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Jacques Derrida Foi et Savoir suivi de Le Siécle et le Pardon (entretien avee Michel Wieviorka) Editions du Seuil 200 Le texte « Hot t Savoir» a ete pune aux Batons du Suit dans le volume La religion, Séminaire de Capri ‘ous la rection de Jacques Derrida et Gian Vatimo) Le texte « Le Site tle Pardon » ade publié dans lo aumaro 9 (décembre 1999) du Monde des débats. ssa 2-02-047986-9 ¢sa 2.02-023560-9, 1* publication de «Foi et Savoir») (© Bditons du Seuil/Eatons Laterza, 1996, ‘pour «Fai et Savoir. ‘© Esitions 4a Sell, 2000, pout «Le Site et le Pardon » ‘ct pouriacomposton du volume ‘wwwwseuilcom Foi et Savoir Les deux sources de la «religion » ux limites de la simple raison TTALIQUES 1. Comment « parler religion » ? de la religion ? Singu- lierement de \a religion, aujourd'hui ? Comment oser en parler au singulier sans crainte et tremblement i ce jour ? Exsi pew et si vite? Qui aurait Pimpudence de préiendre qils'agit la d'un sujet ata fois identifiable et nouveau ? Qui aurait la présomption dy ajuster quelques apho- rismes ? Pour se donner le courage, l arrogance ou la sérénité nécessaires, peut-tire alors fawt-il feindre de Jaire un instant abstraction, abstraction de tout, ou de presque tout, une certaine abstraction, Peut-étre faut-il ager sur a plus concréte et la plus accessible, mais aussi sur la plus désertique des abstractions. Doit-on se sauver par l'abstraction ou se sauver de Vabstraction ? Oi est le salut? (En 1807, Hegel écrit «Wer denkt abstrakt» : « Denken’ Abstrakt? — Sauve qui peut! » commence-til par dire, et en francais juste- ‘ment, pour traduire le eri ~ « Rette sich, wer kann! » — cde ce trattre qui voudrait alors fur, un seul mouvement, et la pensée et abstraction et la métaphysique : comme la. peste »,) 2. Sauver, re sauvé, se sauver. Prétexte dl une premigre ‘question : peut-on dissocier un discours sur la religion un discours sur fe salut, c‘esta-dire sur le sain, le saint, le sacré, te sauf, Pindemne, Vimmun (sacer, sanctus, hei- lig, holy- et leurs équivalents supposés dans tant de langues)? Bt te salut, estoce nécessairement fa rédemp- 10 Foi et Savoir Hom, devant ou d'apres le mai, lu fuse ow fe péché? Maintenant: ott est le mal ? le mal aujourd hui, présente ment? Supposons qu'il y ait une figure exemplaire et inédite du mal, voire du mal radical qui paraisse marquer notre temps et mul autre. Est-ce d identifier ce mal qu'on aaccédera a ce que peut étre la figure ou la promesse du salut pour notre temps, et done la singularité de ce relic ‘glewx dont on dit dans tous les journauc qu i fait retour? ‘A terme, nous voudrions done relier la question de ta religion a celle du mal abstraction. A abstraction radicale. Non pas @ta figure abstraite de la mort, du mal ou de la maladie de la mort, mais aux formes’ du mal qu'on lie sraditionnellement a Vasrachement radical et donc au déracinement de U abstraction, en passant, mais ‘ce sera beaucoup plus tard, par celle des lieux dabstrac- tion que sont la machine, la technique, la technoscience er surtout la transcendance téé-technologique. « Religion et mekhan’ », « religion et eyberespace », « religion et thuméricité », «religion et digitalité»,« religion et espace- temps virtel » pour mesurer un court traité d.ces themes, dans I économie qui nous est assignée, concevoir une petite machine discursive qui, pour étre finie et perfec tible, ne soit pas trop impuissante. “Afin de penser absteaitement la religion aujourd! hui, nous partirons de ces pulssances d abstraction afin de ris« quer, @ terme, Vhypothese suivante: au regard de toutes es forces d'abstraction et de dissociation (déracinement, délocalisation, désincarnation, formalisation, schématisa- tion universalisante, objectivation, télécommunication, etc), la « religion » ext fois dans Fantagonisme réactif cexla surenchere réaffirmatrice.La on le savoir et la foi, fa technoscience (« capitalist » et fiduciaire) et la croyance, le crédit, la fiabilité, acte de foi auront toujours eu parte lige, dans le ieu méme, au nud dalliance de leur oppo- sition. D'oit aporie ~ une certaine absence de chemin, de voie, issue, de salut~ et les deux sources, Foiet Savoir u 3. Pour jouer Vabstraction, et Paporie a sans issne, peut-étre faut-il d abord se retirer dans un désert, voire ¥isoler dans une tle. Etraconter une histoire bréve qui ne Soit pas un mythe. Genre : «était une fois », une seule ‘fois, un jour, sur ue fle ou dans le désert, figurez-vous, ‘pour « parler religion », quelques hommes, philosophes, ‘professeurs, herméneutes, ermites ow anachorétes, s¢ ‘seraient donné le temps de mimer une petite communauté la fois ésorérique et égalitaire, amicale et fraternelle. Peut-étre faudrait-il encore situer son propos, le limiter dans le temps et dans V espace, dre le lieu et te paysage, Te moment passé, un jour, dater le furtif et l’éphémére, singulariser, faire comme sion tenait un journal, dont on lallais déchirer quelques pages. Loi du genre : éphémé- ride (et déja vous parlez intarissablement du jour). Date 1e 28 février 1994. Liew : une fle, I'fle de Capri. Un hétel, line table autour de laquelle nous parlons entre amis, presque sans ordre, sans ordre du jour, sans mot d’ ordre, SSauf un mot, le plus clair et le plus obscur : religion. Nous croyons pouvoir faire semblant de croire, acte fiduciaire, ‘que nous partageons quelque pré-compréhension. Nous Jaisons comme si nous avions quelque sens commun de ce (que « religion » veut dire d travers les langues que nous Croyons (que de croyance a ce jour, déja!) savoir parler. Nous crayons ala flablité minimaie de ce mot. Comme Heidegger pour ce qu'il appelle le Faktam du lexique de Uéire (a ouverture de Sein und Zeit), nous croyons (ou crayons devoir) pré-comprendre le sens de ce mot, ne serait-ce que pour pouvoir questionner, et en vue de nous interroger d ce sujet. Or, nous devrons y revenir beau- ‘coup plus tard, rien n'est moins pré-assuré qu'un tel Fak- tum (dans ces deux cas, justement!) et toute la question de la religion renvoie pout-etre a ce pew d assurance, 4. A Dowverture d'un échange préliminaire, a ladite table, Gianni Vastimo me propose d'improviser quelques i 12 Foi et Savoir suggestions. Qu'on me permet iui de fes ruppeter, en italiques, dans une sorte d' avant-propos schématique et wlégraphique. D' autres propositions, sans doute, se dessinerent dans un texte de caractare diffrent que jécri= vis apres coup, a 1 éiroit dans des limites de temps et espace sans merci. Une tout autre histoire, peut-étre, ‘mais, de prés ou de loin, des paroles qui furent risquées dau commencement, ce jou-la, la mémoire continuera de ‘me dicter ce que j'écri. Jiavais dabord proposé de porter au jour de la réflexion, autant que possible sans méconnaissance ou dénégation, une situation effective et unique, celle dans Taquelle nous nous trowvions alors: des fats, un engage ‘ment commun, une date, un liew. Nous avions en vérité ‘accepté de répondre a une double proposition, @ fa fois hilosophique et éditoriale, laquelle owvrait d'elle-méme, ‘aussit6r, une double question; de a langue et de la nation. Orly a, au jour d'aujourd hui, une autre « question de la religion », une donne actuelle et nouvelle, une réap- arition inoule de cette chose sans Age, et mondiale ow pplanévair, ily va de la langue, certes ~ plus précisément de lidiome, de la littéralité, de Pécriture, qui forment élément de toute révélation et de toute eroyance, wn élé- ‘ment en derniere instance irréductible et intraduisible~ mais d'un idiome indissociable, indissociable d'abord du lien social, politique, familial, ethnique, communautaire, de la nation et du peuple : autochionie, sol et sang, rap~ port de plus en plus probiématique & la citoyenneté et & P Etat. La langue et la nation forment en ce temps te corps historique de toute passion religieuse. Comme cette ren- contre de philosophes, dition internationale qui nous text proposée se trouve étre d’abord « occidentale », ensuite confiée, c'est-d-dire aussi confinée, a quelques langues ‘européennes, celles que « nous » parlons ici a Capri, sur Cette ile italienne : Vallemand, l espagnol, le francais, italien. Foi et Savoir B 5. Nous ne sommes pas loin de Rome, mais nous ne sommes plus & Rome. Nous voila pour dew jours litéra~ lementisolés, insularisés sur les hauteurs de Capri, dans la différence enire le romain et ltalique, qui pourrait symboliser tout ce qui peut incliner ~ & lécart, au regard dw romain en général. Penser « religion », c'est penser le ‘romain ». Cela ne se fera ni dans Rome ni trop loin hors de Rome. Chance ou nécessité pour se rappeler a I'his~ toire de quelque chose comme ta « religion » : out ce qui se fait ese dit en son nom devrait garder la mémoire cri- tique de cette appellation. Européenne, elle utd abord Tatine. Voila done une donnée dont la figure au moins, comme la limize, reste contingente et signifiante @ Ia fois. Elle exige d'étre prise en compte, réfléchie, thématisée, ddaige, Difcile de dire « Europe » sans connoter : Athenes ‘Jérusalem-Rome-Byzance, guerres de Religion, guerre ‘ouverte au sujet de l'appropriation de Jérusalem et du ‘mont de Moriah, de « Me voici » a! Abraham ow d' brahim: devant exiréme « sacrifice » demandé, 'offrande absolue ufilsbien-aimé, la mise a mort exigée ou ta mort donnée de unique descendance, la répéttion suspendue la Seille de toute Passion. Hier (oul, hier, vraiment, iy a quelques jours a peine), ce fut le massacre d Hebron au Tombeau des Patriarches, liew commun et tranchée sym bolique des religions dites abrahamiques. Nous repré- sentons et partons quatre langues différentes, mais notre ‘culture » commune, disons-le, est plus manifestement ‘hrétienne, a peine judéo-chrétienne, Aucun musulman ‘parm nous, hélas, di moins pour cette discussion prélim- naire, au moment oi c'est vers l'islam que nous devrions ppeut-éire comimencer par tourner notre regard. Aucun représentant d'autres cultes non plus. Aucune ferme ! Nous devrons en tenir compte : parler pour ces témoins Imuets sans parler pour ew, @ leur place, et en tier toutes ssortes de conséquences. 