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3 AFFAIRE N° ICTR-98-41-T LE PROCUREUR
4 CHAMBRE I C.
5 THÉONESTE BAGOSORA
6 GRATIEN KABILIGI
7 ALOYS NTABAKUZE
8 ANATOLE NSENGIYUMVA
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10 PROCÈS
11 Lundi 24 octobre 2005
12 9 h 50
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14 Devant les Juges :
15 Erik Møse, Président
16 Jai Ram Reddy (absent)
17 Sergei A. Egorov
18
19 Pour le Greffe :
20 Marianne Ben Salimo
21 Edward E. Matemanga
22
23 Pour le Bureau du Procureur :
24 Barbara Mulvaney
25 Drew White
26 Christine Graham
27 Rashid Rashid
28
29 Pour la défense de Théoneste Bagosora :
30 Me Raphaël Constant
31 Me Allison Turner
32
33 Pour la défense de Gratien Kabiligi (absent) :
34 Me Paul Skolnik
35 Me Frédéric Hivon
36
37 Pour la défense d’Aloys Ntabakuze :
38 Me Peter Erlinder
39 Me André Tremblay
40
41 Pour la défense d’Anatole Nsengiyumva :
42 Me Kennedy Ogetto
43 Me Gershom Otachi Bw’Omanwa
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45 Sténotypistes officielles :
46 Joëlle Dahan
47 Laure Ketchemen
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1 BAGOSORA ET AL. LUNDI 24 OCTOBRE 2005
8 PIÈCES À CONVICTION
9 Pour la Défense de Théoneste Bagosora :
10 D. B 197.........................................................................................................12
11 D. B 198 A et B..............................................................................................25
12 D. B 199 A et B..............................................................................................33
13 D. B 200 A, B et C..........................................................................................40
14 D. B 201 — sous scellés.................................................................................46
15 D. B 202 — sous scellés.................................................................................49
16 D. B 203 — sous scellés.................................................................................49
17 D. B 204 A et B et C.......................................................................................55
18 D. B 205.........................................................................................................58
19 D. B 206.........................................................................................................59
20 D. B 207.........................................................................................................73
21 D. B 208.........................................................................................................73
22 D. B 209 A et B..............................................................................................89
23 D. B 210.........................................................................................................89
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3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour. Nous commençons avec un certain retard ce matin, en raison de
5 la cérémonie pour les Nations Unies. Nous allons siéger conformément à
6 l’Article 15 bis du Règlement de procédure et de preuve, car le Juge
7 Reddy ne se sent pas très bien aujourd’hui. Nous pensons qu’il devrait
8 nous revenir très bientôt.
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10 La Défense de Kabiligi ?
11 Me SKOLNIK :
12 Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge Egorov, chers
13 Confrères. Je voulais juste aviser la Chambre que mon client, le général
14 Kabiligi, n’est pas présent aujourd’hui. Et je voudrais, Monsieur le
15 Président, que vous exprimiez tous nos espoirs de prompt rétablissement
16 au Juge Reddy, Monsieur le Président.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Merci beaucoup. Je prends note.
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25 Bonjour Colonel.
26 M. BAGOSORA :
27 Bonjour, Monsieur le Président.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 Vous devez dire la vérité, et le Greffier d’audience va maintenant vous
30 faire prêter serment. Veuillez vous lever.
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4 M. LE PRÉSIDENT :
5 Très bien. Si nécessaire, nous pourrons toujours poser des questions
6 supplémentaires au cours de l’interrogatoire principal et même le contre-
7 interrogatoire.
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19 Bonjour, Colonel.
20 M. BAGOSORA :
21 Bonjour, Maître.
23 INTERROGATOIRE PRINCIPAL
24 PAR Me CONSTANT :
25 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre depuis quand vous êtes
26 détenu dans les locaux de la prison des Nations Unies ?
27 M. BAGOSORA :
28 R. Mon mandat est d’août 1996, mais je suis ici, à l’UNDF, depuis janvier
29 1993...
30 Q. Et est-ce que... oui ?
31 R. 97... 97.
32 Q. Et est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre, préalablement à votre
33 arrivée ici...
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Il est important de... d’avoir une bonne méthodologie de travail dès le
36 départ. Les interprètes ont déjà commencé à se plaindre que les pauses
1 entre les questions et les réponses n’étaient pas observées, ce qui arrive
2 souvent lorsque vous parlez tous les deux la même langue. Donc,
3 n’oubliez pas de marquer les pauses.
4 Me CONSTANT :
5 Oui, Monsieur le Président. Et éventuellement, je conseille de me
6 rappeler à l’ordre quand il y a lieu.
7 Q. Est-ce que vous pouvez préciser ou rappeler à la Chambre,
8 préalablement à votre arrivée ici à l’UNDF, quand avez-vous été arrêté ?
9 R. J’ai été arrêté au Cameroun en mars 1996.
10 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre pourquoi vous avez
11 décidé de témoigner dans votre procès ?
12 R. Oui, j’ai... Tout d’abord, je précise que je n’étais pas tenu à témoigner.
13 Ensuite, j’ai décidé de témoigner parce qu’il y a plusieurs contrevérités
14 portées à mon égard et propagées par plusieurs personnes mal
15 intentionnées pour me discréditer. J’ai donc choisi cette tribune pour
16 démentir, pour protester... pour protester contre ces accusations
17 mensongères par cette tribune de ce Tribunal.
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36 Alors, maintenant, je suis venu ici pour m’expliquer, avec l’espoir que
10 J’affirme aussi que j’ai fait mon devoir dans les limites de mes
11 possibilités et que je n’ai... je n’ai pas été lâche face à mes
12 responsabilités.
13
14 Alors, maintenant, je suis ici pour dire la vérité, toute la vérité, rien que
15 la vérité pour que l’histoire sache, pour que la justice soit rendue en
16 connaissance de cause, tout au moins à mon sujet. C’était tout ce que je
17 voulais dire à ce sujet.
18 Q. Colonel, avant qu’on en arrive aux faits...
19 R. Pardon, Maître. Je voudrais demander, si c’est possible, qu’on me donne
20 quelques feuilles de papier vierges pour mes éventuelles notes, et cette
21 demande est valable pour la durée de mon témoignage — des feuilles
22 vierges, si c’est possible.
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26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Très bien.
28 Me CONSTANT :
29 En attendant...
30 R. Merci.
31 Q. Colonel, en attendant que nous en arrivions aux faits que vous avez
32 évoqués, à savoir ce que l’on vous reproche dans l’Acte d’accusation,
33 mais en relation aussi avec l’Acte d’accusation, est-ce que vous estimez
34 utile que l’on parle de votre vie avant les faits du 6 avril 1994 ? Et dans
35 ce cas, pourquoi ?
36 R. Absolument, oui, parce que je pense que la Chambre doit bien connaître
1 Me CONSTANT :
2 « Rupiya », c’est le numéro 134 de la liste.
3 Q. Vous pouvez préciser le prénom de Monsieur Rupiya ?
4 R. Straton.
5 Q. Et Monsieur Rupiya, il était de quelle ethnie ?
6 R. Il était tutsi aussi.
7 Q. Est-ce que le chef et le sous-chef étaient élus aussi ?
8 R. Non, ils étaient désignés.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Assurons-nous que nous avons bien distribué la liste des noms propres
11 aux interprètes. Est-ce que vous avez un nombre suffisamment de
12 copies ?
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14 Les sténographes n’ont pas non plus reçu cette liste, apparemment. Est-
15 ce que vous pouvez le faire immédiatement ? C’est la pratique usuelle.
16 Très bien, nous allons continuer.
17 Q. Alors, qui choisissait ces conseillers ? Est-ce que c’étaient des gens
18 choisis ou nommés par le chef ou le sous-chef ? Comment est-ce que ça
19 se passait ?
20 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
21 Micro pour le témoin.
22 R. En 1953, c’était la première fois que l’autorité de tutelle organisait des
23 élections à la base,
24 au niveau sous-chefferies, et c’étaient des élections directes à ce niveau-
25 là, pour les conseillers
26 de sous-chefferies. Mais au niveau des conseillers de chefferies, ce sont
27 les conseillers de sous-chefferies qui choisissaient entre les conseillers
28 de chefferies, à un niveau supérieur.
29 M. LE PRÉSIDENT :
30 Q. Mais il s’agissait donc d’un système d’élections, et donc, la personne
31 était choisie parmi les personnes élues ?
32 R. Oui, pour être conseillers au niveau de chefferies, ils devaient d’abord
33 être élus au niveau de la
34 sous-chefferie comme conseillers, et les conseillers une fois de... sous-
35 chefferie une fois en place,
36 ils élisaient celui qui allait les représenter au niveau de la chefferie.
1 Me CONSTANT :
2 Q. Une précision, Colonel : J’ai bien compris que les conseillers de la sous-
3 chefferie étaient élus et qu’eux-mêmes, ils élisaient les conseillers de la
4 chefferie. Ma question est la suivante : Le sous-chef qui dirigeait la sous-
5 chefferie et le chef qui dirigeait la chefferie peut... étaient-ils issus
6 d’élections ?
7 R. Non, ils étaient nommés par l’administration coloniale.
8 Q. Vous nous avez indiqué que le chef... enfin, les deux chefs que vous avez
9 cités et le sous-chef étaient tutsis ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que ceci correspondait au fait que la majorité des gens qui
12 habitaient dans la sous-chefferie de votre père ou la chefferie en
13 question étaient majoritairement Tutsis ?
14 R. Pas du tout, puisque ma sous-chefferie n’avait presque pas de Tutsis. Et
15 même le Tutsi qui était venu diriger là-bas, il avait été nommé... il était
16 venu des autres régions, je crois, du Sud... du Sud ou du Centre, parce
17 que dans ma région, il n’y avait pas de Tutsis avant son arrivée ; il n’y
18 avait que des Bagogwe qui vivaient dans la forêt de Gishwati.
19 Q. Et pourquoi, alors qu’il n’y avait pratiquement pas de Tutsis dans la
20 chefferie et la sous-chefferie, est-ce qu’il y a une explication à ce que le
21 chef et le sous-chef étaient tutsis ?
22 R. Bon, c’est historique. Dans les années 1930, l’administration coloniale
23 belge a décidé d’assurer... disons, le commandement sur la tutelle par la
24 voie... la voie indirecte. C’est-à-dire qu’ils ont privilégié de travailler avec
25 les Tutsis qu’ils ont trouvés en place avec l’autorité, et ils l’ont renforcée,
26 et ils ont démis les chefs des régions nordiques où il n’y avait que des
27 Hutus. Donc, jusqu’en 1930, les régions à prédominance hutue du Nord
28 et de l’Ouest étaient commandées par le roi ou le roitelet, selon les cas.
29 Et à partir de 1930, la Belgique a décidé de travailler uniquement avec
30 des Tutsis, et il a démis tous les chefs hutus et les sous-chefs.
31 Q. Votre père était de quelle ethnie ?
32 R. Il était de l’ethnie hutue.
33 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre la signification du terme,
34 dans la société rwandaise, du « clan » ?
35 R. Au Rwanda, il y avait plusieurs clans. L’explication, peut-être, je ne peux
36 pas l’avoir, mais nous avions les clan des Abasindi, le clan des
1 Abagesera, le clan des Abega, le clan des Abasinga. Disons, c’est une
2 grande famille très nombreuse dont il est difficile de savoir quand elle a
3 commencé à exister. Je ne peux pas vous dire plus. C’est une grande
4 famille, tel qu’on dit les Habsbourg. Puis, on ne sait pas exactement à
5 partir de quand ces clans ont commencé. C’est une subdivision des
6 grandes familles dans la société rwandaise.
7 Q. Est-ce que vous pouvez préciser quel était le clan de votre père ?
8 R. Le clan de mon père ? Il était du clan des Abasindi.
9 Q. A-B-A-S-I-N-D-I ; c’est bien ça ?
10 R. Oui.
11 Q. Il y a...
12 M. LE PRÉSIDENT :
13 Le problème, c’est qu’il y a eu aussi mention de trois autres clans. Est-ce
14 que vous pourriez nous aider avec ceux-là, pour que nous soyons sûrs de
15 ce qui est porté au procès-verbal, pour que les choses soient claires ?
16 R. J’ai parlé de Abega — A-B-E-G-A ; j’ai parlé de Abasinga — A-B-A-S-I-N-G-
17 A.
18 Me CONSTANT :
19 Q. Est-ce que vous pouvez nous préciser quand votre père est décédé ?
20 R. Il est décédé le 5 mai 1994.
21 Q. Il est donc décédé en pleine... pendant les... la période dramatique qu’à
22 connue le Rwanda d’avril à juillet 94 ?
