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ou = ey @ l & tu peux savoir ce qu’en pense I’Ecole freudienne de Paris 1970. Numéro double. Revue paraissant trois fois l’an au Champ freudien, collection dirigée par Jacques Lacan _aux Editions du Seuil, Paris 3 Liminaire - a 9 Discours ptononcé par J. Lacan le 6 décembre 79672 EF... 0 Principes concernant Dacia au titre de ps dans Lyste PEcol ie freudienne de Paris cers A). 19 Wiles 1968. 34 Le jury d’accueil 4 P’assemblée penieala des 25-26 janvier 1969. 39 Proposition concernant la garantie de formation dans I’Ecole freudienne de Paris (proposition B). - 41 Proposition présentée par A.T. Abdoucheli (proposition C). 44 Fropesitons pour la discussion (J. Aubry, D. Bordigoni, J. L. Faure). 46 Petit discours site sur_une utilisation possible de I’Ecole~ freudienne de Paris (doéteur Jean Oury). _ 49 Adresse du jury d’accueil 4 Passemblée avant son vote (25 j jan- vier 1969). ; oy, 55 Radiophonie. «. I% = ‘ 103 Le clivage du sujet et son identification. 137 Avoir et s’approprier. 149 Individa et stru@ure du groupe. : 7 V7 ee 169 Introduétion a la topologie des formations de l’inconscient. 195 La condensation et le déplacement; une élucidation, 274 Poids et mesure du 283 Paraphrase de “ Kant avec Sade ”. * : * VIC 327 Le vrai lieu d’Burope. 341 Du clerc et de son masque. 4551 Casque-de-Bronze. 362 La mere et Vargent. Tea 7 373 Nores DE LECTURE : - Paychanalyser de S, Leclaire. __ Pgchological ‘Research in Communift China de Robert et Ai-Li Chin. "Three Hundred Years ofPoshiaty der Richard Hunter et Ida Macalpine. + x + @ 391 Allocution prononcée pour la sigtase du congsds de V’Bcole freu- 4 lenneide ute le 19 il 1970, par son . * “ISBN 2-02-003632-0 © Editions du Seuil, 1970. mars 1957 interdit les copies ou aerate destinges & une utili Toute representation ou. reproduction Intégrale, ou pane agrnenyarieuchee cose soit, sans Ie consentement de -— Pauteur ou de ses ayants jcite et ‘constitue une contrefacon inctionnée par les Sos et sulvants du Code" penal Liminaire En manitre excuse a PEcole Le numéro 2-3 de Scilicet parait en retard : c’est de mon fait. Une part de ce que je lui destinais, je Vai transcrite en deux préfaces, dans un calcul de ce que les lieux en fussent juste assez déplacés pour faire mesure 2 ce qu’il fallait remettre 4 sa place. Ainsi passa l’échéance de Noél 69. Le reste concernait trop ce qui m’était arrivé de ?E. N. S. dont on se souvient peut-étre, tandis que de la mascarade 4 laquelle javais contribué, et des deux mains : dans /e Monde et dans les Lettres francaises, abattre le jeu ne s’imposait pas. Dire les ficelles en cette farce edt été un défi de s’appuyer sur leur déni qui suffit pour qu’on sache, et défi sans mérite puisqu’s ce jeu j’avais laissé courir. 1 eft fallu que plus m’importassent ceux qui plus ne me suppor- taient. Outre que nulle s’en avérait la suite. Ce pli de dédain ne se soutient que d’une occasion ot son parti pris fut assez critique pour d’autres, de ce que j’eusse d’eux la charge, pour que le reproche qu’ils ne m’en font pas, me rende distrait 4 Paffront. La fa@ture de ces choses, je Ja laisserai 4 l’historien, sans me croire obligé 4 m’en faire l’annaliste. Pout mon ation, elle se jugera du terme dont j’assigne le discours analytique, 4 me tenir 4 ce que je fais tel. Crest a la mesure du point d’aéte qu’il atteint dans le symbolique, que se démontre le réel. On le compreridra 4 lire en partie I les a@tes du congrés tenu par VEcole en 1969 a hotel Lutétia. 3 LIMINAIRE Congrés ot aboutit, frayée du mois de mai dont on parle, quoi- que ayant bien précédé, ma proposition dite du 9 oftobre 1967. Viennent, partie II, les réponses dont m’a surpris un enquéteur de la radio belge, M. Georgin. Surprise que je ne reléve pas seulement de m’y étre laissé prendre (ce dont je les introduis), mais d’y maintenant trouver l’effet d’une audience sans incarnation. Pourquoi de ce que s’avére qu’elles soient séparables, se refuser au piquant d’y faire épreuve 4 “ 'incompréhensible 4 quelqu’un de normalement constitué ” ? Si cela veut dire échapper 4 la régie du discours universitaire, on ne Pévite pas 4 se faire auteur, Mais me trompé-je 4 ressentir dans la radiophonie une route 4 l’aétion qui. s’en dispenserait ? Car je mets en place ici ce que “ je ne savais pas”, — je mets les guillemets pour ceux qui savent ce qui a tourné autour de ces mots de ma doétrine —, ce que “‘ je ne savais pas ” de ma part dans I’ac- tuelle révolution. Dont je suis, mais pas lauteur. Des articles suivent dont le groupement en trois parties est 4 teconnaitre. Non signés, selon ce que cette revue a inauguré, ceci bien plus encore 4 rappeler ; d’avant mai. D’une délibération tranchant d’une voie, elle sans probléme, sur Pindication du déclin de auteur. Ce qui, je le précise une fois de plus, n’exige pas l’anonymat, mais Ja non-identification. A ce que se prouve la formation, pas l’auteur. D’ou les membres de I’Ecole ont intérét, semble-t-il, 4 sauter le pas, puisque, tant que cette formation ne s’est pas prouvée, ils ne sont membres que d’une Ecole qui n’a rien d’autte pour elle que @exister : alors qu’ils ont de moi ceci 4 leur portée contre l’évangile de Pépoque, qu’exister ce n’est pas grand-chose et qu’en tout cas ¢a ne prouve rien. Ce qui confirme que rien ne fasse preuve contre une existence quelconque. Il n’y a preuve que du pour. Si pressant donc que soit cet intérét des membres, il ne rend = LIMINAIRE pas vain Vappoint que, pour témoigner de sa formation, l’Eicole peut recevoir de non-membtes. Ily en a bien quatre ici dont les noms (a leur gré dans ce cas) se trouveront, puisque ce numéro double clét année, a la fin du volume. Si ce qui vient dans ce numéro reste connexe 4 mon discours, ce nest pas qu'il n’y en ait d’autres qui dans l’Ecole soient forma- teurs. Ils seront bienvenus, je le promets, 4 se produire. Pour le dehors, on trouvera dans mes réponses radiophoniques atticulés assez les discours non-analytiques que j’ai définis cette année d’une consistance dont rend raison celui que j’instaure de Lanalyse, pour que quiconque puisse estimer ce qu’il doit 4 la formation de l’cole, qu’on entende 1a : ce qu’il doit lui apporter, méme 4 n’y étte pas inscrit. Que les contribuants étrangers doivent se maintenit dans le futur, c’est Poccasion de mettre en relief ce qui appert de ce qu’hors de notre Fcole, il n’y a que des associations d’analystes. Or c’est un fait qu’il en résulte un type de publication par quoi la psychanalyse ne semble éprouvée qu’A compte d’auteur. A qui ne saute aux yeux que ce qui s’y est produit jusqu’A présent de travaux, n’est voué qu’A diffuser, j’allais écrire : 4 diffamer le nom du signataire. Ici je ro’interroge si c’est seulement d’avoir tardé, que ce numéro manque 4 Ja revue critique de ce qui résulte de cela comme travail ? De Pouvrage de Serge Leclaire (pour nous en tenir au meilleur) qui trouve ici sot: compte-rendu, — mais aussi bien lui-méme a su se faite attendre des avertis —, au dernier de Maud Mannoni qui trouve 4 renouveler les abords du psychiatre et va nous attendre, combien d’autres eussent fait matiére a une critique qui sit s’y égaler ? Nous en fallait-il un modéle ? C’est ce qu’on mesurera au parti qu’a tiré Michéle Montrelay, analyste de l’Fcole (nouvelle formule), d’un ouvrage obtenu dune toute autre formation. Qu’on y apprécie ce qui d’original se dispense “ 4 propos ”. 5 I ‘A propos de Pouvrage dont cette critique fait le métite (en le numéro de juillet de la revue Critique). Ce n’est pas biais indigne 4 faire preuve du dégel qu’un travail spécifié de notre formation apporte en le probléme de la sexualité féminine : resté bloqué depuis que Jones en cut fait pitce 4 Freud. La plainte que je ressasse qu’on me détourne plus souvent qu’on, ne me devance, est ici désarmée. Non sans que m’en revienne P’écho nostalgique de ce qu'un certain congrés d’Amsterdam pour quoi j’avais proposé ce sujet, y ait préféré de prendre le vent d’un facheux retour au bercail. Tl fallait encore du temps pour que ce téel que j’ai promu dés mes prémisses au tang de catégorie (ct dont les badauds me décriaient de ne pas le voir venir), je tendisse clair qu’il ne se livre qu’a Vaéte qui force le fantasme dont s’asseoit la réalité. Scilicet Pa@e psychanalytique en reste loin, quoique hors de lui, ce soit impossible : le réel quoi ! Interdit aux tricheurs. Un écho : mon discouts de cléture au congrés tenu pat Ecole en avril de cette année 1970, marque en derniére partie comment se formulait son travail avant un changement majeur, dont je remets Yénonciation 4 Pan qui vient. Je déclare concurremment laisser Ia charge de ce qui s’appelle rédaétion 4 ceux-la dont la liste qui termine ce numéro, dit qu’ils contribuérent, membres ou non-membres de VEcole, 4 Scilicet, ptemitre année. (septembre 1970) Jacques Lacan, directeur de VE.F.P. La proposition de J. Lacan en date du 9 ottobre 1967 (¢f. Scilicet 1) ayant donné lieu aux manifestations d’avis qu'elle sollicitait et qui furent enregistrées sur bande, J. Lacan, en réponse, a prononct Je 6 décembre 1967 Je discours suivant. L’immixtion de mon fait, depuis ’année dernitre, de la fonftion de l’aéte dans le réseau (quelque usage de ce terme qu’aient fait certains avis 4 leur tour exprimés), dans le texte, disons, dont mon discours se trame, — l’immixtion de I’aéte était le préalable 4 ce que ma proposition dite du 9 o&tobte parit. Est-elle ate ? C’est ce qui dépend de ses suites, dés les premiéres 4 se produire. Le cercle ici présent de ce qu’il en aitregu nonseulement l’adresse, mais l’aval, fut choisi par moi dans ’Ecole, d’y constituer deux classes. Ca devrait vouloir dire qu’on s’y sente plus égaux qu’ail- leurs et lever du méme coup un handicap pratique. Je tespe@ais approximation du tri d’ot sont sortis les A.E. et les A.M.E., tels qu’ils sont portés sur Pannuaire de 1965, celui dont la question se pose s’il doit demeurer le produit majeur de P Ecole. Je respe@ais non sans raison ce que méritait Pexpérience de chacun en tant qu’évaluée par les autres. Une fois ce tri opéré, toute réponse de classe implique Pégalité supposée, l’équivalence mutuelle, toute réponse courtoise, s’entend. Inutile done que quiconque, pour s’y croire chef de file, nous = assoutdisse des droits acquis de son “‘ écoute ”’, des vertus de son “ contréle ” et de son godt pour la clinique, ni qu’il prenne Pair ee Sea ee f ‘ t DISCOURS A L’E.F.P. entendu de celui qui en tient un bout de plus qu’aucun de sa classe. Madame X. et madame Y. valent de ces chefs autant que mes- sieurs P. et V. On peut admettre cependant que vu le mode sous lequel le tri s’est toujours opéré dans les sociétés de psychanalyse, voire celui dont nows-mémes fames triés, une Sstruéturation plus analy- tique de Pexpérience prévale chez certains. Mais comment se distribue cette stru@turation dont personne, que je sache, ne peut prétendte, hors le personnage qui a représenté la médecine frangaise au bureau de l’Internationale psychanalytique, que ce soit une donnée (lui, dit que c’est un don !), voila le premier point dont s’enquétir. Le point second devient alors de faire des classes telles non seulement qu’elles entérinent cette distribution mais qu’a servir 4 la produire, elles la reproduiront. Voila destemps qui mériteraient desubsister dans cette produétion méme, faute de quoi la question de la qualification analytique peut étre soulevée d’ot l’on veut : et pas plus concernant notre Ecole, comme nous le persuaderaient ceux {qui la veulent aussi propice 4 leur gouverne qu’ils en ont le modéle ailleurs. Si désirable qu’il soit d’avoir une surface (qu’on irait bien de Pintérieur 4 ébranler), elle n’a de portée que d’intimider, non dor- donner. 4 L’impropre n’est pas qu’un quelconque s’attribue la supériorité, voite le sublime de P’écoute, ni que le groupe se garantisse sur ses marges thérapeutiques, c’eSt qu’infatuation et ptudence fassent office d’organisation. Comment espérer faire reconnaitre un statut légal 4 une expé- tience dont on ne sait pas méme répondre ? Je ne peux faire mieux pour honotet les non licet que jai recueillis que d’introduire P’élusion prise d’un dréle de biais, 4 partir de cet « tre le seul ” dont on se donne les gants d’y saluer infatuation la plus commune en médecine, non pas méme pour le couvrir de P “ étre seul ”, qui, pour le psychanalyste, est bien le pas dont il entre en son office chaque matin, ce qui serait déja abusif, mais pour, de cet étre le seul, justifier le mirage a en faire le chaperon de cette solitude. 10 DISCOURS A ’E,F.P. Ainsi fon@ionne V’i(2) dont s’imaginent le moi et son narcissisme, 4 faire chasuble a cet objet a qui du sujet fait la misére. Ceci parceque le (a), cause du désir, pour étre ala merci de Autre, angoisse donc 4 Poccasion, s*habille contraphobiquement de l’autonomie du moi, comme le fait le bernard-l’ermite de n’importe quelle carapace. On fait donc artifice délibéré d’un organon dénoncé, et je me demande quelle faiblesse peut animer une homélie si peu digne de ce qui se joue. L’ad hominem s’en situe-t-il de me faire entendre qu’on me protége des autres 4 leur montrer qu’ils sont pareils 4 moi, ce qui permet de faire valoir qu’on me protége de moi-méme. Mais si j’étais seul en effet, seul 4 fonder |’Ecole, comme, d’en énoncer l’adte, je V’ai dit bille en téte : “ seul comme je Yai toujours été dans ma relation 4 la cause analytique... ”, me suis-je cru le seul pour autant ? Je ne Pétais plus, du moment méme ot un seul m’emboitait le pas, pas pat hasard celui dont j’interroge les graces présentes. Avec vous tous pour ce que je fais seul, vais-je prétendre étre isolé ? Qu’est-ce que ce pas, W’étre fait seul, a A faire avec le seul qu’on se croit étre A le suivre ? Ne me fié-je 4 V'expérience analytique, Cest-A-dire 4 ce qui m’en vient de qui s’en est débrouillé seul ? Croirais-je étre seul 4 Pavoir; alors pour qui parlerais-je ? Ces plutét d’en avoir plein la bouche de Pécoute, la seule étant la sienne, qui ferait baillon 4 occasion. Il n’y a pas d’homosémie entre le seul et seul. Ma solitude, c’est justement 4 quoi je tenongais en fondant Ecole, et qu’a-t-elle 4 voir avec celle dont se soutient Taéte psycha- nalytique, sinon de pouvoir disposer de sa relation 4 cet atte ? Car si cette semaine revenu 4 faire séminaire, j’ai sans plus tarder, posé Paéte psychanalytique, et des trois termes 4 Vinterroger sur safin ; visée idéale, cléture, aporie de son compte-tendu, — n’est-il pas remarquable que, des éminents qui m’en refusent ici la consé- quence, de ceux mémes dont c’est Vhabitude (habitude des autres) qu’on les y voie, nul n’y ait patu ? Si aprés tout ma proposition leur fait passion au point de les réduire au mutmure, n’eussent-ils pu attendre d’une articulation patente qu’elle leut offrit points a réfuter ? Mais c’est bien que je ne sois pas seul a m’inquiéter de cet aéte, qu’on se dérobe 4 qui est le seul 4 prendre le risque d’en parler. Ce que j’ai obtenu d’un sondage confirme qu’il s’agit d'un symp- 534 | DISCOURS A L’E.F.P. téme, aussi psychanalytiquement déterminé que le nécessite son contexte et que l’est un afte manqué, si ce qui le constitue est d’exclure son compte-rendul. On verra bien si c’est fagon ot l’on gagne de se parer, fit-ce 4 me tetourner la question : si, de ne pas s’y pointer, c’est tout vu. On ne veut pas cautionner l’a@te. Mais l’aéte ne dépend pas de l’au- dience trouvée pout la thése, mais dans ce qu’en sa proposition elle reste pour tous lisible au mur, sans querien contre ne s’énonce. D’ot vous fates ici requis d’y répondre et sans tarder. Tiendrait- on cette hate pout vice de forme, n’autais-je dit ce qui s’oublie de la fon&tion logique de la hate ? Elle est de la nécessité d’un certain nombre d’effeftuations ‘qui a bien a faire au nombre des participants pour qu’une conclusion s’en regoive, mais non au compte de ce nombre, car cette conclu- sion dépend dans sa vérité méme des ratages qui constituent ces effeGtuations comme temps. Appliquez mon histoire de relaxes, mis 4 l’épreuve d’avoir a justifier quelle marque ils portent (blanche ou noire) pour avoir la clef des champs : c’est bien parce que certains savent que vous ne sortirez pas, quoi qu’ils disent, qu’ils peuvent faire que leur sortie soit une menace, quel que soit votre avis. Liinoui, qui le croirait sauf 4 Pentendre inscrit sur bande, c’est que mon opération s’identifie du fantasme sadien, que deux pet- sonnes tiennent pour craché dans ma proposition. “ La posture se rompt, dit ’'un d’eux ”, mais c’est de construftion. L’autre y alla de la clinique. Ou le dommage pourtant ? quand pas plus loin ne va-t-il que n’en souffre le personnage vaporeux de V’histoire, qui pour avoir, des barteaux d’une grille tatés pas 4 pas, retrouvé l'un marqué d’abord, concluait : “‘ Les salauds, ils m’ont enfermé. ” C’était la grille de ’Obélisque, et il avait 4 lui la place de la Concorde. Ov e&t le dedans, ov le dehors : les prisonniers 4 la sortie, pas ceux de mon apologue, se posent la question, parait-il. Je la propose 4 celui qui sous le coup d’une vapeur aussi philo- sophique (avant ma proposition) me faisait confidence (peut-étre seulement révait devant moi) du lustre qu’il retirerait dans notre x. Ainsi quelqu’un n’2-t-il nulle intention den’y pas venir, c’est seulement d’avoir A cette heure rendez-vous avec son dentifte, 12 DISCOURS A L’E.F.P. petit monde 4 faire savoir qu’il me quittait, au cas que son envie Pemportat. Qu’il sache en cette épreuve que je gofite assez cet abandon pour penser 4 lui quand je déplore que j’aie si peu de monde 4 qui com- muniquer les joies qui m’arrivent. Qu’on ne croie pas que moi aussi je me laisse aller. Simplement je décolle de ma proposition assez pour qu’on sache que m’amuse qu’échappe sa minceur, laquelle devrait détendre méme si l’enjeu n’est pas mince. Je n’ai avec moi décidément que des Suffisances 4 la manque, 4 la manque d’humour en tout cas. [Qui verra donc que ma proposition se forme du modéle du trait d’esprit, du rdle de la dritte Person *t] Car il est clair que si tout aéte n’est que figure plus ou moins complete de I’aéte psychanalytique, il n’y en a pas qui domine ce dernier. La proposition n’est pas atte au second degré, mais rien de plus que l’aéte psychanalytique, qui hésite, d’étre déja en cours. Je mets toujours balises 4 ce qu’on s’y retrouve en mon discours. Au liminaire de cette année, luit celle-ci qui s*homologue de ce quil n’y ait pas d’Autre de l’Autre (de fait), ni de vrai sur le vrai (de droit) : il n’y a pas non plus d’aéte de Pate, a vrai dire impen- sable. Ma proposition gite 4 ce point de l’a&e, par quoi s’avére qu’il ne réussit jamais si bien qu’a rater, ce qui n’implique pas que le ra- tage soit son équivalent, autrement dit puisse étre tenu pour réussite. Ma proposition n’ignore pas que le discernement qu’elle appelle, implique, de cette non-réversibilité, la saisie comme dimension : [autre scansion du temps logique, le moment de rater ne réussit 4 Pa@e que si Pinstant d’y passer n’a pas été passage 4 Daéte, de paraitre suivre le temps pour le comprendre *.] On voit bien 4 V’accueil qu’elle regoit qu’d ce temps je n’ai pas pensé. J’ai seulement réfléchi 4 ce qu’elle doive l’entamer. Qu’elle attaque l’a@e psychanalytique pat le biais dont il s’institue dans agent, ne le tate que pour ceux qui font que l’institution soit Pagent dudit aée, c’est-d-dire qui séparent l’aGe instituant du psychanalyste de l’atte psychanalytique. 1. Ceci a été sauté lors de la réponse d’ot les crochets dont jel’ encadre; j'indique la cette stru@ture de ce que personne ne s’en soit encore apergu... 2, Méme remarque qu’a Pingtant, Ls DISCOURS A L’E.F.P. Ce qui est d’un raté qui n’est nulle part le réussi. Alors que Vinstituant ne s’abstrait de Paéte analytique qu’a ce quil y fasse manque, justement d’avoir réussi 4 mettre en cause le sujet. C’est.donc par ce qu’elle a raté que la réussite vient 4 la voie du psychanalysant, quand c’est de l’aprés-coup du désir du psycha- nalyste et des apories qu’il démontre. Ces apories sont celles que j’ai illustrées il y a un instant d’un badinage plus a@uel qu’il n’y paraissait, puisque, si le vaporeux du héros permet de rire 4 l’écouteur, c’est de le surprendre de la tigueur de la topologie construite de sa vapeur. - Ainsi le désir du psychanalyste est-il ce lieu dont on est hors sams y penser, mais ow se retrouver, c’est en étre sorti pour de bon, soit cette sortie ne Pavoir prise que comme entrée, encore n’est- ce pas n’importe laquelle, puisque c’est la voie du psychanalysant. Ne laissons pas passet que décrire ce lieu en un patcouts d’infini- tifs, dit ’inarticulable du désir, désir pourtant articulé du “ sens- issue ” de ces infinitifs, soit de impossible dont je me suffis 4 ce détour. Cest la qu’un contréle pourrait sembler n’étre pas de trop, méme s'il en faut plus pour nous dicter la proposition. C’est autre chose que de contréler un “ cas” : un sujet (je sou- ligne) que son afte dépasse, ce qui n’est rien, mais qui, s’il dépasse son aéte, fait lincapacité que nous voyons fleurir le parterre des psy- chanalystes : [qui se manifestera devant le sitge de l’obsessionnel pat exemple, de céder 4 sa demande de phallus, 4 V’interpréter en termes de coprophage, et ainsi, de la fixer 4 sa chiasse, 4 ce qu’on fasse enfin défaut 4 son désir 1] A quoi a a répondre le désit du psychanalyste ? A une nécessité que nous ne pouvons théoriser que de devoir faire le désir du sujet comme désir de l’Autre, soit de se faire cause de ce désir. Mais pour satisfaire 4 cette nécessité, le psychanalyste est 4 prendre tel qu’il est dans le fait, ce qui ne lui permet pas de bien faire en tous les cas de Ja demande, nous venons de V’illustrer. La corte@ion du désir du psychanalyste, 4 ce qu’on dit reste ouverte, d’une reprise du baton du psychanalysant. On sait que 1. Méme remarque qu’auparavant. Ajoutons que c’eét la de quoi donner un autre poids au réseau dont on s’agitait en ce débat. DISCOURS A L’E.F.P. ce sont 1 propos en lair. Je dis qu’ils le resteront tant que les besoins ne se jugeront pas 4 partir de l’aGte psychanalytique. C’est bien pourquoi ma proposition est de s’intéresset 4 la passe ou Pade pourrait se saisir dans le temps qu'il se produit. Non certes de remettre quiconque sur ja sellette, passé ce temps: qui aurait pu le craindre ? Mais on en a senti atteint le prestige du galon. C’est la mesurer la puissance du fantasme d’ot surgirent, pour vous de frais la derniére fois, les primes sauts qui ont lancé l’insti- tution dite internationale, avant qu’elle en devint la consolidation. Ceci pour étre juste, montre notre Ecole pas en si mauvais chemin de consentir 4 ce que certains veulent réduire 4 la gratuité Waphorismes quand il s’agit des miens. S’ils n’étaient pas effectifs, aurais-je pu débusquer d’une miseau pasalphabétique la position de se terrer qui fait régle 4 répondre a tout appel 4 Popinion dans un convent analytique, voire y fait simagrée du débat scientifique, et ne s’y déride pour aucune probation. D’ou par contraste ce style de sortie, malmenant Vautre, qu’y prennent les interventions, et la cible qu’y deviennent ceux qui se risquent 4 y contrevenir. Mceurs aussi facheuses pout le travail que répré¢hensibles au segard de Vidée, aussi simplette qu’on la yeuille, d’une communauté d’Ecole. Si y adhérer veut dire quelque chose, n’est-ce pas pour que s’ajoute 4 la courtoisie que j’ai dit lier le plus stri€tement les classes, Ja confraternité en toute pratique ot elles s’unissent. Or il était sensible que ’aGe psychanalytique, 4 solliciter les plus sages d’en faire avis, s’y traduisait en note de hargne, pour que le ton en montat 4 mesure que l’évitement inévitablement s’en levait. Car si, 4 les entendre, il devient notoire qu’on y entre plus avant de youloir s’en sortir, comment sauf 4 étre débordé, ne pas se fier 4 sa stru€ture. Il y suffirait, je pense, d’un plus sérieux réseau pour la serrer. Vous voyez comme je tiens 4 ces mots qu’on veut me rendre mes- chéans 3! Je gage qu’ils seront pour moi, si je leur conserve mes fayeurs. Je ne parle pas du tetournement qu’on promet 4 mes apho- 1. Voir quelques lignes plus bas. qs DISCOURS A L’E.F.P, tismes. Je croyais ce mot destiné 4 porter plus loin le génie de celui- 1a qui n’hésite pas 4 en rabattre ainsi l’emploi. En attendant, c’est bien d’avouer la garantie qu’elle croit devoir 4 son réseau, pris au sens de ses pupilles au titre de la didaftique, que du premier jet et d’y révenir formellement, quelqu’un 4 qui nous ferons hommage de la place qu’elle a su prendre dans le milieu psychiatrique au nom de I’ Ecole, a déclaré devoir s’opposer a toute suite qui résulte de ma proposition. L’argumentation qui a suivi fut un parti pris de 1a : ov elle tient pour tranché que la didaGique ne saurait qu’en étre affe&ée ? Oui, mais pourquoi dans le pire sens ? Nous n’en savons encore tien. Je ne vois aucun inconvénient 4 ce que la chose qui du réseau s’intitule comme patronage du didaéticien sur sa clique quand celle- ci s’y complait, soit proposée 4 l’attention pour peu qu’un soup- gon de raison s’en promette un succés : mais consultez sa courageuse dénonciation dans l’International Journal, ca vous en dira long sur ce qui peut suivre de ce courage. Précisément il me semblait que ma proposition ne dénongait pas le réseau, mais dans sa plus minuticuse disposition se mettait en travers. D’ot m’étonne moins de voir qu’on s’alarme de la ten- tation qu’elle offre aux vertueux du contr’réseau. Ce qui me barrait cette vue, sans doute était-ce de me refuser de m’étonner que mon téseau ne m’étranglat pas P Vais-je m’attardet 4 discuter d’un mot comme le “ plein trans- fert ” en son usage d’hourvari. J’en tis parce que chacun sait que est le coup bas le plus usuel 4 toujours faire ses preuves dans un champ ot les intéréts ne se ménagent pas plus qu’ailleurs. Méme 4 ne pas étre dans le coup, on est frappé de percevoir dans tel fa@um 4 faire avis diffusé 4 avance, que le réseau mien serait plus dangereux que les autres de tisser sa toile, c’est éctit en toutes lettres : de la rue de Lille 4 la rue d’Ulm+. Et alors ? Je ne crois pas au mauvais godt d’une allusion 4 mon réseau familial. Parlons de mon bout d’Oulm (¢a fera Lewis Carroll) et de ses Cabiers pour l’analyse. Eét-ce que je propose d’installer mon bout d’Oulm au sein 1, De mon cabinet professionnel a !’Ecole Normale Supérieure of mon séminaire se tenait a Pépoque et y était écouté d’une génération. 16 DISCOURS A L’E.F.P. des A. E.? Et pourquoi pas, si par hasard un bout d’Oulm se faisait analyser ? Mais pris en ce sens, mon réseau, je l’affirme, n’en a aucun qui y ait pris tang, ni y soit en instance. Mais le réseau dont il s’agit est pour moi d’autre trame, de repré- senter expansion de l’aéte psychanalytique. Mon discours, d’avoir retenu des sujets que n’y prépare pas Vexpétience dont il s’autorise, prouve qu’il tient le coup d’induire ces sujets 4 se constituer de ses exigences logiques. Ce qui suggére que ceux qui, ladite expétience, l’ont, ne perdraient rien 4 se for- mer 4 ces exigences qui en sortent, pour les lui restituer dans leur “ écoute ”’, dans leur regard clinique, et pourquoi pas dans leurs contréles. Ou ne les rend pas plus indignes d’étre entendues qu’elles puissent servir en d’autres champs. Car V’expérience du clinicien comme l’écoute du psychanalyste n’ont pas 4 étre si assurées de leur axe que de ne pas s’aider des repétes strudturaux qui de cet axe font le@ure. Ils ne seront pas de trop pour, cette lecture, la transmettre, qui sait: pour la modifier, en tout cas pour P’interpréter. Je ne vous ferai pas injure d’arguer des bénéfices que I’ cole tite d’un succés que j’ai longtemps réussi 4 écarter de mon travail et qui, venu, ne l’affette pas. Cela me fait souvenir d’un nommé dindon (en anglais) dont il m’a fallu supporter en juillet 62 les propositions malpropres, avant qu’une commission d’enquéte dont il était ’entremetteur, mit en jeu son homme de main. Au jour prévu pour le verdict, convenu au départ de la négociation, il s’acquittait avec mon enseignement, d’alors plus de dix ans, 4 me décerner le réle de sergent-recruteur, l’oreille de ceux qui collaboraient avec lui sem- blant sourde 4 ce qui, 4 eux, par cette voie leur revenait de Phistoire anglaise, de jouer les recrutés ivrognes. Certains sont plus sourcilleux aujourd’hui devant la face d’ex- pansion de mon discours. A se tassurer d’un effet de mode dans cet afflux de mon public, ils ne voient encore pas que pourrait étre contesté le droit de priorité qu’ils croient avoir sur ce discours de l’avoir tenu sous le boisseau. C’est 4 quoi ma proposition parerait, 4 ranimer dans le champ de la psychanalyse ses justes suites. Encore faudrait-il que ce ne soit pas de ce champ que vint le 17 Sa Tee ae el ae ee DISCOURS A L’E.F.P. mot de non-analyste pour un office que je reconnais 4 le voir re- surgir : 4 chaque fois que mon discours fait afte en ses effets pra- tiques, ce mot épingle ceux qui Pentendent bien ainsi. Ces sans gravité pour eux. L’expérience 2 montré que, pour rentrer en grace, la prime est faible 4 payer. Qui se sépare de moi, tedeviendra analyste de plein exercice, au moins de par l'investiture de V'Internationale psychanalytique. Un petit vote pour m’exclure, que dis-je, méme pas : une abstention, une excuse donnée a temps, et Pon retrouve tous ses droits 4 I’Internationale, quoique formé de pied en cap par ma pratique intolérable. On pourra méme user de mes termes, pourvu qu’on ne me cite pas, puisque dés lors ils n’auront plus de conséquence, pour cause du bruit 4 les couvrir. Que ne Voublie ici personne, la porte n’est pas re- fermée. Il y a néanmoins pour redevenir analyste un autre moyen que j’indiquerai plus tatd parce qu’il vaut pour tous, et pas seulement pour ceux qui me doivent leur mauvais pas, telle une certaine bande-a-Moebius, vrai ramassis de non-analystes +. ie Cest que, quand on va jusqu’a écrire que ma proposition aurait s, pour but de remettre le contréle de I’Ecole 4 des non-analystes, je n’irai pas 4 moins qu’ relever le gant. Et A jouer de dire que c’en est bien en effet le sens : je veux mettre des non-analystes au contréle de atte analytique, s'il faut entendre par 1A que I’état présent du statut de l’analyste non seu- lement le porte 4 éluder cet afte, mais dégrade Ja produéion qui en dépendrait pour la science. En un autre cas, ce serait bien de gens pris hors du champ en souffrance qu’on attendrait intervention. Si cela ne se congoit pas ici, cest en raison de l’expérience dont il s’agit, celle dite de l’in- conscient puisque c’est de 14 que se justifie tres sommairement analyse didaGique. Mais 4 prendre le terme d’analyste dans le sens ot 4 tel ou tel peut s’imputer d’y manquer au titre d’un conditionnement mal saisissable sinon d’un standard professionnel, le non-analyste n’im- 1. C’eSt le ramassis A s’etre commis dans le premier numéro de Scilicef, dont la parution devait faire l'objet bientdt de curieuses mancuvres dont pour certains le scandale ne tint qu’a leur divulgation. ‘A la date du 6 décembre, c’était encore 4 venir. 18 DISCOURS A 1’E.F.P, plique pas le non-analysé, qu’évidemment je ne songe pas 4 faire accéder, vu la porte d’entrée que je lui donne, 4 la fon@ion d’ana- lyste de l’Ecole. Ce n’est méme pas le non-praticien qui serait en cause, quoique admissible 4 cette place. Disons que j’y mets un non-analyste en espérance, celui qu’on peut saisir d’avant qu’a se précipiter dans Vexpérience, il éprouve, semble-t-il dans la régle, comme une amnésie de son afte. Est-il concevable autrement qu’il me faille faire émerger la passe (dont personne ne me discute l’existence) ? Ceci par le moyen de la redoubler du suspense qu’y introduit sa mise en cause aux fins d’examen. C’est de ce précaite que j’attends que se sustente mon analyste de I’Ecole. Bref c’est a celui-la que je remets l’Ecole, soit entre autres la charge d’abord de déteéter comment les “ analystes ” n’ont qu’une production stagnante, — sans issue théorique hors mon essai de la ranimer —, ot il faudrait faire mesure de la régression concep- tuelle, voire de involution imayinaire 4 prendre au sens orga- nique (la ménopause pourquoi pas? et pourquoi n’a-t-on jamais vu d’invention de jeune en psychanalyse ?) Je n’avance cette tache qu’d ce qu’elle fasse réflexion pour (entends qu’elle répercute) ce qu’il y a de plus abusif 4 la confer au psychosociologue, voire 4 l'étude de marché, entreprise dont vous ne vous étes pas auttement apercu (ou bien alors comme semblant, c’est réussi), quand la pourvut de son égide un psycha- nalyste professeur. Mais observez que si quelqu’un demande une psychanalyse pour procéder sans doute, c’est 18 votre doGtrine, dans ce qu’a de confus son désir d’étre analyste, c’est cette procession méme qui, de tomber en droit sous le coup de Punité de la psychologie, va y tomber en fait. Cest pourquoi c’est d’ailleurs, de l’a@te psychanalytique seule- ment, qu’il faut repérer ce que j’articule du “ désit du psychana- lyste ”, lequel n’a rien a-faire avec le désir d’étre psychanalyste. Et si ’on ne sait méme pas dire, sans s’enfoncer dans le vaseux du “ personnel ” au “ dida@ique ”, ce qu’est une psychanalyse qui introduit 4 son propre aéte, comment espérer que soit levé ce handicap fait pour allonger son circuit, qui tient 4 ce quenulle ED. DISCOURS A L’E.F.P. part Paée psychanalytique n’est distingué de la condition pro- fessionnelle qui le couvre ? Faut-il attendre que ’emploi existe de mon non-analyste 4 sou- tenir cette distinGtion pour qu’une psychanalyse (une premiére un jour) & se demander comme didaétique sans que l’enjeu en soit un établissement, quelque chose survienne d’un ordre 4 perdre sa fin 4 chaque instant ? Mais la demande de cet emploi est déja une rétroaction de l’aéte psychanalytique, c’est-a-dire qu’elle en part. Qu’une association professionnelle ne puisse y satisfaire, la pro- duire a ce résultat de forcer celle-ci 4 Pavouer. Il s’agit alors de savoir si Pon y peut répondre d’ailleurs, d’une cole par exemple. Peut-étre serait-ce 1a raison pour quelqu’un de demander une analyse 4 un analyste-membre-de... PEcole, sans quoi au nom de quoi pourrait-elle s’y attendre? au nom de la libre entreprise ? qu’on dresse alors autre boutique. Le risque pris, pour tout dire, dans la demande qui ne s’articule que de ce qu’advienne Panalyste, doit étre tel objectivement que celui qui n’y répond qu’a la prendre sur lui, soit: détre Panalyste, n’aurait plus le souci de devoir la frustret, ayant assez 4 retordre de la gratifier de ce qu’en vienne mieux qu'il ne fait sur Pheure. Fagon d’écoute, mode de clinique, sorte de contrdle, peut-étre plus portante en son objet présent de le viser 4 son désir plutét que de sa demande. Le “ désir du psychanalyste ”, c’est 14 le point absolu d’ot se triangule attention 4 ce qui, pour étre attendu, n’a pas aétre remis @ demain. Mais le poser comme j’ai fait, introduit la dimension ob Yanalyste _dépend de son ate, 4 se repérer du fallacieux de ce qui le satisfait, 4 s’assurer par lui de n’étre pas ce qui s’y fait. C’est en ce sens que Pattribut du non-psychanalyste est le garant de la psychanalyse, et que je souhaite en effet des non-analystes, qui se distinguent en tout cas des psychanalystes d’a présent, de ceux qui payent leur statut de l’oubli de l’aéte qui le fonde. Pour ceux qui me suivent en cette voie, mais regretteraient pourtant une qualification reposante, je donne comme je Vai promis, Pautre voie que de me laisser : qu’on me devance dans mon discours Ale rendre désuet. Je saurai enfin qu’il n’a pas été vain. 20 DISCOURS A L’E.F.P. En attendant, il me faut subir d’étranges musiques. Voila-t-il pas la fable mise en cours du candidat qui scelle un contrat avec son psychanalyste : “ Tu me prends 4 mes aises, moi je te fais la courte échelle. Aussi fort que malin (qui sait un de ces normaliens qui vous dénormaliseraient une société tout entiére avec ces trucs chiqués qu’ils ont tout loisir de mijoter pendant leurs années de feignantise), ni vu ni connu, je les embrouille, et tu passes comme une fleur ; analyste de l’Ecole selon la proposition ”. Mitifique ! ma proposition n’aurait-elle engendré que cette soutis qu’elle y devient rongeur elle-méme. Je demande : ces complices, que pourront-ils faire d’autre 4 partir de 14 qu’une psy- chanalyse ou pas une parole ne pourra se dérober 4 la touche du véridique, toute tromperie d’étre gratuite y tournant court. Bref une psychanalyse sans méandre. Sans les méandies qui consti- tuent le cours de toute psychanalyse de ce qu’aucun mensonge n’échappe 4 la pente de la vérité. Mais qu’est-ce que ca veut dite quant au contrat imaginé, s’il ne change tien ? Qu’il est futile, ou bien que méme quand qui- conque n’en a vent, il est tacite. Car le psychanalyste n’est-il pas toujours en fin de compte a la merci du psychanalysant, et d’autant plus que le psychanalysant ne peut tien lui épargner s’il trébuche comme psychanalyste, et s’il ne trébuche pas, encore moins. Du moins est-ce ce que nous enseigne V’expérience. Ce qu'il ne peut lui épargner, c’est ce désétre dont il est affe&é comme du terme 4 assigner 4 chaque psychanalyse, et dont je m’é- tonne de le retrouver dans tant de bouches depuis ma proposition, comme attribué 4 celui qui en porte le coup, de n’étre dans la passe 4 connoter que d’une destitution subjective : le psychanalysant. Pour parler de la destitution subjeétive, sans vendre la méche du baratin pour le passeur, soit ce dont les formes en usage jusqu’ici déja font réver 4 leur aune, — je ’aborderai d’ailleurs. Ce dont il s’agit, c’est de faire entendre que ce n’est pas elle qui fait désétre, étre plutdt, singulitrement et fort. Pour en avoir Pidée, supposez la mobilisation de la guerre moderne telle qu’elle intervient pour un homme de la belle époque. (a se trouve chez le futuriste qui y lit sa poésie, ou le publiciste qui rameute le tirage. Mais pour ce qui est de l’effet d’étre, ga se touche mieux chez ar DISCOURS A L’E.F.P. Jean Paulhan. Le guerrier appliqué, c'est la destitution subjettive dans sa salubrité. Ou bien encore imaginez-moi en 61, sachant que je servais 4 mes collégues 4 rentrer dans l’Internationale, au prix de mon enseignement qui en sera proscrit. Je poursuis pourtant cet ensei- gnement, moi au prix de ne m’occuper que de lui, sans m’opposer méme au travail d’en détacher mon auditoire. Ces séminaires dont quelqu’un 4 les relire, s’écriait devant moi récemment, sans plus d’intention m’a-t-il semblé, qu’il fallait que jeusse bien aimé ceux pour qui j’en tenais le discours, voil4 un autre exemple de destitution subjective. Eh bien, je vous en té- moigne, on “ étre ” assez fort en ce cas, au point de paraitre aimer, voyez-vous ¢a. Rien 4 faire avec le désétre dont c’est la question de savoir com- ment la passe peut l’affronter 4 s’affubler d’un idéal dont le désétre s'est découvert, précisément de ce que ’analyste ne supporte plus le transfert du savoir 4 lui supposé. C'est sans doute & quoi répondait le Heil! du Kapo de tout 4 Pheure quand 4 se sentir lui-méme criblé de son enquéte, il soufflait “Tl nous faut des psychanalystes trempés ”. Est-ce dans son jus, qu’il voulait dire ? Je n’insiste pas : évoquer les camps, c'est grave, quelqu’un a ctu devoir nous le dire. Et ne pas les évoquer ? Jaime mieux au teste rappeler le propos du théoricien d’en face qui de toujours se fait amulette de ce qu’on psychanalyse avec son étre : son “ étre le psychanalyste ” naturellement. Dans cer- tains cas, on a ga 4 portée de la main au seuil de la psychanalyse, et il arrive qu’on I’y conserve jusqu’s la fin. Je passe sur ce que quelqu’un qui s’y connait, me fait fasciste, et pour en finir avec les broutilles, je retiens avec amusement que ma proposition et imposé admission de Fliess 4 |’Internationale psychanalytique, mais rappelle que ad absurdum nécessite du doigté, et qu'il échoue ici de ce que Freud ne pouvait étre son propre passeut, et que c’est bien pourquoi il ne pouvait relever Fliess de son désétre. Si jen crois les souvenirs si précis que Madame Blanche Rever- chon~Jouve me fait parfois ’honneur de me confier, j’ai le senti- 22 i DISCOURS A L’E.F.P. ment que, si les premiers disciples avaient soumis 4 un passeut choisi d’entre eux, disons: non leur appréhension du désir de Yanalyste, — dont la notion n’était pas méme apercevable alors — si tant est que quiconque y soit maintenant—, mais seule- ment leur désir de P’étre, Panalyste, le prototype donné par Rank en sa personne du “ Je ne pense pas ” edit pu étre situé beaucoup plut tot 4 sa place dans la logique du fantasme. Et la fon@ion de Vanalyéste de I’Ecole fit venue au jour dés Vabord. Car enfin il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, ainsi est-on dans la voie psychanalysante ou dans I’aéte psychanalytique. On peut les faire alterner comme une porte bat, mais la voie psycha- nalysante ne s’applique pas 4 l’a€te psychanalytique, dont la logique est de sa suite. Je suis entrain dedémontrer choisit pour mon séminaite tellesde ces propositions discrétes que noie la littérature psychanalytique, que chaque fois qu’un psychanalyste capable de consistance fait pré- valoir un objet dans ’a&te psychanalytique (cf. article de Winni- cott 4), il doit déclarer que la voie psychanalysante ne saurait que le contourner : n’est-ce pas indiquer le point d’ot seul ceci est pensable, le psychanalyste lui-méme en tant qu’il est cause du désix ? Jen ai assez dit, je pense, pour qu’on entende qu’il ne s’agit nullement d’analyser le désir du psychanalyste. Nous n’oserons parler méme de sa place nette, avant d’avoir articulé ce qui le nécessite de la demande du névrosé, laquelle donne le point d’ot il n’est pas atticulable. Or la demande du névrosé est trés précisément ce qui condi- tionne le port professionnel, la simagrée sociale dont la figure du psychanalyste est présentement forgée. Qu’il favorise en ce statut ’égrénement des complexes identi- ficatoires n’est pas douteux, mais a sa limite, et celle-ci n’est pas sans faire en retour opacité. 1. CE. On transference, LJ.P., octobre 1956, numéro IV-V, pages 386-388. Article que j'introduisis le 29 novembre 1967 pour indiquer comment I’auteur ne repére un. objet privilégié de son expérience, a le qualifier de false self, qu’ a exclure sa manazuvre de Ia fonction analytique telle qu’il la situe. Or il n’articule cet objet que du processus primaire, pris de Freud. Jy décile le lapsus de I’aéte psychanalytique. 23 24 DISCOURS A L’E.F.P. Tel est, désigné de la plume de Freud lui-méme, le fameux natcissisme de la petite différence, pourtant parfaitement analy- sable 4 le rapporter 4 la fonétion qu’en le désir de l’analyste occupe Pobjet (2). Le psychanalyste, comme on dit, veut bien étre de la metde, mais pas toujours la méme. C’est interprétable, 4 condition qu'il s’apergoive que d’étre de la merde, c’est vraiment ce qu’il veut, dés qu’il se fait Phomme de paille du sujet-supposé-savoir. Ce qui importe n’est donc pas cette metde-ci, ou bien celle-la, Ce n’est pas non plus n’importe laquelle. C’est qu’il saisisse que cette merde n’est pas de lui, pas plus que de l’arbre qu’elle couvre au pays béni des oiseaux : dont, plus que l’or, elle fait le Pérou. L’oiseau de Vénus est.chieur. La vérité nous vient pourtant sut des pattes de colombe, on s’en est apergu. Ce n’est pas une rai- son pour que le psychanalyste se prenne pour la statue du Maré- chal Ney. Non, dit Parbre, il dit non, pour étre moins rigide, et faire découvrir 4 l’oiseau qu’il reste un peu trop sujet d’une écono- mie animée de l’idée de la Providence. Vous voyez que je suis capable d’adopter le ton en usage quand fous sommes entre nous. J’en ai pris un peu 4 chacun de ceux qui ont manifesté leur avis, 4 la hargne prs, j’ose le dire : cat vous le verrez avec le temps, dont ¢a se décante comme ]’écho du “ Loup- y-es-tu? ”. Et concluons. Ma proposition n’efit changé que d’un cheveu Ja demande de l’analyse 4 une fin de formation. Ce cheveu edt suffi, pourvu que se sit sa pratique. Elle permettait un contréle non incongu de ses suites. Elle ne contestait nulle position établie. S’y opposent ceux qui seraient appelés 4 son exetcice. Je ne puis le leur imposer. Mince comme un cheveu, elle n’aura pas 4 se mesuret 4 ’'am- pleur de Yaurore. Tl suffirait qu’elle ’annonce. Jarréte 14 le morceau, les dispositions pratiques dont il se clét n’ayant plus d’intérét en ce 1° ofobre 70. Qu’on sache 24 ub ee, Ee DISCOURS A L’E.F.P. pourtant que de n’étre pas lu, il fut dit autrement, au reste comme en témoigne la version enregistrée, 3 le suivre ligne 4 ligne. Ceux qui d’y avoir été priés, la regurent, pourront, de sa syntaxe parlée, appréciet l'inflexion. Celle-ci se fait plus patiente, d’autant que vif est le point qui fait enjeu. La passe, soit ce dont personne ne me dispute l’existence, bien que Ja veille fat inconnu au bataillon le rang que je viens de lui donner, la passe est ce point ob d’étre venu 4 bout de sa psychana- lyse, la place que le psychanalyste a tenue dans son parcours, quel- qu’un fait ce pas de la prendre. Entendez bien : pour y opérer comme qui l’occupe, alors que de cette opération il ne sait rien, sinon 4 quoi dans son expérience elle a réduit occupant. Que révéle qu’a applaudir 4 ce que je marque ainsi ce tournant, on ne s’en oppose pas moins 4 la disposition la plus proche 4 en tier : soit qu’on offte 4 qui le voudrait d’en pouvoir témoigner, au prix de lui remettre le soin de l’éclairer par la suite ? ividemment on touche 14 la distance, qui tient de moi sa dimen- sion, distance du monde qui sépare le bonhomme qu’on investit, qui s’investit, ce peu importe, mais qui fait la substance d’une qualification : formation, habilitation, appellation plus ou moins contrdlée, c’est tout un, c’est habit, voite habitus 4 ce que le bon- homme le porte, — qui, dis-je, sépare le bonhomme, du sujet qui matrive 14 que de la division premiére qui résulte de ce qu’un signifiant ne le représente que pour un autte signifiant, et que cette division, il ’éprouve a reconnaitre que l’autre signifiant : Ur, AV ourigine (au départ logique), est refoulé. Par quoi, sion le lui ressor- tait (ce qui ne saurait étre le cas, car nous dit Freud, c’est le nombril de Vinconscient), alors ce serait de son représentant qu’il perdrait les pédales : ce qui laisserait la représentation dont il s’imagine étte la chambre noite, alors qu’il n’en est que le kaléidoscope, dans une pagaille 4 ce qu’il y retrouve fort mal les effets de symétrie dont s’assurent sa droite et sa gauche, ses droits et ses torts, 4 le remettre d’assiette au giron de I’Eternel. Un tel sujet n’est pas donné d’une intuition qui fasse bonheur 4 soutenir la définition de Lacan, Mais l’extrémisme de celle-ci démarque des implications dont se pare la routine de la qualification traditionnelle, les nécessités qui DISCOURS A L’E.F.P. résultent de la division du sujet : du sujet tel qu’il s’élabore du fait de Pinconscient, soit du Ao, dont faut-il que je rappelle qu’il parle mieux que lui, d’étre strudturé comme, un langage, etc. ? Ce sujet ne s’éveille qu’d ce que pour chacun au monde, V’affaire devienne autre que d’étre le fruit de P’évolution qui de la vie faitau. dit monde une connaissance: oui, une connerie-sens dont ce monde peut dormir sur ses deux oreilles. Un tel sujet se construit de toute l’expérience analytique, quand Lacan tente par son algébre de le préserver du mirage d’en étre Un : par la demande et le désir qu'il pose comme institués de PAutre, et par la barre qui rapplique d’étre |’Autre méme, 4 faire que Ja division du sujet se symbolise du $ barré, lequel, sujet dés lors a des affects imprévisibles, 4 un désir inarticulable de sa place, se fait une cause (comme on ditait : se fait une raison), se fait une cause du plus-de-jouir, dont pourtant, 4 le situer de Pobjet 2, Lacan démontre le désir articulé, fort bien, mais de la place de PAutre. Tout ga ne se soutient pas de quatre mots, mais d’un discours dont il faut noter qu’il fut d’abord confidentiel, et que son pas- sage au public ne permettait en rien 4 wh autre fanal de méme sous- cape dans le marxisme, de se laisser dire que !’ Autre de Lacan, c’est Dieu mis en tiers entre ’homme et la femme. Ceci pour donner le ton de ce que Lacan trouve comme appui hors de son expérience. Néanmoins il se trouve qu’un mouvement qu’on appelle struétu- ralisme, patent 4 dénoncer le retard pris sur son discours, une crise, j’entends celle dont Université et marxisme sont réduits 4 nager, ne rendent pas déplacé d’estimer que le discours de Lacan s’y confirme, et ce d’autant que la profession psychanalytique y fait défaut. Dont ce morceau prend sa valeur de pointer d’abord d’ot se fomentait une proposition : le temps de l’acte, 4 quoi nulle tem- porisation n’était de mise puisque c’est 1 le resort méme de son tamponnement. On s’amuserait 4 ponétuer ce temps par l’obstacle qu’il manifeste. D’un “ Direétoire ” consulté qui prend la chose 4 la bonne de s’en sentir encore juge, non sans que s’y distingue telle ferveur a prendre la fléche avant de prendre le vent, mais nettement déja telle froideur 4 ressentir ce qui ici ne peut qu’éteindre sa réclame. 26 DISCOURS A L’E.F.P. Mais de audience plus large, quoique restreinte, 4 quoi pru- dent, j’en remets Pavis, un tremblement s’éléve chez ceux dont c'est V’établissement, que le point que j’ai dit reste couvert pour €tre 4 leur merci. Ne montrais-je pas 4 ma fagon de sortie discréte pour ma “ situation de la psychanalyse en 1956 ”, que je savais qu’une satire ne change rien ? Comme il faudrait que changent ceux dont l’exetcice de la pro- position dépend au titre de la nomination de passeurs, du recueil de leur témoignage, de la sanétion de ses fruits, leur nom sicet Pemporte sur les /icet qui font pourtant, quels qu’en soient les que- madmodum, majotité aussi vaine qu’écrasante. On touche 14 ce qui s’obtient cependant de n’avoir pas tempo- tisé, et ce n’egt pas seulement que, frayée par ’émoi de mai dont s’agitent méme les associations psychanalytiques, il faut dire méme Jes étudiants en médecine dont on sait qu’ils pritent leur temps pout y venir, ma proposition passera haut la main un an et demi plus tard. A ne livrer, qu’a Voreille qui puisse en rétablir l’écart, les thémes, le ton dont les motifs se lachent 4 l’occasion des avis que j?ai sollicités d’office, ma réponse laisse, de P'avatar qui me fait soft, une trace propre, je ne dis pas 4 un progrés, je ne prétends 4 rien de tel, on le sait, mais 4 un mouvement nécessaire. Ce que je puis dénoncer concernant l’accession 4 la fonéion de psychanalyste, de la fonétion de V'influence dans son approche, de la simagrée sociale dans son gradu, de Vignorance qualifiée pour ceux qu’on porte 4 en répondre, n’est rien auprés du refus d’en connaitre qui du systéme fait bloc. Car on n’a qu’A ouvrir Je journal officiel dont l'association donne 4 ses ates une portée internationale pour y trouver, litté- talement décrit, autant et plus que je n’en peux dire. Quelqu’un m’a suggéré 4 relire ’épreuve de mon texte de préciser le numéro dont j’y fais référence, de ’International Journal. Je ne m’en donne- tai pas la peine : qu’on ouvre le dernier paru. On y trouvera, fit-ce 4 ce qu’un titre Pannonce de ce terme méme, Virrévérence qui fait cortége a la formation du psychanalyste : on y touche que c’e&t bien de lui faire enseigne qu’il s’agit. C’est qu’a n’emporter aucune proposition d’aller plus loin dans ces impasses, tous les courages, c’est ce que plus haut je laisse entendre, sont permis. a7 Autant 4 dire, quoique seulement depuis mai 68, de débats ronéotypés qui me parviennent de I’Institut psychanalytique de Paris. A la différence de l’Ecole ou se produit ma proposition, de ces endroits ne vient nul écho que personne en démissionne, ni méme qu'il en soit question. Pour moi, je n’ai rien forcé. Je n’ai eu qu’A ne pas prendre parti contre ma proposition 4 ce qu’elle me revienne elle-méme du floor, il me faut le dire : sous des formules plus ou moins bien inspirées, pour que la plus sire s’impose de loin 4 la préférence des votants, et que ’Ecole pat venir au jour d’étre allégée de ses empécheurs, sans que ceux-ci cussent 4 se plaindre ni de la solde ptise en son temps de leurs services, ni de l’aura gardée de sa cote. Je relis des notes qui me font reproche de cette issue, tenant la perte que j’en supporte pour signe d’un manque de sagesse. Serait-elle plus grande que ce qu’y démontre de sa nécessité mon discouts ? Je sais de la curieuse haine? de ceux qui d’autrefois furent empéchés de savoir ce que je dis, ce qu’il faut y reconnaitre du transfert, soit au-dela de ce qui s’impose de mon savoir, ce qu’on m’en suppose, quoi qu’on en ait. Comment l’ambivalence, pour parler comme ceux qui croient qu’amour et haine ont un support commun, ne serait-elle pas plus vive d’un sujet divisé de ce que je le presse de l’aéte analytique ? Occasion de dire pourquoi je n’ai pu longtemps mettre qu’au compte d’histoires le fait étonnant, 4 le prendre de son biais natio- nal, que mon discours fit rejeté de ceux-la mémes qu’eussent dai intétesser le fait que sans lui, la psychanalyse en France serait ce quelle est en Italie, voire en Autriche, od qu’on aille pécher ce qu’on sait de Freud | L’anecdote, c’est le cas 4 faire de ’amour : mais comment donc 1. Le croira-t-on : dans le cas dont je V’illustre dans Seilicet I, on a remis ga de la méme veine : soit une lettre dont on se demande par quel bout la prendre, de Pirré- pressible de son envoi ou de la confiance qui m’y est faite. Je dis : le sentiment de ma réalité y est conforme a Vidée qu’on se fait de la norme du cété en question, et que je dénoncerai en ces termes : la séalité eSt ce sur quoi on se repose pour continuer a réver. 28 DISCOURS A L’E.F.P. ce dont chacun dans le particulier fait sa régle, peut-il préter 4 cette inflation dans l’universel ? Que l’amour ne soit que rencontre, c’est-A-dire pur hasard (comique ai-je dit), c’est ce que je ne puis méconnaitre dans ceux qui furent avec moi. Et ce qui leur laisse aussi bien leurs chances, en long en large et en travers. Je n’en dirais pas autant de ceux qui contre moi furent prévenus, — quwils aient mérité de l’étre n’y changeant rien. Mais tout de méme ¢a me lave aux yeux des sages de tout attrait pour la série dont je suis le pivot, mais non pas le péle. Car Pépisode de ceux qu’on pouvait croite m’étre restés pas par hasard, permet de toucher que mon discouts n’apaise en rien Vhorreur de l’aéte psychanalytique. Pourquoi? parce que c’est Paéte, ou plutét ce serait, qui ne supporte pas le semblant. Voila pourquoi la psychanalyse est de notre temps Pexemple dun respeét si paradoxal qu’il passe imagination, de porter sur une discipline qui ne se produit que du semblant. C’est qu’il y est nu 4 un tel point que tremblent les semblants dont subsistent reli- gion, magie, piété, tout ce qui se dissimule de P’économie de la jouissance. Seule la psychanalyse ouvre ce qui fonde cette économie dans Vintolérable : c’est la jouissance que je dis. Mais 4 Vouvrir, elle le ferme du méme coup et se rallie au semblant, mais 4 un semblant si impudent, qu’elle intimide tout ce qui du monde y met des formes. Vais-je dire qu’on n’y croit pas 4 ce qu’on fait? Ce serait méconnaitre que la croyance, c’eSt toujours le semblant en atte. Un de mes éléves un jour a dit l4-dessus de fort bonnes choses : “on croit ne pas croire 4 ce qu’on fait profession de feindre, mais c’est une erreur, car il suffit d’un rien, qu’il en arrive pat exemple ce qu’on annonce, pour qu’on s’apergoive qu’on y croit, et que d’y croire, ¢a fait trés peur. Le psychanalyste ne veut pas croire 4 linconscient pour se fecruter. Ou irait-il, s’il s’apercevait qu’il y croit 4 se recruter de semblants d’y croite ? Linconscient, lui, ne fait pas semblant. Et le désir de P Autre n’est pas un vouloir 4 la manque. &) 2 Au cours des assises de’ E, F. P. tenues les 11 et 12 Janvier 1969 de texte suivant a été propost a la discussion par Ie jury d’ accueil et le directoire : Principes concernant l’accession au titre de psychanalyste dans I’Ecole freudienne de Paris L’Eicole freudienne de Paris a pour but de promouvoir le pro- gtts de la psychanalyse et d’assurer la formation des psychana- lystes. Elle confére le titre de psychanalyste 4 ceux de ses membres dont la qualification a été reconnue par le jury d’agrément ou par le jury d’accueil. Cette reconnaissance, qui engage la responsa- bilité de I’Rcole, est 4 mettre en rapport avec deux nécessités ordre différent : 4 Vintérieur de l’Ecole, d’une patt, il convient de qualifier ceux qui s’engagent, partant de leur expérience personnelle, 4 participer au travail d’élaboration doétrinale qui ne saurait étre dissocié de Vexpérience méme de l’Ecole. Le titre correspondant est celui d’“ analyste de PEcole ” (A.E.). au dehors, d’autre part, il appartient 4 l’Ecole de garantir VaGtivité professionnelle de ses membres quand elle est effedtive- ment psychanalytique. Le titre correspondant est celui d’ “ ana- lyste membre de Ecole ” (A.M.E.). Cette distin@ion n’est pas une hiérarchie. Elle prend a&e de Yorientation que les analystes donnent a leur pratique, comme de Vintérét qu’ils prennent 4 l’expérience de l’Ecole. 1, Le titre d’analyfte de l’ Ecole s'obtient du jury d’agtément, dont les fonétions se caractérisent ainsi : 1. Promouvoir au sein de l’Ecole les conditions petmettant dassurer le progrés de l’analyse didaétique, cruciale dans la théorie. 2. Constituer une communauté d’analystes préts a argu- 30 PROPOSITION A menter et 4 soutenir la cohérence des théses qui réglent leur tra- vail. Ainsi la fon@ion du jury d’agrément est-elle doublement consti- tuante : 4 l’égard de l’élaboration do@rinale de la psychanalyse didaétique; et 4 l’égard de la communauté des A.B. Toute candidature au titre d’analyste de l’Kcole constitue un engagement personnel de V’intéressé devant I’Ecole et devant la communauté des A.E, 4 laquelle il sollicite d’appartenir. Elle doit étre donc soutenue pat une demande motivée devant le jury d’agrément. En labsence d’une théorie suffisamment élaborée de Panalyse didaftique, et afin d’éviter larbitraire qui jusqu’ici en tenait lieu dans la nomination au titre de psychanalyste, le jury d’agrément a pour tache d’éclairer le passage qui permet au psychanalysant de devenir 4 son tour psychanalyste, c’est-A-dire la passe ob se résout une psychanalyse didaétique. La fon@ion du jury d’agrément est d’authentifier la ‘passe. Son existence a pour but de parer aux effets d’aliénation qu’en- gendre la réunion des dida@ticiens en un corps constitué. Aussi Je jury. d’agrément n’a pas seulement recours au témoignage du didacticien, mais aussi 4 l’assistance des passeurs. Les passeurs ne procédent pas 4 des nominations. Ils entendent Je candidat sur ce qui fonde sa demande et en portent témoignage auprés du jury d’agrément; celui-ci se trouve par 14 méme questionné sur les positions théoriques qui justifient la nomination ou Pajournement d’un candidat. Ainsi tout accés au titre d’analyste de l’Fcole, est-il d’abord contribution effefive au progrés de la théorie psychanalytique. 2. Le titre d’analyste membre de I’ Ecole (A.M.E.) est conféré par le jury d’accueil, dont la fon@ion es de garantir la capacité Peng seoanelle des psychanalystes qui se veulent relever de V Ecole, L’Ecole freudienne ne donne pour autant ni autorisation, ni interdi€tion d’exercer la psychanalyse. Elle laisse au psychanalyste sa responsabilité — qui ne saurait étre qu’entiére — au regard de Ja cure psychanalytique entreprise sous sa dire@ion : le psycha- nalyste ne s’autorise que de lui-méme. C’est 4 l’égard du dehors 31 PROPOSITION A qu’il fait état d’une garantie, sans qu’il ait pourtant a se référer 4 une quelconque autorité de PE.F.P. pout les initiatives et responsa- bilités d’ordre psychanalytique qu'il estime pouvoir prendre. Cette garantie est distin&te de Pappartenance 4 vBeole. L’accés au titre d’analyste membre de I’Rcole n’a pas besoin détre sollicité. La décision du jury d’accueil es prise 4 partir de ce qu’il sait de la pratique effe@tive de Vintéressé. En plus de accord de V’analyste dida@ticien, V'avis du ou des contrdleurs, les témoignages concordants sur la pratique du candidat constitueront les éléments essentiels d’appréciation pour le jury d’accueil. En outre, celui-ci tiendra le plus grand compte de la participation effeCtive de intéressé aux divers groupes de travail de PE.P.P. (séminaires, cartels...), cette participation pouvant éventuellement tenir lieu de travail écrit. 3. Recrutement des jurys. Les jutys se tecrutent selon les modes suivants, 4 titre transi- tionnel pour les trois premiéres années. Toute candidature implique qu’on souscrit aux principes géné- taux énoncés ci-dessus et qu’on est prét 4 tout mettre en ceuvre pour en assurer le bon fonétionnement. Le jury @’agrément : il est choisi parmi les A.E. et les A.M.E. qui s’y présentent. Six membres seront élus parmi ces candidats, par vote de Passemblée générale. Les six membres nommés pour trois ans seront senouvelables par tiers tous les ans par tirage au sort des sortants les deux pre- mitres années, et ensuite 4 Pancienneté et par élection des nou- veaux membres. Tous les votes se font par ordre préférentiel. Le direGteur fait partie du juty. Tout A.M.E. élu au jury d’agrément, devient de ce fait A.B. Les passeurs : le candidat au titre d’A.E. tirera au sort deux passeuts parmi des personnes proposées pat les A.E, (trois au maximum par A.E.), choisies parmi leurs analysants dans la passe, ou considérées par eux comme pouvant porter témoignage. Le candidat au titre d’A.E. aura la possibilité de titer un autre passeur si le choix du sort ne lui convient pas. 32 * PROPOSITION A La liste des passeurs sera revue tous les ans. Le jury d’accueil : PEcole ici se portant garante de la capacité professionnelle de ses membres, les candidats 4 ce jury seront choisis par le dire&teur parmi les A.E. et les A.M.E. en dehors des membres déja élus au juty d’agrément. Sur une liste de neuf membres, V’assemblée générale en choi- sira six pat vote préférentiel. Le direCteur fera partie de ce jury. Les six membres, nommés pour trois ans, sont renouvelables par tiers tous les ans, par tirage au sort des sortants les deux pre- mires années, puis a l’ancienneté et par élection des nouveaux membres au vote préférentiel. (19 décembre 1968) (texte dit par la suite : proposition A) Les débats engagés a propos de ces “ Principes ” devaient aboutir a un vote de l’assemblée générale convoguée quinze jours plus tard, les 25 et 26 Janvier 1969. 