14 Foiet Savoir 6. Pourquoi ce phénomene hdsivement nomuné le « retour des religions » esti si difficile a penser ? Pourquoi sur prend-il? Pourquoi étonne-t-il en particulier ceux qui ‘croyaient ingémument qu'une alternative opposait d'un cbié la Religion, de autre 1a Raison, les Lumieres, la Science, la Critique (la critique marxiste, la généalogie nietzschéenne, la psychanalyse freudienne et leur héri- age), comme si une ne pousait qu’ en finir avec autre ? U faudrait au contraire partir d'un autre schéma pour tenter de penser ledit «retour du religieux». Celui-cl se réduitil @.ce que la doxa détermine confusément comme «fondamentalisme », «intégrisme », «fanatisme » ? Voile peutire, d la mesure de Turgence historique, lune de nos questions préalables, Et parm les religions abraha- ‘miques, parmi les « fondamentalismes » ou les « inté- agrismes » qui s’y déploient universellement, car ils sont aujourd hai a Teuvre dans toutes les religions, quoi de islam, justement ? Mais ne nous servons pas trop vite de ce nom. Ce qui se rassemble précipitamment sous la réfé- rence « islamique » semble aujourd'hui détenir quelque privilege mondial ou géopolitique, en raison de ta nature de ses violences physiques, de certaines de ses violations déclarées du modele démocratique et du droit internatio- nal (le «cas Rushdie » et de tant autres et le « droit & (a littérature »), en raison de la forme ala fois archaiique ‘et moderne de ses crimes « au nom de la religion », de ses dimensions démographiques, de ses figures phallocen- triques et théologico-politiques. Pourquoi? Il faudra dis- corner : islam n'est pas Vslamisme, ne jamais ! oublier, mais celuici s’exerce au nom de celui-Ia, et c'est la grave question du nom. 7.Ne jamais trater comme un accident la force du nom dans cé qui arrive, se fait ou se dit au nom de la religion, ick au nom de Fislam. Puis, directement ou non, le théolo- -sico-politique est, comme tous les concepts qu'on plague Foi et Savoir 15 aur ces questions, @ vomamencer par cetul de démocratie et de sécularisation, voire de droit a ta littérature, non seulement européen mais gréco-chrétien, gréco-romain Nous serons ici assidgés par toutes les questions du nom, cet de ce qui «se fait au nom de» questions du nom «religion », des noms de Dieu, de V appartenance et de la non-appartenance di nom propre au systéme de la langue, donc de son intraduetibilité, mais aussi de son itérabilité (cestacdire de ce qui en fait un liew de répétabilié, 'idéalisation et donc, déja, de tekhn®, de technoscience, de t616-technoscience dans l'appeltation & distance), de son lien & la performativité de "appellation dans la priére (la o2, comme le dit Aristote, celle-ci n'est ni vraie ni fausse), de son lien ace qui, dans toute performativité, ‘comme dans toute adresse et dans toute attestation, en ‘appelle d la foi de autre et se déploie done dans une foi jurée. 8. La lumibre aliew. B le jour. On ne séparera jamais a co-incidence du rayon de sole et de linscription topo~ graphique : phénoménologie de la religion, religion conime phénoménologie, énigme de ! Orient, du Levant cet de la Méditerranée dans la géographie du parattre. La lumiére (phos), partour oi cette axkh® commande et com ‘mence le discours, et donne I initiative en général (phos, pphainesthai, phantasma, donc specire, etc.), aussi bien dans le discours philosophique que dans les discours d'une révélation (Offenbarung) — ou de la révélabilité (Offenbarkeit), d'une possibilité plus originaire de mani~ festation. Plus originaire, c'est-d-dire plus proche de la ‘source, de la seule et méme source. Partout la lumiere dite ce que, hier encore, on croyait naivement soustraire voire opposer a la religion et dont il faut repenser I'ave~ rir aujourd! hui (Aulklirung, Lumiéres, Enlightenment, Mluminismo). Ne loublions pas : alors qu’il ne disposait aucun terme commun pour « désigner, note Benveniste, 16 Foi et Savoir (a religion méme, le cule, ni te prétre, ni meme aucun des deux personnels », le langage indo-européen se rassem- bilait déia sur « 1a notion méme de “diew" (deiwos), dont le “sens propre” est “humineux” et “céleste”>! 9. Dans cette méme lumiare, et sous le méme ciel, nom- mons @ ce jour tois lieux : Itle, la Terre promise, le desert, Ce sont trois liewx aporétiques : sans issue ou che ‘min assuré, sans route ni arrivée, sans dehors dont la carte soit prévisible et le programme calculable, Ces trois eux figurent notre horizon, ici maintenant. (Mais il Stagirait de penser ou de dire, et ce sera difficile dans les limites assignées, une certaine absence d horizon. Para- doxalement, l'absence d' horizon conditionne Vavenir méme. Le surgissement de U événement doit trower tout horizon d'attente. D'oit'appréhension d'un abime en ces lieus, par exemple wn désert dans le désert, li oi Yon ne eut ni ne doit voir venir ce qui devrait ou pourrait — peutétre — venir. Ce qui reste a laisser ven.) 10. Esi-ce un hasard si, presque tous méditerranéens par lorigine et chacun de nous méditerranéens par une sorte d'aimantation, nous avons été, malgré tant de diffé- rences, orientés par une certaine phénoménologie (encore la lumizre)? Nous qui sommes aujourd hui réunis sur cette ile et avons bien di nous choisir ou nous accepter plus ou ‘moins secrétement, este un hasard si nous avons tous, tun jour, év€ teniés @ la fois par une certaine dissidence 4 Fégard de la phénoménologie husserlienne et par une herméneutique dont la discipline doit ant a Vexégese di 1. £ Benveniste Le Vocabulaire des instaton indo-curopenes, Pars, Edo Mini, 199, t. 2, p 180, Nowe citron souvent Bene ste pou lu laiior suas one responsabilité, celle de pier par fxomple avec asurance da «sens prope», prciétent dans leas fi soe ou de ls aire, sais aus de toute au chose, Cet a8 ‘ance pat largemens excessive e pts que prolémaigas, Foi et Savoir ” texte religiews? Devoir autant plus impériws, dés ors: re pas oublier cela méme, ceux ou celles que ce contrat Jmpicit ou cet « ére-ensemble » doit bien excture. I fu dail eft fall, commencer par leur donner la parole. AL, Rappelons aussi ce que, @ tort ou a raison, je tens rovisoirement pour une évidence : quel que soit notre ‘rapport dla religion, puis tlle ou tlle religion, nous ne sommes i des prétres its par un sacerdace, ni des théo- logiens, ni des représentants qualifiés ow compétenis de la religion, ni des ennemis de la religion en tant que tlle, ‘au sens ot, pense-t-on, certains philosophes dits des Lumiéres pouvaient Ure. Mais nous partageons aussi et par la méme, me semble-il, autre chose, a savoir ~ dés- {gnons cela prudemoment —un got sans réserve,sinon une référence inconditionnelle pour ce qui, en politique, se rome la démocratie républicaine comme modete tni- ‘ersalisable, ce qu lie la philosophie &la chose publique, la publicté, encore dla lumiere du jour, encore aux Lumieres, encore a ta vertu éclairée de lespace public, en émancipant de tout pouvoir extérieur (non laique, non séeulier) par exemple la dogmatique, Porthodoxie ou Fautortéreligieuse (sit un certain régime de la doxa ou de la eroyance, ce qui ne veut pas dire de toute foi). De {acon au moins anaiogique (mais yreviendrai plus tard) du moins aussi longtemps et en tant que nous partons dei ensemble, nous tenterons sans doute de wransposer, ci ‘maintenant, attitude circonspecte et suspensive, une cer= {aine epokht qui consiste~d tort ou 2 raison, car Penjeu st grave ~ a pense la religion ow & la faire apparatire ‘dans les limites dela simple raison » 12. Question connexe : quoi de ce geste « kantien » aujourd! hui? A quoi ressemblerait aujourd'hui un livre initulé, comme celui de Kant, La Religion dans les limites de la simple raison ? Cette epokh® donne aussi sa chance 18 Foi et Savoir @ un Evénement politique, Favais tente de te sugsérer ailleurs®. Elle appartient méme & Uhistoire de la démo- cratie, notamment quand le discours théologique a da rendre les formes de la via negativa, et méme [a of il semble avoir prescrit la communauté recluse, I enseigne- ‘ment initiatique, la higrarchie, le désert ou Vinsularité ésotérique?. 