23 R. Exactement.
24 Q. Est-ce que la cause de son décès est naturelle ou non ?
25 R. Je pense qu’il était bien portant, ça doit être une crise cardiaque suite à
26 ces événements qui l’ont surpris ; il est tombé dans le « chaos », il est
27 passé.
28 Q. Avez-vous pu assister à son enterrement ?
29 R. Oui.
30 Q. Vous pouvez d’ores et déjà préciser à quelle date et où ?
31 R. À son décès, donc le 5, je me suis rendu donc dans la commune Karago
32 où il vivait, en hélicoptère
33 — le 5 ; les funérailles ont eu lieu le 6. Je suis resté là-bas jusqu’au 10
34 pour le deuil, très limité, en fonction des circonstances du moment. Puis,
35 je suis retourné à Kigali.
36 Q. Est-ce que vous pouvez nous préciser qui était votre mère ?
1 Me CONSTANT :
2 Monsieur le Président, je propose un gain de temps, mais étant donné
3 que le temps n’est pas l’élément principal pour le Procureur, nous allons
4 laisser la méthode la plus simple.
5 Q. Colonel, avez-vous ce document ?
6 R. Oui, je l’ai.
7 Q. Est-ce que vous pouvez expliquer de quoi il s’agit ?
8 R. Ce document représente mon arbre généalogique, c’est-à-dire les
9 parents, ascendants et descendants, du côté paternel et du côté
10 maternel.
11 Q. Au-dessus du nom de votre père et de votre mère, il y a toute une série
12 de noms que je ne vais pas citer, mais est-ce que vous pouvez indiquer
13 c’est quoi ? C’est le père ? Le grand-père ?
14 R. Si vous partez d’en bas, de mon nom, ceci signifie que je suis fils de
15 Bagirubwiko Mathias, et que Bagirubwiko Mathias est le fils de Sibiguri,
16 et ainsi de suite. Du côté... À droite, du côté de ma mère, Ntibayazi
17 Anastasie, ça veut dire qu’elle est fille de Gahanda, de Kibiribiri, ainsi de
18 suite.
19 Q. Du côté de votre père, il y a... on remonte à 12 personnes, donc à 12
20 générations ; et du côté de votre mère, on en remonte à huit. Comment
21 êtes-vous en état de pouvoir fonder que ceci correspond à la réalité ?
22 R. La réalité est qu’on apprend aux enfants la lignée patrilinéaire — la
23 lignée patrilinéaire ; alors que la lignée maternelle, elle est facultative,
24 c’est-à-dire c’est pour cela que je connais quelques... je connais un peu
25 moins du côté de ma mère, parce que je n’ai pas pu aller plus loin. Mais
26 c’est que ma mère me disait que leur famille... donc il y a le clan
27 Abagesera, mais que la famille, la grande famille d’où elle sortait,
28 s’appelait Abasaso. Ça veut dire que c’est la subdivision du clan
29 Abagesera. Ça veut dire que dans le clan Abagesera, vous avez encore
30 plusieurs sous-familles. Alors, j’ai... Elle m’a dit ça, elle m’a appris ça à
31 partir, donc, de la sous-famille qui la concernait. C’est pour cela que je
32 m’arrête là, Abasaso, la famille où elle est... appartenait. Alors que du
33 côté de mon père, ça va plus loin, parce que leur famille, disons, la sous-
34 famille, si vous voulez, ce clan...
35 M. LE PRÉSIDENT :
36 Bien. Je ne pense pas que cela soit très difficile à comprendre. Mais,
1 chez moi...
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Je présume que dans la version française, vous avez parlé du 14 et 15
4 juillet 2004 et non pas 2005 ?
5 Me CONSTANT :
6 En tout cas, c’est 2003, Monsieur le Président. Je ne « m’en » souviens
7 pas de ce que j’ai dit, mais la réalité c’est 2003. C’est 14 et 15 juillet
8 2003.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Très bien. Je crois que cela a un peu plus de sens. Merci.
11 R. Bon. Si je donne mon arbre généalogique, c’est pour permettre à la
12 Chambre de comparer mon arbre généalogique avec celui de ce
13 Monsieur, comme ça, on pourra savoir à quel niveau nous avons des
14 relations de parenté.
15 Me CONSTANT :
16 Q. Mais ce que je vous demande, Colonel : Est-ce que le Rwandais — pas
17 seulement ceux de l’élite, mais n’importe quel Rwandais — est capable
18 de pouvoir connaître, comme vous, vos ascendants... ses ascendants —
19 pardon ?
20 R. C’est-à-dire, avec ce qu’on appelle la civilisation occidentale, on a
21 abandonné les rites traditionnels. Et avec ça, on a perdu l’élément qui
22 justifiait justement de retenir toute la généalogie. Moi, je suis... Par
23 exemple, moi, mon grand-père... mon père était catholique, mais mon
24 grand-père était païen ; il faisait ses rites — j’ai vécu là-bas. De même,
25 mon grand-père du côté maternel, Gahanda, il n’était pas... il n’était
26 pas... il n’était pas... il n’avait pas de religion occidentale ; il avait sa
27 religion, on appelait ça « païen » mais, en fait, ce n’était pas ça. Ils
28 avaient leur religion traditionnelle, je crois de Ryagombe. Ils faisaient
29 leurs rites, et j’ai vécu là-bas quand j’étais encore à l’école primaire ; j’ai
30 pu justement apprendre ça à ce moment-là. Mais mes enfants, par
31 exemple, aujourd’hui, eux, ils ne savent pas. Mes enfants, ils ne savent
32 pas, sauf si je leur donne un document pour dire : Voilà votre arbre
33 généalogique. Moi, j’ai eu l’occasion de le savoir quand j’étais encore
34 jeune, chez mes grands-parents.
35 Q. Vous avez donné le nom d’un rite, est-ce que vous pouvez épeler ?
36 R. Rite Ryagombe. J’épelle : R-Y-A-G-O-M-B-E.
1 Q. Pour en terminer sur le témoin XBM, est-ce que ça vous paraît crédible
2 qu’il puisse prétendre être votre cousin sans qu’il puisse connaître vos
3 parents ?
4 R. Mais non, il a inventé ça. De toute façon, si je donne ceci, le Tribunal,
5 avec le service du Procureur ou avec d’autres services, peuvent aller
6 dans la région, parce que ce que je dis ici... je peux indiquer la région, il y
7 a encore des vieux, des gens de mon âge, et plusieurs qui sont là, si
8 vous leur demandez ça, ils vont dire. De même, chez cette personne-là
9 qui a dit qu’il ne connaît pas l’arbre généalogique de ses parents, il n’a
10 pas dit… Donc, en fait, il n’a pas pu s’identifier. S’il n’a pas pu
11 s’identifier, moi aussi, je ne peux pas savoir si on a une relation de
12 parenté.
13 Q. Pour aborder un aspect, nous y reviendrons plus en détail, mais dès à
14 présent, puisqu’il s’agit de liens familiaux, aviez-vous ou non un lien de
15 parenté avec la famille du Président Habyarimana ou la famille de son
16 épouse... épouse, Agathe Kanziga ?
17 R. Non, moi, étant du clan Abasindi et Habyarimana Juvénal étant du clan
18 Abungura...
19 Me CONSTANT :
20 « Abungura », c’est le numéro 2 sur la liste.
21 Q. C’est bien : A-B-U-N-G-U-R-A ; c’est bien ça ?
22 R. Son épouse, Agathe Kanziga, étant du clan Abagesera b’abahenda.
23 Me CONSTANT :
24 A-B-A-G-E-S-E-R-A, « B-’-A-B-A-H-E-N-D-A ; c’est le numéro 1 sur la liste.
25 Q. Excusez-moi, vous pouvez continuer, Colonel.
26 R. Justement, je donne mon arbre généalogique. Pour que les gens soient
27 cousins, il faut au moins avoir un grand-père commun, il faut en avoir un.
28 Si elle est du clan Abungura et que je suis du clan Abasindi, c’est pas
29 possible.
30
1 difficile.
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Q. Laissant de côté cela, est-ce que vous avez rencontré « XBM » à une
4 réunion de famille ou à une réunion de clan ?
5 R. Il a avoué lui-même qu’il n’est jamais arrivé chez moi. Je l’ai vu pour la
6 première fois ici, dans ce Tribunal.
7 Q. Donc, vous ne l’aviez jamais vu avant qu’il comparaisse devant cette
8 Chambre ?
9 R. Jamais. Jamais.
10 Me CONSTANT :
11 Q. Donc, pour terminer sur la... les deux familles présidentielles, vous
12 indiquez qu’il n’y a pas de lien de parenté direct avec vous ?
13 R. Avec Madame Habyarimana, ce qui est... ce qui pourrait être possible,
14 c’est qu’ils sont... ma mère et elle, elles sont du clan Abagesera. La
15 possibilité qu’il y ait un lien de parenté, c’est après la neuvième
16 génération, pas en deçà. Alors, là, c’est pas vérifiable.
17 Q. Mais on fait état de vos liens avec la famille présidentielle, fondés entre
18 autres sur une solidarité familiale ou sur une solidarité régionale. Est-ce
19 que vous avez un commentaire dessus ?
20 R. Mais le Président Habyarimana Juvénal est du Bushiru. Son épouse,
21 Agathe Kanziga, est du Bushiru. Moi aussi, je suis de la même région.
22 Nos parents se connaissaient ; je les connais depuis longtemps, quand
23 j’étais encore jeune. Je peux même dire que la famille Habyarimana était
24 amie « à » la mienne.
25 Q. Parfait. Je voudrais... Nous y retournerons, sur vos liens avec la famille
26 Habyarimana.
27
1 « D. B 195... 97 ».
2 Me CONSTANT :
3 Je crois que mon confrère Drew White voulait parler ?
4 M. LE PRÉSIDENT :
5 Je crois qu’en fait, ça a été annulé, étant donné la réponse que j’ai
6 donnée.
7
10
11 Me CONSTANT :
12 Parfait.
13 Q. Colonel Bagosora, est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre
14 combien de frères et de sœurs vous aviez ?
15 R. J’avais un frère et quatre sœurs.
16 M. LE PRÉSIDENT :
17 Maître Constant, cela signifie que vous avez terminé la première section
18 dans votre jeu de documents ?
19 Me CONSTANT :
20 Monsieur le Président, vous parlez par rapport au plan que j’ai
21 communiqué à la Chambre ?
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Oui.
24 Me CONSTANT :
25 J’ai fini avec les parents de... Nous aurons l’occasion d’y revenir très
26 rapidement à un autre moment donné, quand on parlera de 1959, mais
27 directement dans la présentation des parents, j’en ai terminé.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 Parce que c’était en fait ma question suivante : Donc, vous allez revenir
30 là-dessus ?
31
1 lorsque les Belges devaient prendre des Tutsis et les mettre au niveau de
2 la hiérarchie ? Mais qu’est-ce qui se passait un peu en dessous ? Est-ce
3 qu’en général, le conseiller ou la personne élue était hutu ?
4 R. Je vous dis qu’au Bushiru — je parle du Bushiru que je connais, ailleurs,
5 je ne sais pas comment ça se passait —, dans notre sous-chefferie, le
6 sous-chef qui est venu dont j’ai parlé, Straton Rupiya, il est venu avec
7 trois membres de sa famille pour l’accompagner. Avant son arrivée, il n’y
8 avait pas de Tutsis.
9 Q. Donc, votre réponse, c’est... c’est que vous ne savez pas comment ça se
10 passait dans les autres localités ?
11 R. Les autres localités du Rwanda, je ne sais pas.
12 M. LE JUGE EGOROV :
13 Q. « Le » colonel Bagosora, est-ce que vous pouvez nous dire quelle était
14 l’activité de votre grand-père ?
15 R. Activité ?
16 Q. Donc, en fait, son activité, sa position sociale. Vos grands-pères, en fait ?
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 « Activité professionnelle. »
19 R. Ils étaient des paysans agriculteurs, éleveurs.
20 M. LE JUGE EGOROV :
21 Je vous remercie.
22 Me CONSTANT :
23 Q. Une petite précision quand même. J’ai oublié de vous poser la question :
24 Q. Quand votre mère est décédée ?
25 R. Elle était décédée en février 1983, le 22.
26 Q. Nous retournerons donc, comme je l’ai dit, sur la question à travers la
27 révolution de 59, sur le statut de votre père au sein de la société
28 rwandaise.
29
30 Vous nous avez indiqué que vous avez eu un frère et quatre sœurs, et
31 vous avez employé le passé.
32 R. Oui.
33 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi vous avez employé le
34 passé pour dire que vous avez eu... que vous aviez un frère et quatre
35 sœurs ?