33 Certaines prises de position on explication de vote ont été exprimtes dans des textes, diffusts avant Dassemblte gintrale. Nous les reproduisons ci-aprés. Parmi ceux-ci les deux propositions désignées par les lettres B et C, ont dit retenues pour le vote en plus des “ Principes concernant I’ accession au titre de psychanalyste”? (constituant la proposition A maintenue sans changement). Le juty d’accueil 4 Passemblée générale des 25-26 janvier 1969 Les derniers débats ont eu le mérite d’éclaircir non pas la différence qui nous sépare de ceux qui ont pris la parole pour critiquer la proposi- tion du 9 o€obre, mais la représentation fausse et fallacieuse qu’ils se font de cette opposition. Car il ne s’agit pas de deux conceptions équivalentes de ce que l’ana- lyse fait en conduisant une analyse destinée 4 former un autre analyste. Mais, il y a, d’un coté, une proposition qui dit d’od part l’analyse et o& elle va, et qui, ce faisant, introduit quelques termes nouveaux qui n’ont aucun sens en dehors de ce discours, et, de l’autre cété, un usage pure- ment capricieux de ces termes une fois introduits, puisque chacun se dépense & nous dire comment il congoit “ la passe”, of il Ia situe, ce qu’il entend en faire, sans nous dire quelle est sa conception du procés analytique. Il y a la une naiveté qui est du méme ordre que celle qui con- siste 4 nous rappeler que I’Ecole “s’autorise de Freud ”, tout en oubliant que la question, expressément posée par Lacan depuis vingt ans, est de savoir ce qu’on fait quand on s’en autorise. En effet, le malheur, si cela en est un, veut que celui qui met en circu- lation un terme nouveau, ne peut pas, quelle que soit son adresse, voire son dévouement, nous donner dans le méme paquet tout le travail de pensée qui en fait la nécessité et détermine l’usage. De ce travail on ne veut rien savoir, mais on veut bien contredire. On en vient 4 se demander s'il e& seulement possible de manier (ce qui ne veut pas dire codifier) avec quelque rigucur un terme analytique, méme dans une communauté d’analystes. Hélas, il semble méme qu’on ne tarde pas 4 le censurer quand Toccasion s’y préte. On n’a pas hésité 4 remarquer que ce mot “ la passe ” ferait s’esclaffer 34 LE JURY D’ACCUEIL d’autres gens que nous, ce qui prouve qu’on en a retenu toutes les signi- fications possibles sauf celle qui est en jeu ici. L’aurait-on retenue, on ne se serait pas arrété a des ironies si faciles. Car s’il y a une chose 4 respeéter, c’est bien ce moment de la passe ot, toutes les idéologies ayant fait long feu, c’est P’idéal lui-méme qui s’avére défaillant, o8 étre vacille. La question est donc de savoir si le choix de ce mot reléve d’une lubie, et si sa signification est tellement indéterminée, au point d’autoriser Pignorant 4 s’en servir comme bon lui semble. Ne s’apergoit-on pas qu’a ne considérer analystes et analysants que comme des personnes, on oublie que Panalyste lui-méme n’est que l’abou- tissement de ce qu’il aura été comme psychanalysant ? que toute institu- tionnalisation de leurs rapports qui se fonde sur une classification préalable ne fera, quelle que soit Ja hauteur de nos-idéaux personnels, qu’organiser ’imaginaire de ces rapports, c’est-a-dire la prestance et Vintimidation, aussi bien que Ia ruse et la confusion des langues ? que par conséquent, toute institutionnalisation ratera son but, si elle ne commence par re-situer le grade dans le gradus méme, c’est-A-dire le passage qui va du psychanalysant 4 l’analyste. i: Ce passage comporte un moment problématique que nous désignons comme “ passe ”, dans la mesure ot V’analyse est une opération que le psychanalyste méne, non pas n’importe ob, mais vers un terme qu’on définit mensongérement, si on ne le définit pas avec Jacques Lacan comme désétre. Il est nécessaire, il est méme urgent, que ceux qui sont a@uellement en formation dans I’Ecole ou entendent lui confier cette formation dans Vavenir, le sachent. C’est ce qui justifie pleinement Ia publication dans notre revue, Scilicet, (Tu peux savoir), de la partie théorique de la pro- position de Lacan. On lui en a fait le reproche, Pourquoi ? Qu’a-t-on donc 4 promettre 4 ceux dont on prend la formation en charge ? Rien n’excuse ici le silence, et toute excuse cache mal la défaite. Car la question est de savoir si PEcole, c’est-a-dire ses analystes, peuvent s’égaler a Ja tache principale qu’ils ont pris en charge : la formation des analystes, ou si celle-ci doit toujours rester I’affaire des “ Béatitudes ”. Cette formation, nous avons essayé de la débarrasser de toutes les méconnaissances qui en font ailleurs une véritable déformation. Nous avons supprimé tout ce qui permettrait son assimilation 4 une promotion universitaire ou sociale. Nous avons laissé a Panalyste formé par I’Ecole des responsabilités et des pouvoirs que les autres sociétés lui épargnent. Nous Pavons fait non pas par libéralisme, ou parce que nous tenons comme un credo que “ le psychanalyste ne s’autorise que de lui-méme ”, 35 LE JURY D'ACCUEIL mais parce que ce principe ne fait, selons nous, qu’entériner Je fait que Panalyste est seul maitre 2 son bord, qu’il le veuille ou non, Méme ‘il est croyant, il doit en tant qu’analyste, comme I’a noté Lacan, lacher ce recours : on ne voit pas l’analyste prier pour son patient. Par conséquent, Ia formation de l’analyste ne saurait avoir d’autre sens que de le préparer ace fait. Il faut croire que notre effort a rencontré un trés large assentiment. Car 4 V’exception d’une objection de F. Perrier a laquelle il ne fut pas difficile de répondre, personne n’a trouvé rien a redire concernant l’accés au titre A.M.E. Il y a la un point de acquis de Lacan et nous vous | prions, avant de vous prononcer, de mesurer la portée 4 proprement parler révolutionnaire de ce qui s’est introduit avec la proposition du 9 oftobre 1967 comme rénovation. Mais vous devez surtout prendre en considération ceci, qui constitue A nos yeux Pessentiel : tant que l’analyste se refuse A mettre a l’épreuve ce qui jusqu’a présent est seulement sa prétention, 2 savoir que sa pra- tique teléve d’une discipline scientifique, la formation de Vanalyste seta toujours suspette ; tant que la question de la fin de Panalyse reste entourée de myStére, la formation de l’analyste aura le caraétére d’une promotion mystique, et cela quels que soient nos efforts par ailleurs. D’od la nécessité d’un travail d’élucidation qui sera l'apport spéci- fique et, en ce sens, essentiel de Ecole, Cette élucidation ne peut se faire par les seuls moyens d’un dialogue entre analystes, toujours inef- ficace faute d’étre contrdlable par une expérience acceptée d’un commun accord. Grice & la proposition nous pouvons maintenant éviter ce défaut. Ici, ne nous hatons pas de nous mettre 4 la place des futurs interlo- cuteurs, candidat et passeur, pour nous livrer 4 une imagerie qui s’au- torise d’une “ expérience ”” qui est justement ce que nous voulons mettre en cause : “ On sait ce qui atrive quand on parle de son analyse avec des amis... etc. ”. Une telle hate est exronée, parce qu’il n’y a pas lieude identifier avec ce qui n’existe pas encore, et parce que lorsqu’il exis- tera, le passeur ne sera pas forcément “ V’ami ” et encore moins le “ p’importe qui” avec lequel on s’identifie si aisément pour le recracher. Pourquoi ne pas songer que ce passeur seta par exemple un analyste qui a déja derriére lui une bonne expérience, qui suit une “ tranche ” et qui s’y trouve amené au point ot il s’apergoit que quelque chose a &té touché en lui qui n’avait méme pas été effleuré au cours de sa pre- miére analyse ? S’il y touche en lui-méme et mesure par 14 ce que cela entraine pour lui d’une profonde remise en question, pourquoi n'y serait-il pas sensible chez autrui ? Cet exemple n’a d’autre ambition que de faire entendre que la désignation des passeurs est une question qui LE JURY D’ACCUETL appelle et a déja appelé de notre part une réflexion responsable. Cela suffit-il 4 apaiser les craintes ? Car il y en a de toutes sortes, tant pour Yanalysant que pour l’analyste — et non sans que ce soit souvent le méme qui les exprime. Ne convient-il pas, avant de s’abandonner 4 Ja crainte que l’analyste ne s’égare dans son choix par des préférences incontrdlables “ contre- transférentielles ”, de nous dire quels sont les analystes qui inspirent de telles craintes ? Et s’il est plus commode de parler de l’analyste en général, reconnaissons du moins que ce n’est pas en lui retirant une responsabilité que nous nous mettons 4 Pabri de son égarement a le laisser simplement analyser. “ Mais le pauvre psychanalysant, ne risque-t-il pas, lui, de voir dans sa désignation comme passeur le signe d’élection od il s’aliénera a jamais ? Son analyse ne risque-t-elle pas de s’immobiliser dans l’attente du jour de gloite ot il sera nommé passeur >” Nous avouons ici notre étonnement que des analystes qualifiés puissent partager de telles ctaintes, alors que c’est leur métier que de savoir les faire traverser. On ne saurait sans abjection s’y remparder pour condamner la propo- sition du 9 octobre comme anti-analytique. Car si nous préconisons le retour A celle-ci, c’est parce qu’A Ia suite de Lacan, nous reconnaissons, nous autres, quelles sont nos limites : elles sont celles mémes du savoir analytique comme tel. Supposons en effet que Panalyste soit en mesure de certifier que analyse a été menée jusqu’A son terme, c’est-A-dite jusqu’A la recon- naissance par l’analysant de Vobjet qu’il était au-dela de ses dires. Et bien, c’est justement & ce moment-lA que l’analyste est véritablement dans une position d’ignorance qui lui interdit des appréciations qui ne seront jamais, selon l’expr-csion de S. Leclaire, que des pése-personne. Une certaine saturation 4 ce isolée. Mais qu’en est-il du rapport du candidat 4 une refente dont le maintien exige toute la discipline d’une “ dofte ignorance ” ? L’analyste n’en sait rien; et nul n’est mieux indiqué qu’un autre analysant lui-méme dans la passe, pour qu’a travers son témoignage quelque écho nous patvienne de ce champ. L’analyse dégage une ouverture que les supports identificatoires de Vinstitut ne sont pas seuls 4 lui donner occasion de refermer et il ne suffit pas de rompre avec les usages hiérarchiques pour assurer une formation saine de l’analyste. Encore une fois, et sur ce plan décisif de Pinstitutionnalisation, la différence n’est pas celle qu’on imagine. Elle n’est pas entre ceux qui veulent supprimer hiérarchie et privileges et ceux qui les ré-introduisent. Car serions-nous des millions 4 constituer une seule classe qui se désigne par une seule lettre, que nous serions des millions d’imposteurs également accrochés a un privilége fi@tif. 37 LE JURY D'ACCUEIL Le maintien de la fiGtion du sujet supposé savoir est contraire 4 Véthique de la psychanalyse, sur laquelle nul compromis n’est possible avec quelque revendication ou slogan idéologique que ce soit. C’e& pourquoi, outre le travail de formation qu’elle fournit comme les autres sociétés et ot, contrairement 4 usage de ces sociétés, tous ses | analystes sans distinétion peuvent participer, Ecole se propose un autre travail sans lequel cette formation est boiteuse, travail qu’elle sera, 4 ’heure a@tuelle, seule 4 fournir. Et la question que votre vote tranchera est celle-ci : est-il possible de réaliser une institutionnalisation qui vise expressément 4 démontrer ce qui jusqu’a maintenant a toujours été le ciment aussi invisible qu’omniprésent de tout groupe social. Cest déja cette visée qui nous a amené A poser que l’analyste en for- mation doit devenir analyste sans qu’il ait 4 en demander Vautorisation : au cours de cette formation dont les temps et les champs sont multiples (analyse dida@ique, analyses de contréles, pratique personnelle, parti- cipation aux cartels etc.) il fera ses preuves ou pas. S’il les fait, ’Ecole le reconnaitra comme analyste dont la pratique reléve de sa formation en lui donnant le titre A.M.E. Une demande adressée 4 V'Ecole ne peut donc qu’aller au-deld. Si Vanalyste ne se contente pas dune fonéion dont les responsabilités sont déja assez grandes, il peut demander la collaboration dans le travail @élucidation propre A VEcole, également proposé 4 tous. Encore faut-il s’assurer qu’il ne s’agit pas que d’un mécontentement mais que le désir y est. Ce & quoi répondent les critéres d’appréciation d’une candidature au titre A.E, — critéres auxquels le candidat ne saurait se soustraire puisqu’ils sont Papplication de Pexpérience méme a laquelle il dit s’intéresser. Le pourquoi de ces deux titres, dont la Proposition a radicalement renouvelé le sens, ne réside désormais que dans le pourquoi des fonc- tions auxquelles ils répondent. Ceux qui, dans la crainte des effets de fascination qui peuvent se pro- duire 4 Vavenir, n’attendent pas cet avenir pour les ressentir, mais réclament d’ores et déja “ un seul titre pour tous ”, doivent dorénavant dire quelle est la fonétion qu’ils nous demandent de supprimer. Ces pourquoi le texte intitulé “ Principes de l’accés aux titres A.M.E. et A.E. dans l’Ecole” est maintenu par le jury d’accueil sans changement. Le jury Paccueil (Texte de M. Safouan. Ont contribué a laréda@tion : DrRoland Broca, Muriel Drazien, Dr Claude Dumézil, Andrée Lehmann, Dr Thérése Parisot.) 38 PROPOSITION B Proposition concernant la garantie de formation dans l’Ecole freudienne de Paris: proposition B Le passeur. S’engager dans la passe, c’est s’offrir 4 porter une demande, celle de voir reconnaitre une formation analytique par l’Ecole. Cet afte expose Je passeur 4 ce que sa demande soit entendue par un “ jury ” d’analystes sollicités en tant que tels. Désirer entrer dans la passe, c’est se donner le moyen de savoir aprés- coup si “ je ” l’étais, cette passe. De méme que rien ne permet a un analyste de savoir au préalable si un sujet peut entreprendre ou non une psychanalyse, car c’est V'issue d’une telle demande dans le procés de Yanalyse qui lui permettra d’en rendre compte, de méme l’analyste ne peut de lui-méme engager le sujet dans la passe sans par cet afte substituer a la demande du passeur la sienne propre. Rien ne lui permet de savoir si un sujet eff dans la passe, puisquec’est'aprés-coup del’épreuve ici engagée qui constitue le corps de son savoir. Quant a ce qui s’indiquerait d’une résolution de l’analyse du passeur dans ce qui vient en jeu de son désir d’étre analyste, son psychanalyste moins qu’un autre ne peut en savoir quand il s’agit pour lui de son “ tre”, c’est-A-dire quand “ dans ce désétre se dévoile V’inessentiel du sujet supposé savoir ” (proposition du 9 o¢tobre). C’est pour garantir ouverture essentielle a la psychanalyse qu’est ce rapport 4 la vérité que Vanalyste maintient le suspens de son savoir. Aussi le choix du passeur par son analyste aboutirait 4 faire entendre par le jury la demande de lanalyste, celle dans ce cas d’étre reconnu dida&icien, Si tout passeur ne peut s’autoriser que de lui-méme pour sa demande, “ Pou pourrait étre attendu un témoignage juste sur celui qui franchit cette passe, sinon d’un autre qui, comme lui, l’est encore, cette passe ” (proposition du 9 ofobre). Celui qui se déclare dans la passe s’expose ainsi a porter la demande d’un autre postulant pour ce qu’il en témoi- gnera au plus juste, méme 4 son insu, devant un jury d’analystes. Tl cn découle que le passeur se déclare 4 l’Ecole et choisit ceux qui témoigneront de sa demande parmi ceux qui comme lui s’y seront 39 * PROPOSITION B offerts. Il est ainsi paré aux effets d’aliénation que supporterait Panalyste du passeur d’avoir A étre partie prenante dans une nomination. Le jury. L’énonciation de cette demande doit pour pouvoir étre entendue s’adresser a un “ jury ” d’analystes reconnus et sollicités comme tels pat celui qui parle, soit le passeur choisi par le postulant. C’est lui qui de son choix constitu le jury. Il s’expose par cet aéte 18 méme ot il est pris sans qu’il en sache rien, car il vient 1A comme éfant la parole de celui dont il porte la demande. De méme il se retrouvera coupé de l’étre de sa parole quand sa propte demande sera énoncée par un autre. Crest a ce prix que les analystes réunis en jury sont mis en position de rendre compte des signifiants de la passe, qu’il est mis chaque fois a Pépreuve ce qu'il en est du désir d’étre analyste et de ses effets. C'est la condition qui permet d’assurer le progrés de la théorie quant 4 la formation de Panalyste. Accepter de faire partie d'un tel jury signifie donc simplement qu’on s’offre 4 y tenir la place d’un psychanalyste, et tous ceux qui sont re- connus comme tels par Ecole y sont de ce fait exposés. Que chaque psychanalyste de I’Ecole puisse étre appelé a faire partie du jury d’agré- ment a aussi pour conséquence de parer aux effets d’aliénation qu’en- gendrerait la constitution d’un corps de dida@ticiens. (Les analystes du jury se réferent 4 ce qui témoigne du travail effectué par le postulant dans le ou les groupes de travail et de contréle collectif dont il fait partie. La participation 4 ces groupes étant instituée par ailleurs comme le seul mode d’entrée dans ’Fcole. Ils s’y référent pour la raison que tout travail dans ce cadre leur était d’ores et déja adressé en tant que psychanalystes dans I’Kcole.) Pour entreprendre une psychanalyse, pour s’engager dans la passe, pour se dire analyste avec un autre, nul ne s’autorise que de Ini-méme. Mais, pour en rendre compte et garantir une formation, I’Ficole ne peut autoriser que de la théorie freudienne. Le postulant se déclare 4 1’Fcole, il désigne un ou plusieurs passeurs parmi ceux qui comme lui s’y sont offerts. Les passeurs constituent un jury en désignant chacun un ou plusieurs analystes parmi ceux qui s’y sont offerts en étant reconnus comme tels pat I’Ecole. Ainsi la théorie psychanalytique se trouve étre le meilleur garant de la formation a une pratique freudienne et le seul exigé par PEcole. L’Bcole garantit une qualité sans prendre 4 son compte la demande d'un titre, le titre étant ce qui se négocie de la formation dans les ins- titutions sociales o& Panalyste va exercer sa pratique. Elle met ainsi dans le champ de son étude et de sa théorie Valiénation du psychana- 40 PROPOSITION C lyste dans sa pratique, soit le rapport du sujet de la science 4 Paction de la struture sociale. (Groupe de travail réuni le 14 janvier 1969. Ont contribué : R. Lan- det, L. Mélése, P. Alien, J. Mouchonnat, R. Zygouris, J. C. Razavet, J. Attié, C. Duprat, F. Hofstein, R. Gosset, H. Lawrence-Friedmann, Etaient aussi présents A. L. Stern, P, Benoit, B. This et C. Jeangirard, quiont entendu ce texte et proposent de le faire circuler, ainsi que Mme Montrelay.) Proposition présentée par A.T. Abdouchéli: proposition C I. PREAMBULE L’auteur de cette proposition ne fait partie d’aucun groupe ou grou- puscule et n’est mandaté par personne d’autre que Iui-méme. Il a cons- cience de n’avoir personnellement contribué en rien a l'état de mor- cellement et de paralysie qui est a€tuellement celui de l’Ecole. Si cet état devait se prolonger ou s’aggraver, toutes sortes de conséquences facheuses ne manqueraient pas d’en advenir, en premier lieu pout ce qui concerne les analystes en formation dont Ie désarroi est d’ores et déja évident dans certains cas. Or, il apparait au bout de deux jours de discussion qu’un accord devrait pouvoir étre trouvé sur les bases suivantes. 1. La théorie de Jacques Lacan sur la “ passe ” constitue un apport capital dont la mise a ’épreuve s’impose, & condition que les modalités et le climat de l’expétience ne soient pas de nature 4 en fausser les résultats. 2. [existe une indiscutable réserve (pour s’exprimer avec mesure) au sein de l’Ecole & l’encontre de tout ce qui, 4 tort ou A raison, viendrait évo- quer une Aiérarchie basée sur des titres et aboutissant, quelles que soient Jes intentions premiéres, 4 rectéer l’équivalence d'une liste de “ di- daéticiens ””. Quand bien méme cette opinion ne serait pas fondée, elle doit étre ptise en considération car son extension lui confére un effet de fascina- tion imaginaire résistant A toutes les dénégations et propre A engendrer les pires effets de leurre. Il faut bien dire d’ailleurs, qu’en reprenant des termes (A.E, et A.M.E.) déja chargés d’une signification hiérarchique 4l PROPOSITION C dans notre Ecole, ta proposition du 19 décembre n’a rien fait pour dissiper les appréhensions dans ce sens. I serait, je crois, plus franc @admettre que si Jacques Lacan a tenu A ce que le titre d’analyste de PEcole soit attribué 4 ceux qui pourront témoigner de leur passage de Panalysant 4 Panalyste c’est, 4 mon avis, pour qu’on soit stir qu'il y ait, comme il ’a souvent dit, au moins wm analyste dans l’Ecole, c’est-a-dire un sujet-analyste qui comme tout autre sujet a besoin de deux signi- fiants pour étre, soit un A.E. pour un autre A.E. Il y a [a une objeétion théorique considérable 4 toute manipulation intempestive de sa proposition, ce dont je me garde absolument. 3. Nous croyons qu’en ’état altwel des choses et compte tenu de I’hos- tilité latente ou manifeste d’une grande partie de Ecole freudienne soit au principe de lexpérience proposée, soit & ses modalités pratiques (passeurs), soit 4 sa sanftion pour un titre particulier, la proposition du 19 décembre, malgré le vif intérét qu’elle présente, ne pourrait qu’aggraver la situation régnant dans I’Ecole si elle était maintenue (cela quel que soit son sott), et ne pourrait aboutir 4 aucun résultat pra- tique décisif si elle était appliquée. Tout cela, une fois de plus, sans préjuger de l’avis personnel de Pau- teur de ces lignes quant au fond méme de la proposition du r9 décembre. HI. PROPOSITION L’assemblée générale Considérant 1. L’urgence de trouver une solution acceptable par le plus grand nombre pour que l’Ecole puisse remplit sa fonfion en ce qui concerne ta qualification d’analyste. 2. L’intérét de la proposition initiale de Jacques Lacan mais les difficultés pratiques d’application qu’elle rencontre dans immédiat, 3. Le ptincipe admis par tous du refus Pune hiérarchie qui serait fondée sur des titres parmi les analystes reconnus par I’Ficole. 4. Qu’il est “ indécidable ” 4 ’heure a€tuelle s’il y a ou non un seul analyste dans Ecole. Propose 1. Que tous les analystes a@uellement reconnus par I’Ecole ne portent dés a présent et jusqu’a nouvel ordre que le seul titre d’analyste membre de l’Ecole. 2. Que soient créées pour une période transitoire de quatre ans une commission de qualification et une commission d’étude. PROPOSITION C a) La commission de qualification — remplacera les a€tuels jurys d’accueil et d’agrément, — sera formée de neuf membres tirés au sort parmi les A.M.E, qui se porteront volontaires, — sera renouvelée par tiers chaque année selon la méme procédure, — pourra s’adjoindre titre provisoire ou pour un an renouve- lable, telle ou telle personne non tirée au sort, sans que le nombre de ces personnes puissent excéder trois a la fois, — fera comparaitre devant elle les candidats analystes selon les mo- dalités en vigueur habituellement (choix par le candidat de deux ou trois membres de la commission), — entendra les contréleurs et, si elle le désire, ’analyste du can- didat, — décidera ou non d’accorder le titre d’A.M.E. sans que cette décision signifie autre chose que la garantie minima que la société es en droit d’attendre d’un analyste, Elle ne prouve rien quant 4 la valeur de analyste, ni quant a Ja terminaison effective de son analyse dida@ique. b) La commission d’étude — sera chargée de mettre 4 l’épreuve la théoric de Jacques Lacan quant a la “ passe ” et a la fin de Panalyse didattique ainsi qu’A ses suites bventuelles, — elle seta formée de Lacan, des membres de l’aétuel cartel, consacré 4 l’analyse didaétique ainsi que des analystes membres de V’Ecole capables de regrouper sur leur nom les deux tiers au moins des suffrages du collége des analystes membres de l’Ecole, sans que _ Je nombre total des membres de la commission puisse dépasser douze, — elle ne sera pas renouvelée pendant les quatre ans de son fonc- tionnement sauf en cas de défeétion d’un de ses membres par démis- sion ou décés. Il sera alors remplacé par un des analystes membre de PBicole capable de réunir au moins deux tiers des suffrages de ses collégues, — elle n’aura aucun pouvoir, ne décernera aucun titre et ne for- mulera aucune recommandation, — elle sera ainsi en mesure de colleGter par tous les moyens qui lui paraitront appropriés, y compris les passeurs si elle le juge bon, Je maximum de renseignements concernant les fins d’analyse didac- tique en cours, ou déja terminée depuis plus ou moins longtemps. (Iserait souhaitable que les membres de cette commission témoignent devant elle de leur propre expérience a ce sujet.) Tous les A.M.E. seront instamment priés d’aider la commission dans 43 POUR LA DISCUSSION son travail en apportant leur témoignage étant bien entendu que rien ne les oblige 4 le faire, sauf Pintérét de la psychanalyse. Au terme de ces quatre ans d’attivité, elle devra déposer un rapport sur les résultats de son enquéte. Ce rapport devrait pouvoir aider 4 dissiper une partic du mystére qui régne sur les fins des analyses didaGtiques et leurs suites. Il devrait aussi constituer un début de mise 4 l’épreuve de la théorie de Jacques Lacan et permettre 4 de nouvelles assises de I’Ficole de promouvoir enfin la ligne de conduite cohérente et acceptée pat le plus grand nombre quant aux critéres de formation des futurs analystes. ADDITIF Je suggére, en marge de ma proposition que l’aétuel comité d’accueil teste en aétivité pendant le temps qui lui sera nécessaire 4 Y'expédition de la masse de dossiers constitués ces dernitres années pat les candidats en instance de reconnaissance et dont elle a déja eu 4 connaitre les cas, avec suffisamment d’éléments pour étre en mesure de Statuer sur eux. Propositions pout la discussion (J. Aubry, D. Bordigoni, J.-L. Faure) Sur la maniére dont J. Lacan a introduit une théorisation possible de la fin de Vanalyse “ pure ”, dite dida@tique, il semble qu’aucune objeétion sérieuse ne se soit élevée, et que beaucoup y aient reconnu un cadre ajusté 4 leur expérience. Sur les modalités permettant d’en attester, nous soumettons a la discussion les suggestions particulitres suivantes : le “ passage”, mouvement essentiel pout le “ devenir analyste ” n’est pas forcément la terminaison du temps de l’analyse (a juger pat Yanalyste), surtout lorsqu’existait une struture névrotique de quelque yrtance. — que Ja fonttion du “ passeur ” comme témoin privilégié n’est pas contestée, pour autant qu’elle évite a Ja fois avis unique de Panalyste (mal placé dailleuts pour donner le “‘ feu vert ” puisque c’est justement ce que lui demande J’analysant — demande a interpréter) et la compa- POUR LA DISCUSSION rution du “ candidat ” devant un jury, avec ses effets habituels d’inhi- 1 bition ou de défense et de prestance. — que, par contre, /a désignation du“ passeur” par son analyste peut poser probléme quant 4 la fin de sa propre analyse, et que, a ce titre, il vaudrait mieux définir précisément le “ passeur ”” comme un membre de PEcole (afin qu’il soit déja informé) se proposant de lui-méme (ce qui viendra évidemment a étre examiné dans son analyse) pour un ser- _ vice & rendre (dans lidéal une seule fois) qui ne constitue aucune pro- motion; sans exclure la possibilité que la fonétion de “ passeur ” soit éventuellement remplie seulement dans l’aprés-coup de ce qui a été vécu comme “ passage ” (assez récent cependant) et qui devrait étre alors examiné par cet éventuel “ passeur ”’ avec son analyste. — que Panthentification du“ passage” par un jury élu et les “ passeurs ”” est pour l’instant une expérience (non-obligée ? c’est 4 discuter) qui, si elle s’avére 4 usage valable, pourrait devenir une étape essentielle de Ja qualification, pour tous peut-étre, en tout cas spécialement pour ceux qui souhaiteraient devenir analystes de l’expérience méme de l’Ecole; mais sans qu’on cesse de mettre en question cette procédure d’authen- tification du “ passage ”’ et sans qu’on en fasse, du moins, avant expé- rience suffisante, une voie unique dans le mouvement de I’Ecole, il est sans doute important de ne rien figer et de laisser ouverte la possi- bilité de voies différentes, méme simultanément. | — que, en ce qui concerne /*habilitation comme psychanalyfie, probleme concret et urgent au regard d’une responsabilité sociale de ’Ecole et d’une réponse 4 donner 4 ceux qui exercent ou vont exercer le “ mé- tier ” surgi dans une société (a la condition justement qu’ils sachent ne pas faire ce qu’ils ne sauraient pas faire), la voie a suivre est inévitable- ment, dans PaGuel et pour autant que I’Ficole donne sa garantie, celle dune appréciation par un jury (élu) qui doit s’éclairer par tous les moyens 4 sa disposition, et spécialement par l’avis des analystes “‘ con- trdleurs ” auxquels une cure aura été référée par le candidat : 4 la condi- tion que la pratique de Ja “ cure référée A un tiers ” ne soit pas, de l’avis méme des analystes “ contréleurs ”, une routine destinée 4 obtenir un titre, mais réponde 4 une demande authentique, c’est-a-dire 4 une difficulté ressentie dans Vexercice de la cure et 4 une acceptation de remettre en cause analytiquement une pratique. — que, enfin, dans I’Ecole, on tienne pour distin@s & titre de psycha- nalyéte (qui est unique, définitif, ct ne saurait comporter une hiérarchie _ quelconque) et /es fonffions exercées pour un temps soit a titre hiérar- chique (direteur, direétoire, jurys) 4 la suite d’une investiture éleGorale, soit par engagement dans une responsabilité particuliére telle que celle d’élaboration théorique assignée aux analystes de l’expérience de 45 DISCOURS CRITIQUE PEcole; ceci afin d’éviter la fascination du titre, toujours existante quoi qu’on fasse s’il existe une gamme, et de ne fonder une hiérarchie que sur les charges réellement assumées (ce qui ne veut pas dire que ne soient pas 4 définir des conditions minima pour P’éleétion a ces charges : par exemple d’étre déja engagé comme analyste de l’expérience de Ecole pour appartenir 4 un jury d’authentification, ou d’avoir une expérience suffisante pour appartenir 4 un jury d’habilitation...). Petit discours critique sur une utilisation possible de PE.F.P. (Docteur Jean Oury) La “ psychanalyse ” telle qu’elle apparait dans la société globale est une Struéture aliénée de Pordre du féfiche. Le fait qu’elle n’est pas centrée sur la thérapeutique entraine des détournements frauduleux qui Pim- miscent dans des champs obscurantistes allant de Pantipsychiatrie en, passant par l’antinosographie, Vantimédecine, aboutissant chez cer- tains zélateurs 4 un rejet pur et simple de tout ancrage dans la réalité. Mais c’est de cette réalité que le psychanalyste tire sa substance et sa subsistance. De s’écarter tant soit peu de cet ancrage nous méne insen- siblement dans les marécages de la culture ot, paradoxalement, les psy- chanalystes grossissent l’armée des contempteurs de l’antipsychanalyse. Le tragique est qu’ils ne savent pas qu’ils sont dans l'imposture, leur brillance aveuglant’les autres, ceux qui sont dans les lieux od pourrait émerger la parole freudienne, jointure de la folie et de Ja vérité. Il en résulte que toute société psychanalytique est devenue outil d’oppression, renforcant Valiénation et la ségrégation. Il me semble que P’Ecole, telle que la concevait Lacan, était quelque chose qui s’efforcait d’exister comme antisociété, afin d’échapper & cet usage obligé d’une consommation oppressive. Depuis plus de vingt ans, je vis enfermé jour et nuit avec ce qu’on n’ose plus appeler des fous, l’'usage de ce mot s’étant éparpillé dans une intelligentzia un peu maniérée, Cet “ enfermement ” articulé avec des milliers de personnes souffrant de cette drdle de “‘ maladie ” m’a tou- jours semblé le point le plus ouvert, le foyer le plus ardent de ce qu’on appelle encore une désaliénation (au sens social du terme), lieu privilégié de ce qui est 4 préserver de toute ratiocination technocratique ou psycho- sociologique, V’entrecroisement, Vintégration de ces deux grandes figures, combien trahies de Marx et de Freud. DISCOURS CRITIQUE Ce rappel succin& me semblait nécessaire pour mieux éclairer les quelques réflexions qui suivent. Qu’ai-je a faire avec I’Fcole ? Question a peine ébauchée. Tout ce que je sais, c’est que j’y suis parce qu’il y a Lacan et son travail. Travail, 4 mon avis, gigantesque de dé- chiffrement et de mise en logique. Depuis toujours, aidé par ce que je pourrais appeler une cure de “ déniaisement ”, j'ai cherché a exploiter au maximum ses grilles de traduétion, les Equations qu’il n’a cessé de nous proposer. Non pas simplement afin d’en vérifier ’homogénéité, mais afin de m’en servir dans ce champ éminemment psychanalytique que repré- sente par exemple ce que j’ai appelé le “ colle&tif ” de PHépital. Je tiens 4 redire encore — ce que j’avais essayé d’articuler lors de la réunion du 29 juin 1964 — que je ne peux pas admettre la distin@ion entre “* psychanalyse pure ” et “ psychanalyse appliquée ” (ce qui entrainait Tisolement de la premiére et de la deuxitme seétion de l’Ecole). Ceci pour beaucoup de raisons, basées entre autres sur la critique que j’ai toujours formulée d’une certaine délimitation du champ de la psycha- nalyse. Cette délimitation n’est pas explicitée suffisamment. Régne ici, encore, une forme d’habitude professionnelle relevant de la défense dune caste, entretenant une forclusion des racines de la “ pulsion ” les plus profondément inscrites dans le “‘ social ””. Je dénonce donc ici une certaine “ misére de la psychanalyse ” (qui n’a tien 4 voir avec une quelconque “ psychanalyse de la misére ” !). Il me semble simplement utile de souligner un scotome central de la psychanalyse telle qu’elle se fait qui entraine une méconnaissance d’un champ immense ov ily a, dans la conjonéture actuelle, de plus en plus de futurs “ psychanaly- sants ”. Le champ dans lequel nous vivons, celui que j’esquissais tout 4 Vheure, fourmille de futurs “ psychanalysants ”. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils le seront. Car, si pour reprendre Paphorisme bien connu que le psychanalysant produit le psychanalyste, il faut bien se souvenir que cette opération ne peut se réaliser que si le psychanalyste en fournit le cadre. Je et 7 le cadre a&tuel ne répond pas du tout 4 la grande variété des demandes et que le risque, dans cette diale@ique implacable, est de perdre pour longtemps la notion méme de psycha- nalyse : car sans psychanalystes, pas de psychanalyse. C’est cet aspe& tragi-comique qui me fait craindre que le probléme de la “ passe ” ne soit, comme on I’a dit plaisamment qu’un tour de passe-passe | II n’en reste pas moins qu’il pointe 1a quelque chose d’essentiel, sorte de garde- fou, avec cette arriére-pensée, entre autres : un fou peut-il étre psycha- nalyste ? A@tuellement rien ne nous en préserve. Et je ne pense pas que de simples mesures démocratiques nous garantissent d’un tel 47 DISCOURS CRITIQUE danger. Je souhaiterais qu’on organise quelque chose pour que des gens comme Lacan puissent continuer de travailler, et que d’autres, — s'il y ena, puissent lc faire aussi, afin de garder la braise dans un endroit qui ne soit pas trop soumis aux intempéries & la mode du jour. Il n’empéche qu’il y a urgence; urgence de faire semblant que le psychanalyste exerce une “ profession ”. C’est une altération nécessaire, surtout pour ceux qui n’ont que ga pour vivre, C’est 14 qu’une note @humour me semble struéturalement nécessaire. Il faut savoir qu’on se vend A la société. C’est un marché dans lequel le pas de porte doit avoir affiche et le client doit justifier 2 PEtat qu’il vient la pour quelque chose qui est reconnu d’une quelconque utilité dans P'univers mercantile. Il en résulte la nécessité d’un statut de la profession, d’une reconnaissance par la communauté, de l’éclairement d’une alchimie qui fait glisser ’'a@te psychanalytique 4 Pate en K ou en C de la Sécurité sociale. C’est une nécessité, d’autant plus qu’il y a concurrence et que cette concurrence s’organise dans un systéme monopolistique qui risque d’engloutir la petite entreprise artisanale de Ecole de Lacan. C’est une urgence, @autant plus que les grands monopoles drainent les futurs psychanalysants dans leur monde d’aberrations qui se développe & Péchelle internationale. C’est ici que la question se pose : “ Que faire ?” Je ne répondrai pas par écrit 4 cette question brilante; d’autres que moi, mieux placés dans leur économie personnelle s’y essaieront. Je voudrais terminer cette réflexion sur la Chose de !’Ecole en indi- quant que ce que je formule d’une fagon peut-étre un peu trop person- nelle est Popinion d’un trés grand nombre de personnes qui se regrou- pent dans ce qu’on appelle encore la “ Société de psychothérapie ins- titutionnelle ”. Titre déja bien dévergondé mais qui englobe une foule de “ travailleurs ” du domaine élastique de la psychiatrie, de la péda- gogie et d’autres disciplines. Je repose ici une question déja formulée A maintes reprises (par exemple dans un argument qu’on m’avait de- dandé de rédiger en janvier 1963 en vue d’une confrontation entre ce que j’avais appelé — pour rire ? — “« psychanalyste des villes et psycha- nalystes des champs ”, argument qui aprés quelque voyage postal de Paris 4 Strasbourg et de Strasbourg 4 Paris a disparu définitivement de la circulation sans qu’on ne m’en ait jamais donné la raison, j’entends “ raison ” au sens mathématique du terme; ou bien encore dans une sorte de traét que naivement, toujours au nom de la S.P.L., j’avais dis- tribué lors d’une réunion de la jeune E.F.P. en janvier 1965, etc.). Cette question la voici: y a-t-il un moyen Warticuler cette masse de gens qui souffrent de carence conceptuelle — comme quiconque notre 48 ADRESSE DU JURY époque — avec ce qu’apporte d’indispensable Lacan et ce que pourrait apporter son Ecole ? Cette école n’a de sens pour nous que si elle s’ar- ticule 4 ce que l’on fait chaque jour, non pas en tant qu’ornement ridi- | cule de bonne conscience, mais concrétement, dans l’exercice de chaque instant de ce qu’il faut bien appeler notre “ profession ”. Question qui demande peut-étre réflexion avant que chacun nous y répondions, mais question essentielle qui, si elle n’est pas tetenue, nous précipitera dans notre isolement, rendant caduc tout appui de masse que nous pour- rions sans aucun doute donner 4 cette institution encore 4 faire, mais combien capitale, qui s’appellera je V'espére: encore, l’E.F.P. (25 janvier 1969) Adresse du jury d’accueil 4 P’assemblée avant son vote (le 25 janvier 1969) ly a la psychanalyse et il y a PEcole. A diStinguer en ceci que l’Ecole se présente comme une personne morale, soit comme tout autre corps: qui se soutient de personnes, elles physiques et un peu li, La psychanalyse par contre est fonétion de Vordre du sujet, lequel se démontre dépendre de V’objet qui, ce sujet, le refend. Peser les personnes, énonciation dont on n’aurait osé espérer ’impu- dence, est le moyen le plus impropre au recrutement du psychanalyste, qui fon@ionne méme 4 partir d’une personne de peu de poids. C’est pourtant ce qui s’est fait, Dieu sait comment ! jusqu’A ce jour. Ce que met en cause la proposition du 9 oftobre 1967, c’est de savoir si la psychanalyse est faite pour l’Ecole, ou bien l’Ecole pour la psycha- nalyse. D’un cété la réponse brouille les traces & des exploits de bel esprit sur le dévouement 4 Lacan, soit 4 la personne de son auteur. D’un autre cété, on argumente comme si, dans |’Ecole, les personnes n’étaient pas déja 1a, comme on dit : en titre, et bel et bien. Or c’est ce dont la proposition tient compte. Car si elle va 4 décider de ce que l’Ecole produise ou non du psychanalyste, elle ne méconnait pas que la psychanalyse ne se produit pas sans moyens, qui ne vont pas sans de personnes se composer, ni sans, avec elles, composer. La théorie de la formation, avons-nous écrit, est absente. Qu’on lise le texte : elle est dite absente au moment qu’il ne faudrait pas, et nulle 49 ae It contradiGion a ajouter que c’est au moment ou se résout une psychanalyse. a Il faut bien, bien ou mal, en effet que le pas se résolve, pour quoi Pon se résout en fait & se passer de Pexamen de la psychanalyse. 1 Faudrait-il pour autant contester les personnes, soit les situations hy acquises ? Ce serait se priver de l’acquis des situations, et c’est ce que la proposition préserve. A en partir, nul n’est contraint de se soumettre 4 cet examen d’un | moment, qu’elle marque comme la passe : ceci parce qu’elle le redouble I f } 4 ADRESSE DU JURY d’un consentement a cet examen méme, lequel elle pose comme épreuve ft de capacité 4 prendre part a la critique comme au développement de la formation. C’est cette liberté méme qui impose la séle@ion d’un corps dit A.E. Et s'il est ainsi confluent au corps existant déja sous ce titre, c’est qu’il ‘n’y a aucune raison de refuser 4 ce corps la capacité dont la nouvelle séle@ion se motive. Uy a tout lieu au contraire qu’il en recoive ici ’hommage. Que cet hommage, tel le décline, pourquoi pas ? Qu’on applaudisse cette démission comme un défi, nous rappelle que la démagogie ne saurait étre unilatérale. Il y faut aussi un public: ceci prouve qu’il ne manque pas. 1 Mais n’empéche pas qu’il faille s’en remettre 4 lui pour trancher des } mérites des candidats 4 un premier jury. | En Vabsence, oui, en Vabsence de toute pratique d’un tel accés quine reléve du pése-personne, l’assemblée choisit ceux qui auront 4 en trou- ver une différente. ; C’est faire fonds, Lacan l’a dit, sur Vesprit de la psychanalyse, qu’il faut bien censet pouvoir se manifester par vous, puisqu’on ne peut : Vattendre ailleurs. iF De toute fagon il faudra bien que vous en passiez par l’attribution 4 certains de fon@tions dire&tives, pour obtenir une distribution prudente de votre responsabilité colledtive. C’est un usage qui peut se discuter en politique; il est inévitable dans tout groupe qui fait état de sa spécialité au regard du corps social. A ce regard répond PA.M.E. Ces nécessités sont de base. Elles pésent méme in absentia pour em- ployer un terme de Freud. Simplement, in absentia, elles se déchainent dans tous les sens du mot. Or le temps court et d’une sorte qui exclut qu’on continue de s’en tirer par des valabrégags. Crest pourquoi les “ principes concernant l’accession au titre de psy- chanalyste dans I’Ecole freudienne de Paris ”, repris de la proposition du 9 octobre par le jury d’accueil, sont présentés au vote de Passemblée sans un changement. go ADRESSE DU JURY Sur Pavis du direéteur, l’assemblée votera en versant 4 Purne un bul- letin ot s’alignent, de gauche 4 droite dans Pordre du moindre assenti- ment, chacun des trois projets qui lui sont présentés: soit A, celui du jury d’accueil, B, celui de la liste que P. Alien se trouve alphabétiquement ouvrir, C, celui d’Abdouchéli. Ce mode de vote dit préférentiel est un test au sens ov il permet de se produire (dans 9 % des cas pour un groupe de votants aussi étendu que Je ndtre) 4 effet Condorcet. On sait que cet effet désigne le résultat inconsistant, o& un choix dominant un autre et celui-ci un troisiéme, le troisitme domine néan- moins le premier, ce qui exclut d’en rien conclure. Il serait ici signifiant redoutablement d’une carence de ce que nous avons appelé l’esprit de la psychanalyse. K. J. Arrow, pour se référer 4 un autre ordre, celui d’une détermina- tion /agique de Vintérét général, a démontré qu’hors Punanimité, celui-ci ne saurait se déterminer que de Popinion d’un seul. Un corps constitué, quel qu’il soit, peut se permettre d’ignorer tout de la logique et de lui substituer le psychodrame par exemple. Ceci n’empéche pas la logique de tourner, et de faire tourner ce corps avec elle, pour ou contre ses aises. (texte de J. Lacan) La keitre suivante fut remie a Vadresse du Diretieur, avant la proclamation 44 vote, sa rédattion datant d’avant son dépouillement. Paris, le 26 janvier 1969 Monsieur Jacques Lacan Dire@eur de Ecole freudienne de Paris. Cher Monsieur, La tournure prise par les assises de l’Ecole et V’organisation qui en résulte, par la voie de procédures que nous condamnons, ont abouti 4 mettre en place des appareils et des modes de désignation et de pro- motion analytiques que nous jugeons incompatibles avec les garanties nécessaires 4 une activité psychanalytique rigoureuse : celle que sont en droit de réclamer ceux qui nous font confiance pour se former 4 notre discipline. Cest pourquoi nous ne pouvons, en conscience, continuer 4 occuper notre place et assurer nos responsabilités au sein de Ecole freudienne de Paris que vous dirigez. st ADRESSE DU JURY Nous avons donc le regret de vous remettre nos démissions. Il n’est pas besoin de longues phrases pour vous exprimer la profonde tristesse que nous éprouvons en prenant une telle décision. Nous vous prions de recevoir, cher Monsieur, nos sentiments de respeét, en souvenir surtout de la collaboration que nous nous sommes efforcés de yous apporter au cours de nombreuses années P. Castoriadis-Aulagnier — F. Perrier — J.-P. Valabrega. Le vote on fut observt Vordre priférentiel, inscrivit ainsi ses résultats : A préféré 198 fois, B préfért 107 fois C préfiré 46 fois. La proposition A, “ Principes concernant I’accession au titre de psychana- litte dans ’Ecole frendienne de Paris”, en eff donc adoptte, @ la majorité absolue. 52° Radiophonie Question I: Dans les Ficits, vous afirmex que Freud anticipe, sans s’en rendre compte, les recherches de Saussure et celles du Cercle de Prague. Powex-vous vous expliquer sur ce point ? Réponse}: Votre question me surprend d’emporter une perti- nence qui tranche sur les prétentions 4“ V’entretien ” que j’ai 4 écarter. C’eSt méme une pertinence redoublée, — a deux degrés plutét. Vous me prouvez avoir Iu mes Enrits, ce qu’appatemment on ne tient pas pour nécessaire 4 obtenit de m’entendre. Vous y choisissez une remarque qui implique l’existence d’un autre mode @information que la médiation de masse: que Freud anticipe | Saussure, n’implique pas qu’un bruit en ait fait prendre conscience a Pun non plus qu’a l’autre. De sorte qu’a me citer (vous), j’ai tépondu déja 4 votre citation I avant de m’en rendre compte: c’est ce que j’appelle me surprendre, Partons du terme d’arrivée. Saussure et le Cercle de Prague ! produisent une linguistique qui n’a rien de commun avec ce qui avant s’est couvert de ce nom, retrouvit-elle ses clefs entre les i mains des stoiciens, — mais qu’en faisaient-ils ? t La linguistique, avec Saussure et le Cercle de Prague, s’institue i @une coupure qui est la barre posée entre le signifiant et le signifié, pour qu’y prévale la différence dont le signifiant se constitue | absolument, mais aussi bien effeGtivement s’ordonne d’une auto- I nomie qui n’a rien 4 enviet aux effets de cristal : pour le systeme | du phonéme par exemple qui en est le premier succés de découverte. On pense étendre ce succés 4 tout le réseau du symbolique en i 1. De ces réponses les quatre premitres ont été diffustes par la R.T-B. (3° pto- gramme) les 5, 10, 19 et 26 juin 1970, Blles ont été reprises par I’O.R.T-F. (France- Galture) le 7 juin 1970. 53 RADIOPHONIE n’admettant de sens qu’A ce que le réseau en téponde, et de l’inci- dence d’un effet, oui, — d’un contenu, non. Cest la gageure qui se soutient de la coupure inaugurale. Le signifié sera ou ne seta pas scientifiquement pensable, selon que tiendra ou non un champ de signifiant qui, de son matériel méme, se distingue d’aucun champ physique pat la science obtenu, Ceci implique une exclusion métaphysique, 4 prendre comme fait de désétre. Aucune signification ne seta désormais tenue pour aller de soi : qu’il fasse clair quand il fait jour par exemple, ot les Stoiciens nous ont devancé, mais j’ai déja interrogé : 4 quelle fin? Dussé-je aller 4 brusquer certaines reptises du mot, je dirai sémiotique toute discipline qui part du signe pris pour objet, mais pour marquer que c’est la ce qui faisait obstacle a la saisie comme telle du signifiant. Le signe suppose le quelqu’un 4 qui il fait signe de quelque chose. C’est le quelqu’un dont l’ombre occultait entrée dans la linguisti- que. Appelez ce quelqu’un comme vous voudrez, ce seta toujours une sottise. Le signe suffit 4 ce que ce quelqu’un se fasse du langage appropriation, comme d’un simple outil; de l’abstra€tion voila le langage support, comme de la discussion moyen, avec tous les progtés de la pensée, que dis-je ? de la critique, a la clef. Tl me faudrait “ anticiper ” (reprenant le sens du mot de moi 4 moi) sur ce que je compte introduire sous la graphie de l’achose, 1, apostrophe, a, c, h, o etc. pour faire sentir en quel effet prend position la linguistique. Ce ne sera pas un progres : une régression plutét. C’est ce dont nous ayons besoin contre Punité d’obscurantisme qui déja se soude aux fins de prévenir l’achose. Personne ne semble reconnaitre autour de quoi l’unité se fait, et qu’au temps de quelqu’un od se recueillait la “ signature des choses”, du moins ne pouvait-on compter sur une bétise assez cultivée, pour qu’on lui accroche le langage 4 Ja fon@ion de la communication. Le recours 4 la communication protége, si j’ose dire, les arriéres de ce que périme la linguistique, en y couvrant le ridicule qui y tapplique 2 posteriori de son fait. Supposons-la montrer dans Poccultation du langage la figure du mythe qu’est la télépathie. 56 RADIOPHONIE Freud lui-méme se laisse prendre 4 cet enfant perdu de la pensée : qu'elle se communique sans parole. Il n’y démasque pas le roi sectet de la cour des mitacles dont il ouvte le nettoyage. Telle la linguistique reste collée 4 la pensée quelle (la pensée) se communique avec la parole. C’est le méme miracle invoqué 2 faire qu’on télépatisse du méme bois dont on pa@ise : pourquoi pas le“ dialogue ” dont vous appatent les faux jetons, voire les contrats sociaux qu’ils en attendent. L’affe& est 1A bon pied bon il pour sceller ces effusions. Tout homme (qui ne sait ce que c’est ?) est mortel (rassemblons- nous sur cette égalité communicable entre toutes). Et mainte- nant patlons de“ tout ”, c’est le cas de le dire, patlons ensemble, passant muscade de ce qu’il y a sous la téte des syllogistes (pas d’Aristote, notons-le) qui d’un seul coeur (depuis lui) veulent bien que la mineure mette Soctate dans Je coup. Car il en ressorti- tait aussi bien que la mort s’administre comme le reste, et pat et pour les hommes, mais sans qu’ils soient du méme cété pour ce qui est de la télépathie que véhicule une télégraphie, dont le sujet dés lors ne cesse pas d’embarrasser. Que ce sujet soit d’origine matqué de division, c’est ce dont la linguistique prend force au-dela des badinages de la communi- cation. Oui, force 4 mettre le poéte dans son sac. Car le poste se produit d’étre... (qu’on me permette de traduire celui qui le démontre, mon ami Jakobson en l’espéce)... se produit d’étre mangé des vers, qui trouvent entre eux leur atrangement sans se soucier, c'est manifeste, de ce que le poéte en sait ou pas. D’od la consistance chez Platon de Postracisme dont il frappe le poéte en sa Répu- blique, et de la vive cutiosité qu’il montre dans le Cratyle pour ces petites bétes que lui paraissent étre les mots 4 n’en faire qu’a leur téte. On voit combien le formalisme fut précieux 4 soutenir les ptemiers pas de la linguistique. Mais c’est tout de méme de trébuchements dans les pas du langage, dans la parole autrement dit, qu’elle a été“ anticipée ”. Que le sujet ne soit pas celui qui sache ce qu’il dit, quand belet bien se dit quelque chose pat le mot qui lui manque, mais aussi dans Vimpair d’une conduite qu’il croit sienne, cela ne rend pas 37 RADIOPHONIE aisé de le loger dans la cervelle dont il semble s’aider surtout 4 ce qu’elle dorme (point que l’a@uelle neurophysiologie ne dé- ment pas), voila d’évidence V’ordre de faits que Freud appelle E Pinconscient. Quelqu’un qui l’articule, au nom de Lacan, dit que c'est ca ou tien d’autre. Personne, aprés lui maintenant, ne peut manquer 4 le lire dans Freud, et qui opére selon Freud a psychanalyser, doit s’y régler sauf 4 le payer du choix de la bétise. Dés lors 4 énoncet que Freud anticipe la linguistique, je dis moins que ce qui s’impose, et qui est la formule que je libéte maintenant : l’inconscient est la condition de la linguistique. Sans l’éruption de l’inconscient, pas moyen que la linguistique sorte du jour douteux dont Université, du nom des sciences humaines, fait encore éclipse a la science. Couronnée 4 Kazan par L les soins de Baudouin de Courtenay, elle y fat sans doute restée, Mais l'Université n’a pas dit son dernier mot, elle va de ¢a rE faire sujet de thése : influence sur le génie de Ferdinand de Saussure F du génie de Freud; démontrer d’od vint 4 un le vent de l’autre j avant qu’existat la radio. Faisons comme si elle ne s’en tale pas passé de toujours, pour assourdir autant. Et pourquoi Saussure se serait- til rendu compte, pour emprun- tet les termes de votre citation, mieux que Freud lui-méme de ce que Freud anticipait, notamment Ja métaphore et la métonymie lacaniennes, licux ob Saussure genuit Jakobson. Si Saussute ne sort pas les anagrammes qu’il déchiffre dans la poésie saturnienne, c’est que ceux-ci jettent bas la littérature universitaire. La canaillerie ne le rend pas béte; c’est parce qu’il n’est pas analyste. Pour Panalyste au contraire, tremper dans les procédés dont s’habille Vinfatuation universitaire, me vous rate son homme (il y a 14 comme un espoir) et le jette droit dans une bourde comme de dire que V’inconscient est la condition du langage : 1a il s’agit de se faite auteur aux dépens de ce que j’ai dit, voite seriné, aux intéressés : 4 savoir que le langage est la condition de ’inconscient, Ce qui me fait rice du personnage est un stéréotype : au point que deux autres, eux 4 usage interne d’une Société que sa batar- 58 —? RADIOPHONIE © wu a dise universitaire a tué, ont osé définir le passage Q l'ade et Vatting out exa&ement des termes dont 4 leur adresse exptesse j’avais opposé l’un 4 Pautre, mais 4 intervertir simplement ce que j’attri- buais 4 chacun. Fagon, pensaient-ils, de s’approprier ce que per- sonne n’avait su en atticuler avant. ~ Si je défaillais maintenant, je ne laisserais d’ccuvre que ces __ febuts choisis de mon enseignement, dont j’ai fait butée 4 Vin- formation, dont c’est tout dire qu’elle le diffuse. Ce que j’ai énoncé dans un discours confidentiel, n’en a pas moins déplacé Paudition commune, au point de m’amenet un audi- toire qui m’en témoigne d’étre stable en son énormité. Je me souviens de la géne dont m’interrogeait un gargon qui s’était mélé, 4 se youloit marxiste, au public fait de gens du Parti (le seul) qui avait afflué (Dieu sait pourquoi) 4 la communication de ma “ diale&tique du désir et subversion du sujet dans la psycha- nalyse”. J’ai gentiment (gentil comme je suis toujours) pointé a la suite dans mes Ecrits, Vahurissement qui me fit réponse de ce public. Pour lui, “ croyez-vous donc, me disait-il, qu’il suffise que vous ayez produit quelque chose, inscrit des lettres au tableau noir, pour en attendre un effet ?”. ’ Un tel exercice a porté pourtant, j’en ai eu la preuve, ne serait-ce que du rebut qui lui fit un droit pour mon livre, — les fonds de la Fondation Ford qui motivent de telles réunions d’avoir 4 les épon- - ger, s’étant trouvés alors impensablement a sec pour me publier. Crest que l’effet qui se propage n’est pas de communication de la parole, mais de déplacement du discours. _ : Freud, incompris, fat-ce de lui-méme, d’avoir voulu se faire entendre, est moins servi pat ses disciples que par cette propaga- tion ; celle sans quoi les convulsions:de histoire restent énigme, comme les mois de mai dont se déroutent ceux qui s’emploient a les rendre serfs d’un sens, dont la dialeGtique se présente comme détision. _ 59 * » Réponse (4 Paques 70, en guise d’ceuf ?) : = Ga ne se fait qu’a écarter la pétition de principe qu’il Ja tepro- duise de relations prises au réel. Au réel qui serait 4 entendre de ma catégotie. F : *e - Car ces relations font partie aussi de Ja réalité en tant qu’elles Vhabitent en gormales qui y sont aussi bien itsentcs fre ‘ : : aymbolique prend corps. Je vais fevenir sut ce oe : Il serait étonnant qu’on ne voie pas qu’a faire du langage une, - fon@ion du colle@if, on retourne toujours 4 supposer quelqu’un, grace 4 qui la réalité se redouble de ce qu’il se la représente, pour 1. & que nous n’ayons plus qu’a reproduire cette doublure + bref au _. guépier de Vidéalisme. : J’en viendrai au terme 4 quelqu’un qui n’est pas de ce cru: quelqu’un 4 lui faire signe. ae De la veine indiquée, la connaissance ne sé motive qu’a faire adaptation d’un supposé dans Pexistence, qui, quel qu’il se pro- duise comme moi, organisme, voire espéce, n’en pourrait dire | tien qui vaille. E : Si la connaissance ne nait qu’A larguer le langage, ce n’est pas pour qu’elle survive qu’il faut l’y raccorder, mais pour la démontrer * mott-née. ; ‘ a» Pautte stru@ure est le savoir qui, le réel, le cerne, autant que impossible. C’est ma formule qu’on sait. e démontrer. de raison pourtant de parquer les struéturalistes, si ce n'est Ase leurrer qu’ils prennent Ja reléve de ce que V’existentialisme rsa ae si bien réussi: obtenir d’une génération qu’elle se couche dans le méme lit dont elle est née. * RADIOPHONIE . Petsonne qui n’ait sa chance dinsurre@tion.a se repérer de la Stru@ture, puisqu’en droit elle fait la trace du défaut d’un calcul 4 venir. Que ceci préface Paccueil que je vais faire au pool que yous imaginez. Je teviens d’abord au corps du symbolique qu’il faut entendre comme de nulle métaphore. A preuve que rien que lui n’isole le cotps 4 prendre au sens naif, soit celui dont I’étre qui s’en soutient ne sait pas que c’est le langage qui le lui décerne, au point qu’il n’y setait pas, faute d’en pouvoir parler. Le premier corps fait le second de s’y incorporer. Diou zi Pincorporel q qui reste marquet le le premier, du temps d’aprés son incorporation. Rendons justice aux stoiciens d’ayoir su de ce terme : l’incorporel, signer en quoi le symbolique tient au corps. Incorporelle est la fon@tion, qui fait réalité de la mathématique, application de méme effet pour la topologie, ou Panalyse en un sens large pour la logique. Mais c'est incorporée que la structure fait Paffe€t, ni plus ni moins, affect seulement 4 prendre de ce qui de l’étre s’articule, n’y ayant qu’étre de fait, soit d’étre dit de quelque part. Par quoi s’avére que du corps, il est second qu’il soit mort ou vif. Qui ne sait le point critique dont nous datons dans l’homme, Pétre parlant : la sépulture, soit ou, d’une espéce, s’affirme qu’au conttaite d’aucune autte, le corps mort y garde ce qui au vivant donnait le caraétére : corps. Corpse teste, ne devient charogne, le corps qu’habitait la parole, que le langage corpsifiait. La zoologie peut partir de la prétention de l’individu 4 faire Vétre du vivant, mais c’est pour qu’il en rabatte, 4 seulement qu’elle le poursuive au niveau du polypier. ‘Le corps, 4 le prendre au sérieux, est d’abord ce qui peut porter ‘Ta marque propre 4 le ranger dans une suite de signifiants, Des cette marque, il est support de la relation, non éventuel, mais nécessaite, car c’eSt encore la supporter que de s’y soustraire. D’avant toute date, Moins-Un désigne le lieu dit de Autre (avec le sigle du grand A) par Lacan. De l’Un-en-Moins, le lit est fait 4 intrusion qui avance de l’extrusion ; c’est le signifiant méme. \Ainsi ne va pas toute chair. Des seules qu’empreint le signe 4 ‘les négativer, montent, de ce que corps s’en séparent, les nuées, eaux 6x at: as RADIOPHONIE = Répartition peut-€tre moins comptable, mais dont on ne semble pas remarquer que la sépulture antique y figure cet “ ensemble ” méme, dont s’atticule notre plus modetne logique. L’ensemble vide des ossements est l’élément irréduible dont s’ordonnent, autres éléments, les instruments de la j jouissance, colliers, gobelets, armes : plus de sous-éléments 4 énumérer la jouissance qu’A rh faire rentrer dans le corps. Ai-je animé la stru€ture? Assez, je pense, pour, des dBitiaines qu’elle unirait 4 la psychanalyse, annoncer que rien n’y destine les deux que vous dites, spécialement. - ~ La linguistique livre le matériel de l’analyse, voire. l’appareil dont on y opéte. Mais un domaine ne se domine que de son opé- tation. L’inconscient peut étre comme je le disais la condition de la linguistique, Celle-ci n’en a pas pour autant sur lui la moindre prise. Car elle laisse en blanc ce qui y fait effet : Pobjet a dont 4 mon- trer qu'il est Yenjeu de Pa&e psychanalytique, j’ai pensé éclairer tout autre aéte, Cette carence du linguiste, j’ai pu l’éprouver d’une contribution que je demandai au plus grand qui fat parmi les Frangais pour en illustrer le départ d’une revue de ma fagon, si peu qu’elle en fat marquée dans son titre : la psychanalyse, pas moins. On sait Je cas qu’en firent ceux qui d’une grace de chiens battus m’y firent conduite, la tenant pourtant d’assez de cas pour saborder la chose en son temps. C’est bien d’une autre — grace est encore peu dire — que me fut accordée l’attention que méritait l’intérét jamais relevé avant moi de Freud pour les mots antithétiques, tels qu’appréciés par un Abel. Mais si le linguiste ne peut faite mieux qu’il parut au verdi@ que Je bon aise du signifié exige que Jes signifiants ne soient pas antithé- tiques, ceci suppose que davoir 4 parler arabe, ot de tels signi~ fiants abondent, s’annonce comme de parer 4 une montée de fourmiliére. i 62 Pour prendte un exemple moins anecdotique, remarquons que RADIOPHONIE * le particulier de la langue est ce par quoi la structure tombe sous Veffet de cristal, que j’ai dit plus haut. Le qualifier, ce particulier, d’arbitraire est lapsus que Saussure a commis, de ce qu’A contrecceur certes, mais par 1A d’autant plus offect au trébuchement, il se “ rempardait ” 1A (puisqu’on m’apprend que ¢’est un mot de moi) du discours universi- taire dont j’ai montré que le recel, c’est juStement ce signifiant qui domine le discours du maitte, celui de l’arbitraire. Cet ainsi qu’un discours fagonne la réalité sans supposer nul consensus du sujet, le divisant, quoi qu’il en ait, de ce qu’il ’énonce 4 ce qu’il se pose comme l’énongant. Seul le discours qui se définit du tour que lui donne Vanalyste, manifeste le sujet comme autre, soit lui remet la clef de sa division, —tandis que la science, de faire le sujet maitre, le dérobe, 4 la mesure de ce que le désir qui lui fait place, comme A Socrate se met a me le barrer sans reméde. Hl n’y a pas moindre barritre du cété de Pethnologie. Un en- quéteur qui laisserait son informatrice lui conter fleurette de ses réves, se fera rappeler a l’ordre, a les mettre au compte du terrain. Et le censeur, ce faisant, ne me paraitra pas, fat-il Lévi-Strauss, marquer mépris de mes plates-bandes. Ob irait “ le terrain ” s*il se détrempait d’inconscient ? ¢a n’y ferait, quoi qu’on en réve, nul effet de forage, mais flaque de fotre cru. Cat une enquéte qui se limite au recueil d’un savoir, c’est d’un savoir de notre tonneau que nous la nourritions, D’une psychanalyse elle-méme, qu’on n’attende pas de recenser les mythes qui ont conditionné un sujet de ce qu'il ait grandi au Togo ou au Paraguay. Car la psychanalyse opérant du discours qui la conditionne, et que je définis cette année A le prendre par son envers, on n’en obtiendra pas d’autre mythe que ce qui en reste en son discouts ; |’CRdipe freudien. Du matériel dont se fait analyse du mythe, écoutons Lévi- Strauss Enoncer qu’il est intraduisible. Ceci 4 bien Dentendre : car ce qu'il dit, c’est que peu importe en quelle langue ils sont tecueillis : toujours de méme analysables, de se théoriser des gtos- Ses unités dont une “‘ mythologisation ” définitive les articule. 