13, Avant I'ile, et Capri ne sera jamais Patmos, ily aura ‘eu la Terre promise. Comment improviser et se iaisser surprendre den parler? Comment ne pas eraindre et ‘comment ne pas trembler, devant Iimmensité abyssale de ce theme? La figure de la Terre promise, n'est-ce pas ‘aussi le lien essentiel entre la promesse du lew et I histo- ricité? Par historicité, nous pourrions entendre aujour- hui plus d'une chose. Tout d'abord, une spéeificité ‘Gigue du concept de religion, C histoire de son histoire, et des généalogies enchevétrées dans ses langues et dans son nom. Ii faucra discerner : [a fol n'a pas toujours été et nne sera pas toujours identifiable a ta religion, ni, encore autre chose, @ la théologie. Toute sacralité et toute sain- teté ne sont pas nécessairement, au sens strict de ce terme, s'il en est un, religieuses. Il nous faudra revenir sur le devenir et la sémantique de ce nom, « la religion », au travers ata fois de son oceidentalté romaine et de son lien contracté avec les révélations abrahamiques. Celles- ci ne sont pas seulement des événements. De tels événe- ‘ments n'arrivent qu’d se donner pour sens d’ engager Uhistoricité de U histoire ~ et 1 événementialité de P évé= hement comme tel. Aa diférence d'autres expériences de 1a «foi », di «saint », de I'« indemne.» et di « auf», di 2. Saupe nom, Pais, Gale, 1993, notamment p. 103.9, 3. Je dois eavoyer ici t «Comment ne pas paver?» in Behe, Pais, Gale, 1987, p- 535 9g, of shor de fagon plus precie, ‘as un contest nslogne, ces heies dea hrarchie et d a Foi et Savoir 19 «sucré », du «divin », a ta diférence e autres sructures ‘qu'on serait tenté d’ appeler par analogie douteuse « rli- ‘gions >, les révélations testamentaires et coranique sont inséparables d'une historicité de 1a révélation méme. horizon messianique ou eschatologique délimite cette historicité, certes, mais seulement pour avoir d’abord owerte, 14, C'est la une auire dimension historique, une autre historicté que celle que nous évoquions a Vinstant, & ‘moins qu elle ne la creuse en abyme. Comment prendre en compte cette histoire de Vhisoricité pour traiter ‘aujourd'hui de la religion dans los limites dela simple raison? Comment y inscrire, pour la mettre 3 jour, ume histoire de fa raison politique et technoscientfique, mais ‘aussi une histoire du mal radical, de ses figures qui ne ‘ont jamais seulement des figures ¢1 qui, cst tout le mal, inventen toujours un nouveau mal? La perversion radi- ale du cur humain » dont parle Kant (1,3), nous savons maintenant quelle n'est pas une, ni donnée une fois pour toutes, comme sell ne powait inaugurer que des figures ou des ropes delle-méme. Peu-dire pourrions-nous now demander si ceci s'accorde ou non avec l'intention de Kant quand i rappelte que "Berita «représente > bien de caractére historique et temporel dt mal radical, méme si ce n'est la qu'une « représentation » (Vorstellungsazt) ‘dont I erture se sert en ratson de la aiblesse » humaine (1, 4); et cela, méme st Kant se bat pour rendre compre de Porigine rationnelle d'un mal qui demeure inconce- vable la raison, en affrmant simudtanément que Finter- prétation det Eeriture excéde es compétences de la raison et que, de towies les «religions publiques » qu'il y eut Jiamais, seule la religion chrétienne aura été une religion ‘morale » (fn de la premiere Remarque générale). Pro- postion range, mais qu'il faut prendre rigoureusement ‘au sériewren chacune de ses prémisses. 20 Foi et Savoir 15. 1 n'y a en efer auex yeux de Kant, I le dt expresse- ‘ment, que deux familles de religion, et en somme deux sources ou deux souches de la religion — et donc deux -géndalogies dont on doit se demander encore pourquoi elles partagent un méme nom, propre ou commun : [a religion de simple culte (des blossen Cultus) recherche les «faveurs de Diew », mais au fond, et pour 'essentiel, lle n’agit pas, elle n’enseigne que la priére et le désir. homme n'a pas dy devenir meilleur, fit-ce par la rémis- sion des péchés. La religion morale (moralische), elle, intéresse la bonne conduite de la vie (die Religion des guten Lebenswandels); elle commande le faire, elle y subordonne et en dissocie le savoir, elle prescrit de deve- rir meilleur en agissant cette fn, 12 00 « le principe sui- vant garde sa valeur : “Il n'est pas essentiel ni par suite nécessaire 3 quiconque de savoir ce que Diew fait ou a Jait pour son salu", mais bien de savoir ce que iui-méme doit faire pour se rendre digme de ce secours ». Kant défi- nit ainsi une « foi réfléchissante » (reflekticrende), c'est- Adie un concept dont ta possibilité pourrait bien ouvrir Vespace méme de notre discussion. Parce qu'elle ne depend essentiellement d'aucune révélation historique et s'accorde ainsi d la rationalité de la raison pure pratique, la foi réfléchissante favorise la bonne volonté au-deld du savoir. Elle s'oppose ainsi a 1a foi « dogmatique » (dogmatische). Si elle tranche avec cette «foi dogma- fique », c'est que cellet prétend savoir et done ignore la différence entre foi et savoir. Or le principe a une telle opposition, c’est pourquoi j'y insite, pourrait n’étre pas seulement définitionnel, ti nomique ou théorique ; il ne nous sert pas seulement a classer des religions hétérogenes sous le méme nom: il pourrait aussi définir, pour nous encore, aujourd hu, un lieu de conflit, sinon de guerre, au sens kantien. Encore aujourd hui, ft-ce provisoirement, it pourrait nous aider 4a structurer une problématique. Foi et Savoir au Sommes-nous préts @ mesurer sans faibtir tes implica sions et les conséquences de la these kantienne ? Celle-ci arait forte, simple et vertigineuse : la religion chré- Henne serait la seule religion proprement « morale » tune mission lui serait proprement réservée, d elle toute seule :libérer une «foi réfléchissante » Ils ensuit done nécesvairement que la moralité pure et le chrstianisme sont indissociables dans leur essence et dans leur concept. S'il n'y a pas de christianisme sans moralité ure, c'est que la révélation chrétienne nous enseigne quelque chose d'essentiel quant Vidée méme de la Imoralitg. Des lors, 'idée d'une morale pure mais non chrétienne serait absurde ; elle passerait I'entendement fet la raison, ce serait une contradiction dans les termes. Luniversalitéinconditionnelle de !impératifcatégorique cst évangélique. La loi morale s'inscrit au fond de nos ‘aeurs comme une mémoire de ta Passion. Quand elle sradresse a nous, elle parle Vidiome du chrétien ~ ow elle etait. Cette thase de Kant (que nous voudrions plus tard mettre en rapport avec ce que nous appellerons ta mondialstini- sation) n’este pas aussi, dans le noyau de son contenu, la these de Nietzsche, alors méme qu'il mene une guerre inexpiable contre Kant? Nietzsche edt pew-etre dit « judéo- chrétienne », mais la place qu occupe saint Paul parmi ses cibles privilégiges montre bien que c'est au christia nisme, aun certain mouvement intériorisant dans le chris- tianisme qu'il en avait ~ et qu'il faisait porter la plus grave responsabilité, Les juifs et Ve judaisme européen ‘onstitueraient encore, a ses yeux, une résistance déses- pérée, quand ellerésste du moins, une derniére protesta- tion interne contre un certain christanisme. Cette rhese dit sans doute quelque chose de U histoire du monde, rien de moins. Indiquons encore, trop schémati- quement, deux de ses conséquences possibles, et dewe paradoxes parmi tant d'autres 2 Foiet Savoir 1) Dans la definition de ka «fii réfléchissunte » er de ce qui le indissolublement V'idée de la moralité pure a la révélation chrétienne, Kant recourt @ la logique d'un principe simp, celui que nous citions @ instant dans sa lettre: pour se conduire de facon morale, il faut faire en somme comme si Dieu n’existait pas ou ne s' occupait plus de notre salut, Voila qui est moral et qui est done ‘chrétien, si un chrétien se doit d'etre moral : ne plus se tourner vers Diew au moment d'agir selon la bonne volonté; faire en somme comme si Diew nous avait aban et les « imiégrismes » hyperbo- lisent aujowed hui cette surenchere. Iis V exasperent au ‘moment of, nous y reviendrons plus loin, la mondialatini- sation (cette alliance érrange du christianisme, comme lespérience de la mort de Dieu, et du capitalisme té-tech~ hnoscientifique) est a la fois hégémonique et finie, sur- ‘puissante et en voie d’épuisement. Simplement, ceux qui '"engagent dans cette surenchere peuvent la conduire de tous les cts, sur toutes les «positions »,d la fois ou tour ‘ator, jusqu’ a derniére extrémite Nrest-ce pas la folie, 'anachronie absolue de notre temps, la disjonction de route contemporanéité a soi, le Jour voilé de tout aujourd bul ? 24 Foi et Savoir 16. Cette définition de la foi réfléchiseante apparait dans te premier des quaire Parerga ajoutés @ la fin de ‘chaque partie de La Religion dans les limites de la simple raison. Ces Parerga ne sont pas des parties intégrantes du livre; ils « n'appartiennent pas au dedans » de «la religion dans les limites de la raison pure », is y « confi nent » ow s'y « apposent »..'y insiste pour des raisons théo-topologiques en quelque sorte, voire théovarchtec- toniques : ces Parerga situent peut-étre la bordure dans laquelle nous pourrions & ce jour inserire nos réflexions: D'autant plus que te premier Parergon, ajouté dans la seconde édition, définit ainsi la tiche secondaire (paree- gon) qui, au sujet de ce qué est moralement incontestable, Conssterait a lever des dificultés concernant des ques- tions transcendantes. Quand on les traduit dans I élément de la religion, les idées morales pervertissent la pureté de leur transcendance. Elles pewvent le faire de deux Jfois deux facons, et tel carré pourrait encadrer aujour- hui, potrvu qu'on veille aux transpositions appropriges, un progranme d' analyse pour les formes du mal perpétré «aux quaire coins du monde « au nom de la religion ». On doit se contenter d'en indiquer les titres et d’abord les criteres (natureisurnature, internelexterne,lumiére théo- riquelaction pratique, constatifiperformatif): 1) la pré- tendue expérience item (des effets de la grace): e fana- tisme ou Penthousiasme de I'illuminé (Schwarmere) 2) la prétendue expérience exteme (du miraculeut) : la superstition (Aberglaube) ; 3) les linidres supposées