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« Romain GARY »
Séminaire relatif au
« Dialogue social »
Juillet 2004
Exemplaire personnel de : M.
INTRODUCTION..............................................................................................................................................................4
1.2.2 Un dialogue social centré sur le cadre national, qui atteint ses limites face au développement des
restructurations transfrontalières ........................................................................................................................ 19
1.2.2.1 L’accélération des restructurations transfrontalières éloigne le décideur stratégique du niveau national
19
1.2.2.2 Un dialogue social sans prise sur le contrôle communautaire des concentrations..................................19
1.2.3 Un dialogue social qui prend mal en compte les mutations de la structure des entreprises................ 20
1.2.3.1 Les transformations de la structure de l’entreprise.................................................................................20
1.2.3.2 Des transformations qui font obstacle à l’efficacité du dialogue social sur les restructurations ............21
2 DE NOUVELLES PRATIQUES DE DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACES FACE AUX
RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES ................................................................................................................25
2.1 UN DIALOGUE SOCIAL MOINS FORMEL SUR LES RESTRUCTURATIONS : LES ACCORDS DE METHODE ....................25
2.1.1 Un dispositif expérimental ................................................................................................................... 25
2.1.2 Une influence accrue pour les représentants des salariés dans le cadre d’une procédure sécurisée.. 26
2.2.3 La nécessaire participation des salariés à la définition des besoins et au suivi du plan ..................... 28
2.3 LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D’OUTILS DE DIALOGUE SOCIAL TRANSNATIONAL ...........................................29
2.3.1 Le comité d’entreprise européen, un outil fondé sur le principe d’autonomie contractuelle............... 29
2.3.2 Un outil qui doit s’adapter pour être pleinement efficace face aux restructurations d’entreprises..... 30
2.4 UN DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL QUI RESTE LE FAIT D’INITIATIVES ISOLEES .................................................31
2.4.1 La gestion concertée des relations entre les grandes entreprises et leur environnement ................... 32
2.4.1.1 Une implication initiée par des démarches volontaires ..........................................................................32
2.4.1.2 Une impulsion relayée par les pouvoirs publics.....................................................................................32
2.4.2 La compensation de la faiblesse du dialogue social dans les petites entreprises ................................ 35
2.4.3 L’association des partenaires sociaux territoriaux à l’anticipation des mutations économiques........ 36
2.4.3.1 Une concertation avec les partenaires sociaux au niveau régional qui se réoriente vers l’anticipation des
mutations économiques..........................................................................................................................................36
2.4.3.2 Une nécessaire coordination des instances.............................................................................................37
3 PROPOSITIONS POUR UN DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACE FACE AUX
RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES ................................................................................................................38
3.1 RAPPROCHER LE DIALOGUE SOCIAL DES CENTRES DE DECISION ..........................................................................38
3.1.1 Donner au CEE les compétences et les moyens d’être l’interlocuteur du décideur stratégique.......... 38
3.1.1.1 Renforcer les compétences du CEE .......................................................................................................38
3.1.1.2 Donner au CEE les moyens d’exercer des compétences renforcées ......................................................40
3.1.1.3 Développer une culture syndicale commune..........................................................................................40
3.1.2 Mieux prendre en compte les dépendances économiques dans le dialogue social sur les restructurations
41
3.1.3 Mieux articuler les différents niveaux nationaux de dialogue social sur les restructurations ............. 42
3.2 DEVELOPPER UN DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL PERMETTANT UN MEILLEUR TRAITEMENT ET UNE MEILLEURE
ANTICIPATION DES RESTRUCTURATIONS .........................................................................................................................43
3.2.2 Elaborer une politique concertée d’anticipation et d’accompagnement des mutations économiques au
niveau de la région............................................................................................................................................... 43
3.3 FAVORISER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’ANTICIPATION ET LE SUIVI DES RESTRUCTURATIONS ...........................44
3.3.1 Développer un dialogue social opérationnel sur l’anticipation et l’évaluation des restructurations dans
l’entreprise........................................................................................................................................................... 44
3.3.1.1 Développer des outils de dialogue social sur la gestion anticipée des emplois ......................................44
3.3.1.2 Développer un dialogue social opérationnel sur la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et
l’évaluation du reclassement des salariés...............................................................................................................45
3.4 REDEFINIR LE ROLE DES POUVOIRS PUBLICS DANS UN SYSTEME FAVORISANT L’AUTONOMIE CONTRACTUELLE .46
3.4.1 Définir le cadre juridique de l’autonomie contractuelle...................................................................... 46
2
3.4.1.1 Encourager le développement des accords de méthode .........................................................................46
3.4.1.2 Définir une procédure supplétive plus efficace en l’absence d’accord de méthode ...............................47
3.4.2 Développer le rôle de suivi et d’évaluation des pouvoirs publics, en vue de la diffusion des bonnes
pratiques 48
3.4.2.1 Comparer les bonnes pratiques au niveau européen...............................................................................48
3.4.2.2 Améliorer le suivi et l’évaluation par les pouvoirs publics nationaux de la gestion des restructurations
49
3.4.2.3 Définir et encourager les restructurations d’entreprise socialement responsables .................................50
3
INTRODUCTION
Les restructurations d’entreprises occupent le devant de l’actualité. L’annonce en
février 1997 de la fermeture de l’usine Renault à Vilvoorde ou celle, en janvier 2001, de la
suppression de 1800 emplois au sein du groupe Danone, ont ainsi cristallisé la critique contre
les licenciements économiques, fréquemment accusés de ne répondre qu’à l’intérêt immédiat des
actionnaires de l’entreprise.
Le dialogue social apparaît comme un enjeu de premier ordre à tous les stades d’une
restructuration. En amont, il s’agit, pour les partenaires sociaux, d’améliorer leur anticipation de la
restructuration en partageant des outils de diagnostic et en mettant en œuvre des stratégies de
formation et d’adaptation. Au moment de la restructuration, il s’agit de mettre en œuvre des
procédures de concertation qui permettent une conciliation optimale des intérêts en jeu : intérêt de
l’entreprise qui doit améliorer ou conserver sa compétitivité, intérêt des salariés qui doivent obtenir
une juste compensation (indemnité, reclassement…), intérêt des territoires qui doivent conserver un
tissu économique dynamique. En aval, il s’agit d’associer le dialogue social au suivi et à
l’évaluation des mesures sociales et territoriales, qui accompagnent la restructuration.
Pourtant, la manière dont se déroule le dialogue social sur les restructurations fait
l’objet, en France notamment, de critiques récurrentes et sévères. Souvent décrit comme
procédurier et conflictuel, il se bornerait à une application formaliste des procédures prévues par le
Code du travail. Concentré sur le licenciement économique davantage que sur sa prévention, peu
inventif sur les mesures d’accompagnement et pratiquement absent de leur suivi, il ferait preuve de
peu d’efficacité sociale. S’appuyant sur le modèle traditionnel de l’entreprise, il serait inadapté aux
mutations structurelles de celui-ci.
Si le modèle français de dialogue social est critiqué pour ses faibles résultats face aux
restructurations (1), de nouvelles pratiques se développent (2), dont l’extension permettrait
d’améliorer l’efficacité économique et sociale des restructurations (3).
4
1 LE MODELE FRANÇAIS DE DIALOGUE SOCIAL EST CRITIQUE POUR
SA FAIBLE EFFICACITE FACE AUX RESTRUCTURATIONS
D’ENTREPRISES
1
Jean AUROUX, Les droits des travaillleurs, rapport au Président de la République et au Premier ministre, La
documentation française, 1982.
2
Constitution du 27 octobre 1946, alinéa 8 « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
5
production », le comité d’entreprise doit être informé et consulté sur les modifications
projetées et les mesures qui sont envisagées à l’égard des salariés1 ;
- à la suite de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations
économiques, le comité d’entreprise est « réuni immédiatement » en cas de dépôt d’une offre
publique d’achat ou d’échange portant sur l’entreprise. Il peut « se prononcer sur le
caractère amical ou hostile de l’offre » et exprimer le souhait d’entendre le représentant de
la société qui en est à l’origine2. En cas de refus, celle-ci « ne peut exercer les droits de vote
attachés aux titres de la société faisant l’objet de l’offre ».
- le comité d’entreprise est informé et consulté « préalablement à tout projet important
d’introduction de nouvelles technologies » susceptible d’avoir des conséquences sur
l’emploi3.
L’institution d’une procédure spécifique justifiée par l’impact social des restructurations
La création de cette procédure par le législateur trouve sa justification dans le fait que
les décisions de l’entreprise, lorsqu’elles concernent un certain volume d’emplois, n’engagent pas
seulement l’employeur, mais la collectivité. Il s’agissait donc d’instaurer un « principe du
contradictoire »5 en vue de la prise en compte de l’intérêt social dans le processus de décision.
1
article L. 432-1 du Code du travail, troisième alinéa
2
article L. 432-1 du Code du travail, quatrième alinéa
3
article L. 432-2 du Code du travail
4
intitulé « Placement et emploi »
5
Antoine LYON-CAEN, « Le comité d’entreprise et les restructurations », in Droit social, Mars 2004, pp. 285 à 289.
6
C.Cass., soc., 16 avril 1996.
6
Un encadrement étroit qui distingue la France des autres Etats européens
Cet encadrement étroit trouve son expression dans une certaine rigidité des
procédures du livre III, dont le déroulement détaillé est imposé par les textes : sont ainsi
inscrits dans le Code du travail la tenue de deux réunions du comité d’entreprise (le recours à
l’expert-comptable donnant lieu à une troisième réunion), ainsi que les délais devant les séparer, qui
sont fonction du nombre de salariés licenciés1 (cf. annexe n°1).
Les interventions successives du législateur, qui ont parfois repris les innovations
négociées entre partenaires sociaux au niveau national interprofessionnel, mais ont fréquemment
revêtu un caractère autonome, ont progressivement accru cette rigidité dans l’objectif d’assurer
la sauvegarde de l’emploi. C’est ainsi que la loi de modernisation sociale2 avait imposé le caractère
successif des deux procédures et renforcé les contraintes de la procédure du livre IV3, mais aussi,
quoique de façon moins marquante, du livre III4. Toutefois, la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 a
suspendu ou annulé la quasi-totalité des dispositions de la loi de modernisation sociale qui
contribuaient à renforcer les procédures d’information-consultation. La suspension de ces
dispositions doit permettre aux centrales syndicales de négocier un accord national
interprofessionnel sur les restructurations en vue de sa reprise par la loi. Dans l’attente de cet accord,
le texte de janvier 2003 a souhaité, de plus, inviter les partenaires sociaux à définir eux-mêmes, au
niveau de l’entreprise, ces modalités par un accord dit « de méthode » (voir infra).
1
Au plus 14 jours en cas de licenciement portant sur moins de 100 emplois, 21 jours entre 100 et 250 licenciements et
28 jours au-delà (L 321-3. du Code du travail).
2
loi n°2002-73 du 17 janvier 2002.
3
Notamment : imposition de deux réunions au titre du livre IV, possibilité de recourir à un expert-comptable au titre de
ce livre, création d’un « droit d’opposition » se traduisant par la saisine suspensive d’un médiateur en cas de cessation
totale ou partielle d’activité se traduisant par suppression d’au moins 100 emplois.
4
Possibilité d’une réunion supplémentaire du comité d’entreprise au titre du livre III en cas de constat de carence.
5
Yves CHASSARD (sous la direction de), Les conditions du licenciement économique collectif pour motif économique,
comparaison entre sept pays d’Europe, rapport pour le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité.
7
L’étendue et la portée de l’obligation de reclassement qui incombe à
l’employeur ont été précisées par la jurisprudence. Elle tend d’abord au reclassement interne des
salariés dont l’emploi est supprimé. La licéité du licenciement est subordonnée à l’impossibilité de
ce reclassement interne1. A défaut, elle vise à assurer le reclassement externe du salarié, en imposant
aux entreprises d’y consacrer des moyens proportionnés à leur capacité financière. La jurisprudence
a frappé de nullité le licenciement économique dont les mesures d’accompagnement tendant au
reclassement interne ou externe seraient insuffisantes2.
1.1.2.1 Un système français de dialogue social sur les restructurations qui ne se fixe pas
l’objectif de l’accord
1
C. Cass., Soc., 21 février 1992, repris par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 à l’article L321-1 du Code du travail.