36 R. Le frère que j’avais a été assassiné le 15 février 1999 à Yaoundé. Alors,
1 j’ai eu... J’ai une sœur qui a été assassinée à Bruxelles l’année suivante,
2 le 16 décembre de l’an 2000. Et puis, la troisième a été assassinée par le
3 FPR à Gisenyi en 1995, quand elle est rentrée de son exil. Donc, il me
4 reste deux sœurs, une qui est en prison à Kigali et une autre exilée en
5 Europe. C’est ça qui me reste.
6 Q. O.K. Je vais vous demander quelques détails supplémentaires, surtout
7 concernant vos frères et sœurs qui ont disparu ou qui sont en prison. Est-
8 ce que vous êtes l’aîné, Colonel ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire qui est l’enfant suivant, après vous ?
11 R. C’est ma sœur Astérie Ntiliyaga.
12 Me CONSTANT :
13 Il s’agit du numéro 112 sur la liste.
14 Q. Est-ce que vous pouvez nous préciser est-ce que c’est celle qui est en
15 exil, c’est celle qui a été assassinée ?
16 R. Astérie Ntiliyaga, c’est celle qui est en prison à Kigali depuis 1996.
17 Q. Est-ce qu’à votre connaissance, elle a été jugée ?
18 R. Non, jusqu’à maintenant, elle n’est pas jugée ; elle est en prison avec
19 ses deux fils depuis 1996 et elle attend encore son jugement. Et selon
20 mes informations, quand... elle n’a pas encore de dossier établi, donc le
21 jugement et (inaudible) attendu.
22 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer...
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Malheureusement, l’orthographe de ce nom... c’est-à-dire le nom de la
25 personne à Kigali, est-ce que vous pouvez épeler son nom ?
26 R. J’épelle « Ntiliyaga » : N-T-I-L-I-Y-A-G-A ; Astérie.
27 Me CONSTANT :
28 Attendez.
29
1 dans le procès-verbal.
2 R. Ah ! Oui, j’ai parlé... J’ai dit qu’elle était en prison avec ses deux fils. Elle
3 a deux fils en prison avec elle.
4 M. LE PRÉSIDENT :
5 Très bien.
6 Me CONSTANT :
7 Q. Est-ce que vous pouvez préciser ce que votre soeur, en tout cas celle-ci,
8 faisait avant 1994 ?
9 R. Elle était une femme au foyer, mais responsable d’une cellule dans le
10 cadre du parti MRND.
11 Q. Est-ce que vous pouvez préciser si elle était mariée ou non ?
12 R. Elle était mariée... Elle était mariée, oui.
13 Q. Vous connaissez le nom de son mari ?
14 R. Il s’appelle Télesphore... Son nom m’échappe un peu.
15 Q. Mais en tout cas, le prénom, c’est Télesphore.
16 R. Télesphore, oui.
17 Q. C’est ça. Si vous le retrouvez, vous allez nous le dire.
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire qu’est-ce qui est... où est ce monsieur
20 actuellement, votre beau-frère ?
21 R. Il a été tué par le FPR en avril 1994.
22 Q. Comment êtes-vous au courant de cette information ?
23 R. J’étais encore à Kigali. Il a été tué à Kabuga, dans une localité à 20
24 kilomètres de Kigali. Et sa femme a fui chez moi, donc... Elle m’a dit :
25 « Mon mari a été tué », donc j’ai été au courant.
26 Me CONSTANT :
27 O.K. « Kabuga », c’est : K-A-B-U-G-A.
28 Q. Est-ce que vous savez ce qu’on reproche à votre sœur pour qu’elle soit
29 en prison depuis 96 ?
30 R. Le nom me revient, c’est Télesphore Nsekambabaye.
31 Me CONSTANT :
32 C’est le numéro 101 de la liste.
33 Q. Je vous demandais donc : Est-ce que vous savez ce que l’on reproche à
34 votre sœur, Astérie Ntiliyaga, qui est en prison depuis près de 10 ans à
35 Kigali ?
36 R. Mais elle ne m’a pas dit, mais des nouvelles que j’ai pu obtenir par des
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Q. Il s’ensuit que votre frère était le directeur de... BACAR ?
16 R. Oui, il était directeur général d’une banque appelée BACAR : Banque
17 africaine continentale du Rwanda.
18 Me CONSTANT :
19 Excusez-moi...
20 M. LE PRÉSIDENT :
21 Q. À quelle période a-t-il occupé ces fonctions ? Est-ce que vous pouvez
22 nous dire ?
23 R. Depuis les années 80 jusqu’à 1994.
24 M. LE PRÉSIDENT :
25 Et Maître Constant, vous avez fait allusion à un terme technique par
26 rapport à ce Centre contre l’impunité, et ce terme technique est... était
27 inintelligible, tout au moins en anglais. Est-ce que vous pouvez nous
28 aider ?
29 Me CONSTANT :
30 Je pense que j’ai fait allusion au terme « négationniste », c’est de ça que
31 vous parlez, Monsieur le Président ? Je n’en ai aucune idée comment ça
32 se traduit en anglais. Selon les anglophones qui m’entourent,
33 apparemment c’est « le » même... chose.
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Tout au moins, il faut qu’on le suive clairement. C’est le même mot, et
36 maintenant, tout va bien.
1 Je vous remercie.
2 Me CONSTANT :
3 Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Colonel, je voudrais que vous preniez le premier document. Et vous
5 voyez qu’il y a un premier paragraphe : « Les motifs de son assassinat
6 sont divers. » Est-ce que vous le voyez ?
7 R. Quel paragraphe ?
8 Q. Vous avez un titre au milieu de la première page : « Les motifs de son
9 assassinat sont divers. »
10 Est-ce que vous voyez ça ?
11 R. Non.
12 Q. Vous êtes avec ce document-là ?
13 R. Ah ! Oui, je vois.
14 Q. D’accord. Je voudrais que vous nous lisiez le petit « a ».
15 R. « Monsieur Musabe avait commencé à rassembler des documents et des
16 témoignages sur la tragédie rwandaise et venait d’achever le manuscrit
17 d’un livre sur la tragédie rwandaise. Ses assassins auraient voulu en
18 empêcher la publication. »
19 Q. Est-ce qu’à votre connaissance, il était exact que des faits qui sont
20 contenus dans ce paragraphe étaient exacts ou non ?
21 R. C’est exact. Mais ce dont je ne suis pas certain, c’est de dire... Ils ont
22 utilisé le conditionnel eux aussi pour dire « que » s’ils voulaient en
23 empêcher la publication ; ça c’est une spéculation. Mais le livre, j’en ai
24 une copie aujourd’hui ici, et il est très critique sur son analyse de la
25 situation pour les événements de 1994.
26 Q. Est-ce que vous savez si, oui ou non, lors de son assassinat, il y aurait eu
27 la commission de vol de documents ou non ?
28 R. Tous les documents, en fait... Étant le seul frère que j’avais à Yaoundé,
29 que j’étais en prison, tous les documents que j’avais et tous les
30 documents qu’il avait rassemblés, tout, y compris même le projet de son
31 livre, tout a été enlevé par les assassins.
32 Q. Est-ce qu’à votre connaissance, il y avait des documents en relation avec
33 la préparation de votre défense ?
34 R. Absolument oui.
35 Q. De 96, date de votre arrestation, à 99, date de son assassinat, est-ce que
36 vous aviez des contacts directs ou indirects avec votre frère ?
1 auriez dès cette époque. Est-ce que vous pouvez vous exprimer sur ce
2 point ?
3 R. Ceux-là qui disent cela donnent une mauvaise version de ce qui s’est
4 passé. Effectivement, mon petit frère était fiancé à une jeune fille
5 appelée Jeanne Habarugira.
6 Me CONSTANT :
7 Excusez-moi, c’est le numéro 41 de la liste. Vous pouvez continuer.
8
21 L’autre fait est qu’effectivement, les fiançailles de mon petit frère ont
22 échoué, mais pour d’autres raisons. Cette fille a été arrêtée par le
23 Service central de renseignements. Mais il se faisait effectivement que
24 j’avais déconseillé à mon petit frère de… de ne pas se marier avec cette
25 fille parce que le grand frère de cette fille était qualifié par le Service de
26 renseignements comme agent de la CIA. Vous voyez. Moi, j’étais officier
27 de l’armée rwandaise, et mettre dans mon dossier un agent de la CIA,
28 tout au moins un agent que le Gouvernement, à l’époque, qualifiait de
29 membre de la CIA, j’ai dit à mon petit frère : « Mais il y a d’autres filles, il
30 y a plusieurs filles que tu peux... il ne faut pas m’encombrer avec ce
31 dossier de son grand frère, Jean-Baptiste Habarugira, qui s’était réfugié
32 à Kampala. » Il était à Kampala, il était journaliste connu, il était un
33 grand journaliste à Kigali
34 — Jean-Baptiste Habarugira. Donc, alors, mon petit frère a été d’accord, il
35 a changé, mais pendant que nous étions en train de finaliser ce dossier,
36 le Service central de renseignements a arrêté la fille. Alors, mon petit
1 frère m’a... bien que ses fiançailles étaient, disons, cassées, il gardait
2 encore une amitié tout à fait normale avec la fille. Il a pensé que c’était
3 moi qui avais comploté contre, disons, son amie. Voilà.
4
3 Me CONSTANT :
4 Nous y retournerons, mais en attendant, que Monsieur Matemanga
5 distribue ces deux pièces qui sont... ce qui correspond à la pièce 3 sur la
6 liste des documents.
7 M. LE PRÉSIDENT :
8 Alors, vous voulez maintenant verser ces deux documents en preuve ?
9 Me CONSTANT :
10 Oui, Monsieur le Président, on peut les verser en preuve dès à présent. Je
11 continue sur Monsieur Pasteur, mais on peut déposer... Mais je pense
12 qu’on peut faire un seul document avec, parce que c’est le même
13 document, sinon qu’il y a un communiqué ; c’est le même communiqué
14 qui a paru dans un journal ivoirien, Monsieur le Président.
15 M. LE PRÉSIDENT :
16 Oui. Alors, est-ce que vous voulez commencer avec le communiqué
17 48/99 qui sera « D. B 198 » ?
18 Et est-ce que vous voulez aussi cet extrait de journal ?
19 Me CONSTANT :
20 Ce que je propose, Monsieur le Président, c’est que le communiqué fasse
21 « D. B 198 A » et l’article du journal fasse « 198 B » .
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Très bien. Pas de problème, je pense.
24
27 Me CONSTANT :
28 Monsieur le Président, avec votre autorisation, je souhaiterais qu’on
29 distribue les deux pièces qui sont sur le numéro 3 de ma liste. Qu’on
30 « la » remette au témoin.
31 Q. En attendant, Colonel Bagosora, est-ce que vous voulez dire qu’à travers
32 le cas de Monsieur Célestin Sebulikoko, nous avons un Tutsi qui aurait été
33 assassiné par le FPR du fait de son engagement politique au sein du
34 MRND ?
35 R. Oui.
36 Q. Est-ce que c’est le seul cas que vous connaissez ou bien il y en a
1 d’autres ?
2 R. Il doit y en avoir d’autres, puisque quand nous fuyiions le pays, il y a des
3 Tutsis qui ont fui avec nous et dont les membres de la famille ont été
4 décimés. Je parle par exemple de Monsieur Kamana. Monsieur Kamana,
5 je ne sais pas dans quel pays il se trouve actuellement, il a fui avec nous.
6 C’est un Tutsi, avec sa famille. Mais le reste de sa famille dans la
7 commune a été décimé. Monsieur Kamana… Je n’ai pas le prénom en
8 tête, mais nous étions en ensemble à Goma en juillet 94.
9 Me CONSTANT :
10 « Kamana », c’est : K-A-M-A-N-A.
11 Q. Et vous voulez dire qu’après, sa famille a été décimée ? Vous voulez
12 dire...
13 R. Ceux qui n’ont pas fui... Ceux qui n’ont pas pu fuir avec lui. Il est de
14 Gitarama.
15 Q. Et quand vous dites qu’elle a été décimée, elle a été décimée, mais par
16 qui, sa famille ?
17 R. Mais je n’étais pas là. De toute façon, lui, s’il a fui, c’est qu’il avait peur
18 du FPR et qu’il nous disait que sa famille a été décimée. J’en ai déduit
19 que c’étaient les gens qu’il a fuis.
20 Q. Mais une précision : Quand sa famille a été décimée, c’est avant ou
21 après la victoire du FPR en juillet 94 ?
22 R. C’est après, quand nous étions à Goma, et... Parce que la frontière Zaïre,
23 aujourd’hui Congo, il n’y avait pas de frontière naturelle, sauf sur la
24 partie du lac Kivu. Donc, nous avons fui, mais il y avait des gens qui
25 retournaient au Rwanda, revenaient, etc. Ils revenaient, ils disaient :
26 « Voilà, maintenant on a détruit votre maison ; votre famille qui est
27 restée, elle a été massacrée.» C’est comme ça que je l’ai appris de lui,
28 c’est lui qui me l’a dit. On se fréquentait à Goma.