de entendement dans la considération du surnaturel (les secrets, Geheimnisse) :illuminisme, le lire des adeptes 4) Ia tentative risquée d’agic sur le surnaturel (moyens obtenir la grce : la thaumaturgic. Lorsque Marx tent la critique de la religion powr la prémisse de toute critique de I idéologie, lorsqu'l tent la religion pour lidéotosie par excellence, voire pour la forme matricielle de toute idéologie et die mouvement Foi et Savoir 25 mame de fétichisation, som propos tiendraitil. quit ait voulu ou non, dans Te cadre parergonal d'une telle critique rationnelle ? Ou bien, ce qui est plus vraisem- lable, mais plus difficile d démontrer, déconstruit-il déja Vaxiomatique fondamentalement chrétienne de Kant? Cela pourrait étre I une de nos questions, la plus obscure sans doute, car il n'est pas stir que les principes mémes ide la critique marsiste n'en appellent pas encore @ une hétérogéncité enue foi et savoir, entre justice pratique et connaissance. Or cette hétérogénéité, en derniere instance, nest peut-éire pas irréductible @ inspiration ou @ Ves pprit de La Religion dans les limites de la simple raison. D'autant plus que ces figures du mal diseréditent, tout aautant qu’elles !accréditent, ce « crédit » qu’ est lacte de foi. Elles excluent autane qu’ elles expliquent, elles requie- vent peut-érre plus que jamais ce recours a la religion, ‘au principe de la fo, ne serait-ce que celui d'une forme Tradicalement fiduciaire de ladite «foi réfléchissante ». Bt Cest cette mécanique, ce retour machinal de la religion, ‘que je voudrais interroger ick 17. Comment penser alors — dans les limites de ta simple raison — une religion qui, sans redevenir «religion natu- relle », soit aujourd'hui effectivement universe? Et qui pour cela ne s'arréte plus au paradigme chrévien ni méme ‘abrahamique ? Que serait le projet d'un tel «livre »? Car ‘ayee La Religion dans les limites de la simple raison, ily va d'un Monde qui soit aussi un Ancien-Nowveau Livre. Ce projet garde-il un sens ou une chance ? Une chance ou tn sens géopolitiques ? Ou bien lidée méme en resie-telle, ‘dans son origine et dans sa fin, chrétienne ? Et serait-ce nnécessairement une limite, une limite comme une autre? Un chrétien ~ mais aussi bien un juif ou ua musulman ce serait quelgu’un qui culiverait le doute au sujet de cette limite, au sujet de existence de cete limite ow de sa réduc~ tibilité 8 toute auire limite, la figure courante de fa limite. 6 Foi et Savoir 18. Gardant cos questions a esprit, nous pourrions y ‘mesurer deux tentations. Dans leur principe schématique, Pune serait « hégélienne » : ontothéologie qui détermine le savoir absolu comme vérité de la religion, au cours du ‘mouvement final décrit dans les conclusions de la Phéno- nologie de Lesprit ou de Foi et Savoir ~ qui annonce en effet une « religion des temps modernes » (Religion ‘der newen Zeit) fondée sur le sentiment que « Dieu méme ‘est mort», La «douleur infinie » n'y est encore qu'un moment» (rein als Moment), ef le sacrifice moral de existence empirique ne date que la Passion absolue ou le Vendredi saint spéculatif(spekulativer Karfreitog). Les philosophies dogmariques et les religions naturelles doivent disparaitre et, de la plus grande « dureté», de la plus dure impieté, de a kénose, duvide de la plus grave privation de Dieu (Gotlosigkeit), doit ressusciter la plus sereine liberté, dans sa plus haute toralité. Distincte de a Jai, de la priére ow du sacrifice, I ontoihéoiogie détruit 1a religion, mais, autre paradoxe, c'est peut-éire elle qui insiruié au contraire le devenir théologique et ecclésial, wire religiewx, de la foi. L’autre tentation (peut-étre y ‘til encore de bonnes raisons pow garder ce mot) serait de ype « heideggerien » au-dela de cene ontothéologie, Won celle-ci ignore et la priére et le sacrifice. I faudrait sins laisser se révéler une « révélabilté» (Offenbarkeit) dont la luiére (se) manifesterait plus originairement ‘que toute révélation (Oftenbarang). I! faudrait encore distinguer entre la théo-logie (discours sur Dieu, la foi ou la révélation) et la théio-logie (discours sur Uétre- divin, sur Pessence et a divinité du divin). 1 faudrait réveiller Vexpérience indemme du saeré, du saint ou du sayy @eilig). Nous devrons accorder toute notre attention @ cette chaine, en partant de ce dernier mot Gheilig), de ‘ce mot allemand dont l'histoire sémantique semble résis- ter pouriant @ ta dissociation rigoureuse que Levinas Yeu! maintenir entre (a sacralté naturelle, « paienne », Foi et Savoir a voire gréco-chrétienne, et la saineeté* de la loi (jive, avant ou sous la religion romaine. Quant d la chose romaine »5, Heidegger ne proceéde-til pas, dés Sein und 4. Le ot as (ie soa nt sn Lovina: exemple dans usr san Pa 68. Mina 197. we Ben ‘Sunda, qu la tadacon ean oot bebe (doi). Cr par exemple Mi. Heeeen Anente (O42): Lee poe, ua i sor Sans er, prophesies eee sje ce moe Las crop» cx rls no son tenet ps1 cet igs ton deo fue priori Ov Sue (dd vorofgrnaente Wort des Hel {ous aamoncon ante ews quel on compere ene ‘ne sora sre gama i saudi eaude sper. {Gown ius psa pose de Hae avec elias STi out desu asta le fagon romaine morte (cine Save er omichen Dew) apport ees hoes Ieiewes Leste sen par th cvoyet> Seer aon down (Wansopr Le Sect (at Helge) at St dns a prsicion Dodge ne fat guowrr le temps Wane apparition des ian Erindale sus domes fle Ora es Wo sem) reset ee dot se eis par destin et ta Some ered pes) etna cheno rée pan i» (Gesaranusgabe, 1p te; ad eagle pr Jean Lanna, io ‘Sprocket Helen ac Galimars 97,9. 183-168) hus Goving an ps tar 1902, ete poesia fase conte Rone, cents Iv figwe etentelsheat fans dee felon El sce, dns sin coniguain, hanno ode tees i pga et le rt A cous de on voyage on Gre, Tp vile do'onanbee ochndowe de share, aah ‘Fhitene,ekeggs note ce gue apts ele a chen {esc encornconeans aes ogc eg, renee en enpet (ae Walon ees ences) nes conn ps Sve pest {asque ct ita {dem Kochenstatchjtachen Denon) de Fegite romaine cr de thlogi. Au wo se tourer Ie compo da convent yaa ateflsun sana pn” it “elanchr" Het) conse» Antes» Aantal, Sours, Pas Et ds Rocher 1989, es Hanae Ben genet ma fies p70 its bn alos qv trove dant leprae de te de Coro, vor ue ies Hears pele unt autre fe, a Sc, part far poche dea Geet Goce; et la nme evecaton ase ot 28 Foiet Savoir ‘Zeit, @ une repetition ontologico-existentiale de motifs Chrétiens a la fois creusés et évidés jusqu’a leur possibi- lité originaire? Une possiilité pré-romaine, justement? Nravaitil pas confié a Léwith, quelques années aupa~ avant, en 1921, que pour assumer 'héritage spirituel qu cconstitue la factcité de son « je suis», il devait dire :« je suis un “théologien chrétien” »? Ce qui ne veut pas dire ‘romain », Nous y reviendrons. 19, Sous sa forme la plus abstraite, Vaporie dans laquelle nous nous débaions serait peut-éire alors celle~ el: la révélabilité (Offenbarkeit) est-elle plus originaire (que la révélation (Offenbarung), et done indépendante de toute religion? Indépendante dans les structures de son expérience et dans P analytique qui s’y rapporterait ? Nrestce pas ld le lieu d'origine, au moins, @une « fol réfléchissante », sinon cette foi elle-méme ? Ou bien, inver~ sement, lévénement de 1a révélation aurait-il consisté a révéler la révélabilité méme, et Uorigine de la luniere, 1a luniare originaire, Uinsisibilité méme de la visibilité ? Crest peut-drre ce que dirait ici le croyant ou le théo- Togien, en particulier le chrétien de la chrétienté origi naire, de P'Urehsistentum dans la tradition luthérienne & Iaquelle Heidegger reconnat devoir tant 20, Lumiére nocturne, done, de plus en plus obscure. Hatons le pas pour finir > en vue d'un teojsi¢me liew qui deux phrases es «traits une Gre romani et italien (rich flinigchen)», vue a umire d'un humanist modem » et a ‘ens de Tc dge ds machines» bi. p19) Br paisqne Ie figne hots lieu d'insistanoe, ppston-e tel Voyage en Gree rete surtout pour Heidegger un «scour (Anfonthal), ano hlte dans la podear (Soca! aupts de Datos visible ov a manifest, une meditation do ‘Gvoiement au avers de son nom, Dslos c'est uss le «sine» fe «ae deli Insel (bid, p50). Foi et Savoir 29 ourratt bien avotr éé plus que Marchi-originaire, le lew le plus anarchique et anarchivable qui soit, non pas Pile nila Terre promise, mais un certain désert ~ et non le désert de la révélation, mais un désert dans le désert, celui qui rend possible, ouvre, creuse ou infinitise I autre. Extase ou existence de l'exiréme abstraction. Ce qui “rienterait ici « dans » ce désert sans route et sans dedas, ce serait encore la possibilté d'une teligio et d'un rele- ‘gers, certes, mais avant le «lien » du religare, étymologie problématique et sans doute reconstruite, avant le lien entre les hommes comme tels ou entre Phomme et la divinité du dieu. Ce serait aussi comme la condition du «lien » réduit d sa détermination sémantique minimale la hatte du scrupule (religio), fa retenue de la pudewr, une ‘certaine Vethaltenheit aussi dont parle Heidegger dans les Beitrige mur Philosophie, le respect, la responsabilité de la répétition dans le gage de la décision ou de t afir- ‘mation (ge-legete) qui se lie 2 elle-méme pour se lier 4 Vauire. Méme si on peut l'appeler lien social, lien & autre en général, ce «lien» fiduciaire précéderait toute communaé déterminée, toute religion positive, tout hori- z0n onto-anthropo-théologique. I! relierait de pures sin ‘gularités avant toute détermination sociale ou politique, ‘avant toute intersubjectivité, avant méme opposition entre le sacré (ou le saint) et le profane. Cela peut ainsi ressembler @ une désertificarion, le risque en demeure indéniable, mais celle-ci peut ~ au contraire ~ a la fois rendre possible cela méme qu'elle parait menacer. L'abs- traction du désert peut donner lieu, par la méme, & tout ce d quoi elle se soustrait. D'on ! ambiguité ou la dupli- ‘cité du trait ow die retrat religieux, de son abstraction ox de sa soustraction. Ce re-trait désertique permet alors de répéter ce qui aura donné lieu a cela méme au nom de ‘quoi on voudrait protester contre lui, contre ce qui tes- semble seulement au vide et a l'indéterminé de la simple abstraction. 