiano».
n° 448 9 juillet : «La “République russe”».
697
n° 449 - 10 juillet : «La Conférence piétine. Il faut faire la paix
avec la Russie».
n° 450 - 11 juillet : «La Conférence et la Russie. L'échec de trois
tentatives».
n° 452 - 13 juillet : «Le blocus de l'Allemagne a pris fin. Il faut
ouvrir les frontières russes !»
n° 455 - 16 juillet : «La Conférence s'obstine à prolonger la guerre.
Tous les prétextes lui sont bons».
n° 456 - 17 juillet : «La Conférence et la Russie. Une délibération
sans résultat».
n° 458 - 19 juillet : «Il faut en finir avec l'intervention en Russie.
Un journal libéral anglais dénonce le rôle de M.
Churchill».
n° 459 - 20 juillet : «Trop d'imprudence».
n° 461 - 22 juillet : «La barbarie bochévique. L'éducation, les
lettres, les sciences, les Arts dans la République
des Soviets».
n° 462 - 23 juillet : «Un “témoin” à récuser».
n° 463 - 24 juillet : «Présentation des “Déclarations de Roberts
Deinor”. Témoin des événements de Russie
pendant neuf mois, le journaliste américain
réfute les racontars».
n° 469 - 30 juillet : «Six semaines en Russie».
n° 471 - 1er août : «L'Académie des sciences contre la science et la
vérité».
n° 480 - 10 août : «La conversion d'un anti-bolchévik».
n° 484 - 14 août : «La fourberie de M. Churchill».
n° 487 - 17 août : «Si les gouvernements veulent prouver leur
sincérité et l'excellence de leur politique envers
la Russie qu'ils publient les documents qu'ils
détiennent !»
n° 489 - 19 août : «Fritz Platten assassiné par le gouvernement
roumain».
n° 494 - 24 août : «L'Amérique libérale et la Russie soviétiste. Le
professeur Lomonassaf et le consul Martens
p réconisent une A lliance russo-nord-
américaine».
n° 496 - 26 août : «Le sort de Fritz Platten».
n° 501 - 31 août : «La terreur blanche aux Etats-Unis».
698
n° 507 - 6 septembre : «Les travailleurs mexicains ne veulent pas
la guerre».
n° 510 - 9 septembre : «Wilson et Lénine».
n° 511 - 10 septembre «L'unité socialiste en Angleterre».
n° 514 - 13 septembre : «Tom Mooney».
n° 515 - 14 septembre : «Hommage à Lénine».
n° 516 - 15 septembre : «Pour la Russie».
n° 517 - 16 septembre : «Les révélations de M. Bullitt».
n° 520 - 19 septembre : «M. Lloyd George et les Bolchéviks».
n° 525 - 24 septembre : «Les grèves de l'Amérique».
n° 526 - 25 septembre : «Les beautés du régime démocratique
américain. Nos camarades meurent en prison
avant d'être jugés !»
n° 533 - 2 octobre : «Nouvelles atrocités bolchéviques. Un
monument à Georges Plekhanof».
n° 545 - 14 octobre : «Nous n'oublierons jamais !»
n° 570 - 8 novembre : «Comment les Bolchéviks sont calomniés par la
falsification des textes».
La Révolution prolétarienne
699
Le premier numéro du Bulletin communiste (organe du communisme
international) du 23 octobre 1925, publia les “Remerciements»
suivants sous la signature de Boris Souvarine (p. 16) :
«“Un communiste” remercie cordialement les camarades du “noyau”
qui lui ont donné l'hospitalité de leurs colonnes et l'ont
fraternellement aidé à remettre en marche le Bulletin communiste»
La Revue communiste
La Revue de Paris
700
Bi-mensuelle. Cote Bibliothèque Sainte-Geneviève AE 8° Sup 646
Le Travailleur
1932
1933
701
n° 71 - 23 septembre: Tribune de discussion : «Sur un article»,
«Mise au point».
n° 74 - 14 octobre: Tribune de discussion : «Rien de commun».
n° 78 - 11 novembre: «L'Affaire du Reichstag»,
Tribune de discussion : «Front commun.
Réponse à Lucien Hérard».
n° 88 - 30 décembre: «Chronique de l'URSS : Points sur les i».