29 Q. Est-ce que vous pouvez, Colonel, nous indiquer qu’est-ce que vous avez
30 dans votre main, en prenant un document après l’autre ?
31 M. LE PRÉSIDENT :
32 Oui, « D. B 198 A », Maître Constant...
33 Juste au-dessus de la phrase qui concerne Sebulikoko, il y a une
34 référence à un coaccusé au Cameroun, transféré au TPIR. Est-ce que ce
35 renseignement est exact ?
36 Me CONSTANT :
25 R. Ah… Attendez…
26 Q. Vous avez... ?
27 R. À la signature de Matata ?
28 Q. Non, je parle... Oui, absolument, après la signature de Matata, le petit
29 encadré qu’il y a.
30 R. Le petit encadré, oui, je vois.
31 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui est indiqué là ?
32 R. « Pasteur Musabe était un des principaux témoins dans le dossier de
33 André Ntagerura, ancien Ministre des transports et communications
34 actuellement détenu à Arusha, en Tanzanie. Son dossier est défendu par
35 l’avocat ivoirien Maître Fakhy... Fadi... Konate, qui a plaidé... »
36 M. LE PRÉSIDENT :
11 Donc, ma question est celle-ci, Témoin : Est-ce qu’en fin 93, il y a eu une
12 fête pour donner le nom chez votre frère, Pasteur Musabe, pour un
13 enfant à lui qui venait de naître et où vous seriez intervenu ?
14 R. Musabe Pasteur n’a eu que les deux enfants là-bas que vous voyez. Le
15 premier, il est né... la date de naissance, vous la voyez, c’était en 86 ; et
16 le dernier, c’était en 89. Alors, voyez-vous, en 93, six ans plus tard, ce
17 n’est pas possible qu’on aille donner le nom à une personne qui a déjà
18 six ans.
19 Q. D’accord. Est-ce que vous pouvez affirmer que vous n’avez pas eu un
20 neveu qui est né en 93 et qui serait décédé ?
21 R. Pas du tout. Il n’a eu que deux enfants, c’est vérifiable. Sa femme est là,
22 les deux enfants sont là, sont grands. En 93, ils étaient déjà grands, ils
23 connaissaient les gens. C’est vérifiable, il n’a eu que deux enfants.
24 Me CONSTANT :
25 Monsieur le Président, je peux passer à autre chose. On peut déposer ces
26 deux pièces. Je propose de déposer les originaux — j’ai l’autorisation du
27 propriétaire.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 Très bien. La proposition, c’est de verser en preuve l’original du
30 passeport comme première pièce.
31 Et ce document qui... en fait, la dernière page, je crois, c’est le deuxième
32 document.
33
34 Vous voulez que ce soit le même numéro pour faciliter les choses ?
35 Me CONSTANT :
36 Oui, Monsieur le Président. C’est deux documents différents : Il y a un
11 Mme MULVANEY :
12 Monsieur le Président, on n’a pas d’objection, mais on ne comprend pas
13 la légitimité de ces documents.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Nous en prenons bonne note.
16 Me CONSTANT :
17 La traduction m’a dit « légitimité ». C’est « légitimité » ou « légalité » ?
18 Je n’ai pas très bien compris la non-objection de mon confrère.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Le mot anglais, c’était « légitimité ».
21
24 Me CONSTANT:
25 Nous plaiderons, donc, Monsieur le Président, je ne vais pas y retourner.
26 Q. Colonel, est-ce que vous pouvez... — puisque nous aurons l’occasion de
27 reparler de votre frère Pasteur Musabe — mais en l’immédiat, nous parler
28 du troisième membre de votre famille, de la fratrie ?
29 R. C’est ma deuxième sœur, Régine Uwamariya.
30 Me CONSTANT :
31 C’est le numéro 158 sur la liste.
32 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’elle est devenue ?
33 R. Elle a été assassinée en Belgique, en décembre 2000.
34 Q. Est-ce que vous pouvez nous préciser quelle était son activité avant 96...
35 avant 94, au Rwanda ?
36 R. Elle était chef du personnel dans le projet qu’on appelait GBK.
25 Vous avez fait référence à une déclaration de témoin ; ça, je l’ai entendu.
26 Me CONSTANT :
27 Monsieur le Président, je m’explique, sans être trop long. Il faut bien
28 comprendre qu’avant que ce procès ait commencé, nous avons eu la
29 communication d’environ 800 déclarations dont 120 parlaient de
30 Bagosora. Et nous avons des témoins qui disaient des choses sur
31 Bagosora : Qu’il était l’amant de la Présidente, qu’il a organisé l’attentat,
32 qu’il a tué telle personne, qu’il était à tel endroit, qu’il était à tel autre
33 endroit. Et moi, ce que je veux simplement établir, c’est qu’aujourd’hui,
34 là, dans le cas précis, il y avait un témoin sur des choses que disait le
35 Procureur dans... à travers un certain nombre de témoins. Certes, ce
36 n’est pas venu aujourd’hui, depuis... parmi les 82 témoins du Procureur,
2 Donc, je propose de poser une dernière question à mon client sur les
3 documents, Monsieur le Président, et éventuellement de déposer... de
4 passer à un autre membre de la famille.
5 M. LE PRÉSIDENT :
6 Oui. Mais est-ce qu’il est inconstesté dans ce dossier que la sœur ait été
7 assassinée ? Parce que vous ne nous avez pas montré dans quelle partie
8 du document on voit les conclusions du médecin légiste. Est-ce que vous
9 pouvez nous aider à mieux comprendre ce deuxième document que nous
10 n’avons pas vraiment abordé ?
11 Me CONTANT :
12 Monsieur le Président, il y a des moments donnés où vous me dites
13 d’aller vite, il y a d’autres moments donnés où vous voulez que je rentre
14 dans les détails. Je suis prêt à rentrer dans les détails et à les affronter.
15
33 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
34 Votre micro, Monsieur le Témoin.
35 R. « Venue en Belgique à la fin des massacres, Régine s’est installée à
36 Molenbeek. Selon certaines sources, son mari et d’autres membres de sa
1 famille ont été assassinés. Régine aurait reçu elle aussi des menaces de
2 mort du FPR. »
3 Me CONSTANT :
4 Q. Est-ce que vous confirmez ce point ?
5 R. Oui,
6 Q. Deuxièmement, concernant le débat posé par Monsieur le Président sur
7 les conditions de la mort de votre soeur, est-ce que vous pouvez prendre
8 la lettre de mon confrère Vanderbeck et aller à la page 3 ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous avez une lettre... une page qui commence par « La
11 réponse proximus » ?
12 R. Oui.
13 Q. O.K., d’accord. Je voudrais que vous lisiez le cinquième... Il y a un
14 moment donné, au troisième paragraphe, c’est marqué
15 « cinquièmement », est-ce que vous pouvez lire cette partie ?
16 R. Oui, je vois. « Je note que dans ce rapport d’autopsie de Madame
17 Uwamariya, daté du 17 décembre 2000, le docteur Sepui... Sepulchre
18 signale la découverte de la présence dans la cavité buccale,
19 apparemment d’ouate d’aspect noirâtre ; ouate remise au représentant
20 de la police judiciaire présent sur place. »
21 Q. D’accord. Est-ce que vous étiez au courant de cette information ?
22 R. J’ai été au courant quand j’ai reçu cette copie.
23 Q. D’accord. Est-ce que, dans votre connaissance de cette lettre, est-ce que
24 vous pouvez résumer quelle est la démarche de mon confrère
25 Vanderbeck ? Qu’est-ce qu’il... Pourquoi il critique le juge d’instruction ?
26 R. Il dit qu’il n’a pas tenu compte de tous les éléments pour conclure que ce
27 n’était pas... que c’était une mort naturelle.
28 Q. Et est-ce qu’il formule des souhaits particuliers dans ce courrier ?
29 R. J’ai lu ça, oui. Il a demandé... Il a demandé ça, mais je ne vois pas où ça
30 se trouve. J’ai lu ça il y a longtemps.
31 Q. D’accord. Éventuellement, passez à la page 4 pour qu’on rentre dans des
32 précisions.
33 M. LE PRÉSIDENT :
34 Non, c’est bon, c’est bon. Mais je pense maintenant que nous avons une
35 idée de ce dont il retourne. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus pour
36 l’instant, Maître Constant.
2 Est-ce qu’il y a autre chose avant que nous ne versions ces trois
3 documents en preuve, si c’est bien ce que vous souhaitez ?
4 Me CONSTANT :
5 Une simple chose pour terminer.
6 Q. Est-ce que vous pouvez dire ce qu’est devenu le mari de Régine ?
7 R. Il a été assassiné par le FPR au Rwanda.
8 Me CONSTANT :
9 Nous pouvons déposer... Il faut reprendre ?
10
11 Je reprends ma question :
12 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer ce qu’est devenu le frère... le mari de
13 Régine au Rwanda ?
14 R. Monsieur Kabera Justin, son mari, a été assassiné par le FPR en 1996, au
15 Rwanda.
16 Me CONSTANT :
17 « Kabera » ; c’est K-A-B-E-R-A ; c’est bien ça ?
18 R. (Signe affirmatif)
19 Me CONSTANT :
20 Monsieur le Président, nous pouvons déposer les pièces éventuellement
21 sous une seule cote, comme le souhaite la Chambre, ou les trois cotes
22 différentes.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Bien. Monsieur Matemanga, A, B, C...
25
1 politiques ?
2 R. Pas du tout.
3 Q. Et est-ce que vous savez la raison pour laquelle elle a été assassinée ?
4 R. Parce que c’était ma sœur, tout simplement.
5 Q. Est-ce que, même si la question peut vous faire sourire, vous pouvez
6 nous dire si, à votre connaissance, il y a eu l’ouverture des informations
7 au Rwanda pour connaître les causes de son assassinat et le nom de ses
8 assassins ?
9 R. Les assassins, ils vont faire quelle enquête pour savoir qui a assassiné ?
10 Non !
11 Q. Il faut bien comprendre, Monsieur... Colonel, que le régime rwandais est
12 présenté comme un régime parfaitement normal avec lequel le Procureur
13 collabore régulièrement. Donc, je vous demande : On a assassiné
14 quelqu’un en 95 ; est-ce qu’il y a eu l’ouverture d’une information et la
15 recherche des assassins ?
16 R. On ne peut pas parler d’un régime... Vous voyez, vous connaissez le
17 major Cyiza, il « est » disparu. Il y a plusieurs personnes qui ont disparu.
18 Ils disparaissent ! Et vous me parlez d’un régime...
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Écoutez, la question était : Savez-vous si des enquêtes ont été menées ?
21 Essayez de limiter votre réponse à cette question. Quelle est votre
22 réponse ?
23 Me CONSTANT :
24 Merci, Monsieur le Président. Je soutiens la requête du Président.
25 R. Je ne suis pas au courant.
26
27 Me CONSTANT :
28 Q. Si je fais un bilan, sur cinq frère et sœurs, vous en avez trois assassinés,
29 une qui est prison et une qui est en exil ; c’est bien cela ?
30 R. C’est exact.
31 Q. D’accord. Dans la présentation qu’on a faite, Colonel, des membres
32 — nous y retournerons — de l’Akazu, les gens du Bushiru, on dit que ce
33 sont des gens qui vivaient entre eux, qui se mariaient entre eux. Est-ce
34 que vous pouvez préciser avec qui vous vous êtes marié, à quelle
35 époque ?
36 R. Je me suis marié avec Isabelle Uzanyinzoga, le 10 septembre 1966.
1 Me CONSTANT :
2 C’est le numéro 161 de la liste.
3 Q. Vous vous êtes marié où ?
4 R. À Gitarama, à la paroisse Kanyanza.
5 Me CONSTANT :
6 « Kanyanza », c’est : K-A-N-Y-A-N-S... Z-A.
7 Q. Est-ce que vous pouvez préciser la tendance de votre épouse ?
8 R. Mon beau-père est hutu. Ma belle-mère est tutsie.
9 Q. Est-ce que vous pouvez préciser le nom de votre beau-frère... de votre
10 beau-père — pardon ?
11 R. Ugirashebuja Denis.
12 Me CONSTANT :
13 C’est le numéro 157.
14 Q. Est-ce que vous pouvez dire ce qu’il est devenu ?
15 R. Il est mort d’une mort naturelle.
16 Q. Je vous propose, pour des raisons que nous exposerons, de ne pas
17 donner publiquement ici le nom de votre belle-mère. Est-ce que vous
18 êtes d’accord avec cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous pouvez écrire sur une feuille de papier le nom de votre
21 belle-mère et son prénom ?
22
25 Témoin, vous confirmez que la dame dont vous avez écrit le nom est
26 tutsie ?