30 Foiet Savoir ‘Prasgu il faut tour dire en deux mots, donnons deux noms d la duplicit de ces origines. Car ici Vorigine est 1a duplicité méme, une et Cautre. Nommons ces dewx sources, ces deux puits ow ces dew pistes encore invi- Sibles dans le désert. Prétons-leur deux noms encore “chistoriques » ld oi un certain concept histoire devient Ihicméme inapproprié. Pour le faire, référons-nous ~ pr0- ‘visoirement, j'y insist, ef a des fins pédagogiques ou Phétoriques d'une part au « messianique », autre part fila khora, comme j'ai tenté de le faire plus minutieuse- iment, plus patiemment et, je ’espere, plus rigoureusement ailleurs*. 21, Premier nom : fe messianique, ou la messianicité sans messianisme, Ce serait ouverture a l'avenir ou la Yenue de l'autre comme avdnement de ta justice, mais ‘sans horizon @ attente et sans préfiguration prophétique. ‘La venue de l'autre ne peut surgir comme un événement singulier que ld ott aucune anticipation ne voit veni, 1a ‘ov autre et la mort ~ et le mal radical ~ peuvent sur- prendre @ tout instant. Possiblités qui dla fois owvrent et peuvent toujours interrompre I’histoire, ow du moins te ours ordinaire de l'histoire. Mais ce cours ordinaire, est celui dont parlent les philosophies, les historiens, ‘souvent aussi ls (théoriciens) classiques de fa révolution.. Interrompre ou déchirer l'histoire méme, la faire’en'y décidant, une décision qui peut consisterd latsser venir autre et d prendre la forme apparemment passive d'une ‘dgeision de autre ; 1a méme of elle parait en soi, en moi, ta décision est d ailleurs toujours celle de lauare, ce qui ne m'exonére dl aucune responsabilité. Le messianigque expose d la surprise absolue et, méme si c'est toujours ‘Sous la forme phénoménale de la paix ou de la justice, it 6.4 Kira et Spectres de Marx (Pais, Gaile, 198) et Force de toi (Paris, Gali, 1994). Foi et Savoir 31 doit, tesposant anesi abstraitement, Saitendre (attendre sans s‘attendre) au meilleur comme au pire, lun n’allant JJamais sans la possibilité ouverte de Vautre. I s'agit la “une « structure générale de I expérience ». Ceute dimen sion messianique ne dépend daucun messianisme, elle ne suit aucune révélation déterminée, elle n’appartient en propre aucune religion abrahamique (méme si je dois ici continuer, « entre nous », pour d'essentielles raisons de langue et de lieu, de culture, de rhétorique provisoire et de siratégie historique dont je parlerai plus loin, @ lui donner des noms marqués par les religions abraha- miques). 22. Un invincible désir de justice se le a cette atten. Par définition, celle-ci n'est et ne doit ire assurée de rien, par aucun savoir, aucune conscience, aucune pré- visibilité, aucun programme comme tels. Cette messiant= cité abstraite appartient d'enirée de jew a l'expérience de la foi, du croire ou d'un eréditirréductible au savoir et une fiabilité qui « forde » tout rapport a auire dans te témoignage. Cette justice, que je distingue du droit, per- met seule @espérer, au-deld des « messianismes », une ‘culture universalisable des singulartés, une culture dans laquelle ta possibilté abstraite de I impossible traduction puisse néanmoins s'annoncer. Elle s'inscrit d’avance dans la promesse, dans Uacte de fot ou dans Vappel a ta {foi qui habite tout acte de langage et toute adresse a Vautre. La culture universalisable de cette foi, et non une autre ou avant toute autre, permet seule wn discours ‘rationnel » et universel au sujet de [a «religion v. Cette Imessianicté dépouillée de rout, comme il se doit, cetre foi ssans dogme qui s'avance dans le risque de la nuit abso~ Ine, on ne la contiendra dans aucune opposition recue de notre tradition, par exemple I opposition entre raison fet mystique. Elle s'annonce partout od, réfléchissant sans ‘fléchir, une analyse purement rationnelle fit apparaitre 32 Foi et Savoir ce paradoxe, savotr que le fondement de ta toi ~ la loi de la loi, Vinstitution de Tinstitution, Morigine de Ja constitution = est un événement « performatif» qui ne ‘peut appartenir dP ensemble qu’ilfonde, inaugure ou jus~ tifie, Tel événement est injustifiable dans la logique de ce. ‘quit aura ouvert Hest la décision de I auire dans 1'indé- Cidable, Des lors la raison doit reconnattre 12 ce que ‘Montaigne et Pascal appetlent un irrécusable « fondement mystique de P autorité ». Le mystique ainsi entendu allie Ta croyance ou le crédit, le fiduciaire ou le able, le secret (ce que signifie ici « mystique ») au fondement, au savoir, nous dirons plus loin aussi d la science comme « faire », comme théorie, pratique et pratique théorique, c'est-i- dire d une foi, a la performativié et a la performance technoscientfique ou télé-technologique. La ot ce fonde- iment fonde en s'effondrant, I oi il se dérobe sous le sol de ce quilfonde, a l'instant ob, se perdant ainsi dans le désertil perd jusqu’ ata trace de lui-méme et la mémoire d'un secret, la «religion » ne peut que commencer et rresconmmencer : quasi automatiguement, mécaniquement, ‘machinalement, spontanément. Spontanément, c’est-d- dire, comme le mot Vindique, @(a fois comme Vorigine de ce qui coule de source, sponte sua, et avec U automaticité ‘du machinal, Pour le meilleur et pour le pre, sans aucune “assurance ni horizon anthropo-théologique. Sans ce désert dans le désert, il n'y aurait ni acte de foi, ni promesse, ni ‘avenir, ni attente sans attente de la mort et de I autre, hi rapport a la singularité de P autre. La chance de ce désert dans le désert (comme de ce qui ressemble & s'y méprendre, mais sans s'y réduire, @ la voie négative qua s'y fraye le passage depuis une tradition gréco-judéo- ‘lirtienne), c'est qu'd déraciner ta tradition qui la porte, @ Pathéologiser, cette abstraction libere, sans dénier la foi, une rationalité universelle et a démocratie politique ‘qui en est indissociable. Foi et Savoir 33 23, Le dowsitme nom (ou avant-premier prénom), ce serait Kora, telle que Plaion la désigne dans le Tunée? ‘sans pouvoir la réapproprier dans une auto-interprétation cconsistante. Depuis I intérieur owert d'un corpus, d'un sysidme, d'une langue ou d'une culture, khOra situerait Fespacement abstrait, le lieu méme, le liew d extériorité labsolue, mais aussi le liew d'une bifurcation entre deux ‘approches du désert. Bifurcation entre une tradition de la vwevole négative » qui, en dépit ou au-dedans de son acte de naissance chrétien, accorde sa possibiité d une tradi tion grecque ~ platonicienne ou plotinienne ~ qui se pour- suit jusqu'd Heidegger et au-dela : la pensée de ce qui (est) au-deld de I étre (epekeina tes ousias). Cette hybri- dation gréco-abrahamique reste anthropo-théologique. Dans les fiqures que nous lui connaissons, dans sa culture et dans son histoire, son « idiome » nest pas universali- ‘sable. II parle seulement aux confins ou en vue du désert rmoyen-oriental, a la source des révélations monothéistes cet de la Grece. C'est la que nous pouvons tenter de déter- ‘miner le lew of, sur cette fle aujourd hui, « nous » nous tenons et insistons, Si nous insistons, il le faut, et pour ‘quelque temps encore, dans les noms qui nous sont don- rnés en heéritage, c'est qu’ au regard de ce teu limitrophe tune nouvelle guerre des religions se redéploie comme jamais a ce jour, et est un événement i la fois intérieur ct extérieur. Elle inscrit sa turbulence séismique @ méme la mondialicéfiduciaire du technoscientifique, de I'écono- ‘mique, du politique et du juridique. Elle y met en jew ses ‘concepts dt politique et di droit international, de la natio- nalité, de la subjectivité citoyenne, de la souveraineté Eta tique. Ces concepts hégémoniques tendent d régner sur un ‘monde, mais seulement depuis leur finiude : la tension 1 Je dois rnvoyer ic la lactase de ce teste, en pasiuler Ia lecture «poise » seen propore dans « Comment ne ps pat™ Jer? (leet) Kha (op elt) et Sale nom (Paris, Gaile, 1993) 34 Foiet Savoir ‘crowssante de (eur puissance n'est pus incompatible, aie ccontraire, avec leur précarité autant que leur perfectibi- Tité,L'une ne va jamais sans se rappeter d t autre. 