2
Ce principe d’origine jurisprudentielle a été intégré au Code du travail par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, après
laquelle l’article L. 324-4-1 du Code du travail dispose que « la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant
qu’un plan visant au reclassement des salariés s’intégrant au plan social n’est pas présenté par l’employeur aux
représentants du personnel (…).»
3
La directive 98/59 du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux
licenciements collectifs dispose que « la consultation [avec les représentants des travailleurs] porte au moins sur les
possibilités d’atténuer ou de réduire les licenciements ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par
le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des
salariés licenciés. »
4
Yves CHASSARD, op. cit.
5
Bernard BRUNHES, « Le droit du licenciement économique, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier
2003, pp. 40 à 43.
6
Antoine LYON-CAEN, « Le comité d’entreprise et les restructurations », in Droit social, Mars 2004, pp. 285 à 289.
8
consultation des représentants des travailleurs en cas de restructurations doit s’effectuer « en vue
d’aboutir à un accord »1 sur les deux volets.
Encadré n° 1:
Les dispositifs d’incitation à l’accord dans différents pays européens2
1.1.2.2 Une influence des salariés qui s’exerce par l’instrumentalisation de la procédure et le
recours au juge
1
Cette formule est reprise notamment par l’article 2 de la directive 98/59 du 20 juillet 1998 concernant le
rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, qui a remplacé les deux
directives 75/129 et 92/56, ainsi que par l’article 7 § 2 de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le
rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert
d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.
2
Yves CHASSARD, op.cit.
9
inscrit à l’article L. 321-7-1 du Code du travail le droit pour lui de se faire assister par un expert-
comptable rémunéré par l’entreprise.
Toutefois, l’ensemble de ces moyens peut faire l’objet d’une utilisation à des fins
dilatoires, dans l’objectif d’améliorer la position de négociation des salariés. Ainsi, la procédure du
live IV n’étant pas soumise à un délai précis, il en résulte un levier d’action pour les représentants
du personnel, qui peuvent faire peser une menace sur la date à laquelle la procédure du livre III
pourra être achevée, et les licenciements prononcés. De même, le recours à l’expert est fréquemment
utilisé, non en raison de l’impact qui est attendu de ses propositions, mais du droit qu’ouvre sa
saisine à la tenue d’une réunion supplémentaire1 du comité d’entreprise au titre du livre III.
1
qui allonge la procédure d’un délai de 20 à 22 jours (art. L. 321-7-1).
2
Loi 86-797 du 3 juillet 1986. L’ordonnance 45-1030 du 24 mai 1945 avait instauré un principe d’autorisation
administrative préalable à tout licenciement quel qu’en soit le motif. Ce rôle de l’administration avait été restreint, mais
avec une plus grande effectivité, aux seuls licenciements pour motif économique par la loi 75-5 du 3 janvier 1975, qui
confiait aux directions départementales du travail le soin d’autoriser les licenciements pour motif économique sur la base
d’une appréciation des difficultés économiques rencontrées par les entreprises.
3
articles L. 483-1 (pour les comités d’entreprise) et L. 483-2 (pour les délégués du personnel) du Code du travail.
4
C. Cass., Soc., 13 février 1997, SA La Samaritaine.
10
Le contrôle du caractère réel et sérieux du motif (voir infra) relève du conseil des
prud’hommes saisi d’un recours individuel formé contre un licenciement économique. En outre, la
jurisprudence de la Cour de cassation a reconnu à cette juridiction un droit de contrôle de la légalité
du plan de sauvegarde de l’emploi1. Le conseil des prud’hommes a ainsi la faculté de prononcer la
nullité du licenciement sur la base de ce motif, sans être lié par un éventuel jugement contraire du
tribunal de grande instance.
La pression exercée par l’office du juge, liée à la sévérité potentielle des sanctions,
est utilisée par les représentants du personnel dans le but de favoriser l'ouverture d'une
négociation. L’objectif des salariés peut d’ailleurs porter sur des éléments très éloignés des motifs
de la saisine (amélioration du dispositif de reclassement, augmentation des primes de départ ou
recours accru aux mesures d’âge). Ainsi, la saisine du juge, fréquemment « instrumentalisée2 »,
contribue à transformer la nature de la procédure d’information-consultation.
Encadré n° 2:
Instrumentalisation de la procédure et recours au juge : le cas d’Altadis
Un projet de restructuration portant sur 686 emplois est présenté par la direction
de l’entreprise au comité central d’entreprise (CCE) le 2 juillet 2003 et au comité d’entreprise
européen (CEE) le 19 septembre. Ce dernier fait valoir son droit à expertise. Le secrétaire du
CCE refuse ensuite de signer l’ordre du jour de la réunion suivante avant la remise des
conclusions de l’expert du CEE. Il obtient satisfaction devant le juge des référés. Il obtient en
outre des délais supplémentaires et une nouvelle réunion du CEE pour la remise des conclusions
de l’expert. Il sollicite alors (le 1er décembre) une nouvelle expertise, qui donne lieu à la
présentation des conclusions au cours d’une nouvelle réunion (23 janvier 2004).
1.1.2.3 Des incertitudes sur les délais qui induisent des phénomènes de contournement
La comparaison des données relatives aux licenciements économiques avec celles des
autres formes de licenciement suggère l’existence de phénomènes de substitution entre les modes de
licenciements. Si les inscriptions à l’ANPE pour motif de licenciement économique présentent en
1
C. Cass., Soc., 30 mars 1999, ALEFPA c/ Berthollet.
2
Chrisophe WILLMANN, Le licenciement pour motif économique, III, Plan de sauvegarde de l’emploi et reclassement
collectif, jurisclasseur droit du travail, Dalloz, 2003.
3
Bernard BRUNHES, « Le droit du licenciement collectif, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier 2003,
pp. 40 à 43.
11
effet une décrue quasiment constante depuis 1993, on observe, à l’inverse, que les licenciements
pour motif non économique ont fortement augmenté sur la période récente (cf. annexe n°3).
1.1.3 Une faible influence du dialogue social sur le volet économique des
restructurations
Cette faible influence du dialogue social peut s’expliquer par une position souvent
marginale dans le processus décisionnel (1.1.3.1), par un évitement des débats de fond par tous les
acteurs (1.1.3.2), et par la relative faiblesse des pouvoirs du juge dans le contrôle des motifs de la
restructuration (1.1.3.3).
Encadré n° 3 :
L’ impact inégal des propositions alternatives
Nos études de cas révèlent une influence des représentants des salariés sur le volet
économique parfois nulle (Air France/KLM, Arcelor, Milupa), parfois faible (Danone), parfois plus
importante lorsque est utilisée la menace ou la saisine du juge (GIAT-Industries, Altadis).
Ainsi, les propositions alternatives formulées par les représentants des salariés
d’Arcelor dans le cadre de la restructuration du secteur des produits plats ont été élaborées avec
l’aide d’un expert saisi dans le cadre de la procédure de droit d’alerte. Toutefois, en dépit de la
reconnaissance par la direction de la qualité et de la cohérence du travail de l’expert, ces
1
Maria-Térésa PIGNONI , Patrick ZOUARY, « Les nouveaux usages du licenciement pour motif personnel »,
Premières informations et premières synthèses, n°28.2, DARES, juillet 2003.
2
Louis MALLET, Brigitte REYNES, Francine TEYSSIER, Christine VICENS, « A quoi servent les plans sociaux ? »,
Travail et emploi, n° 72, pp.79-99.
3
Dominique PAUCARD, « Les alternatives économiques proposées par les représentants du personnel », Regards, n°2,
2003.
12
propositions n’ont exercé aucun impact sur la décision stratégique. La direction de l’entreprise a
ainsi souligné qu’elles tendaient à remettre en cause la stratégie même du groupe et non à proposer
des modalités différentes pour la mise en œuvre de celle-ci1.
A l’inverse, dans le cadre de la négociation des modalités du plan « GIAT 2006 », les
propositions formulées par les experts mandatés par le comité d’entreprise sur la base de l’accord de
méthode du 16 mai 2003 ont incontestablement joué un grand rôle dans la discussion2. Ces
propositions, s’appuyant sur les commandes prévues en loi d’orientation pour la Défense, ont abouti
à une modification significative du nombre d’emplois supprimés, portant sur les trois quarts de celle
proposée par les experts.
1.1.3.1 Une position marginale du dialogue social dans le processus décisionnel de la firme
1
Entretiens avec M. Jean-Louis PIERQUIN, DRH du groupe Arcelor, Luxembourg, 19 avril 2004, avec M. Louis
Miguel FERNANDEZ, Fédération Européenne de la Métallurgie, coordinateur syndical au sein du groupe, et avec M.
Rémi BOYER, assistant du PDG et secrétaire de la Direction Générale du groupe Arcelor, 3 mai 2004
2
Entretien avec André GOLLIARD, délégué central CFDT.
3
L’entreprise peut ainsi commencer à investir dans les sites où elle compte déplacer sa production avant de consulter les
représentants du personnel. Ayant déjà engagé des fonds, elle se coupe toute possibilité de revenir en arrière et incite
ainsi les élus à se cantonner au volet social. Cette pratique, mise en évidence par Myriam CAMPINOS-DUBERNET
dans « Des restructurations discrètes » (Travail et emploi n°95, juillet 2003), est considérée comme fréquente par
Dominique PAUCARD, consultant à Syndex.
4
C. Cass., Soc., 18 juin 2003.
5
Il faut signaler que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 prévoyait de restreindre cette définition en
subordonnant la licéité du licenciement économique à des « difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être
surmontées par tout autre moyen ». Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette disposition comme portant « à la
13
cherche à s’en prémunir en présentant des motivations stéréotypées, dont la fonction n’est pas
d’ouvrir une discussion contradictoire avec les élus mais de favoriser l’acceptabilité de sa décision.
Celle-ci ne sera pas présentée comme un choix, par nature contestable, mais comme une nécessité
résultant de « difficultés économiques » ou d’une « insuffisance de compétitivité »2. Un praticien a
ainsi relevé que l’intervention poussée du législateur avait contribué à créer une situation dans
laquelle « la vérité est sacrifiée à l’acceptabilité et le fond de la stratégie à la forme de
l’argumentation »3.
Enfin, le contrôle du juge est moins approfondi sur le volet économique que sur le
volet social. Certes, les licenciements réalisés dans le seul but d’améliorer la rentabilité de
l’entreprise sont considérés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse8. Mais la jurisprudence de
la Cour de cassation défend au juge de contraindre l’employeur à choisir, entre plusieurs solutions,
la plus favorable à l’emploi, considérant qu’il se substituerait ainsi à l’employeur dans l’exercice de
son pouvoir de gestion9.
liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif de sauvegarde de l’emploi »
(décision n°2001-455 DC, considérant 50).
1
Le défaut de « cause réelle et sérieuse » au regard de cette définition est sanctionné par le versement d’une indemnité
de six mois minimum de salaires bruts.
2
Frédéric BRUGGEMAN, Dominique PAUCARD, Marc LAPOTRE, Pascal THOBOIS, Plans sociaux et reclassement,
quand l’innovation est promue par les représentants des salariés, étude de douze cas, rapport commandé par la DARES,
juin 2002
3
Bernard BRUNHES, « le droit du licenciement collectif, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier 2003.
4
Entretien avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE, Délégué Général de l’Université Européenne du Travail.
5
Cf. les analyses de Jacques FREYSSINET, in Thierry LEMASLE, Pierre-Emmanuel TIXIER (dir.), Des
restructurations et des hommes.
6
Attitudes analysées comme étant respectivement incarnées par la CGT et la CFDT. Entretien avec Pierre FERRACCI,
président du groupe Secaphi-Alpha, 11 juin 2004.
7
Entretien avec Gilles BELIER, avocat.
8
C. Cass. Soc., 1er décembre 1999.
9
C. Cass., assemblée plénière, SAT, 8 décembre 2000.
14
1.1.4 Des résultats décevants en matière de reclassement
1.1.4.1 Une priorité accordée par le législateur au reclassement qui ne se traduit pas toujours
dans la pratique
L’efficacité globale des dispositifs de reclassement est difficile à évaluer, car seuls
les dispositifs financés par l’Etat font l’objet d’un suivi exhaustif au niveau national, et non les
dispositifs financés par les entreprises1. Mais certains éléments indiquent des résultats décevants.