1934
La Vérité
1918
702
n° 52 31 janvier: «Le voyage de Lénine à travers l'Allemagne».
n° 74 22 février: «Les bénéfices de la société Hotchkiss».
n° 79 27 février: Abus intolérable».
n° 82 2 mars: «Une ligue d'Action républicaine. La réunion
préparatoire - Le refus de Merrheim
n° 89 - 9 mars: «Un entretien avec M. Modigliani, Député au
Parlement italien».
n° 102 - 22 mars: «M. Serrati à Paris».
n° 155 - 14 mai: «Une manifestation des socialistes dissidents».
n° 158 -1 7 mai: «La vie à Petrograd».
n° 212 - 10 juillet: «Ainsi parla Kerensky» (article partiellement
censuré).
n° 223 -2 1 juillet: «Une réponse».
n° 258 - 25 août: «Choses de Russie. Des commentaires et des
fausses nouvelles».
n° 264 -3 1 août: «Choses de Russie».
n° 267 - 3 septembre: «Le sort de Lénine».
n° 268 - 4 septembre: «La guerre civile en Russie. Le sort de Lénine -
Fausses nouvelles - Quelques commentaires».
n° 269 - 5 septembre: «Choses de Russie».
n° 274 - 10 septembre: «Le coup d'Etat d'Arkangel».
n° 303 - 9 octobre: «Le congrès national socialiste. Quatrième
séance».
La Vérité (Limoges)
703
L a V ie in te lle c tu e lle
Atlas
Contacts
Le Contrat social
704
«Revue historique et critique des faits et des idées».
Volume I, n° 1 : mars 1957 au volume XII n° : 4 décembre 1968
Gérants : L. Cancouet puis Marcel Body
Institut d'Histoire sociale, Paris
Volume I - 1957
Volume II - 1958
705
Compte-rendu : La compétition économique
entre l'URSS et les USA (en russe), Moscou,
1959, Gosplanizdat.
Volume IV - 1960
Volume V - 1961
Volume VI - 1962
706
Compte-rendu : Gérard Rosenthal M ém oire
pour la réhabilitation de Zinoviev (l'affaire
Kirov), Paris, 1962, Julliard.
Georges Plekhanov : Œuvres philosophiques,
Tome 1, Moscou, 1962, Editions en langues
étrangères.
n° 6 • novembre/déc. : «Idéologie et phraséologie».
707
Compte-rendu : Histoire du Parti communiste
de l'Union Soviétique, Editions en langues
étrangères. V. Lénine : Œuvres choisies en 3
vol. Moscou, Editions du Progrès Vol. 3.
n° 4 - juillet/août : «Le désarroi communiste»,
«Comment les archives social-démocrates ont
été sauvées»,
Compte-rendu : Karl Marx et Friedrich Engels :
Textes sur le colonialisme, Moscou, Editions en
langues étrangères.
n° 5 - septembre/octobre : «Exit Khrouchtchev»,
«L'annonce faite à Mao»,
«N. V. Volski (Valentinov)».
n° 6 - novembre/déc. : «A l'Est, rien de nouveau».
Volume IX - 1965
Volume X - 1966
708
«La conférence de Ialta. Un commentaire»
(février 1945).
n° 5 - septembre/octobre : «La France entre l'Est et l'Ouest»,
Avant-propos à Michel Borodine en Amérique
(1919) par M. N. Roy.
n° 6 - novembre/déc. : «La troisième guerre mondiale»
Volume XI - 1967
Volume IX - 1968
709
Ida Mett : Le paysan russe dans la révolution
et la post-révolution, Paris, Editions Spartacus,
René Lefeuvre. Georges Lukacs : L é n in e .
Préfacé de J.-M. Brohm. Paris, 1965, Etudes et
Documentations internationales. Jacqueline de
Proyart : Pasternak, Paris, 1964, Gallimard, la
Bibliothèque idéale. Guy de Carmoy : L ’alliance
atlantique disloquée, Paris, 1966, association
française pour la communauté atlantique. Henri
de Montfor : Le massacre de Katyn, Paris, 1966,
la Table ronde. Eugène Lyons : W o r k e r s '
Paradise Lusl. Fifly Years of Soviet Communism
: a Balance Sheet. New-York, 1967, Paperback
Library. T.K. Kytchko : Judaïsme sans fard
(texte intégral, traduit de l'ukrainien), Paris,
Cercle d'Etudes franco-ukrainiennes, Etudes et
Documents. Richard V. Allen : Peace or Peaceful
Coexistence ? With a foreword by Bertram D.