24. On ne comprendra pas le déferlement « istamique », ‘on n'y répondra pas si l'on r'interroge pas a ta fois Te dedans et le dehors de ce liew limitrophe ; si l'on se contented une explication interne (intériewre a U histoire de la foi, de la religion, des langues ou des cultures conme telles), si on ne détermine pas le liew de passage entre cette intériorité et toutes les dimensions apparemment lextérieures (technoscientifiques, télé-biotechnologiques, Crestiedire aussi politiques et socio-Sconomiques, et.) ‘Tout en interrogeant la tradition onto-théologico-poli- tique qui croise la philosophie grecque avec les révéla~ tions abrahamiques, peut-ere faudraiil faire 'éprewve dde ce qui y résiste encore, de ce qui y aura toujours résisté, depuis Pintéviewr ou comme depuis une extériorité qui tra- Vaile et résiste au-dedans. Khbra, '« éprewe dle khora® » ‘serait, du moins selon I interprétation que j'ai cru pouvoir cen tenter, le nom de lieu, un nom de lie, effort singuier, pour cet espacement qui, ne se laissant dominer par ‘aucune instance théologique, ontologique ot anthropolo- igique, sans dge, sans histoire et plus « ancien » que toutes les oppositions (par exemple sensibleintelligible), ne s’an= nonce méme pas comme « au-deld de 'éire », selon wie voie négative. Du coup, Khdra reste absolument impassible cet hétérogene & tous les processus de révélation historique ‘ou d expérience anthropo-théologique, qui en supposert néanmoins P abstraction. Elle ne sera jamais entrée en religion et ne se laissera jamais sacraliser, sanctifer, humaniser, théologiser, cultiver, historialiser. Radicale- iment hétérogéne att sain et au sauf, au saint et au sacré, tlle ne se laisse jamais indemmiser. Cela méme ne peut se 8. Safe nam, op. cy p95 Foi et Savoir 35 dire au prévent, car khiea ne se présente jamais comme telle. Elle n'est ni Etre nile Bien, ni Diew, ni t Homme, ini PHistoire. Elle leur résistera toujours, elle aura tou ours éé (et aucun futur antérieur, méme, n'aura pu réap- ‘proprier, faire fléchir ou réfléchir une Kkhra sans foi ni Toi) le lieu méme d'une résistance infinie, une restance infiniment impassible : un tout autre sans visage. 25, Khdra n'est rien (rien a étant ow de présent), mais non le Rien qui dans l'angoisse du Dasein owvrirait encore ala question de I étre. Ce nom grec dit dans notre Iémoire ce qui n'est pas réappropriable,ft-ce par notre mémoire, méme par notre mémoire « grecque >; il dit cet immémorial d'un désert dans te désert pour lequel it West ni seuil ni deuil. La question reste ouverte, et par ta ‘méme, de savoir si on peut penser ce désert, et le laisser Sannoncer «avant » le désert que nous ‘connaissons (celui des révélations et des retraits, des vies et des morts de Diew, de toutes les figures de la kénose ou de la trans- Ccendance, de la religio ou des « religions » historiques); (ou si, eau contraire », c'est « depuis » ce dernier désert ‘que nous appréhendons Pavant- premier, ce que j appelle le désert dans le désert. L'oscillation indécise, cette rete~ nue (epokh® ow Verhaltenheit) dont il fut déjé question plus haut (endre révélation et révélabilté, Offenbarung et Offenbarkeit, entre évenement et possibilité ow virtuale de événement), ne fautil pas la respecter elle-méme ? Le respect de cette indécision singuliére ou de cette sur- ‘enchare hyperbolique entre dewx originarités, entre deux ‘sources, entre, disons par économie indicative, U ordre dit sc révélé » et ordre du « révélable »,n'estce pas ta fois la chance de toute décision responsable et d'une autre «foi réfléchissante », d'une nowvelle « tolérance »? 26, Supposons que, d'accord « entre nous », nous soyons {ci pour Ia « tolerance», méme si nous ne sommes pas 36 Foi et Savoir ‘hargés de mission pour la promouveir ta pratiuer ou ta fonder. Nous serions ici pour tenter de penser ce qu'une ‘ctolérance » pourrait eve désormais, Je mets aussitOt des guillemets d ce dernier mot pour !abstraire et le sous- Iraire axes origines. Et done pour annoncer, a travers (ui, A travers f épaisseur de son histoire, une possibilisé qui ne soit pas seulement chrétienne. Car le concept de tolérance, Stricto sensu, appartient d abord a une sorte de domesti= cité chrétienne. C'est litéralement, je veux dire sous ce nom, un secret de la communauté chrétienne, It fut imprimeé, émis et mis en circulation au nom de la foi chré- tienne et ne saurait dere sans rapport avec lascendance, chrétienne aussi, de ce que Kant appelle la «foi réfléchis- Sante » ~ et la moralité pare comme chose chrétienne. La lecon de rolérance fut d abord une lecon exemplaire que le chrétien pensait seul powoir donner au monde, méme S' devait souvent apprendre a lentendre lui-méme. A cet gard, auane que f Autklirung, les Lumiéres furent d'es- sence chrétienne, Quand il trite de la tolérance, te Dic tionnaire philosophique de Voltaire réserve a fa religion chrétienne un double privilege. D’ une part elle est exem- plairement tolérante, certes, elle enseigne la tolérance mieux que toute autre religion, avant foute autre religion. Un pewa la maniére de Kant, en somme, eh oui, Voltaire semble penser que le christianisme est la seule religion, ‘morale », puisqu'elle est la premiére @ devoir et @ pou- voir donner Uexemple, D'oit"ingénulté, parfois la niaise- rie de ceuce qui sloganisent Voltaire et se mettent sous son drapeau dans le combat de a modernité critique ~et, plus gravement encore, de son avenir. Car d’autre part cette econ vottarienne fut d’abord destinge aux chrétiens, «les plus intolérants de tous les hommes? ». Quand Voltaire spond: «C'est 'spanage de umanité» fh le ploy han inspiration de ate « numarit > reste chseane Foi et Savoir 37 accuse la religion chrétienne et PEslise, il invoque la lecon du christianisme originaire,« les temps des premiers chrétiens », Jésus et les apotres, trahis par «la religion ‘catholique, apostolique et romaine », Celle-ci est, «dans toutes ses cérémonies et dans tous ses dogmes, !opposé de la religion de Fésus »”. Une autre « tolérance » s'accorderait a expérience du «désert dans le désert», elle respecterait la distance de Valtérité infinie comme singularité. Et ce respect serait ‘encore religio, religio comme scrupule ou re-tenue, dis- tance, dissociation, disjonction, des le seul de route reli= ‘gion comme lien de a répétition Bi elle-méme, dés le seull de tout lien social ou communautaire. ‘Avant et aprés le logos qui fut au commencement, avant et aprés le Saint-Sacrement, avant et aprés les Saintes “ et «dans le monde, « dans I'his- toite», en oubliant ce qui arrive Ja, nous revenant ou sur- ‘prenant encore sous le nom de religion, voire au nom de Ta religion. Ce qui nous arrive 1d conceme justement I'expé- rience et interprétation radical de ce que tous ces mots sont censés vouloir dire: Vunité d'un « monde » et un ‘, ees uss Iirclanc seckiée et hypereupitalist des species fondateurs. Sur (CD-ROM, tsectoiescdostes de sts, Jer, TV, Email ox ner words de Inerse- Actellemeat ou virucliement wniveralisable, “lreinterationalsale, ncange pur de aoaveles «corporations» 6e plus en plus affanchies des pouvorseatiqus (demecratiqus ov ‘hon, pot norte fond, tout cela ex & revo, comme i onl Foi et Savoir a yberspatialisées ow eybetespacées n'ont dautie enjew due cette détermination du «monde », de I histoire », du ‘jour » et du « présent», L’enjeu peut certes rester impli cite, insuffisamment thématisé, mal articulé. I peut aussi, autre part, les «refoulant», en dissimuler ou déplacer beaucoup d'autres, C'est--dire les inscrire, comme c'est toujours le cas avec la topique du refoulement, dans autres lieux ou d'autres systémes ; ce qui ne va jamais sans symptOmes et phantasmes, sans spectres (phantas- ‘mata) & interroger. Dans les deux cas et selon les deux Togiques, nous devrions la fois prendre en compte tout enjew déclaré dans sa plus grande radicalité et nous ddemander ce que peut virtuellement encrypter, jusqu’a sa racine méme, la profondeur de cette radicali. L’enjeu déclaré parait deja sans limite: qu’estce que le « monde >, le «jour», le «présent » (donc toute Vhistoire, Ia terre, Yhumanité de Vhomme, les droits de Phone, ies droits de Phomume et de la femme, organisation politique et culturelie de la société, la différence entre "homme, le dieu et I'animal, la phénoménalité du jour, la valeur ou Te indemmité » de la vie, le droit & la vie, le traitement de la mont, etc)? Qu’este que le présent, c’est-d-dire qu'est-ce que I"histoire ? le temps? I'étre? I'etre dans sa propriété (c’est--dire indemne, sauve, sacrée, sainte, heilig, holy) ? Quoi de la sainteté ou de Ta sacralité? Est-ce ‘ou non la méme chose? Quoi de Ia divinité de Diew? Comibien de sens peut-on donner & sheion? Est-ce une bonne manitre de poser Ia question ? 28, La religion ? Article défini au singulier ? Peut-Stre, peut-étre (cela devra ester toujours possible) y ail aure chose, bien entendu, et d’autres intéréts (Sonomiques, politico-militares, etc) derrgre les nouvelles « guerres de Intnté» do droit iterations dans son Sut sete, cestadice a ‘ull un processus de transformation aso etimprevisib). 