65 RADIOPHONIE + On saisit 14 le mirage d’un niveau commun avec Vuniversalité du discours psychanalytique, mais, et du fait de qui le démontre, sans que Villusion s’en ptoduise. Car ce n’est pas du jeu de mythémes apologétiques que propagent les Instituts qu’un psycha- nalyste fera jamais interprétation. Que la cure ne puisse se passer que dans une langue particuliére (ce qu’on appelle : positive), méme a jouer de la traduire, y fait garantie ““ qu’il n’y 2 pas de métalangage ”, selon ma formule, Leffet de langage ne s’y produit que du cristal linguistique. Son universalité n’est que la topologie retrouvée, de ce qu’un discours s’'y déplace. L’accés topologique y étant méme assez prégnant pour que la mythologie s’y réduise 4 l’extréme. Ajouterai-je que le mythe, dans V’articulation de Lévi-Strauss, soit ; la seule forme ethnologique 4 motiver votre question, refuse tout ce que j’ai promu de Vinstance de la lettre dans l’inconscient. Tl n’opére ni de métaphore, ni méme d’aucune métonymie. Il ne condense pas, il explique. Il ne déplace pas, il loge, méme 4 changer l’ordre des tentes. Il ne joue qu’A combiner ses unités lourdes, ot le complément, @assuret la présence du couple, fait seul surgir un arriére-plan, 4 Cet arriére-plan est justement ce que repousse sa struéture. i Ainsi dans la psychanalyse (patce qu’aussi bien dans l’incons- cient) "homme de la ferme ne sait rien, ni la femme de ’homme. Au phallus se résume le point de mythe od le sexuel se fait passion du signifiant. Que ce point paraisse ailleurs se multiplier, voila ce qui fascine spécialement universitaire qui, de stru€ture, a la psychanalyse en horreur, D’ou procéde le recrutement des novices de l’ethnologie. Ou se marque un effet d’humour. Noir bien sis, 4 se peindre de faveurs de secteur. Ah ! faute d’une université qui serait ethnie, allons d’une ethnie faire université. D’ou la gageure de cette péche dont se définit le terrain comme le lieu od faire écrit d’un savoir dont l’essence est de ne se trans- mettre pas par écrit. Désespérant de voir jamais la dernitre classe, tectéons la premiére, Vécho de savoir qu’il y a dans la classification. Le professeur ne revient qu’a ’aube... celle out se croit déja la chauve-souris de Hegel. RADIOPHONIE i Je garderai méme distance, 4 dire la mienne 4 la stru@ture : ‘ passant le dernier comme psychanalyste 4 faire le tour de votre Bprerpellation. D’abord que, sous prétexte que jai défini le signifiant comme ne _ a osé personne, on ne s’imagine pas que le signe ne soit pas mon affaire ! Bien au contraire c’est la premiére, ce seta aussi la derniére. Mais il y faut ce détour. _ Ce que j’ai dénoncé d’une sémiotique implicite dont seul le désarroi aurait permis la linguistique, n’empéche pas qu’il faille la refaire, et de ce méme nom, puisqu’en fait c’est de celle a faire, + qu’a l’ancienne nous le reportons. 1 Si le signifiant représente un sujet, selon Lacan (pas un signifié), et pour un autre signifiant (ce qui veut dire : pas pour un autre j sujet), alors comment peut-il, ce signifiant, tomber au signe qui . de mémoire de logicien, représente quelque chose pour quelqu’un ? h C'est au bouddhiste que je pense, 4 vouloir animer ma question _ ctuciale de son : Pas de fumée sans feu. Psychanalyste, c’est du signe que je suis averti. S’il me signale le quelque chose que j’ai 4 traiter, je sais d’avoir a la logique du f signifiant trouvé 4 rompre le leurre du signe, que ce quelque chose est la division du sujet : laquelle division tient 4 ce que l’autre soit ce qui fait le signifiant, par quoi il ne saurait représenter un sujet qu’a n’étre un que de l’autre. Cette division répercute les avatars de l’assaut qui, telle quelle, l’a _affrontée au savoir du sexuel, — traumatiquement de ce que cet assaut soit 4 Pavance condamné 4 l’échec pour la raison que j’ai dite, que signifiant n’est pas propre 4 donner corps 4 une formule qui soit du rapport sexuel. S D’oi mon énonciation : il n’y a pas de rapport sexuel, sous- entendu : formulable dans la stru€ture. Ce quelque chose oi le psychanalyste, interprétant, fait intrusion de signifiant, certes je m’exténue depuis vingt ans 4 ce qu’il ne le _ ptenne pas pour une chose, puisque c’est faille, et de stru@ure. Mais qu’il veuille en faire quelqu’un est la méme chose : ¢a va 4 la petsonnalité en personne, totale, comme 4 l’occasion on dégueule. Le moindre souvenir de Pinconscient exige pourtant de main- _tenir 4 cette place le quelque deux, avec ce supplément de Freud 65 RADIOPHONIE qu’il ne saurait satisfaire 4 aucune autre réunion que celle logique, qui s’insctit : ou Pun ou Vautre, Qu’il en soit ainsi du départ dont le signifiant vire au signe, ob trouver maintenant le quelqu’un, qu’il faut lui procurer d’urgence ? Cest le bic qui ne se fait nunc qu’ étre psychanalyste, mais aussi lacanien. Bientdt tout le monde le sera, mon audience en fait pro- drome, donc les psychanalystes aussi. Y suffirait la montée au zénith social de l’objet dit par moi petit a, par l’effet d’angoisse que ptovoque l’évidement dont le produit notre discours, de man- quet 4 sa production. Que ce soit d’une telle chute que le signifiant tombe au signe, Pévidence est faite chez nous de ce que, quand on n’y sait plus 4 quel saint se vouer (autrement dit ; qu’il n’y a plus de signifiant a frie, c'est ce que le saint fournit), on y achéte n’importe quoi, une bagnole notamment, 4 quoi faire signe d’intelligence, si l’on peut dire, de son ennui, soit de V’affe& du désir d’Autre-chose (avec un grand A). Ca ne dit rien du petit a parce qu’il n’est déduétible qu’a la me- sure de la psychanalyse de chacun, ce qui explique que peu de psychanalystes le manient bien, méme 4 le tenir de mon séminaire. Je parlerai donc en parabole, c’est-4-dire pour dérouter. A tegarder de plus prés le pas de fumeée, si j’ose dire, peut-etre franchira-t-on celui de s’apetcevoir que c’est au feu que ce pas fait signe. De quoi il fait signe, est conforme 4 notre struture, puisque depuis Prométhée, une fumée est plutét le signe de ce sujet que représente une allumette pour sa boite, et qu’A un Ulysse abordant un tivage inconnu, une fumée au premier chef laisse présumer que ce n’est pas une ile déserte. Notre fumée est donc le signe, pourquoi pas du fumeur ? Mais allons-y du produéteur de feu : ce seta plus matérialiste et dialec- tique 4 souhait. Qu’Ulysse pourtant donne le quelqu’un, est mis en doute a se tappeler qu’aussi bien il n’est personne. Il est en tout cas pet- sonne a ce que s’y trompe une fate polyphémie. Mais l’évidence que ce ne soit pas pour faire signe 4 Ulysse que les fumeurs campent, nous suggére plus de rigueur au principe du signe. 66 RADIOPHONIE Car elle nous fait sentir, comme au passage, quece quipéchea voir lemonde comme phénoméne, c’est que le nouméne, de ne pouvoir dés lors faire signe qu’au vobc, soit : au supréme quelqu’un, signe intelligence toujours, démontte de quelle pauvreté procéde la yOtte 4 supposer que tout fait signe : c’est le quelqu’un de nulle part qui doit tout manigancer. Que ¢a nous aide a mettre le : pas de fumée sans feu, au méme pas que le : pas de priére sans dieu, pour qu’on entende ce qui change. Il est curieux que les incendies de forét ne montrent pas le quel- qu’un auquel le sommeil imprudent du fumeur s’adresse. Et qu’il faille la joie phallique, Vurination primitive dont Vhomme, dit la psychanalyse, répond au feu, pour mettre sur la voie de ce qu’il y ait, Horatio, au ciel et sur la terre, d’autres matiéres & faire sujet que les objets qu’imagine votre connaissance. Les produits par exemple 4 la qualité desquels, dans la perspec- tive marxiste de la plus-value, les produéteurs, plutét qu’au maitre, pourraient demander compte de l’exploitation qu’ils subissent. Quand on reconnaitra la sorte de plus-de-jouir qui fait dire * ca c'est quelqu’un ”, on sera sut la voie d’une matiére dialeftique peut-étre plus ative que la chair a Parti, employée comme baby- sitter de histoire. Cette voie, le psychanalyste pourrait ’éclairer de sa passe. Question III : L’une des articulations possibles entre psychanalyse ef linguiftique ne serait-elle pas le privilége accordé 2 la métaphore et ala métonymie, par Jakobson sur le plan linguistique, et par vous sur le plan psychanalytique ? Réponse : Je pense que, grace 4 mon séminaire de Sainte-Anne dont sort celui qui a traduit Jakobson en frangais, plus d’un de fos auditeurs en ce moment sait comment la métaphore et la métonymie sont par Jakobson situées de la chaine signifiante ; substitution d’un signifiant 4 un autre pour l'une, séle@ion d’un signifiant dans sa suite pour l’autre. D’od résulte (et seulement lA chez Jakobson : pour moi le résultat est autre) : que la substitu- tion se fait de similarités, la séleGtion de contigus. 67 RADIOPHONIE Crest qu’il s’agit 14 d’autre chose que du /eéfon, de ce qui rend lisible un signifié, et qui n’est pas rien pour maintenir la condition Stoicienne. Je passe : c’est ce que j’ai dénommé du point de capiton, pour illustrer ce que j’appellerai l’effet Saussure. de disruption du signifié par le signifiant, et préciser ici qu’il répondait tout juste 4 mon estime de l’audience-matelas qui m’était réservée, bien entendu d’étre 4 Sainte-Anne, quoique composée d’analystes. Il fallait un peu crier pour se faire entendre d’une troupe ot des fins diverses de dédouanement faisaient nceud chez certains, Conformément au style nécessité pour cette époque par les vail- lances dont la précédente avait su se garer. Et ce n’est pas pour rien que j’ai introduit mon point de capiton du jeu des signifiants dans les réponses faites par Joad au collabo- rateur Abner, acte I, scéne 1 d’ Arhalie : résonance de mon discours procédant d’une corde plus sourde 4 les intéresser. Un lustre franchi, quelqu’un se rue a faire du point de capiton qui Vavait retenu sans doute, I’ “ ancrage ” que prend le langage dans Vinconscient. Le dit inconscient 4 son gré, soit 4 Popposé le plus impudent de tout ce que j’avais articulé de la métaphotre et de la métonymie, le dit inconscient s’appuyant du grotesque figuratif du chapeau de Napoléon a trouver dans le dessin des feuilles de Parbre, et motivant son gout d’en prédiquer le teprésentant du teprésentatif, (Ainsi le profil d’Hitlee se dégagerait-il d’enfances nées des tranchées souffertes par leurs péres lors des meudonneries du Front populaire.) La métaphore et la métonymie, sans tequérir cette promotion une figurativité foireuse, donnaient le principe dont j’engendrais le dynamisme de V’inconscient. La condition en est ce que j’ai dit de la barre saussurienne qui he saurait représenter nulle intuition de proportion, ni se traduire en barre de frattion que d’un abus délirant, mais, comme ce qu'elle est pour Saussure, faire bord réel, soit 4 sauter, du signifiant qui flotte au signifié qui flue. Crest ce qu’opéte la métaphore, laquelle obtient un effet de sens (non pas de signification) d’un signifiant qui fait pavé dans la mare du signifié, Sans doute ce signifiant ne manque-t-il désormais dans la chaine 68 que d’une fagon juste métaphorique, quand il s’agit de ce qu’on appelle poésie pour ce qu’elle reléve d’un faire. Comme elle s’est faite, elle peut se défaire. Moyennant quoi on s’apergoit que Veffet de sens produit, se faisait dans le sens du non-sens : “ la getbe n’était pas avare ni haineuse ” (cf. mon “ Instance de la lettre ” ), pour la raison que c’était une gerbe, comme toutes les autres, béte 4 manger comme est le foin. Tout autre est effet de condensation en tant qu’il part du refou- lement et fait le retour de impossible, 4 concevoir comme la limite d’ot s’instaure par le symbolique la catégorie du réel. La-dessus un professeur évidemment induit par mes propositions (qu’il croit d’ailleurs contrer, alors qu’il s’en appuie contre un abus dont il abuse, sans nul doute 4 plaisir) a écrit des choses 4 retenir. Au-dela de Villustration du chapeau 4 trouver dans les feuillages de Varbte, c’est de Ia feuillure de la page qu’il matérialise joliment une condensation dont Vimaginaire s’élide d’étre typographique : celle qui des plis du drapeau fait lice : réve d’or, les mots qui s’y disloquent d’y éctire portés 4 plat : révolution d’oétobre. Ici Veffet de non-sens n’est pas rétroaftif dans le temps, comme est Pordre du symbolique, mais bien a@uel, le fait du réel. Indiquant pour nous que le signifiant ressurgit comme couac dans le signifié de la chaine supérieure 4 la barre, et que s’il en e& déchu, c’est d’appartenir 4 une autre chaine signifiante qui ne doit en aucun cas recouper la premiére, pour ce qu’A faire avec elle discouts, celui-ci change, dans sa stru@ture. Voila plus qu’il n’en faut pour justifier le recours a la métaphore de faite saisic comment 4 opérer au service du tefoulement, elle produit la condensation notée par Freud dans le réve. Mais, au lieu de V’art poétique, ce qui opére ici, c’est des raisons. Des raisons, c’est-A-dire des effets de langage en tant qu’ils sont préalables a la signifiance du sujet, mais qu’ils la font présente 4 ne pas en étre encore 4 jouer du représentant. Cette matétialisation intransitive, dirons-nous, du signifiant au signifié, c’eSt ce qu’on appelle Pinconscient qui n’est pas anctage, mais dépét, alluvion du langage. Pour le sujet, Vinconscient, c’est ce qui réunit en lui les condi- tions : ou il n’est pas, ou il ne pense pas. Si dans le réve il ne pense pas, c’est pour étre 4 l’état de peut-étre. 69 RADIOPHONIE, En quoi se démontre ce qu’il reste étre au réveil et par quoi le réve s’avére bien la voie royale A connaitre sa loi. La métonymie, ce n’est pas du sens d’avant le sujet qu’elle joue (soit de la barritre du non-sens), cest de la jouissance ot le sujet se produit comme coupute : qui lui fait donc étoffe, mais 4 le réduire pour ga a une surface liée A ce corps, déja le fait du signifiant. Non bien entendu que le signifiant s’ancte (ni s’encre) dans la chatouille (toujours le truc Napoléon), mais qu’il la permette entre autres traits dont se signifie la jouissance et dont c’est le probléme que de savoir ce qui s’en satisfait. Que sous ce qui s’inscrit glisse la passion du signifiant, il faut la dire : jouissance de l’Autre, parce qu’a ce qu’elle soit ravie d’un corps, il en devient le lieu de l’Autre. La métonymie opérant d’un métabolisme de la jouissance dont le potentiel est réglé par Ja coupure du sujet, cote comme valeur ce qui s’en transfére. Les trente voiles dont s’annonce une flotte dans l’exemple rendu célébre d’étre un lieu de la rhétorique, ont beau voiler trente fois le corps de promesse que portent rhétorique ou flotte, rien ne fera qu’un grammaitien ni un linguiste en fasse le voile de Maia. Rien ne fera non plus qu’un psychanalyste avoue qu’d faire passer sa muscade sans lever ce voile sur l’office qu’il en rend, il se ravale au rang de prestidigitateur. Pas d’espoit donc qu’il approche le ressort de la métonymie quand, 4 faire son catéchisme d’une interrogation de Freud, il se demande si Vinscription du signifiant, oui ou non, se dédouble de ce qu’il y ait de Pinconscient (question 4 qui personne hors de mon commentaire 4 Freud, c’est-d-dire de ma théorie, ne saurait donner aucun sens). Eét-ce que ce ne serait pas pourtant la coupure interprétative elle-méme, qui, pour Panonneur sur la touche, fait probleme de faire conscience ? Elle révélerait alors la topologie qui la commande dans un cross-cap, soit dans une bande de Meebius. Car c’est seu- lement de cette coupute que cette surface, ob de tout point, on a accts 4 son envers, sans qu’on ait A passer de bord (A une seule face donc), se voit par aprés pouryue d’un reéto et d’un verso. La double inscription freudienne ne serait donc du ressort d’aucune barridre saussurienne, mais de la pratique méme qui en pose la jo (eae RADIOPHONIE question, 4 savoir lacoupure dont J’inconscient 4 se désister témoigne qu’il ne consistait qu’en elle, soit que plus le discours est interprété, plus il se confirme d’étre inconscient. Au point que la psychanalyse seule découvrirait qu’il y a un enyers au discours, — 4 condition de Vinterpréter. Je dis ces choses difficiles, de savoir que l’inaptitude de mes audi- teurs les met avec elles de plain-pied. Que le vice du psychana- lyste d’étre personne par son aéte plus que toute autre déplacée, Pi tende d’autre fagon inapte, c’est ce qui fait chacun de mes rits si citconlocutoite 4 faire barrage 4 ce qu’il s’en serve 4 bouche-que-veux-tu. Il faut dire que le désir d’étre le maitre contredit le fait méme du psychanalyste : c’est que la cause du désir se distingue de son objet. Ce dont témoigne la métonymie du linguiste, est 4 portée d’autres que le psychanalyste, Du poéte par exemple qui dans le prétendu réalisme fait de la prose son instrument. Jai montré en son temps que Vhuitre 4 gober qui s’évoque de Voreille que Bel-Ami s’exerce 4 charmer, livre le secret de sa jouis- sance de maquereau. Sans la métonymie qui fait muqueuse de cette conque, plus personne de son cété pour payer l’écot que ’hysté- tique exige, 4 savoir qu’il soit la cause de son désir 4 elle, pat cette jouissance méme. On voit ici que le passage est aisé du fait linguistique au symp- téme et que le témoignage du psychanalyste y reste inclus. On s’en convainc dés qu’il commence 4 s’exalter de son“ écoute” : hystérie de son middle age. Le coquillage aussi entend la sienne, c’est bien connu, —et qu’on veut étre le bruit de la mer, sans doute dece que Von sache que c’est elle qui I’a écaillé. Ils ne bavaient pas encore de V’écoute, ceux qui voulaient que je fasse 4 Jakobson plus d’honneur, pour l’usage dont il m’était. Ce sont les mémes qui depuis me firent obje@tion de ce que cet usage ne lui fat pas conforme en la métonymie, Leut lenteur 4 s’en apercevoir montre quel cerumen les sépate de ce qu’ils entendent avant qu’ils en fassent patabole. Ils ne prendront pas 4 la lettre que la métonymie est bien ce qui détermine comme opération de crédit (Verschiebung veut dite : 7” RADIOPHONIE virement) le mécanisme inconscient méme oi c'est pourtant Pencaisse-jouissance sur quoi l’on tire. Pour ce qui est du signifiant 4 résumer ces deux tropes, je dis mal, parait-il, qu’ déplace quand je traduis ainsi : es enthtellt quelque part dans mes Frits. Qu’il défigure, dans le di@ionnaire, on me Penvoie dire par exprés, voire ballon-sonde (encore le truc de la figure et de ce qu’on peut y papouiller). Dommage que pour un retour & Freud ot l’on voudrait m’en remontrer, on ignore ce passage du Moise ot Freud tranche qu’il entend ainsi l’ Entfiel- dung, 4 savoir comme déplacement, parce que, fat-il archaique, c’est i, dit-il, son sens premier. Faire passer la jouissance 4 Pinconscient, c’est-4-dire 4 la compta- bilité, c’est en effet un sacré déplacement. On constatera d’ailleurs 4 se faire renvoyer, par l’index de mon livre, de ce mot aux passages qui vitent de son emploi, que je le traduis (comme il faut) au gré de chaque contexte. C'est que je ne métaphorise pas la métaphore, ni ne métonymise la métonymie pour dire qu’elles équivalent 4 la condensation et au virement dans Pinconscient. Mais je me déplace avec le dépla- cement du réel dans le symbolique, et je me condense pour faire poids de mes symboles dans le réel, comme il convient 4 suivre Vinconscient 4 la trace. Question IV : Vous dites que la décomerte de Pinconscient aboutit a une seconde révolution copernicienne. En quoi l’inconscient est-il une notion- clef qui subvertit toute théorie de la connaissance ? Réponse : Votre question va 4 chatouiller les espoirs, teintés de fais-moi peur, qu’inspire le sens dévolu 4 notre Epoque au mot : révolution. On pourrait marquer son passage a une fonéion de surmoi dans la politique, 4 un rdle d’idéal dans la carriére de la pensée. Notez que c’est Freud et nén pas moi qui jouc ici de ces résonances dont seule la coupure struéturelle peut séparet Pimagi- naire comme “ superstruéture ”. Pourquoi ne pas partir de Pironie qu’il y a 4 mettre au compte @une révolution (symbolique) une image des révolutions astrales qui n’en donne guére Pidée ? RADIOPHONIE, Qu’y a-t-il de révolutionnaire dans le recentrement autour du soleil du monde solaire? A entendre ce que j’articule cette année d’un discours du maitre, on trouvera que celui-ci y clét fort bien la révolution qu’il écrit 4 partir du réel : si la visée de Pémorhuy est bien le transfert du savoir de l’esclave au maitre, — ceci au contraite du passez-muscade impayable dont Hegel voudrait dans le savoir absolu résorber leur antinomie—, la figure du soleil est la digne d’imaginer le signifiant-maitre qui demeure inchangé 4 mesure méme de son recel. Pour la conscience commune, soit pour le “ peuple ”, I’hélio- centrisme, 4 savoir que ¢a tourne autour, implique que ¢a tourne rond, sans qu’il y ait plus 4 y regarder. Mettrai-je au compte de Galilée, V'insolence politique que représente le Roi-Soleil ? De ce que les ascendants contrariés qui résultent de la bascule de V’axe de la sphéte des fixes sur le plan de ’écliptique, gardassent la présence de ce qu’ils ont de manifeste, les Anciens surent tirer les images 4 appuyer une dialeCtique guidée d’y diviser savoir et vérité : j’en épinglerais un photocentrisme d’étre moins asser- vissant que ’hélio. Ce que Freud, 4 son dire exprés, dans le recours 4 Copernic allé- gorise de la destitution d’un centre au profit dun autre, reléve en fait de la nécessité d’abaisser la supetbe qui tient 4 tout mono- centrisme. Ceci en raison de celui auquel il a affaite dans la psycho- logie, ne disons pas : 4 son époque, parce qu’il est dans la nétre encore inentamé : il s’agit de la prétention dont un champ s’y constitue au titre d’une “ unité ” dont il puisse se recenser. Pour bouffon que ce soit, c’est tenace. Pas question, que cette prétention se soucie de la topologie qu’elle suppose : a savoir celle de la sphére, puisqu’elle ne soupgonne méme pas que sa topologie soit probléme : on ne peut supposer autre ce qu’on ne suppose nullement. Le piquant, c’est que la révolution copernicienne fait métaphore appropriée au-dela de ce dont Freud la commente, et c’est en quoi de la lui avoir rendue, je la reprends. Car Vhistoire soumise aux textes ot la révolution coperni- cienne s’inscrit, démontre que ce n’est pas Phéliocentrisme qui fait son nerf, au point que c’était pour Copernic lui-méme — le cadet de ses soucis. A prendre l’expression au pied de la lettre, soit au B RADIOPHONIE sens de : pas le premier, elle s’étendrait aux autres auteurs de la dite révolution. Ce autour de quoi tourne, mais justement c’est le mot 4 éviter, autour de quoi gravite l’effort d’une connaissance en voie de se repérer comme imaginaite, c’est nettement, comme on le lit 4 faire avec Koyré de approche de Képler la chronique, de se dépétrer de Pidée que le mouvement de rotation, de ce qu’il engendre le cercle (soit : la forme parfaite), peut seul convenir 4 affection du corps céleste qu’est la planéte. Tntroduite en effet la traje€oire elliptique, c’est dire que le corps planétaire vite 4 précipiter son mouvement (€égalité des aires cou- vertes par le rayon dans l’unité du temps: deuxiéme loi de Képlet) autour du foyer occupé pat le luminaire maitre, mais s’en retourne 4 le ralentir du plus loin d’un autre foyer inoccupé, lui sans aucun feu a faire lieu. Tci git le pas de Galilée : ailleurs que dans l’échauffourée de son prtocts ot il n’y a parti 4 prendre que de la bétise de ceux qui ne voient pas que lui, travaille pour le pape. La théologie a ce prix, comme la psychanalyse, de tamiser d’une telle chute les canailles. Le pas de Galilée consiste en ce que pat son truchement la loi dinertie entre en jeu dont va s’éclairer cette ellipse. Par quoi enfin Newton, — mais quel temps de comprendre doit-il encore s’écouler avant le moment de conclure —, Newton, oui, conclut 4 un cas particulier de la gravitation qui régle la plus banale chute d’un corps. Mais 1A encore la vraie portée de ce pas est étouffée : qui est celle de V’a@tion, — en chaque point d’un monde ot ce qu’elle sub- vertit, est de démontrer le réel comme impossible —, de l’aétion, dis-je, de la formule qui en chaque point soumet l’élément de masse 4 l’attraGtion des autres aussi loin que s’étend ce monde, sans que tien y joue le réle d’un médium 4 transmettre cette force. Car c’est bien 14 qu’est le scandale que la conscience laique (celle dont la bétise, tout 4 V’inverse, fait la commune canaille) a fini par censurer, simplement de s’y faire sourde. Sous le choc du moment, les contemporains pourtant y réagirent vivement, et il faut notre obscurantisme pour avoir oublié l’ob- jeGtion que tous sentaient alors : du comment chacun des éléments de 74 RADIOPHONIE. masse pouvait étre averti de la distance 4 mesurer pour qu'il en pesat 4 aucun autre. La notion de champ n’explique rien, mais seulement met noir sur blanc, soit suppose qu’est écrite ce que nous soulignons pour @tre la présence effeGive non de la relation, mais de sa formule dans le réel, soit ce dont d’abord j’ai posé ce qu’il en est de la Strudture. Il serait curicux de développer jusqu’od la gravitation, premitre 4 nécessiter une telle fonétion, se distingue des autres champs, de Péle€tro-magnétique par exemple, proprement faits pour ce 4 quoi Maxwell les a menés : la reconstitution d’un univers. Il reste que le champ de gravitation, pour remarquable que soit sa faiblesse au regard des autres, résiste 4 Vunification de ce champ, soit au remontage d’un monde. Dow je profére que le LEM alunissant, soit la formule de Newton réalisée en appareil, témoigne de ce que le trajet qui l’a porté la sans dépense, est notre produit, ou encore : savoir de maitre. Parlons d’acosmonaute plutét que d’insister. Il serait aussi intéressant de pointer jusqu’ot la reification einsteinienne dans son étoffe (courbure de l’espace) et dans son hypothése (nécessité d’un temps de transmission que la vitesse finie de la lumitre ne permet pas d’annuler) décolle de Pesthé- tique transcendantale, j’entends celle de Kant. Ce qu’on soutiendrait de ce qui la pousse, cette rettification, 4 Pordre quantique : ot le quantum d’aétion nous renvoie d’une butée plus courte qu’on ne s’y setait attendu de la physique, Peffet d’aéte qui se produit comme déchet d’une symbolisation correéte, Sans nous y risquer, posors que la charte de la structure, c'est Vhypotheses non fingo de Newton. Il y a des formules qu’on n’imagine pas. Au moins pour un temps, elles font assemblée avec le réel. On voit que les sciences exaétes avec leur champ avaient articulé cette charte, avant que je ne l’impose 4 la correétion des conjec- turales. Ces le seul levier 4 pouvoir mettre hors d’état d’y faire couver- cle ce qui tourne de la meule : psychologie d’indéchaussable 4 ce que Kant y relaie Wolff et Lambert, et qui tient en ceci : qu’axée, 7 RADIOPHONIE sur le méme pivot dont traditionnellement s’embrochent onto- logie, cosmologie, sans que théologie leur fasse legon, l’Ame, c'est la connaissance que le monde a de soi-méme, et précisément ce qui pare 4 étre reconnu ainsi, de alibi d’une Chose-en-Soi qui se déroberait 4 Ia connaissance. A partir de I4 on ajoute aux fantasmes qui commandent la réalité, celui du contremaitre. C’est pour tamener 4 sa férule la révolution freudienne, qu’une clique mandatée pout la lyse-Anna de Panalyse a réédité ce Golem au titre du moi autonome. S’il y a trace chez Kant de l’office qu’on lui impute d’avoir paré 4 la “ cosmologie ” newtonienne, c’est 4 ce que s’y tope quelque part, comme d’une pomme 4 un poisson, la formule newtonienne, et pour marquer que la Vernunft ou le Verstand n’y ont tien a faire d’a prior’. Ce qui e&t sir non moins de l’expérience dite sensi- ble, ce que je traduis : non avertie encore de la struéture. Le nouméne tient du mirage dont des fon€tions veulent se faire prendre pour organes, avec pour effet d’embrouiller les organes 4 trouver fonéion. Ainsi cette fonétion veuve ne se fait valoir que comme corps étranger, chute d’un discours du maitre quelque peu périmé. Ses sceurs en raison sont hors d’état, pures ou pratiques qu’elles s’affirment, d’en remontrer plus que la spécularisation dont procédent les solides qui ne peuvent étre dits ““ de révolu- tion ” qu’d contribuer aux intuitions géométriques les plus tradi- tionnelles qui soient. Que seule la stru@ure soit propice 4 ’émergence du réel d’ot se promeuve neuve révolution, s’atteste de la Révolution, de quelque grand R que la frangaise l’ait pourvue. Elle se fat réduite 4 ce qu’elle est pour Bonapatte comme pour Chateaubriand : retour au maitre qui a Part de les rendre utiles (consultez I’Essai qui s’en intitule en 1801) ; le temps passant, 4 ce qu’elle est pour Vhistorien fort digne de ce nom, Tocqueville : shaker 4 faire dégradation des idéologies de l’Ancien Régime ; 4 ce que les hommes d’intelligence n’y entendent pas plus que d’une folic dont s’extasier (Ampére) ou 4 camisoler (Taine) ; 4 ce qui en reste pour le leGteur présent d’une débauche rhétorique peu propre 4 la faire respecter. Tl en serait ainsi si Marx ne l’avait replacée de la stru€ture qu’il en formule dans un discouts du capitaliste, mais de ce qu’elle ait 76 RADIOPHONIE isaiba ded) forclos la plus-value dont il motive ce discours, Autrement dit c’est de Pinconscient et du symptéme qu'il prétend proroger la grande Révolution : c’est de la plus-value découverte qu’il précipite la conscience dite de classe. Lénine passant 4 l’aéte, n’en obtient rien de plus que ce qu’on appelle régression dans la psychanalyse : soit les temps d’un discours qui n’ont pas été tenus dans la réalité, i et d’abord d’étre intenables. C’est Freud qui nous découvre V’incidence d’un savoir tel qu’A se soustraire 4 la conscience, il ne s’en dénote pas moins d’étre Srudturé, dis-je, comme un langage, mais d’ot articulé ? peut-étre de nulle part od il soit articulable, puisque ce n’est que d’un point de manque, impensable autrement que des effets dont il se marque, et qui rend précaite que quelqu’un s’y connaisse au sens ot s’y connaitre, comme fait l’artisan, c’est étre complice d’une nature 4 quoi il nait en méme temps qu’elle : car ici il s’agit de déna- turation ; qui rend faux d’autre part quepetsonne s’y reconnaisse, ce qui impliquerait le mode dont la conscience affirme un savoit d’étre se sachant. L’inconscient, on le voit, n’est que terme métaphorique 4 dési- | gner le savoit qui ne se soutient qu’d se présenter comme impossible, | pour que de ¢a il se confirme d’étre réel, (entendez discouts réel). Liinconscient ne disqualifie rien qui vaille dans cette connais- ! sance de nature, qui est plutét point de mythe, ou méme inconsis- tance 4 se démontrer de l’inconscient. Bref il suffit de rappeler que la bipolarité se trahit essentielle 4 tout ce qui se propose des termes d’un vrai savoir. [ Ce qu’y ajoute inconscient, c’est de la fournir d’une dynamique dela dispute qui s’y fait par une suite de rétorsions 4 ne pas manquer de leur ordre qui fait du corps table de jeu. Les sommations qui en reviennent, selon notre schéme : d’étre le fait d’une fiction de l’émetteur, c’est moins du refoulement quwelles témoignent en ce qu’il n’est pas moins conttruit, que du tefoulé 4 faire trou dans la chaine de vigilance qui n’est pas plus que trouble du scmmeil. A quoi prend garde la non-violence d’une censure dont tout sens regoit le démenti 4 se proposer pour véritable, mais dont Vadversaire jubile d’y préserver le non-sens (nonsense plutdt), seul point par ott il fait nature (comme de dire : qu’il fait eau). 7 Si Pinconscient, d’une autre donne, fait sujet de la négation, Vautre savoir s’emploie 4 le conditioner de ce 4 quoi comme signi- fiant il répugne le plus : une figure représentable. A la limite s’avoue de quoi le conflit fait fonftion 4 ce que place nette soit faite au réel, mais pour que le corps s’y hallucine, Tel est le trajet o& naviguent ces bateaux qui me doivent, rappelons-le, d’étre enregistrés comme formations de lin- conscient. A en fixer le bati correé, j’ai da préter patience 4 ceux dont était le quotidien, sans de longtemps qu’ils en distinguent la Stru@ure. A vrai dire, il a suffi qu’ils craignent de m’y voir surgit au réel, pour qu’un réveil s’en ‘produise, tel qu’ils ne trouvent pas mieux que, du jardin dont je peignais leurs délices, me rejeter moi-méme. D’ou je fis retour au réel de PE.N.S., soit de l’étant (ou de P’étang) de l’Ecole normale supérieure of le preraier jour que j’y pris place, je fus interpellé sur ’étre que j’accordais a tout ga. D’ot je déclinai d’avoir 4 soutenir ma visée d’aucune ontologie. C’est qu’a ce qu’elle fut, visée, d’un auditoire 4 rompre 4 ma logie, de son onto je faisais ’honteux. 7 Toute onto bue maintenant, je répondrai, et pas par quatre chemins ni par forét 4 cacher l’arbre. Mon épreuve ne touche 4 V’étre qu’A le faire naitre de Ia faille que produit l’étant de se dire. D’ot auteur est 4 reléguer 4 se faire moyen pour un désir qui le dépasse. Mais il y a entremise autre qu’a dit Socrate en ace. Il savait comme nous qu’a V’étant, faut le temps de se faire A étre, Ce “ faut le temps ”, c’eSt P’étre qui sollicite de Pinconscient pour y faire retour chaque fois que lui faudra, oui faudta le temps. Car entendez que je joue du cristal de la langue pour réfraGter du signifiant ce qui divise le sujet. Y faudra le temps, c’est du frangais que je vous cause, pas du chagrin, j’espére. Ce qui faudra de ce qu’il faut le temps, c’est 1a la faille dont se dit P’étre, et bien que Pusage d’un futur de cette forme pour le vetbe : faillir ne soit pas recommandé dans un ouvtage qui s’a~ 7 RADIOPHONIE dresse aux belges, il y est accordé que la grammaire 4 le proscrire faudrait 4 ses devoirs. Si peu s’en faut qu’elle en soit 1a, ce peu fait preuve que c'est bien du manque qu’en frangais le falloir vient au renfort du néces- saite, y supplantant V’i/ effuet de temps, de Veit opus temporis, a le pousser 4 l’estuaire oit les vieilleries se perdent. Inversement ce falloir ne fait pas pat hasard équivoque dit au mode, subjonétif du défaut : avant (4 moins) qu’il ne faille y venir... C’est ainsi que Vinconscient s’articule de ce qui de Pétre vient au dire. Ce qui du temps lui fait étoffe n’est pas emprunt d’imaginaire, mais plutét d’un textile ob nceuds ne diraient tien que des trous qui s’y trouvent. Ce temps logique n’a pas d’En-soi que ce qui en choit pour faire enchére au masochisme. C’eSt ce que le psychanalyste relaie d’y faire figure de quei- qu’un. Le “ faut du temps ”, il le supporte assez longtemps pour qu’ celui qui vient s’y dire, il ne faille plus que de s’instruire de ce qu'une chose n’est pas tien : justement celle dont il fait signe 4 quelqu’un. On sait que j’en introduisis atte psychanalytique, et je ne prends pas comme d’accident que l’émoi de mai m’ait empéché d’en venir 4 bout. Je tiens ici 4 marquer que quelqu’un ne s’y asseoit que de la facon, de l’effagon plutét, qu’il y impose au vrai. Un seul savoir donne la dite effagon : la logique pour qui le vrai et le faux ne sont que lettres 4 opéret d’une valeur. Les Stoiciens le pressentirent de leur pratique d’un masochisme politisé, mais ne le poussérent au point que les sceptiques dussent faire tréve de leur mythique invocation d’une vérité de nature. Ce sont les refus de la mécanique grecque qui ont barré la route 4 une logique dont se pit édifier une vérité comme de texture. ‘A la vérité, seule la psychanalyse justifie le mythique ici de la nature 4 repérer dans la jouissance qui en tient lieu 4 se produire effet de texture. Sans elle, il suffit de la logique mathématique pour faire supersti- tion du scepticisme 4 rendre irréfutables des assertions aussi peu vides que : 79 RADIOPHONIE — un systéme défini comme de l’ordre de l’arithmétique n’ob- tient la consistance de faire en son sein départage du vrai et du faux, qu’ se confirmer d’étre incomplet, soit d’exiger l'indémon- trable de formules qui ne se vérifient que d’ailleurs ; — cet indémontrable s’assure d’autre part d’une démonstra- tion qui en décide indépendamment de la vérité qu’il intéresse ; — ily a un indécidable qui s’articule de ce que l’indémontrable méme ne saurait étre assuré. Les coupures de l’inconscient montrent cette stru€ture, 4 lattes- ter de chutes pareilles 4 cerner. Car me voici revenir au cristal de la langue pour, de ce que falsus soit le chu en latin, lier le faux moins au vrai qui le réfute, qu’A-ce qu’il faut de temps pour faire trace de ce qui a défailli 2 s’avérer dabord. A le prendre de ce qu’il est le participe passé de fallere, tomber, dont faillir et falloir proviennent chacun de son détour, qu’on note que l’étymologie ne vient ici qu’en soutien de Peffet de cristal homophonique. Crest le prendre comme il faut, 4 faire double ce mot, quand il s'agit de plaider le faux dans Vinterprétation. C’est justement comme falsa, disons bien tombée, qu’une interprétation opére etre a cdté, soit : ov se fait l’étre, du pataqu’est-ce. Noublions pas que le symptéme est ce falsus qui est la cause dont l’analyse se soutient dans le procés de vérification qui fait son étre. Nous ne sommes stirs, pour ce que Freud pouvait savoir de ce domaine, que de sa fréquentation de Brentano, Elle est discréte, soit repérable dans le texte de la Verneinung. J’y ai frayé la voie au praticien qui saura s’attacher au ludion logique que j’ai forgé 4 son usage, soit Pobjet a, sans pouvoir sup- pléer a analyse, dite personnelle, qui l’a parfois rendu impropre a la manier. Un temps encore pour ajouter 4 ce dont Freud se maintient, un trait que je crois décisif : la foi unique qu’il faisait aux Juifs dene pas faillir au séisme de la vérité. Aux Juifs que par ailleurs tien n’écarte de Paversion qu’il avoue pat l’emploi du mot : occul- tisme, pour tout ce qui est du mystére, Pourquoi ? Pourquoi sinon de ce que le Juif depuis le retour de Babylone, est celui qui sait lire, c’est-d-dite que de la lettre il prend distance 80 RADIOPHONIE de sa parole, trouvant 14 l’intervalle, juste 4 y jouer d’une interpré- tation. D’une seule, celle du Midrasch qui se distingue ici éminemment. En effet pour ce peuple qui a le Livre, seul entre tous a s’affir- mer comme historique, 4 ne jamais proférer de mythe, le Midrasch teprésente un mode d’abord dont la moderne critique historique pourrait bien n’étre que l’abatardissement. Car sil prend le Livre au pied de sa lettre, ce n’est pas pour la faire supporter d’intentions plus ou moins patentes, mais pour, de sa collusion signifiante prise en sa matérialité : de ce que sa combinaison rend obligé de voisi- nage (donc non voulu), de ce que les variantes de grammaire impo- sent de choix désinentiel, tirer un dire autre du texte : voire 4 y impliquer ce qu’il néglige (comme référence), l’enfance de Moise par exemple, N’est-il rien d’en rapprocher ce que de la mort du méme, Freud tenait 4 ce qu’il fat su, au point d’en faire son message dernier ? Surtout 4 y mettre la distance — jamais prise avant moi — du travail de Sellin dont la rencontre sur ce point ne lui parut pas 4 dédaigner, quand son dévergondage d’étre d’une plume fort quali- fiée dans l’exégése dite critique, va 4 jeter sur les gonds mémes de Ja méthode la dérision. Occasion de passer 4 l’envers (c’est le propos de mon séminaire de cette année) de la psychanalyse en tant qu’elle est le discours de Freud, lui suspendu. Et, sans recours au Nom-du-Pére dont j’ai dit m’abstenir, biais légitime 4 prendre de la topologie trahie par ce discours. Topologie oi saille Pidéal monocentrique (que ce soit le soleil n’y change rien) dont Freud soutient le meurtre du Péte, quand, de laisser voit qu’il est 4 rebours de l’épreuve juive patriarcale, le totem et le tabou l’abandonnent de la jouissance mythique. Non Ja figure d’Akhénaton, Qu’au dossier de la signifiance ici en jeu de la castration, soit versé l’effet de cristal que je touche : de /a faux du temps. Note pour ma réponse a la 4¢ question : Je voudrais qu’on sache que ce texte ne prétend pas rendre compte de la “ révolution copernicienne ” telle qu’elle s’articule 81 RADIOPHONIE dans Phistoire, mais de usage... mythique quien est fait. Par Freud notamment. Il ne suffit pas de dire par exemple que V’héliocentrisme fut “Je cadet des soucis ” de Copernic. Comment lui donner son tang ? Il est certain au contraire, — on sait que je suis formé aux écrits de Koyré la-dessus —, qu’il lui paraissait admirable que le soleil fat 14 ot il lui donne sa place parce que c’est de 1a qu’il jouait le mieux son réle de luminaire. Mais en est-ce 1A le subversif ? Car il le place non pas au centre du monde, mais en un lieu assez voisin, ce qui, pour la fin admirée et pour la gloire du créateur, va aussi bien. Il est donc faux de parler d’héliocentrisme. Le plus étrange est que personne, qu’on entende bien : des spécialistes hors Koyré, ne reléve que les “ révolutions ” de Coper- nic ne concernent pas les corps célestes, mais les orbes. Il va de soi pour nous que ces orbes sont tracées par les corps. Mais, on rougit d’avoir 4 le rappeler, pour Ptolémée comme pour tous depuis Eudoxe, ces orbes sont des sphéres qui sapportent les corps célestes et la course de chacun est réglée de ce que plusieurs orbes la sup- portent concurremment, 5 peut-étre pour Saturne, 3 4mon souvenir pour Jupiter. Que nous importe ! comme aussi bien de celles qu’y ajoute Aristote pour tamponner entre deux corps célestes, les deux qu’on vient de nommer par exemple, l’effet 4 attendre des orbes du premier sur celles du second. (C’est qu’Aristote veut une phy- sique qui tienne.) Qui ne devrait s’apetcevoir de ¢a, je ne dis pas 4 lice Copernic dont il existe une reprodu@ion phototypique, mais simplement 4 y épeler le titre : De tévolutionibus orbivm coelestium? Ce qui n’empéche pas des /raduéfeurs notoires (des gens qui ont traduit le texte) dintituler leur traduétion : Des révolutions des corps célestes. Tl est littéral, ce qui équivaut ici a dire : il est vrai, que Copernic est ptolémaiste, qu’il reste dans le matériel de Ptolémée, qu’il n’est pas copernicien au sens inventé qui fait ’emploi de ce terme. Est-il justifié de s’en tenir 4 ce sens inventé pour répondre 4 un usage métaphorique, c’est le probléme qui se pose en toute métaphore ? Comme dit 4 peu prés quelqu’un, avec les arts on s’amuse, on muse avec les lézards. On ne doit pas perdre occasion de tappelet 82 RADIOPHONIE: Yessence crétinisante du sens 4 quoi le mot commun convient. Néanmoins ce reste exploit stétile, si une liaison stru@uralen’en peut étre apergue. A question interviewer, vaut réponse improvisée. Du premier jet ce qui m’est venu, — venu du fond d’une information que je pric de croire n’étre pas nulle —, c’est d’abord la remarque dont 4 héliocentrisme, j’oppose un photocentrisme d’une importance Stcu@turale permanente. On voit de cette note 4 quelle niaiserie tombe Copernic de ce point de vue. Koyré la grandit, cette niaiserie, 4 la reférer au mysticisme propagé du cercle de Marsile Ficin. Pourquoi pas en effet ? La Renaissance fut occultiste, c’est pourquoi l’Université la classe parmi les éres de progrés, Le tournant véritable est da 4 Kepler et, j’y insiste, dans la sub- version, la seule digne de ce nom, que constitue le passage qu’ila payé de combien de peine, de l’imaginaire de la forme dite parfaite comme étant celle du cercle, 4 Varticulation de la conique, de Yellipse en l’occasion, en termes mathématiques. Je collapse incontestablement ce qui est le fait de Galilée, mais il e&t clair que apport de Kepler ici lui échappait, et pourtant c’est lui qui déja conjugue entre ses mains les éléments dont Newton forgera sa formule : j’entends par 14 la loi de l’attraction, telle que Koyré Visole de sa fon&ion hyperphysique, de sa présence syn- taxique (cf. Etudes newtoniennes, p. 34). A la confronter, 4 Kant, je souligne qu’elle ne trouve place dans aucune critique de la raison imaginaire. C’est de fait la place forte dont le siége maintient dans la science Vidéal @’univers par quoi elle subsiste. Que le champ newtonien ne s’y laisse pas réduire, se désigne bien de ma formule : Pimpossi- ble, c’est le réel. C'est de ce point une fois atteint, que rayonne notre physique. Mais 4 inscrire la science au registre du discours hystétique, je laisse entendre plus que je n’en ai dit. L’abord du réel est étroit, Et c’est de le hanter, que la psycha- nalyse se profile. 83 RADIOPHONIE Question V : Quelles en sont les conséquences sur le plan: a) de Ja science, b) de la philosophie, ©) plus particulitrement du marxisme, voire du communisme ? Réponse : Votre question, qui suit une liste précongue, mérite que je marque qu’elle ne va pas de soi aprés la réponse qui précéde. Elle semble supposer que j’aie acquiescé 4 ce que “ V'inconscient... subvertit toute théorie de la connaissance ”, pour vous citer, aux mots prés que j’élide pour les en séparer : (l’inconscient) “ est-il une notion-clef qui ” etc. Je dis : Pinconscient n’est pas une notion. Qu’il soit une clef? Ga se juge 4 l’expérience. Une clef suppose une serrure. Il existe assurément des serrures, et méme que l’inconscient fait jouer cor- rectement, pour les fermer ? pour les ouvrir ? ga ne va pas de soi que l’un implique V’autre, a fortiori qu’ils soient équivalents. Il doit nous suffice de poset que Vinconscient est. Ni plus ni moins. C’eSt bien assez pour nous occuper un moment encore aprés le temps que ga a duré, sans que jusqu’a moi personne ait fait un pas de plus. Puisque pour Freud, c’était a reprendre de la table rase en chaque cas : de la table rase, méme pas sur ce qu'il e&t, il ne peut le dire, hors sa réserve d’un recours organique de pur rituel : sur ce gv’il en eff dans chaque cas, voila ce qu’il veut dire. En attendant, rien de sir, sinon qu’il est, et que Freud, 4 en parler, fait de la linguistique. Encore personne ne le voit-il, et contre lui, chacun s’essaie 4 faire rentrer Vinconscient dans une notion d’avant. . Dvavant que Freud dise qu’il est, sans que ¢a soit, ni ga, et notamment pas non plus le Ca. Ce que j’ai repondu 4 votre question IV, veut dire que l’incons- cient subvertit d’autant moins la théorie de la connaissance qu’il n’a tien 4 faite avec elle pout la raison que je viens de dire : 4 savoir, quwil lui est étranger. C’e&t sans qu'il y soit pour tien qu’on peut dire que la théorie de la connaissance n’est pas, pout la raison qu’il n’y a pas de connais- sance qui ne soit d’illusion ou de mythe. Ceci, bien sir, 4 donner au mot un sens qui vaille la peine d’en maintenir l’emploi au-dela de son sens mondain ; 4 savoir que “ je le connais ” veut dire : je RADIOPHONIE lui ai été présenté ou je sais ce qu'il fait par cceur (d’un écrivain notamment, d’un prétendu “ auteur ” en général). A noter, pour ceux 4 qui le ['v&6. ceautdy pourrait servir de muljeta en Yoccasion, puisque ce n’est rien d’autte, que cette visée dexploit exclut toute théorie depuis que la consigne en a été brandie par Je trompeut delphique. Ici, Pinconscient n’apporte ni renfort ni déception : mais seulement que le ceavtdv sera forcé- ment coupé en deux, au cas qu’on s’inquiéte encore de quelque chose qui y ressemble aprés avoir dans une psychanalyse mis 4 Vépreuve “ son ” inconscient. Brisons donc 14 : pas de connaissance. Au sens qui vous permet- trait Vaccolade d’y envelopper les rubriques dont vous croyez maintenant pousser votre question. Pas de connaissance autre que Je mythe que je dénongais tout 4 Pheure. Mythe dont la théorie dés lors reléve de la mytho-logie (a spécifier d’un trait d’union) nécessitant au plus une extension de l’analyse stru€turale dont Lévi-Strauss fournit les mythes ethnographiques. Pas de connaissance. Mais du savoir, ¢a oui, a la pelle, 4 n’en savoit que faire, plein des armoires. De 1A, certains (de ces savoirs) vous crochent au passage. Il y suffit que les animent un de ces discours dont cette année j’ai mis en circulation la stru€tute. Etre fait sujet d’un discours peut vous tendre sujet au savoir. Si plus aucun discours n’en veut, il arrive qu’on interroge un savoir sur son usage périmé, qu’on en fasse Parchéologie. C’est plus qu’ouvrage d’antiquaire, si c’est afin d’en mettre en fonction la Stru@ure. La strudture, elle, c’eSt une notion : d’élaborer ce qu'il s’ensuit pout la réalité, de cette présence en elle des formules du savoir, dont je marquais plus haut qu’elle est son avénement notionnel. IL y a des savoirs dont les suites peuvent rester en souffrance, ou bien tomber en désuétude. Ily ena un dont personne n’avait Pidée avant Freud, dont per- sonne aprés lui ne l’a encore, sauf 4 en tenit de moi par quel bout le prendre. Si bien que j’ai pu dire tout 4 ’heure que c’est au regard des autres savoirs que le terme d’inconscient, pour celui-ci, fait métaphore. A partir de ce qu’il soit structuré comme un langage, on me fait confiance avec fruit : encore faut-il qu’on ne se trompe 85 RADIOPHONIE, pas sur ceci que c’est plutdt lui, si tant est que ce ne soit abus de le pronommer, lui, Pinconscient, qui pat ce bout vous prtend. Si j7insiste 4 marquer ainsi mon retard sur votre hate, c’est qu'il vous faut yous souvenir que 14 ot j’ai illustré la fonétion de la hate en logique, je l’ai soulignée de l’effet de leurre dont elle peut se faire complice. Elle n’est corre&te qu’d produire ce temps : le moment de conclure. Encore faut-il se gatder de la mettre au ser- vice de l'imaginaire. Ce qu’elle rassemble est un ensemble : les ptisonniers dans mon sophisme, et leur rapport 4 une sortie struc- turée d’un arbitraire : non pas une classe. Tl arrive que la hate 4 errer dans ce sens, serve 4 plein cette ambiguité des résultats, que j’entends tésonner du tetme : tévo- lution, lui-méme. Car ce n’est pas d’hier que j’ai ironisé sur le terme de tradition révolutionnaire. Bref, je voudrais marquer l’utilité en cette trace de se demarquer de la séduétion. Quand c’est de prodution que Vaffaire prend son tour. Out je pointe le pas de Marx. Car il nous met au pied d’un mur dont on s’étonne qu'il n’y ait rien d’autre 4 reconnaitre, pour que quelque chose s’en renverse, pas le mur bien sar, mais la fagon de tourner autour. L’efficacité des coups de glotte au sitge de Jéticho laisse 4 penser qu’ici le mur fit exception, 4 vrai dire n’épargnant rien sur le nombre de touts nécessaire. C’est que le mur ne se trouve pas, dans cette occasion, 14 ob on le croit, de pierre, plutét fait de inflexible d’une vagance extra. Et si c’est le cas, nous retrouvons la struéture qui est le mur dont nous parlons. A le définir de relations articulées de leur ordre, et telles qu’a y prendre part, on ne le fasse qu’ ses dépens. Dépens de vie ou bien de mort, c’est secondaire. Dépens de jouissance, voila le primaire. D’ot la nécessité du plus-de-jouir pour que la machine tourne, Ja jouissance ne s’indiquant 14 que pour qu’on Pait de cette effagon, comme trou 4 combler. Ne vous“étonnez pas quici je ressasse quand d’ordinaire je cours mon chemin. 86 RADIOPHONIE C’est qu’ici 4 refaire une coupute inaugurale, je ne la répéte pas, je la montre se redoublant 4 recueillir ce qui en choit. Car Marx, la plus-value que son ciseau, 4 le détacher, restitue au discours du capital, c’est le prix qu’il faut mettre 4 nier comme moi qu’aucun discours puisse s’apaiser d’un métalangage (du for- } malisme hégélien en Poccasion), mais ce prix, il la payé de s’astreindre a suivre le discours naif du capitaliste 4 son ascendant, et de la vie d’enfer qu’il s’en est faite. Cest bien le cas de vérifier ce que je dis du plus-de-jouir. La Mebrwert, est la Marxlust, le plus-de-jouir de Marx. La coquille 4 entendre 4 jamais P’écoute de Marx, voila le cauri dont commercent les Argonautes d’un océan peu pacifique, celui de la produétion capitaliste. Car ce cauri, la plus-value, c’est la cause du désit dont une éco- nomie fait son principe : celui de la produ@tion extensive, donc insatiable, du manque-a-jouir. Il s’accumule d’une part pour accroitre les moyens de cette produétion au titre du capital. Il étend la consommation d’autre part sans quoi cette produ@ion serait vaine, justement de son ineptie 4 procurer une jouissance dont elle puisse se ralentir. Quelqu’un nommé Karl Marx, voild calculé le lieu du foyer noir, mais aussi capital (c’est le cas de le dire) quele capitaliste, (que celui-ci occupe Pautre foyer d’un corps 4 jouir d’un Plus ou d’un plus-de-jouir 4 faire corps), pour que la produétion capitaliste soit assutée de la révolution propice 4 faire durer son dur désir, pour citer 14 le poéte qu’elle méritait. Ce qui est instru@tif, c’est que ces propos courent les rues (4 la logique prés bien sar, dont je les pourvois). Qu’ils sortent sous la forme d’un malaise que Freud n’a fait que pressentir, allons-nous le mettre au compte de V’inconscient ? Certainement, oui : il s’y désigne que quelque chose travaille. Et ce sera une occasion d’ob- servet que ceci n’infléchit nullement V'implacable discours qui en se complétant de Pidéologie de la lutte des classes, induit seule- ment les exploités 4 rivaliser sur exploitation de principe, pour en abriter leur participation patente 4 la soif du manque-a-jouir. Quoi donc attendre du chant de ce malaise? Rien, sinon de témoigner de Pinconscient qu’il parle; — d’autant plus volontiers qu’avec le non-sens il est dans son élément. Mais quel effet en 87 RADIOPHONIE attendre puisque, vous le voyez, je souligne que c’est quelque chose qui eét, et pas une notion-clef ? A se tapporter 4 ce que j’ai instauré cette année d’une articu- lation radicale du discours du maitre comme envers du discours du psychanalyste, deux autres discours se motivant d’un quart de tour 4 faire passage de I’un 4 l’autre, nommément le discours de Phystérique d’une part, le discours universitaire de l’autre, ce qui de la s’apporte, c’est que l’inconscient n’a 4 faire que dans la dyna- mique qui précipite la bascule d’un de ces discours dans lautre. Or, 4 tort ou 4 raison, j’ai cru pouvoir risquer de les distinguer du glissement — d’une chaine articulée de Veffet du signifiant consi- déré comme vérité —, sur la stru€ture — en tant que fon@ion du téel dans la dispersion du savoir. Crest a partir de 14 qu’est 4 juger ce que V’inconscient peut sub- vertir. Certainement aucun discours, oi tout au plus apparait-il d’une infirmité de patole. Son instance dynamique est de provoquer la bascule dont un discours tourne 4 un autre, par décalage de la place od l’effet de signifiant se produit. A suivre ma topologie faite 4 la serpe, on y retrouve la premiére approche freudienne en ceci que V’effet de “ progrés ” a attendre de Vinconscient, c’est la censure. Autrement dit, que pour la suite de la crise présente, tout indique la procession de ce que je définis comme le discours universitaire, soit, contre toute apparence 4 tenir pour leurre en V’occasion, la montée de sa régie. C’est le discours du maitre lui-méme, mais renforcé d’obscu- tantisme. Cest d’un effet de régression par contre que s’opére le passage au discours de Vhystérique. Je ne Vindique que pour vous répondte sur ce qu’il en est des conséquences de votre notion prétendue, quant 4 la science. Si paradoxale qu’en soit V’assertion, la science prend ses élans du discours de Phystérique. Il faudrait pénétrer de ce biais les corrélats d’une subversion sexuelle 4 ’échelle sociale, avec les moments incipients dans V’his- toire de la science. Ce serait rude mise 4 l’épreuve d’une pensée hardie. 88 RADIOPHONIE Elle se congoit de partir de ceci que Vhystérique, ¢’est le sujet divisé, autrement dit c’est l’inconscient en exercice, qui met le maitre au pied du mut de produire un savoir. Telle fut Pambition induite chez le maitre grec sous le nomde Lémortyuy. La. ot la 36% le guidait pour Vessentiel de sa con- duite, il fut sommé, — et nommément par un Socrate hystérique avoué de ce qu’il dit ne s’y connaitre qu’en affaire de désir, patent pat ses symptdmes pathognomoniques — de faire montre de quelque chose qui valat la céyvy de l’esclave et justifiat de ses pouvoits de maitre. Rien 4 trancher de son succés, quand un Alcibiade n’y montre que cette lucidité d’avouer, lui, ce qui le captive en Soctate, l’objet @, que j'ai reconnu dans l’éyahya dont on parle au Banquet, un plus-de-jouir en liberté et de consommation plus courte. Le beau est que ce soit le cheminement du platonisme qui ait tejailli dans notre science avec la révolution copernicienne. Et s'il faut lire Descartes et sa promotion du sujet, son “ je pense, je suis donc”, il ne faut pas en omettre la note 4 Beeckman : “ Sur le point de monter sur la sc&ne du monde, je m’avance masqué... ” Lisons le cogito a le traduire selon la formule que Lacan donne du message dans Vinconscient; c’est alors : “ Ou tu n’es pas, ou tu ne penses pas ”, adressé au savoir. Qui hésiterait a choisir ? Le résultat est que la science est une idéologie de la suppression du sujet, ce que le gentilhomme de l'Université montante sait fort bien. Et je le sais tout autant que lui. Le sujet, 4 se réduire 4 la pensée de son doute, fait place au retour en force du signifiant-maitre, 4 le doubler, sous la rubrique de Pétendue, d’une extériorité entitrement manipulable. Que le plus-de-jouir, 4 donner la vérité du travail qui va suivre, y tegoive un masque de fer (c’est de lui que parle le /arvaius prodeo), comment ne pas voir que c’est s’en remettte 4 la dignité divine (et Descartes s’en acquitte) d’étre seule garante d’une vérité qui n’est plus que fait de signifiant ? Ainsi se légitime la prévalence de l’appareil mathématique, et Vinfatuation (momentanée) de la catégorie quantité. Si la qualité n’était pas aussi encombrée de signifié, elle serait aussi propice au discernement scientifique : qu’il suffise de la voir 89 | II RADIOPHONIE faire retour sous la forme de signes (++) et (—) dans l’édifice de Péle@romagnétisme. Et la logique mathématique (Dieu merci! car moi, j’appelle Dieu par son nom-de-Dieu de Nom) nous fait revenir 4 la stru@ture dans le savoir. Mais vous voyez que si “ la connaissance ” n’a pas encore repris connaissance, c’eSt que ce n’est pas du fait de V'inconscient — qu'elle Pa petdue. Et il y a peu de chance que ce soit Iui qui la tanime. De méme qu’on sait que la connaissance a etté en physique, tant qu’elle a voulu s’insérer de quelque départ esthésique, — qu’est restée nouée la théorie du mouvement, tant qu’elle ne s’est pas dépétrée du sentiment de limpulsion, — que c’est seulement au retour du refoulé des signifiants, qu’est dd qu’enfin se livre Véquivalence du repos au mouvement uniforme, de méme le discours de Phystérique démontre qu’il n’y a aucune esthésie du sexe opposé (nulle connaissance au sens biblique) 4 rendre compte du prétendu rapport sexuel. La jouissance dont il se supporte est, comme toute autre, arti- culée du plus-de-jouir pat quoi dans cé rapport le partenaire ne s’atteint : 1) pour le vir qu’a Videntifier 4 Pobjet a, fait pourtant clairement indiqué dans le mythe de la céte d’Adam, celui qui faisait tant rire, et pour cause, la plus célébre épistoliére de ’homo- sexualité féminine, 2) pour la virgo qu’a le réduire au phallus, soit au pénis imaginé comme organe de la tumescence, soit 4 inverse de sa réelle fon&ion. D’ou les deux rocs : 1) de la castration ot le signifiant-femme s’inscrit comme privation, 2) de Penvie du pénis ot le signifiant- homme est ressenti comme frustration. Ce sont écueils 4 mettre 4 la merci de la rencontre Paccés proné par des psychanalystes 4 la maturité du génital. Car c’est 14 Pidéal batard dont ceux qui se disent “ d’aujourd’hui” masquent qu’ici la cause est d’atte et de Péthique qu'il anime, avec sa raison politique. C’est aussi bien ce dont le discours de l’hystérique questionne le maitre : “ Fais voir si t’es un homme ! ” Mais la représentation de chose, comme dit Freud, ici n’est plus que représentation de son manque. La toute-puissance n’est pas ; c’est bien pour cela » go RADIOPHONIE qu'elle se pense. Et qu’il n’y a pas de reproche 4 lui en faire, comme le psychanalyste s’y obstine imbécilement. Lintérét_n’est pas 14 : 4 faire son deuil de essence du mile, mais 4 produire le savoir dont se détermine la cause qui fait défi en son étant. La-dessus, l’on dita non sans prétexte que les psychanalystes en question ne veulent rien savoir de la politique. L’ennuyeux est qwils sont assez endurcis pour en faire profession cux-mémes, et que le reproche leur en vienne de ceux qui, pour s’étre logés au discours du maitre Marx, font obligation des insignes de la norma- lisation conjugale : ce qui devrait les embarrasser sur le point épi- neux d’a V’instant. Détail au regard de ce qui nous intéresse : c’est que l’incons- cient ne subvertira pas notre science 4 lui faire faire amende hono- table 4 aucune forme de connaissance. Qu’il fasse semblant parfois de ce que la nique qu’il y intro- duit, soit celle des no€urnes habitant Daile effondrée du chateau de la tradition, l’inconscient s’il est clef, ce ne le sera qu’a fermer la porte qui béerait dans ce trou de votre chambre 4 coucher. Les amateurs d’initiation ne sont pas nos invités. Freud 1a- dessus ne badinait pas. Il proférait ’anathtme du dégoat contre ces sortiléges et n’entendait pas que Jung fit que rebruit 4 nos oreilles des airs de mandalas. Ga n’empéchera pas les offices de se célébrer avec des coussins pour nos genoux, mais l’inconscient n’y apporterait que des tires peu décents. Pour l’usage ménager, il serait 4 recommander comme tournesol 4 constituer l’éventail du réa@ionnaire en matiére de connaissance. Il restitue par exemple 4 Hegel le prix de Phumour qu’il métite, mais en révéle Vabsence totale dans toute la philosophic qui lui succéde, mis 4 part Marx. Jen’en ditai que l’échantillon dernier venu 4 ma “ connaissance” ge tetour incroyable a la puissance de Vinvisible, plus angoissant @étre posthume et pour moi d’un ami, comme si le visible avait encore pour aucun regard apparence d’étant. Ces simagrées phénoménologiques tournent toutes autour de Varbre fantéme de la connaissance supra-normale, comme s'il y €n avait une de normale. 91 RADIOPHONIE. Nulle clameur d’étre ou de néant qui ne s’éteigne de ce que le marxisme a démontré par sa révolution effeGive : qu’il n’y a nul ptogrés 4 attendre de vérité ni de bien-étre, mais seulement le virage de Pimpuissance imaginaire 4 impossible qui s’avére d’étre le réel A ne se fonder qu’en logique : soit 14 oi j’avertis que Vin- conscient sitge, mais pas pour dire que la logique de ce vitage n’ait pas 4 se hater de l’ate. Car Vinconscient joue aussi bien d’un autre sens : soit 4 partir de Vimpossibilité dont le sexe s’inscrit dans Pinconscient, 4 main- tenir comme désirable Ja loi dont se connote ’impuissance 4 jouir. Il faut le dire : le psychanalyste n’a pas ici 4 prendre parti, mais 4 dresser constat. Cest en quoi je témoigne que nulle rigueur que j’aie pu mettre 4 marquet ici les défaillances de Ja suture, n’a rencontré des com- munistes 4 qui j’ai eu affaire qu’une fin de non-recevoir. J’en rends compte du fait que les communistes, 4 se constituer dans l’ordre bourgeois en contre-société, seulement vont 4 contre- faire tout ce dont le premier se fait honneur : travail, famille, patrie, y font trafic d’influence, et syndicat contre quiconque de leur discouts éviderait les paradoxes. A démontrer ceux-ci comme fa@teur de pathologie, soit depuis mes propos sur la causalité psychique, partout oh mon effort edt pu desceller le monopole psychiatrique, je n’ai jamais recueilli @eux, de réponse qui ne s’alignat sur ’hypocrisie universitaire, dont ce serait une autre histoire que de prédire le déploiement. Tl est évident que maintenant ils se servent de moi tout autant qu’elle. Moins le cynisme de ne pas me nommer : ce sont gens honorables. Question VI : En quoi savoir et vérité sont-ils incompatibles ? Réponse : Incompatibles. Mot joliment choisi qui pourrait nous permettre de répondre a la question par la nasarde qu’elle vaut : mais si, mais si, ils compatissent. Qw’ils souffrent ensemble, et ’un de autre : c'est la vérité. Mais ce que yous voulez dire, si je vous le préte bien, c’est que vérité et savoir ne sont pas complémentaires, ne font pas un tout. RADIOPHONIE, Excusez-moi : c’est une question que je ne me pose pas. Puisqu’il n’y a pas de tout. Puisqu’il n’y a pas de tout, rien n’est tout, Le tout, c’est Pindex de la connaissance. J’ai assez dit, me semble-t-il, qu’d ce titre, il est impossible de le pointer. Ga ne m’empéchera pas d’enchainer du primesaut que la vérité souffre tout : on pisse, on tousse, on crache dedans. “ Ma parole ! s’écrie-t-clle du style que j’ai esquissé ailleurs. Qu’est-ce que vous faites ? Vous croyez-vous chez vous? ” Ca veut dire qu’elle a bien une notion, une notion clef de ce que vous faites. (Mais pas vous de ce qur’elle est, et c’est en cela, enfin voyez-vous, que l’in- conscient consiste.) Pour revenir 4 elle, qui nous occupe pour Vinstant, dire qu’elle souffre tout, rosée du discours !, peut vouloir dire que ¢a ne lui fait ni chaud ni froid. C’est ce qui laisse 4 penser que manifestement elle soit aveugle ou sourde, au moins quand elle vous regarde, ou bien que vous l’assignez. A vrai dire, c’est-’-dire 4 se mesurer 4 elle, on fera toujours mieux pour lapprocher de se munir d’un savoir lourd. C’est donc plus que compatible, comme comp(a)tabilité, — soit ce qui vous intéresse d’abord puisque le savoir peut solder les frais d’une affaire avec la vérité, si Penvie vous en prend. Solder jusqu’ot ? Ca, “ on ne sait pas ”, c’est méme ce par quoi Je savoir est bien forcé de ne s’en fier qu’a lui pour ce qui est de faire le poids. Done, le savoir fait dot. Ce qu’il y a d’admirable, c’est la préten- tion de qui voudrait se faire aimer sans ce matelas. Il s’offre la poitrine nue. Qu’adorable doit étre son “ non-savoir ”, comme on s’exprime assez volontiers dans ce cas ! Etonnez-vous qu’on tessorte de la, tenant, bon chien, entre les dents, sa ptopte charogne | Natutellement ¢a n’arrive plus, mais ga se sait encore. Et 4 cause de cela, il y en a qui jotient 4 le faire, mais de semblant. Vous voyez “ tout ” ce qui trafique a partir de ce que savoir et vérité soient incompatibles. Je ne pense 4 ¢a que parce que c’est un leurre qu’on a, je crois, imaginé pour en justifier un amok fait 4 mon égard : posons qu’une personne qui se plaindrait d’étre mordue par la vérité, s’avouerait comme f,..ue psychanalyste. 