27 R. Oui.
28 Q. Il y a un témoin qui est venu ici, « ATY » — dont j’ai déjà donné les
29 références du passage devant cette Chambre —, le 27 et le 28
30 septembre 2004, qui, entre autres incriminations à votre encontre, a
31 soutenu que quand son époux, qui était originaire du Bushiru, a voulu se
32 marier avec elle qui était une Tutsie qui n’était pas du Bushiru, que vous
33 auriez fait une démarche avec un tiers… — dont je ne vais pas donner le
34 nom en public parce que c’est un prochain témoin devant cette
35 Chambre, mais quelqu’un qui avait occupé des fonctions administratives
36 au Rwanda —, que vous auriez fait une démarche auprès de la famille de
1 Q. Non, mais... Colonel, je reviens sur ce que venait de dire le témoin ATY.
2 Nous n’allons pas
3 — n’oublions pas que nous sommes en audience publique — citer le nom
4 de son mari, mais vous confirmez ici que vous n’aviez... aviez-vous ou
5 non un lien de parenté avec le mari de « ATY » ?
6 R. Pas du tout. Aucun.
7 Q. Est-ce qu’à chaque fois qu’une personnalité du Bushiru devait ou non se
8 marier, est-ce que vous deviez vous en mêler ?
9 R. Mais comprenez, le Bushiru c’était, dans le temps, un royaume, c’était
10 grand. Prenez, disons, une province, comment est-ce que, pratiquement,
11 on peut s’occuper de ces histoires-là, et dans quel intérêt ? Mais ce que
12 je vous dis, c’est qu’au Bushiru, il y avait des gens qui étaient mariés aux
13 Tutsis. Je ne donne pas des exemples, mais j’en ai beaucoup. Donc, aussi
14 [Sur ordre du Président, l’intervention suivante a été extraite de la
15 transcription et produite sous scellés], non, non. Si le mari de « ATY »
16 voulait se marier avec une Tutsie, il n’était... il n’était pas la première
17 personne au Bushiru qui se mariait avec une Tutsie. Il y avait d’autres qui
18 avaient précédé, et plus âgés.
19 Q. Excusez-moi, Témoin. Excusez-moi, Colonel.
20
24 Est-ce...
25 M. LE PRÉSIDENT :
26 Monsieur Matemanga, ce document précédent, avec la belle-mère du
27 témoin, ce sera ?
28 M. MATEMANGA :
29 « D. B 201 ».
30 M. LE PRÉSIDENT :
31 Sous scellés.
32
36 Me CONSTANT :
13 Q. Donc, comme vous l’avez dit, elle viendra, mais je voudrais savoir : Est-
14 ce que vous pouvez nous dire qui étaient des proches de la famille de
15 votre femme, des gens qui ont compté dans sa vie et dans votre vie,
16 donc ?
17 R. Mais elle avait cinq frères. Peut-être… Peut-être certains étaient morts,
18 ou bien ceux que je connais, c’est… cinq frères. Et des quatre frères…
19 cinq frères, quatre avaient des femmes tutsies.
20 Q. O.K. Est-ce que vous pouvez citer un frère en particulier ou vous avez
21 l’intention de citer tous ?
22 R. Je peux donner les prénoms.
23 Q. D’accord. Je vous en prie. Vous donnez des prénoms pour des raisons de
24 sécurité ?
25 R. Oui, oui.
26 Q. Parce que ces gens-là se situent où actuellement ?
27 R. Bon, de toute façon, certains sont morts, d’autres sont… sont à Kigali,
28 d’autres sont à l’étranger. Pour leur sécurité, je préfère utiliser les
29 prénoms.
30 Q. D’accord. Je vous en prie.
31 R. L’aîné de la famille s’appelait Fidèle ; le suivant Évariste ; le troisième
32 Désiré ; le quatrième Isaac ;
33 le cinquième, j’ai le nom, mais je n’ai pas le prénom.
34 Q. D’accord.
35 R. Mais, de toute façon, il est mort, donc je peux parler de lui. Il s’appelle
36 Filimbi.
1 Q. Je ne crois pas que j’aie ce nom. Est-ce que vous pouvez épeler ?
2 R. F-I-L-I-M-B-I.
3 Q. D’accord. Est-ce que… À part ces frères sur lesquels nous reviendrons
4 avec, bien entendu, (inaudible)… le témoin…
5 R. Mais elle avait aussi des sœurs, bien entendu.
6 Q. Oui. Est-ce que vous pouvez nous indiquer si… dans la famille, est-ce
7 qu’il y avait d’autres personnes importantes, dans la famille de votre
8 épouse ?
9 R. Il y avait un « beau-parent » qui était député dans les années 70, qui
10 était député et secrétaire du parti MDR-PARMEHUTU à Gitarama.
11 Q. Vous pouvez nous indiquer son nom ?
12 R. Gérard Muvunankiko. J’épelle ?
13 Q. Vous pouvez ne pas épeler parce que je crois avoir son nom ; c’est le
14 numéro 87 de la liste.
15 Vous dites que vous aviez donc comme proches... Non, excusez-moi.
16 C’est un « beau-parent » à vous, c’est bien ça, Monsieur Gérard…
17 R. Oui.
18 Q. … Muvunankiko ?
19 R. Oui, oui.
20 Q. Et quel était son lien de parenté avec votre femme ?
21 R. C’était l’oncle paternel de ma femme.
22 Q. Vous dites qu’il a été député ; c’est bien ça ?
23 R. Oui, député. C’est dans l’ancien régime, c’est dans le régime Kayibanda,
24 avant le coup d’État de 73.
25 Q. Est-ce que vous pouvez préciser ou rappeler à la Chambre… Le parti que
26 vous avez cité, le MDR-PARMEHUTU, était un parti essentiellement
27 implanté où dans le Rwanda ?
28 R. Le MDR-PARMEHUTU, c’était un parti finalement qui était unique. Depuis
29 les années 65, c’était...
30 Il était devenu de fait un parti unique parce que les élections qui se sont
31 passées à cette date, c’est le MDR-PARMEHUTU qui les a remportées sur
32 toute l’étendue du territoire rwandais. Et initialement, il était beaucoup
33 plus implanté à Gitarama, à Ruhengeri, Gisenyi, initialement. Puis, il a
34 gagné du terrain au fur et à mesure dans les autres… dans les autres
35 préfectures.
36 Q. D’accord. O.K. Comment expliquez-vous que vous, qui en tout cas êtes
1 présenté comme quelqu’un du Bushiru, lié au Nord, vous liez votre sort à
2 une famille qui est du centre du pays, alors que l’on dit que vous… que
3 les Hutus du Nord méprisent ceux du Centre et du Sud ?
4 R. Vous savez, cela, politiquement, ça n’a pas de sens, parce que depuis la
5 création des partis politiques dans les années... fin des années 50 — je
6 parle de 58, 59 —, ma région natale Giseny, la… les adhérents étaient
7 beaucoup plus du parti MDR-PARMEHUTU. Et mon père, il était du parti
8 MDR-PARMEHUTU. Les choses ont changé après le coup d’État.
9
19 Me CONSTANT :
20 Monsieur le Président, il est une heure moins cinq. Qu’est-ce que je fais ?
21 Je continue ? Parce que je passe, là… J’ai fini avec la famille ; je passe à
22 l’éducation. Donc, qu’est-ce que la Chambre souhaite faire ?
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Votre suggestion implicite est très sage. Donc nous allons prendre notre
25 pause maintenant et nous nous retrouvons à 14 h 30.
26 L’audience est levée.
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3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Maître Constant, vous avez la parole.
5 Me CONSTANT :
6 Merci, Monsieur le Président. Bon après-midi.
7 Q. Colonel, je voudrais que vous indiquiez à la Chambre : Où avez-vous eu...
8
1 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre, Colonel : Est-ce que dans
2 cet ouvrage, il y a la légende qui explique comment les Hutus sont nés ?
3 Comment on est devenu Hutu ? Et dans ce
4 cas-là, est-ce que vous pouvez lire la partie qui nous concerne en nous
5 indiquant où elle est ?
6 R. En kinyarwanda ou en français ?
7 Q. Comme vous le souhaitez, je pense qu'il y a des traducteurs
8 kinyarwanda. Mais si vous nous dites la partie, vous pouvez la lire en
9 français, si vous souhaitez traduire directement, ou en kinyarwanda,
10 comme vous souhaitez.
11 R. Ça se trouve dans le paragraphe 10.
12 Q. Dites-nous ce qu'on explique concernant cela ?
13 R. Vous avez donc l'histoire... Bon, vous avez Gahima, Kakama et Katiru...
14 Kayiru qui étaient des frères, et ils avaient une soeur. À un certain
15 moment, il fallait qu'ils puissent se marier, chercher... trouver une
16 femme. Il y a alors Kakama qui propose de « marier » sa soeur ; la
17 proposition est retenue. Kayiru, lui, il a refusé ce type de mariage, de
18 « marier », donc, sa soeur, Kacyiru, il s'est cherché une femme dans
19 d'autres familles qu'il avait trouvées sur place. C'est ainsi que ses frères
20 l'ont traité comme un paria et qu'il est devenu un Hutu.
21 Q. Et ça aussi, vous l'avez appris quand vous « été » à l'école, cette
22 conception de la naissance du Hutu ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous avez indiqué que vous êtes rentré...
25
28 Vous avez indiqué que vous êtes rentré, par ailleurs, à… au petit collège
29 de Nyundo ; c'est bien ça ?
30 R. Oui.
31 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer dans quelles conditions vous êtes rentré
32 dans ce collège ?
33 R. Disons, ce n'est pas un collège, c’était un petit séminaire qui éduquait
34 les candidats prêtres. C'est une école ecclésiastique qui appartenait à
35 l'évêque de Nyundo pour former les candidats prêtres.
36 Q. Et il fallait remplir des conditions pour pouvoir rentrer dans cet... ce petit
1 séminaire ?
2 R. Oui, bien sûr. Une des conditions pour rentrer dans cette école, il fallait
3 avoir des parents chrétiens et puis être retenu par le curé de la paroisse,
4 parce que c'est le curé de la paroisse qui choisissait, dans sa paroisse,
5 les élèves qu'il envoyait au petit séminaire comme candidats prêtres.
6 Q. Et est-ce que dans ce cadre du choix, il y avait des éléments sur une
7 base ethnique ?
8 R. Comme dans notre région, il n'y avait pas beaucoup de Tutsis, en tout
9 cas, le curé, c'était un élément déterminant, c'est lui qui devait... c'était
10 certainement subjectif, il avait d'autres conditions, je ne sais pas, mais
11 c'est le curé qui choisissait les enfants. Mais ce que j'ai pu savoir, c'est
12 qu'il privilégiait les enfants des parents chrétiens.
13 Q. Est-ce que vous connaissiez à cette époque une école qu'on appelait le
14 groupe scolaire d'Astrida ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre : Ça venait... Elle était où
17 et qu'est-ce qu'elle faisait ?
18 R. Astrida, ça veut dire... dans le temps, c'est Butare qui... Astrida, c'est la
19 ville de Butare. Astrida, ça veut dire Butare — au sud.
20 Q. Et cette école était une école de quelle nature ?
21 R. C'est une école que l'administration belge sur place à Butare pour former
22 ses assistants dans tous les domaines — domaine administratif, domaine
23 technique, notamment l'agronomie, la santé et l'administration publique.
24 Q. Est-ce que vous auriez pu aspirer à rentrer dans une telle école ?
25 R. Pratiquement, non. C'était une école réservée, puisque l'administration
26 belge avait choisi d'administrer le pays dans cette période avec les Tutsis
27 qu'elle avait trouvés en place. C'est une école, pratiquement, des Tutsis.
28 Me CONSTANT :
29 Je vais faire distribuer un document, c'est le document 9, avec
30 l'autorisation de Monsieur Matemanga… avec l'autorisation de Monsieur
31 le Président.
32
1 M. MATEMANGA :
2 « 204. »
3 M. LE PRÉSIDENT :
4 « A » pour le kinyarwanda, « B » pour la version française, « C » pour la
5 version anglaise.
6
9 Me CONSTANT :
10 Est-ce que Monsieur Matemanga peut distribuer la pièce ?
11
1 R. C'est une école d'officiers de Kigali qui a été créée en 1960, qui a changé
2 de nom quelques années après et s'est appelée École supérieure
3 militaire.
4 Q. Elle se trouvait dans les mêmes locaux que ceux « dont » nous aurons
5 l'occasion de voir… ?
6 R. C'est dans les mêmes locaux et c'est seulement le nom qui a changé.
7 Q. Et vous êtes resté dans cette école combien de temps ?
8 R. À peu près deux ans.
9 Q. Et en vue de l'obtention de quel diplôme ?
10 R. C'est une licence en sciences sociales et militaires.
11 Q. Et à quoi donnait droit cette licence ?
12 R. Comme à l'armée, on n'avait pas besoin de diplôme... de diplôme
13 particulier pour travailler, c'est...