2 Foi et Savoir religion», dere ce guise présente tus te ma de tic tion, par-dla ce qui se defend ou attaque en son nom, tuo, se toe ou senete, et pour cela invoque des enjux , il faut prendre acte de ce que déja nous parlons latin. [Nous le donnons & remarquer pour rappeler que le monde ‘aujourd'hui pale Iatn (le pins souvent & travers I'anglo- ‘américain) quand il s’autorise du nom de religion, Pré- supposée & Vorigine de toute adresse, venue de l'autre meme d son adresse, 1a gageure de quelque promesse assermentée ne peut pas, prenant aussitOt Diew a témoin, nie pas avoir déja, si l'on peut dire, enzendré Dieu, quasi machinalement. A prior! inéluctable, une descente de Dieu ex machina mettsit en sene une machine transc=n- dantale de I'adresse. On aurait ainsi commencé par poser, rétrospectivement, le droit d’ainesse absolu d’un Un qui n'est pas né, Car en prenaat Diew a témoin, méme quand il n'est pas nommé dans le gage de 'engagement le plus « laique », le serment ne peut pas ne pas le produire, invoquer ou convoquer comme déja Ia, donc inengendré et inengendrable, avant létre méme : improductible. Ex absent 3 sa place. Production et reproduction de T'impro= dductible absent & sa place. Tout commence parla présence de cette absence-la, Les « morts de Dieu », avant le chris- Foiet Savoir 45 ‘anism, en Ini et au-delA de lu, n’en sont que figures et péripéties. L’inengendrable ainsi r&engendré, c'est Ia place vide. Sans Dicu, point de témoin absolu. Point de {émoin absolu qu’on prenne & témoin dans le témoignage. Mais avec Dieu, un Dieu présent, existence dun tiers (ersti, testis) absolu, route attestation devient superflue, insignifiante ou secondaire. L’sitestation, c'est dire aussi le testament. Dans I'isépressible prise 8 témoin, Dieu res- terait alors un nom du témoin, il serait appelé comme témoin, ainsi nommé, méme si parfois le nommé de ce nom demeure impronongable, indéterminable, en somme innommable dans son nom méme; et méme s'il doit sdemeurer absent, inexistant, et surtout, & tous les sens de ‘ce mot, improductible. Diew le tSmoin en tant que « nom- ‘mable-innommable »,témoin présent-absent de tout ser- ‘ment ou de tout gage possibles. A supposer, concesso non dato, que la religion sit le moindre rapport avec ce que ‘nous nommons ainsi Dieu, elle appartiendrait non seu- ement & Vhistoire générale de la nomination mais, plus Strictement ici, sous son nom de religio, & une histoire du sacramentum et du testimonium. Elle serait cette histoire, elle se confondrait avec elle. Sur Je bateau qui nous ‘conduisait de Naples & Capn, je me disais que je commen: ‘cerais par rappeler cette sorte d’vidence trop lumineuse, mais je ne I'ai pas oxé, Je me disais aussi & part moi que Yon s'aveuglerait au phénoméne dit « de Ja religion » ‘ou du « retour du religieux » aujourd'hui sion continusit ‘opposer aussi navement la Raison et la Religion, Ia Cri- tigue ou la Science ef la Religion, la Modemnité techno- scientifique ef la Religion. A supposer qu'il s'agisse de comprendre, comprendra-t-on quelque chose a « ce-qui se-passe-aujourd’hui-dans-le-monde-avec-la-religion » (et ‘pourquoi « dans le monde » ? Qu'est-ce que le « monde »? Qu'est-ce que c'est que cette présupposition ? ete.) si on Continue de croire cette opposition, voir & cette incom- paliblité,c’est--dire si on reste dans une certaine tradi- 6 Foi et Savoir tion dos Lumiéres, ane soulement des multiples Lumidces des trois sicles demiers (non pas d'une Aufkldrang dont Ih force critique est profondément enracinée dans 1a Reforme), mais oui, cette lumiére des Lumigres, celle «qui traverse comme un rayon, un seul, une certane vigi= lance critique et antieligieuse, anti-judéo-christiano- islamique, une cevtaine filiation « Volaire-Feuerbach- Marx-Nivizsche-Froud-(et méme) Heidegger »? Au-dela ‘de cette opposition et de son heritage déterminé (ailleurs aussi bien représenté de autre cbté, du c6té de Pautorté religieuse), peut-éire pourtions-nous essayer de « com- prendre » en quoi le’ développement impertarbable ct interminable de la raison critique et technoscientifique, loin de s'opposer la religion, la porte, Ja suppor et la suppose. Il faudrait démontrer, ce ne sera pas simple, que la religion et la raison ont la méme source. (Nous asso- cions ici la raison a la philosophic et & la science en tant ue technoscience, en tant qu’histoire critique de la pro- duction da savoir, du savoie comme production, savoie- faire et intervention distance, tlé-echnoscience toujours performante et performative par essence, et.) Religion et raison se développent ensemble, partir de cette ressource commune: Ie gage testimonial de tout performatit, qui engage A répondre aussi bien devant l'autre que de la per~ formativite performante de la technoscience. La méme source unique se divise machinalement, automstiquemeht, ct s‘oppose réactivement a elle-méme: d’oit les deux sources en une, Cette séactivité est un processus dindem- nisation sacrifcille elle tente de restaurer V'indermne {heilig) qu'elle menace elle-méme. Et c'est aussi la pos- sibilite du deux, du n+, la méme possbilité que celle du deus ex machina testimonial. Quant & a réponse, est ow bien ou bien. Ou bien ele sadiesserat 3 'aure absolu en tant que tel, dune adresse entendue, écoutée, respectée dans la fidité et la responsabilité; ow bien ele répliqne, riposte, compense et 'indemnise dans la guerre du ressen- Foi et Savoir a timent ot de Ia réactivité, Une des deux répomses doit tour jours pouvoir contaminer l'autre. On ne prouvera jamais que c'est une ou laure, jamais dans un acte de jugement déterminant, théorique ou cognitif. Tel peut étr le leu et la responsabilité de ce qu'on appelie la eroyance, la fabi- Iité ou la fidélit, le fiduciaie, Ia «fiance » en général, instance de la foi 30, Mais voila que déja mous parlons latin, Pour la ren- ‘contre de Capri, le « theme » que j'avais cru devoir propo ser, la religion, fut nommé en latin, ne Voublions jamais (Or la « question dela regio » ne se confond-elle pas, out ‘implement, sion peut die, avec la question du latin? Par ‘i il conviendrait d'entendte, au-dela d'une « question de Tangue et de culture », Pétrange phénomeéne de la latinité ct de sa mondialisation. Ne parlons pas ici d’universalité, voire d'une idée de I'universalité, seulement dua proces- ‘sus (’universalisation finie mais énigmatique. On V'inter- roge rarement dans sa portée géopolitique et éthico-juri- ddigue, [8 ott prévisément une telle puissance se trouve relayée, déployée, relancée dans son héritage paradoxal par l'hégémonie mondiale et encore inrésistible d'une «langue », c'esta-dire aussi d'une culture pour une part non latine, 'anglo-aiéricain. Pour tout ce qui touche en particulier la religion, pour ce qui parle «religion », pour ‘ce qui tient un discours religieux ou sur la religion, 'an- slo-américain reste latin. Religion circule dans Te monde, ‘n peut le dire, comme un mor angiais qui surait fait une station & Rome et un détour par les Etats-Unis. Bien au- deli de ses figures strictement captalistiques ou politico rilitsires, une appropriation hyper-impézialiste est en cours depuis des sigcles. Elle s’impose de fagon particuliére- ‘ment sensible dans l'appareil conceptuel du droit inter- national et de la rhétorigue politique mondiale, Partout oi ce dispositif domine, il s‘aticule & un discours sur la eli- gion. Des lors, on appelle «religions » tanguillement (et 48 Foi et Savoir ‘ilerament)sujourd"hul tane de choses qul ont toujours <6 ot resent étrangbres ce que ce mot Homme et azric sonne dans son histoire. La méme remarque s'imposerait pour tant d'autres mots, pour tout le « vocabulaire reli- sicux », A commencer pat « culte », «foi», «eroyance», scsacré >, «aint», «Sal >, «indenmne » teil, hol, et). ‘Mais, par contagion inéluctable, aucune cellule séman- tique ne peut restr Granger, je nose plus dre «saine et sauve >, «indemne », dans ce procs apparemment sans bordure. Mondialainisation (essentillement chréticanc, bien sir), ce mot nomme un événement unique au regard duguel un métalangage parait inaccessible, alors qu'il reste ici, pourtan, de premiére néeessit&. Car cette mon- dialisation, en méme temps que nous ne percevons plus ses limites, nous la savons finie et seulement projtée. II agit d'une lainisation et, plutst que dune mondial, «une mondialisation essouttlée, st irécusable et impé riale qu’elle reste encore. Que penser de cet essouttle- ‘ment? Qu’un avenir le garde ou lui soit gard, nous ne Te savons pas et ne powvons par définition le savoir. Mais sur le fond de ce non-savoir, cet essoufflement souffle aujourd’hui ether du monde, Certains y respirent mieux que d'autres, certains y étouffent. La guerre des religions Sy déploic dans son élément, mais aussi sous une couche de protection qui menace de erever. La coextensivité des deux questions (a religion et la latinisation mondiali- sante) donne sa dimension & ce qui ne saurait 425 lors se lisser éduire & une question de langue, de culture, de semantique, ni méme sans doute d'anthropologie ou histoire. Bt si religio restait intraduisible? Point de religio sans sacramentum, sans alliance et promesse de tmoigner en verté de la veit, c'est A-die de la dize, Ja veri: c'est-d-dize, pour commences, pas de religion sans promesse de tenir Ia promesse de dire Ia vérité en promettant dela dir, de tenit la promesse de dre Ia verits “de Vavoir de dite! ~ dans acte méme de la promesse. Foi et Savoir 49 De Mavoir deja dite, la veritas, en latin, et done de se 1a tenir pour dite, L’événement & venir a dj en lieu. La pro- ‘esse se promet, elle set déja promise, voi la foi jurée, et donc la réponse. La religio commencerait I 31 Ett religio restait intraduisible? Er si cette ques- tion, et a fortior’ Ia néponse qu'elle appelle, now inscr- vait deja dans un idiome dont la traduction reste pro- blématique? Qu'est-ee que répondte ? C'est juree ~ Ia foi: respondere, anoworten, answer, swear (swaran} : «en face de got, swaran [qui a donné sehwiren Deschwiren, «, «liltéalement », un « presque Titgralement » qui lisse réveur, et enfin ce qui dit le « dis- para» et P'«essentiel» qui «reste ». Les liewx od nous Soulignons situent & nos yeux les abimes au-dessus des quels un grand savant s‘avance d'un pas tranquille, comme s'il savait de quoi il parle, mais aussi en avouant qu'il n’en sait au fond pas grand-chose. Et cela se passe, nous le voyons bien, dans la dérivation énigmatique diu latin, dans la «préhistoire du grec et du latin». Cela passe dans ce qu'on ne sait plus isoler comme un voca- dulaire religieux, a savoir dans le rapport du droit Ja reli- sion, dans lexpérience de la promesse ou de Vottrande indemnisante, d'une parole engageant un futur au présent ‘mais au sujet d'un événement passé :« Je te promets que c'est arrivé, » Qu’est-ce qui est arrivé? Qui en Poccur- rence? Un fils, le ten. Comme un exemple est beau. ‘Toute la religion: 16. bi, p 269-270, Pa exeraple: «De veut expression rel aio eit, “avoir scrale"[..