93 RADIOPHONIE ‘Trés précisément je n’ai atticulé la topologie qui met frontiére entre vérité et savoir, qu’ montrer que cette frontiére est partout et ne fixe de domaine qu’a ce qu’on se mette a aimer son au-dela. Les voies des psychanalystes restent préservées assez pour que Pexpérience propre 4 les éclairer n’en soit encore qu’au programme. Ces pourquoi je ptendrai le départ d’ot chacun fait de son abord étranglement : exemplaire, d’étre exempté de l’expérience. N’est-il pas étonnant que de la formule a quoi depuis plus d’une décade j'ai donné essor, celle dite du sujet supposé savoir, pour tendre raison du transfert, personne, et méme au cours de cette année ott la chose s’étalait au tableau, plus évidente que la case y fat inscrite séparément de la bille a Ja remplir, personne, dis-je, n’en a avancé la question : eét-ce, supposé qu’il est ce sujet, savoir Ja vérité ? Vous apercevez-vous oti ga va? N’y pensez pas surtout, vous risquetiez de tuer le transfert. Car du savoir dont le transfert fait le sujet, il s’avére 4 mesure que Passujetti y travaille, qu’il n’était qu’un “ savoir y faire ” avec la vérité. Personne ne réve que le psychanalyste est marié avec la vérité. C’est méme pour ¢a que son épouse fait grelot, certes 4 ne pas trop remuet, mais qu’il faut 14 comme un barrage. Barrage 4 quoi? A la supposition qui serait le comble : de ce qui ferait le psychanalyste fiancé 4 la vérité. C'est qu’a la vérité avec il n’y a pas de rapports d’amour pos- sibles, ni de mariage, ni d’union libre. Tl n’y en a qu’unde sar, si vous voulez qu’elle vous ait bien, la castration, la votre, bien entendu, et d’elle, pas de pitié. Savoir que c’est comme ga, n’empéche pas que ¢a arrive, et bien sir, encore moins qu’on P’évite. Mais on Voublie quand on Pévite, alors que quand c’est arrivé, on ne le sait pas moins. C’est, me semble-t-il, le comble de la compatibilité. On gtincerait des dents 4 n’en pas faire : la comblatibilité, pour qu’un bruit de vol vous en revienne qui fait batte et proptement patibulaire. Crest que de la vérité, on n’a pas tout 4 apprendre. Un bout suffit : ce qui s’exprime, vu la struéture, par : en savoir un bout. La-dessus jai su conduire certains, et je m’étonne d’en dire 94 RADIOPHONIE autant 4 la radio. C’est qu’ici ceux qui m’€coutent n’ont pas, 4 entendre ce que je dis, obstacle de m’entendre. Ot m’apparait que cet obstacle tient 4 ce qu’ailleurs j’aie 4 le calculer. Or je ne suis pas ici 4 former le psychanalyste, mais A répondre 4 vos questions ceci qui les remet 4 leur place. Sa discipline 4 ce qu’il me suive, lui, le pénétre de ceci : que Je réel n’est pas d’abord pour étre su. Comme vérité, c’est bien la digue 4 dissuader le moindre essai @idéalisme. Alors qu’ la méconnaitre, il prend rang sous les cou- leurs les plus contraires. Mais ce n’est pas une vérité, c’est la limite de la vérité. Car la vérité se situe de supposer ce qui du réel fait fon@ion dans le savoir, qui s’y ajoute (au réel). C'est bien en effet de 14 que le savoir porte le faux 4 étre, et méme 4 étre-la, soit Dasein 4 t’assainer jusqu’a ce qu’en perdent le souffle tous les participants de la cérémonie. A vrai dire, ce n’est que du faux 4 étre qu’on se préoccupe en tant que telle de la vétité. Le savoir qui n’est pas faux, s’en balance. Il n’y en a qu’un ot elle s’avére en surprise. Et c’est pourquoi il e& considéré comme d’un goat douteux, quand c’est bien de la gtace freudienne qu’il produit quelques pataqu’est-ce dans le discours. C'est 4 ce joint au réel, que se trouve incidence politique ot le psychanalyste aurait place s’il en était capable. La serait Patte qui met en jeu de quel savoir faire la loi. Révo- lution qui arrive de ce qu’un Savoir se réduise 4 faire symptéme, vu du regard méme qu'il a produit. Son recours alors est la vérité pour laquelle on se bat. Ot s’articule que effet de vérité tient 4 ce qui choit du savoir, soit 4 ce qui s’en produit, d’impuissant pourtant 4 nourrir le dit effet. Circuit pas moins voué 4 ne pouvoir étre perpétuel qu’aucun mouvement, — d’ot se démontre ici aussi le réel d’une autre énergétique. C’est lui, ce téel, Pheure de la vérité passée, qui va s’ébrouer jusqu’a la prochaine crise, ayant retrouvé du lustre. On dirait méme que c’est 1a la féte de toute révolution : que le trouble de la vérité en soit rejeté aux ténébres. Mais au réel, il n’est jamais vu que du feu, méme ainsi illustré. 95 RADIOPHONIE Question VII : Gowerner, éduquer, psychanalyser sont trois gagenres impossibles a tenir. Pourtant cette perpétuelle conteftation de tout discours, et notamment du sien, il faut bien que le psychanalyse s°y accroche. It s*accroche & un savoir — le savoir analytiqne — que par définition il conteste. Comment résolvex-vous — ou pas — cette contradittion ? Statut de Pimpossible ? Lrimpossible, c'est le réel ? Réponse : Pardon si, de cette question encore, je n’atteins la réponse qu’a la thabiller de mes mains. Gouverner, y éduquer, psychanalyser sont gageures en effet, mais qu’a dire impossibles, on ne tient la que de les assurer préma- turément d’étre réelles. Le moins qu’on puisse leur imposer, c’est d’en faire la preuve. Ce n’est pas 1a conteSter ce que vous appelez leur discours. Pourquoi le psychanalyste en aurait-il au reste le privilége, s’il ne se trouvait les agencer du pas, le méme qu’il regoit du réel, 4 pous- set le sien ? Notons que ce pas, il l’établit de l’aéte méme dont il Pavance; et que c’est au réel dont ce pas fait fonGion, qu’il soumet les dis- cours qu’il met au pas de la synchronie du dit. SYinstallant du pas qu’il produit, cette synchronie n’a d’origine que de son émergence. Elle limite le nombre des discours qu’elle assujettit, comme j’ai fait au plus court de les struéturer au nombre de quatre d’une révolution non permutative en leur position, de quatre termes, le pas de réel qui s’en soutient étant dés lors uni- voque dans son progrés comme dans sa régression. Le cara@éte opératoire de ce pas est qu’une disjonétion y rompt la synchronie entre des termes chaque fois différents, justement de ce qu’elle soit fixe. A la vérité lA n’a lyse a faire de son nom ce qui, dans le proverbe que vous agitez aprés Freud, s’appelle guérir et qui fait rire tcop gaiement. Gouverner, éduquer, guérir donc qui sait ? par l’analyse, le quatri¢me a y tabattre d’y faire figure de Lisette : c’est le discours de Phystérique. Mais quoi ! Pimpossibilité des deux dexniers s’en proposerait- elle sous le mode d’alibi des premiers ? Ou bien plutét de les résoudre en impuissance ? 96 RADIOPHONIE Par l’analyse, 14 n’a lyse, permettez ce jeu encore, que l’impossi- bilité de gouverner ce qu’on ne maitrise pas, 4 la traduire en impuissance de la synchronie de nos termes : commander au savoir. Pour l’inconscient, c’est coton. Pour V’hystérique, c’est l'impuissance du savoir que provoque son discouts, 4 s’animer du désir, — qui livre en quoi éduquer échoue. Chiasme frappant de n’étre pas le bon, sinon 4 dénoncer d’od les impossibilités se font aise 4 se proférer en alibis. Comment les obliger 4 démontrer leur réel, de la relation méme qui, 4 étre 1a, en fait fonfion comme impossible ? Or la struéture de chaque discours y nécessite une impuissance, définie par la barriére de la jouissance, 4 s’y différencier comme disjon&tion, toujours la méme, de sa production a sa vérité. Dans le discours du maitre, c’eSst le plus-de-jouit qui ne satis- fait le sujet qu’a soutenir la réalité du seul fantasme, Dans le discours universitaire, c’est la béance ot s’engouffre le sujet qu’il produit de devoir supposer un auteur au savoir. Ce sont la vérités, mais ot se lit encore qu’elles sont pitges 4 vous fixer sur le chemin d’oi le réel en vient au fait. Car elles ne sont que conséquences du discours quien provient. Mais ce discours, il a surgi de la bascule ot V’inconscient, je Lai dit, fait dynamique 4 le faire fon@ion en “ progrés ”, soit pour le pire, sur le discours qui le précéde d’un certain sens rota- toire. Ainsi le discours du maitre trouve sa taison du discouts de Vhystérique 4 ce qu’a se faire l’agent du tout-puissant, il renonce 4 répondre comme homme a ce qu’a le solliciter d’étre, Phystérique n’obtenait que de savoir. C’est au savoir de V’esclave qu’il s’en remet dés lors de produire le plus-de-jouir dont, 4 partir du sien (du sien savoir), il n’obtenait pas que la femme fat cause de son désir (je ne dis pas : objet). D’ot s’assure que Vimpossibilité de gouverner ne sera serrée dans son réel qu’A travailler régressivement la rigueur d’un dévelop- pement qui nécessite le manque 4 jouir 4 son départ, s°il le main- tient 4 sa fin. C’est au contraite d’étre en progrés sur le discours universi- taire que le discouts de l’analyste lui pourrait permettre de cerner 97 RADIOPHONIE le réel dont fait fon&ion son impossibilité, soit 4 ce qu’il veuille bien soumettre a la question du plus-de-jouir qui a déja dans un savoir sa vérité, le passage du sujet au signifiant du maitre. : C’est supposer le savoir de la struéture qui, dans le discours de Vanalyste, a place de vérité. Ces dire de quelle suspicion ce discours doit soutenir tout ce qui se présente a cette place. Car Pimpuissance n’est pas la guise dont l'impossible serait la vérité, mais ce n’est pas non plus le contraite : limpuissance rendrait setvice A fixer le regard si la vérité ne s’y voyait pas au point de s’envoyer... en lair. Il faut cesser ces jeux dont la vérité fait les frais dérisoires. Ce n’est qu’a pousser l'impossible en ses retranchements que Pimpuissance ptend le pouvoir de faire tourner le patient 4 agent. Ces ainsi qu’elle vient en aéte en chaque révolution dont la stru@tute ait pas 4 faire, pour que l’impuissance change de mode bien entendu. Ainsi le langage fait novation de ce qu’il révéle de la jouissance et surgir le fantasme qu’il réalise un temps. Il n’approche le réel qu’a la mesure du discours qui réduise le dit 4 faire trou dans son calcul. De tels discouts, 4 Pheure aétuelle il n’y a pas des tas. Note sur la réponse & la VIE queftion. Pour faciliter la leture, je reproduis ici les schémes sru€turaux des quatre -*‘discours ”” qui ont fait cette année le sujet de mon séminaire, Pour ccuxquin’en ont _ pas suivile développement. Discours de ‘‘ Venvers de la psychanalyse ”. Ditcours du Malire Ditcours de l"Université impossibilité Ss, ——>« 5, Kimpuiseand? ¥ — s’éclaire par régression du : — s’éclaire de son “ progrés ” dans le: Discours de P Hy Stérique Dixcours de I’ Analyfle Ss « emis z a © mpuistance™ 5, 5; Samana Ss Les places sont celles de : Vagent ie Pautre Ta vérité la production Les termes sont: S, Je signifiant maitre S, lesavoir S lesujet @ leplus-de-jouir Le clivage du sujet et son identification Le sujet humain a cru un temps pouvoir se prévaloir du privi- lége qui serait le sien d’étre sujet de la connaissance et liew de la totalisation du savoir. Le développement de la science et la décou- verte freudienne qui surgit 4 V’intérieur de ce développement sont bien faits pourtant pour marquer la profonde inadéquation Wune telle référence, qui se définit d’impliquer la correspondance du microcosme au macrocosme qui l’enveloppe et que supporte Vimage de deux sphétes incluses l’une dans l’autre. Cette illusion est constitutive de la psychologie. Elle repose sur une certaine utilisation du langage et sur une logique faite pour en masquer les failles, non sans, du méme coup, les désigner : celle d’Aristote nommément. Si la psychanalyse s’inscrit en faux contre ce qui fonde ainsi toute possibilité d’une Weltanschauung, c’eSt parce qu’elle a décou- vert, avec l’inconscient, le paradoxe d’un sujet constitué de ce qu'il he peut pas savoir, et que cette découverte est corrélative de celle de la profonde dépendance du sujet 4 ’égard de ordre du langage : dés lors qu’il parle, le sujet est déterminé par son discours d’une fagon qui ne peut qu’échapper 4 sa prise, puisqu’il est lui-méme constitué comme effet du discours. Il y a enveloppement du sujet et de son rapport au monde, par le langage. La science n’est pas un processus cumulatif de connaissance du monde ; son axe est bien plutét défini par la formalisation toujours croissante de son langage et par l’extension d’un réseau d’équations progressant pat annexions de relations signifiantes, dont la prise qu’elles offrent sur le réel laisse ouverte la question de leur statut avant que nul sujet ne soit la pour les penser, et donne 4 présumer que ce dernier en est plutét effet, que tout son effort ne peut, dés lors, 103 LE CLIVAGE DU SUJET consister qu’A savoir comment il se place par rapport a ce primitif passage du signifiant dans le réel. Si Lacan souligne si fortement le point d’origine que constitue pour tout le développement de la science moderne, le moment du cogito cartésien et la forclusion qu’il consomme de la question de Vétre, c’est justement parce que Descattes y renonce 4 tout savoir empitique pour suspendre toute sa démarche 4 la seule garantie d@un Dieu non trompeur, en fait pour remettre la charge de la vétité & quelque chose qui est stri&ement interne a la structure méme du signifiant en tant que s’y définit /e lien del” Autre. Ce moment peut étre, pour nous, supporté par une suture qui transforme la double sphére en une surface unique aux propriétés topologiques bien différentes de celle de Ja sphere, /a bouteille de Khin (fig. 1) : le mactocosme se découvre ici en continuité avec le microcosme et, la bouteille de Klein n’ayant qu’une seule face, le sujet peut en venir, sans franchir aucun bord, 4 un point qui eSt son propre envers et qui le manifeste donc comme étant lui- méme Venvers du décor. C’est indiquer déja le motif de notre recours 4 la topologie : le sujet ne peut se saisir lui-méme qu’a Vintérieur de la Struéture ; mais nous avons 4 tendre compte de ce que V’expérience démontre en y prenant son fondement : la struc- ture est telle que le sujet peut venir 4 savoir comment il s’y loge. Figure 1. Il ne s’y désignera que comme profondément divisé par l’inter- vention du signifiant. Le présent exposé tentera de faire saisir ce que les termes de refente ou de clivage du sujet recouvrent pour nous. Nous serons amenés, par la, 4 aborder quelques-uns des pro- blémes que souléve /e concept psychanalytique identification, puisque 104 LE CLIVAGE DU SUJET le sujet ne saurait étre identifié par rien d’autre que par un signifiant et que c’est 14 le fondement de ce qui peut se révéler d’opératoire dans la cure, et spécifiquement dans l’interprétation. Mais liden- tification est, dés lors, inséparable de la refente subjeftive et c'est ce qui lui donne sa limite, car la division od se constitue le sujet n’est justement pas un terme que nous pourrions tenit pout dernier; a cette opération il y a en effet un reste, l’objet partiel, ou Pobjet a, cause du désir. La question du clivage nous améneta ainsi a montrer que le maintien de ces deux termes distin&s, désir et iden- tification, est essentiel 4 donner le juste repérage de la cure analy- tique. La mise en jeu de l’idéal du moi ne suffit pas en effet 4 rendre compte du terme et du véritable ressort du procts analytique; le caractére partiel de cette référence se manifeste dans le repliement de la dialeGtique sur ce qui a pu étre désigné comme sa terminaison dans une identification 4 Panalyste. Une visée plus corrette doit maintenir V'instance de ce terme tiers qu’est l’objet a, tant que, dissi- muié dans |’Autte, il oriente le mouvement identificatoire en méme temps qu’il lui donne son point d’arrét. C’est pourquoi le concept de clivage doit étre articulé 4 la fontion de l’objet a, et 4 sa présence opaque dans le désir de l’Autre, 4 savoir ici le désir de Panalyste. Dans cet exposé centré sur l’enseignement de Lacan, je n’envi- sagerai pas en eux-mémes l’histoire et le réle du concept de clivage dans Pceuvre de Freud et me limiterai 4 signaler quelques-unes des questions que souléverait une telle étude pour esquisser les points d’insertion des développements proposés par Lacan. La découverte freudienne de linconscient est coextensive 4 célle de la détermination du sujet par le signifiant, et on sait ’appui que Lacan a pris dés longtemps a cet égard sur cette grande trilogie que forment /a Science des réves, Ja Psychopathologie et le Mot d’esprit : véritable charte de P'inconscient od il est 4 peine utile de rappeler la prévalence que Freud accorde aux rapports de langage. Mais ce qui dans un premier abord peut surprendre, c’est justement ’absence 4 ce niveau de toute théorisation de la division du sujet du fait du signifiant et le caraétére tardif du surgissement, dans V’ceuvre de Freud, du concept de l’Ichspaltung, le clivage du Je. Il conviendrait de reprendre, 4 ce propos, une difficile interro- gation sur le Ich freudien. Rappelons au moins qu’on n’en saurait limiter la portée a la mise en place du moi comme formation ima- 105 LE CLIVAGE DU SUJET ginaire au niveau du narcissisme et qu’une dimension tout autre se manifeste dans ce cheminement qui va de la reconnaissance trés précoce de la fonétion de objet en tant qu’il est foncitrement perdu, 4 la formulation du concept de répétition et 4l’élaboration de la deuxiéme topique, 4V’intérieur de laquelle se trouve réabordé Ie probléme de la réalité, Que la référence du moi ne puisse suffire A tout, c’est ce que démontre la question posée dans les textes sur la fin du complexe d’CEdipe et sur le fétichisme, a savoir celle de la perception, de la représentation ou de la reconnaissance du manque comme tel, en tant qu’il affecte le pénis féminin. Or, que peut bien vouloir dire que quelque chose manque 4 la réalité ? Un livre ne manque sur le rayon d’une bibliothéque qu’en fonction dun certain ordre assigné par un classement : hors du registre symbolique, rien du manque ne saurait étre saisi, et c’est la question méme de la symbolisation qui se trouve soulevée dans ces textes de Freud. Mais si c’est donc bien le sujet que Freud introduit sous le terme de PIchspaltung, il ne Vintroduit précisément que divisé et nous requiert de constituer la logique de cette absence d’un sujet * plein”. Il y aurait lieu ensuite Vinterroger le repérage pris par Freud dans le champ de la perversion pour l’introduétion du concept de clivage. Il est clair que l’'usage que nous faisons de ce concept est loin de se réduire au champ de la perversion. Il faudrait donc mon- trer comment, cependant, le pervers se trouve le manifester de fagon éminente. Lacan en a désigné le ressort dans la relation particulitre du pervers 4 Paéte comme tel, dans la mesure od le clivage du sujet a un rapport profond avec l’aéte, pour autant que celui-ci, du fait de la répétition qui lui est interne, projette en attiére de lui quelque chose dont le sujet se trouve marqué 4 son insu, et qui le détermine comme exclu. La notion de clivage peut assurément donner support 4 la mise en évidence de différences de struCture entre névrose et perversion et A Pintéricur méme du champ de la névrose. Ce travail, cependant, n’est aujourd’hui qu’ébauché et ceci tient @ la fonétion méme du concept dans la théorie. Ce n’est pas pat hasard que Lacan, aprés Freud lui-méme, ne I’a abordé qu’é un certain niveau de son éla- boration : le terme de division du sujet ne semble pouvoir inter- venit qu’aprés un long travail préalable et il en est ainsi dans la 106 ete LE CLIVAGE DU SUJET mesure oi la refente ne prend sa véritable fonGtion qu’au termedela diale@tique subjective et qu’elle ne peut étre saisie et pensée qu’d tir de ce terme ; celui-ci est aussi pour nous la fin de l’analyse (au double sens du mot fin), c'est pourquoi mon exposé y prendra sa conclusion. Ce qu’il convient d’indiquer dés maintenant, c’est que, d’une part, le clivage est toujours déja la, dans la mesure ot nous avons 4 faire 4 un sujet parlant, qui donc ne peut se constituer qu’au lieu de Autre, mais que d’autre part ce temps premier ne manifeste sa véritable nature ou ne prend sa fonétion opératoire qu’ un certain terme que nous pouvons qualifier d’avénement subjetif ou de réalisation du sujet et qui a, bien sar, le plus grand rapport avec ce que la théorie a abordé sous le nom de castration. Crest de la que rétroactivement peut étre abordée la question du point dorigine, mais aussi la signification des temps intermédiaires et des fausses routes ot le sujet peut rester, disons, en souffrance. C’est ce qui nous fonde 4 aborder le probléme pat le biais de la mise en place d’un certain nombre d’articulations logiques qui s’otdonnent 4 partir de la castcation. Je vais maintenant aborder la question du clivage en m’appuyant principalement sur le Séminaire que Lacan a consacré au cours de Pannée 1961-1962 4 l’Identification ct & la mise en place d’un certain nombre d’articulations logiques qu’il n’a cessé depuis lors d’éla- borer et de préciser. I Je n’indiquerai que trés britvement les thémes abordés dans les premiers séminaires de cette année 1961-62 et depuis lors ample- ment développés. C’est d’abord la notion, introduite par Lacan 4 cette date, du sujet-supposé-savoir, en tant qu’il se trouve impliqué concrétement dans notre expérience comme premiére mise en place de ce dont il s’agit concernant le transfert. Tout effet de transfert implique référence 4 un sujet-supposé-sayoir, et c'est ainsi que s’ouvre son paradoxe. L’analyse n’est assurément pas Je lieu exclusif du transfert, puisqu’on peut bien le dice impliqué dans toute relation de la parole, mais Pinstauration de la cure a pour 107 LE CLIVAGE DU SUJET résultat d’éclairer tout particulitrement cette instance du sujet supposé-savoir, qu’elle soit ou non supportée par lanalyste lui- méme. Mais notre expérience doit étre théorisée en faisant l'économie du terme, désigné par Hegel, du savoir absolu, qui n’a de sens pour nous que situé dans la perspective d’une fonétion d’idéalisation; cat le savoir eSt savoir de l’Autre, ce qui veut dite qu’il n’y a pas de sujet du savoir puisque l’Autre est un lieu. Mais cet appel du sujet est bien 14 pour nous faire sentir que lui, en tout cas, ne sait pas : nous avons dés lors 4 décrire cette place ot le sujet se constitue comme ne pouvant savoir. C’est dans ce contexte que Lacan introduit sa réflexion sur le cogito et sur Videntification trompeuse qu’il introduit, de la pensée 4 Pétre du sujet. Je n’en retiens ici que deux points. D’abord, le cogito condamne 4 l’extréme le sujet 4 penser sans cesse pour s’assutet d’étre, étrange situation ot le peu d’étre qu’il peut rassem- bler s’épuise dans sa pensée, le cogito devenant un je pense et je ne suis pas. Mais la formule tend dés lors 4 montrer son envers : peut-étre serais-je si je cessais de penser, peut-étre faut-il dire en définitive : je pense de peur que je ne sois; le rapport intime du sujet 4 la négation se fait ici sentir dans ce #e dit explétif, depuis long- temps souligné par Lacan, par ob se désigne le sujet de l’énon- ciation et du méme coup sa disjon@tion d’avec le sujet de l’énoncé, Premiéte occasion d’indiquer la vacillation, le caraétére évanouis- sant du sujet de l’inconscient. Mais surtout, avancée cartésienne est privilégiée pour nous dans la mesure ot Descartes met radicalement en question P’étre du sujet dans le moment irréduible ot il suspend toute sa certi~ tude 4 un Dieu, 4 l’arbitraire duquel se trouve remise la garde des Vérités éternelles : Dieu est le seul garant que la Vérité existe, d’au- tant plus pur garant que la Vérité, comme telle, pourrait étre autre si Dieu le voulait. Nous nous trouvons, 4 l’intérieur de la batterie signifiante, confrontés 4 la fon@ion d’un trait que l’on peut dire unique, pour autant qu’a la rigueur il pourrait étre substitué 4 tous les éléments qui constituent la chaine signifiante, la supporter 4 lui seul, simplement d’étre toujours le méme. Descartes nous méne ainsi au niveau de ce garant au trait de Stru€ture le plus simple, fondement du un dont on ne peut rien dire d’autre sinon qu’il est 108 LE CLIVAGE DU SUJET ce qu’a de commun tout signifiant, d’étre avant tout constitué comme trait, d’avoir ce trait pout support. Lacan introduit ainsi la fon@ion, essentielle 4 ce que nous pou- vons articuler de Videntification du sujet, du trait unique, fon@ion dailleurs nommément désignée par Freud lorsque, dans le cha- pitre VII de Psychologie collettive et analyse du moi, il met en place trois types d’identification, dont le second se spécifie de prendre régressi- vement la place de objet aimé ou de objet élu en tant qu’il est perdu : en pareil cas “ identification eff une identification partielle, hautement limitée, qui se borne a emprunter aT objet un seul de ses traits>””. Lreingiger Zug eSt bien le trait unique, puisque toute la série se soutiendra de sa pure répétition. Mais on voit que P'usage que nous en faisons doit se garder des équivoques que charrie la notion d’uni- cité, soit que le am paraisse se poser comme cas particulier d’un systéme de numération déja fonGionnant, soit méme qu’il conflue dans Vidée de totalité. C’est pourquoi Lacan le nomme /e trait wnaire : pour bien marquer qu’il s’agit non de Pun unifiant, mais de Pun comptable, lui-méme visé en son point inaugural. La fon@ion du trait unaire est 4 repérer au départ comme la mise en jeu la plus simple, la plus ponétuelle, du signifiant comme tel; et je rappelle a ce titre au passage quelques-unes des formules dans lesquelles Lacan reprend Pacquis saussurien : en tant qu’élément de Ja batterie signifiante, le trait unaire est pure différence, il est ce que les autres ne sont pas (le un comme tel, c’est l’autre) — il est put support de la différence ou de l’altérité radicale — il connote la différence 4 Pétat pur, il incarne pour la pensée cette aporie d’étre d’autant plus le support de la différence qu’il est au-del des diffé- fences qualitatives. On voit déja que cette différence si particuliére qu’importe avec lui le signifiant n’est articulable que comme répétition de Pappa- remment identique (Lacan rappelle l’exemple de Saussure, l’express de 18 h 15). Lorsque homme préhistorique grave, sur un os, une entaille 4 chacune de ses expéditions de chasse, il connote la répé- tition d’un cycle qui est 4 la fois le méme et un autre, et la problé- matique s’introduit sous deux aspeéts opposés : d’une part, la 1.“ die Identifizierang cine pattielle, hchst beschrfinkte ist, nur einen einzigen Zug von der Objecktperson entlehnt” G. W., x11, p. 117. ‘i LE CLIVAGE DU SUJET 5 question n’étant pas résolue dans le réel, c’est le signifiant qui tranche en introduisant la différence qui permet de marquer les coups : se répétant différent, il assure 4 la répétition d’échapper 4 Videntité de son éternel retour — d’autte part, chaque coup étant dés lors un autre, il y a probabilité, si du méme apparait cependant, que ce méme vienne du réel, Aéfini dés lors d’étre ce qui revient toujours 2 la méme place. Mais ceci implique déja la position du sujet comme perte du signifiant originaire, premier 4 avoir fait trace : Pincons- cient, dit Freud, cherche Videntité des petceptions, 4 savoir le pergu de cette fois-l4, mais il est perdu et c’est 4 sa place que se présentent des cycles de comportement chargés de le présentifier comme absent. Tout ceci ne fait encore que poser le probléme de Pidentification du sujet au signifiant. D’une part, ayant affaire 4 un étre de lan- gage, c’est bien de cette identification que nous avons 4 rendre compte, ne serait-ce que pour pouvoir dire qui parle et 4 qui, et il n’est pas d’autre sujet pensable que ce X naturel en tant que marqué du signifiant. Aucun sujet n’a de raison d’apparaitre dans le réel, sinon parce qu'il y a déja dans ce réel du signifiant 4 déchiffrer, mais ceci implique que dans son fond /e signifiant ne veut rien dire, et plus exactement qu’il ne signifiera jamais qu’une seule chose, 4 savoir le sujet lui-méme. D’autre patt, le trait unaire étant différent de lui-méme, le sujet ne pourra s’y fonder que dans la division ou la différence d’avec lui-méme. Comment dés lors déctite cette différence et comment situer par rapport 4 elle V’effet-identité ? Cet effet se repére dans ces fausses reconnaissances, ces bilo- cations dont Lacan a donné un exemple grossi emprunté 4 la mentalité dite primitive : le serviteur dont le maitre vient de moutir, voit une souris et forme Vidée qu’en elle Ame du défunt s’est telogée : c’est lui, c’est le méme. Cette assomption spontanée de Videntité de deux apparitions bien différentes n’est pas plus sur- ptenante que ce qui s’observe dans le jeu du fort-da : la bobine disparait, reparait et 4 chaque réapparition enfant assume que c’eSt la méme, Ce jugement est pourvu d’une copule, et la copule doit étre située comme effet de la disparition de Vobjet. Le chien feconnait son maitre 4 chacun de ses retours, mais pour lui la question de l’étre semble suffisamment s’assurer du support ima- ginaire, comme le montte le fait qu’en tout cas il ne prend pas son 110 LE CLIVAGE DU SUJET maitre pour un autre : nul Autre ne se profile au-dela de l'image spéculaire. Mais ce que homme tente d’assurer par ce jugement Widentité, c’est Pancrage de son propre étre de sujet, et s’il le tente, c'est précisément parce que cette identité fait question au niveau de la répétition signifiante. Allons tout de suite au plus vif: Yalternance présence-absence ne fait sens que dans la mesure ot Penfant peut s’identifier 4 la bobine comme absente, ce qui suppose Je fondement logique de son identification 4 un signifiant qui manque. Je ne rappelle que par allusion ce que Lacan a développé 4 ce propos : sur la trace, et cette primitive lefture des signes que Je réel a proposé 4 Phomme — sur I’effacement de la trace en tant qu'elle connote spécifiquement le passage d’un sujet humain : le chasseur efface la trace qu’il vient de faire, en une disparition redoublée — et enfin sur le troisitme temps que serait la reprise de la trace effacée, son entourage pat un cerne pout qu’elle puisse servir de marque ou de tepére : voici le trait unaire, effagant prin- cipal de la Chose, dans une série qui va de la trace de pas au pas de trace, émergence de moments de fading liés 4 ce battement en éclipse de ce qui n’apparait que pour disparaitre. Il y ala quelque chose dune répétition originaire, quelque chose que le sujet projette en arriére de son aéte par le seul fait de parler; s’avangant dans les énoncés, il élide toujours plus ce qu’il ne peut pas savoir et qui est fonciérement son nom comme sujet de P énonciation. Il Une telle présentation des rappotts du sujet au signifiant a pour visée de permettre l’abord des différents temps ot le sujet se cons- titue comme ne sachant pas, ou comme exclu du champ signifiant ott il se détermine. C’est cette perspective qui permet de reprendre Vinterrogation sur laquelle nous laisse Freud dans le texte déja cité, lorsque, récapitulant en quelque sorte son expérience pout la faire converger vers le concept d’identification, ilen désigne trois formes ou trois niveaux dont la disparité est bien faite pour donner 4 entendre qu’il ne s’agit pas la d’une sétie homogéne ou de trois espéces se rangeant dans un genre commun, mais plutét d’unesorte de bilan, d’une présentation qui vise 4 rendre compte de ce qu’il III LE CLIVAGE DU SUJET tient pour assuré dans son expérience, sans pour autant rien dissi- muler des difficultés auxquelles se heurte sa théorisation. De sorte que la question se pose de savoir si un concept commun peut s’appliquer 4 l’énigmatique identification primordiale au pére, puis 4 Pidentification par régression 4 Pun des traits de l'objet aimé, enfin 4 Pidentification qui passe par le repérage du désir de l’Autre et que Freud nous désigne comme plus particulitrement hystérique, Nous prenons comme guide et voie d’abord, pour des raisons de méthodologie, Videntification en tant qu’elle est supportée par le trait unaire, et nous tenterons d’indiquer l’écart qui sépare cette identification, fondement de Pidéal du moi, de la fonGion du désir en tant qu’il témoigne de Ja présence de Vobjet a. Paralltlement, nous confronterons les trois identifications décrites par Freud aux trois moments que Lacan a, dés longtemps, introduits sous la forme de la série Steufturée privation-fruftration-caftration. A La théotie psychanalytique s’est, depuis Freud, engagée dans une exploration toujours plus poussée de la frustration. Avant pourtant de pouvoir faire jouer cette alternance du choix de Pobjet et de Videntification 4 Pobjet en tant que celui-ci se dérobe — alter- nance que Freud désigne comme celle de V’étre et de avoir —, il est nécessaite de poser le statut tadical du sujet au temps de la ptivation et de désigner sa place dans le langage institué avant qu'il ne s’y identifie et puisse s’y désigner comme celui qui parle. Cest assurément ce point que Freud aborde lorsqu’il pose Vantériorité de Pidentification au pére comme premier temps de toute saisie possible de ce qui suivra. Il s’agit d’une incorporation (Einverleibung), ¢eSt-a-dite de quelque chose qui est 4 distinguer de Pintroje@ion en tant qu’elle est ’envers de la projection et met en jeu le registre imaginaire ; c’est du corps qu’il s’agit ici, voire d’un tepas cannibalique ob rien encore n’indique l’ceuvre d’une sub- jectivité, mais ot Freud nous donne 4 repérer, dans lopacité de cette dévoration fondamentale, le point de surgissement de la Stru@ute inconsciente en tant qu’elle renvoie 4 l’essence absente du corps. Ces ce point d’absence que viendta recouvrir le nom propre, 112 LE CLIVAGE DU SUJET dont la fon@ion est de désigner Vindividu, non comme individu, mais comme quelqu’un qui peut manquer ou disparaitre : fait pour obturer Jes trous et donner une fausse apparence de suture, le nom propre suggére du méme coup le niveau radical du manque. Nous retrouverions ici l’apologue proposé par Lacan des pots de moutarde vides : on ne saurait les distinguer par ceci que chacun envelopperait son vide particulier ; ils ne se différencient qu’a partir du moment od Von en remplit un : il y a dés lors wm vide de moins et c’est la ce qui exemplifie le surgissement du sujet au temps de la privation. La privation s’énoncerait : quelque chose manque a sa place. Mais bien sir rien ne manque dans le réel et seul le recours au symbo- lique permet de tenir un tel énoncé : seul le sujet est affe&té par la ptivation, qui porte sur le symbolique. ran ey Figure 2. A travers une critique de la logique des classes et de sa représen- tation sous la forme des cercles d’Huler, Lacan introduit cette catégorie comme sous-jacente et essentielle 4 toute proposition affirmative universelle. Il en pose la question en s’appuyant sur la figuration 4 4 quadrants proposée par Sir Charles Sanders Peirce (fig. 2), qui s’avére particulitrement apte 4 faire saisit que le classement des propositions regu par la logique classique met en jeu une double bipartition, en universelles et particulitres d'une part, en affirmatives et négatives d’autre part, mais que ces deux bipartitions ne sont nullement de méme niveau. L’énoncé “ tout trait est vertical ” ne saurait légitimement se sustenter que de la réunion de deux cases, celle ov il y a des traits, tous verticaux, et celle ot il n’y a nul trait et dans laquelle ’énoncé reste vrai : eS cette réunion qui donne le véritable statut de Puniverselle 113 LE CLIVAGE DU SUJET affirmative, qui se trouve dés lors essentiellement reposer sur la présence de la case vide, c’est-a-dire sur un“ pas de trait ” (un pas de sujet) qu’indique déja cet autre énoncé de l’universelle affir- mative :“ pas de trait qui ne soit vertical ”. La case vide a le plus étroit rapport avec l’émergence du sujet en tant que d’abord il se constitue comme exclusion du trait unaire : la classe des mammiféres, pat exemple, n’est pas la collec- tion 4 Vintérieur de la classe des vertébrés de tous les vivants pourvus de mamelle, mais ce qu’on exclut des vertébrés par la mise en fon@ion de ce trait unaire “ mamme ”. Seule l’identification du sujet 4 ce trait en tant qu’il manque, l’autorise 4 décréter dans une /exis premiére : il y a une classe ob universellement il ne peut y avoir absence de mamme : “ pas possible qu’il n’y ait mamme”. A partir de cet impossible le réel peut s’ordonner, et la phasis affir- mer que dans le tout-venant le trait unaire est ou non présent : le rien fonde le peut-étre et c’est bien le sujet qui introduit la priva- tion par l’a€te méme de son énonciation, Mais il reste dés lors dans. Ja dépendance absolue de I’Autre, seul garant de la fon@ion du trait unaire, Comment serrer de plus prés le procés logique de cette exclusion ptemiére du sujet dans sa confrontation avec le trait unaire ? C’est pour répondre 4 cette question que Lacan a introduit 4 ce moment de son enseignement les références topologiques qu’il a depuis lors précisées. Pour introduire usage que nous allons en faire, je dirai que la topologie est ce qui nous permet de tenir compte, 4 la fois de ce que le sujet ne. peut étre abordé qu’a Pinté- tieur de Vordre du langage, et de ce que la division qu’il en subit compotte un reste, une chute qui est l’objet 2. Le sujet est striGe- ment déterminé par l’opération signifiante et le signifiant ne peut étre mieux figuré, dans son mode propre d’efficace, que comme une coupure portée sur une surface : l’exercice effetif du signifiant est un tracé qui s’inscrit sur une surface, et c’est 14 déja ce que Freud faisait fonGionnet au temps de l’Esquisse ; le sujet, de son cété, est pour nous identifiable a une surface toujours déja engendrée par une coupute ; surface identique 4 cette coupute méme, c’est-- dire a son bord. Les surfaces que nous utiliserons ont donc pour fontion de servir de support a des opérations logiques qui se diversifient suivant les différents tracés possibles ou suivant une 114 LE CLIVAGE DU SUJET succession d’opérations dont chacune reprend le reste de la précé- dente. Nous opérons sur des surfaces, c’est-A-dire que la référence 4 un espace 4 deux dimensions nous suffit, compte tenu de ce que la topologie autorise cependant d’une succession de temps qui nous donne la troisitme dimension propre 4 l’espace de l’Autre ot fonc- tionne la parole. Un rapport serait ici 4 désigner entre cette troi- siéme dimension propre.a la struéture du lieu de la parole et le fait que ces surfaces, fondamentalement 4 deux dimensions, sont invinciblement immergées pat notre intuition commune dans un espace a trois dimensions, ce qui nécessite de distinguer dans chaque cas ce qui reléve de la définition strife de la surface et ce qui pro- vient de Pespace dans lequel la représentation la fait fon@ionner. Un cercle tracé sur une sphére ou sur un plan est toujours réduc- tible, c’est-4-dire qu’il peut étre rétréci jusqu’a ne plus étre qu’un point. Un tore au contraire monttre la possibilité de deux types de cetcles irrédu@tibles (fig. 3), qui ne peuvent pas, topologiquement, étre transformés en un point parce qu’ils enserrent un “ vide ”. Si une coupute e&t pratiquée seion le tracé de ces cercles, elle transforme la stru@tute de Ja surface mais ne la sépare pas en deux parties ; au contraire, la coupure qui suit le tracé d’un cercle sur Ja sphére en détache un lambeau en méme temps qu’elle fait appa- raitre opposition d’un dedans et d’un dehors, opposition qui sous-tend la logique des classes mais qui pour nous se montte trompeuse, en ce sens qu’elle élide 1’élément tiers dont le maintien est exigé par l’articulation de l’expérience. CLA © & Figure 3. Figure 4. Figure 5. Concernant la privation, le tore nous donne ici un premier modéle. Il illustre, en effet, ceci, que les cercles qui se répétent en hélice autour du tore (fig. 4) peuvent figurer la demande dans sa IIs LE CLIVAGE DU SUJET fon@tion répétitive. Si le signifiant dans son incarnation vocale se présente comme essentiellement discontinu et successif, la topo- logie est ce qui permet de conjoindre la discontinuité avec la diffé- rence en monttant comment le méme, d’étre répété, peut s’insctire comme distin& de lui-méme. L’objet est perdu, le sujet ne peut que répéter ce qui ne peut revenir, et le tore donne donc support a ceci que la demande ne se boucle pas sur elle-méme mais se répéte avec, 4 chaque tour, un écart qui témoigne de ce qu’elle ne saisit pas Pobjet qui la sous-tend. Cependant, la répétition méme fait entrevoir que la demande puisse se rejoindre et se reprendre elle- méme aprés avoir fait tout le tour du tore et qu’ainsi le sujet ait ‘< pu dessiner le pourtour d’un autre cercle, ici figuré par le “ vide central ”, sans Je savoir, puisqu’il est supposé n’avoir aucun nooo externe 4 la surface, Nous voyons déja se profiler Pobjet ¢ comme objet métonymi- que, présent 4 travers la succession des demandes comme la cause méme de leur répétition, puisqu’il est ce qu’elles ne peuvent atteindre, ce qu’elles ne peuvent que manquer. Si ces deux types de boucles irréduétibles sont pour nous le support, l'un de la demande, l’autre du désir, la fig. 5 donne le modéle encore plus simple d’un tracé qui inclut en lui ’un et autre : ici le sujet pensera n’avoit fait qu’un tour, alors qu’il en a bel et bien fait deux (4 savoir le tour du vide “ intérieur ” et le tour du vide “ central ”) — et tel et le support qui se propose a cette erreur de compte or le sujet s’engage au départ, se constituant d’étre ce tour en moins qui manqueta 4 son calcul et deviendra le lieu ot il n’est plus 14 pour dire ov il en et : point de non-savoir constitutif du sujet, point ou il viendra dans le meilleur cas 4 savoir justement que ce savoir le rejette et qu’il est comme sujet ce rejet en ce point de dis- cordance que nous aurons 4 marquer et ot il se divise entre son idéal et son désir. Le savoir est 4 situer dans cette dimension idéa- lisante qui tepose sur Lexclusion, ot il se constitue, du seul savoir important qui porterait sur objet du désir. Il convient Pajouter que nous parlons ici par anticipation et que nul savoir n’est possi- _ble en ce temps radical de la privation : ce que le sujet pourra ‘ressaisir de son erreur de compte au départ ne lui viendra qu’a passer pat l’Autte, que j’introduis maintenant au titre de la frustra- tion. © LE CLIVAGE DU SUJET B Le un du tour unique, le un qui distingue chaque répétition dans sa différence absolue d’avec elle-méme, le sujet ne le rencontre que parce qu’il nait précédé et entouré de langage : et nous avons 4 montrer que le manque de la privation n’est pensable que du fait que le sujet se constitue au lieu de l’Autre. C’est 1a qu’il ren- contre le support du trait unaire, racine de V’idéal du moi et du deuxitme type d’identification selon Freud, mais c’est 14 du méme coup qu’il effetue le repérage de son ptopre manque, sous la forme de Pobjet du désir en tant précisément qu’il fait défaut 4 Vimage du semblable, soupgonnable dés lors de Vavoit ravi. Cest' comme imaginaite que le sujet est affe€té par la frustration, qui porte sur un objet réel et fait intervenir |’Autre comme sym- bolique. Cette configuration est exposée dans ’analogie optique proposée pat Lacan sous le nom de /"illusion du vase renversé. Je tenvoie aux figures et 4 exposé qu’on trouvera dans les Ecrifs, p. 673-681, m’en tenant 4 rappeler quelques-unes des remarques que peut intro- duire cette constrution optique, ici reproduite de fagon simplifi¢e (fg. 6). Précisons bien qu’il s’agit d’indiquer analogiquement des tapports de strudture : si le schéma permet d’articuler quelque chose des rapports de V’imaginaire et du symbolique, il faudra aussi montrer la dominance de ce dernier et finalement réduire la fausse consistance dont y témoignerait l’imaginaire comme tel. Ne tenons pas compte, dans un premier temps, de la mise en place du miroir plan vertical comme lié 4 la fonion de l’Autre. Le schéma fait alors simplement apparaitre que, pour un obser- vateur placé l’intérieur du cone x’y’, et A condition qu’il accom- mode sa vision sur les fleurs a, se produit, du fait d’un miroir sphérique xy, Pillusion du vase renversé, a savoir l’apparition de Vimage réelle i (a) du vase caché sous le support de ce montage ; i (2) figure Pimage du corps, et qu’il s’agisse d’un effet d’optique s’accorde au peu de réalité de V’accés que le sujet peut avoir 4 son propre corps — ceci s’accentuant de ce que, si les fleurs figurent ici provisoitement les objets du moi, il suffit de rappeler le cara@ére pattiel et ’hétérogéne pour ne pas dire l’hétéroclite de ces objets, 117 LE CLIVAGE DU SUJET pour faire sentir combien problématique est ce vase qui vient de son encolure comme les contenit et les supporter. Que cette image du corps — qui anticipe, rappelons-le, sur le développement neurologique — soit pour ainsi dire inespérée, c’est aussi ce qui en fait le prix et rend compte de son effet de capture sur le sujet | humain, en méme temps que du moment jubilatoire signalé par Lacan comme constituant du Stade du miroir. Mais déja ici apparait le lien de subordination de l’imaginaire au symbolique : la jubila- tion nait de ce que l’enfant se voit soudain dans sa stature dressée alors qu’il pourrait étre autre ; c'est bien pourquoi illusion ne se soutient qu’a la condition de l’assentiment de l’Autre : l’enfant se retourne vers sa mére pour lire dans son regard un signe de feconnaissance. Figure 6. C’est donc a condition de se placer d’un certain point de vue idéal choisi dans’ Autre — ici 1: lieu d’ot je me vois comme aimable, support de l’amour en tant que natcissique — que le sujet peut soutenir Villusion : dans le schéma l’effet d’optique ne se produit que si l’ceil est placé dans le céne x’y’, qui marque ainsi les limites _ LE CLIVAGE DU SUJET assignées aux déplacements du sujet dans le champ de I’Autre ; autrement dit, c’eSt de la fagon dont le sujet se sera idéalement placé dans I’Autre que dépend qu’ait lieu 4 coup sir le surgisse- ment de l’image réelle : I est le point d’accrochage d’ot se soutient Villusion et qui désigne V’identification au trait unaire de Autre + référence symbolique 4 désigner comme la matrice de ?’Idéal du moi, seule 4 soutenir cet effet imaginaire od le noyau du moi se constitue d’une succession de Moi-Idéaux par ov s’effeCtue la maitrise de image du corps 4 partir du Stade du miroir. Dans un deuxiéme temps, Lacan introduit dans le schéma un, miroir plan vertical : le sujet est maintenant placé au voisinage des fleurs qu’il ne peut donc apercevoir, et c’est en s’accommodant sur leur image a’ dans le miroir A qu’il peut voir surgir i’ (a), cette fois image virtuelle de l'image réelle i (2), image de son corps lue dans l’Autre — Villusion ne restant possible que si le sujet est en position symétrique par rapport au point I qui régle le montage. Ainsi modifié, le schéma met accent sur le rapport d’aliénation dans lequel le sujet s’engage dés le Stade du miroir 4 l’égard de sa propte image ; il accentue du méme coup la prévalence de Vima- ginaire dont témoigne la névrose, comme effet d’un rapport d’in- version qui est 4 repérer dans la stru@ture : le rapport spéculaire ne fait, a ce titre, qu’exprimer la dépendance 4 l’égard de l’Autre dans laquelle s’engage le sujet, et le miroir A n’est rien de plus qu’un artifice de notre constru@tion, reprenant artifice pat lequel le névrosé se régle sur I pour utiliser le miroir A aux fins de lui faire produire tel effet de mirage 4 rapporter 4 la fonétion du Moi-Idéal. Aussi bien peut-on indiquer que l’analyse est ce qui abolit dans son ptincipe cette utilisation de la fonétion de l’Autre, dans la mesure méme oi le sujet prend 4 son compte le discours inconscient comme tel. Il reste maintenant 4 souligner que notre schéma laisse tout 4 reprendre du statut de l’objet, qui s’avére étre évidemment dune toute autre nature que l’image i (2). Le schéma repose sut la fittion provisoire d’un sujet non barré qui pourrait avoir cet accts dire 4 Pobjet du désir, de le voir inclus dans sa propre image dans ’Au- tre. Telle n’est pas la situation commune : l'image est tout au con- traire marquée d’un blanc, d’un manque, qui est ce pat quoi PAutre s’avére désirant, et nous aurons 4 revenir sur ce trait de 119 LE CLIVAGE DU SUJET Stru@ure qui dérobe Pobjet 4 la fon&ion imaginaire et le désigne comme sans image dans le miroit ou non spécularisable. Disons ici que notre schéma optique ajustement les inconvénients d’étre lui-méme supporté part le regard, lequel doit maintenant étre souffrait pour que les éléments décrits prennent leur place dans la Stru€ture : en tant qu’optique, le schéma ne peut justement pas indiquer que le regard comme objet pattiel 2 est profondément caché, insaisissablt dans la mesure méme od je ne peux pas me voir d’ot l’Autre me tegarde. Si notre montage parait se centrer sur les fleurs, c’est-4-dire le visible par excellence, il s’agit main- tenant d’y substituer mon regard que je ne saurais voir. L’objet est ce qui manque 4 l’image de l’Autre ot le sujet aliéne sa propre image en méme temps qu’il y fonde son désir : 1a est le véritable sens de la frustration. Lacan nous rappelle ce passage ow saint Augustin décrit la passion jalouse qui saisit enfant 4 voir son frére posséder le sein, objet de sa convoitise : cet objet qui jusqu’alors était pour lui masqué detriére le retour d’une présence liée 4 chacune de ses satisfa€tions, objet métonymique de chacun de ses retours, le voici soudain révélé dans cet éclairage nouveau détre Pobjet du désir, surgissement du désir qui le menace au plus intime de son étre, révélant son manque fondamental dans la forme de l’Autre, révélant 4 la fois la métonymie et la perte qu’elle conditionne, perte de la Chose dans l’objet (c’est en quoi l’objet eS foncitrement perdu et jamais retrouvé le méme) dont l’écho retentit dans cette perte qu’implique la fonétion imaginaite et cette autre métonymie qui s’appelle le moi. . Ce rapport va étre, pour nous, supporté maintenant par la topo- logie de deux tores pris en boucle l’un dans l’autre ( fig. 7): le premier peut étre topologiquement transformé dans le deuxiéme et chaque point de l’un a son répondant dans l’autre ; il s’agit donc bien d’un tapport spéculaire. Or la demande, 4 se répéter en hélice autour du premier tore, fait le tour de son“ vide central”, qui se montre ici identique au “ vide intérieur ” du deuxitme tore (les deux “ vides ” n’ayant aucun privilége l'un par rapport 4 autre). Ce qui se donne ainsi au sujet, c’est la présence de l’objet dans le contour qui en cerne le creux. Mais il s’avére du méme coup que le cetcle qui figure le désir de Pun est le méme que celui qui figure la demande de l’autre et 120 LE CLIVAGE DU SUJET inversement, cette topologie se révélant comportet des implications @un intérét immédiat. La plus direétement sensible, et la plus suggestive cliniquement, concerne le rapport d’inversion de la demande et du désir qui est le fait du névrosé et qui vient redoubler l’inversion propre 4 Viden- tification spéculaire : avant méme les impasses proptes 4 la position du désir, le sujet s’engage ici dans ce rapport de leurre ot sa demande se met en position d’homologie par rapport au désit de Autre et inversement. Ceci joue en effet dans les deux sens : le névrosé et celui qui, dune part, est amené 4 faire porter sa demande sur Vobjet du désir — seule chose qui ne puisse étre demandée ; d’autre part, il tente plus paradoxalement encote de conformer son désir 4 la demande de l’Autre : pour son désir il recherche la san@ion d’une demande, il attend qu’on lui demande de désiter congriment, ce qui est la définition méme du surmoi. Figure 7. Par 1a méme apparait encore ce qui lie Autre a la fonétion ima- ginaire, puisque c’est dans son identification 4 image spéculaire que le sujet de la privation est amené 4 pouvoit maintenant diffé- rencier, des boucles qui peuvent s’annuler 4 la surface du tote, celles qui sont irréduétibles parce qu’elles font le tour d’un vide. Le sujet acquiert par 14 un premier repérage de sa propre position dans la Strudture, c’est-A-dite de son apport 4 l’Autre comme matrice du symbolique, ici rencontré 4 nouveau sous la forme de cette limita- tion dans ses déplacements qui fait appataitre l’existence de boucles qui sont irréduétibles du fait méme de la topologie dans laquelle il se trouve inclus. Ainsi le sujet prend appui sur l’autre imagi- naire pour faire le tour d’un vide, identifiable a cette étape 4 la demande de l’Autre. Ce cercle irrédu@ible est lui-méme l’homolo- 121 LE CLIVAGE DU SUJET gue du trait unaire, ce qui est redire que ce que le sujet rencontre, c’est Autre en tant que marqué du signifiant, ou encore que c’est Ja répétition méme de la demande qui, 4 un certain point de la struc- ture, fait surgir le trait unaire qui identific le sujet ; en méme temps, le cercle irrédu@tible apporte en négatif un premier contour de ce que seta l’objet du désir en tant qu’il est d’abord caché dans la demande de l’Autre. Disons pour l’instant que l’Autre s’introduit ici comme métaphore du trait unaire, lieu de tous les uns qui se succédent et dont le sujet est lui-méme la métonymie. ¢c Le double tore va permettre de marquer maintenant ce qui opéte le passage au temps suivant, qui est celui de la castration, 4 partir de l’impasse constitutive du rapport de la frustration et qui est 4 désigner dans Vinversion de la demande et du désir, support pour le sujet d’une erreur décisive. Erreur fondée assurément et dans la structure elle-méme, puisque l’objet du désir n’est situable qu’a passer par I’Autre comme lieu de la parole ; mais erreur cependant tadicale, puisque 4 tenter d’instituer son désir dans une dépendance de la demande de l’Autre, le sujet ne peut que buter sur la carence de toute harmonie possible entre objet et demande, demande et - objet : il y a 14 discordance radicale et discordance nécessaire, puisque objet lui-méme, comme tel, en tant qu’objet du désir, est l’effet de l’impossibilité de l’Autre de répondre 4 la demande. Dans ce rapport de leurre, le sujet en analyse se présente en deman- dant une réponse sur son désir, point sur lequel l’Autre est néces- sairement sans réponse, C’est bien pourquoi la demande faite 4 PAutte s’articule dans Freud comme Fraftration, Versagung, la trompeuse parole, la rupture de promesse. Pout ce qui est de la satisfaction du désir du sujet, l’Autre doit étre dit sans pouvoir, mais ce sans, forme de la négation propre 4 la frustration, est une négation-liaison, une exclusion liée qui porte en elle son propre renversement sous la forme du pas-sans :; Autre de la castration nest pas non plus sans powvoir. Le point vif de ce passage est 4 désigner dans la struéture de la demande en tant qu’elle se fonde sur l’exclusion de l’objet du désir. Crest ici qu’il serait 4 rappeler que si le désir est si fonciérement 122 LE CLIVAGE DU SUJET Stru@uré par ’Cadipe, c’est dans la mesure ot il est impossible den éliminer ce nceud interne que constitue le rapport entre la demande de l’Autre et son désir, entre une demande qui prend une valeur si ptivilégiée qu’elle devient la loi et le désir de Autre en cause dans I’Cidipe — la demande s’atticulant : tu ne désireras pas celle qui a été ton désir. Car telle est la vérité freudienne : tout désir est obligé 4 ce détour irréduétible, il doit inclure en lui ce vide spécifié par rapport 4 la loi originelle, et ce vide est cohérent avec ce qui fonde !’absolu de la loi, 4 savoir la mort du pére, seule a pouvoir assurer cette place ot il est comme absent. Un chemin convergent s’offre 4 partir de objet. Déja, le rapport de la frustration nous imposait de le faire surgir dans une position tierce (objet de V’intérét humain lié au semblable et 4 son image qui Pinclut), mais il n’est ici encore qu’une forme neutte, a l’extréme un objet de subsistance pour l’organisme ou un objet de concurrence vitale. Si au contraire nous accentuons, comme il doit l’étre, le tapport 4 Autre en tant que spécifié par la demande, nous dési- gnons ce champ (le 2° tore) comme un champ de signifiant, de connotation de la présence et de absence, od l’objet dés lors n’est plus objet de subsistance, mais bien objet d’ek-sistance du sujet : celui-ci y trouve son lieu hors de lui-méme et c’est la la fon@ion a laquelle va se trouver amené l’objet a de la rivalité premiére. Lacan souligne a ce propos ce trait sensible dans l’expérience d’un double emploi ou d’une duplicité topologique du sujet tel qu’il se repéte pat exemple dans l’emploi de la double négation : vous n’étes pas sans savoir. L’objet est ce qui doit permettre d’en rendre compte 4 partir du moment of nous pourtons le désigner 4 cette place d’ot le sujet est exclu. Cette exclusion du sujet, on peut encore la cetner dans son rapport 4 l’Autre 4 partir de la disjon@ion de l’étage de l’énoncé et de l’étage de I’énonciation dans le Graphe }. Je rappelle que le sujet de la privation se constituait de s’identifier 4 la case vide, au “tien, seul fondement de la possibilité des autres cases et de leur ___ repérage dans le réel. Cette place vide, ce rien, essentiel a préserver, vont étre ici repris dans une dialeGtique plus développée. Car le sujet interrogeant I’Autre sur son désir rencontre — si cette place 1. Lacan, Eerits, p. 817. 123 LE CLIVAGE DU SUJET vide a été préservée, C’est-A-dire dans les meilleurs cas — Pimpos- sibilité de l’Autre 4 répondre, soit le non-lieu de conclure : il n’y a qu’effet de sens et renvoi du sens au sens. L’Autre ne répond rien, sinon que rien n’est sir, ce qui veut dire qu’il ne veut tien savoir et justement de cette question. Ici impossible ot nous avons désigné le sujet de la privation prend corps en conjoignant la définition du désir avec son interdi@ion originelle : “ impossible que tu... ”” ct ceci résulte de impasse méme de ’Autre, de la limi- tation de son savoir. C’est ici le lieu de rappeler le réve rapporté pat Freud : “ Son péte était mort mais il ne le savait pas ” avec le complément qui lui donne son sens : “ il était mort selon le veu ou par suite du veeu ” du réveur (GW, vitt, p. 238) : voila ce dont PAutre ne veut rien savoit. Le désir peut alors se définir comme Vinterse€tion de ce qui, dans les deux demandes, est 4 ne pas dire : le désir se constitue comme ce qui eSt caché 4 l’Autre de par sa stru€ture méme, ou encore c’est l’impossible 4I’Autre qui devient le désir du sujet. Cette dialeftique, qui repose sur la défaillance derniére de Autre en tant que garantie du sir, nous indique dans ce défaut de l’Autre le principe d’occultation de la place méme du désir. C’est 14 que Vobjet va se mettre 4 couvert en constituant cette ek-sistance du sujet, qui reste suspendu a I’Autre sous cette forme : tien n’est sir sinon qu’il cache cet objet, et objet du désir existe comme ce rien dont l’Autre ne peut savoit que c’est tout ce en quoi il consiste. Ce rien en tant que caché4l’ Autre devient ’enve- loppe de tout objet devant lequel la question méme du sujet ne peut que s’arréter, dans la mesure ov il devient lui-méme imagi- naire ; telle est Ja place du fantasme. Tl Tentons de rassembler les atticulations produites jusqu’ici. Le trait unaire est l’effacant de la Chose : il en efface tout, sauf ce un qu’elle a été, 4 jamais irremplacable; Lacan donne cette for- mule : wo es war, da durch das Eins werde ich —1a ov c’était (la chose), Ja par le un adviendrai-je, et c’est le trait unaire qui fait apparaitre Je sujet comme celui qui compte. Mais la premiére démarche du sujet ne peut étre atticulée que comme l’introdu@tion du rien comme 124 LE CLIVAGE DU SUJET tel, au sens du nihil negativum de Kant, “ objet vide sans concept ” (Leere Gegenstand ohne Begriff) et tel est bien le passage difficile 4 articuler : il s’agit de voir comment ce rien qu’est le sujet dans son identification au trait unaite se retrouve dans le rien de Pobjet a, ce proces étant nécessité par ce patadoxe, fondamental pout notte expérience, que l’objet du désir ne se constitue que dans le rapport 4 PAutre en tant que lui-méme s’origine du trait unaire : il y a inclusion nécessaire de Vobjet du désir dans ce rapport 4 l’Autre en tant qu’il implique la marque du signifiant. Interrogeons de plus prés ce rapport du désir que Lacan fait tenit dans la formule : /e désir de V'homme c'est le désir de I’ Autre. Serait-ce impliquer un terrain commun, une zone oi les deux désirs se recoupent 4 V’intérieur d’un espace qui serait un champ homo- gene P Justement pas : il n’y a aucun accord, aucun contrat possible sur le champ du désir, je ne trouverai jamais de commune mesute entre mon désir et cet Autre 4 qui j’ai affaire comme désir; si l’on affete au désir le nombre imaginaire ,/-1, ceci veut dite que le produit de mon désir par le désir de "Autre, Va x J -1, Ne peut donner que -1, mon défaut comme sujet en ce point précis. Cest ici que serait 4 introduire la fon@ion de V’angosse qui nait en ce point od, ne repérant plus mon image dans l’Autre, je ne puis plus rien savoir du manque qu’elle inclut. Or, nous l’avons déja vu, le désir est d’abord rencontré comme nécessairement inclus dans la demande de l’Autre (fig. 4), ils’y cache comme cet X angoissant : il me demande cela, mais que peut-il réellement vouloir ? La configuration demande un médium entre la demande et le désir, et c’est /e phallus qui va remplir cette fonétion : Ja fon@ion phallique a pour essence de donner la mesure de ce champ A définir 4 Pintérieur de la demande comme champ du désir et est le seul pas offert au sujet : il ne sait rien du désir de l’Autre et c'est ’angoisse — mais il en connait l’instrument, le phallus, SS vorigine de Pobjet Péchange & qui devient le principe de toute articulation du champ du désir. Je ne rappellerai que britvement quelques-unes des coordonnées qui se trouvent ici impliquées : au niveau imaginaire la fon@ion phallique est marquée par une place vide, c’est-d-dire que Vimage 125 LE CLIVAGE DU SUJET du pénis est négativée. Que le pénis soit absent n’implique pas que le phallus le soit aussi, comme en témoigne aprés tout le fait méme de l’hétérosexualité considérée du point de vue masculin. Mais cette négativation au niveau imaginaire (que nous notons — ») n’est que V’effet de la fonion phallique comme signifiante (®), elle-méme s’instituant de cette barre qui vient frapper la jouissance pénienne ou de cette part qui se trouve sur elle prélevée pout que S‘instaure objet d’échange en tant qu’il est marqué du sceau phallique. Que la carence de I’Autre doive étre ainsi parée, mais que dés lors soit barré V’accés 4 une jouissance pleine, c’est axe méme de ce temps de la castration, seule voie propre 4 dépasser la réitération indéfinie de la demande sut laquelle s’arréte la frustration. Quel support logique donner 4 cet état de chose que démontre Pexpérience ? Concernant Vincompatibilité des désirs, Lacan avance l’opération posée par de Morgan comme celle de la diffé- rence symttrique (fig. 8) : deax champs se recoupent et on en extrait Vinterse&tion, ce qui donne le support du ow exclusif. Mais la figu- tation sur un plan laisse subsister Villusion d’un champ exclu qui GD © | Figure 8. Figere 9. setait commun aux deux cercles. Tel n’est pas lobjet du désir dont Je paradoxe apparait si la méme figure est tracée sur un tore (fig. 9) : on y voit que la différence symétrique existe bel et bien, mais que le champ de Vinterse@ion n’existe pas puisqu’il se continue avec le champ “ externe ”. Sur le tore deux champs se recoupant peuvent » donc définir leur différence comme différence symétrique sans que pour autant se réunir ni se recouvrir ; ils ne peuvent pas plus se réfléchir un dans l’autre en se reprenant 4 la deuxiéme puissance, ils n’ont pas dinterse@tion, leur interse@ion es leur exclusion d’eux-mémes. 