14 ça donnait à la sortie de l'école, on était promu sous-lieutenant.
15 Q. Donc à la sortie de cette école, en 1964, vous êtes devenu
16 sous-lieutenant ; c'est ça ?
17 R. Oui, oui.
18 Q. Est-ce que vous pouvez préciser, dans la hiérarchie des grades au sein
19 de l'armée, sous-lieutenant, ça signifie quoi ?
20 R. C'est le grade le plus petit, et... dans les hiérarchies militaires dans le
21 cadre des officiers.
22 Q. Donc, dès 1964, vous étiez officier de l'armée rwandaise ?
23 R. Oui.
24 Q. C'est un choix de votre part ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous pouvez-vous nous dire brièvement pourquoi vous avez
27 choisi cette carrière en 1962 ?
28 R. Il y a plusieurs concours de circonstances, parce qu'il y a d'abord la
29 révolution de 1959 ; il y a les indépendances des pays africains dans les
30 années 60 ; il se fait que le Rwanda étant un pays qui était sous tutelle, il
31 n'avait pas droit de former sa propre armée et, en vue de
32 l'indépendance, la colonisation… le pouvoir de tutelle belge a commencé
33 à former les militaires rwandais. Donc, je suis allé à... je suis allé à
34 l'armée pour... en vue de défendre, donc, les réformes démocratiques de
35 la révolution de 1959 et de protéger la République contre les
36 envahisseurs qui venaient de se créer
29 Me CONSTANT :
30 Vous parlez du diplôme ?
31 M. LE PRÉSIDENT :
32 Non, je parlais de l'ouvrage. Passons au diplôme, maintenant.
33
3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Q Je vois que vous avez eu votre diplôme avec mention, Colonel ?
5 R. Oui.
6 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
7 Le microphone du Colonel était débranché lorsqu’il a répondu au
8 Président.
9 R. J'ai dit « Oui ».
10 Me CONSTANT :
11 Le numéro du diplôme, c’est « 266 » ; c’est ça, « 206 » ?
12 M. LE PRÉSIDENT :
13 C'est exact.
14 Me CONSTANT :
15 Donc, l'extrait de l'ouvrage, c'est « 205 » ?
16 M. LE PRÉSIDENT :
17 C'est exact aussi.
18 Me CONSTANT :
19 Q. Concernant la formation que vous avez eue par la suite, vous avez parlé
20 d'une école française ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit ?
23 R. J'ai suivi l'École supérieure de guerre interarmées à Paris. Je dis : École
24 supérieure de guerre interarmées à Paris, parce qu'il y en avait quatre :
25 Une pour l'armée de l'air, une pour l'armée de terre, une pour la marine
26 et la quatrième École supérieure de guerre interarmées dans… dans
27 laquelle les trois autres écoles pouvaient... pouvaient partager certains
28 cours.
29 Q. Et qu’est-ce que vous avez… Dans quelles conditions vous êtes allé…
30 allé faire cette formation à Paris ? Et à quelle période ?
31 R. J'ai été désigné par le Ministre de la défense qui, à ce moment, était chef
32 d'état-major et Président de la République, le général Habyarimana
33 Juvénal. Et c'était en août 1980.
34 Q. Et à quoi servait cette formation ?
35 R. La formation des écoles de guerre, dans tous les pays, c'est pour donner
36 une formation pour les officiers supérieurs pour commander des grandes
2 Pour les Tutsis, pour notre promotion, il n'y en avait pas. Mais dans la
3 première, ils étaient cinq, mais il y avait un Tutsi qui s’appelle Ruhasya
4 Épimaque, qui est à Kigali aujourd’hui. Ils ne venaient pas nombreux… Ils
5 ne venaient pas nombreux aussi pour cette bonne raison que la
6 révolution de 1959 avait créé un climat qui n’était pas… qui n’était pas
7 très attrayant pour eux pour venir à l'armée. Donc ,on ne les empêchait
8 pas de venir, mais ils n'étaient pas très intéressés à venir. C’est ça que je
9 peux dire.
10 Q. Une question pour que l’on puisse situer bien le problème : Dans les
11 années 50, dans le début des années 60, quelle est la proportion de
12 Tutsis qu'il y a au Rwanda par rapport à la population totale ?
13 R. Dans les années 60 ?
14 Q. 50 et puis 60 — les deux.
15 R. On disait 15 %, 14 % contre 85 %, parce que les Twas faisaient
16 probablement 1 %, disons, même moins.
17 Q. Vous avez trois documents dans vos mains, Colonel...
18
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Pouvez-vous donner l'orthographe de ce nom, ligne 15:11:32, Maître
21 Constant, c'est-à-dire le seul Tutsi qui avait eu un diplôme, étant donné
22 qu'on a mentionné son nom ?
23 R. J'épelle « Ruhasya » : R-S-H-Y-A… Je recommence, j’ai fais gaffe : R-U-H-A-
24 S-Y-A. Épimaque… Épimaque. Il est de la 1e promotion.
25 M. LE PRÉSIDENT :
26 Oui. Évoquez à présent le document, Maître. Par quel document
27 voulez-vous commencer, Maître Constant ?
28 Me CONSTANT :
29 Q. Je voudrais préciser que dans la liste des documents 11, 12, 13… Est-ce
30 que vous pouvez, s’il vous plaît, nous dire, un à un, de quels documents
31 il s'agit ?
32 R. Il y a un qui est le brevet d'études militaires supérieures ; c’est un brevet
33 qu’on donnait à celui qui réussissait la formation dispensée dans cette
34 école.
35 Q. D'accord. Est-ce que vous pouvez voir le suivant ?
36 R. Le suivant, il s'agit du cours supérieur interarmées ; c’est un cours qu’on
1 suivait pendant six mois pour les quatre écoles de guerre — l'armée de
2 l'air, l'armée de terre et la marine — pour étudier en travaillant
3 ensemble, d'aborder les problèmes tactiques, stratégiques des
4 opérations au niveau interarmées ensemble. Alors, les quatre écoles de
5 guerre qui se trouvaient à Paris, à ce niveau-là, ils faisaient six mois
6 ensemble et ils avaient une formation spécialisée pour les préparer à
7 travailler ensemble, à faire travailler les gens ensemble de la marine, de
8 l'armée de l'air et de l'armée de terre ensemble.
9 Q. Excusez-moi, Colonel, mais je voudrais dire… au niveau de la
10 sténographie en français — et entre autres, à « 15:44:44 », mais
11 apparemment sans doute plus avant — que « interarmées » n'a rien à
12 voir avec « Interahamwe ». On n’est pas encore arrivé aux…
13 R. Non, non, non. Vous avez « interarmées »… Interarmées, ça veut dire
14 « entre plusieurs armées », c'est-à-dire l'armée de terre, l'armée de l'air
15 et la marine. Donc, c’est une formation qui « enseigne » les… les
16 stagiaires provenant des trois armées. Et c’est un cours approprié pour
17 leur apprendre « de » travailler ensemble.
18 Me CONSTANT :
19 Excusez-moi, c'est la même erreur à « 15:06:02 ». Bon, d’accord…
20
34 Monsieur Matemanga ?
35 M. MATEMANGA :
36 « D. B 207. »
1 M. WHITE :
2 Monsieur le Président, tous ces documents ont déjà été versés en preuve
3 sous la cote D. B 65.
4 M. LE PRÉSIDENT :
5 Si c'est le cas, nous n'avons pas besoin de verser à nouveau ces pièces.
6
26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Q. En 1981, vous aviez le grade de major ?
28 R. Oui.
29 Q. Est-ce que cela était normal ?
30 R. Oui.
31 Q. Est-ce que cela était conforme à l'évolution normale, si vous comparez
32 aux autres 10 les… aux 10 autres ? Est-ce qu'ils étaient au même niveau
33 que vous ou bien est-ce que vous étiez en avance ?
34 R. Sur ma promotion… pour ma promotion au grade de commandant,
35 j'avais subi un retard de six mois. Mais par la suite… J'étais en retard de
36 six mois par rapport aux autres de ma promotion, seulement.
1 Me CONSTANT :
2 Q. Vous avez le document qu'on appelle « Attestation de fin de stage et
3 feuille de notes » ?
4 R. Oui.
5 Q. D’accord. La deuxième page — j'espère — de l'attestation… de
6 l’appréciation de fin de stage… est-ce que vous avez un paragraphe
7 qu'on appelle « Synthèse de la personnalité » ?
8 R. Là où il est marqué « Appréciation d’ensemble » ou bien… Oui, je vois,
9 oui.
10 Q. D’accord. Est-ce que vous pouvez nous donner lecture de ce passage, s'il
11 vous plaît ?
12 R. « Officier au caractère calme et sérieux, qui a suivi avec beaucoup
13 d'attention l'enseignement dispensé au Cours supérieur interarmées.
14 Assidu et appliqué en tous domaines. A fourni un travail de qualité lors
15 des différents exercices, montrant ainsi à l’occasion d’exposés oraux
16 dont il avait la charge un esprit ouvert et perspicace. »
17 Q. Je voudrais que vous précisiez à la Chambre : Vous étiez le
18 « combienième » officier de l'armée rwandaise à aller faire une formation
19 en France ?
20 R. J'étais le premier.
21 Q. Auparavant, dans quel lieu les formations se faisaient ?
22 R. En Belgique.
23 Q. Est-ce que vous pensez que ce que vous venez de nous lire correspond à
24 quelque chose qui n'a pas de signification, ou bien c'est quelque chose
25 qui est… a une appréciation réelle, si vous pouvez répondre à cette
26 question ?
27 R. Là, je serais subjectif, parce que ce sont mes professeurs qui ont vu
28 comment j'étais. Je crois bien… Je pense que c'est vrai, mais ce sont eux
29 qui ont fait cette appréciation.
30 Q. Est-ce que l'on peut avoir, selon vous, une idée de ce que peut signifier,
31 pour un général de division — puisque c'est le signataire de ce
32 document — ce que signifie un cadre… un esprit ouvert ?
33 R. Ça veut dire… c’est… il est ouvert à tous les problèmes. Parce que vous
34 devez… Pour comprendre cette synthèse de la personnalité, il faut
35 remonter plus haut pour voir ce qui a été coté.
36
1 pour lui donner des ordres oraux, mais en opération sur le terrain, il ne
2 pourra pas l'avoir. Parce que, entre un bataillon qui est déployé... parce
3 que, entre un bataillon et le commandement OPS ou le centre
4 d'opération du commandant de brigade, il y a des kilomètres.
5 Cependant, il peut appeler un commandant de bataillon dans son
6 quartier général pour lui donner des ordres ; et souvent, il l'appelle pour
7 le consulter, pour qu'on étudie un problème ensemble. Et souvent, le
8 commandant de bataillon, il obtiendra ultérieurement, « dans » la suite,
9 un document qui précise les ordres qu'on lui a donnés verbalement.
10 Q. Donc, même s'il y a des ordres oraux, il y a une confirmation écrite, si je
11 comprends bien ?
12 R. En principe, oui.
13 Q. Est-ce qu’on peut donner un ordre à partir de la division — donc ce que
14 vous dites être l'état-major — directement au bataillon ?
15 R. Non. Mais à l'armée rwandaise... À l'armée rwandaise, comme il y avait
16 des unités qu'on appelait autonomes, c'est-à-dire qui ne dépendent pas
17 du commandement OPS, qui ne sont pas incorporées, ou bien qui sont
18 dans le commandement OPS, mais qui sont aussi autonomes, qui
19 dépendent directement de l'état-major... Ici, je donne un exemple :
20 Comme le bataillon paracommando ; comme le bataillon de
21 reconnaissance ; ces unités-là étaient autonomes et dépendaient
22 directement de l'état-major. Le… L'état-major pouvait... peut s'adresser
23 directement à ces unités, il s'agit des unités autonomes.
24 Q. Et dans ce cadre, les ordres sont faits sous quelle forme ?
25 R. L'état-major donne des ordres par écrit, toujours, par message ou par
26 lettre.
27 Q. Quelle est la cause de l'obsession de faire, au niveau de la direction, des
28 messages et des ordres écrits ? C'est fondé sur quoi, dans une armée ?