S’agissant par exemple des cellules de reclassement financées par le Fonds National de l’Emploi, on
constate qu’en 2002, 53,3 % des salariés en sortie de cellule ont été reclassés et seulement 29 % en
contrats à durée indéterminée2. La restructuration de la branche biscuits du groupe Danone donne
par ailleurs un exemple de comparaison internationale : fin juin 2003, soit un an après la mise en
œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, le taux de reclassement s’établissait à 62% dans les
établissements français du groupe, contre 76% en Italie et de 85 à 100% dans les autres pays
européens.
Il résulte de ces facteurs une certaine méfiance des salariés à l’égard des dispositifs
de reclassement. Ainsi, à l’usine Danone d’Evry, la moitié des 110 salariés restant à reclasser ont
refusé de bénéficier de l’aide apportée par le Relais Emploi Mobilité mis en place par le groupe.
1
En dépit de la mise en place récente par la DARES d’une enquête statistique portant sur le suivi des licenciements
économiques de plus de cinquante salariés (voir annexe n°3).
2
Les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations, DARES, Premières informations n° 35.1, août 2003.
3
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’effort de reclassement doit être pertinent et proportionné aux
possibilités de l’entreprise (Technomed, 12 avril 1999).
4
Louis MALLET et al., 1997, LIRHE (CNRS Toulouse), « A quoi servent les plans sociaux ? », Travail et emploi n°72.
Cette étude a été conduite sur 46 établissements situés dans quatre départements de Midi-Pyrénees, ayant procédé à des
licenciements collectifs entre 1992 et 1994.
5
Louis MALLET et al., 1997, LIRHE (CNRS Toulouse), op. cit. ; Thierry COLIN et al., 1996, GREE (CNRS Nancy),
« La loi sur les plans sociaux face aux logiques gestionnaires », Travail et emploi n°69.
6
Il en est ainsi par exemple du congé de conversion, dont la durée est fixée à neuf mois et ne peut être modulée.
7
Article L. 321-4 du Code du travail (disposition introduite par la loi de modernisation sociale).
15
En définitive, si l’information-consultation du comité d’entreprise sur le plan de
sauvegarde de l’emploi n’est fréquemment pas dénuée d’influence sur le contenu de celui-ci, celle-
ci tend le plus souvent à l’amélioration des indemnités de licenciement et des mesures d’âge. Si
les préretraites financées par le Fonds national de l’emploi (FNE) et les préretraites progressives
sont en diminution (elles concernaient 35 389 personnes en 1998 et 18 742 en 2001), de même que
les pré-retraites relevant de l’ARPE (allocation de replacement pour l’emploi) (78 827 personnes en
1998 et 39 507 en 2001), les dispositifs de préretraite financés par les entreprises continuent de
constituer l’un des éléments les plus fréquents dans les transactions sur le contenu des plans de
sauvegarde de l’emploi.
Ces inégalités sont toutefois atténuées par les dispositifs financés par l’Etat au
titre du Fonds national de l’emploi (FNE), dont l’attribution est aujourd’hui le rôle principal dévolu
à l’administration du travail en matière de licenciements économiques. C’est ainsi que l’aide du
FNE à la mise en place d’une cellule de reclassement est réservée aux entreprises de moins de 2000
salariés.
1
Frédéric BRUGGEMAN, Dominique PAUCARD, op. cit.
2
Christophe WILLMANN, op.cit..
16
août 1989. L’ambition de cette loi était en effet d’initier, selon les termes de la circulaire
d’application, « une approche nouvelle qui comporte deux volets : un volet économique visant
l’adaptation des entreprises par une gestion préventive de l’emploi et des formations ; un volet
social tendant au reclassement des salariés, au renforcement du dialogue social et à l’amélioration
des garanties offertes »1.
1.2 Un dialogue social qui prend mal en compte l’évolution actuelle des
restructurations
1.2.1 Une conciliation parfois délicate avec le droit des marchés financiers
1
Circulaire d’application de la loi du 2 août 1989, octobre 1989.
2
Entretien avec Pierre FERRACCI, Président du Groupe Alpha, 11 juin 2004. Cf. également les analyses de Frédéric
BRUGGEMAN et Dominique PAUCARD, in « Un bilan des pratiques françaises et du dispositif d’accompagnement
des restructurations », Syndex, 2001.
3
C. Cass. Soc., 3 décembre 1996, deux arrêts Framatome et Majorette.
4
La place de la négociation en matière de formation professionnelle, Ecole nationale d’administration, Promotion
« René Cassin », Mémoire réalisé dans le cadre du séminaire « Formation professionnelle », octobre 2002.
17
la composition du capital des entreprises1, ce qui implique de concilier les exigences posées par le
Code du travail avec celles qui sont issues du droit des marchés financiers.
L’ incertitude juridique créée par la contradiction entre les deux types de droit est
en partie levée dans un sens favorable à l’antériorité de l’information du comité d’entreprise par les
dispositions aménageant, d’une part, une obligation de discrétion, s’imposant aux membres du
comité d’entreprise aux termes de la loi Auroux n° 82-915 du 28 octobre 1982 (article L. 432-7 du
Code du travail), et, d’autre part, limitant le délit d’initié au cas d’une communication « en dehors
de l’exercice normal de [la] profession ou [des] fonctions ». La décision rendue par le Conseil
constitutionnel4 saisi à propos de la loi de modernisation sociale avait ainsi écarté le grief tiré de la
contrariété de celles-ci avec la législation boursière en s’appuyant sur l’obligation de discrétion.
1
Cf. l’analyse de Benjamin CORIAT, « Les restructurations : de quoi parle-t-on ? Regards croisés sur un objet mal
identifié », intervention au séminaire de l’IRES sur les restructurations, séance du 30 octobre 2003.
2
Issu de l’article 10-1 de l’ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967.
3
« Le chef d’entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en œuvre sont de nature à
affecter de façon importante les conditions de travail ou d’emploi des salariés qu’après avoir informé le comité
d’entreprise ».
4
Décision n° 2001-455 DC, 12 janvier 2002, considérant 50.
5
Joël GRANGE, « Comité d’entreprise, annonces publiques et restructurations », Droit Social, n° 7/8, juillet-août 2002,
pp. 704-714. Le Secrétaire Général du groupe Air France a souligné, lors d’un entretien, l’extrême embarras que cela
pouvait susciter .
6
Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre relatif à l’information et la
consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.
18
1.2.2 Un dialogue social centré sur le cadre national, qui atteint ses limites face au
développement des restructurations transfrontalières
1.2.2.2 Un dialogue social sans prise sur le contrôle communautaire des concentrations
1
Sur le caractère cyclique des fusions-acquisitions, voir R. KHABER, J.-L. MOURIER et C. PARISOT, « Vers une
nouvelle vague d’OPE/OPA » in Problèmes économiques n° 2842, 4 février 2004.
2
Source : European Commission Amdata, « Mergers and Acquisitions », European economy, supplement A 21,
February 1999, Office of Official Publications of the European Community.
19
régulation sociale chargée de formuler un avis dans la procédure de contrôle de la concurrence,
voire disposant d’un droit d’opposition1.
1.2.3 Un dialogue social qui prend mal en compte les mutations de la structure des
entreprises
De plusieurs études réalisées par l’INSEE5 il ressort que tant le nombre que les
effectifs des groupes ont crû fortement depuis 1980 :
1
Entretien avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE.
2
Cf. les analyses de Virginie XHAUFLAIR sur l’entreprise « en réseau ». Voir notamment « Les incohérences entre les
structures traditionnelles du dialogue social et la réalité organisationnelle d’un réseau », communication au XIVème
Congrès de l’AGRH, Grenoble, 20-22 novembre 2003.
3
Selon P. VELTZ (Globalisation et territorialisation des groupes, 1998) : « certaines firmes abordent la (…)
globalisation en renforçant la centralisation (…), alors que d’autres groupes jouent la carte de la décentralisation dans
le cadre d’un schéma plus fédéral ».
4
Dans les enquêtes de l’INSEE, ce contrôle est apprécié par l’intermédiaire d’une variable binaire (ou dichotomique)
qui prend la valeur « 1 » en cas de détention majoritaire des droits de vote.
5
Notamment : Anne SKALITZ, Au-delà des entreprises : les groupes, INSEE Première, mars 2002 ; Nicole
CHABANAS, Les entreprises françaises des groupes vues à travers les enquêtes « liaisons financières » de 1980 à
1999, Division « synthèse des statistiques d’entreprises » de l’INSEE, février 2002 ; Hervé LOISEAU, Des groupes de
la taille d’une PME, INSEE Première, mars 2001 ; Images économiques des entreprises au 1er janvier 2002, INSEE
Résultats n° 13, décembre 2003.
20
Toutefois, si l’image du groupe est essentiellement attachée à celle des grands
groupes, dont l’effectif dépasse 10 000 salariés, il faut toutefois relever que le nombre de ceux-ci est
resté relativement stable sur la période 1980-1999 (73 en 1980, 87 en 1999). Le phénomène le plus
marquant concerne en revanche la forte croissance des micro-groupes, dont l’effectif est inférieur à
500 salariés :
1.2.3.2 Des transformations qui font obstacle à l’efficacité du dialogue social sur les
restructurations
L’intégration des entreprises au sein de groupes, qui se traduit par le transfert à une
tête de groupe de l’ensemble des capacités de décision stratégique, conduit progressivement à une
inadéquation entre le niveau de décision et celui du dialogue social. Celui-ci s’accomplit au
niveau du périmètre social, auquel demeurent attachées les institutions représentatives du personnel
intéressées par la procédure d’information-consultation, et notamment le comité d’entreprise. C’est
ainsi, par exemple, que la direction française de Milupa à Colmar a accompli l’ensemble de la
1
L’INSEE distingue en effet l’externalisation des activités de services associées à la vie de l’entreprise (gardiennage,
restauration, entretien, maintenance) du recours à des entreprises sous-traitantes pour des activités qui relèvent du
processus industriel. Seul le premier phénomène est baptisé du terme d’ « externalisation » au sens strict.
2
Les services à l’industrie, prestations intellectuelles et gestion du quotidien, Sessi, « Le quatre pages des statistiques
industrielles » n° 149, juillet 2001
3
La sous-traitance industrielle en 2001, Sessi, « Le quatre pages des statistiques industrielles » n° 175, avril 2003.
21
procédure d’information-consultation sur la restructuration de ce site sans disposer du pouvoir
stratégique permettant d’en modifier les modalités1.
Outre le défaut de structure pertinente, les représentants des salariés d’une filiale ou
d’un sous-traitant ont des difficultés d’accès à l’information pertinente. La loi de modernisation
sociale a toutefois remédié partiellement à cette situation en prévoyant que « lorsque le projet de
restructuration et de compression des effectifs soumis au comité d’entreprise en vertu de l’article L.
432-1 est de nature à affecter le volume d’activité ou d’emploi d’une entreprise sous-traitante,
l’entreprise donneuse d’ordre doit immédiatement en informer l’entreprise sous-traitante. Le
comité d’entreprise de cette dernière, ou à défaut les délégués du personnel, en sont immédiatement
informés et reçoivent toute explication utile sur l’évolution probable de l’activité et de l’emploi. »2
Mais la loi n’a pas défini le contenu de l’information devant être délivrée à l’entreprise sous-
traitante, ni créé les conditions d’un dialogue entre les salariés de celle-ci et la direction de
l’entreprise donneuse d’ordre.
Cette faiblesse des institutions élues dans les petites entreprises se double d’une
représentation syndicale déficiente. Dans les entreprises employant entre 10 et 49 salariés, la loi
permet aux syndicats représentatifs de désigner un délégué du personnel comme délégué syndical
(article L 412.11 dernier alinéa du Code du travail), mais cette possibilité est peu utilisée en
pratique. Le délégué syndical est ainsi quasiment absent des entreprises de moins de 100 salariés. En
moyenne, seuls 20% des établissements de 10 salariés et plus sont effectivement couverts par un
1
Entretien avec Bertrand GUILLOT, Directeur général de Milupa, et Bernard BREGUEVILLE, secrétaire du comité
d’entreprise, juillet 2004.
2
nouvel article L. 432-1-2 du Code du travail
3
Jean-Emmanuel RAY, Droit du travail, droit vivant, Editions liaisons, Paris 2003.