126 LE CLIVAGE DU SUJET Cest ici qu’il convient d’introduire la fonéion de la double boucle ou buit intérieur (fig. x0) qui va devenir essentiel 4 notre pro- grés. Lacan le met en jeu 4 propos de cette difficulté soulevée dans la théorie des ensembles par le paradoxe de Bertrand Russel des ensembles qui ne se comprennent pas eux-mémes. Soit un cata- logue des catalogues ne se mentionnant pas eux-mémes, va-t-il se mentionner ? S’il se mentionne il contredit 4 la définition, s’il ne se mentionne pas le catalogue reste incomplet. Mais il n’y a paradoxe que dans la mesure ot l’on pense que de tels ensembles EP sonta considérer comme exclus d’un autre groupe d’ensembles EF qui, eux se comprennent eux-mémes et constitue- taient dés lors un groupe spécial d’ensembles en quelque sorte redoublés et capables de se nommet eux-mémes (fg. r7) : illusion EE Figure ro. Figere 11. Figure 12. qui tepose toute sur la croyance que a eff a (que la lettre a est la méme lorsqu’on Ja charge de désigner la lettre a) et que le signifiant peut se signifier lui-méme. Mais le signifiant ne peut se signifier qu’a se répéter différent de lui-méme : dés lors les ensembles EF n’appa- taissent que comme possibilité incluse dans la nature méme du signifiant et doivent étre représentés comme un huit intérieur, Cest-a-dite comme une reprise du signifiant comme différent de lui-méme ce qui, loin de leur donner un poids spécial 4 Vintérieur d’un premier cercle, les homogénéise avec ce qui est 4 ’extétieur _de ce premier cercle (fig. 12). Ceci s’image mieux encore tracer Je huit intérieur sur un tore (fg. 13) ob l’on voit comme précé- demment (fig. 9), que le redoublement du cercle n’enserre rien sinon un champ en continuité avec le champ “ extetne ”, c’est-a- dire un non-champ. Or tel va se révéler objet @ : un objet qui subsiste dans la pure saisie de son auto-différence : a se réfléchissant 127 LE CLIVAGE DU SUJET sut lui-méme parait donner un a* mais cet a* se revéle homogétne a-a (fig. 14). Cette figure fait apparaitre la liaison du a 4lademande, puisque c’est la réitération de la demande et son recoupement par elle-méme qui fait surgir ce champ de Pauto-différence comme lié 4 la présence du trou central irréduatible du tore. Figure 13. Figure 14. Ceci indique du méme coup que cette figuration va devoir étre dépassée dans la mesure ot la topologie du tore est impropre 4 faire surgir ’atypie du rapport de l’objet a la fonéion spéculaire. La figure 5 nous a montré en effet que le vide propre 4 la demande peut toujours étre transformé pour devenir le vide propre au désir du tore complémentaire, mais c’est justement 14 une repré- sentation leutrante puisqu’elle figure l’impasse du névrosé et sa dépendance indéfinie 4 Pégard de la demande; s’il y a une issue possible, c’est dans la mesute ott il existe une surface telle qu’une coupure redoublée faisant le tour d’un vide central fasse surgir comme tel objet a, et c’est pourquoi Lacan introduit une nouvelle référence topologique, celle du cross-cap ou plan projecif. De méme pourrons-nous par 14 dépasser la référence trop facile encore a un conflit de deux désits déja constitués : c’est la demande elle- méme qui 4 un certain point de la struture doit faire surgir le désir en constituant, en déterminant le sujet comme désir de]’Autre. Reprenons. C’est en tant que le signifiant a 4 redoubler son effet et 4 vouloir se signifier lui-méme que le sujet surgit comme exclu du champ qu’il détermine; il disparatt comme sujet, mais 4 ceci prés que sa disparition ne se produit qu’en rapport avec le jeu @un objet d’abord surgi comme alternance d’une présenceet d’une absence, Dans ce moment du fantasme, téponse anticipée 4 la LE CLIVAGE DU SUJET question radicale de PAutte, le sujet est en fading devant l’objet a dans la mesure oi il se fait radicalement -a. Ou encore : le désir inconscient est impliqué dans la répétition de la demande et c’est lui qui la motive, puisque la fois premiére est perdue et que le signifiant ne peut que se répéter 4 étre toujours un autre — mais si la demande se reboucle sous la forme de ce huit intérieur, alors apparait cet objet 2 qui se démontre rétroactivement avoir supporté les répétitions successives de la demande et constitue la yéritable raison pour laquelle le signifiant ne peut pas se signifier lui-méme, ou ne peut se recouper qu’en faisant apparaitre un reste. L’objet du besoin, du fait d’étre pris dans les répétitions de la demande, devient Pobjet du désir : le sein objet réel, a devenir signi- fiant de la demande orale, fait surgir le a, le sein objet érotique, et Ja fonttion du phallus eSt ce qui doit nous servir de support pour for- maliser cette transmutation de objet du besoin en objet du désir. Si la dimension de la demande fait surgir celle du désir dans son cété insaisissable, la fonétion phallique sera l’opérateur qui permet de conjoindre, de nouet le désir avec ce qui d’autre part se définit comme le champ de l’objet @ dont le sujet eff 4 stri@ement parler Ta coupure. Repassons une fois encote par le signifiant en posant cette ques- tion : comment le signifiant, s’il se répéte toujours différent, peut-il saisit quelque chose ? Comment peut-il donner lieu 4 ce Begriff par quoi nous tentons d’attraper ce qui sans cesse nous fuit et qui est fondamentalement Vobjet du désir ? Le signifiant est déja connu comme discontiauité — Lacan le théorise comme coupure, et dés lors la discontinuité ne peut résulter que des boucles qui périodiquement font revenir la cou- pure sur elle-méme, et les points de recoupement sont les seuls points ou situer le méme, 4 savoir du cété du réel ; autrement dit, au niveau d’un pur sujet de coupure, la coupute ne peut savoir quelle s’est fermée et ne repasse par le méme point que parce que le réel en tant que distin& du signifiant est le méme. II s’avére ainsi que le trait unaire, dés lors que nous mettons en relief sa fonction répétitive, doit étre figuré comme cette double boucle qui est Ja véritable forme minimale 4 donner au signifiant, ou encore la teprésentation la plus simple de ce qu’il en est de la demande lorsque, se rebouclant a elle-méme, au bout d’un certain nombre 129 7 LE CLIVAGE DU SUJET de tours, elle en vient 4 saisir enfin quelque chose. Saisix quoi ? L’objet du désir si elle le pouvait — mais la topologie du tore nous montre que l’objet, en tant qu’il surgit des effets de la fonétion signifiante, est radicalement manqué : on n’en a jamais que le contour. La chose se confirme 4 coupet le tore selon cette double boucle : on ouvre la surface et on l’allonge sans pour autant la séparer en deux et ceci veut dite que dans cette structure qui est celle de la névrose Ja demande ne saisit rien de ’objet du désir. L’avancée décisive pour la réalisation du sujet que la théorie nous désigne sous le nom de castration ne peut donc étre supportée que par une autre surface qui est le cross-cap. Figure 1s. Opérons sut cette surface une coupure qui suit le tracé du huit intérieur en englobant le “ point central ” du cross-cap (fig. 15), il s’avére que cette coupure ici saisit quelque chose puisqu’elle a le ptivilége de séparer le cross-cap en deux parties : elle y isole d’une part une partie “ centrale ” que nous appellerons partie 2 qui consetve les propriétés topologiques essentielles de la surface puisqu’elle emporte le “ vide central ”, autour duquel s’organise une sorte de double oreille qui se traverse elle-méme — d’autre © part une partie “ périphérique ” qui n’est rien d’autre qu’une sur- face de Meebius. Je passe ici trés vite sur les commentaires que Lacan en a fait surgir touchant le rapport du sujet 4 Vimage spécu- haire et 4 objet a en tant qu’il manque 4 cette image. La-surface de Meebius est identifiable au corps de V’identification spéculaire: dissymétrique et orientée, elle a une image spéculaire, une image ou la droite est devenue la gauche. Il est au contraite démontrable que la partie 2 bien qu’orientée ne vérifie pas une telle dissymétrie et doit donc étre dite sans image dans le miroir. C’est dire qu’une 130 LE CLIVAGE DU SUJET telle coupure, a ce niveau radical od elle constitue le sujet dans sa dépendance par rapport 4 Vobjet du désit, est ce qui permet au sujet de décoller de P illusion spéculaire dans la mesure ow ce lambeau a échappe a la fon@ion i (a). Je commenterai davantage ce qu’une telle coupure démontre de la fonétion phallique. C’est le bord en hélice du lambeau central qui conserve au vide autour duquel il se struéture ses propriétés topologiques et c'est donc ce bord qui peut introduire un objet @ quelconque 4 la place du vide central — il supporte ainsi la fon@ion selon laquelle un objet qui est 14 depuis toujours, qui était Pobjet du besoin, peut étre pris dans les effets de la fon@ion du signifiant et cependant ne faire que rettouver sa destination de toujours. Cette topologie nous permet dés lors de concevoir corrélativement comment d’une part, c’est la présence irréduStible du vide central (Vobjet 2) qui assure au huit intérieur un statut tout 4 fait privilégié et comment d’autre part cette coupure peut symboliser l’opération phallique en tant que le phallus dans sa fon@ion radicale eg un signifiant et qu'il est Je seul & pouvoir se signifier lui-méme; il e&t le seul 4 pouvoir étre posé sans différer de luj-méme ct comme tel il est indicible puisqu’il est le nom qui abolirait toutes les autres nomi- nations; il a ce privilége parce qu’il supporte cette topologie parti- culiére de la double boucle et das lors est seul pouvoir rendre compte de la fonéion signifiante dans la mesure ou, sans se recou- per, il se rejoint pourtant lui-méme en saisissant quelque chose, mais ce quelque chose va dés lors se constituer comme séparé, exclu de ce qui reste de la surface et qui se trouve organisé par cette coupure méme. Ce quelque: chose est l'objet a dont la double fon&ion peut étre ici pointée. Dans le fantasme, par un effet de mirage, le sujet s’imagine en raison de ce qui le détermine comme sujet, 4 savoir le signifiant, supporter objet qui vient pour luj combler le manque de l’Autre :ceci est intérieur 4 ’économie névro- tique et constitue une détermjnation subjetive, allant du sujet vers Vobjet. Mais le fondement de cette manceuvre nous apparait main- tenant : la coupure du sujet, ce qui le constitue comme séparé, rejeté, lui est imposée par une détermination objective : elle vient de Vobjet a. Il y adonc quelque chose par quoi l’objet a eétle lieu de ce double mouvement : mouvement de lui vers le sujet et du sujet vers lui. 13 LE CLIVAGE DU SUJET Cette place lui est conférée par la fon&ion phallique, figurée i¢j par ce “ point central ” du cross-cap, point od tous les trajets s’entrectoisent et s’inversent; le phallus est ce point d’éversion, Pévergence ol se conjoignent et se séparent 4 Ia fois le $ du fan. tasme et le a ici promu comme objet du désir. Le point ® est res. sable de cette stru€ture ob V’envers est la méme chose que Pendroit (le point central ” du cross-cap est bien en effet, comme une surface de Moebius, une sutface 4 une seule face et 4 un seul bord). C’est par le phallus que V’éversion peut se faire de Pun dans autre et que les deux termes, $ et 2, se présentent comme identiques 4 la fagon de Penvers et de Vendroit : point d’inhérence du $ qui se fait ici Ja méme chose que 2, reconnaissance du désir humain 4 ir de ce point ot le sujet n’est rien d’autre que la coupure de cet objet. Et c’est donc le point ® qui, 4 conserver au“ point cen- tral ” du ctoss-cap les propri¢tés topologiques de la surface ini- tiale, en vient 4 faire vraiment de S la coupure dea. Lacan Villustre dune reprise du réve de l’Homme aux Loups, pour désigner dans les loups perchés dans l’atbre V’objet @ lui-méme démultiplié, divisé, splitté, et donc portant la marque des refentes qui ont affe&té le sujet : ce qu’il voit, c’est $ lui-méme en tant qu’il est coupure de a. On peut y repérer du méme coup le temps logique ot Pobjet comme tel peut devenit dénombrable, du moins ot lobjet apporte le nombre avec lui; ce nombre inhérent pourrait étre considéré comme la marque de la temporalité qui constitue ce champ du désir en tant qu’il est lié 4 la produétion d’une double boucle, d’une répétition radicale — et je rappelle 4 ce propos que Lacan a pu, 4 propos de ce neeud qui ne se constitue qu’A faire deux fois Je tour, situet son prope effort d’élaboration par rapport 4 Freud comme lié a cette nécessité Stru€turale d’un deuxitme parcours. La double boucle, j’y reviens encore pout essayer de ressaisir ce que Lacan a commencé 4 articuler cette méme année comme Stru@ute logique nécessitée par l’expérience analytique — la double boucle a pour fonétion de circonscrire un champ en tant qu’il se trouve exclu; dans ce champ nous localisons Pobjet du désir comme radicalement perdu, c’est-d-dire équivalemment ce que nous pourrions nommer objet de la castration — mais l’essentiel est que la coupure qui détache l’objet est ce qui détermine du méme coup les propriétés topologiques du lambeau restant, lequel a une 132 ms ll LE CLIVAGE DU SUJET image dans le miroir. Ceci veut dire 4 la fois que Pobjet du désir se constitue dans la dimension du caché, de l’inapergu, de l’insai- sissable, mais que c’eSt pourtant dans la mesure ot a eu lieu Ja coupure qui le sépare que ce qui reste peut prendre forme : c’est par la castration que le sujet a accés 4 quelque réalité que ce soit — plus généralement c'est cette s¢patation qui Ini permet de s’y reconnaitre dans le monde, a savoir d’y rencontrer sa propre image i (a) : le désir humain est fonciérement acosmique, mais c'est sur lui que repose l’i/usion de cosmicité et la fausse cohérence de son repérage du monde. L’objet du désir est ce 4 quoi il faut renoncer pour que le monde nous soit donné comme monde. Si donc il est nécessaire d’élaborer une nouvelle logique qui soit Ja logique de Pobjet du désir, c’est d’abord assurément parce que la théorie analytique avait jusqu’alors failli 4 rendre compte du Statut propre de lobjet dans notre expérience — mais c’est aussi parce que la logique classique elle-méme teposait toute sur cette exclusion de Vobjet du désir, c’est-A-dire qu’elle la masquait tout en la désignant et en prenant appui sur son efficace cachée, se constituant comme l’effet méme de cette exclusion. Dans la logique des classes, qui est une logique de la privation, luniverselle affirmative (tout trait est vertical) ne dit pas qu’elle repose toute sur l’exclusion du trait vertical. C’est pourquoi il convient de souli- gnet la distin¢tion de la partie /exique : il est dit que tout trait est vertical (mais ceci n’implique l’existence d’aucun trait : la proposi- tion reste vraie méme s’il n’y a nul trait) et de la partie phasique qui peut dés lors s’y fonder : il se trouve ou non que je rencontre des traits verticaux. C’est 14 ce que nous-avons d’abord rencontré & propos du trait unaire et de la privation, dont on apergoit main- tenant que c’est exclusion de objet du désit, c’est-4-dire la cas- tration, qui permet de la concevoit. Ces derniers développements, centrés sur les rapports du sujet au a, gagneront peut-ttre 4 étre repris en référence 4 la fon&ion du A. Il est essentiel de rappeler que c’est dans Autre que le sujet a A repérer Vobjet du désir et que c’est 4 un certain temps du rap- port du sujet 41’Autre que le a surgit, prend sa figure et sa fon@ion. Peut-étre essaierai-je de conclure en tentant d’éclairer au moins un peu ce rapport du A au ¢ — probléme clé qui parait tout dabord nous mettre devant un cercle : d’une part l’objet est, nous le savons, | 133 LE CLIVAGE DU SUJET Pobjet chu, le reste du processus de significantisation ou de l’entrée du sujet dans le champ de l’Autre ; d’autre part ce que nous retrou- vons au terme comme a a toujours été 1a et se révéle avoir com- mandé tout le processus. C’est ce point problématique qui va main- tenant retenir notre attention, et nous allons voir qu'il ne peut étre abordé sans la référence au transfert et 4 ce qui peut étre avancé du terme de l’analyse. Repartons, pour faciliter le repérage, des trois types d’identi- fication désignés par Freud ct du support logique que Lacan leur confére. La premiéte, trés tot apergue pat Freud, est identification au pére abordée en analyse sous le nom d’incorporation. Elle a tapport avec la privation, et nous n’avons pu qu’en marquer la place essentielle en indiquant ce qu'elle implique — la méta- phore paternelle et la fon&ion du Nom-du-Pére. La deuxiéme identification, au trait unaire de |’Autre, est la voie d’abord que nous avons privilégi¢e. Elle est en rapport avec la formation de Vidéal du moi et la fon&ion d’idéalisation, pour autant qu’elle désigne ce point choisi dans l’Autre d’ot le sujet peut se voir comme aimable : elle soutient 4 ce titre Pidentification imaginaire (le moi idéal) ot se situe le champ de l’amour natcissique et ob nous avons 4 repérer la fonGtion de l'amour dans le transfert. Elle fait du méme coup apparaitre son lien 4 la frustration : cet effet de mirage occulte l’objet 4 qui n’est ici que pure absence, pur manque dans l'image spéculaire, L’axe nous en est donné par cette formule que l’enfant demande 4 sa méte ce qu’elle n’a pas, soit le phallus. C’est ici que nous reprenons notre dialectique en rappelant ce qu’entraine aussitét cette identification au trait unaire : le signi- fant étant différent de lui-méme, rien du sujet ne saurait s’y iden- tifier sans s’en exclure — et c’est ce qui ouvre la possibilité logique de Ia constitution de l’objet 4 la place méme de ce Sp/iting et oblige 4 mettre en place un troisitme temps, identification 4 Pobjet du désir ou mieux réalisation du sujet comme coupure de cet objet, seul temps ol puisse se mettre en ordre le rapport du sujet 4 son monde. Dés lors que le a est cette part qui chit entre lui-méme et ’Autre : Pobjet 2 est ce qui surgit a point de défaillance de I’ Autre, au point de perte du signifiant (A savoir la perte de cet objet 2). Ce rapport essentiel du a au point de défaillance de ’ Autre comme lieu de la parole est ce qui soutient et ce que désigne la fonéion 134 LE CLIVAGE DU SUJET du fantasme. En ce point ott le témoin universel se révéle étre un “feuce témoin (fh), en ce point de carence de l’Autre qui est aussi le point ov le sujet regoit de PAutre le trait unaire qui le constitue comme le point tournant de son rejet 4 lui, le @ surgit comme le seul support possible du sujet et le fantasme comme ce quelque chose que le sujet fomente, essaic de produire 4 cette place aveugle —. mais nous rettouvons ici la fonétion pivot de objet 2 puisque dés lors c’est lui qui se révéle étre le seul soutien du A: 2 eff ce que P-Autre désire dans le sujet défaillant dans le fantasme, ce quil faut entendre en ce sens qu’il reste /e seul témoin qu'il y a quelque part du désirant. Loobjet 2 eS ce dont le A prend la place pour lui donner un sens et toute métaphore y compris le symptéme cherche 4 faire sortir cet objet dans la signification, sans que la pullulation des sens qui s’engendre dés lors, puisse jamais étancher la perte centrale que constitue objet comme tel. Voici comment ceci s’illustre sur le Graphe : 4 la question ultime qu’il rencontre au lieu de Autre : “ Che voi?” “ que veux-tu oe le sujet ne peut répondre qu’A se faite objet, mais cet objet a la fonétion essentielle de soutenir et de désigner le désirant qui se trouve impliqué et qui dés lors se substitue au “ che voi ” sous la forme d’un “ gui veut ?”. La seule réponse au “ che voi ” est la mise en place d’un “ gui veut?” comme corrélat de la disparition du sujet dans Pobjet a. Il se révéle que Vobjet 2 de la castration reste le seul support de cette fonftion de renvoi qui peut maintenir la fonétion du sujet. C’est ce que Lacan illustre encore de la référence quwil a prise au Banquet pour aborder la question du transfert. Socrate est ce siléne qui tecéle Pobjet caché, Pobjet du désir d’Alcibiade, cet agalma ov se désigne la brillance particulitre que la sous-jacence du phallus confére 4 Pobjet du désit. Mais les choses sinversent 4 son niveau et ce qu’Alcibiade veut bien plutét, c’est savoir 4 quoi cet objet caché au coeur de Pagalma fait appel — il cherche ce qui dans objet se manifeste comme pur désirant (erdn et non eromenos), ill désire Socrate comme désirant dont il vent Paven, Bt bien st c’est Alcibiade qui est en réalité Pagalma, support de la subsistance de la question : de qui est-il Pagalma (4 quel signifiant renvoie-t-il comme lui-méme effet du signifiant) ? Cest cette fon&tion de Verén, du pur désirant, que l’analyste est 135 LE CLIVAGE DU SUJET appelé a incarner : désir énigmatique, désir entitrement voilé auquel s’adresse le fantasme que le sujet conffruit dans Vanalyse. C'est ici qu’il conviendrait de rejoindre les élaborations plus récen- tes de Lacan, dans la mesure ou c’eSt de ce qui peut étre articulé du terme de analyse que peuvent nous venir les formules radicales concernant le rapport du sujet au A et la fonétion de Vobjet a, J’en dirai seulement que le terme apparent de analyse est bien sir Pavénement du désir en tant qu’il se trouve supporté par la fon@ion de Pagalma ; dans son désir l’analysant peut en venir 4 savoir ce qu'il est : pur objet a, permettant au mirage du désir de s’établir sur le jeu apergu du rapport de causation par ot lobjet 2 divise le sujet. Mais cet avénement du a est corrélatif de la chute du sujet- supposé-savoir, ce qui veut dire que c’est Panalyste qui devient ce teste, ce résidu, ce a qui remplace le signifiant de |’Autre évanoui et qui ne peut le remplacer que lorsque le 4 est comme tel arraché au champ de l’Autre dans cette opération de réalisation du sujet. Ainsi se dévoile V’affinité profonde qui lie le a, 4 cette barre qui vient frapper le A dans le mouvement méme de cet avénement subjeGtif ot le sujet nait au désir, de se faire désir de P Autre. * Avoit et s’approprier Le projet de la présente étude nous est venu de diverses expé- tiences cliniques concernant V'infécondité ou la fécondité malheu- reuses d’étres en proie au désir d’avoir ou de n’avoit pas un enfant. Notre propos est de retrouver dans ce matériel clinique, c’est-4- dire parlé, a travets le langage spontané qui véhicule demandes et désirs, les effets de sens inscrits dans les registres de Pavoir ou du manque. Situer la relation du sujet et de objet dans leurs rapports au signifiant est ici accessible, si ’on peut dire, 4 Pétat naissant. Examinant V’hypothése que le sujet grammatical doit avoir quel- que chose de commun avec le sujet parlant-désirant, nous intetro- gerons le diGtionnaire et la grammaire sur l’emploi du verbe avoir et les tapports du personnel au possessif en ce qui concerne le pronom, Une premiére partie de notre matétiel clinique est issa d’entre- tiens avec des candidats 4 ’adoption. Que pouvons-nous entendre du désir de ’'adoptant 4 travers le texte de sa demande ? Dans un premier cas, il s’agit d’une femme célibataire ptoche de la cinquan- taine, qui n’a jamais songé réellement au mariage. Exigeante sur ses ptétendants 4 ’époque oi elle en avait, elle décourageait ceux qui se déclaraient, révant autres dont elle ne faisait rien pour retenir Pattention. En fait, fille unique, elle se sentait parfaitement heureuse et en sécurité au foyer de ses parents et, croyait-elle, comblée par leur affection, Nullement obligée de travailler pour vivre elle ne se prépare 4 une profession qu’ la mort de son péte, voici dix ans. C’est aussi 4 ce moment qu’elle songe pour la pre- mitre fois 4 ’éventualité d’adopter un enfant. Elle adore les enfants, dit-elle, ils sont toute sa vie. Elle a eu l’occasion de s’occuper de 137 AVOIR ET S’APPROPRIER jeunes voisins ou de petits cousins. Mais les uns et les autres ont gtandi et sont maintenant plus distants. Elle reste seule a@uelle- ment avec sa méte trés Agée, avec laquelle d’ailleurs elle décrit une entente idyllique. Elle n’a pas commencé ses démarches en vue de adoption dés que Vidée lui en est venue, car elle voulait assurer sa situation professionnelle. A€tuellement, rien ne s’oppose 4 la réalisation de son projet : elle occupe un poste de responsabi- lité dans une importante compagnie d’assurances, sa mére, encore alerte malgré l’age, peut s’occuper de l’enfant pendant qu’elle est 4 son bureau. Elle a demandé un enfant de trois ans au moins, une fille. Dans ’amour qu’elle destine 4 cet enfant, elle voit un moyen de donner un sens 4 sa vie, de constituer une hétititre 4 ses biens qui, sans cela, sortiraient du champ de son affection puis- qu’elle n’a aucun proche parent. Ses parents lui légueront un pavil- Jon; si elle n’a pas de postérité, ce pavillon sera vendua sa mort et tombera entre les mains d’inconnus. Dans un deuxiéme cas, comme c’est le plus fréquent, c’est un couple qui formule une demande d’adoption. L’homme et la femme ont déja été mariés chacun de leur cété. Lui, ancien mili- taire, est divorcé sans enfant. Elle, également divorcée, a élevé une fille qui s’est mariée récemment. Ils ont respectivement 58 et 48 ans et vivent avec une certaine aisance, d’une retraite confortable et une aétivité d’appoint. Il n’est pas facile de savoit de qui vient Ja demande d’adoption. Lui, serait trés heureux d’avoir un jeune enfant 4 la maison : il n’en a jamais eu et, de fait, c’est un homme aimable aux allures de jeune grand-pére, certainement prét 4 gater beaucoup le nouveau venu. Elle, paraissant bien plus jeune que son Age, est terriblement émue en formulant sa demande. Celle-ci semble bien articulée autour du mariage récent de sa fille, qui vient d’avoir elle-méme un enfant et qui a di partir pour l’étran- ger. Cette femme semble avoir besoin d’un intermédiaire dans le téte-d-téte avec son mari plus 4gé. Pout justifier le bien fondé de sa demande elle insiste, elle aussi, sur ses conditions matérielles de vie, Elle dispose dans une proche banlieue, en effet verdoyante et bien exposée, d’un grand logement au rez-de-chaussée, de plain-pied, avec un jardin. Dans un troisiéme cas, il s’agit d’un couple plus jeune formulant sa demande dans un plus juste ton. La jeune femme, 4 la suite 138 j AVOIR ET S’APPROPRIER @une affection gynécologique, a subi une intervention qui met fin aux espoits de maternité. Elle et son mati désirent depuis les pre- miers temps de leur mariage un enfant et souffrent l’'un et Pautre des maternités qui viennent combler les ménages amis, Ils souhaitent adopter plusieurs enfants, deux, peut-étre trois, afin de créer dans leur foyer, pour eux-mémes et aussi pour les enfants, une atmos- phére vivante et chaleureuse de foyer normal. La question des biens } matériels est ici également évoquée, mais dans les termes suivants : Pun et Pautre souffrent de jouir égoistement de leut situation sociale | trés satisfaisante. : Ces trois exemples parmi bien d’autres permettent de repérer un certain nombre de caraétéres que l’on retrouve 4 des degrés divers dans l'ensemble des demandes d’adoption que l’on peut entendre formuler. Presque toujours, une certaine attitude de défense, que ne parait pas expliquer simplement le caraétére d’obli- gation ot se trouvent ces postulants d’aller consulter un spécia- liste 2, En fait, cette défense a une tonalité gringante, douloureuse, n’excliant pas une certaine dimension dramatique, d’avoir a s’expliquer sur quelque chose qui appatait, surtout pour la future méte adoptive, comme un manque ou une mutilation, soit qu’elle ne puisse pas avoir d’enfant, soit que sa stérilité soit la marque de Vimpuissance de son mari 4 la féconder. Par ailleurs, une sorte de distribution naturelle des réles donne au péte une voix plus discréte dans la formulation de cette demande. Celui-ci se bornant souvent 4 authentifier : il est pleinement et profondément d’accord avec le désir de sa femme d’accueillir un enfant, celui qu’elle ne peut pas avoir physiologiquement. Il me parait rematquable aussi que les futurs parents adoptifs considérent souvent comme allant de soi que ce qu’ils s’apprétent 4 offtir 4 cet enfant inconnu qu’ils vont adopter, est ce qui peut lui attiver de mieux au monde, en tout cas constitue une chance pout lui. Considérant ainsi le manque de Penfant, le manque du été de Penfant comme pouvant étre comblé par leur propre manque, 4 eux, d’enfant. 1. En effet depuis quelques années une loi fait obligation aux futurs adoptants de joindre a leur dossier de candidature un certificat de spécialiste précisant “ s'il parait exister — ou ne pas exister — d’inconvénients d’ordre psychologique @ Ia réalisation du projet d’adoption ”. 139 AVOIR ET S’APPROPRIER Faisant partie de cette attitude de défense que je signalais plus haut, la mise en avant presque constante de tous les avantages matériels, situation, logement, biens, semblent privilégier ce qui est “ montrable ” dans ce que l’on a et qui corrige un peu l’ina- vouable de la Stérilité. Dans le méme registre, nous avons retrouvé souvent la notion de l’enfant adoptif comme héritier, c’est-a-dire celui 4 qui on va transmettre ses biens qu’on a regus soi-méme de ses parents. Ici, certains font état de l’adhésion, de l’acquiesce- ment ou de la résistance de leurs propres parents vis-d-vis de ce projet d’adoption, qui ne les concerne nullement en tant que personnes vivantes, mais concerne la destinée de leurs biens aprés leur mort. Notons en passant que, dans un assez grand nombre de cas, le projet d’adoption prend corps chez des sujets qui viennent de perdre leur pére ou leur mére. Voici dune fagon non exhaustive quelques échantillons de ce que nous entendons couramment dans ces demandes d’adoption, demandes dont nous soulignons volontiers le caraétére sociale- ment généreux, mais dont notre oteille d’analyste, neutre en ce conflit entre avoir et n’avoir pas, entend la voix véhémente et pas toujours juste d’un suppliant exprimant la souffrance d’un manque et le désir de le combler dans un double leurre fréquemment ren- contré ; certitude de voir le souhait exaucé et hate d’une dernitre formalité 4 accomplir dans la constitution d’un dossier. Une seconde partie de notre matétiel clinique vient d’un champ tout différent. Il s’agit, dans le contexte “ éducatif ” de foyers maternels, de jeunes adolescentes mises en situation de grossesse ou de maternité par les vicissitudes d’une vie sexuelle engagée le plus souvent fortuitement et patfois méme sans connaissance précise de V’a&e sexuel. “‘ Vraiment, pour moi, dit Pune d’elle, Agée de 15 ans et demi, il n’y avait pas de probléme : 4 mon 4ge on fe pouvait pas étre enceinte... c’est ma mére qui un jour, alors que je tentrais de l’école, m’a appris que j’étais enceinte (résultat du test), jusque-la je n’avais ressenti aucun malaise. Mais du jour o& j'ai su que j’étais enceinte, les nausées ont commencé. ” D’autres vivent leur grossesse comme une maladie. Chez ia plupart de ces adolescentes, la maternité apparait comme un événement facheux 4 contretemps sur le chemin d’une autonomie. Cette grossesse est 140 ss ee AVOIR ET S’APPROPRIER le plus souvent vécue comme un traumatisme aprés beaucoup dautres, qui provoquera dans l’immédiat des réa@tions de régression (certaines de ces jeunes filles enceintes se remettent 4 jouer avec un ours ou réclament le biberon). Dans ce contexte régressif, la future jeune mére a tendance 4 s’identifier 4 Penfant qu’elle porte, & projeter dans ses relations 4 ceux qui sont impliqués dans la situa- tion présente (le péte de son enfant, les éducatrices), le Style de relation qu’elle avait elle-méme établi avec ses propres parents. C’est 14 un des aspetts trés frappants des dispositions relationnelles de la trés jeune mére qui s’organise en reflet ou en contraste de la relation affective fondamentale 4 sa propre mére ou 4 son pére. Lambiguité de la relation cedipienne de la jeune fille 4 son pére, parfois évidente dans les cas d’inceste ou dans des cas pathologiques @homosexualité, est presque toujours présente. Il est rare qu’on n’en retrouve pas de manifestation au niveau de la relation avec le pére de Penfant, cet homme qui prend tout 4 coup un statut particulier du fait de la grossesse dont il est le fafteur déclenchant. Presque un an apres sa sortie d’un foyer, une de ces jeunes filles exprime ainsi son anxiété devant une nouvelle grossesse : “ Vous savez, je vais avoir un bébé... oh! mais je ne le garderai pas... deux gosses, vous patlez... je n’y arrive déja pas avec un... non, est pas possible... — c’est drdle, j’ai Vimpression de couver... vous ne me croiriez pas, mais ¢a me plait dans un sens... Le garder, je perds tout ; mon travail, ma mére, le parrain de ma fille. Ma mére, justement, vient de m’écrire coup sut coup deux lettres trés gen- tilles ; elle me dit : si ga ne va pas a Patis, reviens donc 4 L. avec moi... j'ai peur de crever... Tant pis, il faut que je le fasse sauter par n’importe quel moyen méme si j’y passe aussi... aucune fille ne peut le faire de gaieté de coeur : supprimer l’enfant qu'elle attend, surtout si c’est le gosse d’un gargon qu’elle aime... Mon ami, est pareil, il es comme moi... Il n’en veut pas... mais par moments, j'ai quand méme l'impression que ¢a lui fait dréle... Moi, quelque- fois, je lui dis : tu viendras me voir quand je serai A la maternité ? Qu’est-ce que ¢a te fera de voir dans un berceau un petit gargon qui te ressemble ? Alors, il est tout ému... On a déja parlé de lui trouver un nom. Il veut l’appeler Jéricho. Vous vous rendez compte Jéticho ! Il trouve que Jéricho X. ga sonnerait bien...” Nous empruntons 4 un autre cas, une jeune fille de 19 ans, 141 AVOIR ET S’APPROPRIER cette séquence significative : malgré deux grossesses menées 4 terme dans les pires conditions matérielles et morales, la jeune mére fie veut pas entendre parler de contraception. Il semble qu’elle ne envisage séricusement qu’au cours de la troisitme grossesse, Celle-ci est interrompue ‘par une fausse couche spontanée au cinquitme mois. Partagée entre le regret et le soulagement, la jeune fille va en effet consulter quelque temps plus tard le gynéco- logue susceptible de la guider dans la voie du contréle des nais- sances, mais, bien qu’elle poursuive une vie sexuelle active et peu ordonnée, elle ne parle pas de contraception, mais demande qu’on. lui fasse une hystérographie pour s’assurer que sa fausse couche récente n’a pas laissé derritre elle de stérilité. Nous sommes ici, 4 Pévidence, dans un autre registre que celui de la réalité, et cette jeune célibataire est étrangement plus sécurisée par la possibilité de pouvoir mettre au monde un quatritme’ enfant que par celle d’avoir des relations sexuelles sans risque de maternité. C'est ici au complexe de castration que nous avons affaire, et c’eSt cette Stru€ture inconsciente nodale (pour autant qu’elle petmet au sujet de se constituer comme sujet de I’énonciation) que nous pensons retrouver comme organisateur (au sens embryo- logique du terme) de la verbalisation de avoir, du pronom Pposses- sif et secondairement de P’étre 1. Si je dis : j’ai un enfant qui s’appelle Paul, cette proposition ne fonde pas la proposition complémentaire que Paul est mon enfant. Autrement dit, Vexistence méme de Padoption et des lois qui la régissent introduit en ceci un doute, 4 savoir que enfant que j’ai mis au monde et que enfant que j’ai adopté, s’ils sont dans le méme rapport de contiguité par rapport 4 moi, ne sont pas dans le méme rapport de “ filiation ”. A la vérité, ni Pun ni Pautre ne sont 4 moi, ’un est de moi, Pautre m’est confié et je Pai adopté Clest-A-dire que je fais comme s’il était de moi en me l’appropriant. Ce “ comme si ” introduit ici quelque chose de la fon&ion du 1, L’antériorité de avoir par rapport a V’étze ext ici supposée au niveau de la verba- lisation. On ne saurait mettre sur le méme plan l’incomplétude réelle ou imaginaire du“ manque a avoir” et le“ manque a étre ” qui egtampille le sujet dans sa stru€ure méme. Dans ie présent travail, nous tentons l’examen des recoupements ou des capi- tons de ces divers plans. 142 AVOIR ET S’APPROPRIER leurte 1. Les effets de sens impliqués dans les propositions que nous venons de “ manipuler ” impliquent : un rapport métaphorique ou métonymique au sujet, le savoir du sujet quant 4 la filiation, le caraétére désirant du sujet d’avoir un enfant, cet avoir étant.a entendre au sens d’avoir un bien, de le posséder, et s’il ne l’a pas naturellement, de se ’approprier. J’ai, je n’ai pas, je suis dénué de, je nai plus, j’ai perdu, je n’ai pas encore, ou bien je ne peux avoir, toutes formulations impliquant par rapport 4 l’avoir les concepts de possession et d’appropriation en référence au manque otiginel. Nous trouvons dans le diftionnaire ? les définitions suivantes. Pour approprier : adapter, rendre propre 4 une destination — approprier son langage aux circonstances. S’approprier : devenir propre 4, se rendre propre — style qui s’approprie merveilleusement au sujet, et aussi usurper la propriété d’une chose, s’approprier des biens — et comme synonyme, s’approprier, s’arroger, s’attri- buer. “ C’est pour traverser la vaste étendue des mers que ’homme | s’eSt approprié l’usage de la boussole ” (Alibert). Pour posséder : “ avoir en sa propriété”. Pour avoir : “ posséder 4 quelque titre, de quelque maniére que ce soit — étre en possession, en jouissance de quelque chose — sert 4 marquer une relation entre les personnes — avoit un pére, une mére, une femme; mais aussi avoir une femme : obtenir ses faveurs. Avoir est aussi un verbe auxiliaire et sett 4 former la plu- part des temps passés des autres verbes. Ce verbe sett d’auxiliaire i 4 tous les verbes aétifs et A la plupart des verbes neutres et uni- personnels ”. Ce que étre et avoir ont en commun, c’est la symétrie de leur fon&ion d’auziliaire. Ce qui les distingue c’est la non-symétrie de leur fonétion de verbe libre *. Et le linguiste propose la démonstra- tion suivante que nous résumons : hors de la fon&ion d’auxiliaire, la constru@tion de étre est prédicative, celle d’avoir transitive, au moins apparemment. C’est un pseudo-transitif. Entre le sujet et le régime de avoir, il ne peut exister un rapport de transitivité tel 1. Mon, ton, son, notre, votre... leurre (air connu des récitations enfantines). 2. Les définitions suivantes sont a dessein empruntées a un ouvrage datant de 1867 : seconde édition du Ditlionnaire univer sel de la langue francaive, de Bescherelle ainé. 3. B. Benveniste, Problémes de linguittique générale, p. 196 & 200. 143 | AVOIR ET S’APPROPRIER leurre 1. Les effets de sens impliqués dans les propositions que nous venons de “ manipuler ” impliquent : un rapport métaphorique ou métonymique au sujet, le savoir du sujet quant 4 la filiation, le caraétére désirant du sujet d’avoir un enfant, cet avoir étant.4 entendre au sens d’avoir un bien, de le posséder, et s’il ne l’a pas naturellement, de se ’approptiet. J’ai, je n’ai pas, je suis dénué de, je n’ai plus, j’ai perdu, je n’ai pas encore, ou bien je ne peux avoir, toutes formulations impliquant par rapport 4 Vavoir les concepts de possession et d’appropriation en référence au manque originel. Nous trouvons dans le diftionnaire 2 les définitions suivantes. Pour approprier : adapter, rendre propre 4 une destination — apptoprier son langage aux circonstances. S’approprier : devenit ptopre a, se rendre propre — style qui s’approprie merveilleusement au sujet, et aussi usurper la propriété d’une chose, s’approprier des biens — et comme synonyme, s’approprier, s’arroger, s’attri- buer. ‘¢ C’est pour traverset la vaste étendue des mers que ’homme s’eSt approprié l’usage de la boussole ” (Alibert). Pour posséder : “ avoir en sa propriété”. Pour avoir : “ possédet 4 quelque titre, de quelque manitre que ce soit — tre en possession, en jouissance de quelque chose — sett 4 marquer une relation entre les personnes — avoir un pére, une mére, une femme; mais aussi avoir une femme : obtenir ses faveurs. Avoir est aussi un verbe auxiliaire et sert 4 former la plu- part des temps passés des autres verbes. Ce verbe sert d’auxiliaire A tous les verbes aétifs et a la plupart des verbes neutres et uni- personnels ”. Ce que étre et avoir ont en commun, c’est la symétrie de leur fon@ion d’auxiliaire. Ce qui les distingue c’est la non-symétrie de leur fonétion de verbe libre 8. Et le linguiste propose la démonstra- tion suivante que nous résumons : hors de la fonétion d’auxiliaire, la constru@ion de étre est prédicative, celle d’avoir transitive, au moins apparemment. C’est un pseudo-transitif. Entre le sujet et le régime de avoir, il ne peut exister un rapport de transitivité tel 1. Moa, toa, son, notre, yotre... leurre (air connu des récitations enfantines). 2. Les définitions suivantes sont 4 dessein empruntées 4 un ouvrage datant de _ 1867 : seconde édition du Didtionnaire universel de la langue frangaise, de Bescherelle ainé. 3. B. Benveniste, Problémes de linguistique générale, p. 196 3 200. 143, AVOIR ET S’APPROPRIER que Ja notion soit supposée passer sur Vobjet et le modifier. En comparant le sens qu’a en latin eff mihi et habeo, on voit que ces deux expressions répondent 4 la méme fon&ion; il enestautrement en frangais ob s’énoncent deux rapports différents : possession dans avoir, j’ai un livre — appartenance dans éfre 4, ce livre est 4 moi. E/re @ demande toujours un sujet déterminé (“ un livre est 4 moi ” serait impossible — il faut “ ce livre est 4 moi”); inver- sement, avoir demande toujours un objet indéterminé (“ j’ai ce livre ”, n’aurait au mieux qu’une faible chance d’emploi); il faut “Pai un livre”. C’est pourquoi le latin eff mibi répond au frangais Jai et non 4 eff a moi. Dans le rapport de possession indiqué par mibi eff, ces la chose possédée qui est-posée comme sujet. Quand la construGion devient babeo pecuniam ce rapport ne peut devenir teansitif. Le ego posé maintenant comme sujet n’est pas pour autant Pagent d’un procs. Il est le siége d’un état dans une constru@ion syntaxique qui imite seulement l’énoncé d’un proces. Tout s’éclaire en effet quand on reconnait avoir pour ce qu’il est : un verbe d’état. Ezre est lui aussi un verbe d'état. Fire est Pétat de Pétant, de celui qui est quelque chose. Avoir est état de V’ayant, de celui 4 qui quelque chose est. La différence apparait ainsi : entre les deux termes qu’il joint, éfre établit un rapport intrinstque d’identité, c’est Pétat consubstantiel. Au contraire les deux termes joints par avoir demeurent distin&s; entre ceux-ci, le rapport est extrinséque — cest le rapport du possédé au possesseur. Seul le possesseur est dénoté par avoir. De 1a vient que avoir, qui n’est que un éfre 2 tetourné, ne se laisse pas lui-méme tourner au passif. En frangais avoir n’a pas de passif, méme son équivalent lexical posséder n’en comporte pas. On peut voir ici formulé en termes linguistiques le jeu signifiant de la diale€tique de l’étre et de avoir, du sujet et de objet. “ Le langage est ainsi organisé qu’il permet 4 chaque locuteur de s’appro- ptier la langue entiére en se désignant comme je 1”. Mais le sujet ne le sait pas, le savoir est savoir de l'autre. Nous ne reviendrons pas ici sur ce moment fondamental de l’enseignement de Lacan qui mettait en place en 1961, sous la forme du trait unaire, les rapports du sujet au signifiant *. Nous citerons simplement l’apo- "1, B. Benveniste, op. cit. p. 262. 2. CE. p. 103 de la présente livraison : “ Le clivage du sujet et son identification.” 144 AVOIR ET S’APPROPRIER logue du chien familier : le chien parle 4 son maitre, mais il n’a pas Ie langage, il n’a que la parole. II parle quand il a besoin de parler, dans des moments de forte intensité émotionnelle, par des petits sons gutturaux, des frémissements des lévres, surtout de la supé- tieure, par un effet de souffle sur les joues. Le chien a la parole et il eét indiscutable que les modulations qui résultent de ses efforts ne sont pas totalement centrées sur le besoin, De cette parenthése sur le pré-verbal, la conclusion est que votre chien ne vous prend jamais pour un Autre. Tandis que l’homme, sujet pur parlant de Pexpérience psychanalytique, vous prend pour un Autre. Le chien n’a qu’un petit autre imaginaire. Son rapport au langage ne lui donne pas l’accés au grand autre. Avoir un enfant, cela doit étre, pour les géniteurs, mettre en place un maillon d’une chaine signifiante. Si avoir le phallus est pour la mére l’enjeu symbolique de cet enchainement, c’est pour autant que le phallus est signifiant du désir de Pautre. Demander un enfant, dans exemple de Padoptant, ce peut étre aussi cela, dans le meilleur cas — mais c’est aussi souvent, semble-t-il, deman- der un enfant satisfaGion d’un besoin d’avoir. Nous connaissons les effets pathogénes, pour l’enfant, d’un tel niveau réel de satis- fa&tion. Mais nous avons aussi observé le caraGtre aliénant pour la mére de ce surgissement inopiné de la réalité que constitue Yattribution non attendue d’une grossesse dans le cas par exemple de ces trés jeunes adolescentes que nous avons pu suivre en cette situation. Que se passe-t-il en effet, quand ’une d’elles “ tombe” enceinte ? Une référence 4 la gravitation, 4 propos de la gravidité malheureuse, contenue dans cette expression populaire, dégage bien un sens de chute : quelque chose tombe en effet, du niveau des fantasmes au niveau de la réalité, du niveau de Vimaginaire 4 celui du corps. Ce surgissement des modifications corporelles de la grossesse et de la réalité foetale chez une fille dont Vangoisse de castration n’a trouvé dissue qu’en référence 4 ordre imaginaire, comporte presque toujours les effets les plus graves, une sorte de vacillation de l’équilibre instable od le sujet tentait de se donner un statut par des symptémes. Quelque chose se défait dans le pro- gramme établi, réalisant un désenchainement rapide, étendu et ~ profond, un moment pathogéne od se manifestent des réaGtions 145 AVOIR ET S’APPROPRIER psycho-névrotiques diverses (que nous serions tenté de rapprocher de certaines psychoses puerpérales de D’adulte). Nous avons eu ailleurs indire&ement connaissance d’un cas ot une bouffée délirante s’est déclenchée chez une jeune femme peu aprés la réali- sation de son projet d’adoption. L’enfant, a de la mére, éclipse ici le sujet-mére et ne trouveta pas en elle ce lieu de Autre d’od lui- méme doit se constituer comme sujet. Ca est un enfant. Ca a un enfant. L’introduétion du neutre en la formulation ici forgée vise, par contraste, 4 faire apparaitre la notation du sexe ou si l’on préfére, le genre, dans la langue. Notre proposition est qu’il se fonde sur un rapport dialeGtique de posses- sion et d’appartenance. La filiation pourrait en étre un prototype. Une telle hypothése porte assurément en elle le parfum d’un bio- logisme suspeé, de s’en tenir, par exemple, au lien naturel, objeéti- vement réel, qui unit |’enfant et la mére. Mais nous ne pensons pas que le cara&tére symbolique du lien de filiation, présentifié par le “nom du pére ”, rejette pour autant, hors du champ signifiant, Ja parenté maternelle. A cet égatd, Lacan rappelait récemment que la femme, au moins dans anticipation, n’est plus assurée détre toujours mieux partagée que l’homme quant 4 la certitude de son lien parental avec un enfant. L’aphorisme de Lichtenberg, cité par Freud ! : “ L’astronome sait 4 peu prés avec la méme certi- tude si Ja lune est habitée et qui est son pére, mais il sait avec une toute autre certitude qui est sa mére ”’, est rendu désuet par les petspectives d’une science-fiion en passe de réaliser voyages cos- miques et transplantations d’organes. Mais la réalité n’dte pas cette citation un sens profond qui ne concerne plus le réel, en tant que tel, mais l’ordre signifiant, et dontil serait juste deretrouver la trace dans le langage. La difficulté apparait dés lors que l'on n’envisage plus exclusi- vement le langage comme systéme de signes fermé sur lui-méme, ayant son dynamisme et ses lois propres. Si l’on considére son substratum humain, on risque d’en faire une fonétion organique de Phomme, au méme titre que telle autre, et dont il n’est plus telle- ment sar qu’elle lui soit propre. On y retrouverait donc la réalité x. L*homme aux rats, note en bas de la page 251 de l’édition francaise. Commentée pat S. Leclaire dans /e Table ronde, p. 42 et suiv., n° 108, déc. 1956. 146 AVOIR EY s’APPROPRIER biologique et tous les conditionnements imaginaires qui s’y peuvent rattacher. Mais nous justifions notre démarche de ce qu’un sujet a 4 se constituer dans une stru€ture de langage et que d’autre part ce dernier suppose un certain rapport du sujet 4 ordre symbolique déja parcouru pat Pexpérience langagiére. Du point de vue linguistique, je se réfere 4 Vaéte du discours individuel od il est prononcé et il en désigne le locuteur. Il n’y a pas d’autre témoignage objettif de lidentité du sujet que celui qu'il donne ainsi lui-méme sur lui-méme!. Les pronoms person- nels, dont la fonétion est ainsi précisée, représentent un sujet grammatical. Je, tu, il, précédant un verbe et désignant une per- sonne, premiére, deuxitme ou troisitme. Je suis un enfant donne au substantif enfant au moins le témoignage de l’existence : je suis un enfant vivant. (Je suis un enfant mort ne se congoit pas en dehors de la poésie ou du délire.) Avec le verbe étre, Je-enfant n’implique nul autre, nul genre. Avec le verbe avoir, cette double implication est présente méme si ce n’est qu’implicitement. Dans l’énoncé J'ai un enfant, “ enfant ” est parole parentale d’oi il aura a s’originer comme sujet : il est comme assujetti 4 ’autre sujet — grammatical — ayant. L’enfant peut étre au setvice militaire ou dans le ventre de sa mére, le contexte, méme élidé, nécessite un genre pour les deux * sujets ”. Au niveau du discours deux plans se tecoupent : dans Pun, sujet et objet sont assignés 4 leur place de chaque cété du verbe ; dans l’autre la caténation signifiante met en relation deux sujets. Les pronoms petsonnels, lorsqu’ils expriment une notion de possession sont qualifiés d’adje@tifs possessifs : moyen d’exprimer le propre, le fait allant de soi qu’il est essentiel pour chacun de marquer sa possession et son appartenance. Avant d’étre enfant- sujet, on est enfant de quelqu’un. Avant d’étre je, je suis son fils ou sa fille c’est-4-dire le ou la-enfant de V’autre. Le his et le her de la Jangue anglaise désignent aussi le sexe de l’ayant. L’adjectif possessif et le pronom personnel apparaissent ainsi dans le méme rapport diale@tique que l’avoir et Pétre. Btre, c'est se désigner comme je, a d'un Autre dont la qualité 4 tenir cette place suppose Vaprés de 1. E. Benveniste, op. cit., p. 262 147 AVOIR ET S’APPROPRIER la castration. Le je est un mon dépossédé par — ¢, un avoir devenu étre par accession 4 ordre symbolique, apte 4 son tour 4 posséder et se désigner comme locuteur. A étude du discours qui porte demandes et désirs d’un sujet, peut-on retrouver, dans la stru€ture langagiére, les mémes Structures nodales de ordre signifiant dont la théorie montre la fonStion ituante d’un sujet comme parlant-désirant ? Nous espérons avoir contribué a répondre affirmativement 4 cette question et nous terminerons en juxtaposant les formulations du linguiste et de Vanalyste. “ Le langage est ainsi organisé qu’il permet 4 chaque Jocuteur de s’approprier la langue entiére en se désignant comme Je. Les pronoms personnels sont le premier point d’appui pour cette mise 4 jour de la subjectivité dans le langage. De ces pronoms dépendent d’autres classes de pronoms qui partagent le méme Statut, Statut différent des autres signes du langage pour autant qwils ne renvoient ni 4 un concept ni 4 un individu. Je ne peut &tre identifié que dans une instance de discouts et n’a de référence qu’a@uelle. La réalitéa laquelle il renvoie est la réalité du discours?.” “ Son domaine [de la psychanalyse] est celui du discours concret en tant que champ de la réalité transindividuelle du sujet *. ” “ Tout ce qui est de linconscient ne joue que sur des effets de langage : c’est quelque chose qui se dit, sans que le sujet s’y repré- sente ni qu’il s’y dise, ni qu’il sache ce qu’il dit 8. ” (avril 1970.) 1. E. Benveniste, op. cit., p. 262. 2, J. Lacan, Errits, p. 257. 3. J. Lacan, Scilicet I, p. 36. Individu et structure du groupe Le rapport de homme 4 la société, c’est-a-dire la stru€ture au | sein de laquelle fon&tionne toute institution, s’est toujours exprimé au niveau des idéologies. A notre époque, ott se dévoile la fragilité de celles-ci, on assiste 4 un foisonnement de propositions visant 4 assurer un fonftionne- ment corre& des institutions, de manitre précisément que puisse continuer 4 étre préservée Vidéologie. Le phénoméne est patti- a ~ culigrement net dans le domaine psychiatrique : socio-psychiatrie, sociothérapie, psychothérapie institutionnelle. C’est que ce quil s’'agit de garder secret est que le champ ott se jouent ces rapports n’est autre que celui du désir. Les événements de mai 1968 Pont bien montré : c’était méme écrit sur tous les murs. Cette dimension du désir, Freud la soulignait déja dans Psycho- | Jogie collettive et analyse du moi : 4 Yorigine de Vinstin& grégaire se trouve un désir insatisfait. La difficulté consiste 4 cerner la maniére dont il servira de lien I entre Pexistence d’un individu et son engagement dans unc collec- = tivité. Pour tenter de la résoudte, une premiére question se pose, | celle de la limite entre psychologie individuelle et psychologic sociale ou colleétive. Freud indique combien difficile elle est 4 tracer : “‘.., autrui joue toujours dans la vie de l’individu le réle dun modéle, d’un objet, d’un associé ou d’un adversaire, et la psychologie individuelle se présente dés le début comme étant en méme temps, par un certain cdté une psychologie sociale, dans le sens élargi, mais pleinement justifié du mot. “ En fait, nous dit Freud, il n’y a pas de limite entre les deux; tout au plus, psycho- logie colleétive eét-il parfois un prédicat applicable 4 psychologie individuelle. ” 149 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Ce qui semble Ie plus frapper Freud dans la stru@ure d’une foule est la permanence de ce point de convergence qu’est “ le chef ”, Certes, quand, au chapitre V, il décrit les différentes variétés de foules, il distingue celles sans meneur et celles guidées par un meneur; mais c’est pour préciset du méme mouvement que, dans Jes foules conventionnelles, “ dont la cohésion est maintenue par une contrainte extérieure ’, il existe également un chef, méme si sa présence n’est pas immédiatement visible, par exemple le Christ dans l’Eglise catholique. C’est de ce lien au chef que Freud fait découler identification des individus d’une foule : “ Nous entre- voyons déja que l’attachement réciproque qui existe entre les indi- vidus composant une foule doit résulter d’une identification pa- teille, fondée sur une communauté affeétive; et nous pouvons supposer que cette communauté affective est constituée par la nature du lien qui rattache chaque individu au chef. ” Chef qui ne s’incarne pas obligatoirement dans un homme : “ Il y aurait lieu d’examiner... si, dans certaines foules, le chef ne peut pas étre remplacé par une abstraction, une idée ”. Symétriquement au chef, Freud décrit la place du “ méme objet ”: “.., une foule se présente comme une réunion d’individus ayant tous remplacé leur idéal du moi pat le méme objet, ce qui a eu pour conséquence Videntification de leur propre moi ”. Au total, Freud nous indique deux péles de convergence, entre Tesquels va se situer quelque chose qu’on appelle la foule. On ne peut donc dire que la foule soit close sur elle-méme, mais qu’elle semble s’inscrire dans une chaine. Chef-sujet Objet-complément objet, la foule serait-elle le Verbe ? La métaphore est trop plai- sante pour que l’on ne s’en méfie pas : au minimum convient-il de préciser ces notions de sujet et d’objet. Il semble que ’acception que leur a donnée Lacan peut grandement contribuer 4 éclairer ce qu il en est de Ja nature d’une foule, ou, pour demeurer dans une note plus aétuelle, d’un groupe. Pour Lacan, le sujet ne peut naitre que du langage. Il va donc se situer dans ordre du symbolique : le sujet est ce que repré- sente un signifiant pour un autre signifiant. D’od ses deux autres caraGéristiques : il est vacillant, surgissant sans cesse de l’enchai- nement de deux signifiants, divisé, 4 la fois Pun et Pautre et ni 150 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Yun ni Pautre. Il est clair, dans une telle acception, que le sujet ne saurait étre, au moins en tant que telle, une personne. Un chef, a priori, ne saurait étre un sujet. Un signifiant n’est pas non plus, on le sait, une personne. Mais, pour reprendre l’exemple de l’armée que nous donne Freud, si l’on considére non plus la personne-sol- dat, mais le soldat en tant qu’il figure quelque part sur unregistre comme une unité, si !’on considére le “‘ soldat-matricule ”, matri- cule J, matricule 2, matricule x, il est légitime de lui accorder la valeur d’un signifiant. Le chef, dans ce cas, peut-il étre considéré comme un sujet ? Assurément non. Le sujet est, en premiére apptoxi- mation, quelque chose de V’ordre du “ citoyen en tant qu'il est le support d’un désir de puissance par exemple, et le chef n’en est que le représentant au sein de l’armée, ce que l'on pourrait appeler le sujet imaginaire. En réalité, il est possible, au sein de l’armée, de déctite plusieurs chaines signifiantes : nous y teviendrons aprés avoit examiné auparavant d’autres exemples. Quant 4 la notion d’objet, Lacan la définit essentiellement en partant de ceci qu’un objet peut toujours manquer, ce qui l’améne 4 préciser les catégories du réel, de Vimaginaire, et du symbolique, fous autons a y revenir. L’objet dont parle Freud est un objet imaginaire : c’est Pobjet prétexte de Ja demande. Le besoin, pour étre satisfait, doit s’exprimer sous forme dune demande. Ce qui reste de cette opération est le désir. Cela nesignifie nullement qu’elle n’ait point d’autres effets. Un enfant demande 4 son pére un train éle@rique pour son anni- vetsaire. Celui-ci répond a son souhait, achéte le train en question Aun marchand de jouets, lequel le fait livrer, en bon état de marche, au jour et au lieu dits. Il s’agit bien 1a de l’effet d’entrectoisement dun certain nombre de demandes et de désirs dont nous ne savons pas grand-chose par ailleurs. La demande de Venfant est précise, objet apparent de cette demande parfaitement clair. La visée de cette demande Vest déja moins, encore qu’il ne paraisse pas trop hasardeux de supposer quil s’agit d’une demande d’Amour. Du désir de Venfant, nous savons encore moins. Tout au plus pouvons-nous imaginer quwil s’agit de quelque chose de V’ordre de “ avoir ce qu’on n’a pas encore”, réduits que nous sommes pout en approcher d’un peu plus prés la vérité a attendre Yusage qu’il fera de ce jouet. 1st INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Notons cependant qu’a ce moment, le désir del’enfant sera déter- minant par tapport 4 ceux du pére et du marchand. Désits du péte et du marchand eux aussi inconnus pour nous, mais dont ’aune pourrait nous étre donnée par le soin, d’une part, éventuellement mis par le pére 4 choisit le jouet, par le degré, d’autre part, de conscience professionnelle du marchand ; désirs dont nous pouvons taisonnablement supposer qu’ils ont, dans une certaine mesure, ce soutien phallique qu’impliquent le statut de pére de famille et l'exercice d’une profession. Du train éle@rique, nous pouvons dire que, sous forme de l’ob- jet apparent d’une demande, il est le lieu o&8 vont dans la conver- gence d’un moment, circuler plusieurs désirs. Quels sont les rapports du désir de chacun des membres qui composent un groupe avec l’objet apparent de la demande de ce groupe (revendications liées 4 la défense d’une idéologie, par exemple) ? C’est ce que nous allons essayer de cerner avec plus de précision au travers de trois exemples successifs. Remarquons tout d’abord que si du désir circule dans un groupe, ce n’est pas forcément celui, ou celui seulement, des membres du groupe. Un exemple simple est celui de ce groupe que constitue une équipe de football professionnelle. Ce qui le caraGtérise est que, abstraGtion volontairement faite, 4 ce moment de notre recherche, de tout ce qui peut venir des joueurs eux-mémes, au moins deux désirs y circulent, qui vont réguler le comportement de l’équipe, sous le couvert d’une demande unique : la pratique sportive. D’une part, le désir que ladversaire soit battu, que l’équipe gagne la partie : ce désir est celui du public. Peut-on dire pour autant que le public est le sujet de ’équipe ? C’est une question & laquelle nous ne répondrons pas diretement pour Vinstant. Tout au plus peut-on, 4 ce stade, retenir comme argument en faveur d’une telle hypothése, le fait bien connu qu’une équipe gagne plus facilement ses matches lorsqu’elle joue devant son public. D’autre part, le désir que ce jeu tapporte de l’argent ; et le lieu du désir est 4 situer 14 du cété des dirigeants de l’équipe. Dans les deux ‘cas, il s’agit d’un désir de puissance, claicement avoué au sein des membres de l’équipe, en concordance avec la 152 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Loi ; il s’agit donc d’un désir que on pourrait qualifier de normal, parfaitement compatible avec la “ régle du jeu ”. Si Pon considére la chaine qui va du public vers ’équipe, la nature du manque autour duquel va se constituer Vobjet du désit se tepére dans le cataétére métaphorique de son objet : un ballon a loger dans les filets de Padversaire. Si, pat contre, on considére la chaine qui part des dirigeants de Véquipe, on constate que l’équipe de football devient le sujet du groupe constitué par le public et que le manque autour duquel se constitue Pobjet du désir (l’argent du public) est précisément ce désir du public de voir son équipe viftorieuse. Crest cet entrecroisement qui va permettre le fonionnement @une équipe. Examinons, en effet, ce qui se passe si la régle du jeu n’est plus tout a fait observée, et que, pat exemple, des brutalités, ce que Pon appelle de Pantijeu, apparaissent. Supposons que cet antijeu soit Veffet du désir de gagner de argent (les joueurs touchent une prime lorsqu’ils gagnent les matches d’une épreuve importante). La conséquence en sera le dévoilement du désir de puissance du public — ce que veut le public, c’est avant tout voir gagner son équipe. Il réagira en déniant ce désir par V’intermédiaire de ses porte-parole, les journalistes, demandant que le jeu soit plus conforme aux régles, quitte 4 risquer pour leur équipe une défaite. Le méme processus peut se dérouler en sens inverse, le désir du public de voir son équipe viftorieuse pouvant dévoiler le désir de puissance (gagner de Pargent) des dirigeants de l’équipe. Dans Pun et Pautre cas, le jeu de Péquipe en sera modifié dans le sens dune plus grande conformité aux rigls du jen. Ainsi donc, nous pouvons dire qu’une équipe de football est un groupe dont le fon@ionnement dépend du désir circulant dans au moins deux chaines, l'une allant du groupe des dirigeants vers le public, en passant pat ’équipe, autre allant du public 4 Yéquipe, soit dire@ement, soit éventuellement par Vintermédiaire d’un chainon journalistes et peut-étre entraineur de l’équipe. Dans Pexemple précédent, nous n’avons pas tenu compte du désir des membres du groupe eux-mémes, ni des tapports les 153 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE unissant les uns aux autres. Par un deuxiéme exemple, nous allons essayer de mieux cerner ces rapports ; paraliélement, nous essaye- rons de préciser la nature de ces chaines ot s’insére tout groupe, Dans un I.M.P. pour jeunes filles épileptiques, une jeune fille est réguliérement renvoyée. Tl s’agit d’un IL.M.P. dont le personnel est particulitrement tolérant 4 ce qu’on appelle des “ manifestations caraétérielles ”, Celles-ci sont fréquentes dans l’établissement. Les enfants renvoyées, une analyse ultérieure l’a montré, ne se signalaient pas par des mani- festations particuli¢rement intolérables. Il n’a pas été possible de déterminer ce qui motivait plus particuligrement le choix de telle ou telle enfant : le fait certain était la tolérance de l’Institution 4 tout, sauf 4 un enfant. Un nouveau médecin est engagé a I’I.M.P. Quelques mois aprés son atrivée, les exclusions cessent : au moins pour un temps. Que s’est-il passé P Avant de répondre dire@ement 4 cette question, demandons- nous ce qui caractétise ce groupe que forme le personnel de ’I.M.P. Freud éctit dans Psychologie collettive et analyse du moi: “ ... Puisque Jes individus faisant partie d’une foule sont fondus en une unité, il doit bien y avoir quelque chose qui les rattache les uns aux autres, et il est possible que ce quelque chose soit précisément ce qui caraCtérise la foule. ” Dans le cas présent, ce qui cara&térise le groupe est, de toute évidence, un désir d’exclusion : c’est-a-dire que le groupe fonc- tionne en tant que champ ou circule un désir d’exclusion. Nous pouvons donc nous demander quel est le fantasme qui soutient ce désir, autrement dit quelle est la chaine signifiante au travers de laquelle il s’exprime et quel en est le sujet. La premitre réponse qui vient 4 l’esprit est que ce sujet pourrait étre comme I’addition, la somme des sujets d’un désir individuel d’exclusion, ce dernier étant tenu pour commun 4 chacun des mem- bres du petsonnel. En réalité, il serait bien difficile de ’affirmer. S’agissant de désir inconscient, une pareille affirmation ne pourrait se soutenit que si chacun des membres du personnel de P’'I.M.P. décidait d’entreprendre une analyse personnelle, y reconnaissait ce désir et en apportait témoignage ensuite, ce qui est, bien entendu, impensable. Dans tous les cas, un autre argument réduit cette 154 il INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE hypothése 4 néant : s’il en était ainsi, et que le sujet du désir collec- tif ne soit que la somme des sujets des désirs individuels, il n’y aurait aucune raison que quoi que ce soit ait jamais pu changer. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher le sujet. Deux chemins sont possibles, Le premier consiste 4 s’interroger sur le désir des fondateurs de ’I.M.P. Il est vraisemblable qu’il s’appuyait sur une idéologie dont le mot d’ordre devait 4 peu prés pouvoir se traduire par : il faut s’occuper des enfants malades. Chercher Ja réponse 4 cette question est certainement une voie frutueuse et qui devrait d’ailleurs rapidement déboucher sur une interrogation d’ordre plus général, concernant le désir de ceux qui ont fondé ces lieux d’exclusion que sont les I.M.P., mais aussi les hépitaux psychiatriques, etc. Au niveau d’interrogation, en quelque sorte clinique, o4 nous nous situions, une autre voie était possible : se demander ce qui \ conditionnait l’admission des enfants 4 ’I.M.P. Point n’était besoin d’examiner longuement les dossiers pour s’apercevoir que, pour i chacun d’entre eux, sans aucune exception, la demande d’admis- sion résultait dire€tement de Vexclusion d’un groupe social, habituellement P’école ou la famille. I La conclusion qui se présente alors est que le sujet du fantasme dexclusion est ce groupe social, soit l’école ou la famille ; que, donc, le sujet est une partie du corps social. En réalité, pas plus Pécole que la famille ne sauraient étre un sujet tel que l’entend Lacan, et ils ne sont, en tous les cas, aucunement ce que tepré- sente un-membre-du-personnel-de-’I.M.P, pour un-autre-mem- bre-du-personnel-de-l'I.M.P. La tentation est grande alors de le nommer le “ on familial ” ou bien le “ on scolaire ”, voire le “ on partie du corps social ” ; mais, est-ce bien, cette fois, le sujet I repéré par le désir circulant dans l’institution ? Si le “ on familial ” est un sujet, ce qui n’est pas certain, il serait plutét ce que repré- sente un-membre-de-la-famille pour un-autre-membre-de-la-fa- mille, c’est-a-dire le sujet d’une chaine signifiante 4 repérer dans la famille et non dans Vinstitution médico-pédagogique. Tout s’éclaire, par contre, si ’on pense que le sujet du fantasme d’exclusion tel qu’il circule dans 'I.M.P. est le “ discours familial”. Tl ne s’agit pas, bien entendu, d’un discours réel, effetivement 155 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE exprimé, sous quelque forme que ce soit, qui ne saurait pas plus occuper la place d’un sujet qu’une personne ; il s’agit du “ discours familial ” en tant que surgi du discours réellement tenu dans Vinstitution, c’est-4-dire du rapport unissant entre eux les mem- bres du personnel de I’'I.M.P. en tant que chacun d’eux est inscrit en tant que tel sur les réles de association, soit dans sa fon&tion signifiante. Deux questions surgissent maintenant, auxquelles il faut bien donner réponse : — Quel est le lien unissant le groupe formé par le personnel de VI.M.P., dont le sujet est le discours familial, avec cet autre groupe qu’est la famille, dont les membres, dans leur fonction signifiante, constituent un-discours familial effeCtivement tenu ? — Quel est Yobjet chu du procés de concaténation signifiante tepéré dans P'I.M.P, ? A cette deuxitme question, il est facile de répondre en partant de la clinique. L’objet apparent de la demande (demande d’aider, demande de travailler... etc.) du-groupe-membrte-du-personnel de PILM.P. est le groupe des enfants. Ce groupe, cliniquement, peut étre déctit comme un groupe d’enfants malades et comme tels 4 regrouper dans l’enceinte d’un I.M.P., groupe dans lequel, quoi qu’on fasse, il y a toujours un enfant de trop, enfant qu’il faut bien alors exclure du groupe. L’indication est suffisante pour qu’on puisse risquer ’hypothése que V’objet est “ un enfant 4 exclure ” ou peut-étre méme “ un enfant en trop”. Ce que teprésente cet “ enfant en trop ” est 4 déterminer, ce que nous ferons aprés avoir préalablement tépondu 4 la premiére question. Pour ce faire, appliquons 4 la chaine signifiante familiale le méme questionnement qu’a celle de ’'I.M.P. et demandons-nous quel est Pobjet qui en choit. Une surprise nous attend 1A, tant il eS évident qu’il y en a au moins deux : ce méme “ enfant en trop ” dune part, ensemble des personnes de Vinstitution médico- pédagogique d’autre part, en tant qu’autant de porte-parole. Nous entrevoyons ainsi qu’au sein de la famille fonétionnent au moins deux chaines signifiantes. Nous avions noté le méme phé- noméne au niveau de l’équipe sportive. Nous sommes donc enclins ~ A nous demander s’il n’en va pas de méme dans 'I.M.P. La premiére chaine que nous avions déteétée était celle des 156 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE membres du personnel de I’'I.M.P. en tant que répertoriés comme tels, Pun ne se distinguant de Pautre que par le fait d’étre justement un autre. Mais il est évident que chacun d’entre eux était également inscrit sous une rubrique professionnelle, éducateur, chef-éduca- teur, économe, médecin, direéteur etc. Dans cette optique, il serait d’ailleurs licite de considérer non plus ce qui se passe 4 V'in- térieur de ’I.M.P. mais aussi au sein de Vassociation dont il dépend. Le mot d’association est préférable 4 celui d’institution car les limites de celle-ci sont peu définies : comprend-elle Ja seule asso- ciation dont dépend I’I.M.P., ou bien également toutes les asso- ciations de méme type, voire la trame sociale et légale les soutenant ? Au sein de cette association il est possible de délimiter des sous- groupes : le Conseil d’Administration, les employés du Siége social, les membres de ’'I.M_P., et, c’est ce qui fait Pintérét de cette distinc~ tion, le groupe des enfants. Si nous essayons de définir ce que représente une éducatrice, par exemple, pour une autre éducatrice, nous allons retomber sur une Stru€ture du méme type que celle déja déctite, la réponse étant le discours de l’éducatrice-chef. Si, par contre, nous nous demandons ce que représente une éducatrice pour Péducatrice- chef, ou bien l’éducatrice-chef pour la dire€trice, etc. la réponse est différente : le sujet se situe du cété de autorité ou plutét du rapport d’autorité, ce qui rend mieux compte de son caraétére de surgissement, de sa nature partagée, et alternante. Autorité, champ d’autorité ne sauraient étre des sujets. Le rapport d’autorité en présente tous les caradtéres. Il nous faut encore définir les objets chus de cette chaine : nous en voyons le modéle dans les rapports écrits de ’'I.M.P. vers le Sidge, les instru€tions du Siége vers I’I.M.P., les sanétions parfois prises. Nous voici ainsi ramenés en droite ligne 4 l'enfant exclu. Au total, nous avons trouvé que, dans l'I.M.P., fon&tionnaient au moins deux chaines signifiantes que nous pouvons désigner Pune en tant que chaine anonyme, et dont le sujet est le discours familial (ou le discours de l’école, ou le discours d’une partie du corps social...), Pautre en tant que chaine militante et dont le sujet est le rapport d’autorité. L’une et autre se déroulent autour d’un méme objet apparent : un enfant en trop. Des rappotts étroits semblent unir ce groupe, l’I.M.P. ou plutét 137 ES a ot INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE association dont fait partie 1’I.M.P., avec d’autres groupes, école, famille. Le rapport d’autorité qui se joue au sein de V’association eSt ce qui est en jeu dans la famille au niveau des liens de parenté. Lenfant 4 exclure de association est la réplique du malade 4 exclure de la famille ; ce qui laisse d’ailleurs entrevoir la fonétion leurrante des groupes : de association qui s’occupe de malades, c’est un enfant qu’on exclut, de la famille qui comprend des enfants, c’est un malade. Tout se passe donc comme si le discours tenu dans PLM.P. était la version doublée d’un discours en version originale tenu dans Ja famille. Si nous cherchons 4 préciser ces rappotts, deux liens apparaissent plus nets : d’une part ’homologie des désirs circulant dans les deux groupes, ou plus exaétement des fantasmes soutenant ces désirs, fantasmes d’exclusion ; d’autre part, les membres du personnel de association, en tant que pet- sonnes, sont les objets chus d’une chaine signifiante familiale, ses porte-parole. Cette opération indique que le fantasmed’exclusion joue a plein dans le discours de la famille au point d’entrainer Yexclusion méme de ce discours d’exclusion, ce qui explique que ce n’est que dans ’'I.M.P. que le discours familial peut surgir en tant que sujet. - Ce phénoméne se retrouve d’ailleurs de proche en proche pour les chaines anonymes : le sujet du discours tenu dans P'I.M.P. est le discours de la famille, le sujet du discouts tenu dans la famille est le discours de la génération qui précéde, etc. Quant aux chaines mili- tantes, elles ont toutes le méme sujet qui est le rapport d’autorité dans une sorte d’incessant dédoublement. Cette sorte d’accrochage d’un discours 4 autre fait supposer qu’un * rapport du méme type puisse se retrouver du cété objeétal. Si Yon considére, soit le malade a exclure, soit enfant 4 exclure, on s’apergoit que ce qui permet de les inclure dans un méme ensemble 4 est la notion d’ “ un en trop”’. Qu’est-ce donc que ce “ un en trop” ? - Pour le savoir, interrogeons ce qui marque l’enfant épileptique, c’est-a-dire ce manque dont il est le support, au moins métapho- tique, Pout ce faire, utilisons les catégories du réel, de 'imaginaire et du symbolique telles que les a décrites Lacan 4 propos précisé- ment du manque d’objet : la frustration est un dommage imaginaite lié au manque d’un objet réel ; la privation, un trou dans le réel, lié au manque d’un objet symbolique puisque ce qui devait étre 158 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE la n’y est pas ; quant a la dette symbolique de la castration, elle est lige au manque d’un objet imaginaire, le phallus. Chez Venfant épileptique, il manque un objet réel qui est le contrdle permanent d’un cettain état de conscience, correspondant 4 une revendication imaginaire (... je ne puis, par exemple choisir le métier de pilote d’avion etc.), Il existe un dommage réel, qui est Pimpossibilité de ce contrdle permanent, ot Pobjet qui manque | est symbolique, puisque ce qui devrait étre 1A n’y est pas. Il existe aussi appatemment ce que Lacan nomme dette symbolique, qui ‘ correspond 4 la perte d’un objet imaginaire, trés précisément le phallus, ensemble dette et perte d’objet se traduisant par une formule du type : “ Je ne suis pas vraiment un homme. ” En vérité, cette dette n’existe pas : il s’agit 14 d’un défaut du miroir, de la surface réfléchissante, il s’agit la d’une proje&tion, } projettion qui ne peut étre valablement maintenue quvau prix d'une cer- taine ségrégation. Ceci nous indique le lien qui va relier entre eux les différents groupes évoqués jusqu’ici. | Que représente, en effet, cet “ enfant en trop ”, sinon la dénéga- tion de ce manque, déplacé comme en cascade, d’une pattie de la. société jusqu’ cet enfant 4 exclure ? Ceci nous permet également de noter, en passant, les rapports de ce désir d’exclusion et de la Loi, rapport essentiellement névrotique, comparable a celui qu’im- plique la dénégation de l’absence de pénis de la mére. La dialectique l en jeu est celle du phallus et de la castration. Nous avons dit plus haut que la présence d’un analyste dans Vinstitution fit cesser pour un temps les exclusions. Que s’était-il passé ? ¥ Le fait qu’il fat psychanalyste entraina un certain nombre effets imaginaires au niveau des membres du petsonnel, effets de séduétion liés au mythe de I’analyste, mise en place d’instances liges aux supposés prédicats de tout analyste, notamment sujet supposé savoir ; effets imaginaires au niveau del’analyste lui-méme, jeune analyste persuadé 4 Epoque qu’une institution cela s’analyse, ce qui lui permit de soutenir avec force ce qu’il en était de son désir personnel. Bref, pendant un temps, tout se passa comme s’il n’était pas lui-méme inscrit quelque part, sur les feuilles de paye par exemple, en tant que membre du personnel de l’I.M.P., et comme si 159 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE sa fon@ion signifiante jouait ailleurs, dans une autre chaine. Durant cette période, il mit sur pied des réunions d’éducatrices, il s’entre- tint souvent avec l’éducatrice-chef. Dans les réunions avec les éducatrices, il fut question essentiel- lement du rapport qu’elles entretenaient avec les enfants et avec leurs familles. Nul doute que ces entretiens eurent valeur pédago- gique et modifiérent Ja conception de leur métier de certaines édu- cattices ; mais, sans doute parce que ce rapport touchait au plus vif de leur désir, rien n’en fut dévoilé et ce qui se modifia fut ce qui concernait le rapport d’autorité ; la plupart d’entre elles se syndi- quétent, Il est donc probable que ce qui avait joué pour elles dans ces téunions ou l’analyste gardait le silence, ménageant ainsi une place vide d’ot chacune d’entre elles pouvait recevoir, méme affai- bli, Pécho de son propre discours, fut qu’il leur devint plus ou moins apparent qu’accepter de véhiculer la parole d’un autre ne pouvait se faire qu’ le payer d’un prix trés particulier, le silence de sa propre voix, pourtant mise en jeu autant que support, mise en jeu en tant que telle, en tant que voix. Mais surtout, ce silence leur apparut du fait que Panalyste avait des entretiens avec Pédu- catrice-chef. Inversement, dans ces derniers entretiens, il était question du rapport éducatrices, éducatrice-chef ; et pourtant ce qui se dévoila 4 Péducatrice-chef était ce qu’il en était de son désit d’avoir (ou dexclure, ce qui revient au méme pour le processus primaire) un enfant. Elle quitta, en effet, PI.M.P. pour se marier... et avoir des enfants. Le mati qu’elle choisit était le jeune homme qu’elle avait connu quelques années auparavant, alors qu’elle était éducatrice, et qu’elle avait perdu de vue en devenant éducatrice-chef. Ce qui, 4 elle, était sans doute appatu, était que le prix 4 payer dans le rapport d’autorité était un non-usage de son nom propre. Pour ce qui est de la chaine anonyme, ce autour de quoi tout fonétionne est le porte-parole ; pour ce qui est de la chaine mili- tante et de la fonétion du chef, c'est le préte-nom. Essayons d’éclairer ce point en reprenant l’exemple de l’armée. Nous y retrouvons facilement les deux chaines, la chaine anonyme : un militaire (matricule 1) pour un autre militaire (matricule 2)... pour un autre militaire (matricule #) ; la chaine militante : un soldat de 2° classe pour un caporal, un caporal pour un sergent,... etc. 160 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE ou, si l’on considére des groupes plus larges, un homme de troupe pour un sous-officier, un sous-officiet pour un officier etc. Le sujet de la chaine anonyme est “ le discours du citoyen ”, voire, si on répéte lopération de chaine en chaine, le “ discours de la patrie ”; le sujet de la chaine militante est lerapport “d’ordination”’. Ce rapport d’ordination est bien le méme que celui qui joue au niveau du groupe des citoyens. Cela se pergoit particulitrement dans des devises telles que Liberté, Egalité, Fraternité, ou bien dans ce mélange de satisfaction et de perplexité qui fait dire parfois : devant la mott, tout le monde est égal. Quant 4 l’objet chu de ces chaines, qu’il s’agisse du soldat mort pour la patrie ou de celui tombé au champ d’honneur, c’est tou- jours, au bout du compte, “ l’étre en tant que mort ”. Mais ce qui est le plus remarquable, est qu’on retrouve ces deux fon&tions du porte-parole d’une part, et du préte-nom d’autre part, dans le cas du chef. Les chefs les plus prestigieux furent, de toute évidence, ceux qui, dans le rapport d’autorité, surent parler au nom de ce qui est en jeu dans la chaine anonyme, au nom du discours du citoyen, au nom de la Patrie. Un exemple plus remar- quable encore, mais qu’il n’était pas possible de mettre en avant d’emblée sous peine d’étre taxé de simplisme, est celui du parti politique le plus collégial qui soit, le parti communiste chinois, dont il est permis de penser qu’il n’aurait jamais pu atteindre son développement si Mao Tsé-Toung n’avait accepté de préter son nom, dans le jeu de la chaine militante, 4 ce qu’il en était du désir du sujet de la chaine anonyme, a savoir le discours du paysan chinois. Ax total, dans tout groupe, nous retromons ax moins deux chaines signifiantes que nous pouvons désigner V'une comme Ja chaine anonyme, Pautre comme sa chaine militante, les personnes composant les groupes ayant rile soit de porte-parole, soit et dans ce cas il s’agit toujours, a un nivean quelconque, de chefs — de préte-noms. Par cette Strudture, on peut dire qu’un groupe a, par rapport au désir individuel des personnes qui le composent, une double fonc- tion de méconnaissance li¢e d’une part a sa strudture verticale pro- du@trice de sujets reculant Phorizon du discours tenu; a sa struéture horizontale d’autre part, permettant la produ@ion d’un objet apparent voilant le véritable objet cause du désir, déplacé en cas- cade (Stru€ture verticale) d’une chaine a l’autre. 161 SON Se = eee INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Ce fon&ionnement peut 4 tout moment étre mis en cause par le croisement, au niveau d’un groupe quelconque, de la chaine verticale d’une autre chaine reliant un autre sujet au méme objet. Les effets de ce croisement, par le nouvel assujettissement qu’il crée, vont essentiellement se situer au niveau de la modification de la demande du groupe. Il peut arriver, comme le montre l’exemple de l’éducatrice-chef, que, dans V’intervalle ot se défait la chaine signifiante, le désir entr’apergu s’inscrive dans la lignée en quelque sorte naturelle et qu’il se produise alors ce qu’il est convenu d’appeler, au niveau individuel bien sir, une “ révolution ”. Le plus souvent, nous avons vu, la modification n’entraine qu’une inflexion de la trajectoire de Ja chaine, par une modification se situant au niveau de l’objet de la demande du groupe. Si le croisement se produit au niveau du groupe situé en bout de chaine, celui ot s’inscrit le plus dire@tement le manque en cause, peut-il se produire autre chose qu’une inflexion, peut-il se produire un tour de spire entier, une révolution ? C’est ce que nous allons essayet d’'interroger par un autre exemple. _ Il existe des handicapés moteurs. Au début, répartis au hasard des lits vacants dans les hépitaux généraux, ils font partie de ce gtoupe trés général que sont “ les malades ”. La spécialisation de la médecine fait que des services, voire des h6pitaux, sont créés spécialement pour eux, ce qui, du méme coup, constitue au sein “ des malades ”, un groupe plus particulier, celui précisément des handicapés moteurs. Ce groupe s’inscrit dans une chaine qui s’étend d’une partie de la société aux handicapés en passant par le groupe que constitue le corps médical. Au niveau des handicapés, cela se traduit par le fait qu’ils sont dans un hépital pour guérir, plus précisément par la rééducation motrice, et tout se passe le mieux du monde, les médecins rééduquant, les han- dicapés se rééduquant. Certains handicapés créent alors des associations qui s’inscrivent dans des chaines ot le rapport au désir est différent de celui qui circule dans ’hépital, Nous ne les décrirons pas dans cet article, fous contentant de préciser que les fondateurs de ces associations s’étaient auparavant engagés dans un militantisme, soit chrétien 162 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE soit politique. Marquées par leur origine, ces associations devintent soit gestionnaires d’un fonds chatitable, soit teintées d’une allure plus revendicative. Le fait important est, la encore, que, de cette triangulation (deux sujets différents pour un méme objet apparent) surgit, un instant, aux yeux des handicapés ce lien entre leur manque et le désir des médecins, leur permettant de dire :“ Ce n’est pas cela queje désire. ” Cela, c’était apparente guérison, but de la rééducation. Pour la plupart de ceux qui s’inscrivirent dans les associations, cette contes- tation ne dura que trés peu, le temps de passer d’un assujettissement 4 Pautre. Pour d’autres, ce vide soudain entrevu devint ce autour de quoi ils purent se réunir, Un groupe fut créé qui devint vite un lieu de parole, dont aucun mot d’ordre ne vint délimiter ’aGtion II s’inti- tulait groupe d’études, ce qui excluait tout autre désit que celui de savoir. Et, de fait, par sa constitution méme, il devint quelque chose d’analogue au sujet supposé savoir, dans la mesure ou par avance, il était censé étre le lieu d’ot devait surgir une vérité. Le discours de ce groupe était le sujet du groupe constitué par la réunion de ses membres. Ce groupe s’orienta vers deux ordres de réflexions, l’un assez tapidement patent, sinon clair dans sa signification, |’autte latent Dans le premier furent analysés les caraétéres du manque qu’est Je handicap moteur, objet d’études du groupe : perte d’un objet réel, la possibilité de marcher, et son cortége de revendications imaginaires; perte d’un objet symbolique, puisque cette possibi- lité de marcher qui aurait dé étre, n’était pas. Y avait-il également perte de cet objet imaginaire qu’est le phallus, y avait-il dette sym- bolique ? Apparemment oui. Quel est le handicapé moteur qui ne se demande pas 4 un moment ou V’autre : suis-je véritablement un homme (d’autant qu’il existe toujours dans son entourage de belles 4mes pour lui rappeler qu’il est un homme “ comme les auttes ”, proposition si manifestement inexa&e qu’elle ne peut qu’amener 4 se poser la question précédente) ? Assez rapidement, Je groupe vint 4 s’apercevoir que cette perte n’existait pas, mais qu'elle était projeCtivement imputée aux handicapés et que c’était bien 1a le point central autour de quoi devait s’organiser tout essai de remise en place. 163 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE Parallélement fut donc élaboré ce que pourrait étre la demande du groupe des handicapés moteurs : — Droit de compensation : ilne s’agit de rien d’autre que ce que { Yon appelle des reyendications, et qui vise 4 satisfaire, sans jamais y patvenir, le couple perte d’objet réel-revendication imaginaire. — Prise de pouvoir’? elle correspond au couple perte d’objet symbolique — trou dans le réel; elle implique V’affirmation 4 tout i moment d’une présence; mais, on le voit, J encore, le but visé ne saurait étre pleinement atteint et ne saurait constituer la visée d’une ation révolutionnaire. — Droit de participation (ce groupe fonéionnait avant les événements de mai 1968, avant donc qu'il soit démontré que Pusage qu’on pouvait faire de cette notion pouvait étre trés éloigné de son sens véritable) : correspondant au couple perte attribuée dun objet imaginaire, le phallus — dette supposée qui s’ensuit (Ja ségrégation.) Ce droit consiste en l’exetcice, au sein d’un univers, dune part légitime de responsabilité, c’est-a-dire en usage d’un phallus qui n’a pas été perdu. Nous sommes donc atrivés, comme dans l’exemple précédent, 4 une reformulation de la demande du groupe, mais avec cette diffé- rence essentielle qu’elle ne peut étre satisfaite que par la disparition du groupe, Vobjet de cette demande étant précisément que le groupe disparaisse en tant que lieu projectif du manque des groupes le pré-cédant. Il est 4 remarquer que ce résultat, pour étre obtenu, exige que soient satisfaits les trois registres de la demande, la satisfaction de Pune n’entratnant pas la satisfa€tion des deux autres sauf dans un cas : celui ob est satisfait le droit de participation. Cest souligner le rdle central de la mise en place phallique. Si cette demande donc est satisfaite, les membres du groupe seront intégrés 4 un niveau précédant de la chaine, celui du corps social existant. Du méme coup, le lieu projetif du manque ayant disparu, il s’ensuivra forcément qu’une nouvelle trajectoire sera nécessaire 4 ce corps social, et la chaine dont le groupe était aupa- savant le mailion terminal ne subira pas, comme dans l’exemple précédent, une simple inflexion, mais un nouveau tour de spite se produira.,. dont le trajet sera vraisemblablement orienté vers une nouvelle minorité. C’est, 4 proprement parler, une révolution qui aura lieu. 164 INDIVIDU ET STRUCTURE DU GROUPE . Le denxitme ordre de réflexion du groupe d’études, beaucoup plus flou, aboutissait 4 formuler : chacun d’entre nous cherche 4 retrouver quelque chose qu’il ne retrouvera jamais. Un certain degré d’anxiété se fit jour en méme temps que cette formulation et mit fin au groupe d’études en tant que tell En effet, chacun sentait bien que le*groupe était parvenu 4 cette frontiére, 4 la fois puissante et fragile, séparant le désir individuel et la demande pouvant s’en exprimer dans le groupe. Le rapport entre groupe et individu semble bien pouvoir, sous un certain angle, étre décrit comme celui qui existe entre demande et désir. Nousavons vu que la fon&ion du groupe est celle d’une double méconnaissance, subjective et objedale, liée 4 sa struture en chaines. Cela n’implique pas pour autant que cette méconnaissance soit elle-méme sans objet, et doive forcément étre levée. Il y a 14 question éthique, donc qui demande 4 étre examinée avec prudence. Cette double fonéion joue, en effet, dans tous les groupes. Elle joue notamment dans les groupes politiques et ’on peut se demander ce qui se passerait si, dans un groupe politique, quel qwil soit, chacun des membres était confronté 4 son propre désir ou plutét menacé d’étre confronté 4 son propre désir. Il semble bien, en tout cas, que ce soit l’intuition d’une révélation de cette sorte, qui ait permis, lors des événements de mai 1968, cette extraotdinaire complicité du pouvoir et de ses advetsaires de droite et de gauche pour que soit étouffé ce brandon encore maladroitement brandi pat les étudiants et qui se nommait la vérité du désit. 165 Introduction 4 la topologie des formations de V’inconscient Résumé : Les remarques qui suivent visent 4 préciser, 4 partic dun texte de Lacan }, la nature topologique des principaux concepts qui caraétérisent les effets des organisations symboliques, et notam- ment les points idéaux, l’automatisme de répétition qu’ils appuient, la surdétermination qu’ils exercent, dans le domaine des chaines signifiantes. La peut étre comprise la position excentrique du sujet. L’objeatif est, évidemment, non pas importer des objets topo- logiques, mais de déceler un point de vue méthodique qui seul peut justifier une topologique de P’inconscient. 1. La lettre et le lien. Les rapports de la lettre et du lieu le manifestent comme un lieu déformable selon la lettre; la déformation suit la singularité que la lettre exprime. Dans Dhistoire de Ja Lettre volée, Villustration en est saisissante : les flics ont réellement effe€tué un quadrillage de Lespace, plus fin que les dimensions de la lettre volée qu’ils recher- chent, et pourtant ils ne l’ont pas trouvée; c’est que le pas de leur quadrillage était calculé dans une métrique inadéquate, neutre, imbécillité réaliste ”, car Pespace, lui, a cessé d’&tre neutre quand Ja lettre le fraverse, renversant les notions de proximité; l’espace devient un sopos particulier, c’est-a-dire muni de possibilités @approche singuliéres, qui font que, pat exemple, plus on s’appro- che de objet perdu, selon la métrique “ réaliste ”, plus on s’en éloigne selon la vraie métrique. Ce qu’on pourrait imager ainsi : dans une partie quelconque du plan, excluons un trait T et déci- dons qu’au lieu de la distance euclidienne, nous adoptons pour 1. Stoninaire sur la Latte volte. 169 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT distance de x a y la borne infétieure des longueurs (eucli- diennes) des courbes joignant x 4 y sans rencontrer T. Il est alors évident que cette métrique détournée manifeste T comme un véritable trou (et non un simple trait), et des points qui étaient identiques s’éloignent par dédoublement du trait. Figure 1. On peut déja entrevoir que le résultat de cette opération est de faire apparaitre une nouvelle frontiére T’ du domaine initial, fron- tigre ob va se repérer le détour de l’espace impliqué par la nou- velle approche. Il s’ensuit l’instauration du couple fondamental de tout processus d’analyse, 4 savoir Vintérieur et Vextérieur : le domaine est posé comme nouvel intérieur, intrinséque; quant 4 Textérieur, il peut étre absent en soi, mais le rdle de la frontitre est de le rendre présent 4 cet intérieur-la et opérant sur lui. Car ce qui e&t décisif dans le mouvement de la connaissance, c’est, une fois teconnus l’intérieur et l’extérieur, la suite des passages de l’un 4 Vautre. Les frontitres “ idéales ” sont faites pour comprendre ces passages et les remplir; on y reviendra. Les déformations de l’espace sont d’une toute autre volée, celle | de l’Histoire, quand la subversion qu’elles expriment reléve dela pratique des masses, irrédu@tible 4 tout “‘ quadrillage ”, la guerre du peuple : les Amérticains peuvent découper le sol vietnamien et ctoire que le probléme est de rendre le découpage plus précis, ou“ subtil ”. Ils butent et s’écrasent sur ce fait que ’espace n’est déja plus euclidien depuis que la guerre révolutionnaire y trace des singularités et des déformations, des captures ov ils s’enfoncent davantage, cat méme quand ils s’apercoivent de la déformation insoupgonnée, ils sont contraints de la “ traiter ” selon leur topo- logie neutre, qu’elle soit technique ou psychologique : insigni- 170 YOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT fiante1, A tapprocher d’une certaine psychologie freudienne version yankee ou apparentée. Remarquons aussi que le retournement de Vespace décrit Fig, I, est encore illusteé par la maniére dont la “ lettre volée ” du conte d’Edgar Poe est cachée par le ministre: celui-ci la retourne comme un gant, dédoublant son intérieur pour en faire un exté- rieur, ce qui exprime une perturbation précise et signifiante dans le passage d’un terme a l’autre. Dupin retrouve la lettre parce qu’il répére le ministre, d’ot la possibilité pour lui de déplacer son regard selon un certain mode de convergence; il a compris que la lettre est du registre du point- limite, dés lors il la tepéte od la féminité déduite du ministre Vavait placée, entre les jambages de la cheminée. Ainsi les quadrillages sont inopérants pour au moins deux tai- sons. L’une est que certains petits carrés — et on ignore néces- sairement lesquels — sont en vérité des trous immenses. L’autre, la plus sérieuse, eSt que trop de ces portions de lespace n’ont en fait tien de commun, donc ne permettent aucune répttition \e long des chaines signifiantes, ni ¢ fortiori aucune convergence. Si Pon considére dans un espace une suite de points (xn) qui converge vets un point » quand # tend vers Pinfini, ce processus, en général, ne s’atréte jamais; de méme quand on aura montré que Je discours psychanalytique teléve essentiellement de la convet- gence, il appataitra que, théoriquement, il faudrait que ¢a.parle indéfiniment pour que ce discours converge. En fait, puisqu’on sait qu'il y a de la convergence, le processus est concluant au bout d’un syst8me fini, c’est-4-dite indique en dehors de lui son point d’arrét virtuel *. La logique de Vexhaustion est acculée 4 un processus réellement infini de convergence qui la désagrége. 2. Chaine signifiante et topologie. La répéyition n'est ni un objet, ai une propriété, elle traduit en mouvement la faille 2 résoudre de la contradiftion et notamment 1. Ho Chi Minh : Plus ils se débattent et plus ils s’enfoncent. ” 2, On sait par ailleurs qu'il ne s’agit pas d'un arrét, mais d'un point de retour. 17I — ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT du couple intérieur-extérieur. Spécifié 4 la psychanalyse, cela signifie que la répétition traduit une fonction du sujet, étant Veffet de sa position excentrée. Ce qui la meut, c’est la suite des failles qui constitue le lieu du sujet. Elle est vouée 4 retrouver Pobjet fonciérement perdu, objet-/imite qu’on pourrait qualifier d@idéal pour bien d’autres raisons, toutes anti-idéalistes. Il y a tout lieu de croire que l’objet de la répétition, qui est aussi son obje@if, est né lui-méme d’un procés de répétition quil’a fait poindre eten a fait un détachement limite du réel. Ces deux répétitions (qui. sont en réalité deux étapes consécutives d’une suite infinie) sont 4 la fois les mémes et dissyméttiques, et le mirage de la compulsion traduit ignorance de cette dissymétrie et l’attachement 4 ce point de vue unilatéral mais profond : qu’il faut pour retrouver l’objet suivre la méme voie que celle par laquelle il s’est détaché; en somme répéter la répétition initiale; ce qui @ priori n’est certes pas une mauvaise taGtique. Si elle échoue plus ou moins, c'est qu’elle charrie des confusions plus ou moins graves sur les points sui- vants : qui répéte, et qu’est-ce qui est répété ? Que veut-on ? atteindre un objet réel par un procts symbolique? atteindre un objet symbolique par un procés réel? Etc. etc. Ou bien plutét connaitre ce qu’il en est de la situation actuellement vécue pour expliquer en vue de transformer ? On se contentera ici d’étudier organisation des points idéaux, cat ceux-ci attirent et structurent la répétition, et sont aussi une tépétition concentrée qui fonctionne comme constituante ou plutét Le sujet n’existant que par la rupture, Vessentiel de adtivité psychique est consacré 4 I’élaboration de ces points idéaux voués 4 remplir les failles, et surtout au travail de passages (a la limite) et retours modulés sur leur présence. Dire que le sujet est barré, est dire qu’il se barre encore et encore pour pouvoir étre barré (ce qui ne signifie certes pas qu’une double barre équivaut 4 Videntité...) Pour bien saisit — au moins dans sa généralité — la stru@ure de cette classe de points idéaux, et surtout sa fonétion de point d’appui des retouts commencés depuis toujours, de lieu de l’Autre, de tefente, etc., nous esquisserons un traitement épistémolo- gique de la question, qui sera plus qu’un point de référence pour 172 = TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT ce qui nous concerne, 4 savoir Varticulation avec l’Autre, et la question des objets a. On pourrait poser en premiéte approche qu’un point idéal, est ce qu’il faut adjoindre 4 un ensemble de chaines signifiantes homogénes pour assurer leur convergence, cest-a-dire pour que non seulement elles n’aillent pas “ se’ perdre ” dans un inconnu sans raison, mais qu’elles informent et insiftent dans le réel — et Vimaginaire — selon} leur orientation vers ces points symboli- ques. C’est dire que l’existence toute plate de ces points ne nous intéresse pas, car méme quand ils “ existent » ainsi, cela ne révéle pas la convergence vers eux et la divergence 4 partit d’eux, qui seules sont objets de connaissance. De plus, ces points n’énter- viennent que pout assuret la convergence et le retournement (et tout le travail d’interprétation consiste 4 retrouver ces convergences). Illustrons # en partie Vidée du détachement symbolique, par exemple que propose Lacan d’un rudiment de chaine signifiante, la suite des «, B,-y, 8, dans son Séminaire sur Ja Lettre volée. On verra que Vintérét principal de cette construGion se limite 4 laisser soupgonner la nécessité de méthodes topologiques, pour aborder les problémes de V’intersubjedtivité, de la répétition, de Vinsigtance de la chaine, de l’alternance, et méme des conséquences plus“ techniques ” telles que le silence et la scansion, Rappelons que on part d’une traje€toire dans Pespace { 0, 1 }" Cest-a-dite d’une suite (xp) dont les éléments sont 1 ou o, figurant les + et les —. La régle de le@ture par trois qui est donnée revient 4 se donner une application f de { 0,1 }N dans { 1, 2, 3 }N, espace des suites (xp) qui peuvent prendre trois valeurs 1, 2 ou 3. Si T, e&t la trajetoire initiale dans { 0,1 }, soit T, = f (T,) son image par f dans { 1, 2, 3 }". La fonétion f qui fait passer, des trajectoires 4 deux états, 4 des trajeCtoires 4 trois états, est en fait un procédé pour regrouper ou sommer les chaines apes modification ~ qui leur inflige ici Pintrodu@ion d’un tiers, sous forme par exemple de relation possible entre les deux termes 0 et 1. Une autre fonétion g est donnée, qui fait passer de { 1, 2, 5 }N 4 Pespace des trajettoires 4 quatre états ici notés a, B, y, 3, quatre 1. On pourrait dire modulo leur orientation pour peu quel’on réfiéchisse au concept de congruence. . 2. On pent sauter les deux pages qui suivent, en premiére leStute. 175 ae etal ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT permettant, si l’on veut bien faire effort, de désigner les deux éléments initiaux, la relation qui les lie, cette relatation apparaissant comme un tiers entre eux ; et la possibilité de la désigner, donc aussi de V’écarter, possibilité caraétéristique du troisiéme niveau ot I’on s’arréte qui est celui du symbolique. Pour préciser ces trois états par une situation psychologique, tappelons la remarque de Lacan sur le leurre mimétique (ot Panimal fait le mort) (E. p. 31): lasitua- tion réelle, au premier niveau, est qu’il est vu ne pas voir, c’est-A-dire qu'il est vu mort ; au second niveau il voit qu’on ne le voit pas, c’e&t-a-dire il voit la relation réelle, ou encore il voit la relation muette de lui 4 l’autre ; au troisiéme niveau — symbolique — il est vu se voyant n’étre pas vu, ce qui suppose un “ tiers ” par ftapport au niveau précédent, un tiers qui puisse voir la situation imaginaire et en faire un simple point d’appui pour sa position 4 lui. Notons en passant que c’est un décalage dans les positions qui fait varier les niveaus : la possibilité de désigner le précédent, décale chaque fois le sujet de la désignation ; nous y teviendrons, car le troisitme décalage est celui de la position excentrique du sujet de Pinconscient. Dés lors, tout le fon@ionnement du systéme, (0,282 {22 38S (By 3) n’est que Vhistoire des deux fontions singulitres f et g, qui insi- nuent des liaisons et disparités spécifiques, notamment une dis- torsion entre les 8 et § considérés comme “ transversales”’, et les aety. On peut voir alors se détacher, 4 partit du déroulement de ces deux fonétions et de la répétition insistante des disparités, certains points idéaux, par exemple des “ points ” 6 et § désignant la fréquence de 6 ct 8, c’est-a-dire que si on désigne par Bp le nombre des 8 qui interviennent dans Vensemble des » premiers termes de la suite on peut poser : 8 = lim = + Bn; de méme pour 8. La trajeftoire 00 initiale étant fixée dans {0,1 }N, ces deux nombres f et 3, issus d'une convergence des répétitions des f et 8, concentrent partiel- Jement cette répétition et la mesurent. Naturellement, ces deux points ne sont pas dans la suite des «, 8, ... Ils sont “ au-dessus ” TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT des répétitions des partialités de la suite, et ne servent pas seulement de cléture A ces répétitions, mais jouent un rdle de symbolique constituante dans la leéture de la chaine, et se projetant sur elle. Ils sont la dissymétrie érigée en point de vue, qui“ force” la chaine 4 emprunter certains défilés. Remarquons pour finir que l’étude locale de la chaine qui est esquissée (p. 51 et p. 55) petmet certes de mettre en lumiére certaines plaques possibles de ce“ parcours subje@if”, notamment du type 10 .... (00 «... 0) OT0T .... © (000 .., 0) ..., comportant deux « formes ” du Es freudien : disjon@ion logistique et silence des pulsions. Mais le modéle trop rudimentaire — comme le note Pauteur — ne peut que suggérer les représentations qui en sont faites, notamment concernant le champ de I’Autre et le discours du sujet. Un vétitable point de vue local, considérerait la chaine comme tracée sur un espace topologique particulier et, dans ce cadre, étudierait le comportement de la chaine dans de “ petits ” voisi- nages de cette topologie. La diale&tique du local et du global, qui ne sera pas ici développée, permet d’une part de reconnaitre que les plaques? indiquées ci-dessus ont des fonétions différentes : les alternances ou scansions étant des dédoublements et les plaques constantes des doublures ou retournements plus uniformes, étant ainsi davantage liées a la structure globale de V’espace, notamment 4 la frontiére qu’il porte et plaquant un élément de cette strudture sur la surface d’un discours uniforme. D’autre part, dans la réalité,du discours psychanalytique, les deux types sont relativement unifiés par la méme fonéion de bord qu’ils manifestent. En effet, dans la mesure ot cette fonétion comporte rupture ct redoublement (ou projection), ces deux types de plaques Ja manifestent la premiére pat une itération de redoublements ponétuels, la seconde par le décollement de ce dont elle est la dou- blure. Retenons enfin de ce modéle qu’il fait apparaitre — grace 4 Pétude locale, et par exemple aux 8, 3 — le détachement des déter- minations symboliques comme prenant appui sur la répétition 1. Ce terme eft introduit pour référer non seulement aux morceaux de Ja courbe mais surtout aux plaques — ou voisinages — dans l’espace topologique qu'elle traverse. 175 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT infinie, et que c’est par ce passage que s’exprimera l’autonomie relative du symbolique. On va voir que c’est dans les représenta- tions topologiques que ces idées et leurs corollaires pourraient trouver leur développement naturel ; car ce dont il's’agit c’est de traduire le lieu, les diverses positions, dans la lettre, et la lettre les détours et failles orientés du signifiant, dans le lieu. 3. Objet idéal et résolution. Considérons un ensemble muni d’un systéme de structures}, le cas limite dont nous pattirons est celui d’un domaine d’objets mathématiques. Il s’offre de diverses maniéres 4 certaines opéra- tions que nous qualifierons provisoitement de clétures, dont le résultat le plus apparent est qu’elles saturent le domaine, relati- vement 4 une familie de relations (peut-étre une seule); par une | sorte de remplissement ou plutét de résolution théorique, comman- dée par ces relations. On obtient alors une “ fermeture ” du do- maine rendu stable pour ces relations, c’est-4-dire qu’y deviennent réalisables ou descriptibles des possibilités portées par celles-ci, — et, si besoin est, toutes les possibilités comportées par certaines. Sil faut un présupposé théorique 4 cela, rappelons que toute relation porte* sa transgression et plus généralement un systéme taisonné de transgressions dont la structure reflétera en dernier ressort les propriétés principales de la relation. Les points idéaux qui assurent cette ciéture otientée,,.non seulement étendent par leur position, mais aussi, comme on le verra, retournent cet énoncé de Hegel sur le fini comme transgression de sa limite; cette exten- sion mettant en ceuvyre, au moins comme matériau de base, la contradiftion dialeGtique. Si l’on considére en effet la variable d’un domaine relativement au systéme de relations qui constitue ou enrichit son support, cette variable implique la rupture d’avec elle-méme, rupture d’autant plus intrinséque que la variable x, Les remarques d’ordre mathématique qui suivront doivent étre lues suivant leur facette utile, c’est-a-dire comme provenant de, et orientées vers, la géométrie de la relation du signifiant a I’Autee. 2. Le terme ne comporte pas de métaphore, mathématique ou non ; il référe a la Sruéture de surdétermination qui appataitra dans le résultat. 176 ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT comporte dans son repérage un atte possible. Exemple : pour des points d’un espace topologique X, le passage 4 la limite réglé no- tamment par un espace de fonétions définies sur X — qui sont des relations particulitres. Dans V’espace psychologique, ces ruptures sont vouées 4 la multiplicité infinie du symbolique qui leur four- nita le cadre ou le bord intrinstque pour une cléture dynamique. Du point de vue topologique qui nous concerne, /a question west pas tant du lien ot arréter la transgression, et pout le sujet le ca- ratére “ ultime ” de ces points d’arrét n’est pas en fait l’essentiel, précisément parce qu'il y aura du refowr et un retour autre qu’une simple soudure avec le domaine initial; car il aura entre autres propriétés d’étre un tour-retour infiniment répété. C’est pourquoi les considérations de A. Badiou! sur Vinfini-point ne montrent qu’un aspect dans le domaine des objets idéaux. Il faut étudier ceux-ci dans le cas général ot il ne s’agit pas d’un seul point, mais d’un espace topologique idéal; et surtout en tant que cet espace définit tout un processus d’allers-retours, de relévements-projec- tions et non comme simple “‘ mazque supplémentaire ” occupant la place inoccupable par les points initiaux. Enfin, du fait méme que V’objet idéal sera considéré par nous comme un détachement-limite du réel en vue d’une fonéion direétive sur ce réel, la question de son“ existence ” ou de sa“ réa- lité ” se trouve 4 peu prés réglée. En effet, en raison de Putilisation qui en sera faite (étude des formations de Pinconscient) il serait naif de définir son “ existence ” par une simple cohérence axio- matique. Il ne s’agit pas non plus de demander “ ow est-il? ” comme cela a été fait; car dans certains cas on peut dire ob il est : des organisations-limites qui donnent des dire€tives il n’en manque pas. Mais l’essentiel est de voit que cet objet au point de vue idéal, provient de répétitions de processus réels et que sa seconde face de réalité lui vient de sa présence dans la résolution qui se poursuit au coeur de ces processus réels, présence qui peut Wailleurs se signaler par le caraétére détisoire de objet, 4 image de ces “ direGives ” qui synthétisent bien quelque chose de réel mais pas en vue de s’y replonger 2, Ajoutons que c’est presque toujours par la pratique que se résout — et se dénoue — le caraétére limite- 1. Cabiers pour Panalyse 0° 9. 2. Ce qu’on pourrait appeler une élaboration dogmatique de mots d’ordre. 77 ——————— = ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT idéal de l’objet; exemple trivial : le“ point ” de torsion de la bande de Meebius — qui peut illustrer un point idéal — n’est nulle part pour le “ réaliste ” qui voudrait le localiser; en revanche la cou- pure médiane le résout et de ce point de vue elle en tient lieu. Notre objet idéal est donc bien inséré dans le mouvement infini et dia- leétique 4 trois termes pratique-théorie-pratique, dont la version pour Pinconscient met au premier plan la répétition*dans sa fonc- tion dissymétrique. On pourra donc considérer que l’aspeét “ ensemble de répliques du négatif ”, qu’emporte toute détermination initiale, est ici secondaire, le cara@te principal étant celui d’un lieu ov se réflé- chit la stru@ure du domaine en tant qu’elle est en mouvement, question en a@e (ici enquéte) sur sa propre re-portée dans le do- maine ouvert, c’est-A-dire non-étendu. On peut ici introduice sommaitement ce point de vue que espace idéal est constitué d’un systéme de fibres F tel qu’a tout point de Pespace de base D soit associée une fibre au-dessus de lui, la fibre étant un ensemble struéturé d’objets 4 caraétére relative- ment idéal surdéterminant les positions de base. L’ensemble de la fibration compotte une stru€tute topologique qui reléve en quelque sorte celle du domaine initial, la fibration étant ainsi association Stradurée Vane fibre & toute position, on a ainsi une transforma- tion p de F sar D, projection qui recouvre D, et tout point x de D est surdéterminé pat la fibre Fz. Sans trop détailler ici, ajoutons que la projeGtion permet de lire sur D, comme par un systeme d’ombre portée, les évolutions d’un objet idéal dans F; (un fais- ceau éclairant assure trés bien une projection partielle en ce sens.) Le “ recommencement ” qui intervient ici, notamment en vue détudier le sujet de Pinconscient et la topologie de la relation 4 PAutre etc, n’est donc pas le prolongement d’une efficace au domaine clos, assurant son bon enchainement opératoire, mais une suite infinie d’é#apes & trois termes du type .DSF5D5F5D.. ou r est un relévement qui étale dans F les chaines de D (ou rela- 1. Pour visualiser ces considérations schématiques il suffit de considérer exemple d'une sphére comme domaine de base D et l'ensemble de la fibre Fz constituée pat Jeplan tangent a D au point x. 178 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT tions) et en permet la restruturation symbolique ultérieure. La dissymétrie est radicale entre les deux phases r et p — comme nous Vanalyserons ailleurs. Disons simplement que la suite étant néces- sairement infinie, dans le moment D 4 F les“ idées ” viennent ou feviennent 4 F des ruptures de D; dans le moment suivant, F 4 D, elles proviennent de F sous forme de déterminations symboliques constituantes, on pourrait presque dire de diredtives, A condition de s’astreindre 4 la discipline suivante : de considérer que dans la suite précédente, aucun des domaines D n'est identique a Pantre pour des raisons qui prennent racine depuis Heéraclite (on n’entre jamais dans le méme fleuve), qui tiennent notamment au temps, et, depuis la découverte fondamentale de Freud, au temps de la répétition, et du symbolique trés particulier qu’elle détache. En méme temps, il faut considérer que cette suite infinie est la résolution du complexe de relations D > F (dissymétrie |) qu’on peut noter D(F), dont V’histoire ne peut étre vécue que de ce tedoublement qui décolle et rapproche ces deux faces irréduttibles et dont chacune n’existe que par l’autre. C’est l’histoire de la zone frontaliére qu’est leur relation et de leur éternel recul et décalage. Une version géniale de cette résolution, considérée comme résolution des contradiGtions, est au cceur de la théorie matéria- liste dialeGtique de la connaissance telle que l’expose Mao Tsé- Toung dans De /a pratique (Cf. aussi De Ja contradittion). La suite infinie des trois étapes étant -> pratique + théorie 4 pra- tique > ... Et il est clairement impliqué pourquoi les différents termes “ pratique ” qui interviennent dans cette résolution ne sauraient étre les mémes. Il suffit que le processus fonctionne pour que du méme coup il soit infini. Ce n’est pas le lieu de démon- trer que ce mouvement n’a rien 4 voir avec Varsenal néo-scien- tiste de la “ vérification ”, ni avec les platitudes propres au “ réa- lisme ” des philistins révisionnistes (du genre: « tenir compte » des tevendications des travailleurs ; justement du fait qu’on ne fait qu’en « tenit compte », elles se révélent n’étre pas les leurs...). Rete- nons de cette question — qui n’est triviale que si on se limite 4 sa partie triviale — que la raison de ce mouvement es d’étre celui de la connaissance juste. C’est la son point d’interse&tion théorique — et non purement a 2. ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT analogique — avec une autre version de cette recherche ou épreuve de vérité que comporte la psychanalyse, comme point de vue de connaissance. Allons plus loin, et considérons le “ couple” S (A) étudié par Lacan. Le traiter comme le complexe de relation du type D (F) introduit plus haut? revient précisément 4 l’écrire Pas (tA, EESy2 A, PB 8,23 Ag 2S Sees > ou le redoublement infini : 1) du signifiant qui est 4 la fois le méme et autre, car le sujet y est toujours intercalé ; z) de Y Autre, dont | la principale forme 4 lui d’étre autre c’est d’étre Un, ce redoublement appatait bien comme la résolution symbolique et Vhistoire de cette position nodale S<> A. | C’est pourquoi, dans la suite récemment proposée pat Lacan I } I seas S(S(S one des redoublements infinis du $ (ott la barre $ sert d’aiguillon au processus), suite de S distinéts et identiques, et qui ne peut conver- get que si l’on veut bien admettre une structure idéale “au bout ”, celle de Vobjet 2, on peut remarquer que : 1) nul S ne se résorbe 2) nul A n’apparait, si ce n’est 2 titre de relai fugace, lieu symbo- lique de transbordement : sss La question des “ inclusions ” représentées sera éclaircie avec celle de la convergence et des répétitions. Qu’est-ce qui transforme le signifiant S en une suite (Sn) dont nous poserons, en accord avec Lacan, qu’elle est infinie ? D’une part; la présence engendrée ou teprésentée de l’Autre, et son absence pratique ; d’autte part, la position pivotante du signifiant qui doit “ représenter le sujet pour un autre signifiant ”. Il nous est impossible de mettre en place, dans le cadre étroit 1. Complexe eft ici a prendre au sens naif de possibilité d’articuler en une suite , ordonnée un ensemble de relations, représentées par les fléches, pat exemple : ww FL, > Dy > Fy > D, > F, >D, >, >... ‘TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT de cet article, ensemble des autres Structures idéales qui inter- viennent ; notamment l’étude devra étre faite d’une autre résolu- tion, assez paralléle a la précédente, du type : «+ > S, > sujet, > S, > sujet, >... et dont la position par rapport 4 la précédente doit marquer que An est “ au dessus ” (au sens de constituant) de (sujet »). On peut cependant tirer les conclusions suivantes provisoires de Phypothése dite de résolution, 1) L’Autre a été représenté comme une fibration idéale au-dessus du signifiant, les relévements du type : In Sp > An s’apparentant 4 des ‘représentations, ou encore, en langage d’Ecole des “ inscriptions auprés de ”. Il faudra donc rendre compte de, c’est-4-dire produire, cet Autre comme espace idéal, comme fron- titre Pow s’exerce la re-détermination, ou la sut-détermination. 2) Une autre stru€ture idéale semble nécessitée, provenant de Vinfini des fléches, laquelle résout, c’est-4-dire étale, une seconde fonion d’un espace idéal, celle de lieu des évolutions de l’objet a, car de cet autre point de vue, tout ’empilement vacillant représenté plus haut, c’e# expression de cette chose glissante qu’est objet 4 ou plutét sa fonéion de glissement. Ce qui assure la convergence idéale de la résolution, c’est le lieu des objets 2, que nous représen- terons, pour la commodité du travail ultétieur, comme distin& de la frontire ; on peut appeler pour instant bord, ou fon&ion bordante, malgré toutes les ambiguités faciles 4 déceler. La figure 2 propose une illustration schématique. Ag est la fibre attachée au signifiant génétique x ; ce qui est hachuré et représenté comme bord, est ensemble de toutes les rt boucles du type x > Ag K x’, que la résolution précédente avait étalées en les ordonnant. La figure illustre la dissymétrie relévement-projeGion : tous les points de Ia fibre Az se projettent sur la méme position ~, alors que x peut étre relevé en une grande variété de points, ceux de Az par l’application rz. 181 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE VINCONSCIENT 3) Une troisitme fonéion de l’espace idéal devra étre élucidée de ce point de vue, sa fonétion de “ trait unaire ”. Si nous écartons pour l’inStant ce troisiéme niveau, retenons deux types d’objets idéaux : les points idéaux de la classe F, et leurs articulations avec le domaine, articulation dont la stru@utre eS marquée par les suites (rn) et (Pn) et leur circularité dissymé- trique. 4. Frontitre idéale des trous, Revenons 4 la nécessité d’engendrer les points-frontiéres topo- logiques, comme butée sur laquelle la propagation des négativités ou des alternances prend appui et se réfléchit, reprenant et exhibant * de Pautre c6té ” (par exemple de l’Au-dela du principe du plaisir, ou de réalité...) les caraétéristiques de la Stru€ture initiale 4 partir de la stru@ture complétée, notamment mesurant l’absence de limite ou d’irrégularité du comportement des chaines. Nous posons que ces objets inaugurent un type nouveau de connaissance et de position du réel donné ; position fort peu “ thétique ” et dont l’essentiel E- est précisément au-deld du marquage de l’impossible. Il suffit de se 3 xéférer au sujet de la séance psychanalytique, sujet topologiquement complété, c’est-A-dire mis en présence de ses symptémes, de ses points idéaux (le psychanalyste n’étant pas la moindre fonétion de complétion). < TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT L’inconscient apparait bien comme systéme de structures topolo- giques limites (issues d’un passage 4 la limite fait “ autrefois ”, mais toujours impliqué maintenant), ty pes d’ensembles bordants ou frontaliers, type de rapports de V’impossible au réel faisant apparaitre que impossible est la mesure de toute chose. Insistons sur ce qu’ici le maniement d’objets mathématiques doit étre mesuré notamment 4 cette simple évidence que ces objets, quand ils cristallisent les concepts qui nous intéressent pout les produc- tions de l’inconscient, risquent d’imposet un contexte de type fini la ob P'inconscient ’impose de type infini. Par exemple, la métaphore e$t tout 4 fait possible dans le “travail” mathématique et méme dans un certain discours mathématique (qui veut bien laisser une fenétre ouverte sur les concepts en travail). Mais la différence avec le discours ordinaire — et 4 la limite, celui de l’inconscient —, est qu’au bout d’un nombre fini d’opérations la métaphote se stabilise, on sait de quoi il zetourne et méme de quoi on parle. En tevanche, Figure 3. il faudrait en théorie laisser dire le sujet indéfiniment pour que sa métaphore, maintenue de métonymie, se stabilise, c’est-A-dire converge. Le fait qu’en pratique le psychanalyste, n’ait besoin que dune suite finie, se réfere 4 sa pratique de la convergence des associations, 4 tout un point de vue qui ne change rien au caraéctére infini du contexte (“ infiniment” lié). Les points frontires doivent représenter tout ce que peut dire la Sru@ure du signifiant, une fois décalée par rapport 4 son champ dexetcice ordinaire (par exemple si vous allongez le sujet), V’in- conscient étant l’avénement d’un envers du discouts ot prédo- minent les points idéaux, qui renvoient au discours “ usuel ” les proptes contradiGions de sa struéture, mais hautement élabo- 183 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT tées, sous forme symbolique et désignant leur orientation propre. Passons maintenant 4 l’introduétion concréte de ces points, compte tenu de ce qui a été suggéré sur les frontiéres. Considérons l’espace usuel R? ; il n’est pas borné et on peut songer 4 lui adjoindre un point idéal oo (a V'infini) qui assure que si une suite de points (xn) de R® s’éloigne, c’est-d-dire sort a partir d’un certain rang de toute boule fixée 4 Pavance, alors (2m) converge vers le point 00. Du point de vue topologique, le point 00 sera identifié 4 la suite des extérieurs des boules Bn de centre O et de rayon # quand » croit. Il figure ainsi le retournement sur soi de espace, la possibilité de rassembler ses bords fictifs pour les nouer en un seul point (00), ces bords et ce rassemblement ne pou- vant figurer ici que sous forme d’un extérieur en déplacement. Mais ce mouvement d’exclusions est encore trop absolu pour notte propos. Nous adopterons donc un autre point de vue qui laisse tous leurs droits au réel, aux relations et contradi@ions spécifiques qu’il présente et détache le symbolique 4 partir des deux premiers niveaux. Considérons sur R* l’ensemble désigné par Cy (lire : c zéro) de toutes les fonétions continues de R* dans R telles que pour toute fonéion telle, soit f, et tout entier 7>0, Vensemble des points x otf (x) dépasse 2, soit borné. (Les fon@ions de C, tendent vers o quand la variable x s’éloigne). On peut voir alors que le plus petit espace X qui soit compaét, qui contienne R* et soit tel que les f de C, se prolongent continiment a tout Tes- pace X, c'est précisément X = R® U {I}, c’est-A-dire R® auquel on adjoint un ensemble réduit 4 un objet, du reste quelconque, mais ressoudé topologiquement 4 R® par le fait que ses voisinages sont les extérieurs des Bn. Ce point idéal apparait bien pour com- pléter espace suivant une famille de relations (ici les f de C,), mais le modéle est bien trop simple pour que le retour en dise long sur la stru€ture de dépatt, sinon qu’il immobilise “ au loin” son retournement. Cest néanmoins ce point de vue qu’on peut généraliser et qui sera illustrant. Soit donc X un espace topologique assez régulier, par exemple un disque D fermé dont on exclut un trou T: X = D — T; il remplacera l’espace {0, 1}" des alternances, présence-absence du début. On suppose que X ne comporte pas la frontiére F usuelle, ici euclidienne, du trou. Soit ensuite un espace 184 fie- ene oe TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT Hi de fonétions f définies, continues et bornées sur X, 4 valeurs numériques pour fixer les idées. Elles peuvent figurer les relations “ intéressantes ” dans X. La étruéture formée du couple (X,H) présente en général de fortes singularités quand on approche de Ja frontiére usuelle F. Figere 4. Les illustrations conctétes ici passées sous silence, sont mul- tiples et variées. Il suffit, dans la pratique psychanalytique, de songer 4 F comme 4 un interdit trés précis 4 ne pas passer, ou aun objet bien réel, pre par exemple, — qui sett aussi de loi-frontiére, — @imaginer ensuite les fon@ions de dénomination et les chaines signi- fiantes que cela induit comme espace de fonétions H, pour se con- vaincte de toutes les singularités possibles et réclles du couple (XH) & Papproche de la frontitre F, dont les aes manqués et Japsus ne sont que Valarme. Il faut donc bien pour que “ ga colle ” abandonner cette fron- tigre inadéquate et, pour installer les singularités et méme les analyser — ou encore les relevet —, construire une nouvelle frontiéce A(X, H) qui dépend du couple (X,H), ce qui n’était pas le cas de F, rétive et “ neutre ” aux traje€toires dessinées par H. L’espace X’ = XUA sera ainsi non seulement clos re/ativement 4H, donc selon les concepts spécifiques que portent ces fondions et leurs irrégularités au voisinage de F, mais encore permettra dans cettains “ bons ” cas une redétermination de V’insiffance-convergence des chaines signifiantes vers A, sous forme de l’insistante-replon- gée du symbolique dans Pimaginaire et le“ réel”. Il est évident que méme quand H est donné, de larges possi- bilités sont offertes pour les points idéaux — dont le réle de mesure sera plus tatd développé. 