} Lwsige et constant bepequs clas- ‘hue. [.) Am total eligi est une hesitation gui rete, un se pule qui empéche, ct non ma sentiment qu diige une ation, ov qu Incite prauquer Ie cule. Il poss semble que ee sens, denne ar ‘Posage ancien sane la monde ambigut,impose use Seale itespre tation pour rligio: calle que donne Cision en ratachantreligio lege» Foi et Savoir sl ‘Avec spondeo, i aut consider re-spondeo. Le Sens propre ‘e responeo ela elation avec spondeo resortent lira: ‘ment un dialogue chez Plaute (Copia, 899). Le parasite -Ergsile apport a Hézion une bonne nouvelle sons, dis: ‘pam depuis longtemps, va reurer. Hégion promer&Ergasilo See une to es jar i veh tcl ngone on ou 898 [..]sponden t stad? ~Spondeo. 899 Atego taum cbt adueniss ium respondeo. «Bate proms? C's promi. Et moet pro- mets don cite gue ton isos ai» (ead, Bou Ceding x conti sone fermi nda te spond, ue responsi de Fa ores das eu rons jog: egret enous tenfls exten ane ‘De cote garantie échangée (cote expression repondre ie.) aie sors bien Sabi coin “ Rpondkes:Respondeo, respons. des inter. ase, depts, notamment des harps, domnant frei de Prana promesi,n eto ct i Seanad cesta srepontes dan sacs, 'un poe: Cost epligus une scepinjudiqu do vor respodere de tf «dome te Sesion de dit. Ls nat sve Competence, sari a valet avi i'l dome. Relovns une expression symegue cm seman vied gh and snore tense» (ng ane pene), fi face de gt sara ues, prone des pris Solon tallest presque literate responder est Sinton pet pre, dane I piste dh are td an Ia senieton din sre hrurent Sngortant de veabulie egies lavas xt ovor ite inane Spend. xsd ae eben corse atic Tin nti, ne porte important de ka sinieation intave apa ui ete Pessetel 6 G08 Ge part determine i notion juridique de a spon de ira aio sve Ie oncep ee oe spond 17. iid, p. 214-215, Seals les mots étrangers et expression «cpondre de sont souliges par Benveniste 32 Foi et Savoir 32. Mais Ia religion ne suit pas plus nécessairement le mouvement de la foi que celle-ci ne se précipite vers Ja foi en Dieu. Car si le concept de «religion » implique tune institution séparable, identifiable, circonscriptible, lige dans sa lettre au jus romain, son rapport essenticl et 3 la foi et & Diew ne va pas de soi. Or quand nous parlons, nous Européens, si communément et si confusément agjourd’hui d'un « retour du religieux », que nommons- nous? A quoi nous référons-nous? Le « religieux », la religiosité, qu’on associe vaguement a I’expérience de la sacralité du divin, du saint, du sauf ou de 1'indemne (heilig, holy), est-ce la religion? En quoi et dans quelle mesure tne «foi jurée », une croyance s"y trouve-t-elle engagée? Inversement, toute foi jurée, une fiabilité, la fiance ou la confiance en général ne inscrivent pas néces- sstrement dans une « religion », méme sicelle-i croise en. elle deux experiences qu’on tient en général pour égale- ‘ment religieuses : 1) Fexpérience de la crayance, dune part (le croire ou le erédit, Ie fiduciaire ow le fiable dans I'acte de foi, 1a fidéité, appel & la confiance aveugle, Ie testimonial toujours au-dela de la preuve, de la raison démonstrative, de Tintition), et 2) expérience de I’indemne, de la sacralité ou de la sainseté autre part’? ‘On doit peut-tre distinguer ici entre ces deux veines (on. pourrait dire aussi deux souches ou deux sources) du religieux. On peut sans doute les associer et analyser certaines de leurs co-implications éventuelles, mais on ne devrait jamais confondre ou réduire l'une & Pautre comme on Le fait presque toujours. II est cn principe possible de sanctifier, de sacraliser I'indemne ou de se tenir en présence du sacro-saint de multiples manires sans mettre en euvre tun acte de eroyance, si du moins croyance, foi ou fidelité signifie ici 'acquiescement au témoignage de l'autre — du tou ausre inaccessible en sa source absolve. Ei 18.00 tout Foi et Savoir 38 auue est cout aute, Iuverseumeut, SL porte au-dela de La présence de ce qui se donnerait & voir, toucher, prouver, et acquiescement de Ia fiance n’est pas nécessairement et de Tui-méme sacralisant. (Il faudrait prendre en compte et interroger d'une part, nous le ferons ailleurs, la distinction proposée par Levinas entre le saeré et le saint; et d’autre part la nécessité pour ces deux sources hétérogénes de la religion de méler leurs eaux, si l'on peut dize, sans jamais pour autant, nous semble-til, revenir simplement au ‘méme.) 33. Nous nous étions done réunis & Capri, nous « Euro- péens>, assignés a des langues (italien, espagnol, alle ‘mand, frangais) dans lesquelles le méme mot, religion, devait vouloir dire, voulions-nous crore, la meme chose. ‘Quant la fiabilité de ce mot, nous partageons en somme notte présomption avec Benveniste. Celui-ci semble en effet se eroire en mesure de reconnaite et isole, dans article sur sponsio que nous évoquions & V'instant, ce quill appelle le « vocabulaire religieux >. Or tout reste probiématique & cet égard. Comment articuler et faire coopster les discours, disons pluto, comme on avait rai- son de le préciser naguate, les « pratiques discursives » ‘gui tentent de se mesurer la question + Qu’est-ce que la religion?» « Ome semble” Fi, 2 aucun moment ilne thématse ni ne probigwatie cee pre ‘comnphensio oa etl présuppesiion. Rien ne permet meme ator "ser Phyo gt sp yen e Sens ecetien» or e > conductace, pulse le dit utanéme, «inception pur religare (in, obligation", []invenée par les eréiens [est] Faust hstorguement 12) D autre pat, nd, aps le mot grec thst (cue et pis, observance des es», et beaucoup plu tard « religion»), Benveniste ‘stone et autre terme dea pire le ote elie c'est eule- ‘ment ge d's équvalen (ce qi ne sani die entgue) 8 «relic tion. Nous aoastouvans devant x station parsdoeae que ert fort bin, a une page interval, le double et deroutant usage qe [Benveniste dlibeersent ou non, fait du tot séquivalent > que nous souligherons done 3) « Nous eendrons seulement deux tees (reste et religio qui, Pun en gree et aus en latin, peuvent passer pour des usa Tents de "elgion” » (266). Voll done deux mots i peavent ps st, somme, pour les éutvlents de Pun eax! qu hsmeene 8la age sivas, est dit aver aucun equivalent au monde, ou du moins fans eles langues occidetales», en quoi il serait «ininent plus inportnt tous ezarde» ) «Nous en venoas maintenant av deuxiéme terme, ininiment plus portant ous égers: et le ltn Petit, gu demesre, dans toutes les langues occidentale, Je mot unigue et constant, ceil pour 38 Foi et Savoir religion au Ven, précisémcut, 3 obligation, au Ligament, done au devoir et done a la dette, etc, entre hommes ou entre "homme et Dieu. 1! s'agit encore, en um tout autre lieu, sur un tout autre theme, d’une division de la source et du sons (et nous n’en avons pas fini avee cette dualisa- tion). Ce dsbat sur les deur sources étymologiques mais aussi « religieuses » du mot religio est sans doute passion- nant (i tient & la Passion méme, ds lors que l'une des deux sources disputées serait chrétienne). Mais quel qu’en soit Pintérét ou Ja nécessité, un tel différend est pour nous Pune portée limitée, En premier liew parce que rien ne se ele & la source, nous le suggérions &I'instant®. Puis les deux étymologies concurrentes se lassent reconduire a ‘meme, et d'une certaine maniére 2 la possibilité de la répétition, qui produit autant qu’elle confirme le méme. Dans les deux cas (re-legere ou re-ligare), il y va bien d'une liaison insistante qu se lic d’abord a elle-méme. Ly vva bien d'un rassemblement, d'un r&assemblement, d'une ré-collection, D'une résistance ou dune réaction & fa disjonetion. A 'altérité ab-solue. « Recollecter », c'est ailleurs la traduction proposée par Benveniste*, qui Vexplicte ainsi: « reprendre pour un nouveau choix, reve nir sur une démarche antérieure », d’od le sens de « seru- equal ancundguvalet substi oa jumats pus impose» (p.267; Je soulgoe 1D), Crests sens propre» (atest par Cicer, ot des « emplois ropes et ost» (p. 269,272) que Beavis ted ienter pour Ge mo qu est en Somme un equivalent (parm ‘Patres, mais sane 6givalent) pour ce gui ne pet re dsl en $e gue pa ume, evo par un equivalent sans Sivan “ha fond neste ps a noins auvase definition e In oigion? Fn tout eas, ce que désigne 'incenséqucucelogique ou foxmlle de ‘envenise en co pont, cet pu-e I sefexion aps Ble, Voie Te symp le po heal Ge ce qui ast pass en fat dans se {sire de V'humanité >», et qve nous eppelons ici In « mondislainisa- ton de a «oigion > 19. Your38, Let, 9-47-48. 20,E Benveniste, Le Vocabuaie..op. cit p21 Foi et Savoir 9 pule'», mais aussi de choix, de lecture et dlection, din~ telligence, la sélectivit 1’allant jamais sans lien de cot leotivté et récollection, Finalement, c'est dans le lien & soi, marqué par I’énigmatique « re-», qu'il faudrait peut- ‘eure tenter de ressaisir le passage entre ces diffézentes significations (re-legere, re-ligare, re~spondeo, dont Bes veniste analyse ce qu'l appelle aussi, d’ailleurs, la «relae tion» avec spondeo). ‘Toutes les catégories dont nous ‘pourrions nous servir pour traduire le sens commun de ce “

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