W olfe, Chicago, 1966, American Bar
Association.
Contrepoint
revue trimestrielle
n° 2, octobre 1970, «Le léninisme» (extraits d'une lettre à Trotsky
du 8 juin 1929).
n° 26, 2e trimestre 1978 «Pages retrouvées : Aveux à Moscou».
n° 30, été 1979, «Derniers entretiens avec Babel».
n° 32, n° spécial, 1980, «Le dossier Toukhatchevski et Cie».
710
n° 348, 3 novembre, «La disette au pays de Mao».
n° 351, 24 novembre, «Fausse alerte aux Caraïbes».
n° 352, 1er décembre, «L'évolution soviétique. A l'instar du
capitalisme».
Le Débat
Revue mensuelle. Gallimard - Directeur : Pierre Nora
n° 9 - février 1981 : «Panait Istrati et le communisme». Republié en
brochure sous le même titre (Paris, Editions
Champ libre, 1981), puis dans Souvenirs sur
Panait Istrati, Isaac Babel, Pierre Pascal, suivi
de Lettre à A. Soljénitsyne, Paris, Editions
Gérard Lebovici, 1985.
Dissent
L'Echo d'Alger
Quotidien.
Cote BN : JO 92220
Boris Souvarine collabora à ce quotidien de 1948 à 1950 sous le nom
de B. Souvart. Le titre général de sa rubrique de politique
internationale était «Tour d'Horizon Mondial».
711
2 janvier 1949 : «Tour d'Horizon Mondial».
9 janvier 1949 : «L'Allemagne».
16 janvier 1949 : «M. Truman et l'URSS».
23 janvier 1949 : «Le Pétrole».
30 janvier 1949 : «Affaires de Chine».
6 février 1949 : «Staline Dixit».
13 février 1949 : «Les secrets du Japon».
20 février 1949 : «Préparatifs Américains».
27 février 1949 : «Staline contre la Religion».
6 mars 1949 : «Le Scandale communiste».
13 mars 1949 : «A l'Est, rien de nouveau».
20 mars 1949 : «Connaissance de l'URSS».
27 mars 1949 : «Le Pacte Atlantique».
3 avril 1949 : «Le Pacte Atlantique et l'ONU».
17 avril 1949 : «Le Pacte Atlantique et l'Allemagne».
24 avril 1949 : «La Session des Nations Unies».
8 mai 1949 : «Le cache-cache russo-américian».
22 mai 1949 : «La paix et le Proche-Orient».
29 mai 1949 : «Année noires de la Chine rouge».
12 juin 1949 : «Les communistes à l'œuvre en Afrique».
19 juin 1949 : «Encore une conférence pour rien».
26 juin 1949 : «Persécution des Musulmans en URSS».
3 juillet 1949 : «Permanence du problème allemand».
11 juillet 1949 : «Les vicissitudes de la Ligue Arabe».
17 juillet 1949 : «Crise économique et crise de bon sens».
24 juillet 1949 : «La politique extérieure des Etats-Unis».
31 juillet 1949 : «Une nouvelle phase de la guerre froide».
8 septembre 1949 : «Nouvel essor du nationalisme allemand».
25 septembre 1949 : «La guerre des nerfs dans les Balkans».
2 octobre 1949 : «Bombe atomique et stratégie politique».
9 octobre 1949 : «Les conquêtes russes en Asie».
16 octobre 1949 : «Devant les perspectives atomiques».
23 octobre 1949 : «Le pétrole, la guerre et la paix».
28 octobre 1949 : «Le pétrole, la guerre et la paix».
1er novembre 1949 : «Le Désastre américain en Chine».
15 novembre 1949 : «Staline contre Truman».
29 novembre 1949 : «Vers un sordide isolement».
14 décembre 1949 : «Les Nations désunies à l'œuvre».
23 décembre 1949 : «La Chine dans le jeu soviétique».
7 1 2
30 décembre 1949 : «Le relèvement de l'Allemagne».