185 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT Voici une possibilité, de construire espace complété X’ si on s’intéresse 4 la simple convergence des f de H 4 approche de A (Ventourloupe technique, qui a Pavantage de conduire vite au résultat, devrait néanmoins étre démasquée) : On plonge l’espace X dans l’espace produit R¥ au moyen de application « : x > 7 (x) = (h (x) n ew; 7 (x) est défini par la “ suite ” des valeurs h (2) quand h décrit tout espace H, le point x étant fixé dans X. Moyennant certaines conditions (cf. Appendice), Vimage Y = x (X) de X lui est homéomorphe. La fermeture Y de Y dans R# est l’espace compatt X’ cherché et la frontiére idéale qui apparait, est Agx = YNY (on retranche Y de Y). Ainsi, le procédé consiste 4 passer dans un nouvel espace R¥, ou sont développées les possibilités du couple (X,H) par lappli- cation x et a prendre la fermeture usuelle de m (X) dans cet espace. La frontiére A est “ usuelle ”, considérée dans V’espace RE; mais cet espace symbolique est relativisé de telle sorte 4 H, que la frontiéfe A rapportée 4 X n’y est plus neutre par rapport 4 H. Mieux, on peut, dans certains cas, associer 4 tout point x de Xun ensemble Fx de “ mesures ” qui sont porfées par la frontiére idéale donc hors de l’espace de base, et qui servent 4 représenter x “ relativement ” 4 H, ces fibres Fx n’étant certes pas les seuls objets idéaux — ici évoluant dans la frontitre idéale — répon- dant 4 x et stru@turant le couple (K,H) dx dehors, d’un dehors qui s’eSt édifié comme re-constituant. Ainsi, ’apparition du trou T se traduit par la naissance d'un espace topologique idéal qui semble poindre & mesure que le trou se creuse ; on pourrait illustrer cette idée en imaginant un couple initial (X,H) ot, par exemple, la frontiére neutre F est | tout ce qu’il faut pour assurer la parfaite régularité des fonfions de H, sorte d’équilibre total ot rien ne manque; ou presque. Car imaginons, le systtme étant en mouvement, qu’une suite (hn) d’éléments de H, sous Veffet d’une quelconque pulsion, converge (quand # croit indéfiniment) vers une fon@ion limite h, et que dans ce passage se manifeste une rupture marquée par le fait que h n’est plus dans H, n’ayant plus les qualités de régularité requises. S’il faut malgré tout inclure h dans le systéme des fonions possibles, il sera nécessaire : 186 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT 1) de diluer les irrégularités de h dans espace X, notamment en changeant sa topologie de fagon 4 rendre h réguliére; 2) résoudre les failles qu’entraine cette procédure (un exemple en fut donné fig. I) en s’appuyant sur Vidéalisation schématisée plus haut : cette fois on opére avec un nouveau couple (X,, H,) obtenu 4 partir de (X,H) en modifiant la topologie de X, corollaire de Padjonction de h 4 H. On est alors nanti de tous les retours décrits plus haut. 3 x Figure 5. Exemples typiques de ce qui peut introduire un parcours obligé dans ensemble des chaines (hn) : @) un traumatisme tefoulé; 6) une intervention 4 partir d’une position “ idéale ”, par exem- ple celle du psychanalyste qui peut organiser 4 ses fagons et aspi- rations les chaines signifiantes qui se présentent. Cas particulier du b), proposé a l’étude par un auditeur : la “ décision ” de Freud que V’objet d’amour de Dora était Monsieur K. et non Madame K. et ses conséquences dans la vie de Dora. Remarques : 1. Jusqu’ici on n’a parlé que des trajetoires (trans- ports de signifiants) qui dans l’espace de base (réel, imaginaire) vont converger les points idéaux faits pour elles et en retournent, indiquant leur provenance symbolique sous forme notammemt de sutdétermination. II va de soi que tout un chapitre concerne étude des chaines et traje€toires dans espace symbolique lui-méme, et une liaison intime devia étre établie entre les chaines possibles sur ces espaces, la topologie et la logique affaiblies de ces espaces, et des assertions du type : ’inconscient ne connait pas la contra- di&ion. Un tel énoncé implique notamment que l’espace idéal est en quelque sorte non connexe, c’est-4-dire que des failles empéchent 187 * TOPOLOGIE, DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT de passer comme on veut d’un flot 4 autre. Notamment il faudrait dépasser le formalisme proposé au §3, pour décrire comment la vérité qui parle dans ces points idéaux se projette apptoximativement par la suite (pp). 2. Ajoutons aux fon@ions déja dites de Pobjet idéal, ceci qui se déduit aisément de ce qui précéde : 2) Une “ fonétion ” essentielle de cet objet est de #’étre pas la, ce qui donne tout son poids 4 son autre fonétion, celle de point identification (par exemple x “ équivalent ” 4 Fx). Mais il faut se garder de deux erreurs. D’une part, celle d’oublier que cette relation est absolument dissymétrique et notamment non téver- sible; d’autre part, celle de croire qu’un objet jdéal est un au-dela de la réalité. I/ eff clair en effet que Pobjet idéal oft un point de vue sur Ja triplicité du réel-imaginaire-symbolique, et que c'elt sa réalité. b) Cotollaire de cette absence, eSt notamment un énoncé du type: “ La vérité de Vinconscient est 4 situer entre les lignes ” (Lacan, Ecrits, p. 437), 4 condition de l'entendre “ entre les lignes de convergence de chaines signifiantes ”, autrement dit précisé- ment aux points idéaux qui opérent de leur absence. Cela peut donner un sens plus sérieux 4 ’homologie du style de Lacan et de son objet (Vinconscient), puisqwil parlé de ce quil ne dit pas : discours convergent vers le point limite qui manque. c) Les chaines signifiantes s’orientent parfois vers tel point idéal comme vers leur lieu de capture. Ceci peut étre décrit au moyen de certains concepts de la topologie différenticlie, notamment celui d’attra@teur dans la dynamique des variétés. Le recours 4 ces Stru€tures dynamiques — présentes au niveau de Pinconscient — peut éclairer davantage les grandes décharges liées aux déter- minations symboliques, ainsi que les pages freudiennes qui s’y rapportent dans Au-deld du principe du plaisir. 5. Sur Ja répétition. Ona vu que les points idéaux apparaissent 4 la lisitre du manque; chacun est une sorte de point de vue qui snifie les manques qui s’y tapportent, par exemple les aétes et les lapsus manqués du méme manque. Comme ce point de vérité n’ “ existe ” pas, il se signale par toutes les possibilités de répétition qui, 4 la limite, viendraient 188 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT s’y fixer; on peut méme dire que la répétition est son principal mode d’existence réelle.en méme temps que sa condition. Voici comment la répétition est, entre autres, un mode d’ap- proche petmanente du bord. Illustrons par un schéma. Les filtres sont apparus en topologie comme les bons outils pour décrire la convergence. En effet un filtre + F sur un ensemble X est une famille de parties non vides de X telle que si M et N sont dans F, ilexisteau moins un élément P dans F contenu dans M et N; Autrement dit on dispose d’un domaine de base X qui permet de considérer un déplacement d’inclusions, deux points d’appui quel- conques, M et N, permettant d’aller plus loin (PcNMM) dans Vapproximation (dont nous n’avons 1a que la possibilité épurée). Dans la surface du discours, différentes plaques apparaissent comme les répétés étalés du symptéme, Vinclusion approxima- tive et en déplacement se faisant au niveau des signifiants. Les plaques, dans le discours psychanalytique, n’ont en général tien de commun entre elles, si ce n’est d’étre dans le vif des spécifications de ce vers quoi elles sont supposées converger. Envisagées au point de vue d’une logique qui ne passerait pas par le topos de V’inconscient, elles peuvent donc avoir une interseftion vide et représenter ainsi l'image méme du non-sens. Ce n’est pas 14 le moindre piége de la logique de /implication, dont on peut temat- quer au passage qu’elle apparait comme un cas particulier, ici tri- vial, de la logique de la répétition. Du reste Pimplication n’est qwune seule inclusion fixe (“A implique”’ B devient “ inclus dans ’” quand on considére les ensembles vérifiant les propriétés A et B). La répétition, au contraire, se donne la possibilité de tronquer indéfini- ment les inclusions : cela résulte de ce quil y a un sujet de ces ruptures, donc de la répétition. On pourrait dire que la répétition qui nous concerne ici, réalise une succession infinie d’implications, chacune 4 elle seule mode de la contradifion, de Taffirmation-négation, de sorte qu’4 chaque étape, le un se divise en deux au moins. Cela résulte non seulement des contradi&tions et ruptures qu’emporte ce mouvement, mais aussi des positions de sujet, donc de l’apparition de frontiéres Strudturées, d’espaces-limites 4 fonétion direétive et par suite d’un sujet de cette histoire. 1. On appelle en fait cela une “ base de filtre”. 189 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT Ajoutons en passant que l’énoncé de Lacan “ c'est de ce qui n’ était pas que ce qui se répéte procéde ” (Exrits, p. 43), peut méme se mettre au présent et prendre tout son sens de la présence de points-limites constituants. Ce qui se répite provient du détachement du point symbolique vers lequel il file. CeSt pourquoi le temps de la répétition est aussi le temps du sujet, qui comporte dans son présent le futur anté- tieur (Lacan) et dans l’avenir s’entendent des accents de retour }. C'est une fonttion du point idéal d’en faire un passé inversé, retournt, Pourquoi Freud parle-t-il d’automatisme de répétition ? C’est-a- dire de quelque chose qui est bien remonté pour se mouvoir de soi-méme sans étre pour autant un mécanisme (puisqu’on a vu que les répétitions convergent chez homme vets des détache- ments d’objets idéaux) ? La division du sujet fondée sur la “ perte initiale ”, et Pinter- calage de celui-ci dans la chaine signifiante, c’est le point d’appui des autres divisions qui font que le répété une fois décalé est poussé vers un décalage complémentaire. Une modalité particuliére est celle-ci : possibilité de désigner des constats de répétition, donc de les répéter. L’effet en est de mettte le répété en présence d’une fléche qui le divise pour le re-présenter... 4 une nouvelle fléche, qui comme la précédente part de la division du sujet. La filtration, décrite comme associée 4 un point idéal, comme étant une méthode de son approximation qui reste 4 élucider en détail manifeste aussi que c’est sur le mode de la séparation, c’est- a-dire de P’intersettion en déplacement que la tépétition fon@ionne, ce qui, joint 4 la différence des rejets, petmet d’envisager la convergence, Il ne faut donc pas oublier que par cette répétition quelque chose se détruit. C’est la convergence insistante des manques vers leurs points de rupture qui illustre qu’au point idéal se nouent la vie et la mort, ensemble tracées dans la répétition présentée comme une angoisse en aéte, comme pratique des manques béants. C’eSt patce qu’elle e&t une division qui s’€puise, qu’elle est une course 4 Ja mort; mais en tant que course, elle est l’instin& méme. 1. Cette question du temps devra étre abordée ailleurs plus sérieusement, dans sa relation avec la formation de transfert. 190 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT Poft-scriptum. Le texte ci-dessus, écrit il y a plus d’un an, révéle aprés coup ses limites étroites et de sérieuses lacunes de méthode. Depuis, des recherches ont été poursuivies sur ce sujet et seront publiées un jour; elles impliquent en particulier ceci : 1) L’usage du point de vue topologique n’a d’intérét que patce que la topologie, et plus généralement les mathématiques, concen- trent partiellement et sous une forme spécifique les méthodes et le point de vue fondamental de la diale@tique matérialiste. Cette idée qui reste 4 démontrer en deétail a été tidiculisée par ceux-l& mémes qui s’étaient chargés de la défendre (les révisionnistes), plus encore que par les idéalistes chargés de la combattre. 2) La confrontation de deux discours-limites (topologique et psychanalytique) peut déboucher sur des explications utiles précisé- ment du fait que ces deux discours reposent sur des spécifications dune loi essentielle de la dialeétique, qu’on pourrait appeler : loi de tépétition infinie. 3) De ne pas reconnaitre la référence fondamentale qu’est la contradiétion dialeétique et ses conséquences, on se condamne 4 Vadtivité bourgeoise d’entretenir un savoir par un autre savoir etc... Dans le cas contraire on est conduit 4 briser le cadre épistémo- logique de ce genre d’études. L’intérét se centre alors non pas tant sur la produétion du savoir psychanalytique (encore que beaucoup de simplifications puissent étre apportées la-dessus, précisant le degré de nécessité de certains concepts et le caraGtére parasitaire de quelques autres); non pas tant sur le statut de ce savoir comme tel, mais sur sa liaison avec la lutte des contraires au sein de la réalité sociale, idéologique et politique. Appendice mathématique. Plutét que de référer le lefteur paresseux aux “ ouvrages de mathématiques ”, dont V’inflation peut du reste le décourager, nous reléguons ici un petit mode d’emploi, b-a ba de tout étudiant en mathématiques, qui devrait éliminer toute difficulté technique dans Ja le€ture de l’article. 19 ~ OPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT 1. Soient deux ensembles X,, X_; leur produit est par définition Pensemble des couples de points (x, y) ou xe X, et ye X, (e se lit : appartient 4). Plus généralement, si (X,) est une famille ensembles, indexés par les éléments « d’un ensemble A, on appelle produit de la famille (X.) Pensemble, dont les éléments sont du type (%a), ot x, « X, pour tout «, Si tous les ensembles X. sont des versions d’un méme ensem- ble X, le produit de (X,) sera alors noté XA (et se lit : X puis- sance A). (Par exemple, si A est fait de deux éléments, qu’on peut noter «et x’, on aura deux exemplaires X,- et K, de Pensemble X, et le produit de X, par X,- sera noté X? au liew de XA puis- que A est fait de 2 éléments). Si X et Y sont deux ensembles, on note par Y \ X’ensemble des points de Y qui ne sont pas dans X quand X est une partie de Y; ff: XY désigne une application de X dans Y, Cest-a-dire une transformation qui, 4 tout x « X, fait correspondre un élé- ment f(x) € Y; f seta si gpsietion si pour tout y « Y, il existe x ¢ X tel que f(x) = y. Naturellement Pensemble f(y) de tous les points de X qui se projettent sur Y peut étre “ trés grand ”. Revenons 4 l’ensemble produit X4; il peut s'identifier 4)’en- semble E de toutes les applications de A dans X. Car si fe E es une telle application, soit x, = f(a) (Vimage de « RE ¢ . x > n(@) = (hG)) A tout x e X, on fait correspondre toutes les valeurs h(x) quand h varie dans H, valeurs qui forment une famille notée (h(x)) qui est élément de R#. On note (comme pour toute application) m (X) l’ensemble des x (x) quand x décrit Pensemble objet X; m (X) est Pimage de X par x. Séparation : Supposons que le couple (X, H) vérifie la condition dite de séparation (S) : pour tout couple (x, y) d’éléments de X, il existe h ¢ H telle que h(x) 4 h(y) (# se lit: différent de), Alors Papplication « de X sur x (X) est injettive, c’est-a-dire que les images par x de deux objets distinéts dans X sont distinGes; X et (X) sont alors isomorphes en tant qu’ensembles. 2. Topologie. En gros, c’est la donnée d’une notion cohérente de convergence sur un ensemble. Limitons-nous ici 4 des espaces topologiques usuels et simples, les efpaces métriques. eee mé- trique est la donnée d’un ensemble (quelconque) X et d’une fon&ion. dA valeurs téelles positives — qui servira 4 mesurer la distance de deux points quelconques de X; d est donc une application de X x X dans R* (nombres réels positifs), et on Vastreint aux seules conditions suivantes : 1) d(x, y) = d(y, x) (ie. la distance de x 4 y doit étre la méme | que celle de y 4 x); 2) d(x, y) = 0 équivaut 4x = y (i.e. deux points sont confon- dus si et seulement si leur distance est nulle) 3) d (x, z) < d(x, y) + d(y,z) (< se lit: inférieur 4) Quand un ensemble est muni d’une distance, on peut alors parler de limite et de continuité dans cet ensemble. Ainsi : Une suite (xn) de points de X est dite convergente dans X, s’il existe xe X (c'est-a-dire un point-limite) tel que la suite de nombres d(xn, x) tende vers o. on note alors : x = lim Xp no (lire : limite quand # tend vers l’infini de la suite xn). 193 TOPOLOGIE DES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT Une fonétion f de X dans R est dite continue si quand (xn) > x (lite : (xa) converge vers x), alors f(xn) > (x). Un espace (métrique) est compa si, de toute suite (xn) dans cet espace X, on peut extraire une suite qui est convergente dans X. Autrement dit, toute suite (xp) comporte une sous-suite qui vient s’accumuler vers un point limite. Exemple : R, muni de la distance cuclidienne usuelle, 4 savoir d(x, y) = |x-y| (longueur du segment x,y), n’est pas compaé, cat la suite x: = n des entiers n’y converge pas. En revanche, elle converge dans R U { © }, le compaétifié de R par adjon@ion d’un point 4 Vinfini, car alors elle tend vers l’infini. 7 Figure 6. Compattifier un espace métrique X, c’est trouver un espace X’ (qu’on pourra supposer métrique), une application / injective conti- nue de X dans X’ (afin d’identifier K 4 une partie de X’) de sorte que : tout point de X’ peut étre approché par une suite de points de X; plus précisément : pour tout x X’, il existe (xn) dans X qui converge vers x dans l’espace métrique X’. Il y a évidemment une infinité de manitres de compaétifier un espace qui n’eSt pas compact. L’ensemble X’ \. X s’appelle frontiére de X relative 4 cette compattification, Plus généralement si Y est un espace topologique et A une partie de Y, on appelle /rontitre de A (sous-entendu : relativement 4 la topologie de Y) l'ensemble A \ A ot le signe ~ désigne la fermeture d’un ensemble, c’est-d-dire la plus petite partie fermée dans Y qui contient cet ensemble, et le signe ° désigne l’intérieur dun ensemble c’est-a-dire le plus grand ouvert qu’il contient. 194 La condensation et le déplacement ; une élucidation Lvusage veut qu’on prépare l’élucidation d’une notion par Pétude de son histoire. Nous ne prendrons pas ce chemin. Non pas Ppatce que nous méseStimons une telle étude, mais parce que nous pensons au contraire que nous nous trouvons mieux placés pour la mener 4 bien, quand nous savons ce dont il s’agit. Est-ce 4 dire qu’on peut écrire, ou éctire mal, Phistoire d’une dorine ou d’un concept alors méme qu’on en ignore le sens ? Les faits le confirment amplement. Comme exemple entre autres, concernant la do&trine freudienne, nous citetons le livre de Bakan: Sigmund Freud et la tradition myftique juive, ou Vauteur essaie de réduire le freudisme 4 une transposition de ladite tradition dans un nouveau langage. Comme si Freud n’avait inventé que des mots, lesquels, ce qui plus est, ne correspondaient 4 aucune nécessité de son expérience ptopre ni de sa pensée! L’histoire est un alibi, chaque fois qu’on écrit dans une perspedtive évolutionniste. Il est clair qu’on ne tépond pas 4 la question qu’on se pose, celle de V’origine, en reculant indéfiniment celle-ci — ce qui équivaut plutét a la nier. De méme, on ne se débarrasse pas de la croyance 4 la création ex nibilo en lui opposant la croyance contraite, mais on lentre- tient — comme le prouve lidée de “ chainon perdu ”, o¥ le nibil, en quelque sorte, s’obje@ive. La négation de Vorigine, le tefus de savoir ce qui est premier, inaugural, ne peut conduire qu’é nous confronter avec notre ignorance sous la forme d’une lacune dans la “ science ”. Echec qui, s’il suffit 4 dénoncer cette science, ne suffit pas 4 constituer pour celui qui le subit, le motif d’aucune “ progression diale@ique ”, au sens ot Hegel l’entend dans Vintroduétion de /a Phénoménologie de I’ Esprit. Nous allons aborder notre sujet en soumettant 4 V’analyse un exemple ot les processus dont il s’agit, condensation et dépla- 195 CONDENSATION ET DEPLACEMENT cement, sont 4 Poeuvre. Une objetion vient ici a Pesprit. En effet, il semble logique d’affirmer que pour dite que la banane est un fruit, nous devons avoir de ce dernier une idée tant soit peu claire; de méme nous devons nous faite une idée plus ou moins approxi- mative des processus primaires avant de choisir notre exemple. Mais cette objeétion n’a de logique que Papparence. Le fait est que nous trouvons les bananes 4 cété des poires et des raisins dans la méme corbeille dite “ corbeille de fruits ”, et que nous les appelons donc de ce méme nom, alors que nous ignorons tout de leur genre, et bien avant que nous ayons le temps de nous en faire la moindre idée, Autrement dit, nous parlons dans un monde ob le langage, ou plutdt le discours universel ob ce langage existe concrétement, bien plus concrétement que “ dans le cerveau ”, a déja introduit ses classifications. Si nous parlons des “ processus primaies ”, c'est parce qu’il y a déja un discours constitué, mieux encore, une ceuvte, celle ol Freud a découvert ces processus et les a dénommés, lui, pour Ja premiére fois. Nous n’avons donc qu’a reprendre son exemple princeps: le réve de la “ monographie botanique ”. Mais pourquoi cette reprise, pourquoi refaire un travail déja trés bien fait ? Car il est incontestable qu’a partir de cet exemple, Freud a dégagé ses vues dans des pages de /a Science des réves que nous ne sommes pas ptés d’oublier, et avec une clarté qui, comme 4 Paccoutumée, ne laisse tien 4 désirer. C’est que la clarté ne signi- fie pas que tout a été réglé, mais, au contraire, qu’un probléme a été pour la premiére fois clairement formulé, qui nous laisse assez perplexes. En effet, découvrir une autre pensée, la pensée inconsciente était forcément, et c’est toujours, découvrir d’autres processus que ceux de la pensée consciente, celle que nous considérons comme normale, objective, rationnelle. On sait comment divers auteurs, confondant ce qui pour Freud était avant tout une distin@ion topique, avec un ordre temporel, évolutif, n’ont pas hésité 4 rap- procher les processus primaites de la “ pensée égocentrique ” de Piaget, de la “ mentalité primitive ” de Lévy-Bruhl, ou encore de la “ pénsée mythique ” de Cassirer?. Ce faisant, ona oublié que 1. C£ Modell, Arnold H., Objed Love and Reality, London, The Hogarth Press, 1969, p. 156. 196 CONDENSATION ET DE&PLACEMENT Freud ne se lassait pas d’affirmer aussi que la pensée inconsciente ne le cédait pas 4 la consciente en complexité ni en variété, Ainsi, pour consolider Vidéalisation de la pensée, on a exploité une do@tine qui devait plutét annoncer une contestation véritable de cette idéalisation méme. Mais il est vrai qu’A ne rien retrancher des affirmations de Freud, un deuxiéme temps de réflexion s’im- pose, qui vise 4 dégager quel sens aura la raison aprés lui. Car si on me peut pas se contenter de déclarer que Freud se contre- disait, on peut encore moins admettre que les mémes processus soient 4 la fois rationnels et irrationnels. Reprenons donc le réve de la “ monographie botanique ”, et commengons par dire ce que Freud nous apprend des processus primaires 4 partir de cet exemple. Ils sont de deux sortes: condensation et déplacement. Appatemment, la condensation désigne le fait qu’un seul et méme élément du réve manifeste, par exemple “ la monographie botanique ”, apparait 4 plusieurs reprises au cours des associa- tions diverses qui ménent vers le contenu latent du réve et per- mettent son interprétation. Le déplacement désigne le fait que le texte manifeste du réve s’avére centré autour d’un élément insignifiant ou de peu d’im- portance au regard de ce dont il s’agit dans le contenu latent. Ainsi condensation et déplacement se présentent comme Jes résultats, ou les synonymes, des deux faéteurs psychiques qui interviennent dans le choix de chaque élément du réve manifeste, 4 savoir, respeétivement : a) La surdétermination, ou le fait que le méme élément “ re- présente ” plusieurs associations ou plusieurs chaines associatives qui s’évoquent 4 partir de ce méme élément et, éventuellement, 4 partir d’autres éléments du méme téve; 5) La censure, ou, plus exa&ement, la nécessité de contourner la censure. Néanmoins, et cette temarque est capitale, comme on ne voit pas en quoi la répétition ou la fréquence d’un élément V’habilite- rait 4 figurer dans le texte manifeste du réve, Freud, qui n’hésite pas un instant 4 rejeter la conclusion selon laquelle ce qui apparal- trait dans le réve serait non pas ’important mais simplement ce qui oT CONDENSATION ET DEPLACEMENT se répéte, considéte cette répétition comme Vindice le plus sar que élément en question se rattache aux pensées les plus impor- tantes et les plus significatives du téve. Mieux, ce sont ces der- nitres pensées qui, 4 son avis, imposent les associations, souvent forcées et superficielles, qui ménent au réve manifeste, créant par la ce qu’il appelle “ des nouvelles valeurs! ”: Fiedtere si nequeo superos, acheronta movebo. Déplacement et condensation sont donc les deux fa&teurs dont Pa&ion conjuguée gouverne tout le travail du téve, en tant que Yélément central du réve manifeste, en occurrence la monogra~ phie botanique, doit satisfaire 4 deux conditions : 2) s'insérer dans un contexte qui le rend inoffensif au regard de la censure tout en renvoyant, grace 4 une série d’associations, au centre latent du réve, 4 savoir, la conversation que Freud avait eue la veille au soir avec son ami le do&eur Kénigstein; 4) représenter un grand nombre d’associations. Qu’il les | “ représente ” ne signifie pas qu’il se substitue 4 elles, comme peut le suggérer image des “ életions politiques ”, puisque Freud in- dique clairement que ces associations sont des associations inter- médiaires, qui ne font que relier élément manifeste 4 ce qu'il remplace *. — Bref, c’est grace au déplacement que le réve échappe 4 la censure, et c’est pat la voie de la condensation que s’accomplit lt ce que nous appellerons sa “ signifiance ”. Ce résumé, dont le leéteur peut contréler la fidélité au texte méme de Freud, nous prépare déja 4 ne pas nous étonner outre | mesure, si Jacques Lacan, empruntant un chemin frayé par R. Ja- kobson, compare la condensation et le déplacement 4 ces deux 1. CEG. W., nila, p. 313. La Science des réves, le Club frangais du livre, p. 169 ; S.E., 1v, p. 307. 2. A cété de la “ députation ”, Freud décrit aussi le rapport de l’élément manifeste aux associations intermédiaires comme “ abstraétion ”” en tant qu’il représente le trait commun entre elles, et comme “* condensation ”’ au sens qu’il les englobe oules résume. Ces trois descriptions ne doivent pas nous faire perdre de vue que la conden- | sation est essentiellement une substitution a un autre terme, refoulé, qu’on ne saurait l assimiler immédiatement au signifié, et que les associations ont pour fonétion denous aider 4 trouver. Cette remarque nous permet de répondre affirmativement a la question | de savoir si au cours du travail d’association fait a l’état de veille, certaines associations nouvelles peuvent intervenir qui n’ont pas eu lieu au cours du travail du séve ; et cela sans que cette interprétation soit pour autant taxée d’arbitraire, Du moment que les nouvelles associations convergent vers le méme terme, elles la confirment plutdt. 198 CONDENSATION ET DEPLACEMENT yetsants du langage que sont, respectivement, la métaphote et la métonymie. En effet, cette dernitre s’appuie sur les connexions entre les signifiants, et, par 14, fournit au sujet le seul moyen: dont il dispose pour faire entendre ce qui ne doit pas étre dit. Quant 4 la métaphore, elle est une substitution qui nous permet d’accéder * pensées les plus significatives du réve ”, autrement dit, cat expression de Freud n’a pas d’autre sens, 4 la signification inconnue du réve, 4 son interprétation, comme nous nous propo- sons maintenant de le montrer en suivant dans tous ses détours, Panalyse de ce réve, dont voici le texte : “* J'ai écrit la monographie d’une certaine plante. Le livre est devant moi, je tourne préciément une page ott est encartée une planche en couleur. Chaque exemplaire contient un Spécimen de Ia plante séchée, comme un herbier. ” L’élément qui nous frappe en premier dans ce réve est évidern- ment, dit Freud, “ la monographie botanique?”’. Freud se rappelle avoit vu le matin une monographie sur les Cyclamens, lesquels sont les fleurs préférées de sa femme. II se fait des reproches parce qu’il se souvient rarement de lui offrit ces fleurs, comme elle aurait aimé; ce qui lui rappelle une histoire qu’il a racontée derniérement 4 un cercle d’amis, afin d’illustrer sa théorie selon laquelle Poubli trahit toujours un sens inconscient, histoire qui se rattachait 4 Tune de ses anciennes patientes, Madame L., que sa femme avait rencontrée récemment. Parvenu 4 ce point de ses associations, Freud remarque qu’il n’y a rien dans tout cela qui soit de nature @ susciter un réve: There needs no ghost, my Lord, come from the grave to tell us this. En régle générale, nous n’avons pas 4 remettre en cause un tel jugement de la part de “ l’analysant ” — pour nous setvir dun terme dont Lacan a montré técemment les raisons qui invitent 4 Pintroduire 2, Néanmoins, il ne sera pas inutile de dire ici les rai- sons pour lesquelles le sentiment de Freud nous parait parfaite- ment a sa place. Il nous semble en effet que c’est un peu trop hativement que Freud assimile son comportement 4 celui du mari de sa patiente. “ Se souvenir rarement ” est une chose, “ oublier ” 1. Dans la rédaction des pages qui vont suivre, nous supposerons que le lecteur connait toutes les associations de Freud dans leurs moindres détails. 2. Cf. “ Proposition du 9 octobre sur le psychanalyste de I’école ”, in Scilicet, n° x. 199 CONDENSATION ET DEPLACEMENT est une autre chose. Oublier d’offtir /es fleurs, suppose qu’on avait pensé 4 le faire ou qu’on avait ’habitude d’y penser. Or, c’est juste- ment parce que Freud avait autre chose 4 faire que de penser 4 ce qui plaisait ou 4 ce qui déplaisait, en l’occurrence, écrire la Traum- deutung, qu'il n’avait pas de compte 4 rendre. Loin d’étre de nature A motiver une résistance quelconque de la part du moi, ces reproches se motivaient dans l’exacte mesure ot Freud se plagait dans la perspective moique, avec les devoirs fallacieux de la réciprocité qu’elle nous impose. De méme, l’interprétation qu’il laisse entendre quant 4 la signification de loubli, celle d’un manque d’amour, voire 4 amour, ne fait qu’entériner le sens que donne 4 ses pro- pres réaGions une patiente qui, elle-méme, ne fait que les ratio- naliser dans la perspeétive moique de la méconnaissance. Il reste que toutes ces considérations n’excluent pas que le rapport de Freud 4 son ceuyre ait pu lui constituer la source d’une culpabilité obscure, Tout dépend de la signification que cette ceuvre pouvait avoir pour lui — et peut-étre est-ce de cela qu’il était question dans ce réve. De fait, une deuxiéme chaine d’associations ne tarde pas 4 lui venir 4 Vesprit. Il se rappelle une “ monographie botanique ” que lui-méme avait éctite sur la cocaine, et od il s’était contenté d’une indication concernant les vertus aneSthésiantes de cette plante et de leur usage possible dans le domaine de la chirurgie. Ce fut un autre, Koller, qui démontra la chose et la découverte fut donc lige 4 son nom. De méme ce fut Pophtalmologiste Kénigstein, ami intime de Freud, qui l’appliqua, le premier, dans des opéra- tions dont lun des premiers bénéficiaires fut le pére méme de Freud. Celui-ci se rappelle comment il se laissa aller, le lendemain du réve, 4 une réverie diurne qui était calquée sur le souvenir de cette opération-l4 — comme il s’en apergoit maintenant. Mais qu’est-ce qui lui a remis cette monographie-ci 4 la mémoire ? Quand est-ce qu’il s’en est souvenu pour la derniére fois ? A Poc- casion d’une Festschrift regue il y a peu de jours, et od tout le mé- tite de la découverte était attribué au seul Koller. L’un de ceux qui avaient participé 4 cette Feffschrift (détestable), était le Professeur Gartner, celui méme dont Varrivée, accompagné de sa femme, que Freud, dans un hommage ambigu, a cependant félicitée pour son aspe&t florissant, a mis fin 4 la convetsation que Freud, la veille au 200 CONDENSATION ET DEPLACEMENT soir, a eue avec, précisément son ami K6nigstein ! Conversation fort animée, puisqu’il y était question d’un sujet qui enflammait Freud, chaque fois qu’on y touchait, 4 savoir ses goits dispendieux de colle@tionneur?. C’était au point, cela Freud ne le dit pas, mais Ie laisse entendre, que les deux amis en seraient venus 4 Ja rupture, sans Varrivée, miraculeuse dans ces conditions, du Professeut Gartner — d’ot vient, 4 notre avis, importance que les associa- tions accordent A cette interruption. Au moment ot il s’apprétait 4 dormir, Freud, en somme, avait un choix a faire : ou bien céder 4 la violence qui le fait rompre avec son semblable et ami, ou bien procéder & une révision de ce que cela veut dire que de reconnaitre un autre, et plus spécialement un ami, comme son semblable — et peut-étre est-ce de cette question aussi, qu’il s’agit dans le réve. Ce qui est certain, c’est qu’une fois arrivé 4 ce nouveau terme de ses associations, la conversation du soit, Freud découvrit dun coup toutes les associations qui, 4 partir de Ja, avaient, pendant le sommeil, conduit sa pensée 4 impression insignifiante du matin, et il ne douta plus un instant que le réve était venu dans les prolon- gements de cette conversation, traitant du méme sujet. La, dans cette “ monographie botanique ”, est bien le “ fantéme ”, mais que vient-il dire ? La est le signifiant, mais qu’est-ce quil signi- fie® ? Je sais ce qu’il y a dans le mot, mais je ne sais pas ce quvilya dans ma parole ! Répondre a cette question, c’est forcément faite une substitution, établir une Equivalence. En outre, il est clair que seul le texte nous permet de trouver le terme inconnu — sinon d’ot viendrait-il ? Ce terme nous P’appelletons “ le signifiant refoulé ”. Pourquoi “ signi- fiant ” ? Cette question met 4 notre charge de montrer Verreur radicale qu'il y a 4 le considéret comme constituant la signification de la métaphore. 1. Jene crois pas que nous nous élo ignions beaucoup de la vérité en supposant que Fread devait une certaine somme d’argent 4 son ami, lequel a laiss¢ échapper devant Ini la malencontreuse remarque qu’il ferait mieux de payer ses dettes avant des’adon- ner a ses “ fantaisies”. 2, Espérons que Monsieur Georges Mounin, auteur d’un article publié dans le numéro de janvier 1969, de la N.R.F., sous le titre de “ Quelques extraits du style de Jacques Lacan ”, trouvera ci-dessus, comme dans les pages qui suivront, les rai- sons pour lesquelles nous parlons du réve, 4 Vinstar de Lacan au sujet du sympt6me, comme signifiant et non pas comme significatif. 201 CONDENSATION ET DEPLACEMENT En effet, établir une équivalence, c’est 4 cela que nous nous employons, 4 V’instar des rhétoriciens, chaque fois que nous vou- lons trouver le sens d’une métaphore. Seulement, contrairement @ ce que pensent communément les rhétoriciens, nous estimons que ce sens ne téside pas dans le signifiant refoulé, mais se laisse déduire, entendre, une fois ce signifiant trouvé, 4 partir de la substitution elle-méme. 3 Pour illustrer cette thése, nous citerons volontiers le premier. exemple que nous trouvons dans le livre de Christine Brooke- Rose, A Grammar of Métaphor *. Yet no more (i. ¢. love) can be due to me Then at the bargain was meant... 2 Voici comment Mme Brooke-Rose commente cette métaphore : “Le terme utilisé par Donne, the bargain, dans un contexte d’amour, “ templace ” une idée plus littérale telle que l’échange des voeux ou un arrangement ptatique entre amants, ou le processus de flict ou de séduction. ” L’auteur procéde ici 4 la fagon de maints thétoriciens modernes, qui se plaisent 4 insister sur l’ambiguité de la métaphore, sa richesse, ou la multiplicité des significations qu'elle suggére * — position qui revient en fait 4 la dévider de toute signification, en faisant dépendre celle-ci, c’est le cas de le dite, des “ associations libres ” de Pinterprétant. Pourtant le poéme de Donne, auquel nous prions le leGteur de se référer, “ Vinfini des amants ”, ne laisse subsister aucune ambiguité concernant ce que the bargain remplace : le serment (oathes) : on ne conclut pas un marché avec des “ soupirs ”, des “ pleurs ” et des “ lettres ”; la dimension de la foi jurée, elle, y est toujours présente. Mais est-ce 1a le sens de cette métaphore ? Au contraire, . Cest cette derniére qui nous découvre le sens, assez inédit, du ser- > ment. Car non seulement elle rappelle la nécessité ot se trouve la parole, quel que soit le champ oii elle engage le sujet, d’en appeler 4 un tiers autre que les deux partenaires, comme témoin 1. Mercury Books, Londres, p. 29. 2. “ Pourtant rien de plus ne peut m’étre da Qu’il ne fat entendu a la conclusion du marché...” ‘Traduétion frangaise de Pierre Legoins. Cf. Donne, Podmes choits, Aubier, Patis, p. 69. 3. A titee exemplaire de cette position, voir le livre de Ph. Wheelwright, Mefa- phor and Reality, Indiana University Press Bloomington. CONDENSATION ET DEPLACEMENT de sa vérité, et cela justement en taison de ce que nous pouvons appeler son cara&ttre fermé, en tant que tien ne saurait garantir la vérité qu’elle invoque sauf... une autre parole; mais encore et surtout, cette métaphore met, si j’ose dire brutalement, en évidence ce que le moi, dans son aspiration 4 la totalité1, méconnait aisément et qui constitue la raison pour laquelle il ne se contente justement pas de la parole mais veut hypothéquer l’avenir : que loin d’assuter le sujet contre la tromperie de PAutre 2, le serment atteste au con- traire son irrémédiable division entre le connu de ses énoncés et ce qui se signifie 4 Voccasion de Pinconnu de son rapport 4 ces mémes énoncés; autrement dit, il atteste sa dépendance ultime et indépassable par rapport 4 Autre comme lieu d’ow se dispense la foi, le lieu ot le désir, in#érét supréme de amour, se définit en fin de compte, comme les trois derniers vers du poéme*le montrent 4 Pévidence, non pas pat la représentation, somme toute assez changeable a laquelle il s’accroche, celle de la bien aimée, mais comme manque, et, plus précisément, le manque d’un organe, ici le coeur. — Pour nous contenter d’une métaphore usée, sinon “ morte ”, disons que “ le soir de la vie ” ne signifie pas la vieil- lesse, mais que c’est celle-ci qui, grace 4 cette métaphore, regoit un sens que nous sommes encore trop heureux de pouvoir expri- mer comme une rentrée dans les ténébres ¢. Bref, la théorie courante de la métaphore, nous parait, en tant qu’elle confond son sens avec ce que nous avons appelé le signi- 3. Le potme de Donne commence ainsi: « Sijen’ai pas tout ton amour, trds chére, je ne Paurai jamais tout entier... ”. 2. On voit ici quel fond de revendication comporte la réduétion de l’Autre comme licu du langage et de Ia parole a autre réel. Revendication que nulleaperception de la eéciprocité ne saurait corriger, puisqu’elle resterait toujours aperception de la réci~ procité dans la revendication... sans jamais fonder le pardon. Qui a jamais pardonné Ja trahison d'un ami, simplement parce qu'il avait précédé sur ce chemin ? 3. “ Mais nous aurons un procédé plus généreux Que Péchange des cceurs, nous les joindrons ; ainsi Serons-nous un seul étre, et le tout l'un de autre. ”” Le procédé, hélas, est impossible | Et c'est parce que le poéme le laisse entendre qu'il ne tourne pas en une “ histoire extraordinaire”. 4 Indiquons 4 propos de cet exemple, pour ne plus y revenir, que la théorie de Panalogie comme fondement de la métaphore, n’est au fond qu’une variété de celle quia raméne a la ressemblance — erreur que nous dénoncerons ci-dessous. 203 CONDENSATION ET DEPLACEMENT fiant tefoulé, prisonnitre de la perspeGtive moique, qui assimile le sujet 4 un sac de significations, ou encore 4 un cerveau ot loge- taient les représentations, alors que l’examen attentif de la méta- phore et de ses effets devrait nous montrer dans la substitution métaphorique le moyen dont dispose le sujet pour nous faire accéder 4 ce que le signifiant comporte pour lui d’initialement énigmatique. — Nous y teviendrons; pour le moment reprenons notre question : quel est le signifiant refoulé sous “ monographie botanique ” ? Contrairement au texte poétique, lequel nous donne souvent les coordonnées du signifiant refoulé1, nous nous trouvons, dans le cas du réve, face 4 un texte ott tout a été fait, au contraite, pour nous le dérober. C’est pourquoi nous sommes obligés de faire appel aux “ associations libres ”. Suivons donc Freud. La phrase suivante du texte du réve est celle-ci: “ Je vois le tivre devant moi.” Les associations nous apprennent qu’il s’agit d’une citation dune lettre de Fliess : “‘ Votre livre sur les reves m’occupe beau- coup, je le vois devant moi... ”. Un saut a donc eu lieu, si on peut dire, clandestinement : appa~ remment, “ le livre ”, renvoic 4 la “ monographie botanique ”; en fait, une modification dans le sens de ce renvoi a eu lieu sans que rien Vait signalée. La censure, peut-on dire, a effacé les guil- Jemets. Il en est résulté que, dans ces deux premiers segments du réve, le je a fon@ionné, si l’on peut dire, comme un syllepse — A ceci prés que tout a été fait pour occulter autre désignation. Evidemment, il n’était pas question que Freud se mette 4 révasset, Je lendemain, que la Tranmdeutung a patu avec le nom de Fliess comme auteur, et que, se réjouissant de cette gloire, soudaine, qu’il savait pourtant fausse, de son ami, il a poussé ’abnégation jusqu’a ne pas dénoncer l’erreur, jusqu’a taire ses droits sur cette eure; une telle réverie aurait trahi beaucoup plus d’amour que le moi n’en pouvait supporter laveu. Mais il s’est livré 4 une réverie équivalente. La méme censure, dont l’agent, rappelons-le, est le moi, s’était déja exetcée la nuit. 1. C’e& pourquoi il convient de parler dans le cas de la métaphote poétique de signifiant “ élidé”, comme le fait Lacan. Cf. ci-dessous. 204 CONDENSATION ET DEPLACEMENT Bref, Fliess avait écrit 4 Freud pour lui dire: quand finiras-tu ton livre sur les réves ? Car telle était en somme le sens desa phrase, si on la débarrasse de ses atours Stylistiques : il s’agissait dune demande. Demande qui a produit une réponse, non’ pas 4 cette demande méme — on n’écrit pas la Traumdentung dans un xéve — mais au désir qui s’y signifiait. Et c’était ce désir, et seulement lui, que le réve réalisait. Le désir de Freud, son désir de Poeuvre, se manifeste ici comme désir d’un autre et pour un autre, et il s’avére en méme temps que c’était aussi comme un autre qu'il la voyait, cette ceuvre, se rassembler sous son regard. Nous touchons ici, soit dit entre pazenthéses, au sens exact de P homosexualité masculine ”, ccile 4 laquelle Freud attribue la fonétion de ciment des relations sociales, et que nous devons distinguer tigoureusement de ’homosexualité perverse? : ils’agit, dans celle-la, d’une fascination par le “ semblable ” dont nul sujet, nul analysant (et nous savons que tel était en effet la position de Freud par rapport 4 Fliess), ne saurait se déprendre compléte- ment, 4 moins que son analyse ne le méne 4 téaliser que l’univer- salité de la prohibition de Vinceste, en tant qu’elle se signifie dans un signifiant qui en véhicule laétion 4 travers les générations, est le seul sens tecevable de la consubstantialité du péte et du fils *. Mais faut-il souligner qu’il n’est donné & personne, aprés l’aché- vement de Pceuvre, bonne ou mauvaise, d’étre encore 1a, témoin, et que seul le réve, instant éternel®, donné ici 4 voir‘ ? Oui, car cette rematque nous permet de mesurer dans toute sa profondeur la complicité du silence gardé sur usurpation avec la figure méme de x, Pourtant, dans son célébre article “* L’importance de laspeét homosexuel du transfert”, Maurice Bouvet, loin de les distinguer, les confond puisqu’il réduit ’une Aune forme “ sublimée” de ’autre. — Telle est ’emprise de l’homonymie qu’elle peut s*étendre jusqu’a l’abolition de la pensée. 2. Parce que Lacan a parlé de la fonétion du nom du pére, les uns lui ont reproché la profanation des idées religieuses, les autres, ’obscurantisme qui consiste a les intro- duire dans la science, Comme s'il y avait un métalangage qui permettrait a l’analyste de formuler ses conclusions dans d’autres signifiants que ceux de la tradition ott ses patients ont été, comme lui, pétris | % 3. Rappelons ici ’accent d’indifférence sinon de suspension que Freud note comme carattéristique de ce réve, et oit il voit impression de lindifférence a laquelle ils’ef- force face aux reproches qui lui sont adressés. 4. La phrase de Freud doit étre citée ici textuellement : “ Wie babe ich ibn um diese Sebergabe beneidet ! Wenn ich es doch auch scbon fertig vor mir liegen seben kinnte 1”” 205 CONDENSATION ET DEPLACEMENT P“ usurpateur ”. Par la nous nous prépatons 4 nous demander sil n’y a pas une conjonétion structurale aussi intime entre, d’une part, cette signification inconsciente du semblable, savoir, qu’il est Dieu, et, d’autre part, la signification de l’ceuvre en prépara- tion, telle qu’elle s’emploie 4 se faire entendre 4 travers la méta- phore de la monographie botanique. Le sens de cette substitution reste encore obscur. De méme que Ja censure nous a obligés 4 faire appel aux associations pout décou- vrir le centre latent du réve et, partant, le signifiant refoulé, 4 savoir, le livre, et, plus spécialement, celui que Freud n’avait pas encore écrit, lequel signifiant s’est avéré d’ailleurs lié 4 un con- texte oi il renvoyait 4 un désir de voir impossible 4 satisfaire, de méme nous sommes obligés maintenant de les appeler de nouveau, pour découvrir tous les contextes du signifiant métaphorique. “ Herbier ”, troisitme sémantéme majeur de ce réve, rappelle 4 Freud un souvenir scolaire qui a pour lui la valeur d’une allusion 4 rien de moins qu’a son incompétence, 4 cette branche de la science pour laquelle il était le moins doué, 4 savoir, la botanique. Allusion qui prend son plein sens si Yon se rappelle que Freud, éléve, n’était pas peu fier de ses succés scolaires, puisque c’était par 1A qu'il trouvait gré aux yeux de son vieux pére et rachetait sa biblio- philie immodérée. De toute V’interprétation qu’il a pu donner de ce réve, Freud ne nous livre que cette idée: “‘ Pourtant je suis Phomme qui a fait sur la cocaine un travail de valeur, — de méme que je disais autrefois : je suis un étudiant laborieux. ” “ Une plai- doirie ”, dit-il. Devant quel juge ? Devant sor ami? Nous ne nous attardetons pas 4 réfuter cette réponse, alors que nous avons vu comment Freud est venu occuper dans le réve la place enviable du Seher qu’était Fliess, ou, si on veut, ott Fliess s’était mis grace 4 un artifice du style. En d’autres termes, la contradiftion, voire le conflit qui oppose ’homme 4 son “ semblable ”, le moi et le toi, n’es&t que Paspe& imaginaire 1. Citons ici de mémoire J. Lacan dans son séminaire sur l'identification (1961-62): ** Si tout pére est Dieu, comme c’est le sens de la découverte de Freud, c’est justemen- ce qui impose a chacun la tache d’examiner s'il y a un pére de cet acabit. ” En effet, comme le montre Lacan dans le méme séminaire, la proposition dite affirmative unit | verselle laisse en suspens la question de existence. Affirmer que “ tous les professeurs sont des lettrés ”” n’a jamais empéché l’existence des professeurs nuls. 206 CONDENSATION ET DEPLACEMENT sous lequel éclate dans le vécu du sujet leur foncitre commuta- tivité inconsciente — inconcevable sans l’ordre du signifiant?. Plus les deux patties sont en vérité la méme, plus le sujet est dans Pimpossibilité de résoudre ce conflit, auquel d’ailleurs il ne com- prendra rien, puisqu’il “ ne saurait céder la précellence de V'une sans attenter 4 la gloire de autre? ”. Et ce n’est pas sans quelque ironie que la vérité prend, au milieu de ce déchirement, figure de commandement, comme sur la bouche, bouffonne, de Polonius 3; de méme que c’est la méconnaissance des effets du signifiant qui donne 4 croire ses amants qu’il suffit de leurs artifices pour l’at- teindre, opération qui ne tarde pas 4 touzner 4 la pénitence, puisque ce il sufit est déja un il faut, — Ces remarques sont indispensables pour nous accommoder 4 autre réponse qui se présente 4 Vesprit : Devant son pére. Mais d’abord écoutons la derniére chaine d’asso- ciations se déroulant a partir de “ la planche en couleurs qui est encartée ”: “ Lorsque je faisais ma médecine, écrit Freud, je ne voulais étudier que dans des monographies. En dépit de mes ressources assez réduites, je recevais plusieurs journaux médicaux dont les planches en couleurs me tavissaient. J’étais fier d’étre si conscien- cieux. Quand je commengai moi-méme 4 publier, je dus dessiner les planches qui accompagnaient mes travaux, et je sais que Pune Welles parut si misérable, qu’un collégue, pourtant bienveillant, se moqua de moi 4 ce sujet. A cela s’ajoute, je ne sais trop com- ment, un souvenir de ma petite enfance. Mon pére s’amusa un jour 4 abandonner 4 l’ainée de mes sceurs et 4 moi un livre avec des images en comleurs (description d’un voyage en Perse). Chose qui n’est pas facile 4 justifier du point de vue pédagogique ! J’avais 1. Non seulement Pespace ne se serait jamais partagé en places et appartenances sans le signifiant, comme c’est évident, mais, ce qui est plus important, seul le jeu des signiGants définit la place dont nous parlons ci-dessus, de fagon variable sclon les cas. Par exemple, dans le second exemple de condensation cité par Freud, “un beau reve”, la place autour de laquelle s’engage la sivalité fraternelle est : “ une auberge dont Phételier, bien doux, est un pommier”. 2, Pour transposer ici une phrase de Lacan, dans“ /"Inffance de la lettre, cf. Esrits, p.50r. 3. On se rappelle la tirade de “* préceptes ” qui se termine ainsi : “ ... Sois frane (érae) avec toi-méme, — Il suit, comme la nuit le jour (sie), que tu ne peux — Des lors te montrer faux avec personne” (Hamlet, atte I, scene 3). 207 CONDENSATION ET DEPLACEMENT alors cing ans, ma sceur n’avait pas trois ans, et le souvenir de la joie infinie avec laquelle nous arrachions les feuilles de ce livre (feuille par feuille, allais-je dire, comme s'il s’était agi d’un arti- chaut) est 4 peu prés le seul fait que je me rappelle de cette époque comme souvenir plastique. Plus tard, quand je fus étudiant, j’eus une passion pour les livres. Je voulais les posséder, en avoir beau- coup. C’était, comme le besoin d’étudier dans les monographies : un gotit préféré. (L’idée de préférence avait déja patu en rapport avec les cyclamens et les artichauts.) Je devins un Bacherwurm (tat de bibliothéque : littéralement : ver de livres). Depuis que je médite sur ma vie, j’ai toujours rapporte cette “ premiére passion ” ‘ 4 cette impression d’enfance, ou plutét, j’ai reconnu que cette scéne d’enfance était un “ souvenir couverture ” pour ma biblio- philic de plus tard. Naturellement, j’ai appris de bonne heure que ! nos passions entrainent bien des maux. A dix-sept ans, j’avais FS un compte sérieux chez le libraire et aucun moyen de le payer. 4 Mon pére ne considérait point comme excuse le fait que mes Passions n’eussent pas eu de pite objet. L’évocation de ce souvenir me taméne aussitét 4 la conversation que j’ai eue avec mon ami 4 le do&teur Konigstein. Il y était en effet question de reproches ) analogues 4 ceux d’alors: je cédais trop 4 mes fantaisies!. ” Ici Freud s’arréte pour déclarer qu’il n’ira pas plus loin dans Vinter- prétation de ce réve. 4 Rien ne nous intetdit, toutefois, de noter ce que “excuse ” t du jeune Freud comportait comme déformation ou comme mé- i connaissance, certes involontaires, du sens des reproches pater- { nels. Car son pére — j’allais dire : son propre pére — ne faisait pas objection 4 sa passion pour le savoir. Nous pouvons méme a affirmer qu’il ’y encourageait, puisque nous savons par ailleurs quwil Vattribuait 4 Vincitation de ’Esprit du Seigneur. Mais il lui ' reprochait de dépenser dans l’achat des livres des sommes relati- i vement considérables, qui dépassaient celles qu’il pouvait mettre 4 sa disposition, 4 cette fin. ’ Tout s’est donc passé comme si “ par Pun de ces chemins obscurs et qui échappent 4 notre conscience officielle ”, laquelle ne saurait se repérer ici sur une quelconque “ origine historique ” { 1. D’aprés la traduétion frangaise de I. Meyerson. avec les quelques reétifications indispensables. 208 CONDENSATION ET DEPLACEMENT sans se tromper (condition facile 4 remplir), comme si la passion du savoir s’était nouée, non pas historiquement, accidentellement, mais stru@turalement et essentiellement, autour d’une interdi€tion. Interdi@ion constituante de cette passion méme, laquelle, pareil- lement, lui prétait corps et existence, puisque tout rapport d’avant et d’aprés faisait défaut entre les deux termes. Bref, nous touchons ici a I* ombilic du réve ”, impossible 4 découvrir tant que la psy- chanalyse se poursuit comme une “ seconde biographie ” (Lacan). Ce que le réve de Freud nous fait découvrir (découverte qu’il n’a formulée lui-méme que sous une forme mythique), c’est ce ressort caché de lordre symbolique, qui, non sans y joindre la terreur transparente dans le théme des opétations oculaires, subies, tour 4 tour, par le pére (réellement) et par le fils (phantasmatiquement), fait de la passion de savoir, de savoir la vérité, dans sa plus pro- fonde intimité, une passion de jouir : jouir de savoir, de savoir 4 la fin, voite au-dela de la fin, et sans doute est-ce la raison pour laquelle un jugement dernier reste exigé. — Telle est Porigine hors temps et toujours présente de cette vidia ou de cette concu- piscence du regard, qu’il suffit 4 l’occasion d’un livre bariolé pour nous en remplir les yeux. Mais que le pére mette le livre a la portée des entreprises de son fils, quel usage en attendre, sinon qu’il le déchire ? Car de le manger, il n’est pas question, sinon par métaphore. “ Ver des livres ” est en effet la métaphore ott le réveur se saisit dans la racine méme de son identité, de méme qu’il fait un pas vers le sens de son désir grace 4 la substitution qui, 4 la place du livre, met en avant, de fagon répétitive, insistante, surdéterminée, la métaphore de la monographie botanique. Comment [’entendre ? Quand nous constatons comment il cite, comme second exemple de la condensation, un réve de l’un de ses patients, reve qui tourne tout entier autour de la métaphore biblique du “ pommier ”, nous ne doutons guére que, dans ses associations comme dans l’inter- prétation faite de son réve, Freud a touché 4 ce niveau profond ot le réveur, 4 Pinstar du Dieu d’Abraham, ne saurait parler autre- ment que par métaphore, et ot la métaphore prépare Pavénement du sujet au sens ultime de son deésir. Au vrai, nous ne serions pas étonnés d’apprendre, si cela était possible, que dans le “ je vois le livre devant moi ”, le réve de 209 CONDENSATION ET DEPLACEMENT Freud répétait cet instant reculé ob, dans le train qui l’emmenait avec sa famille errante, de Leipzig 4 Vienne, il a vu matrem toute nue1, Non pas que le réve de la “ monographie botanique” signi- fierait pour nous que Freud était “ un passionné d’inceste? ”. Au conttaire, nous pensons que ce serait une erreur of se per- pétue le sommeil, que de se contenter d’une telle interprétation, En effet, qu’un sujet soit 4 méme de reconnaitre, dans un sou- venir-écran de son enfance, comme pdle de son désir, ce qui en était jusque-la ’objet inconscient et toujours 4 retrouver, implique que cet objet se prétait déja 4 cette reconnaissance od s’accomplit son destin comme objet fait pour qu’on y renonce. « Lejugement succéde au refoulement », pour reprendre les termes de Freud. De fait, c’est P'interdi&ion de Vinceste qui, en privant le sujet de toute connaissance possible de l’objet primordial, lequel s’entoure de la menace de castration 5, fonde le désir sur le manque qui s’ins- taure ainsi, comme désir métonymique, désir d’autre chose‘, de retrouvaille. Sans ce caraétére métonymique du désir, il n’y aurait pas une interrogation sur son sens et sa direétion, en Poccurrence interro- gation par Freud sur le sens de sa bibliophilie. En toute rigueur, le désit est cette interrogation, et c’est la taison de l’intrication, dont ce réve témoigne, de la pulsion épistémophilique avec la pulsion orale. La réponse 4 cette interrogation n’a pas besoin de se poursuivre 4 Vinfini, comme si le sujet devait refaire indéfiniment le tour du di@ionnaire, Car le désir a un sens qui s’origine non pas dans Pobjet, le reférent, mais dans le mangue d’objet. Par conséquent, toute substitution signifiante raméne nécessairement le sujet 4 son manque 4 étre, que Freud enroule autour de ce manque radical qu’est le manque du pénis chez la mére. Seule impression indifférente de la monographie botanique qu'il avait vue le matin fut habilitée 4 figurer dans le réve de Freud. D’abord en raison de la multiplicité des liens associatifs qu’elle 1. CE, Lanaissance de la psychanalyse, p. 194. 2. Cf, S, Leclaire, “ La réalité du désir ”, in Cabiers Latnnec, septembre 1965, p. 95. 3. On notera également la thématique de Ja castration imaginaire, transparente dans les allusions a son incompétence. 4. CE, Lacan, La direttion de la cure, in Herits, p. 622. 210 Nihitiiiiinsinneeaananiaanllll CONDENSATION ET DEPLACEMENT avait, plus que toute autre impression de la journée, avec la con- ~ versation de la veille, et surtout parce que ce signifiant, en raison 7 du réle particulier que les monographies avaient joué dans la vie de Freud, était le mieux placé pour éclaircir ce qui se jouait pour lui 4 propos de l’objet de sa passion, le livre, c’est : la charge quil adressait, tout en la taisant, 4 son ami et interlocuteur de la veille, et celle, qu’il recevait on ne savait d’ot+, Et seul le refoulement de cet objet, attesté par son apparition censutée dans un autre segment du réve, a permis, grace aux associations, la reconnaissance de la valeur métonymique de la bibliophilie, en tant que passion qui se soutient de son renvoi, comme 4 sa source, 4 un désir impossible 4 satisfaite. Enfin si substitution, que la pensée no@urne ne saurait 4 proprement parler opérer qu’entre les signifiants de l'image oni- tique et de Pobjet 2, appelle une interprétation, c’est pour que s’y consomme le deuil ot doit se résoudre et s’affermir le désit. La complexité apparente du travail du réve vient, d’une part, de ce que le réve se poursuit dans des conditions telles que le 1. Ce “on ne savait d’od” trouve sa place dans la formule de la substitution signi- fante ou de Vinduttion métaphorique, formule que nous reproduisons ici d’aprés les “Borits,p. 557, patce quelle retrace notre chemin, marquée par un x : 5 ee #5 >s(?) Le symbole x ne représente donc pas un inconnu pur, celui auquel répond notre sentiment quand nous affirmons simplement que le réve a un sens, mais un inconnu déterminé que les associations nous permettent de formuler comme l’inconnu de tel ou tel objet en tant qu’il joue dans la vie du sujet une fonétion de signifiant. En outre, Vinterprétation d’une métaphore ou d’un réve, ne signifie pas qu’on a acquis pour au- tant tout le champ du signifié. C’est Pune des deux raisons essentielles pour lesquelles il convenait, selon nous, de symboliser ce signifié sous la forme d’une fraction — Pautre raison étant d’éviter Ja réintroduétion de la correspondance bi-univoque entre le signifiant ct le signifié que suggere Valgorithme es comme Je font souvent les linguistes dés qu’on passe du niveau des phonémes a celui des mots et des phrases, 2, Notons que c’est sculement grice au nom qu’elle porte que cette image se pré- sente comme Pimage d’un objet défini, De sorte que l’affirmation selon laquelle le réve a.un sens, équivaut a ’affirmation que le sens ne s’épuise pas dans l’objet quele nom pourtant désigne. La distin@ion entre le sens ou la signification, d’une part, et le signifié ou la signification regue, autre part, se superpose pour nous a la distin@ion topique entre le contenu latent et le contenu manifeste, entre 'incon- scient et le conscient, respectivement. 21 CONDENSATION ET DEPLACEMENT dormeur ne doit pas prendre connaissance de ce sut quoi il s’inter- roge, ni, partant, de occasion qui l’a incité 4 cette interrogation. Elle vient, d’autre part, de ce que le réve parle sans parler pour autant 4 quelqu’un?, d’ou usage des métaphores qui ne prennent leur valeur éclairante que de la référence 4 Vhistoire du sujet. Malgré cette complexité apparente, “ la voix de la raison (nous dirions : le message de la métaphore) finit par se faire en- tendre ”: réellement et véritablement, l’ceuvre, je veux dire le travail, n’est pas une conquéte de la totalité, de la plénitude. — Et quand Freud écrira la Traumdentung, il Paura fait pour nous, et non pas pour Fliess ! Lerreut que nous dénongons consiste 4 méconnaitre la fonfion de P’appel 4 Vinterprétation, comme moment oi c’est sous la forme d’un mensonge qui ne demande qu’A se faire entendre que la vérité s’annonce. Ce n’est qu’a la condition de nous en apercevoit que nous pou- vons préter ’oreille avec Lacan 4 V’enseignement du freudisme en tant que seul le freudisme nous démontre que “ le sexe n’est pas tout ”, que “ mort et sexualité ” sont deux choses. “Il ne faut pas offenser la pudeur des divinités des songes ”, dit Nerval. L’interprétation freudienne n’a pas 4 s’embarrasser de telles craintes. Afin de dégager la conception de la métaphore et de la méto- nymie qui nous a guidé dans les analyses précédentes, disons dabord quelle raison a empéché, depuis ’Antiquité, la constitu- tion d’une do@rine recevable des tropes. Si tout trope consiste, comme il semble, 4 utiliser un mot 4 la place d’un autre, ou dans un autre sens que son sens propre, qu’est-ce qui nous permettra de distinguer une métaphore d’une métonymie — pour nous limiter 4 ces deux figures majeures? Nous sommes obligés de consulter les rapports entre les idées que les mots sont censés, selon cette vue, signifier. La doétrine associationniste a considé- tablement simplifié ces rapports, a les réduisant 4 deux lois majeures : celles de la contiguité et de la ressemblance. Malgré 1. On se rappelle ici la définition que Lacan donne du signifiant par opposition au signe. Celui-ci est “ ce qui représente quelque chose pour quelqu’un ” (Peirce), alors que “le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ”. 