22
délégué syndical, proportion qui n’atteint que 5,6% dans les entreprises de 10 à 19 salariés et 18%
pour celles de 20 à 49 salariés (contre 55,1% pour les entreprises de 50 à 99 salariés)1. Le droit
français a cherché à pallier ce défaut de représentation syndicale en développant le système du
mandatement, qui rencontre cependant certaines limites (cf. encadré n° 4 ).
Encadré n°4 :
La négociation collective dans les entreprises
dépourvues de délégués syndicaux
Si la loi du 4 mai 2004 est trop récente pour qu’on puisse en évaluer les effets, on peut
constater que les précédentes tentatives législatives n’avaient pas eu l’effet escompté. Le succès
obtenu par le mandatement au moment de la négociation des accords de réduction du temps de
travail (en grande partie dû au fait que les aides étatiques étaient conditionnées à la conclusion d’un
accord) ne s’est pas confirmé par la suite. L’ambition du législateur lors des lois Aubry qui était de
faire du mandatement une voie d’accès des PME à la représentation syndicale, ne s’est pas
concrétisé, le salarié mandaté devenant rarement délégué syndical ou délégué du personnel, même si
l’on peut penser que cette absence de pérennisation est due en partie au caractère temporaire du
dispositif de l’époque4.
Il faut noter que la loi du 4 mai 2004 prévoit la possibilité de conclure des accords collectifs
« d’intérêt local » dans le cadre de commissions paritaires territoriales professionnelles ou
interprofessionnelles instituées conventionnellement. S’amorce ainsi le développement d’une
négociation collective territoriale (cf. infra).
Mais les effets de seuil induits par le morcellement des entreprises concernent
également les outils de reclassement des salariés. Le plan de sauvegarde de l’emploi n’est ainsi
établi que dans le cas de licenciements portant sur au moins dix salariés dans les entreprises qui en
emploient habituellement plus de cinquante, soit dix personnes dans chacune des entités concernées.
Dans ce cas, les délégués du personnel ou le comité d’entreprise seront informés et consultés, mais
avec un moindre pouvoir d’influence.
1
Source : Enquête Acemo-IRP 1999, citée par le rapport du Sénat n° 179 sur le projet de loi relatif à la formation
professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
2
Notamment par les lois du 12 novembre 1996 et par les lois dites « Aubry » du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000. Ces
dispositifs dérogatoires de négociation, subordonnés à la conclusion d’un accord de branche, sont désormais applicables
quelle que soit la taille de l’entreprise.
3
Georges BORENFREUND, « La négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux », in
Droit social, n° 6, juin 2004, pp. 606- 619.
4
DARES, Premières synthèses, Travail et emploi, mai 2001, n° 19.1 ; IRES, « le mandatement dans le cadre de la loi du
13/06/1998 », août 2000.
23
S’agissant des obligations de reclassement, tant interne qu’externe, celles-ci sont
désormais appréciées au niveau du groupe1. Les salariés des filiales pourront donc bénéficier des
moyens de l’ensemble du groupe. Milupa, entreprise de 120 salariés mais filiale d’un groupe
multinational réalisant un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, a ainsi bénéficié de mesures
d’accompagnement qu’une entreprise indépendante de même taille n’aurait jamais pu financer.
Toutefois, le juge restreint toutefois la portée de cette obligation aux entreprises du groupe « dont le
secteur d’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation le permettent »2. En revanche, les salariés
des entreprises sous-traitantes, quelle que soit leur degré de dépendance économique, ne
bénéficient pas des moyens de reclassement de leur donneur d’ordre.
1
C. Cass. Soc., 5 avril 1995, Thomson Vidéocolor
2
Pour une analyse de ces limites cf. D. BOULMIER, « destruction des emplois : une nécessaire responsabilisation des
groupes par une substitution du groupe réel au groupe virtuel », in Droit Social, n° 1, janvier 1998, pp. 44-53.
24
2 DE NOUVELLES PRATIQUES DE DIALOGUE SOCIAL PLUS
EFFICACES FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES
Le législateur a précisé le rôle des accords dans chacun des deux domaines de
discussion :
- sur le volet économique, « ces accords peuvent fixer les conditions dans lesquelles le
comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au
projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et
peut obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions. »
- sur le volet social, « ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles
l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 321-4-1 du Code du
travail fait l'objet d'un accord ».
Pouvant être conclus durant une période de dix-huit mois après la promulgation de la
loi et d’une durée maximale de deux ans, les accords de méthode ne peuvent toutefois déroger aux
dispositions intéressant le contenu de l’information communiquée au comité d’entreprise et les
pouvoirs de l’administration du travail. En outre, ils sont exclus lorsque l’entreprise se trouve en
situation de redressement ou de liquidation judiciaire. Enfin, leur validité est subordonnée à la
consultation préalable du comité d’entreprise.
1
Ainsi par exemple Carrefour ou Aventis
2
Loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciement économique.
25
2.1.2 Une influence accrue pour les représentants des salariés dans le cadre d’une
procédure sécurisée
Les accords de méthode ont permis d’accorder aux représentants des salariés une
influence accrue dans la procédure d’information-consultation, en contrepartie de l’assurance
donnée aux directions d’une plus grande sécurité juridique dans le déroulement des procédures.
Enfin, les accords de méthode signés depuis la promulgation de la loi n’ont que
rarement tendu à réduire les délais de la procédure d’information-consultation. Le cas le plus
fréquent est au contraire celui d’un allongement de ces délais contre leur sécurisation. Si les
accords ne pouvaient pas légalement exclure le recours au juge ou l’utilisation du droit de grève, ils
ont en revanche permis d’éviter une utilisation dilatoire des moyens de procédure dont disposent les
salariés. A ce titre, ils ont bien constitué l’instrument d’un échange de la « simplification
conventionnelle des procédures contre un enrichissement du fond »1 qui justifie leur pérennisation.
1
sur les termes de ce « marché », voir notamment Jean-Emmanuel RAY, Droit du travail, droit vivant, Editions liaisons,
2003, p. 302.
26
2.2 Vers un dialogue social orienté vers le maintien et le retour à
l’emploi
1
Chiffre de mai 2004.
2
Dispositif mis en place par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Dans le cadre de la délivrance de
diplômes reconnaissant une capacité professionnelle, le jury est composé à parité employeurs/salariés.
3
Entretien avec Dominique CENTLIVRE, spécialiste de la gestion prévisionnelle des emplois et membre de DRH de
Fos-sur-Mer.
4
Accord du 20 juin 2003. Cf. Entreprises et Carrières, n° 680, 26 août/ 1er septembre 2003.
27
salariés de l’Ardoise à la mobilité au sein du groupe1 et les aider dans leur recherche d’emploi
(assistance de SODIE2, formation, prime à l’embauche versée à l’entreprise d’accueil) ou de reprise
d’activité (prêts et assistance technique de la SODIE).
1
Il s’agissait de tirer parti de la relative proximité (100 km) d’une autre usine du groupe, située à Fos-sur-Mer,
connaissant une activité dynamique et susceptible d’offrir des emplois à environ la moitié des salariés du site, soit
directement, soit après une formation adaptée.
2
Société de reclassement créé à l’origine par le groupe Usinor.
3
Entretien avec Noël HURET, ancien directeur adjoint de SODIE, cabinet spécialisé dans la conduite des actions de
revitalisation et de reclassement,
4
une étude comparative sur la gestion des crises industrielles en Europe a évalué le coût social et territorial d’une
restructuration rapporté au nombre de personnes concernées entre 15.000 et 152.000 euros par salarié. Cf. La gestion des
crises industrielles locales en Europe, études de cas réalisée par Bernard Brunhes Consultants pour la Commission
européenne (DGV), septembre 2000.
28
2.3 La mise en place progressive d’outils de dialogue social
transnational
A la suite du mouvement rapide d’internationalisation des entreprises, le niveau
transnational s’est progressivement imposé comme un niveau pertinent d’information-consultation
des salariés. C’est ainsi, par exemple, que Danone a constitué dès le milieu des années 1980 un
« comité d’information et de consultation » destiné à constituer un forum de discussion des
questions stratégiques d’intérêt transnational et de leurs conséquences sociales. Ce comité a été
formellement consacré en 1996 par un accord signé avec l’Union internationale des travailleurs de
l’alimentation (UITA), fédération internationale des syndicats agroalimentaires.
Fondé sur le principe de l’autonomie contractuelle, le CEE est mis en place par
accord dans les entreprises ou les groupes de « dimension communautaire »1 après négociation au
sein d’un « groupe spécial » qui doit assurer une représentation de l’ensemble des Etats membres
dans lesquels l’entreprise est implantée. L’accord constitutif détermine les compétences du comité.
Toutefois, la directive comprend des prescriptions subsidiaires pouvant s’appliquer en cas de
négociation infructueuse, qui prévoient notamment sa consultation ou celle de son comité restreint
en cas de « circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des travailleurs,
notamment en cas de délocalisation, de fermeture d’entreprises ou d’établissements ou de
licenciements collectifs ». Cette compétence ne vaut toutefois que pour les seules questions qui
concernent « au moins deux établissements ou entreprises situées dans des Etats membres
différents ».
Fin avril 2004, 650 des 1800 entreprises ou groupes potentiellement concernés,
réunissant 11 millions de salariés, avaient créé un CEE2. Conséquence de l’hétérogénéité des
systèmes nationaux dont il est l’émanation, le CEE est doté de compétences qui peuvent varier
fortement d’une entreprise à l’autre. Une enquête3 réalisée en 2002 par la Confédération européenne
des syndicats (CES) montre ainsi que ce rôle se limite à une information dans 70% des cas. Mais
particulièrement remarquable est le rôle acquis, dans environ 5% des cas, par le CEE dans le
domaine de la négociation : « En ce qui concerne les restructurations, le comité d’entreprise
européen a servi, dans certains cas, de forum au sein duquel la direction et les travailleurs sont
parvenus à un consensus sur les modalités de réaménagement de leurs activités en Europe4 ».
1
C’est-à-dire, aux termes de l’article 2 de la directive, employant au moins 1000 travailleurs dans les Etats membres
dont 150 dans deux Etats membres différents.
2
Source : Commission européenne.
3
Conférence organisée par la CES à Aarhus, 2002.
4
Commission, 20 avril 2004.
29
2.3.2 Un outil qui doit s’adapter pour être pleinement efficace face aux
restructurations d’entreprises
Le succès du CEE est moins net encore face aux logiques nationales du
comportement des acteurs sociaux. L’enjeu immédiat en termes de suppressions d’emplois des
projets de restructurations soumis au CEE a entraîné, dans la plupart des cas, un repli des
représentants sur la défense des sites implantés dans leur pays2. Celle-ci a parfois conduit à des
alliances stratégiques entre représentants salariés et patronaux d’un même pays qui font apparaître
les CEE davantage comme des « puzzle de nationalités3 » que comme de véritables instances
collégiales.
Enfin, des incertitudes juridiques ont pesé sur la mise en œuvre des procédures de
consultation du comité d’entreprise européen sur les restructurations. Elles portent tout d’abord sur
l’interprétation de la notion de consultation, définie comme « l’échange de vue et l’établissement
d’un dialogue » ; cette imprécision aboutit, selon le modèle national de dialogue social dominant
dans l’entreprise, à concevoir la consultation comme une simple obligation d’information (modèle
anglais), une obligation de recueillir l’avis des syndicats (modèle français) ou comme une obligation
de négocier (modèle suédois). Elles concernent en outre l’articulation avec les instances
nationales d’information-consultation, quant à l’antériorité ou non de la consultation du niveau le
plus élevé. Elles tiennent enfin à l’effet utile attendu de la consultation du CEE. Les dispositions
subsidiaires prévoient en effet une réunion « dans les meilleurs délais » en cas de « circonstances
exceptionnelles » et non, comme les textes d’harmonisation des procédures nationales4, une
consultation « en temps utile ».
1
Relevées par la Commission in Comités d’entreprise européens : vers l’optimisation du potentiel d’implication des
travailleurs au profit des entreprises et de leur personnel ; Première phase de consultation des partenaires sociaux
interprofessionnels et sectoriels communautaires dans le cadre du réexamen de la directive sur les comités d’entreprise
européens, 20 avril 2004, même si celle-ci ajoute qu’à la faveur du renouvellement des accords, « les réserves
initialement exprimées ont été surmontées et qu’un plus grand climat de confiance s’est établie entre les parties ».