24 janvier 1950 : «La marée communiste en Asie».
28 janvier 1950 : «La face perdue en Chine».
4 février 1950 : «Convoitises soviétiques sur l'Autriche».
11 février 1950 : «L'espionnage communiste en Amérique».
19 février 1950 : «Rouges et Jaunes contre Blancs».
26 février 1950 : «De la tension à la rupture».
7 mars 1950 : «Rouble élastique et monnaie de singe».
15 mars 1950 : «Encore l'espionnage communiste».
19 avril 1950 : «La politique extérieure américaine».
26 avril 1950 : «Diplomatie totale et incertitude absolue».
12 mai 1950 : «La guerre froide à sens unique».
10 juin 1950 : «La patience britannique à l'épreuve».
9 septembre 1950 : «En marge de la guerre de Corée».
20 septembre 1950 : «Les affaires sont les affaires».
5 octobre 1950 : «Les excuses de M. Dean Acheson».
13 octobre 1950 : «Réflexions devant le 38è parallèle».
22 novembre 1950 : «Incertitudes politiques américaines».
Esope
Liste des articles de Boris Souvarine parus dans ce mensuel du 15
février 1955 au 31 janvier 1963, établie par l'Institut d'histoire
sociale.
1955
«Boulganine remplace Malenkov».
«Le jeu soviétique».
«La vrai leçon de Yalta».
«A l'Est rien de nouveau».
«La conférence de Bandoeng».
«Le nouveau jeu de Moscou».
«Une conférence de plus».
«Détente et neutralisme».
«Boulganine et la politique extérieure».
«L'esprit de Genève».
«La conférence à quatre».
«Les relations Bonn-Moscou».
«L'auto-critique de Molotov».
«Autour de l'O.N.U.».
«Les communistes, l'Inde et le Ghandisme».
713
1956
«Après les élections».
«Toujours la guerre froide».
«L'Occident et les deux transfuges».
«Réhabilitation de cadavres».
«Le spectre de Trotsky».
«Les bolchéviks en Angleterre».
«Le Stalinisme survit à Staline».
«Beaucoup de bruit pour rien (Molotov)».
«Cauchemar en U.R.S.S.».
«Un accès aigu de stalinisme».
«L'école soviétique du suicide».
«Les communistes et les musulmans».
«Suez et Alger».
«Le jeu de Moscou».
«Beaucoup de bruit pour peu de choses».
«Autres révolutions d'octobre».
«Les maîtres chanteurs de Moscou».
«La discorde au camp communiste».
1957
«Russes et soviétiques : ne pas confondre».
«Racontars et commérages sur l'U.R.S.S.».
«La France devant l'O.N.U.».
«Offensive de guerre froide».
«Ce qui se passe à Moscou».
«Quelque réalité soviétique».
«Vaine menace soviétique».
«Affaires très sérieuses en U.R.S.S.».
«Washington et Moscou».
«Khrouchtchev contre l'oncle Sam».
«L'exhibition de Khrouchtchev».
«Crise à Moscou».
«Les soviétiques au Proche-Orient».
«Les relations soviéto-yougoslaves».
«A Moscou, rien ne change».
«Passé le 7 novembre».
«La politique américaine».
«Moscou et la conférence atlantique».
1958
714
«La question d'Occident».
«Moscou joue et gagne».
«Crise agricole en U.R.S.S.».
«Politique de faiblesse».
«Dix ans après le coup de Prague».
«Comédie électorale en U.R.S.S.».
«Encore du bruit pour rien».
«Au sommet de l'absurde».
«Chiffons de papier soviétiques».
«Djilas a dit vrai».
«Outrages à l'oncle Sam».
«Alerte en permanence».
«L'Occident devant la conférence au sommet».
«Négociations avec les communistes».
«L'imposture panarabe».
«“Non” à Khrouchtchev».
«Brûlant épisode de guerre froide».
«Nouvelles négociations inutiles».
«L'éternel chantage».
«Le test de Berlin».
«Le conflit en question».
1960
«La mission de Mikoïan».
«Mikoïan en Amérique».
«Le congrès ne s'amuse pas».
«Préparatifs inutiles».
«Conférence sans surprise».
«Succès ou fiasco à Genève ?».
«Sur la mauvaise voie».