212 CONDENSATION ET DEPLACEMENT ce gain économique, aucune théorie thétorique satisfaisante n’a vu le jour. Patce que la distin@ion entre un sens propre et un sens figuté implique toute une théorie qui, premiérement, raméne la signi- fication 4 la correspondance bi-univoque entre les mots et les choses ou, plus généralement, entre les mots et les représentations, et, deuxigmement, subordonne la fonéion du langage, et partant sa genése, 4 la signification qu’il doit rendre. Cettes, beaucoup dauteurs essaient d’assouplir cette vue, évidemment trop étroite, en multipliant les fon@ions du langage, mais ils le font justement dans la mesure ob ils n’interpellent pas cette vue elle-méme, ni la théorie rhétorique qu’elle entraine depuis Aristote. Or, les rhétoriciens, eux, sont souvent les premiers 4 constater 4 quel point les mots — que nous ne trouvons jamais, soit dit entre parentheses, en dehors d’un certain “ état de langue ” — sont dépourvus de tout sens qui leur soit assignable en propre, au sens juridique du terme. Seulement, faute de reconnaitre dans ce dénuement, dans ce manque primitif du lien avec un sens propre, Ja condition sans laquelle le signifiant n’aurait juStement pas, “ dans Pétat a€tuel de la langue ”, une multiplicité des signifi- cations “‘ qui sont toutes également des significations proptes*”, les mémes rhétoriciens n’en continuent pas moins 4 croire au sens “ propre ”, “ originel ”, ainsi qu’aux transferts qui se font 4 partir de ce sens-ld, sur lequel pourtant personne n’a jamais mis la main *, Mais c’est justement le mérite, immense, de leurs écrits, que cette conception, si j’ose dire capitaliste, du sens propre appa- rait pour ce qu’elle est : un préjugé, Ici nous citerons volontiers Fontanier, car rien ne prouve mieux ce que nous venons de dire, que les conclusions auxquelles le conduisent ses réflexions sur l’origine et sur les causes des tropes : “ D’aprés ce que nous venons de dire sur Porigine et sur les 1. Comme s’exprime un admirable rhétoricien que nous connaissons grace aux soins de Gérard Genette, qui a publié récemment ses ceuvres : Pierre Fontanier, hes Figures du Ditcours, Flammarion, Coll. Science de "homme, p. 219. 2, Cette difficulté a se défaire de la notion du sens propre est au fond identique & celle qui nous empéche de nous faire de la représentation une autre conception que celle selon laquelle, selon les termes de Brentano, “ étre représenté c'est apparaitre”. Seule Pexpérience freudienne de P’inconscient nous oblige a une révision de ces posi tions séculaires. 213 (CONDENSATION ET DEPLACEMENT causes des tropes, il y a nécessairement, dans chaque langue, un grand nombre de tropes, qui remontent jusqu’4 la premiére ori- gine de la langue, puisqu’il y en a un grand nombre sans lesquels la langue n’eGt pu naitre; il y en a aussi beaucoup d’autres sans doute qui, liés, ou comme causes, ou comme moyens, ou comme effets, au progrés et au développement de la langue, ou au progrés et au développement des sciences et des arts, n’ont pu que précéder accompagnet ou suivre de plus ou moins prés ce progrés et ce développement. Mais, quoiqu’il en soit du plus ou moins d’an- cienneté de tels ou tels tropes, et quelle qu’ait pu étre l'occasion ou Pépoque de leur création, il n’en est pas moins vrai que les uns, aGtuellement, et méme la plupart, comme également regus, et ne portant aucun cata@ére de nouveauté, tiennent au fond méme de la langue, tandis que les autres, en petit nombre, n’y tiennent pas du tout, ou comme encore trop nouveaux, ou comme nayant guére pour eux que lautorité de ’éctivain qui Jes a mis au jour. Or, n’est-ce pas 1a entre eux une différence assez essentielle pour que nous en fassions le sujet et le fondement d’une distinétion ? Appelons les premiers, Tropes d’usage, ou Tropes de Ja Tangue, et les seconds, Tropes dinvention, ou Tropes de V’écrivain. C'est ainsi que les appelle Pabbé de Rodonvilliers dans son excellent Traité de la manitre d’apprendre les langues +”. Au vrai, cette derniére distin@ion reproduit une opposition, celle entre la figure et 'usage, que auteur, comme nous Papprend Genette dans son introduétion, avait déja formulée dans ces termes : “ On pourrait, dit-il, dans le Commentaire, prouvet pat mille exem- ples que les figures les plus hardies dans le principe cessent d’étre regatdées comme figures lotsqu’elles sont devenues tout a fait communes et usuelles *. ” Mais alors un probléme surgit. D’une part, Fontanier élabore une doétrine centrée autour de la notion de la figure qu’il définit dans ces termes : “ Les figures du discours sont les traits, les formes ou les tours... pat lesquels le langage... s’éloigne plus ou moins de ce qui en efit été expression simple et commune *. Hf 1. Pierre Fontanier, /es Figures du Discours, Flammarion, coll. Science de l’homme, P.164. 2, Ibid., Introduétion p. 9-10. 5. Ibid, p. 9. 214 CONDENSATION ET DEPLACEMENT “ Mais autre part, écrit Genette, il sait bien, comme tous les thétoriciens le répétent depuis Boileau, que les figures sont aussi dans Vusage, et qu’il s’en produit plus en un jour de halle qu’en plusieurs séances d’Académie 1, ” L’usage est 4 la fois le critére et Pécart par rapport au critére | Pour lever ce paradoxe, Genette nous incite 4 mettre l’accent, dans la définition de Fontanier, non pas sur l’adjectif “ commune ” mais sur “ simple ”. Cette solution est peu satisfaisante, Car elle nous oblige en fin de compte 4 admettre une pensée sans “ arti- fice ” et sans “ feinte * ””, laquelle n’est en fait que la vérité te/ve que Pautre finit par Pentendre, et qui autrement, c’est-a-dite, justement, sans la “ feinte ”, n’aurait pu se faire entendre. Confusion qu’il eSt essentiel de dissiper, si nous ne voulons pas que toute la fon@tion de la parole nous échappe, qui n’est pas d’exprimer la pensée, mais dindiquer la position du sujet pat rapport 4 la vérité. On ne saurait considérer comme accidentel le recours de Didon 4 interrogation, alors que tout son discours *, notamment pat l’absence de toute im- ptécation comme de toute référence 4 un au-delé ot s’annulerait selon l’expression de Kant, “ V’antinomie pratique entre la vertu et le bonheur ”, témoigne de son intégration maximale de cette vérité : on n’a qu’une seule vie — celle 4 laquelle elle renonce pourtant. A supposer qu’un sujet puisse annoncer “ simplement ” un tel renoncement, cette simplicité serait elleméme un artifice destiné 4 obtenir de Pinterlocuteur un effet : un effet ob s’indique justement son rapport 4 cette méme vérité. Ala vérité, s°il y a apparence de contradi@tion, il suffit de Pavoir formulée comme nous venons de le faire, avec Genette, pour qu'elle se dissipe : elle réside dans ’Equivoque du mot “ usage ” qui confond ici “ code ” et “ parole ”. Il n’y a aucune contra- diGion a parler d’un “ écart par rapport 4 usage et dans usage”, pourvu qu’on entende par 14 que s’il y a une limite 4 la diversité des significations regues, communes, du signifiant dans le code ou dans l’état a@uel dela langue, il n’y a par contre aucune limite assignable a priori aux significations inédites, étonnantes ou insensées, que la parole peut y faire entendre. 1, PierreFontanier, /es Figures du Di scours, Flammarion, coll. science delShomme, p. ro. 2. Ibid., p. 12. 3. Ibid, ne 412. 215 CONDENSATION ET DEPLACEMENT A titre d’exemple, citons d’aprés la belle étude d’Antoine Gré- goire! Pusage fait par un enfant qui n’avait méme pas terminé la premiére année de sa vie, de ce mot entre tous auquel les meil- leurs auteurs accorderaient volontiets la valeur du pointing geflure*, Je mot “ maman ” : “ au onziéme mois, l’enfant dit mama... en voyant un cuf, dont il désire la coquille. Pour quelle raison dit-il mama? Ch. déjeune, sa mére s’occupe de lui, l’ceuf inté- resse avant tout; un désir nait en lui; ~ama combine en lui-méme Pobjet désiré, la scéne qui se déroule, et 4 un degré plus élevé peut-étre, la personne de la mére, 4 laquelle se rattachent presque tous les événements. Aprés ce mot de V’enfant, sa mére tépéte “* maman”’, C’est 14 un second aéte, aéte inattendu, dont la consécra- tion sera lointaine; car pour le moment, l’enfant répond papa, tout en répétant 4 son tour : wama. Pourquoi papa I’a-t-il emporté ? L’intervention de la mére a détourné V’attention du bébé : c’est au réveil, quotidiennement, que les parents répétent devant lui les noms de papa et maman, en une sorte de formule. L’enfant montre bien qu’il en est ainsi : en imitateur averti, et comme sollicité une fois de plus de répéter la formule, il la rétablit correctement en disant d’abord papa : on dirait un écho savant, qui fon@tionnerait 4 rebours et qui serait plus complet que la réalité. ” Nous ne croyons nullement infirmer Pinterprétation de l’auteur, si nous voyons dans cette introduétion de papa, qui ne laisse pas de Pétonner, quelque chose de plus qu’une simple association : une véritable réaGtion 4 Vintervention de la mére en tant qu’elle se tappelle 4 son intention comme objet, comme référent, réa@ion qui vise 4 produire, selon les propres termes de ’auteur, une plus gtande complétude que la réalité n’en offrait, c’est-d-dire ce que nous appelons précisément un manque. En fait la mére ne fait qu’exprimer son amour, quand elle se désigne comme celle qui remplirait un certain vide, lequel s’instaure justement de son éviGtion *, Angoissé, le petit enfant restitue ce vide nécessaire en 1. Cf. Apprentissage du langage, les Belles Lettres, Paris, 1937, p. 88. 2, CE Vigotsky, Thought and Language, The M.L.T. Press, Cambridge, Mass., p. 30. I s’agit dun passage of V’auteur, auque! nous devons pourtant les meilleures pages jamais écrites 4 notre connaissance par un psychologue sur “ le mot et la pensée ”, prétend repérer dans le geste de Vindex pointé lorigine de ce que Stern appelle la * référence objective”. En réalité, il ne fait que démontret son ressort imaginaire. 3. Il n’en est pas de méme quand V’analyste se désigne comme Vobjet du désir, 216 CONDENSATION ET DEPLACEMENT jatroduisant le terme symbolique qui le fonde et le signifie. Une seconde raison, qui n’est pas la moindre, de Vinsatisfaéion ot nous 2 toujours laissés la doétrine des tropes, est la suivante : en subordonnant le signifiant au signifié, et en envisageant, par consé- quent, les lois de association comme des lois qui gouvernent les rapports entre les idées ou les représentations, cette doétrine échoue inévitablement 4 expliquer les effets ct de la métonymie et de la métaphore. Pour la premiére, tappelons le commentaire de J. Lacan sur le célébre exemple de “ trente voiles ” : “ Ta pattie prise pour le tout, nous ditions nous en effet, si Ja chose eSt 4 prendre au récl, ne nous laisse guéte didée de ce quil faut entendre de V'importance de la flotte que ces trentes voiles pourtant sont sensées évaluer : qu’un navire n’est qu’une voile et en effet le cas le moins commun. “A quoi se voit que la connexion du navire et de la voile n’est pas ailleurs que dans le signifiant, et que c’est dans le mot @ mot de cette connexion que d’appuie la métonymie +”. D’une maniére générale, la caractéristique la plus essentielle de la métonymie réside, selon nous, dans l’adresse avec laquelle, elle tire parti de la variabilité du sens selon le contexte, ou du fait qu’iln’y a nulle signification qui ne se soutienne, sinon du tenvoi 4 une autre signification pour introduire le manque. “ Trente voiles ”’: la flotte en gagne plus de majesté qu’elle n’en a en réalité. “ Il fait tracer leur perfe autour de leurs murailles ” : leur perte est déja “ faussement ” chose faite. “ je bois un verre ” : c’est-d-dire, ce que je laisserai, justement quand j’aurai tout bu. “ Je vois le livre ”, dans cette métonymie cachée ot le livre renvoyait 4 une vue impossible, c’est ’étre méme du désir qui s’offrait 4 nous. Quant 4 la métaphore, la ramener (ou vouloir la ramenet) 4 un rapport de ressemblance (ou de contraste) entre les signifiés (ou les images), c’est méconnaitre ce que nous croyons avoir montré comme étant sa fonétion subjective essentielle, celle d’un franchissement de la barre de la résistance qui sépare le signifiant du baptisé “ transférentiel ”, du patient. La littérature analytique ne manque pas d’exem- ples qui nous montrent comment de telles interprétations peuvent produire & Pocca- sion des symptémes de perversion transitoires. 1. Esrits, p. 505-6. 217 CONDENSATION ET DEPLACEMENT signifié. Fon@ionnement qui s’enracine non pas seulement dans le fait qu’ “ on approche le sens d’un mot & travers un autre mot ”, comme s’exprime Vigotsky 1, mais plus fondamentalement encore, dans le fait que la définition du signifiant comme pure différence entraine son équivalence principielle avec ce dont il est différent, chacun étant Autre sans participation au Méme. La commu- tativité des signifiants découle de leur définition avant de s’auto- tiser de leurs significations. Aussi n’y a-t-il rien d’étonnant 4 ce que nous voyions l’enfant s’exercer trés t6t 4 cette pure commuta- tivité qui constitue l’essence méme du signifiant — fait déja noté pat Dreyer qui écrit : ‘“ Pour comprendre les progrés dans V’art (nous ajoutetions volonticrs : métaphorique) de parler, il est un fait important, c’est que souvent les mots sont employés les uns pour les autres. Ainsil’enfant dira wafja (eau) pour buoto (beurre) *. ” Ala vérité, seule la limitation de notre conception du sujet au sujet de la connaissance, nous entraine,4 chercher le fondement, voire la loi, de la métaphore dans le champ du signifié. Mais qu’on appelle ce fondement ressemblance, analogie, contraste, ou comme on voudta, peu importe : la métaphore, quoi qu’on en dise, n’aura dés lors d’autre effet que de faire de V’effet. Néanmoins, il ne suffit pas de s’apercevoir des insuffisances d’une théorie pour les surmonter. Ici, c’est Roman Jakobson quinous a montré le chemin 3, Reprenant sans doute la distinG@ion que nous devons au génie deF. Saussure, entre les rapports syntagmatiques et les rapports paradigmatiques ou associatifs, il a pu nous montrer dans la conti- guité et la similarité, non pas les lois de l’association entre les idées, mais les deux axes du langage qui interviennent dans tout aéte de parole — d’ou on peut déduire, incidemment, que Ia rédu@ion associationniste dont nous avons parlé plus haut ne faisait que témoigner, 4 l’insu de ses auteurs du caraétére inéliminable des lois du signifiant en tant qu’il impose sa stru@ure au champ du signifié. “ Parler ”, c’est nécessairement “ combiner ” et “ substi- 1. Loe, cit, p. 53. 2. CEL’ Amede l'enfant, te.f, par le Dr H. de Varigny, Félix Alcan, Patis, 1887, p. 409. 3. CE, “ Deux aspetts du langage et deux types d’aphasie ”, in Essais de linguiffique shéralt, te. fr. pat Nicolas Ruwet, Bditions de Minuit. 218 CONDENSATION ET DEPLACEMENT tuer ” tout ensemble. Méme un “ trouble de la contiguité ” allant jusqu’s Vagrammatisme a’entraine pas la perte totale des mots. Or, un mot est déja une unité plus élevée ob s’englobent ou se combinent des unités plus simples. De méme, un aphasique atteint d’un * trouble de la similarité ” n’en est pas moins obligé, du moment quwil a 4 communiquer une signification quelconque, aussi humble qu’elle puisse étre, de faite recours 4 des “ substitutions ” : ainsi, il dit “ couvert ” ou “ fourchette ” au lieu de “ couteau ”. Cela n’empéche pas que cet exemple méme témoigne du caraétére privi- légié que prend dans son discours le rapport de contiguité qui vient en quelque sorte suppléer 4 la carence de l’axe de la substitution. Aussi, est-ce 4 trés juste titre que Jakobson nous apprend 4 considérer de tels faits non pas comme des substitutions 4 proprement parler, mais comme des “ projections de la ligne du contexte habituel sut la ligne de la substitution et de la séletion *”. Néanmoins, le fait qu’il s’agit de troubles du langage, c’est-a-dire des troubles qui se situent non pas au niveau de la parole mais plutét au niveau de I’ encodage ”, a permis 4 Jakobson de garder 4 la théorie de la métaphore Pappui qu’elle veut trouver dans la similarité. Cest ainsi qu’il entérine des synonymies telles que Tongue-vue au lieu de microscope, few au lieu de Jumibre de gaz, ou des interprétations “ métalinguistiques *” telles que célibataire = homme mari¢, comme des identifications de nature métaphorique. S’il ne les considére pas comme des métaphores 4 proprement parler et préfére les appeler avec Jackson, des expressions quasi métaphoriques, c’eSt parce que “ par opposition aux métaphores rhétoriques ou poétiques, elles ne présentent aucun transfert délibéré de sens *”. 1. CE, Jakobson, /oe, cit., p. 57- 2, Ibid., p. 56. Faute de s’apercevoir de cette distin&ion, on setombe dans la vue selon laquelle tout et substitution, donc métaphore (cf. Vitor H. Rosen, “Sign pheno- mena and their relationship to unconscious meaning ”, in The International Journal of Prychoanalysis, vol. $0 part 2). En fait, cette demiére conclusion est une autre erreur ; de méme que toute combinaison n’est pas une métonymie, bien que celle-cis’exerce selon ’axe de la combinaison, de méme toute substitution n’est pas une métaphore comme nous le verrons. 3. L’application judicieuse que Jakobson fait de cette notion du “ métalangage” dans P’étude de Paphasie, ne doit pas nous cacher ce que ce terme comporte comme contresens ; que nous soyons obligés d’utiliser le langage pour parler du langage, e8t justement ce qui prouve que nous ne quittons pas celui-ci. 4, Ibid., p. 58. 219 CONDENSATION ET DEPLACEMENT Or, si nous autres analystes ne considérons pas de telles expres- sions comme des métaphores, bien qu’elles soient des substitutions, c’est justement en raison du réle prévalent qu’y joue la ressem- blance. Une métaphore ne demande pas de délibération. Au con- " traire. Quand on la trouve, c’est sans l’avoir recherchée 1. La déli- bération n’intervient chez le poéte ou le romancier qu’au niveau second de l’ordonnance des trouvailles selon des formes tradi- tionnelles ou novatrices ?. Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est 4 un psychanalyste que la métaphore doit sa libération de ce qui prétendait la régir, ainsi que la mise en lumiére de sa fonétion subje@tive comme passage vers le sens d’un désir dont ’étre se définit comme métonymie. En effet, nous ne pouvons que souscrire avec Jakobson 4 la for- mule de Jackson selon laquelle “ dire ce qu’est une chose, c’est dire 4 quoi elle ressemble * ”’. Or, en analyse, nous avons affaire 4 un sujet qui s’interroge sur son étre et dont la question vise juste- ment un 1é3¢ v1 et non pas un totdvse4. Dés lors, il appar- tenait 4 un analyste d’ajouter cette contribution que nous ne pou- vons mieux formuler qu’en le citant : “ Si la linguistique nous promeut le signifiant 4 y voir le déterminant du signifié, analyse révéle la vérité de ce rapport 4 faire des trous du sens les déter- minants de son discours 5. ” 1. De méme, quand on ne Ia trouve pas, c’est sans savoir qu’elle nous est exigée : cas d’échec dela fonétion métaphorique, qui se traduit par ’oubli, comme nous espé- rons le montrer en une autre occasion. 2, D’od I’on voit la confusion que composte la comparaison des procédés artisti- ques, par exemple ceux de la construétion romanesque, avec les processus primaires. 3. D’aprés Jakobson, oe. cit. p. 59. 4. Atistote, Métaphy ique 1039. 5. Lacan,“ Subversion du moyen et dialedtique du désic ”, in Ecrits p. 801. Puisque Jean Laplanche (cf, L’inconscient, ouvrage collestif sous la direétion de H. Ey, Desclée de Brouwer, p. 95, n° 1) n’a pas hésité a écrire : “il est facile didentifier hativement (Souligné par nous) le déplacement et la condensation avec la métonymic et laméta- phore”, nous aimerions souligner qu’il ne s’agit pourtant pas d’une these spéculative. Chaque analyste peut vérifier si tout signifiant qui insiste est une métaphore ou pas. Quant au déplacement, la vérification es encore plus facile, qu’il s’agisse de sa stru- ture Ia connexion et méme la connexion souvent forcée, ou de son résultat: occul- tation du vrai motif du réve, en tant que celui-ci se construit toujours autour d’un qutre centre ”, selon expression de Freud. 220 Préambule. L’écriture a toujours la ressource de pouvoir se faire simple transcription, la lecture point. Ce texte est le produit de la condition du sctibe qui sait écrire et qui ne sait pas lire, mais qui, un jour, de simple calligraphe qu’il était, se met 4 écrire sous la di&ée, apprenant donc a traduire son écoute; et puis, un autre jour il se met 4 penser que ce qu’il écrit, pourrait aussi bien étre donné 4 lire, étant ainsi retraduit en objet d’écoute, Alors, ce scribe, qui a découvert l’écoute, il n’a plus le choix. Le voila mis en position de siers par rapport au couple de l’auteur et du le&teur, et en position d’exc/4 par rapport au texte dont il tire sa fon@ion de scribe. Il voudrait pouvoir s’inventer un lieu o& i ne serait ni Pun ni autre. Mais il sait bien que le fait de rester anonyme ne résoudra son probléme que formellement, et que le fait d’y penser comme s’il ne V’était pas ne le résoudra pas non plus. Il ne lui reste alors d’autre issue que celle de afte qui consiste & écrire en laissant le texte se faire comme s’il en était tour 4 tour le le@eur et l’auteur, la page et la plume. Cet aéte ouvre le long chemin de la répétition, et d’un méme pas celui qui pose l’acte pour dire qu’il n’y a pas de savoir de atte. Ce texte, s’il devait s’adresser 4 un leCteur qui ne saurait pas écrire, ne se veut donc pour rien d’autre qu’un parcours de ce cetcle que dessinent les lettres ensemble, quand elles n’ont plus ni le support de la page ni de rapport 4 la plume. 223 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME 1. Prémisses. Il n’y a pas le choix? Il y a du moins un mot qui dit cette situation : “ ou”. P Le hasard. veut #ustt que ce mot, écrit sous un accent grave, permette de désigner le lieu. Faisons un pas : il n’y a pas le choix entre “ ou ” et “ ob”. Eluder accent vous jette dans une alternative, le pointer vous arréte en un lieu; et vous n’avez choisi ni ’un ni autre. Faisons un autte pas : ce qui s’appelle “ sujet ” n’est autre que Veffet de cette mutuelle exclusion entre sopos et /ogos. Et le champ de cette mutuelle exclusion, effet de la non-compossi- bilité de la logique avec le lieu, est celui que la psychanalyse tente dinstituer en domaine. Le discouts de tout modéle qui interpréte ce domaine, part donc de ce fait de Sppeiure que Peffet de Pintroduétion d’un sujet dans le champ en question, est de rendre Varticulation entre la logique et le liew aussi réelle qu’impossible. Le lieu dont il s’agit, désigné qu’il est par accent grave, n’est autre que le lieu du corps. Posons qu’il se définit comme non-deux, prenant justement a&e du fait que la logique, elle, s’instaure a partir de la dyade, que ce soit sous les espéces des principes d’iden- tité, de non-contradi€tion ou de bivalence. Si Valternative est sans issue, c’est donc bien parce que le lieu du corps ne peut se traduire dans ordre du logique que par une série de disjonéions, qui, dans la mesure ot elles sont supportées par un sujet, tantdt éliminé du liew tantét élidé dans la logique, deviennent pour lui choix inéluétable et perdant, 4 savoir : ce qui s’appelle “ aliénation ”. Le champ des “ formations de ’inconscient ” 4 quoi la psycha- nalyse a affaire, est pourtant celui de formations de compromis qui permettent, sur le mode de la dénégation, de retraduire le lieu dans la logique sous la forme d’une série de divisions qui peut s’épeler comme suit : 1. La division en “ homme ” et “ femme”. 2. Celle entre objet cause du “ désic ” (objet 2) et ensemble des effets de la “ demande ” (grand Autre). 3. Celle entre le “ corps ” et la “ jouissance ”. 224 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME 4. Celle entre “ savoir” et “ vérité ”. Trouver le géométral de ces points est possible. Car il n’en reste pas moins vrai que l’opération inverse, 4 savoir : “ Mettre un accent grave sur le ou ” et donc retraduire la logique dans le lieu, est non seulement possible, mais requis, chaque fois que le sujet, pour trancher Valternative, se barre en tant que sujet, permettant un | instant que la logique et le lieu s’appartiennent. | Il s’agit 14 de ce qui s’appelle un “ afte ”. Et celui-ci est effet dune confrontation entre le nouveau et ancien. Ces termes indisso- ciables et antithétiques teviennent 4 traduire dans le temps les registres toutaussi corrélatifs qu’antinomiques que sont le réel et Je symbolique. lly a de latte, parce qu’il y a du réel; et ce réel se destine 4 travers le nouveau. Mais cet ate qui institue une coupure ot le sujet se résout comme effet, est lui-méme une répétition, car il y a du symbolique. Cette dernitre disjonétion entre aéte et répétition constitue le noeud dont le discours de ce texte va plus précisément tenter de séparer les fils, ce qui nous fait passer des prémisses au résultat, ici anticipé. Et ces fils tissent eux-mémes un autre texte, celui du discours de Vinconscient qui a pour caraétéristique de désigner impossible comme téel, dans la mesure ot il s’agit bien aussi d’un discours, puisqu’il est dit que l’inconscient ne connait pas la contradiétion, et ot il s’agit bien du travail de cette étrange négation qui porte sur un réel qu’elle pointe comme impossible. Dés lors, la tache du discours sur le discours de l’inconscient est-elle d’organiser ces figures de l’impossible en une sublogique que l’on appellera “ logique du fantasme ”, et qui a justement pour aréte cette négation ot l’aéte et la répétition se recoupent et se nouent. Or, ce neeud n’est autre que celui du nom propre, comme simple quantificateur dans la logique, comme origine biffée de la parole dans le lieu, comme répétition du nom du pére et comme ate de naissance. Et c’est bien parce qu’il s’agit d’instituer un discours sur le fantasme qui stru€ture le discours de’inconscient, et parce que le nom propre est le nceud du fantasme, qu’il importe de faire porter sur lui la négation. L’éctit n’a pas de pére. 225 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME oe 2. La négation dans la grammaire. . © Linconscient ‘he ¢onnait pas la contradi@ion. ” Il importe de situer cette formule. Elle est prise dans une pré- conception concernant les rapports de la pensée au réel, laquelle faisait croire 4 son auteur que ce qu’il articulait devait étre situé en dega de toute articulation logique, comme une “ autre sctne ”. Or la logique 4 laquelle Freud fait référence, pour dire que la pensée inconsciente ne connait pas ses lois, se fonde sur un. schéme de Padaptation a la“ réalité ”; cc qui nous impose la tache d’ébran- ler ce terme de “ contradi&ion ”. Pour pouvoir isoler les différentes négations qu’il recouvre, il eSt tout d’abord nécessaire de séparer ces domaines qui s’emmélent dans la parole, mais que la logique formelle permet de radicale- ment distinguet, 4 savoir : la grammaire et la logique. La négation, dans son usage le plus courant, est celle qui fonc- tionne au niveau de la grammaire, 4 définic comme “ norme de corre@ion @un discours ”, puisqu’elle sert a exclure de quelque chose qui sera pensé comme totalité, ce qui ne peut se soutenir, dira-t-on, “ sans contradi&tion ”. Cette premitre négation se donne dés lors 4 Vintuition dans Vimage d’une limite 4 ne pas franchir, puisqu’elle est déja inscrite dans la norme de correstion du langage, sans laquelle aucune com- munication ne serait possible. Et cette image est sous-tendue par le geste ontologique qui consiste identifier une classe 4 un“ sujet”, et A cara€tériser cette classe par un“ prédicat ”, désignant du méme coup comme non joint au prédicat, qui est pat exemple le“ noir ”, tout ce qui n’est pas noir. Si ce qui est bati sur cette définition de la négation que Lacan €pingle du terme de “ négation complémentaire ”, nous laisse encore au niveau de la “ grammaire ”, c'est parce que de Dincor- reé&t on passe subrepticement au contradi€toire, s’étant en quelque sorte octroyé un métalangage constitué par les “ régles de la gram- maire ”, et ot la négation fonéionne dans la neutralité 4 cdté de “ interrogation ”, si elle porte sur les verbes, et 4 cdté des “ conjonétions ”, si elle porte sur les noms, mais ott la négation 226 A POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME, fon@ionne aussi et par ailleurs, sous les espéces de la “ contra- di@ion ”, comme ce qu’une grammaire bien faite doit permettre d’éviter. Autrement dit, le terme joue 4 la fois comme “ concept ” et comme “ intuition ”. . Et ce n’est pas un hasard, car il y a plus grave. Sur ce premier usage de la négation se greffe en effet toute une tradition dont Freud, aux dires de certains, hériterait avec sa notion de “ moi”, et qui lie les premiets pas de l’expérience au surgissement d’une entité autonome; par rapport 4 celle-ci, ce qui serait admis ou identifié serait appelé “ moi ”, ce qui serait exclu ou non reconnu serait appelé “ non-moi ”. Il y aurait donc une deuxiéme fonéion de la négation qui sur- viendrait au niveau de la division “ plaisir-déplaisir ”, et que le langage reprendrait par la suite 4 son compte sous la forme de la “ négation complémentaire ”. Il n’en est rien, pour cette raison que le langage n’admet en aucune fagon une telle complémentarité. En effet, le signifiant n’est pas seulement 4 penser comme ce qui supporte ce qui n’est pas la, a savoir : le“ signifié ” (et non le référent), mais comme ce qui ne se contentant pas de désigner ce qui n’est pas 1a l’engendre ; et ce qui n’est pas 14, c’est le sujet lui-méme, en tant qu’effet de Vimpossible confrontation de la logique avec le lieu, confronta- tion que le langage s’essaye en vain 4 refléter, en ce qu’il a pour fondion de référer le manque. C’est pourquoi, quand il s’agit du manque qui s’instaure comme la faille entre le besoin et la demande, ow vient se glisser le désir, le terme de “ moi ” est doublement illusoire : en tant certes qu’il engendre un ordre logique perverti, mais surtout, en tant qu’il est soumis aux avatars de l'image, et donc livré a la fonétion du faux-semblant. Aussi ce que l’on prend ici pour une négation sous-jacente n’est autre que ce qui fon&ionne dans la“ méconnaissance””, A partir de quoi le sujet s’alisne dans Pimaginaire du leurre narcissique. S'il y a la une négation, on peut donc admettre que c’est celle qui institue le fantasme comme étoffe du désir, et qui nous laisse encore au niveau de larticulation grammaticale, dans la mesure ou, nous le verrons par la suite, fantasme et grammaite s’appat- tiennent et constituent un méme ordre. 227 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME Néanmoins cette négation de Ia méconnaissance se distingue de la négation complémentaire, en ce qu'elle est cortélative, non de Pinstauration d’un discours susceptible de se fermer, mais de la mise a jour du sujet comme référent du manque, et de la décou- verte de la castration. Ces pourquoi cette négation, une fois redoublée dans la déné- gation freudienne, que Yon pourrait ici redéfinir : “ méconnais- sance de la méconnaissance ”, rend possible le niveau du symbo- lique, et que joue en tant que telle la fonétion logique de sujet, en tant qu’il est “ ce qui représente un signifiant pour un autre signifiant ”, ou en anticipant, ce qui référe le manque sous les” espéces de l’objet a. 3. Lrécriture et la logique. Or, cette fonHion logique de sujet ne peut surgir, en tant que telle, que si Pécriture est thématisée comme marque de la lettre, remet- tant en question existence d’un univers du discours que le projet @une grammaire implique. Et il ne s’agit pas de cette écriture instrumentale ou mnémo- technique, qui dans la tradition philosophique est définie comme « signifiant de signifiant ”, mais de ce jeu de la répétition qui, se posant comme jeu, débarrasse ce qui est logique de la gangue gtammaticale qui V’enveloppe. ‘ Lécriture apporte en effet cette contrainte supplémentaire, qu’elle oblige 4 tenit compte de la duplicité du sujet de l’énoncia- tion et du sujet de Pénoncé. Le “ je mens ” ne fait vraiment dif- ficulté qu’une fois écrit. Or, le sujet en ses deux versants, nous aurons l’occasion dy revenir, est la racine de Ja fonfion de répétition chez Freud; et Pécriture devient donc la mise en aéte de cette répétition qui cherche 4 répéter précisément ce qui échappe, 4 savoir la marque premiére qui ne saurait se redoubler et qui échappe nécessairement hors de portée. Dés lors ce théme de Vécriture, tel que nous le reptenons 4 la suite de Lacan, permet de voir ce qui est en question dans une 228 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME logique du fantasme qui serait plus principielle que la logique inhérente 4 la théorie des ensembles. a En effet le seul support du concept d’ensemble est que tout ce qui peut se dire en fait de différences entre les éléments d’un en- semble, est exclu du jeu écrit, ce qui veut dire que nulle autre dif- férence n’existe entre les éléments que celle qui permet de répéter une méme opération. Et il s’agit bien de cette opération de la marque qui consiste 4 appliquer sur trois objets aussi hététoclites que possible un frait unaire. Or, il importe ici de souligner que ce qui est nécessairement occulté dans tout univers du discours tributaite de la métaphy- sique, c’est cette fontion du trait unaire, dans la mesure ob, cher- chant 4 unifier et 4 totaliser, on ne peut que le confondre avec le Un qui sett 4 compter de fagon récurrente. La logique mathématique qui ne se méprend pas sur le catac- tére écrit de ses développements, n’est pas ici en cause. Elle se tire de la difficulté en se donnant la possibilité d’axiomatiser ce rapport essentiel entre logique et écriture. Puisque ce rapport est instauré par le surgissement du sujet comme capacité @’itération, elle pose en effet qu’ “ aucun signifiant ne peut se signifier lui- méme ”, et donc, que la queStion de savoir ce que teprésente un signifiant en face de sa répétition passe pat ’éctiture. Cet axiome vient simplement formaliser l’'usage mathématique qui veut que, si nous posons une lettre A, nous la reprenions ensuite comme si elle était toujours la méme. S’il se présente dans une formulation ot la négation intervient, c’est en fait le“ ou ” exclusif qui est ici impliqué. Il faut en effet comprendre qu’un signifiant ne signifie dans sa présentation répétée qu’en tant que fonétionnant une premiére fois o# en tant que fonétionnant une deuxiéme fois. Faisons un sort 4 cette équivoque du langage, et disons que si Ja formule traduit une disjon@ion par la négation, ce n’est pas un effet du hasard, mais la conséquence du fait qu’il s’agit d’une thé- matisation de la marque, laquelle doit étre rapportée au concept d’a&e que nous aurons 4 mettre en place. Or, si Pécriture est posée comme “ ae ” et définie comme“ le champ de répétition de toutes les matques ”, elle peut certes se distinguet de l’univers du discours qui a pour caractéristiques de 229 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME se fermer, Mais c’est aussi seulement 4 travers l’éctiture que tout projet dunivers du discours se légitime, excluant justement quelque chose qu’il posera comme ne pouvant se soutenir écrit. Et cet usage de l’écriture dans un univers du discours revient en fait 4 jouer sur Pambiguité du terme d’écriture qui fonéionne aussi bien dans la langue formelle que dans la métalangue qui prétend justifier son emploi en l’axiomatisant. Or cette ambiguité est inéliminable. Le concept de “ logique ”, bien que grevé d’un passé philo- sophique plus chargé, peut du moins accéder au Statut du concept, alors que Péctiture reste plutét un champ et désigne une ambi- guité que la logique du phantasme a trés précisément pour fonétion de lever. 4. Vérité et logique: le“ pas-sans”. Mais il faut encore pour cela élucider les rapports de cette sublogique avec un concept qui n’est rien de moins que celui de véritt. Nous le rencontrons en effet nécessairement dans notre effort pour séparer logique et grammaite en-ce point ott Ja question se pose de savoir s’il est licite d’inscrire dans les signifiants du langage que prétend régenter la grammaire, un vrai et un faux manipulables logiquement, au moyen de “‘ tableaux de vérité ”, pat exemple, Au niveau de /a logique classique dont Je discouts de Vinconscient n’est pas censé appliquer les lois, dans la mesure oi elle n’est rien de plus que /a grammaire d’un univers du discours, put et simple reflet de la“ réalité ”, la solution inventée par les Stoiciens reste justement | paradoxale. | Elle consiste 4 se demander comment il faut que les propositions s’enchainent au regard du vrai et du faux; et la réponse trouvée revient 4 mettre en place une relation qu’on appellera “ implica- tion ”, et qui fait intervenir deux temps propositionnels : la“ pro- tase ” et “ V’apodose ”. On peut ainsi démontrer que le vrai ne saurait impliquer le faux; mais on ne patvient pas justement 4 empéchet que du faux 230 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME on puisse déduire aussi bien le vrai que le faux; c'est l’adage: Ex falso sequitur quod liber. Pourquoi la mise en place de l’implication entraine-t-elle Pap- patition d’un paradoxe ? Et la logique aristotélicienne n’a-t-elle pas rencontré un paradoxe identique ? La réponse a la deuxiéme question nous permettra de répondre 4 la premiére, A la question de savoir si une proposition “ implique ” l’exis- tence, il est fait réponse dans Aristote par la distin@ion entre “ contraire ” et“ contradiftoire ”. Le paradoxe rencontré est alors Je suivant : une proposition particuliére qui a son conttaite, im- plique incontestablement l’existence, tandis qu’une proposition univetselle qui ne peut avoir que sa contradi@oire, ne limplique nullement. Je peux dire, par exemple ; “ Tout centaure a six membres ”, et c’est absolument vrai; mais il n’y a pas de centaure; maintenant si je dis :“ Il y a des centaures qui en ont perdu un ”, cela implique que ces centautes existent, la proposition étant particuliére, Or il est facile de voir, 4 propos de ce second patadoxe, qu’il est nécessaire d’élucider une négation d’un nouvel ordre, portant sut le quantificateur qui opére subrepticement dans les contraires aristotéliciens, ou portant sur le “ faux ” dont on peut déduire le ete rai- 2? Il suffit en effet de renverser l’ordre des propositions dans “ p implique g ”, pour voir surgir :“ si non-g, pas de p”, et par la méme une négation qu’il est facile de retrouver dans les séquences signifiantes s’articulant autour d’un “ pas...sans ”. Or cette négation ne pouvait pas apparaitre dans la logique issue d’Aristote, en raison des contraintes auxquelles la définition doit se plier. Si, par exemple, je dis que: “ Tout nombte est pait ou impair ”, je ne définis pas pour Aristote le nombre, je ne fais qu’en indiquer la classe au moyen de ce qu’il appelle un“ propre”. Orla définition par le propre n’est pas une définition correfe, car elle ne donne pas le résultat de la virtualité d’une matiére (le genre” : animal) venue s’intégrer 4 une fotme (la “ différence spécifique ” : taisonnable), un“ prédicat ” (animal raisonnable) étant “ attribué ” aun “ sujet ” (homme). Si au contraire je définis ?homme par le “ propre ” : homme et femme, je n’attribue pas un prédicat 4 un sujet, je ne donne pas la 231 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME “ compréhension ” du terme, je me contente den indiquer “ Pex- tension ”, c’est-a-dite, de porter un jugement d’appartenance a une classe. Or c’est cela seul qui importe dans la science moderne ot toutes les définitions sont des définitions par le propre et ot Pon s’occupe seulement de faire en sorte qu’une méme “ extension ” puisse étre “ dénotée ” par plusieurs “ intensions ”, comme disent les Anglais. Et si je définis “ ’homme ” par le propre“ homme et femme ”, je peux fort bien passer de la proposition 4 Pexistence en écrivant : “ Tl n’y a pas homme sans femme ”, alors que si je le définis comme “ animal raisonnable ”, il est tout a fait plausible que Dio- gene cherche encore... Or, si Pon se souvient que la définition par gente prochain et différence spécifique était destinée 4 assurer Vextensionalité du discours, c’est-a-dite la prédicabilité sa/va veritate, jusque dans les contextes modaux, il apparait en clair que le paradoxe de VPimpli- cation des Stoiciens, n’est autre qu’une seconde mouture du pre- mier. S'il s’agit en effet d’éviter que du vrai on puisse déduire Je faux, c’est bien patce que les contextes modaux tisquent de mettre en question le principe de bivalence lui-méme. Mais on tombe alors sur cette conséquence imprévue que du faux on peut aussi déduire Je vrai, car‘ il n’y a pas de vrai sans faux”. Or, il ne s’agit justement pas de s’en tirer comme font les logi- ciens que la métaphysique intéresse. Incapables quwils sont de résister 4 la tentation du “ logocentrisme ”, ils affirment que le vrai ne concerne pas l’articulation signifiante, mais ce qu’elle veut dire. Tl nen est rien; car ce qui se déduit de Vinstauration d’un ordre formel ne saurait en aucun cas se fonder dans la signification référée, ‘A cela deux raisons: il es d’une patt impossible de parler @univocité a propos d’un référent; d’autre part Ja réciproquabilité salva veritate ne joue qu’au niveau de Varticulation signifiante, et il est toujours possible, quels que soient les signifiants avancés pour épingler de vrai ou de faux un référent, de Pimpliquer dans une circonstance od la vérité la plus clairement énoncée au titre du contenu signifié sera fausse, voire trompeuse. 2352 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME Il s’agit de titer les conséquences de cette aporie. La plus radi- cale est sans doute que la vérité n’est plus 4 chetcher dans le rap- port entre signifié et référent, mais dans le signifiant lui-méme, une fois que nous l’avons inscrit en ce /ien qui ne nous fait pas quitter la logique, mais qui nous oblige 4 supposer qu’il y a une vérité qui parle, et qui parle en tous ces points ot le savoir est surpris. Et il est surpris en ce qu’il lui faut déconneéter les rapports imaginaires entre logique et “ réalité ” pour s’apetcevoir qu’en restant au niveau du langage et des propositions qu’il articule, il existe un discours ot une méme chose peut étre affirmée et niée sous le méme point de vue, qui n’est autre que le discours de ’in- conscient. Or il n’eSt pas nécessaire, pour appréhendet sa logique, de se croire pris dans Valternative qui impliquerait un choix entre une dimension de la vérité qui aurait le mensonge pour contraire, au niveau de Pénonciation, et la dimension du vrai qui ne saurait impliquer le faux, au niveau de l’énoncé, puisque la bivalence reste une question en suspens dans /oxt discours, dans la mesure ou il n’y a pas d’énoncé sans énonciation. Quel est donc le statut de cette vérité 4 laquelle nous confronte le discours de V'inconscient ? Posons que cette vérité est indisso- ciable d’un langage qui serait discours sans parole, en tant que le sujet y serait radicalement mis en question, dés lors que la logique ct le lieu se recoupent, Cest pourquoi la régle analytique consiste 4 faire porter une interrogation radicale sur la question de savoir qui parle, Pincons- cient ayant pour statut d’étre un moment ot, 4 la place du sujet, parle du pur langage sous la forme d’une phrase dont la question eS toujours de savoir qui la dit. La logique du fantasme est donc celle oi le lieu vient subvertir toute logique fondée sur un sujet supposé savoir, puisqu’elle concerne ces lieux et ces points ob, si Pon peut dire, le langage parle de lui-méme. Ces pourquoi dans le discours induit par la régle, la vérité est posée comme devant étre cherchée dans les failles de Pénoncé, ce qui suppose une antécédence de la vérité rendant éventuelle- ment possible la réfeftion de ces failles. L’inconscient est en effet antérieur 4 tout ce qui peut étre qualifié 233 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME de sujet; il se pose comme langage avant que le sujet ne soit sup- posé savoit quoi que ce soit; et il y a une antériorité logique du Statut de la vérité sur tout sujet, qu’il s’énonce ou qu’il énonce. La négation du “ pas-sans ” qui ne fait que répéter cette anté- tiorité, devient donc ce déduit par od I’on passe pour faire que s’appartiennent la logique et le lieu, confrontés 4 une dimension qui n’est évidemment pas celle de la réalité, mais de la vérité. Or il n’est nulle part d’abri pour la vérité, sinon ot a place le langage. Et quand on objeéte 4 Freud qu’avec sa fagon de procéder il trouvera toujours un signifié pour faire le pont entre deux signi- fiants, il se contente de répondre que les lignes d’associations viennent se recouper en des points de redépart éle&tifs (qui dessinent en fait la stcu@ure d’un réseau), de telle sorte que la logique boi- teuse de V'implication est relayée par la vérité de la répétition ob le langage trouve son lieu. Lessentiel n’est donc pas tant de savoir si un événement a eu liew “* dans le réel ” ou non, que de découvrir comment le sujet a pu l’articuler en signifiants, c’est-a-dire, en vérifier la “ scéne ” par un symptéme od ceci n’allait pas sans cela, et od la vérité a partie liée avec la logique, ramenée en son vrai lieu. 5. Quil ny a point d? Autre. Il serait en ce point possible de faire le pont entre Ja sublogique et la vérité, grace 4 un concept de “ répétition ” qui resterait 4 construire, et qui aménerait tout de suite 4 une thématisation de “ Paffe””. Mais ce couple paradoxal resterait pendant, faute d’une élucidation de la négation qui y fon@ionne. Et il ne s’agit justement pas de la négation du troisitme ordre qui a trait 4 la conséquence de l’a&e, mais a celle qui fonfionne en rapport avec la conjonétion et/ou la disjon@ion dans la formule de de Morgan: Non (a et b) = Non-a o# Non-b On admettra sans difficulté qu’il s’agit de la méme négation qui fonétionne de part et d’autre du signe de l’équivalence. Il va nous falloir démontrer qu’il en va de méme quand on passe du formel au signifiant, pour autant que cette formule va servir dossature 234 a al POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME au modéle que nous allons forger pour rendre compte des résul- tats jusqu’ici obtenus. Si cest bien le passage d’une thématisation des rapports de la pensée au récl a celle des rapports de la pensée au langage qu’il nous a fallu enregistrer, 4 travers la torsion que nous avons fait subir au concept de vérité, il nous faut en titer la conséquence en disant que dans Pordre qu’instaure la science moderne, ce n’est plus la “ question de ’étre ” qui est pertinente, mais celle de la yérité dans ses rapports au fait de V’aliénation dont nous sommes is. Or, s’il faut en croire Heidegger, le “ refus de la question de Pétre ” est contemporain de Pinstauration du cogifo cartésien, a parti duquel la science moderne se croit assurée d’un fondement solide. C’e&t donc aux termes de ce cogito que nous allons éprouvet notre discours, en les dissociant de la formule grammaticale qui les enserte, pour pouvoir les traduire sous la forme d’une équation logique. Si en effet on remplace dans la formule de de Morgan les lettres act b par le“ je pense ” et le“ je suis ”, on obtient le résultat sui- vant : Non (Je pense ef Je suis) = Ox je ne pense pas Ox je ne suis pas. Et l’on voit tout de suite que le probléme de savoir s'il s’agit de la méme négation de part et d’autre du signe de l’Equivalence légitimera ou non la tradution que nous avons faite. Restant sur le plan de V’intuition, nous pouvons dA, en tous les cas, remarquer dans la premiére branche de l’équation que le “ je pense ” et le“ je suis ” sont reli¢s par un rapport de conjonc- tion et non d’implication; or, c’est ce que Descartes lui-méme souligne en élidant le fameux “ donc ” dans la version des Médi- tations. Nous pouvons tout aussi bien remarquer que la deuxiéme branche de l’€quation reproduit le schéma de Valiénation au niveau le plus radical possible, celui de la pensée et de l’étre du “ je ”. Le probléme es donc de savoir d’ot surgit la nécessité de faire porter Ja négation sur la conjonétion du “ je pense ” et du “je suis ”, et comment nommer l’opération d’équivalence dans Pordre du signifiant, si l’on veut qu'il s’agisse de la méme négation dans la deuxiéme branche, comme c’est le cas dans ordre formel. Trouver une réponse a la premiére question nous donnera une clef pour la deuxiéme. ao en POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME Tl nous faut pour cela introduire un nouveau terme, celui de V“ Autre ”, impliqué dire&ement dans la distin@ion entre“ sujet de l’énonciation ” et “ sujet de l’énoncé ”. Cet Autre apparait ‘ dans Freud sous la forme du “ tiers ”, toujours supposé par le “* mot d’esprit ”. Or, si Lacan fait subir au cogito opération sournoise qui con- siste, aprés le “ je pense ”, 4 mettre “ donc je suis ” entre guille- mets, situant donc une partie de la formule au niveau de l’énon- ciation, et l’autre au niveau de l’énoncé, c’est patce que la fon@ion du “ tiers ” lui est essentielle. CeSt avec Jui que j’argumente, Ini faisant renoncer une 4 une 4 toutes les voies du savoir, jusqu’a le surprendre 4 un tournant en lui faisant avouer qu’il faut bien que je sois, pour lui avoir fait parcourir ce chemin Mais le “ je ” qu’il me rend pout le“ je pense ” que je lui offre, n’est autre en définitive que l’ensemble vide, puisqu’il se constitue de ne contenit aucun élément. Le “ je pense ” n’est donc en fait que ’opération de vidage du “ je suis ”, et il devient par la méme un “ j’écris ”, seul capable d’effe€tuer l’évacuation pro- gtessive de tout ce qui est mis, en fait de savoir, 4 la portée du sujet du “ je suis ”. Le sujet de cette opération ne se trouve donc pas seulement en position it, mais en position de sujet déterminé par l’aéte méme qu’ tte, ce qu’exprime en latin ou en grec la diathése moyenne, par exemple dans /oguor. Or, tout “ atte ” pourrait se formule en ces termes, pour autant que le “ moyen ” dans une langue désigne cette faille entre sujet de I’énoncé et sujet de l’énon- ciation. Mais comme ce n’est pas meditor (qui est d’ailleurs le fréquentatif de medeor : je soigne), mais cogito que Descartes emploie, et sur- tout, comme il est essentiel 4 ce cogito, pour étre tenable, de pou- voir étre répété en chaque point de l’expérience, — alors qu’un = aéte se définit justement par le fait qu’il est tout 4 la fois coupure et répétition, nous le verrons plus loin en détail —, il se pourrait bien qu’en ce commencement de la science nous ayons affaite au néga- tif de tout aéte. Et la chose est fort plausible, si ’on se souvient de ce que le tiers avec lequel est négocié le cogito, n’est pas un autre affecté de POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME Ja marque, mais Dieu lui-méme, et un Dieu qui est “ celui des philosophes et des savants ”, trés précisément en ceci qu’il n’écrit pas et qu’il est de surcroit constamment supposé tout savoir. En effet, comme il se voit en clair dans les Regulae..., le cogito n’est pas tenable, s’il ne se complete c’un sum, ergo Deus eff, et du postulat corrélatif, suivant lequel le néant n’a pas d’attribut. Des- cartes remet donc 4 la charge d’un Autre qui ne serait pas marqué les conséquences décisives de ce pas qui instaure la science. Il est, en ce point, devenu possible de répondre 4 la deuxiéme question, concernant la nature de l’opération sous-jacente au signe de ’équivalence, dans ’équation qui struture le modéle que nous sommes en train de construire, En effet, si l’on part de cette hypothése que ce qui s’appelle penser est constitutif dune interrogation sur le non-étre, et si c’e&t bien A cette question de l’étre qu’il est mis'un terme avec le cogito, qui est donc 4 proprement parler un non-penser, enfin si la conséquence de ce “ refus ”, puis de cet “ oubli de la question de Vétre ”, eSt de voir surgit un“ Autre ”, non marqué et supposé savoir, il est clair que le cogifo en tant qu’opération mentale a la méme struture que la “ forclusion ”, laquelle entraine que ce qui est rejeté dans le symbolique tepataisse dans le réel. Mais il s’agit 14 d’une forclusion d’un genre bien particulier, puisque ce qui reparait dans le réel, ce n’est rien de moins que la science moderne, se targuant d’étre assurée d’un fondement solide. En fait, il va falloir qu’elle se le donne au moyen d’une nouvelle forclusion, celle justement de cet Autre que le cogito a fait surgit. La découverte newtonienne, en effet, loin d’impliquer un espace partes extra partes, donne a l’étendue pour essence d’avoir préci- sément chacun de ses points relié par sa masse a tous les autres. Quant 4 la “‘ chose pensante ”, loin d’étre sous les espéces du sujet un point d’unification indéfe@ible, elle porte au contraire la marque du morcellement, lequel se démontre en quelque sorte dans tout le développement de la logique moderne, aboutissant 4 faire de la res cogifans non point un sujet, mais une combinatoire de notations. Faire porter la négation sur la réunion du “ je pense ” et du “ je suis ” revient 4 prendre afte de ces conséquences et 4 les traduire en écrivant l’opération qui la fonde, a savoir: qu'il n’y a 25 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME point d’Autre. Tout ce qui se fonde seulement sur ce recours 4 PAutre est donc frappé de caducité; seul peut y subsister ce qui prend la forme d’un raisonnement par récurrence. sychanalyse, nous dit Lacan, est logée a la méme enseigne. pe Mie, en effet, que la non-existence de l’Autre dans le champ des mathématiques correspond 4 un usage limité dans l’emploi des signes et 4 la possibilité du va-et-vient entre ce qui est établi et ce qui cSt articulé, de méme le sigle S() (signifiant du grand Autre barré) revient 4 constater qu’il n’y a nul lieu ott s’assure la vérité constituée par la parole, ou nulle place qui justifie la mise en question par des mots de ce qui n’est que mots, toute la diale@ique du désir et le réseau de marques qu’elle forme se creusant dans Vintervalle entre Pénoncé et Pénonciation. L’Autre est donc un champ marqué de la méme finitude que le sujet lni-méme ?eé qui fait dépendre le sujet des effets du signifiant, fait du méme coup que le lieu ob s’assure le besoin de vérité est Jui-méme fra@turé en ces deux faces de l’énoncé et de l’énonciation. C’eSt pourquoi la réunion du “ je pense ” et du “ je suis ” doit étre en son principe niée de cette négation du quatri¢me ordre qu’il va nous falloir appeler : “ négation de castration ”. 6. Forclusion et déni. Il ne devrait pas, en effet, échapper que cette négation qui ne fon@ionne pour le moment que dans un modéle vide, est en fait induite par la sexualité, telle qu’elle est vécue, mais surtout telle qu’elle opére. * La sexualité se présente en effet comme un “ se défendre ” de donner suite a cette vérité“ qu’il n’y a point d’Autre ”, trés préci- sément en ceci que le manque est inaugural pour enfant, dés lors qu'il découvre avec horreur que sa mére est castrée. Or, la mére ne désigne tien de moins que cet Autre qui est mis en question 4 Yorigine de toute opération logique. La philosophie, d’une maniére analogue, et toute tentative pour rétablir dans la légitimité un “ univers du discouts ”, consiste, une | fois qu’elle s’est donnée une marque dans ’écriture, a Ja raturer = 238 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME du méme geste dans |’Autte, le présentant comme non-affecté par la marque. _ Of, cette marque que se donne le philosophe et 4 partir de laquelle tous les rejets dans le symbolique sont possibles, aussi bien celui dont V’effet reparait dans Je réel sous forme d’halluci- nation, que celui dont l’effet est de la science, n’est autre que le tenant-lieu d’une trace inscrite sur le corps, 4 savoir : la castration. Mais cette trace est de son cété toujours déja effacée, ne se mani- feStant justement que sous les espéces de ce qui choit de Pordre symbolique et qui 4 ce titre porte le nom d’objet a. Et le phallus, en tant qu’il représente la possibilité exemplaire du manque d’objet, n’est que le signe de ces manques 4 jouir que sont le sein, 'excré- ment, le regard et la voix. Lécriture les césume tous en tant qu’elle chetche 4 répéter le manque. Mais alors que l’écriture poétique le fait dans la coupure de Vagte, l’éctiture philosophique, elle, le fait dans la forclusion de la marque du grand Autre, et peut donc étre présentée comme un refus motivé et sans cesse repris de ce qui constitue un ade. L’aéte est d’ailleurs, par le fait méme, positivé. Il est aussi cepen- dant une écriture qui se veut jouissance et qui est par 14 méme amenée 4 se poser comme déni de la différence des sexes, refusant que ae, s’il existe, ne puisse étre qu’inféré dans la longue suppu- tation de V’aprés-coup. Cette écriture aboutit cependant aussi sirement que l’écriture philosophique 4 poser V’existence d’un Autre comme garant de sa vérité, En effet, bien que Pobjet a soit par elle identifié comme liew de la jouissance, alors qu’il est forclos dans la marque sous la plume du philosophe, il n’en apparait pas moins comme partie d’une tota- lité qui n’est pas assignable et qu’il va falloir dans le jeu recomposet. Aussi objet 2 qui fait piéce 4 la totalisation dans un univers du discours, et qui est narcissiquement méconnu par le philosophe, a beau étre narcissiquement reconnu par le perverts ; son jeu le méne immanquablement 4 s’inventer une figure manifestement théiste, comme celle, chez Sade par exemple, de la méchanceté absolue, dont le sadique est le servant. S'il n’y a point d’Autte, c’est patce que l’une et l’autre positions, celle du philosophe ou celle de pervers, sont intenables jusqu’au bout. Le couple objet a/grand Autre qui est positivé dans la per- 239 Way ‘POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME version, le couple homme/femme qui est positivé dans la philo- sophie, sont en effet deux fagons symétriques de refuser d’avoir affaire 4 l’aéte sexuel, tantét pensé comme possible et irréel, tantét pensé comme réel et impossible. Nous touchons 1a ce point ultime ot la premiére branche de Péquation se résout en la deuxiéme, car il ne faut pas croire que le passage 4 Pate constitue une solution au probléme posé et diver- sement résolu par le pervers et par le philosophe. L’aliénation n’est que plus implacable, dés lors que l’on passe du coté de son versant subjectif. Car ce choix que le sujet pense pouvoir éluder en se situant du cété de ce qui reparait dans le réel, a savoir la science, révée par le pervers décgu, appréhendée comme étrangére par le philo- sophe aigti, se retrouve aussi instant pout lui, et il se voit pris en une alternative non moins absolue. Si, dans Pordre qu’instaure la science, la “ question de Pétre ” n’est plus pertinente, la“ pensée ” du “ je suis ” ne peut pas en effet ne pas se demander constamment si elle ne réve pas, pour la simple raison que Vordre de la. grammaire et V’ordre du sens, qui devraient pourtant s’appattenir, se retrouvent des deux cétés dune disjonéion non exclusive. 7. La penste et Pétre : La grammaire on Ja logique. La non-téunion, puisqu’il n’y a point d’Autre, du“ je pense ” et du “ je suis ”, se traduit en effet simplement par la disjonétion entre deux sujets dont l'un écrit :“ Je ne pense pas” et Pautre dit * Je ne suis pas ”. C’est du moins cela que la sublogique de Vali nation, régie par la “ négation de castration”, nous donne 4 voir. Car si la pensée est constitutive d’une interrogation sur le non- étre, 4 partir du moment oi le “ je ” a été choisi comme instau- ration de ’étre, c'est vers le “ je ne pense pas ” que nous devons aller. Mais alors, dans la mesure ot la négation qui fait notre théme n’est plus celle 4 Poeuvre dans le“ refus de la question de létre ”, mais celle qui, portant sur Autre qui en surgit, porte sur le sujet qui s’en retranche, connexe au choix du “ je ne pense pas ”, quel- que chose surgit dont essence est de n’étre pas “ je”. Ce“ pas-je ”, c’est le ga de Freud, qu’il faut ici redéfinir en pre- 240 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME, nant 4 la lettre“ ce qui dans le discours n’est pas je ” et en le rap- portant donc 4 tout le reste de la stru@ture grammaticale. La portée du cogito se réduit dés lors 4 ceci que le“ je pense ” fait sens, mais exactement de la méme fagon que n’importe quel non-sens, pourvu qu’il soit d’une forme grammaticalement correcte. La grammaire en effet n’est plus, dans cette logique régie par la négation de castration, qu’une branche de V’alternative ot est pris Je sujet quand, se refusant 4 forclore sa marque dans l’écriture ou 4 dénier sa trace sur le corps, il passe 4 l’aéte et se livre ainsi au jeu du refoulement, devenant le simple effet de ce qui, dans le discours, n’est pas je. Il s’agit en l’occurrence de ce qui s’appelle “ fantasme ”. Celui-ci se présente en effet sous la forme d’un montage grammatical, ot s’ordonne, suivant divers renvetsements, le destin de la pulsion, de telle sorte qu’il n’y ait plus moyen de faire fon@ionner le“ je” dans sa relation au monde, qu’a le faire passer par cette structure gtammaticale. Il importe donc que le “ je ” ea soit exclu; et c’est justement ce qui arrive, par exemple dans Hin Kind wird geschlagen ov le sujet n’apparait jamais comme sujet battu, si ce n’est chez le pervers ou dans la deuxitme phase qui est justement une reconstruction signi- fiante de l’analyse. Le fantasme, qui est aussi inéliminable que 1a “‘ connaissance du premier genre ”, est donc clos sur lui-méme et sans référent, de telle sorte que la “ réalité ”, a laquelle tente désespérément de référer sa gtammaire nest qu’un terme vide et dérisoire. C'est que le sujet qui passe 4 l’aéte n’est plus au centre d’un univers de discours : il a basculé en son essence de sujet dans ce qui reste de l’articulation de la pensée, 4 savoir : la stru@ture gram- maticale de la phrase. A peine est-il sans doute besoin ici de rappeler que nous n’avons donc pas affaire 4 un concept philosophique de la“ grammaire ”, toujours lié 4 celui de “ sens ”. Il ne s’agit pas en effet comme chez Husserl de la couche primordiale d’une “ grammaire pure ”, sous- jacente 4 celle d’une “ logique de la contradi@ion ”, laquelle devrait s’articuler 4 son tour 4 une “ logique de la vérité ”. Nous avons déja vu : la vérité est 4 inscrire dans les signifiants eux-mémes; mais surtout le concept de“ grammaire ” fonétionne 241 POUR UNE LOGIQUE DU FANTASME dune fagon antithétique 4 celle dont se soutient V’infatuation phénoménologique, puisqu’il va petmettre de constater qu’il y ade * Vagrammatical ” qui est encore du logique, que ce soit au niveau du “ fantasme ” proprement dit, lorsqu’il s’efforce d’effacer le clivage, ou, de part et d’autre de sa ligne, dans ces manifestations de vérité que sont le réve ou la chaine : lapsus, mots d’esprits, symptémes. Or, par rapport 4 ces manifestations, le sujet ne peut réagit que par la“ surprise ”, terme qui implique bien qu’un effet de sens soit produit, que toute interprétation véritable cherche en fait 4 repro- duire. Mais le sujet n’y est justement pour rien et nous touchons 1a Aun registre qui n’est pas celui du Ca, dans la mesure ott il ne reléve pas de cette absence de signification qui carattérise la grammaire du fantasme. Ce registre n’est autre que celui que Freud appelle encore “ Vinconscient ”, méme aptés l’introdu@tion du “ ga”. Et celui-ci se distingue en effet en ce qu’il est le lieu ot “ je ne suis pas ” et ob la logique apparait toute pure comme non-gram- maire. Le sujet s’alitne donc 4 nouveau, mais dans ce que Freud articule sous le terme de“ représentation de chose”, dont l’incons- cient est constitué, en ce qu’il traite les mots comme des choses. Or, si derriére des séquences agrammaticales nous avons affaire Aune pensée — et Freud emploie bien le terme de Trawmgedanken —, son Statut est a définir en ce qu’elle ne peut dire ni“ donc je suis ”, ni‘ doncje ne suis pas ”; ce que Freud articule le plus précisément, quand il dit que le réve est essentiellement “ égoistique ”, cela impliquant que le ich du réveur, étant dans tous les signifiants du réve, y est absolument dispersé. Le Statut qui reste aux pensées de Vinconscient est donc celui d@étre des “ choses ”; mais ces choses se rencontrent, elles sont prises dans le tissu des coincidences et dans ce que Freud appelle le “* grand complexe des associations ”, de telle sorte qu’entre elles s’instaure un jeu logique qui se lit 4 partir des décalages par apport au jeu gtammatical, tout comme un rébus se lit et s’arti- cule par rapport 4 une langue déja constituée. Cest en tous les cas sur ce jeu non grammatical que s’appuie le psychanalyste, chaque fois qu’il fait fon@ionner quelque chose comme Bedeutung, feignant de croire que les représentations appar- tiennent aux choses elles-mémes. En fait, ce que cette logique 242

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