29 R. Normalement, dans les commandements militaires — d'ailleurs dans
30 toutes les sociétés de
31 niveaux —, avant de donner des ordres, vous les discutez... vous les
32 discutez, vous appelez les intéressés, vous les discutez, vous « faites »
33 les ordres après. Vous êtes sûr que les ordres que vous donnez, d'abord,
34 ont été compris, et quand vous les donnez, vous êtes sûr que vous leur
35 donnez des ordres convenables, qu'ils vont exécuter ensuite. Et ils auront
36 un élément de référence pour l'exécution de la mission, mais vous aussi,
1 Est-ce qu'il est facile de le trouver ? Est-ce qu’on va utiliser tel, tel, tel ? Il
2 faut connaître, donc, la situation ennemie de cet individu que vous
3 voulez attaquer. Mais en tous les cas, même pour des bandits, ils doivent
4 connaître le milieu où ils vont, l'ambiance où ils vont jouer le meurtre.
5 Donc la situation ennemie : Savoir dans quelles circonstances, dans quel
6 milieu ils vont évoluer ; il faut qu'ils sachent, la situation ennemie,
7 comment elle se présente. Alors, si vous donnez un ordre à quelqu'un
8 pour, par exemple... je dis, pour venir tuer quelqu'un ici, dans la salle,
9 vous lui donnez des ordres étant en bas.
10
11 Je ne dis pas qui il doit tuer, mais on doit lui dire au moins que la salle est
12 sécurisée, qu'il y a des… (inaudible) qu'il y a beaucoup de monde, qu'il y
13 a autant d'hommes, que s'il doit s'y rendre seul, il risque de se faire
14 capturer avant qu'il ne termine sa mission. Il doit connaître
15 l'environnement ennemi tout comme il doit voir l'environnement ami. Il
16 dit : « Bon, de toute façon, ils sont nombreux là-dedans, mais à l'intérieur
17 de la salle, nous avons des complices, autant... qui veulent nous aider à
18 exécuter la mission » ; c'est la situation amie.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Oui, c'était une exemple très intéressant, bien sûr.
21
22 Mais Maître Constant, est-ce que vous pouvez limiter tout cet exercice ?
23 Q. À votre avis, Colonel Bagosora, est-ce que la situation générale que vous
24 décriviez, que ce soit en relation avec le schéma et en relation avec le
25 modèle, s'applique également à la période d'avril à juillet 1994 et
26 s'applique à l'armée rwandaise ?
27 R. Ça s'applique à l'armée rwandaise pour combattre le FPR. Mais ce que je
28 voulais quand même ajouter sur ce schéma, c'est que quand vous avez
29 donné l'ordre de l'opération, une fois l'opération terminée, on fait
30 l'évaluation. Alors, l'évaluation va porter sur les mêmes chapitres : La
31 mission, situation ennemie, situation amie, exécution de la mission, les
32 appuis logistiques. Après, alors, vous voyez les enseignements :
33 Qu'est-ce que vous tirez de cette opération comme enseignement ? Et
34 après, quand vous avez recensé les enseignements, vous faites des
35 recommandations pour les opérations ultérieures. C'est ça que je voulais
36 dire.
1 M. LE PRÉSIDENT :
2 Oui. Maintenant, nous avons suivi cette réponse disant que cette
3 situation s'applique aux opérations contre le FPR. C'est ce qu'il a dit.
4
5 Est-ce que vous voulez suivre dans cette direction, Maître Constant ?
6 Me CONSTANT :
7 Oui, Monsieur le Président. Parce que je rappelle quand même… Je ne
8 vais pas citer tous les Actes d'accusation, mais on a dit que mon client a
9 donné un certain nombre d'ordres. Donc, je voudrais terminer sur ce
10 point.
11 Q. Vous êtes mis en cause, dans la nuit du 6 au 7 — sur laquelle nous
12 reviendrons après plus en détail — d'avoir donné un certain nombre
13 d'ordres. Ce que je veux savoir : Est-ce que les ordres qu'on dit que vous
14 auriez donnés, est-ce qu'ils peuvent sortir ou non de ce cadre, étant
15 acquis que vous êtes militaire et que les ordres qu'on nous dit que vous
16 auriez donnés auraient été donnés à des militaires, en tout cas en
17 partie ?
18 R. Pour commencer, je dois dire que le 6 avril, je n'étais pas militaire, j'étais
19 un officier de réserve. Oui. Donc, je n'avais pas le cachet militaire, j'étais
20 plutôt civil, le 6 avril. Ensuite, les ordres dont on parle, je ne les connais
21 pas, quitte à me donner un exemple.
22 Q. Concrètement, l'on dit qu'à un moment donné, vous appelez, par
23 exemple, à Gisenyi pour donner l'ordre de commencer des massacres.
24 R. Bon. Puisque je me trouve au Ministère de la défense, si l'ordre avait été
25 donné, il doit y avoir un document, un télégramme, par exemple. Parce
26 qu'à partir du MINADEF, (inaudible)… état-major de l'armée, tel que je
27 viens de vous l'expliquer, descendre jusqu'au commandant opérationnel
28 de Gisenyi, à partir du MINADEF, c'est inconcevable. Le commandant
29 opérationnel de Gisenyi doit demander des explications à son
30 état-major : Pourquoi cette fois-ci, c'est le Ministère qui se mêle de nos
31 affaires ? Ils ont le droit de poser la question.
32 Me CONSTANT :
33 Monsieur le Président, je voudrais déposer ces deux pièces, mais je
34 voudrais qu'on dépose les pièces qui sont aux mains de Monsieur
35 Bagosora, puisqu'il a fait des mentions manuscrites.
36
14 Q. Vous estimez donc que lors des événements d'avril à juillet 1994, les
15 instructions... les instructions écrites qui ont été données ont été
16 suivies ?
17 Me CONSTANT :
18 Q. Bon, je voudrais que l'on revienne en arrière, sur la question de la
19 révolution de 59. Est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre : En
20 1959, que faisiez-vous ?
21 R. En 1959, j'étais... je faisais mes études secondaire au petit séminaire de
22 Nyundo.
23 Q. Vous étiez en quelle classe, particulièrement ?
24 R. Peut-être... Attendez. J'étais en quatrième latine. J'ai fait les humanités
25 gréco-latines.
26 Q. Est-ce que vous pouvez-vous nous dire si vous avez participé à ce qu'on
27 appelle la révolution de 1959 ?
28 R. Pas du tout.
29 Q. Est-ce que vous pouvez nous préciser si votre père a participé à la
30 révolution de 1959 ?
31 R. Non plus. Pour la simple raison que, en fait, il faisait partie dans l'ancien
32 régime ; il était la deuxième personnalité dans la sous-chefferie. Dans
33 notre sous-chefferie, il était conseiller de chefferie, il était donc de
34 l'ancien régime.
35 Q. Donc, si je comprends bien, il n'y a pas eu de participation directe ni de
36 vous ni de votre père dans les événements qui ont marqué cette
1 période ? Est-ce que, à vos yeux, comme le dit l'Acte d'accusation, 1959,
2 c'est le début de l'affrontement... : « C'est le début d'une période
3 d'affrontements ethniques entre Hutus et Tutsis au Rwanda ? »
4 R. Je n'ai pas bien saisi la question.
5 Q. Votre Acte d'accusation commence : « La révolution de 1959 marque le
6 début d'une période d'affrontements ethniques entre les Hutus et les
7 Tutsis au Rwanda, provoquant au cours des années qui ont
8 immédiatement suivi des centaines de morts chez les Tutsis et l'exode de
9 milliers d'entre eux. » Je voudrais savoir : Quelle est la perception que
10 vous aviez ou... et que vous auriez aujourd'hui de ce qui s'est passé en
11 1959 ?
12 R. Les affrontements interethniques au Rwanda n'ont pas commencé en
13 1959. Je vous donne un exemple...
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Faisons attention avec le maniement des mots ici. Vous faites référence
16 au paragraphe 1.1, Maître Constant ? L'intitulé, c'est « Les conflits
17 ethniques » — « ethnics crashes » en anglais, « affrontements
18 ethniques » en français ; c'est bien de ce passage dont nous parlons
19 maintenant ?
20 Me CONSTANT :
21 Oui, Monsieur le Président, c'est la première phrase de tout l'Acte
22 d'accusation.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 C'est cela. Mais pour gagner du temps, est-ce qu'il y a des... est-ce qu'il y
25 a des disputes quant au fait qu'il y a eu des tensions avant 1959 ? Parce
26 que vos précédentes questions ont donné l'impression que l'Acte
27 d'accusation remet cela en question. Je serais surpris. Est-ce que le
28 Procureur estimait qu'il n'y avait pas de tensions ethniques avant 59 ?
29 M. WHITE :
30 Oui, Monsieur le Président, c'est cela. Je crois qu'on fait une distinction ici
31 entre le contenu ou sens des Articles. Et l'Acte d'accusation parle
32 « d'une » période d'affrontements, alors que mon collègue parle de « la »
33 période d'affrontements.
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Est-ce que nous ne sommes pas en train d'ouvrir la porte à différentes
36 interprétations ? Est-ce que nous avons besoin d'ouvrir un débat sur
4 Maître Constant.
5 Me CONSTANT :
6 Monsieur le Président, je n'ai peut-être pas suivi le même procès, mais
7 un des grands objets du débats quand Madame Des Forges est venue,
8 qui a été le seul témoin expert du Procureur en histoire qui s’est
9 prononcé, c'est que sa thèse, avant l'arrivée des colons, les Tutsis et les
10 Hutus sont heureux, ils vivent ensemble, ils sont gentils, et que ce sont
11 les méchants Belges qui ont fait tout cela se créer, et que même par la
12 suite, c'est les Belges qui provoquent, et que les Hutus remettent en
13 cause la domination des Tutsis. C'est la lecture de l'histoire que j'ai. Et
14 j'ai longuement contre-interrogé Madame Des Forges sur des textes et
15 des thèses historiques, entre autres, de Monsieur… (Inaudible) qui
16 s'opposait à sa thèse. Donc, je pense que les mots ont un sens, comme
17 ont dit : La révolution de 59 marque le début d'une période
18 d'affrontements ; ça signifie qu'avant, il n'y avait pas d'affrontements et
19 je conteste cette thèse.
20
1 Me SKOLNIK :
2 Monsieur le Président, la déclaration du Procureur est très ambiguë. Cela
3 ne signifie pas qu'ils sont en train de déconsidérer la déposition de
4 Madame Des Forges. Et je pense que dans les conclusions, à la fin du
5 procès, nous ne pouvons pas… nous pouvons peut-être revenir sur cette
6 question.
7 Il faudrait que nous passions à autre chose.
8 M. LE PRÉSIDENT :
9 C'est mon point de vue également.
10
1 la réponse, c'est que les Tutsis n’ont rien à partager avec les Hutus, que
2 les Hutus devaient se contenter du servage « auquel » ils étaient acculés
3 depuis des siècles. En fait, c'est… c’est le refus même du partage du
4 pouvoir qui a provoqué la situation de 1959. Voilà.
5 Q. Est-ce qu’à votre sens, ce refus du partage du pouvoir, on va retrouver
6 cet aspect en 1994 ?
7 R. Absolument oui. Parce que le FPR, après avoir remarqué que, par la voie
8 des urnes, il n'aura pas tout le pouvoir… Cela s'était vérifié après les
9 élections régionales dans la zone de Byumba et de Ruhengeri en
10 septembre 1993 —, ils avaient échoué lamentablement, alors que c’était
11 la zone qui était pratiquement sous leur contrôle. Et c’est pour cela que
12 par la suite, ils feront tout pour empêcher la mise en application des
13 Accords d'Arusha, où ils ne pouvaient pas obtenir le pouvoir tel qu'ils
14 l'ont obtenu maintenant. Donc, la catastrophe de 1994 est une
15 conséquence, également, du refus du partage du pouvoir.
16 Me CONSTANT :
17 Je voudrais qu'on vous distribue deux documents, c'est le document 16
18 et 17, sous le contrôle du Président.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Oui. Pour revenir à cette question que j'ai posée ce matin, si nous
21 examinons la liste, Maître Constant, voyez-vous, nous avons là une
22 division des différentes fonctions et les pourcentages à différents
23 niveaux, et j'imagine que le père du colonel Bagosora serait... ferait
24 partie du numéro 6, « Conseil territorial Rwanda » ; est-ce exact ?
25 Me CONSTANT :
26 Je pense que le colonel Bagosora est bien placé pour vous répondre,
27 Monsieur le Président.
28 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
29 Micro, Colonel.
30 M. LE PRÉSIDENT :
31 Q. Est-ce que c'est une interprétation exacte de ce tableau ? Parce que
32 votre père n'était pas un conseiller supérieur, mais il relevait du conseil
33 territorial, donc il faisait partie du numéro 6, ici, n’est-ce pas ?
34 R. C'était plus bas. Il était dans les auxiliaires, dernier échelon. Parce que
35 les conseillers de chefferies, ils ne faisaient pas partie de la hiérarchie ;
36 les conseillers de… c'était plus bas. C’est au numéro 8, ou disons, si on
31 Me CONSTANT :
32 Monsieur le Président, n'ayez crainte, il y aura un… avant la fin de ce
33 procès, un expert en histoire qui pourra répondre à toutes nos questions
34 sur ce point.