«M. Nixon à Moscou».
«Un invité indésirable».
«Lettre des Etats-Unis : En attendant Khrouchtchev».
«Le défaitisme occidental».
«Grande saison diplomatique».
«Le gâchis arabe».
«Calendrier diplomatique».
«Armement et désarmement soviétiques».
«Fiasco agricole en U.R.S.S.».
«Les perspectives de Khrouchtchev».
715
«Exit Khrouchtchev».
«La descente au sommet».
«Echec ou succès ?»
«L'esprit du camp David».
«Le défi américain».
«Khrouchtchev à l'O.N.U.».
«Khrouchtchev urbi et orbi».
«Bilan d'une expédition».
«Les élections américaines».
«Kennedy, président».
«Ni mystère au Kremlin, ni malaise à Moscou».
«Le néocolonialisme soviétique».
1961
«Bilan de 1960».
«L'U.R.S.S., puissance coloniale».
«L'agriculture soviétique».
«Nouveau chantage soviétique».
«Mécomptes et insolences soviétiques».
«La leçon du Laos».
«Le bolide et la propagande».
«Au-delà des Caraïbes».
«Réalités soviétiques».
«Diplomatie itinérante».
«Le conflit perpétuel».
«L'A.B.C. de la guerre froide».
«Mélodrame sans entr'actes».
«Diplomatie terroriste».
«Hostilité arabo-arabes».
«Berlin et Damas».
«Trois bombes soviétiques».
«M. Kennedy aux “Isvestia”».
«L'O.N.U. en guerre».
1962
«Nasser et l'Occident».
«Le message du Président Kennedy».
«Le gendre de M. Khrouchtchev».
«Imbroglio de conférences».
«Khrouchtchev agriculteur».
«Nuages noirs au Proche-Orient».
716
«Variations sur le thème de Berlin».
«Fiasco chez Mao».
«Discorde au camp d'Occident».
«Derrière le décor du communisme».
«Au secours du communisme».
«Le communisme et la disette».
«Moscou et le Marché commun».
«A l'instar du capitalisme».
«Fausse alerte aux Caraïbes».
«Ni paix ni guerre sur l'Himalaya».
«Dragon de papier et foudres de carton».
1963
«Une protestation soviétique».
Est et Ouest
717
n° 149 - 1/15 mars : «Le cas pathologique de Staline. Khrouchtchev
confirme le BEIPI et persiste dans le stalinisme.
Staline et Hitler»,
«Une partie serrée se joue entre Hitler et
Staline» (article paru dans Le Figaro du 7 mai
1939).
n° 150 - 16/30 avril : «Vue d'ensemble sur le récent Congrès
communiste de Moscou».
n° 156 - 16/31 juillet : «Le culte de Lénine», republication de
l'article «Que reste-t-il de Lénine ?», Le Figaro
littéraire (21 janvier 1939) Le même article
fut traduit sous le premier titre par la revue
The Modem quaterly de New-York.
n° 161 - 1/15 novembre : «A l'Est, quoi de nouveau ?»
n° 163 - 1/15 décembre : «Désinformations sur l'URSS. Les secrets
du Politburo».
718
n° 199 - 16/31 juillet : «Chinoiseries intempestives».
n° 200 - 16/30 septembre : «L'axe Moscou-Pékin».
n° 204 - 16/30 novembre : «L'affaire Pasternak».
719
n° 293 - 1/15 février : «Les surprises du Comité Central».
n° 295 - 1/15 mars : «La succession de Staline».
n° 299 - 1/15 mai : «Problèmes soviétiques insolubles».
n° 306 - 1/15 octobre : «La case de l'Oncle Tomski».
n° 308 - 1/15 novembre : «Le blé, l'or et le rouble».
n° 310 - 1/15 décembre : «Les affaires sont les affaires».
720
n° 383 - 1/15 mai : «Perspectives chinoises d'outre-tombe».
n° 390/391 - 1/31 octobre : «Un manifeste de la médiocratie
soviétique».
7 2 1
n° 499 - 1/15 décembre : «Lénine peu connu». Introduction de B.
Souvarine au livre du même titre de N.
Valentinov (en russe), Librairie des cinq
Continents.
Bibliographie : Henri de Monfort, Le massacre
de Katyn, Presses de la Cité.