2
« Les comites d’entreprise européens face aux concentrations, alliances et restructurations », Les Cahiers de la
Fondation, Janvier-juin 2002, n° 51-52.
3
Entretien réalisé avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE, Délégué Général de l’Association pour le développement de
l’Université Européenne du Travail.
4
formule employée notamment par la directive du 20 juillet 1998 sur les licenciements collectifs ainsi que par celle du
12 mars 2001 sur les transferts d’entreprises,
30
saurait en particulier revenir sur le principe d’autonomie contractuelle des partenaires sociaux1.
Aussi, selon la Direction générale « Emploi » de la Commission, les modifications apportées
devraient-elles concerner essentiellement le renforcement de l’exigence d’effet utile de
l’information-consultation, les règles d’articulation avec les instances nationales, ainsi que le recours
à l’expertise et la qualification des membres des CEE2.
Encadré n°
Une « bonne pratique » en matière de CEE : le cas d’Arcelor
Le comité d’entreprise européen d’Arcelor a été fondé par un accord du 27 mai 2002,
à la suite de la fusion, quelques mois plus tôt, du français Usinor avec l’espagnol Aceralia et le
luxembourgeois Arbed. Son accord constitutif prévoit une compétence plus large que le minimum
fixé par la directive puisque sa saisine a lieu, non seulement sur les « questions économiques et
sociales de nature stratégique qui concernent l’ensemble du groupe ARCELOR ou au moins deux
entreprises situées dans deux Etats membres de l’Union », mais encore pour celles qui « excèdent le
pouvoir des instances de décision dans un seul Etat membre et qui affectent considérablement les
intérêts des travailleurs ». Cela permet, concrètement, de saisir le CEE d’Arcelor d’un projet de
restructuration qui n’affecte qu’un seul pays dès lors que celui-ci n’est pas le pays du siège (le
Luxembourg).
1
« Le succès remporté par ce principe de la priorité à la négociation entre les partenaires sociaux eux-mêmes, et son
insertion en tant qu’élément clé des instruments communautaires ultérieurs en matière d’implication des travailleurs, en
font l’une des pierres angulaires de l’approche adoptée par la Communauté dans ce domaine, qui devrait être
maintenue dans le mode de fonctionnement futur de la directive », Commission européenne, op. cit.
2
Entretien avec François VASQUEZ, ancien chef d’unité adjoint, DG emploi, Commission européenne.
3
Pierre VELTZ, Des territoires pour apprendre et innover, Editions de l’Aube, Paris, 1994.
31
entreprises et leur territoire d’implantation ; compenser les faiblesses du dialogue social dans les
petites entreprises ; élaborer un diagnostic partagé sur l’anticipation des mutations économiques et
coordonner les décisions opérationnelles prises dans ce domaine.
2.4.1 La gestion concertée des relations entre les grandes entreprises et leur
environnement
1
Marie RAVEYRE, « implications territoriales des groupes et gestion du travail et de l’emploi » in revue de l’IRES n°
35, 2001.
2
Ce dispositif était de portée générale dans une zone géographique déterminée autour des sites de Saint-Gobain, mais le
montant de la prime était modulé selon que l’embauche concernait ou non un salarié de cette entreprise. Il faut souligner
que ces actions ont été menées indépendamment de la composition capitalistique de l’entreprise, publique de 1981 à
1986
32
Les actions obligatoires de revitalisation négociées avec l’Etat
Le législateur a saisi l’occasion créée par cette obligation financière pour inciter les
acteurs locaux et les partenaires sociaux à définir conjointement un projet de revitalisation. Le
même article dispose en effet que « les organisations syndicales de salariés et d’employeurs, les
représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés sont réunis par le
représentant de l’Etat dans le département avant la signature de la convention susvisée. Ils sont
également associés au suivi de la mise en œuvre des mesures prévues par celle-ci ».
A cette disposition fait écho celle du premier alinéa du même article, qui concerne les
entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et mille salariés. En dehors de tout dispositif
contraignant, cet alinéa prévoit que le Préfet « peut réunir » les mêmes interlocuteurs lorsqu’une
telle entreprise « procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d’affecter
l’équilibre économique du bassin d’emploi considéré ».
Initié en janvier 2003, le dispositif du contrat de site a été consacré par le Comité
interministériel d’aménagement du territoire (CIADT) du 26 mai 2003. Portant sur des
restructurations de grande ampleur frappant des bassins d’emplois déjà fragiles, il comporte un
double objectif :
- concentration des financements publics (FNADT,1 FRED2, DOCUP3, CPER4,
financements des collectivités locales) et privés (article 118 de la loi de modernisation
sociale) en vue de la revitalisation du territoire ;
- définition commune d’un projet de développement, associant les partenaires sociaux, les
pouvoirs publics et les acteurs économiques, dans le cadre d’un comité de site.
Onze sites sont actuellement concernés par le dispositif (dont cinq au titre de la
restructuration de GIAT-Industries). Les actions de redéveloppement financées dans le cadre des
contrats de site mobilisent des financements s’élevant entre 15 et 70 millions d’euros par contrat.
1
Fonds national d’aménagement et de développement du territoire
2
Fonds de restructuration de la Défense
3
Documents uniques de programmation des fonds structurels européens
4
Contrats de plan Etat-régions
33
Des dispositifs qui s’efforcent de concilier souplesse et responsabilisation
S’il vise à responsabiliser les entreprises quant à l’impact de leurs décisions sur le
tissu économique local, l’article 118 de la loi de modernisation sociale n’en conserve pas moins une
certaine souplesse, qui explique que ni la nature du dispositif, ni le plafond de l’obligation
financière n’aient été réellement contestés par les représentants des entreprises. Cette souplesse tient
d’abord au montant de l’obligation financière, qui peut faire l’objet d’une modulation importante par
le Préfet de département selon l’impact réel de la restructuration sur le tissu économique local. Mais
elle tient surtout à la nature des actions qui peuvent y contribuer : aides à l’embauche, financement
et appui technique à la prospection d’un repreneur de l’outil industriel1 ou du site.
Mais une faible association des salariés et un appui public qui demeure cantonné au
traitement curatif
Par ailleurs, les deux dispositifs créés en 2002 sont marqués par leur cantonnement
au traitement curatif, explicable par le contexte ayant présidé à leur création.
1
Cas de l’entreprise Milupa.
2
Entretien avec Marie-Caroline THERY, chargée des mutations économiques la DATAR.
3
Entretien avec André GOLLIARD, délégué central CFDT de GIAT-Industries.
34
2.4.2 La compensation de la faiblesse du dialogue social dans les petites
entreprises
1
Aux termes de l’article L. 132-30 du Code du travail, les commissions paritaires locales « négocient et concluent des
accords d’intérêt local, notamment en matière d’emploi et de formation continue », « examinent les réclamations
individuelles et collectives » ainsi que « toute question relative aux conditions d’emploi et de travail des salariés
intéressés. »
2
Paulette POMMIER , Les systèmes productifs locaux, la Documentation française, collection Territoires, 2002.
35
capacité d’influence accrue. Il semble donc souhaitable de faire émerger une représentation des
salariés au sein des SPL. Les CPL pourraient trouver dans ces coopérations matière à exercer leurs
compétences, notamment dans le domaine de l’emploi et de la formation continue.
2.4.3.1 Une concertation avec les partenaires sociaux au niveau régional qui se réoriente vers
l’anticipation des mutations économiques
Par ailleurs, il apparaît nécessaire de définir le lien qui doit exister entre le
dispositif d’anticipation des mutations économiques et celui relatif à la formation
professionnelle. En effet, une fois établi un diagnostic partagé quant à la fragilité d’un bassin
d’emplois et à la survenance prévisible de restructurations, les actions concrètes qui peuvent en être
déduites doivent essentiellement porter sur l’adaptation des salariés à l’évolution de leur métier.
Ceci impose une bonne coordination de l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle en
aval des travaux de l’observatoire régional des mutations économiques.
1
ibid.
2
La circulaire évoque, de façon non limitative, la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation
professionnelle, la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la trésorerie générale de
région, le chargé de mission DATAR et le délégué aux restructurations de défense.
3
Gérard LINDEPERG, op.cit, 2000.
4
Circulaire précitée : « les partenaires sociaux ont un rôle éminent à jouer. Il convient de les associer aux réflexions et
aux dispositifs en matière d’anticipation et d’accompagnement des mutations économiques. »
5
Le Comité régional de restructuration industrielle (CORRI), compétent pour traiter les cas d’entreprises dont l’effectif
ne dépasse pas 400 salariés, le Comité départemental pour l’examen des problèmes de financement des entreprises
(CODEFI), compétent pour les entreprises dont l’effectif ne dépasse pas 250 salariés, la Commission d’action publique,
destinée à prévenir les comportements frauduleux.
37
3 PROPOSITIONS POUR UN DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACE
FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES
Dans le souci de laisser une large autonomie aux partenaires sociaux pour définir les
modalités d’application de ce principe, la plupart des propositions suivantes recourent à l’instrument
des « dispositions subsidiaires » de la directive sur les CEE. Bien qu’applicables uniquement en cas
de négociation infructueuse, celles-ci définissent en effet un standard minimum pour les accords
constitutifs des CEE. Leur modification est donc susceptible de faire évoluer ces derniers.
Proposition n°1 : affirmer la compétence de principe des CEE sur toute restructuration
transfrontalière
38
L’antériorité de la consultation du CEE sur le projet stratégique de l’entreprise est
une condition nécessaire à la pleine effectivité de son rôle en matière économique1. Pour être
applicable dans tous les Etats de l’Union, cette règle devrait être inscrite dans la directive CEE à
l’occasion de sa révision. En l’absence de modification en ce sens, elle pourrait être posée par la loi
française.
Afin de permettre une bonne prise en compte des intérêts des salariés de chaque pays
dans le dialogue sur la décision stratégique, le dessaisissement des instances nationales devrait
s’accompagner d’une meilleure association aux travaux du CEE.
Le comité restreint semble l’instance la plus adaptée pour atteindre cet objectif. Selon
l’objet de ses travaux, des délégués des salariés des établissements directement concernés
pourraient y participer, sans que cette possibilité ne soit réservée aux seuls délégués déjà membres
du CEE, comme c’est le cas aujourd’hui. Les délégués d’établissement seraient soumis aux mêmes
obligations statutaires que les autres membres du CEE.
Dans les entreprises multinationales, le CEE est plus proche du décideur stratégique
que le comité de groupe. Dès lors, le maintien de celui-ci est surtout porteur de complexité.
1
Cette question, jugée dans un sens favorable à l’antériorité dans le cas d’Altadis, n’a pas encore donné lieu à une
jurisprudence de la Cour de cassation.
2
Michel de VIRVILLE (dir.), Pour un Code du travail plus efficace, rapport au Ministre des affaires sociales, du travail
et de la solidarité, janvier 2004, proposition n° 25.
39
3.1.1.2 Donner au CEE les moyens d’exercer des compétences renforcées
Proposition n° 5 : prévoir une obligation de saisine du CEE « en temps utile » sur les
restructurations
La nécessité pour les représentants salariés siégeant au CEE d’étudier des problèmes
internationaux complexes justifie que le régime de leur droit à formation soit, au minimum, aligné
sur celui des autres représentants du personnel. En outre, cette formation pourrait comprendre des
éléments spécifiques, justifiés par la nature du mandat : économie, langues étrangères, formation à la
négociation dans un contexte multinational, systèmes sociaux des Etats de l’Union européenne. Tout
en renforçant le caractère opérationnel des CEE, cette formation favoriserait le rapprochement des
cultures syndicales nationales.
40
A cet égard, le rôle des fédérations européennes, jugé « majeur1 » dans la constitution des comités
d’entreprise européens, pourrait être consacré dans le cadre du fonctionnement opérationnel de ces
comités.
C’est pourquoi la directive pourrait prévoir une présence systématique, avec voix
consultative, d’un représentant de la fédération de branche concernée au CEE. Doté à l’origine d’un
simple rôle de conseil, ce représentant pourrait progressivement, et de façon informelle, développer
des pratiques de coordination et de rapprochement des cultures syndicales nationales.
