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représenter la stratégie
par
L'objectif de ce texte de proposer l’idée suivante qui peut s'énoncer ainsi : quel que soit
le paradigme, a priori, du chercheur en stratégie, il doit chercher le sens du concept de
stratégie chez celles et ceux qui le vivent. Selon la situation, il faudra trouver très
spécifiquement le sens de ce concept : (i) chez le manager au sommet, (ii) chez les
experts en planification stratégique de l'organisation, et les systèmes de mettre qu’ils
mettent en place, (iii) dans l'apparition d'événements radicalement nouveaux, nés de
l'interaction de facteurs internes et externes à l’organisation, et (iv) chez l'ensemble des
membres d'une organisation.
1. Chez le manager au sommet : quand ce manager est en situation d'orienter seul son
organisation, en fonction d'une trajectoire qu’il veut lui faire suivre. Dans ce cas nous
désignons par le mot œuvre le concept de stratégie et par espace vide l'espace de
représentation du stratège au sommet.
L’espace de représentation c'est, pour Newell et Simon, l'espace mental dans lequel un
sujet arrive à solutionner un problème. Pour Francastel, un sociologue de la peinture, le
même concept d'espace de représentation prend une signification plus globale, à la fois
concrète et abstraite, individuelle et culturelle. Ce concept décrit alors un ensemble
comprenant la légitimité de représenter, les outils concrets de ce travail de
L'espace vide caractérise ce type d'architecte qui, pour réaliser son intention esthétique,
fait le vide autour de lui : vide du pouvoir et de la légitimité des autres, vide des
contraintes et des normes existantes, vide des théories préétablies. Seul ce vide
permettra à sa trajectoire personnelle de se développer. Le concept d'espace vide nous
impose d'abandonner la perception que l'organisation devrait s'adapter à son
environnement. D'après de récentes recherches sur les crises organisationnelles, ce qui
cause les crises c'est un patron de pensée des dirigeants, plutôt que l'environnement
externe. La notion d'espace de représentation vide est partiellement en accord avec la
notion de mise en actes d'un environnement par un groupe de personnes. Centrée sur
l'espace mental d'un sujet ou d'un acteur, la notion d'espace vide sous-estime
cependant l'interaction sociale comme processus fondamental de la création d'un
environnement. L'exemple de Geneen à ITT peut être considéré comme un archétype
de ce que nous appelons l'espace de représentation vide en stratégie. Nous retrouvons
dans son cas, les trois dimensions de l'espace de représentation vide de la façon
suivante : pour ce qui est de la légitimité, Geneen détient un pouvoir quasi absolu sur
l'ensemble de ses directeurs, seule la stratégie de Geneeen est, a priori, légitime. En
terme d'outils, Geneen envoie à sa filiale l'ordre de plus perdre de temps avec la
planification stratégique, ces outils étant insignifiants à ses yeux. Au niveau théorique
Geneen travail au cas par cas sans s’embarrasser d'une théorie de la représentation en
stratégie, comme celle, par exemple, du Boston Consulting Group.
L'espace vivant est un cas particulier de l'espace habité. L'espace vivant apporte deux
caractéristiques supplémentaires : il concerne autant que possible tout le management
et même tous les membres d'une organisation et il permet la compatibilité de la
trajectoire du leader avec les initiatives du management, des employés, et,
réciproquement, il permet aux membres de l'organisation de faire leur la trajectoire du
leader.
Les trois types d'espace de représentation vide, programmatique et habité peuvent être
mis en correspondance avec les trois types d'architecture sociale, personnaliste,
formaliste et collégiale. L'ouvrage de Pascale et Athos en opposant deux leaders très
différents comme Geneen et Matsushita opposent également deux espaces de
Pour conclure sur les enjeux d'une conceptualisation de la stratégie, nous devons
souligner que la stratégie est d'abord une science de l'articulation. Et la façon, œuvre,
programme ou émergence, dont le concept de stratégie est vécu par les différents
niveaux hiérarchiques d'une organisation, et en particulier par la haute direction, va
déterminer les types d'articulation entre les différents domaines du savoir que le
chercheur devra effectuer.
Le problème c’est qu’entre les niveaux d'organisation il y a des blancs, des blancs
comme entre les mots. Et c’est là, dans le blanc, dans ce qui n'est pas dit, qu’est le lieu
où les significations se créent. D'où le besoin de nouveaux outils, de nouvelles
disciplines et de nouveaux langages pour travailler à la connaissance des blancs, des
phénomènes qui se passent entre niveaux d'organisation. Et la stratégie
organisationnelle peut se définir comme étant la nouvelle science de l'articulation des
niveaux organisationnels.
La preuve que la stratégie est science de l'articulation des niveaux d'organisation, c’est
que la stratégie fait appel aux sciences de l'articulation déjà existantes. Par exemple,
entre les éléments d'un système organisationnel et la totalité ainsi formée, avec
l'analyse systémique; entre offreurs et demandeurs, et entre concurrents au sein d'un
secteur avec l'économie; entre l’être vivant et son habitat, avec l’écologie ; entre
l'individu et le groupe, avec la culture organisationnelle; entre l'individu et l’institution
avec la science politique ; entre la physiologie et l’étude du psychisme, avec la
linguistique.
CONCLUSION