7 2 2
n° 555 - 1/15 juillet : «Sur l'histoire du Comintern». Compte-rendu
d'abord paru en anglais dans la Slavic Review
(University of Washington)
n° 556 - 15/31 juillet: Les pensées intempestives de Maxime Gorki.
Avant propos de B. Souvarine. Editions de l'Age
d'homme (1975)
n° 559 - 15/31 octobre : «Les souvenirs de Pasternak».
n° 560 - 1/15 novembre : «Les dangers de la route en URSS».
n° 562 - 1/15 décembre : «Histoire de l'idéologie du communisme
soviétique». Article «L'idéologie» dans le
Dictionary of the History of ideas, Charles
Scribner's Sons (1973-1974)
n° 563 - 16/31 décembre : «La guerre polono-soviétique de 1919-
1920».
723
questionnaire du quotidien parisien J ’informe
(10 novembre 1977).
724
n° 665 - 1/31 juillet : L'utopie au pouvoir (Histoire de l’URSS de 1917
à nos jours) de Michel Heller et Alexandre
Nekrich , Paris, Calmann-Lévy, 1982.
n° 666 - 1/30 septembre : Récit d'un paysan russe de Jean Stoliacoff.
Copyright Mme V. Stoliacoff, 16 Square Port-
Royal - 75013 Paris. Tous droits réservés.
L'Express
Le Figaro
1953
725
n° 2643 - 9 mars : «Malenkov au pouvoir».
n° 2649 - 16 mars : «A l'Est du nouveau».
n° 2655 - 23 mars : «A Moscou : le partage de l'héritage»
n° 2661 - 30 mars : «Il se passe quelque chose derrière le mur du
Kremlin. Un fait de premier ordre : l'étreinte
dictatoriale se relâche...»
n° 2667 - 6 avril : «Un nouveau désaveu du stalinisme».
n° 2670 - 9 avril : «Moscou répudie l'antisémitisme stalinien».
n° 2679 - 20 avril : «Lutte intestines en URSS».
n° 2685 - 27 avril : «Le revirement s'accentue».
n° 2749 - 11/12 juillet : «La chute de Béria».
n° 2750 - 13 juillet : «L'Affaire Béria. Le Polilburo s'est débarrassé
a
d'un “nouveau Staline”».
n° 2755 - 18/19 juillet : «Les prem iers enseignem ents de
l'assassinat de Béria».
n° 2756 - 20 juillet : «En URSS, l'armée entre en scène. En Union
Soviétique, après la Géorgie et l'Ukraine la
“purge” atteint l'Azerbaïdjan».
n° 2770 - 5 août : «Le Conseil suprême de l'URSS se réunit
aujourd'hui».
n° 2773 - 8/9 août : «Le budget de l'URSS n'avoue qu'une partie des
dépenses militaires».
n° 2791 -3 1 août : «Ce que Malenkov n'a pas dit».
n° 2798 - 8 septembre : «Six mois après la mort de Staline».
n° 2803 - 14 septembre : «N. Khrouchtchev premier secrétaire».
n° 2806 - 17 septembre : «Le “déboulonnage” de Staline».
n° 2818 - 1er octobre : «Du beurre capitaliste sur le pain
soviétique».
n° 2841 - 28 octobre : «Staline et les microbes».
n° 2885 -1 8 octobre : «Le procès Béria en perspective».
n° 2891 - 25 décembre : «Après l'exécution de Béria. L'implacable
mécanisme».
1954
726
n° 2949 - 3 mars : «Les élections soviétiques donnent un avant-
goût du régime voulu par Moscou pour
l'Allemagne unifiée».
n° 2966 - 23 mars : «Après la mort de Staline, que reste-t-il de sa
légende ?»
n° ... - 16 octobre : «Causer avec Malenkov».
n° 3199 - 21 décembre : «Libérer Formose».
n° 3203 - 25/26 déc. : «Après l'exécution d'Abakounov et de trois
hauts fonctionnaires de la police, rien ne
permet de supposer que l'ère des répressions
illégales soit close en URSS».