Des actions au bénéfice des salariés des sous-traitants peuvent aujourd’hui être
inscrites au plan de sauvegarde de l'emploi sur une base volontaire. Il conviendrait d’inciter plus
fortement les grandes entreprises à le faire, en intégrant ces mesures dans l’appréciation globale du
caractère proportionné du plan de sauvegarde de l'emploi. Une ligne concernant ces mesures
pourrait être insérée à l’article L. 321-4-1 ; une circulaire serait adressée aux DDTEFP pour préciser
les modalités de prise en compte de cette rubrique dans leur appréciation globale du plan de
sauvegarde de l'emploi.
Par ailleurs, les salariés et les directions des sous-traitants étant ainsi intéressés à la
discussion du plan de sauvegarde de l'emploi, une faculté de participation aux réunions du CE du
donneur d’ordre tenues au titre du livre III pourrait leur être ouverte.
1
Commission européenne, ibid.
2
Commission européenne, ibid.
41
par exemple être réservées aux entreprises réalisant plus de 50 % de leur chiffre d’affaires avec le
donneur d’ordre.
3.1.3 Mieux articuler les différents niveaux nationaux de dialogue social sur les
restructurations
L’articulation des instances nationales de dialogue social doit viser deux objectifs :
- répartir les rôles entre les différents niveaux, en évitant les redondances et en attribuant
à chaque instance les compétences qu’elle est la mieux placée pour exercer ;
- assurer une coopération entre les instances, afin d’éviter que les décisions ayant fait
l’objet d’un consensus à un niveau ne soient rejetées par un autre.
La répartition pertinente des thèmes de discussion entre les différents niveaux dépend
dans une large mesure des caractéristiques de l’entreprise : fonctionnement plus ou moins autonome
des établissements, force de la représentation du personnel au niveau de l’établissement, etc.
L’accord de méthode semble donc l’instrument le plus adapté à sa définition (cf. proposition n°21).
Les propositions suivantes n’ont donc vocation à s’appliquer qu’en l’absence d’un tel accord.
Situés au plus près des bassins d’emploi, les comités d’établissement peuvent
apporter une contribution déterminante à la qualité des mesures de reclassement externe. Pourtant, la
loi place leur consultation sur ce thème après la remise des conclusions de l’expert auprès du CCE,
soit lors de la deuxième réunion de cette instance. L’expert ne peut donc tenir compte de l’avis des
comités d’établissement.
Proposition n° 12 : Mieux associer les directions des sites d’accueil à la définition des
mesures de reclassement interne
Les règles actuelles ne prévoient pas d’association des directions des sites d’accueil
à la définition des mesures de reclassement interne. Une telle association permettrait pourtant une
définition plus pertinente des mesures d’accompagnement à la mobilité entre sites.
42
3.2 Développer un dialogue social territorial permettant un meilleur
traitement et une meilleure anticipation des restructurations
A cette fin, les DDTEFP, en lien avec les chambres de commerce, pourraient
contribuer à une meilleure connaissance au sein des entreprises des commissions paritaires locales
instituées par la loi du janvier 1985.
Les pouvoirs publics pourraient également faire un plus grand usage des instruments
d’incitation à leur disposition pour développer le dialogue social au sein des structures de
coopération inter-entreprises:
- la DATAR, animatrice du réseau des Systèmes productifs locaux, pourrait accorder une
plus grande place au dialogue social dans les exemples de bonnes pratiques dont elle
assure la promotion1 ;
- dans le cadre de leurs politiques d’appui aux coopérations interentreprises, l’Etat et les
collectivités locales pourraient inciter les bénéficiaires de leurs aides à développer le
dialogue social, en les invitant à se rapprocher des commissions paritaires locales
existantes ou à susciter leur création.
Compte tenu des incertitudes actuelles pesant sur les dispositifs d’anticipation des
mutations économiques (cf. 2.4), il apparaît nécessaire de préciser le fonctionnement de la chaîne de
décision aboutissant à la mise en œuvre d’une politique concertée. Deux niveaux sont à considérer :
l’élaboration d’un diagnostic partagé et la coordination des actions conduites par chacun des acteurs
dans le cadre de ses compétences.
1
Depuis son premier numéro en juin 2001, un seul article de SPL Info, la lettre d’information de la DATAR, a été
consacré au dialogue social.
43
par tous les acteurs
Les actions conduites par chacun des acteurs dans son champ de compétences
doivent s’inscrire dans une stratégie commune, définie sur la base d’un diagnostic partagé. Cette
coordination apparaît particulièrement importante en matière de formation professionnelle, étant
donné la multiplicité des intervenants et l’importance que revêt cette politique pour le traitement des
mutations économiques.
Le CCREFP, seul organe tripartite de la région, apparaît le mieux placé pour être le
lieu de cette coordination. Son fonctionnement devrait cependant être aménagé afin de permettre la
négociation en son sein de contrats d’objectifs, voire de contrats portant sur les actions à
entreprendre par chaque acteur. Le plan régional de développement des formations professionnelles
(PRDF), dont le projet de loi sur les responsabilités locales prévoit le renforcement, pourrait y être
contresigné par les partenaires sociaux.2
3.3.1.1 Développer des outils de dialogue social sur la gestion anticipée des emplois
1
L’ANI du 5 décembre 2003 encourage leur création auprès des commissions paritaires nationales de l’emploi de
chaque branche en vue d’ « accompagner les entreprises dans leur politique de formation et les salariés dans
l’élaboration de leur projets professionnels ».
2
Aujourd’hui, le CCREFP est simplement consulté à son sujet.
44
La possibilité pour le comité d’entreprise de faire appel à un expert-comptable lors de
la consultation annuelle du comité d’entreprise, prévue par l’article L. 434-6 du Code du travail, se
limite actuellement à l’examen de la situation économique de l’employeur. Ce même article dispose,
certes, que « la mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique,
financier ou social nécessaires à l’intelligence des comptes et à l’appréciation de la situation de
l’entreprise », mais il n’étend pas sa compétence à l’examen des emplois et qualifications prévue à
l’article L. 432-1-1 du Code.
3.3.1.2 Développer un dialogue social opérationnel sur la mise en œuvre du plan de sauvegarde
de l'emploi et l’évaluation du reclassement des salariés
Proposition n° 17 : mettre en place une concertation avec les représentants des salariés sur
le choix du prestataire chargé du reclassement et son cahier des charges
De telles pratiques pourraient être encouragées par les lignes directrices sur les
restructurations socialement responsables (cf. infra).
1
Sous la forme d’un jury composé de représentants du personnel et de la direction.
45
représentants du personnel. L’implication active des représentants des salariés dans le processus de
suivi des opérations de reclassement contribue pourtant à améliorer leur efficacité (cf. 2.2).
L’attribution d’un rôle plus important des représentants des salariés dans le suivi et
l’évaluation des obligations de reclassement de l’entreprise suppose qu’ils disposent des
compétences adaptées à cette nouvelle mission.
Le comité de suivi paritaire pourrait donc bénéficier de l’éclairage donné par l’avis
d’un expert-comptable ou, comme ci-dessus (voir proposition 13), d’un expert de son choix en
matière de gestion des effectifs et des compétences. Celui-ci serait rémunéré par l’employeur dans la
limite de deux missions pendant toute la durée de mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi,
et au minimum pendant un an.
L’accord de méthode a été créé à titre provisoire (dix-huit mois) par la loi du 3
janvier 2003 et a permis tant la définition de procédures plus efficaces d’information-consultation
qu’une évolution très nette vers la contractualisation du dialogue social sur les restructurations des
entreprises.
46
Proposition n° 21 : établir une obligation de négociation trisannuelle en vue de la conclusion
d’un accord de méthode dans les entreprises de plus de 250 salariés
La faculté de déroger aux dispositions des livres III et IV serait limitée aux deux
derniers points.
3.4.1.2 Définir une procédure supplétive plus efficace en l’absence d’accord de méthode
Cette procédure unifiée devrait prévoir des délais suffisants pour permettre
l’élaboration d’alternatives crédibles au projet de l’employeur. Ainsi, dans une contribution à la
négociation interprofessionnelle sur les restructurations, le cabinet Alpha1 a proposé la procédure
suivante, composée de cinq réunions :
1
Gestion de l’emploi et restructurations, Groupe Alpha, mars 2004.
47
L’unification des deux procédures induit une sécurisation des délais qui bénéficie à
l’employeur, mais qui fait perdre un moyen d’influence aux salariés (cf. 1.1.2.2). Elle devrait donc
être équilibrée par des incitations plus fortes à la recherche d’un accord. Ainsi, le dialogue sur le
volet économique devrait évoluer vers une véritable concertation. Celle-ci serait conclue par la
signature par les deux parties d’un document établissant leurs points d’accord et de désaccord et
précisant les motifs de leurs positions.
Proposition n° 23 : assurer une plus grande sécurisation juridique des plans de sauvegarde
de l’emploi
Des médiateurs professionnels agréés par le Ministère des affaires sociales pourraient
donc être mis à disposition des entreprises confrontées à une restructuration.
Les initiatives réussies et les bonnes pratiques au niveau européen gagneraient à être
confortées par une démarche politique les appuyant et visant à les promouvoir. Si l’harmonisation
des politiques et des pratiques nationales n’est pas envisageable du fait de la divergence forte des
cultures sociales, la méthode de coordination ouverte est un outil approprié pour faire converger les
politiques nationales. Utilisée avec succès dans le domaine de la politique de l’emploi, elle se fonde
en effet sur :
48
- l’identification et la définition en commun d’objectifs à remplir, assortis d’instruments de
mesure et d’évaluation (statistiques, indicateurs) permettant de situer la progression des Etats
membres vers les objectifs fixés ;
- le développement d’outils de coopération comparatifs stimulant la diffusion de « bonnes
pratiques ».
Dans ce cadre global, les pouvoirs publics français, s’inspirant des bonnes pratiques
de autres pays européens, pourraient définir un système national de suivi et d’évaluation du dialogue
social sur les restructurations.
3.4.2.2 Améliorer le suivi et l’évaluation par les pouvoirs publics nationaux de la gestion des
restructurations
Proposition n° 27 : généraliser le suivi des résultats obtenus par les plans de sauvegarde de
l’emploi
49
licenciements économiques ou, à défaut, à l’ensemble de ceux donnant obligatoirement lieu à
l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Cette mission d'évaluation devrait être réalisée au niveau régional, niveau pertinent
pour l’étude et la prospective, et gagnerait à être élaborée de manière interministérielle et
interinstitutionnelle. C'est pourquoi elle pourrait être confiée aux observatoires régionaux des
mutations économiques, qui transmettraient les bonnes pratiques recensées à la MIME.
1
Commission européenne, Livre vert sur la RSE, juin 2001 et Communication sur la RSE et le développement durable,
juillet 2002.
50
favoriseraient la diffusion des bonnes pratiques. Pour ne pas rester figés, ils devraient cependant être
régulièrement adaptés à partir des pratiques de terrain.
A cet effet, des instruments non contraignants (lignes directrices et guide de bonnes
pratiques) pourraient être élaborés par la direction des relations du travail et la MIME à partir des
bonnes pratiques recueillies par cette dernière (cf. proposition n°25). Certaines de ces propositions
pourraient être reprises par le législateur dans le cadre de la procédure supplétive ou comme
principes impératifs.
Les lignes directrices devraient définir les critères d’une restructuration socialement
responsable. A titre d’exemple, les critères suivants pourraient être dégagés et précisés :
Elles seraient complétées d’un guide des bonnes pratiques, recensant des actions
précises et les accompagnant d’une évaluation de leurs résultats.
Proposition n°30 : rétablir l’obligation d’étude d’impact social et territorial de tout projet
de restructuration
La loi de modernisation sociale avait instauré cette obligation pour toute cessation
totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour
conséquence la suppression d'au moins cent emplois, prévoyant que les organes de direction et de
surveillance de la société statuent « sur présentation d'une étude d'impact social et territorial établie
par le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes qui découlent de la
fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome et sur les suppressions d'emplois
qui en résultent. ». Ces dispositions ont été suspendues par la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003.
Une telle obligation contribuerait pourtant à inclure dans les démarches de RSE les
critères d’une restructuration socialement responsable. Transmise aux organes de surveillance, mais
aussi aux représentants des salariés, l’étude d’impact permettrait d’encourager le dialogue social sur
les restructurations. Fournie aux DDTEFP, elle favoriserait l’évaluation par les pouvoirs publics et
la diffusion des bonnes pratiques. Elle pourrait enfin servir de diagnostic pour la définition des
actions de revitalisation dans le cadre de l’article 118.