35 Q. Colonel, est-ce que vous pouvez regarder ces deux pièces et nous dire si
36 vous les connaissez et de quoi il s'agit?
12 Question suivante.
13 Me CONSTANT :
14 Moi, c'est toujours dans la perspective de ce que dit le Procureur dans
15 son Acte d’accusation, à savoir que 1959, c'est le début d'une période
16 d'affrontements. Est-ce que, dans ce document, il y a des éléments qui
17 permettent de penser que les Bahutus souhaitent l'affrontement avec les
18 Tutsis ?
19 R. Non, ils ne souhaitent pas l'affrontement, ils souhaitent l’égalité de droits
20 en tant que citoyens rwandais.
21 Q. Est-ce que vous pouvez aller à la page 101 de ce document ?
22 R. Je suis là.
23 Q. Vous avez vu le titre du paragraphe 2 ?
24 R. « En quoi consiste le problème racial indigène ? »
25 R. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre quels sont les problèmes
26 que posent rapidement les signataires dans ce document ?
27 R. Oui, il y a le monopole politique tel que nous l’avons sur le tableau ; c'est
28 le problème n° 1. Le monopole économique et social qui était lié au
29 travail ; il y a le travail. Et puis à ce moment-là,
30 il y avait le problème du clientélisme où, si vous étiez chef, sous-chef
31 — je peux le voir, mon père en a bénéficié un peu aussi à son niveau —,
32 vous pouvez avoir une main d'oeuvre gratuite pour travailler chez vous.
33
1 royale voulait imposer son idéologie, cette idéologie de… disons de… de
2 supériorité ; donc, d'avoir une population catégorisée, les Tutsis devant,
3 les Hutus quelque part au milieu, et les Twas en dernière catégorie. Alors,
4 le monopole culturel, et puis…
5
6 Et je crois que les grands sujets qui ont été traités sur cela — monopole
7 culturel, monopole socioéconomique, monopole politique — sont les
8 grands points qui se trouvent dans ce document.
9 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquer quelles étaient les principales
10 revendications de ces signataires de ce qu'on a appelé « Le manifeste
11 Bahutu » ?
12 R. C'est l’égalité des droits. En résumé, c’est ça.
13 Q. Est-ce que vous pouvez aller à la page 104 ?
14 R. J'y suis.
15 Q. Bien. Premièrement, est-ce que vous pouvez indiquer de quoi il s'agit ?
16 R. La suppression des corvées.
17 Q. Est-ce que c'est en relation avec ce que vous disiez tout à l'heure ?
18 R. C’est ça. Les Hutus faisaient les corvées pour travailler pour rien chez
19 leurs maîtres tutsis ou ceux qui ont été, disons, cooptés dans leur… dans
20 leur commandement, comme mon père.
21 Q. Vous indiquez bien que votre père lui-même a bénéficié de…
22 R. Dans une certaine mesure, oui, parce que je voyais les… quelques gens
23 qui venaient travailler pour rien.
24 Q. D’accord. Le deuxième point ?
25 R. C'est la reconnaissance légale de la propriété foncière individuelle.
26 Q. Ça portait sur quoi, cet aspect ?
27 R. C'est-à-dire que les terres, au Rwanda, appartenaient disons au pouvoir,
28 évidemment dominé par les Tutsis, d’où… Les Tutsis avaient droit de faire
29 paître leurs vaches, leurs troupeaux dans les propriétés, dans les champs
30 des Hutus. Le Hutu avait droit de cultiver la… son champ ; après la
31 récolte, il n'avait plus droit d’y mettre les pieds. Ce sont les vaches des
32 Tutsis qui devaient paître jusqu'à ce que le Hutu revienne à la saison… à
33 la saison, disons, des cultures. Ils voulaient que…
34 Ils voulaient que chacun ait sa propriété, que le Tutsi, s'il a des vaches,
35 qu’il ait son champ, qu'il ait sa ferme, qu’il ait son pré pour élever ses
36 vaches, et que le Muhutu aussi ait sa propriété où il peut élever ses
1 troupeaux et cultiver sans que le Tutsi vienne y faire paître ses vaches.
2 C’est bien ça.
3 Q. Pour terminer, est-ce que vous pouvez aller à la page 105 qui est à côté
4 et nous dire le cinquième point des revendications ?
5 R. C'est la liberté d'expression.
6 Q. Parce que les Hutus n'avaient pas de liberté d'expression à ce
7 moment-là ?
8 R. Ah, non ! Il fallait vous exprimer. Normalement, la… le système
9 d’ubuhake, vous devez apprendre à deviner ce que le patron veut et
10 parler dans ce sens.
11 Q. Est-ce que vous confirmez ou vous infirmez que dans ce document
12 de 57, il n’y a pas d’appel à tuer les Tutsis ou d’appel à ce que les Tutsis
13 quittent le Rwanda, comme on semble le comprendre à la lecture du
14 chapitre 1.1 de l'Acte d'accusation ?
15 R. Pas du tout. Ils demandent seulement le partage du pouvoir, l'égalité des
16 droits. C’est une demande, et une demande assez polie.
17 Q. Est-ce que nous pouvons arriver au document suivant que je vous ai
18 distribué ?
19 R. Je suis là.
20 Q. D’accord. Est-ce que vous pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?
21 R. Ici, je vois...
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Sommes-nous en train d'exploiter l'ouvrage Lugan ou est-ce qu’il s’agit
24 du deuxième extrait de l’ouvrage de Overdulve ?
25 Me CONSTANT :
26 C'est le deuxième extrait, Monsieur le Président. Je ne suis pas encore
27 passé à Lugan.
28 Q. Est-ce que vous avez ce document, Colonel ?
29 R. Je l’ai.
30 Q. Est-ce que vous pouvez me dire de quoi il s'agit ?
31 R. Il s'agit de... Je vais lire pour… « Voici le détail historique du règne des
32 Banyiginya au Rwanda ».
33 Q. Non, excusez-moi, nous sommes à la page 115. Je ne sais pas où vous
34 êtes…
35 R. Page 115 ? Est-ce que je l’ai ? Je ne l’ai pas eue.
36 Q. Bon, je vais vous donner mon exemplaire parce qu’apparemment, il y a
1 un problème de photocopie.
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Très bien. Assurez-vous que nous avons également tous un exemplaire
4 de la page 115, parce que notre document commence avec la page 116.
5
26 « Or, les relations entre nous, Batutsis, et eux, Bahutus, ont été de tout
27 temps, jusqu'à présent, basées sur le servage. Il n'y a donc, entre eux et
28 nous, aucun fondement de fraternité. En effet, quelle relation existe
29 entre Batutsis, Bahutus et Batwas ? Les Bahutus prétendent que
30 Batutsis, Bahutus, Batwas sont fils de Kanyarwanda, leur père commun.
31 (Inaudible)… avec qui Kanyarwanda les a engendrés ? Quel est le nom de
32 leur mère et de quelle famille elle est ? »
33
1 M. LE PRÉSIDENT :
2 Ensuite, les interprètes ont attiré notre attention sur votre réponse très
3 longue.
4 Q. Est-ce que vous avez donné des noms également dans cette réponse ?
5 R. Dans la réponse, j'ai donné le nom du mwami… du mwami Rudahiwa : R-
6 U-D-A-H-I-W-A.
7 M. LE PRÉSIDENT :
8 Je vous remercie.
9 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
10 Le micro du Président.
11
2 Merci.
3
5 Q. Est-ce que vous voulez dire par là que l'origine de la violence qui se
6 manifeste en 59 ne vient pas des Hutus, mais des Tutsis ?
7 R. Ce sont les Tutsis qui ont… qui ont attaqué les premiers en attaquant le
8 seul sous-chef hutu qui se trouvait à Gitarama.
9 Q. Est-ce que vous faites un parallèle entre ça et ce qu'on va connaître
10 quelques années plus tard ?
11 R. Je peux dire que chaque fois que… Par exemple, chaque fois que les
12 Inyenzi attaquaient dans une région, il y avait chaque fois des
13 représailles sur les Tutsis qui vivaient dans la région, malheureusement,
14 mais c'était comme ça.
15 Q. Vous avez le document sur vous… près de vous, là ?
16 R. Oui, je l'ai.
17 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit ?
18 R. C'est un extrait du livre de Bernard Lugan sur l'histoire du Rwanda de la
19 préhistoire à nos jours.
20 Q. Apparemment, vous avez fait tout à l'heure référence à un élément qui
21 est dans l'extrait qui est produit à la page 354 ; est-ce que vous le
22 confirmez ?
23 R. Vous dites ?
24 M. LE PRÉSIDENT :
25 De quelle page s'agit-il ? J'espère qu'on a la même… « 354 » (sic) et
26 « 355 » (sic).
27 R. Oui, j'ai ça.
28 Q. D’accord. Vous avez fait référence à un événement qui aurait eu lieu…
29 R. Oui.
30 Me CONSTANT
31 Q. Est-ce que vous pouvez nous… le situer de manière précise ? Et par la
32 suite...
33
26 Qu’il soit clair que la position de la Défense, c’est de dire que la violence
27 n'est jamais venue des Hutus, que ce soit en 59, que ce soit en 1990.
28 C’est ça que je veux fonder, Monsieur le Président,.
29 M. LE PRÉSIDENT :
30 Très bien. Cela est inscrit au procès-verbal. Nous n’avons pas besoin d’en
31 donner lecture. Continuez.
32 Me CONSTANT :
33 Monsieur le Président, est-ce que vous permettez quand même que mon
34 client lise le dernier paragraphe de cette citation, parce que c'est « elle »
35 qui fonde, d'après moi, essentiellement notre thèse d'autant plus qu'il
36 n'y a que deux Juges, et que l'absent n'est pas francophone.
1 M. LE PRÉSIDENT :
2 je me demande si cette déclaration de 1958 peut être utile pour votre
3 thèse. Mais donnez la lecture. Qu'est-ce que voulez lire, maintenant,
4 pour en terminer ?
5 Me CONSTANT :
6 Monsieur le Président, je pense que... Je veux préciser les points parce
7 que je ne veux pas qu'il y ait de malentendu entre nous. La thèse du
8 Procureur est de dire que 59, c'est le début des massacres du Tutsi, c'est
9 la thèse qu'il soutient, c'est le fondement, à savoir que les Hutus, ce sont
10 des êtres violents, qui ne passent leur temps qu'a tuer les Tutsis quand
11 les Tutsis veulent. Je veux établir à partir de documents que ce n'est pas
12 le cas. Donc ce n'est pas pour le plaisir de le faire, c'est la réalité, Je vais
13 demain venir avec tout le script de Madame Des Forges, ça a été toute
14 sa thèse, c'est la thèse de l'Accusation, Monsieur le Président. La seule
15 chose que je veux que mon client puisse lire, c'est le dernier extrait de la
16 citation, parce vous noterez que même dans le premier, il y a tout le
17 fondement de la position actuelle de Kigali, qui consiste à dire il n'y a pas
18 de division, tout le monde est égal, puisque tout le monde est égal, il n'y
19 a pas d'ethnie, il n'y a pas de Tutsis. Tout le monde est beau, tout le
20 monde il est gentil et c'est comme cela qu'on explique qu'il y en a une
21 qui domine l'autre. Donc, simplement, ce que je veux, c'est que mon
22 client au moins lise les deux dernières lignes de la citation du roi Mutara,
23 avec votre permission, Monsieur le Président.
24 M. LE PRÉSIDENT :
25 Oui, vous l'avez déjà. Le problème que j'ai maintenant, c'est que vous
26 pourriez toujours l'évoquer lors de vos conclusions, à fin, c'est juste un
27 problème de temps. Et si nous voulons avoir de si longs débats, je ne
28 sais pas, il faudrait que nous puissions gagner du temps. Est-ce que vous
29 pouvez faire faire lire le plus rapidement possible par Monsieur Bagosora
30 pour que nous en terminions avec cette série questions ? Que
31 voulez-vous qu'il lise, Maître Constant ?
32 Me CONSTANT :
33 Monsieur Bagosora, est-ce que vous pouvez lire pour moi le dernier
34 paragraphe qui commence par « Il » ?
35 R. « Il en coûtera cher à quiconque qui s'insurge contre le Rwanda ou
36 cherche sa désunion. »
1 dire.
2 Me CONSTANT :
3 Je peux en terminer là, Monsieur le Président, parce que je suis arrivé à
4 un point, mais je peux commencer un autre point, pour dire à la
5 Chambre, j'ai fini toute la partie vie personnelle.
6
1 SERMENT D’OFFICE
10
11
12
13 ________________ ________________
14 Laure Ketchemen Joëlle Dahan