1955
1956
1957
727
n° 3990- 5 juillet : «Grand dégel»
n° 3992- 8 juillet : «Malheur aux vaincus. Des morts qu'il faut
qu'on tue»
n° 4021 - 10/11 août : «Echec à Khrouchtchev».
n° 4035 - 28 août : «Le verre d'eau»
n° 4063 - 30 septembre : «L'URSS sans plan quinquennal»
n° 4087 - 28 octobre : «Un coup de théâtre à Moscou. “Exit”Joukov »
n° 4093 - 4 novembre: «Un simple accident ?»
n° 4113 - 27 novembre : «L'histoire du docteur Jivago, livre
interdit en URSS »
1958
1960
Le Flambeau
728
(L’Observateur des Deux Mondes du 1er
septembre 1948).
Politique Internationale
Preuves
Cahiers mensuels du Congrès pour la Liberté de la Culture, puis
Cahiers mensuels, enfin Revue mensuelle.
Publié sous la direction de François Bondy.
n° 1, mars 1951.
N. B. : Sur l'histoire de la revue P reuves, on consultera l'anthologie
d’articles de la revue, présentés et choisis par Pierre Grémion,
Preuves, une revue européenne à Paris — postface de François
Bondy — (Paris, Julliard/Commentaire, 1989), ainsi que son article
«Preuves dans le Paris de la guerre froide», Vingtième siècle —
revue d'histoire — , n° 13, janvier 1987, pp. 63-81. L'anthologie
réunie par Pierre Grémion comportait un article de Boris
Souvarine, «Les archives entrouvertes» (n° 66, août 1956), avec
la précision suivante : «Boris Souvarine fut un collaborateur de
Preuves dès les tout premiers numéros de ce qui n'était encore
que les Cahiers mensuels du Congrès pour la Liberté de la Culture.
Mais ses articles restèrent très longtemps anonymes.» Nous
n'indiquons ci-dessous que les articles signés par Souvarine à
partir des tables publiées par la revue.
1955
n° , «Soviétisme ou patriotisme».
1956
n° 66, août «Les archives entrouvertes».
n° 67, septembre «Joukov».
729
1957
n° 74, avril «URSS : les surprises du dégel».
n° 78, août «Khrouchtchev historien» (A. Rossi : Autopsie
du stalinisme).
1959
n° 97, «Ultima verba de Léon Trotski».
1960
n° 107, janvier «Saint Lénine».
n° 116, octobre «Ce parti à nul autre pareil» (Léonard Schapiro :
The Communist Party of the Soviet Union).
1961
n° 130, décembre «Archives sanglantes».
1962
n° 136, juin «Eugène Zamiatine».
n° 142, décembre «Les mémoires d'Ehrenbourg».
1963
n° 145, mars «Réhabilitations en tapinois» (Gérard Rosenthal,
Mémoire pour la réhabilitation de Zinoviev).
n° 146, avril «Extraits du “Staline”».
1964
n° 161, juillet «Shakespeare soviétisé».
«Gorki censuré».
n° 164, octobre «Lénine au naturel».
1965
n° 168, février «Boris Pilniak».
n° 173, juillet «En deçà de la philosophie».
n° 178, décembre «URSS : écrivains réhabilités».
Problèmes du Communisme
730
n° 5 - 1956 - Vol. III : «Les complices de Staline».
Problems of Communism
La Revue de Paris
Mensuelle.
Directeur-gérant : Marcel Thiébaut
Cote Bibliothèque Sainte-Geneviève A E 8° Sup 646
731
TABLE DES MATIERES
Introduction........................................................................................... 1
- 732 -
Chapitre III, L'écho du Staline (1935)................................................... 257
I. L'explication d'un paradoxe........................................................... 25 8
A. La réédition de 1977...................................................................... 25 8
B. L'accueil du livre en 1935..............................................................264
IL «Cauchemar en U.R.S.S.»................................................................401
A. Les procès de Moscou..........................................................................4 01
§. 1. L'opinion publique devant le procès d’août 1936..................401
§. 2. Boris Souvarine et les courants anti-staliniens
devant les procès................................................................................ 420
B. Les rapports soviéto-nazis jusqu'en août 1939..............................440
- 733
Conclusion. 510
Bibliographie générale.............................................................................. 6 2 6
Esquisse bibliographique des articles de Boris Souvarine.....____627
- 734 -
Mac
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26 Rue CriDoa
13005 M w alle
91 47 75 90