51
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
1
ANNEXE 1:
SCHEMA RECAPITULATIF DE LA PROCEDURE D’INFORMATION-
CONSULTATION SUR LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES
Le schéma suivant illustre, après la loi du 3 janvier 2003, le déroulement de la procédure
d’information-consultation sur les licenciements économiques de plus de dix salariés dans les
entreprises de plus de cinquante salariés munies d’un comité d’entreprise, en cas de
concomitance des livres III et IV et de recours à l’expert comptable.
Envoi simultané à la
Convocation de l’IRP sur le double volet économique et social de l’opération DDTE de la convocation
et des documents joints
avec information sur le projet de licenciement (critères fixant l’ordre des
licenciements3 compris)
jours calendaires
et sur un minimum
projet sérieux de PSE)
(obligatoire si CE : préconisé si DP)
calendaires maximum
à la priorité de
réembauchage
Réponse de l'employeur par LRAR
2
ANNEXE 2:
LEGISLATIONS SUCCESSIVES APPLICABLES A L’INFORMATION-
CONSULTATION DU COMITE D’ENTREPRISE SUR LES
LICENCIEMENTS ECONOMIQUES
1/ Les lois n°73-4 du 2 janvier 1973 et n°75-5 du 3 janvier 1975 instaurent pour la
première fois une procédure de consultation des représentants du personnel lors d'un
licenciement économique. Elles donnent en outre un nouveau rôle à l'Etat, en instituant une
autorisation administrative préalable à tout licenciement économique.
3/ La loi « Soisson » n°89-549 du 2 août 1989, complétée par les lois des 29 juillet
1992, 27 janvier 1993 et 20 décembre 1993, met en place une procédure d’information-
consultation à deux volets : un volet économique et un volet social. Cette architecture ne variera
pas jusqu’à aujourd’hui. Cependant, jusqu’à la jurisprudence Siétam, la procédure est
entièrement conduite dans le cadre du livre III. Elle porte notamment sur la situation de
l’entreprise, la limitation du nombre de licenciements et le reclassement des salariés dont le
licenciement n’a pu être évité (L 321-4).
Le CE remet donc formellement deux avis dans le cadre de la procédure du livre III, un
sur le projet économique et l'autre sur le projet de plan social.
Les deux procédures peuvent être conduites concomitamment (Cass. Soc., 2 mars 1999),
à condition que les réunions distinguent bien les deux phases de la consultation (ordres du jour et
dossiers remis aux participants distincts).
La procédure du livre IV n'étant encadrée par aucun délai prédéfini, il en résulte un levier
d'action pour les représentants du personnel, qui peuvent faire peser une menace sur la date où la
procédure du livre IV pourra être achevée, et les licenciements prononcés.
3
6/ La loi n°2003-6 du 3 janvier 2003 (dite loi « Fillon ») suspend certaines des
dispositions de la LMS, en particulier pour ce qui concerne l'articulation des procédures, et
rétablit donc le schéma antérieur.
4
ANNEXE 3:
LES DONNEES STATISTIQUES RELATIVES
AUX LICENCIEMENTS ECONOMIQUES
ET AUX PLANS DE SAUVEGARDE DE L’EMPLOI
Les entreprises ayant recours à des licenciements pour motif économique sont tenues aux
termes du Code du travail et quelle que soit leur taille, de procéder à une notification auprès de
l’administration du travail. Toutefois, les données obtenues par l’intermédiaire de cet outil sont
sujettes à un nombre important de non-déclarations, particulièrement chez les plus petites
entreprises faisant l’objet d’une liquidation1.
Cette administration a toutefois mis en place en 2003 un outil d’analyse du contenu des
plans de sauvegarde de l’emploi au moment de la clôture des procédures livre III, ainsi que de
suivi de ces plans douze mois plus tard. Il s’agit d’accéder au motif du plan, au nombre
d’emplois supprimés et aux dispositifs de reclassement externes et internes. Mais celui-ci ne
concerne à ce stade que les licenciements de plus de 50 salariés (donc un champ plus restreint
que l’ensemble des plans de sauvegarde de l’emploi) et, en tout état de cause, est mis en œuvre
depuis trop peu de temps pour fournir des données réellement exploitables.
1
Entretien avec Jean-Pierre BARNET, Directeur départemental du travail des Hautes-Pyrénées.
5
inscriptions trimestrielles ANPE pour
licenciement économique
(source: DARES)
200 000
150 000
100 000
50 000
0
janv-89
janv-90
janv-91
janv-92
janv-93
janv-94
janv-95
janv-96
janv-97
janv-98
janv-99
janv-00
janv-01
janv-02
janv-03
Toutefois, les licenciements pour motif non économique présentent, au cours de la même
période, un profil qui paraît opposé au précédent :
160 000
140 000
120 000
100 000
80 000
60 000
janv-89
janv-90
janv-91
janv-92
janv-93
janv-94
janv-95
janv-96
janv-97
janv-98
janv-99
janv-00
janv-01
janv-02
janv-03
6
100
150
200
250
300
350
400
450
500
550
avr-95
oct-95
(source: DARES)
avr-98
oct-98
7
avr-99
oct-99
avr-00
oct-00
avr-01
oct-01
avr-02
oct-02
avr-03
oct-03
ANNEXE N° 4 :
LES CRITERES D’UNE RESTRUCTURATION SOCIALEMENT
RESPONSABLE A LA LUMIERE DE DEUX CAS D’ENTREPRISE :
DANONE ET ARCELOR
Nous avons choisi d’alimenter nos analyses sur les relations entre dialogue social et
restructurations par six études de cas pratiques portant sur des exemples récents de
restructurations.
Les entreprises étudiées ont été choisies en fonction de l’ampleur et de l’impact des
restructurations qu’elles ont connues ou connaissent, mais aussi en fonction de leur caractère
européen ou international, de leur taille (firme multinationale ou PME) ou de leur statut (public
ou privé). Ainsi ont fait l’objet d’une analyse approfondie et de rencontres sur le terrain Danone
(branche « biscuits ») Arcelor, Giat-Industries, Air-France, Altadis et Milupa (fililale finlandais
Lumico).
Alors que par le passé les réductions d’effectif ont souvent provoqué des réactions
violentes car elles n’étaient pas anticipées, depuis quelques années, Arcelor a décidé de
communiquer largement sur le sujet. Dans le cas du site de l’Ardoise dont la fermeture a été
décidée par le groupe, le dialogue social a, par exemple, été engagé 15 mois avant la fermeture
du site. Cette anticipation des restructurations est rendue possible par un cycle
technologique long : un haut-fourneau ou un train de laminage est un investissement lourd dont
la durée de vie est connue à l’avance. Le marché de l’acier, s’il connaît des fluctuations, est
relativement prévisible. Il est donc possible, dans ce secteur, d’avoir une stratégie économique
qui anticipe à moyen terme (5 à 10 ans) les adaptations nécessaires de l’outil de production. La
direction générale d’Arcelor a ainsi déjà diagnostiqué que ses sites de production espagnols ne
seront plus compétitifs à partir de 2006-2007 si rien n’est fait, alors même qu’ils sont
actuellement rentables.
Au surplus, Arcelor est, de l’avis de l’ensemble des interlocuteurs que nous avons
rencontrés (à l’intérieur et à l’extérieur du groupe), une entreprise socialement responsable dans
le sens où elle gère ses restructurations en accordant une attention toute particulière à la
reconversion de ses salariés et à la revitalisation économique des territoires. Il s’agit
également d’un groupe puissant qui emploie plus de 100.000 salariés et réalise un chiffre
d’affaire de plus de 26 milliards d’euros. Il se situe au premier rang mondial pour la production
d’acier. Le groupe a donc l’assise financière qui lui permet d’aborder de manière
ambitieuse une restructuration. Dans le cas de la restructuration de l’Ardoise, les informations
qui nous ont été communiquées par la direction montrent que l’entreprise a accepté de payer un
8
coût élevé (autour de 60.000 € par salariés) pour mener à bien le reclassement des salariés et la
réhabilitation du site. Selon la direction, c’est le prix à payer pour démontrer le caractère
socialement responsable de l’entreprise et il reste, dans tous les cas, inférieur au coût d’une grève
dure.
Il faut rappeler tout d’abord que le plan de restructuration annoncé en mars 2001 par
Danone s‘est traduit par la suppression de 2597 emplois en Europe, dont 800 en France (Lu),
dans les usines fermées ou diminuant de capacité, et la création de 817 emplois dans les sites
augmentant de capacité. Le plan de sauvegarde de l’emploi de LU, qui a fait l’objet d’un accord
avec la CFDT, FO et la CFTC-CGC mais pas avec l’organisation majoritaire (CGT), prévoit :
- des mesures d’âge : 168 salariés
- des mesures de reclassement interne : proposées de manière prioritaire dans les six
premiers mois du PSE. On peut retenir aujourd’hui qu’environ 28% des salariés (160) ont
choisi cette forme de reclassement, ce qui est considéré comme un succès (généralement, le
taux est de 21-22%). Il faut noter que des mesures d’accompagnement substantielles
(prime à la mobilité : de 70 000 à 80 000 €, découverte du poste, droit au renoncement, prise
en charge du déménagement, aide à la recherche d’un logement et d’un emploi pour le
conjoint…) étaient prévues et que la garantie d’une absence de licenciement sauf faute grave
est donnée pendant cinq ans.
- des mesures de reclassement externe : mises en place via des Relais emploi mobilité
(REM) financés par le groupe. Ces REM sont de véritables cellules de reclassement,
opérant en partenariat avec l’ANPE mais avec un suivi individualisé un bilan de compétences
individualisées, recherchant les offres d’emploi, agissant comme prescripteur de formations
nécessaires (financées par le groupe) et continuant à suivre le salarié dans son nouveau
parcours professionnel jusqu’à la fin du PSE. En avril 2004, 197 salariés étaient reclassés et
56 en formation qualifiante.
Ce PSE peut être qualifié d’ambitieux au regard de son bilan positif (72% des salariés
sont reclassés ou bénéficient d’une mesure d’âge) même si inférieur à celui des autres sites de la
branche biscuits en Europe (96% de salariés reclassés).
Ce facteur de réussite doit cependant être apprécié au regard de l’impact toujours limité
de la réindustrialisation sur la restructuration elle-même, du fait d’une temporalité et des
9
exigences de qualification différentes (il faut beaucoup de temps pour réindustrialiser et les
qualifications demandées font appel à al polyvalence : les emplois créés ne sont donc pas offerts
à ceux qui le perdent). Par ailleurs, la stabilité de la réindustrialisation peut être toute relative (cf.
Daewoo). Ces limites expliquent certainement pour une part la forte réticence des représentants
des salariés à s’impliquer dans ce processus.
.
Dans les années 84-85, des contacts ont été noués entre l’Union internationale des
travailleurs de l’alimentation (UITA), avec le soutien de la FGA-CGT, et Antoine Riboud, afin
de mettre sur pied des rencontres annuelles entre la direction et les représentants des syndicats
des filiales Danone des pays de l’Europe géographique. Ces rencontres, dont l’organisation
pratique était assurée par l’UITA et le financement par le groupe Danone, se tenaient à Genève et
rassemblaient environ trente syndicalistes d’organisations affiliées à l’UITA. Elles permettaient
un échange d’informations sur les questions d’actualité et les préoccupations des syndicalistes.
L’un des objectifs clairement affirmé était de renforcer, ce faisant, l’esprit et la « culture »
Danone dans des filiales provenant d’autres groupes et porteuses de cultures différentes. Cet
aspect prendra d’autant plus de poids que le développement du groupe s’est fait et se fera pour
l’essentiel par rachats et fusions.
2) Depuis 1996, une structuration du DS européen à deux niveaux mais dont le rôle
est limité à l’information -consultation et dont les moyens pourraient être plus
importants
Le Comité restreint, qui se réunit pour préparer les réunions du CIC et à chaque fois
qu’une décision a des répercussions en matière d’activité, est composé quant à lui de permanents
syndicaux non salariés.
Des accords (ou ”avis communs”) ont été conclus entre le groupe et l’UITA mais en
dehors du CIC: la direction du groupe et le secrétariat de l’UITA sont convenus dès 1989 de la
nécessité de tracer des lignes directrices sur certaines questions. Ces lignes directrices sont
formalisées dans des accords négociés par un petit groupe de pilotage qui comprend, du côté
UITA, quatre ou cinq syndicalistes et des représentants de la direction du groupe. Le CIC n’est
en aucune manière impliqué dans la négociation et la conclusion d’accords. L’UITA
considère en effet que les comités européens ou structures similaires ne doivent pas devenir des
structures de négociation. La négociation doit rester, au niveau international comme au niveau
national, de la responsabilité des organisations syndicales.
Ainsi ont vu le jour : accord sur la nature et la fréquence des informations à délivrer aux
représentants syndicaux et élus du personnel par leur direction (septembre 1989) ; plate-forme
d’action en faveur de l’égalité professionnelle hommes/femmes (septembre 1989) ; plate-forme
formation qualifiante (1992) ; déclaration commune sur le droit syndical (mai 1994) ; avis
commun en cas de modification d’activité affectant l’emploi ou les conditions de travail (mai
1997) ; avis commun sur les normes sociales applicables à l’ensemble des entreprises concernées
par le projet de réorganisation du pôle biscuits en Europe (octobre 2001). Pour l’essentiel, ces
accords sont fondés sur l’application des conventions pertinentes de l’Organisation mondiale du
travail (OIT). L’actualité est à la négociation de critères sociaux que fournirait la direction
générale au CIC chaque année. Ils porteraient entre autres sur l’emploi (nombre, nature des
contrats) et les conditions de travail (durée du travail, taux d’absentéisme, taux d’AT et gravité,
etc.).
Les accords « Avis commun sur l’emploi » (1997) et « avis commun restructuration
biscuits » (2001) sont particulièrement intéressants s’agissant de leur portée sur les
restructurations :
L’avis commun de 1997 provient de la perception de l’inquiétude des salariés confrontés
à des restructurations qui surviennent brusquement et sont effectuées en dehors de toute règle et
de toute considération du sort des salariés/es. L’objectif était donc de garantir à l’ensemble des
salariés/es du groupe l’application de mesures minimales qui devaient permettre que l’avenir des
personnes touchées soit garanti d’une manière ou d’une autre (délai de prévenance, formation
qualifiante, maintien de l’emploi chez Danone, aide à la recherche d’emploi hors-Danone,
mesures d’âge, aide à la recherche d’activités de substitution sur le site, etc.).
En 2001, cet accord a été décliné pour répondre aux attentes des salariés/es touchés/es par
la restructuration des activités biscuits en Europe. Le résultat de l’application de ce nouvel avis
commun se traduit par un taux de solutions trouvées aux salariés/es concernés/es de (chiffres
décembre 2003): 100% en Belgique ; 100% aux Pays-Bas ; 94% en Italie ; 92% en Hongrie ;
85% en Irlande ; 68% en France ; 66% au Royaume-Uni.
Les accords UITA/Danone ont pour objectif d’être appliqués dans les sociétés du
groupe mais leur caractère non contraignant et leur champ d’application incertain en
limitent l’efficacité.
11
Il est en effet difficile de faire le bilan précis de l’application car la reprise de ces accords
au niveau national et local dépend beaucoup de l’implication des équipes syndicales sur le
terrain. Des exemples nombreux montrent que ces accords ont servi concrètement à améliorer les
situations existantes, par exemple par rapport à la communication d’informations aux
syndicalistes dans les filiales d’Europe centrale et orientale, ou, en France (St Méloir des Ondes),
à la consultation des syndicalistes en cas de fermeture d’un établissement.
Il est toutefois clair que les accords UITA/Danone souffrent de ce qu’ils ont été conçus
davantage comme des lignes directrices que comme des engagements contraignants. Il leur
manque un dispositif de contrôle de leur application et de correction des situations non
conformes. Par ailleurs, la direction générale et l’UITA ont une vision différente de la portée des
accords. La direction affirme que ces accords ont vocation à application pleine et entière dans les
pays de l’OCDE mais sont difficiles, voire impossibles à appliquer dans les pays émergents.
L’UITA renvoie à un certain nombre de déclarations et d’écrits qui précisent bien le caractère
général des accords.
Plus généralement, c'est la problématique de l'encadrement juridique des accords
d'entreprise internationaux qui est un peu flou. Sans être de véritables accords au sens strict du
terme, ils emportent quand même des effets juridiques. La portée juridique de la saisine d'un
tribunal international (CJCE par ex) pour non application de certaines de ses dispositions ne
serait sans doute pas nulle.
3) Un DS mondial en devenir
L’UITA est tout à fait favorable à la mise en place d’un comité mondial qui couvre
l’ensemble des activités du groupe Danone, avec représentation des salariés non européens. Le
groupe refuse cette représentation de même qu’il a récemment réitéré son opposition à la mise en
place de comités similaires au CIC dans d’autres régions du monde, arguant du fait qu’il
n’existait pas dans les autres régions la même cohérence et le même cadre juridique qu’en
Europe. Mettre en place un comité mondial supposerait qu’il y ait une culture du dialogue
sociale préexistante et des interlocuteurs dans les pays concernés par cet élargissement éventuel
du CIC, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Il faut néanmoins souligner que les échanges lors de la réunion du CIC (présentation du
président, questions des syndicalistes et réponses de la direction générale), ne se limitent jamais
à la seule Europe géographique mais se réfèrent à l’ensemble du groupe.
Elle dispose pour cela de différents outils. Tout d’abord, elle est présente au sein du CEE
et à son comité restreint par l’intermédiaire d’un invité permanent. Elle anime, ensuite, un
« Groupe de dialogue social » qui comprend un représentant de chaque syndicat présent chez
Arcelor, le coordinateur de la FEM, le Président du CEE, son Secrétaire, et qui a pour tâche de
développer le dialogue social au sein du groupe. Il s’agit d’un projet pilote que la FEM
souhaiterait voir se généraliser à l’ensemble des CEE. Elle participe encore à un « groupe
restreint », qui se réunit deux fois par an avec les trois représentants des salariés qui siègent au
conseil d’administration du groupe, pour préparer ses réunions. Elle anime encore une rencontre
annuelle de tous les niveaux de représentation des salariés au sein d’Arcelor (organisations
12
syndicales nationales, FEM, membres du CEE et du CA) dont l’objet est de définir une stratégie
globale des représentants des salariés. La FEM peut, enfin, être invitée à certaines discussions
entre les syndicats d’un pays et la direction ; ce fut le cas pour la négociation avec IG-Metall sur
le sort des salariés allemands, en juillet 2003.
Selon le DRH d’Arcelor, le rôle de la FEM est très positif, car elle fait bénéficier le CEE
de son expérience internationale, et joue, en définitive, un rôle de médiateur entre le groupe
salarial et la direction. C’est ce qui lui permet ensuite d’essayer de diffuser cette attitude
pragmatique et coopérative auprès des organisations syndicales présentes au CEE. Toujours
selon le DRH, des syndicats « idéologiques » se sont ainsi ralliés à des déclarations
particulièrement modérées pilotées par la FEM, notamment sur la nécessité pour la métallurgie
de se restructurer.
Les conséquences sociales des restructurations ont été à l’origine traitées au moyen des
conventions générales de protection sociale (CGPS) qui offraient aux salariés la possibilité de
partir dès 55 ou 50 ans. Ce système très coûteux, mais qui assurait la paix sociale et était en
conséquence tout à fait consensuel, a été remis en cause à la fin des années 1980, l’entreprise
comme l’Etat n’ayant plus les moyens de le financer, et parce qu’il devenait également
nécessaire de licencier des salariés de moins de 50 ans – d’où l’émergence de la notion de
reclassement.
Un outil propre a alors été développé par Usinor et Sacilor, sous la houlette du Premier
Ministre Pierre Mauroy, pour traiter le coût social et territorial des restructurations : les sociétés
de conversion appelées SODIE (5 sociétés à l’époque, réparties sur le territoire national). Elles
avaient pour objectif de recréer de l’emploi sur les territoires touchés par les restructurations. A
leurs débuts, elles ont cependant été peu efficaces, du fait d’un manque de professionnalisme qui
a conduit à mal sélectionner les entreprises à soutenir (effets d’aubaine). C’est ce qui explique le
grand scepticisme des organisations syndicales sur le dispositif. A partir de 1986, un effort
conséquent de professionnalisation a donc été mis en œuvre, qui a conduit à la mise en place de
dispositifs originaux combinant les actions de revitalisation industrielle et les activités de
reclassement des salariés.
Afin de développer les compétences des salariés, il a été mis en place, chez Lu-Evry, un
Certificat de Formation Générale, pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à
l’obtention d’un CAP, en partenariat avec l’éducation nationale, et dans le cadre de la branche
Alliance7. Cela correspondait bien aux besoins de formation dans un bassin d’emploi marqué par
les difficultés sociales (surendettement, drogue…) dont les salariés, malgré leurs salaires
supérieurs à la moyenne, n’étaient pas exempts. Certains syndicats ont dans les années 90
appeler au boycott de ces formations et le message du groupe n’a pas été de son côté
suffisamment relayé pour être compris par les salariés.
Par ailleurs, la validation des acquis de l’expérience a démontré son efficacité dans le
cadre de la restructuration : 65% des 180 salariés qui en ont bénéficié se sont reclassés
facilement.
14
LISTE DES PERSONNES RENCONTREES
Cas pratiques
ARCELOR
- Site de l’Ardoise :
M. ERBEL, Directeur des Ressources Humaines d’Ugine et ALZ, ancien Directeur des
Ressources Humaines de l’unité opérationnelle Inox Plats
M. RUAT, membre de la section CFDT
DANONE
MILUPA
ALTADIS
15
- Mme OCKRENT, directrice de la communication
- M. FILIPPI, directeur des relations sociales
- M. ROUX secrétaire du comité central d’entreprise
GIAT
AIR FRANCE
Union Européenne
Commission européenne :
Syndicats
- Mme ANDRE, secrétaire générale adjointe de la CES
Etats membres :
- DGEFP
Mme LEGRAND, chef de bureau FNE
16
M. DUPUIS, chef de bureau des interventions sectorielles
- DRT
M. COMBREXELLE, directeur des relations sociales
- DARES
David ANGLARET, Sous-direction travail, emploi et relations professionnelles
- INSEE
M. BRION, chargé de la synthèse des statistiques d’entreprises
DATAR
- Mme THERY, responsable des restructurations économiques
MIME
- M. AUBERT, chef de la Mission interministérielle sur les mutations économiques
(MIME)
SERVICES DECONCENTRES
Collectivités territoriales
Syndicats
Juges
17
Avocats
- M. BELIER
- M. HENRY
- M. LYON-CAEN, avocat au Conseil d’Etat
Universitaires, chercheurs
Cabinets
18
LISTE DES ABREVIATIONS
ANPE Agence nationale pour l'emploi
CAE Conseil d'analyse économique
CBE Comités de bassins d’emploi
CCE Comité central d’entreprise
CCI Chambre de commerce et d'industrie
CCREFP Comités de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle
CE Comité d'entreprise
CEE Comité d'entreprises européennes
CEPME Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises
CES Conseil économique et social
CESR Conseil économique et social régional
CFDT Confédération française démocratique du travail
CGT Confédération Générale du Travail
CIADT Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire
CODEFI Comité départemental pour l’examen des problèmes de financement des
entreprises
COPIRE Commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi
COREF Comités régionaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de
l'emploi
CORRI Comité régional de restructuration industrielle
CPNE Commission Paritaire Nationale pour l'emploi
DARES Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques
DATAR Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale
DDCRF Direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes
DGB Deutscher Gewerkschaftsbund (principale organisation syndicale centrale en
Allemagne)
DGEFP Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle
DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales
DRCCRF Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression
des Fraudes
DRIRE Direction Régionale de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement
DRT Direction des relations du Travail
DRTEFP Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
EEE Espace Economique Européen
FEM Fédération Européenne de la Métallurgie
FNADT Fonds national d'aménagement et de développement du territoire
INSEE Institut national de statistique et d'études Economiques
IRES Institut de Recherches Economiques et Sociales
LOLF Loi organique relative aux lois des finances
MIME Mission interministérielle sur les mutations économiques
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
OPA Offre publique d’achat
OPE Offre publique d’échange
PME Petite et moyenne entreprise
PSE Plan de sauvegarde de l’emploi
TGI Tribunal de grande instance
TPE Très petite entreprise
TPG Trésorier Payeur Général
UNICE Union des Confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe
URSAFF Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations
Familiales
19
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Cabinet Syndex
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SESSI
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27