Une homophobie ancestralela phobie LGBT et le sentiment anti-
autochtone, ainsi que le racisme en tant que
olitique publique n'ont pas commencé avec
actuel gouvernement brésilien. Tout au plus,
ce que nous avons au Brésil aujourd'hui, c'est
ibération de préjugés latents et’ dun
moralisme croissant dirigés, dans une
certaine mesure, par des églises néo-
pentecétistes, par des militaires subalternes
et/ou de réserve, et par des membres de la
police militaire.
La rencontre entre les différentes formes de
racisme et le contréle moral comme moyen
dexercer, _institutionnellement et
idéologiquement, le pouvoir sur des collectifs
historiquement subalternes est ce qui fait du
brésil, le Brésil.
Lorsque j'ai commencé & faire des recherches,
ily a une dizaine d’années, sur quelque chose
qie je définissais comme
« Thomosexualité autochtone », je n'avais
aucune idée jusqu’oit le sujet m'emmeénerait.
A cette épodie, Tabsence dune mobilisation
plus systématique et visible de ce sujet m'a
conduit 4 aborder le phénoméne dans une
perspective historique. Le fait est, qu'il existe
plusieurs références “4 des’ sexualités
indigénes opérant en dehors du modéle moral
imposé par la société dominante ~ que ce soit
Te Portugal, I'Empire ou la République. D'une
certaine’ maniére, la rencontre _ entre
Vindianité et le désir peut servir de guide pour
comprendre un aspect plus quotidien et subtil
de la colonisation, toujours en cours.
La phobie LGBT et le sentiment anti-autochtone, ainsi que le
racisme en tant que politique publique n'ont pas commencé
avec l’actuel gouvernement brésilien.
D'une certaine maniére, on peut dire que
“T indiggne’, en tant que stéréotype ("Indien
byper-réel),’mentionné par, lanthropologue
Alcida Ramos) n’a pas de désirs, d'affects et
de comportements propres. Son existence en
tant qualtérité — et donc en tant que sujet
de droit — est enfermée dans une image
générique de quelqu'un de « pur », plein de
« vertus », d'un « guerrier », d'un mélange
de « virilité » et de naiveté. Cette image ne
laisse aucune place & son « étre » en tant
que personne, avec une historicité et une
autonomie,
Dans ce contexte, une sexualité divergente du
modéle hégémonique est souvent interprétée
comme une « perte de culture », comme si les
peuples autochtones qui vivent leurs désirs
et leurs affects en dehors du modéle imposé
seraient de ce fait « moins autochtones >.
Or, ce phénoméne a été Jargement décrit dans
lalittérature de voyage depuis le 168me siecle.
Des auteurs tels que Gaspar de Carvajal
(4540), le pére Manuel da Nobrega (1549), le
pere Pero Correia (a5), Jean de Léry (1557),
Pero de Magalhaes Gandavo (1576) et Gabriel
Soares de Sousa (1587) font référence A la «
sodomie » et la « luxure » indigéne.
A cette époque, ces descriptions étaient liées
aux Tupinambé de la céte brésilienne, mais A
mesure que le front de colonisation avaneait,
les rapports et les descriptions de ‘ces
pratiques se sont multipliés.Une alternative est de sombrer dans
Yanachronisme et d’écarter immédiatement
de telles descriptions, résultant de préjugés
et d'une vision ethnocentrique. En revanche,
je propose une autre lecture en guise de
provocation : chercher a les interpréter
comme étant l'obsession du colonisateur
désireux d'exercer un contréle moral sur les
corps, les désirs, les affects et les sexualités
indigénes, Ce regard, plus qu'une critique sur
la colonisation, sert 4 comprendre les
ressions récentes sur les _ politiques
Indigénistes dans le Brésil d’aujourd'hui.
L’exemple de « l'Amérindien Tibira du
Maranhao », mentionné par le prétre capucin
frangais Yves D'Evreux dans son ouvrage «
Vavage au nord du Brésil » (1613-1614) en est
Tillustration, Tibira n état pas un nom propre
mais la dénomination qui, selon les
chroniqueurs, désignait chez les Tupinamba,
les hommes qui manifestaient des désirs
sexuels pour d'autres hommes. Au chapitre
XXV (Des caractéres incompatibles chez. les
sauvages), le prétre Yves d'Evreux écrit :
« Il y a@_sur Vile de Juniparan, un
hermaphrodite, en apparence plus homme
jue femme car il a un visage et une voix de
Fimine, des cheveux fins, souples et longs, et
toutefois, il s'est marié et a eu des enfants,
mais il'a un tel fort caractére que les
sauvages du village ont peur d’échanger des
mots avec lui. (d'Evreux, 1874, p. 90) »“Meurs pour tes crimes”
Selon Obermeier (d'Evreux, 2012, p. 260, n. 319) cet indigine serait le protagoniste de
Vépisode décrit au chapitre V d’Evreux (« D'un Indien, condamné a mort, qui demanda &
etre baptisé avant de mourit »), Dans ce chapitre (Evreux, 1874, pp. 240-234) écrit
un pauvre indien, brutal, plus cheval qu'homme » se serait enfui dans les bois, aprés avoir
entendi dite que les Frangais «le recherchatent ainsi que des personnes comme ui pour les
tuer et purifier la terre de leurs maux » par « la sainteté de I'Evangile, la candeur, la pureté
et la clarté de la religion Catholique Apostolique Romaine». I] fut capturé et emprisonné
au fort de Sao Luiz, avec les fers aux pieds et sous haute surveillance jusqu’a Varrivée
des « leaders » des autres villages venus assister 4 son procés. Suite 4 sa condamnation,
il demanda A étre baptisé, C’est A ce moment qu'un des "leaders", appelé Karuatapiran
("Chardon rouge") lui aurait prononeé les mots suivants :
« Meurs pour tes crimes, nous approuvons ta mort et je veux moi-méme allumer le feu
pour que les Frangais sachent et voient, qu'on déteste tes vices [...] : quand Tupan enverra
quelqu'un prendre ton corps, si tu vet avoir les cheveux longs et un corps de ferme
plutét que celui d'un homme, demande & Tupan de te donner un corps de femmie et tu
ressusciteras en femme, et la au Ciel tu resteras du cété des femmes et non des hommi
(d' Evreux, 1847, p.232) »Pour finir, ils prirent le condamné :
« Prét du canon, monté au pied dumur
du Fort de S. Luiz, au bord de la mer,
ils Vattachérent autour de la taille a la
bouche de la piéce, et Chardon Rouge
(Karuatapiran) alluma la méche en
présence de tous les learders, sauvages
et francais, et aussitot le boulet divisa
le corps en deux parties, l'une tombant
au pied du mur, et l'autre dans la mer,
ou elle ne fut jamais retrouvée." (idem,
P. 233)
Ensuite, d'Evreux écrit qu'en se
repentant de ses péchés et en se faisant
baptiser, l'indigéne avait donné une
elle occasion d'admirer et d'adorer
les jugements de Dieu » (loc. cit.).
De nos jours, il y a une plaque
indiquant le lieu du martyre de cet
indigéne dans la forteresse de Sao Luiz,
ainsi qu'une campagne menée par
T'anthropologue Luiz’ Mott pour la
béatification de Tibira.L'image de ce meurtre est si traumatisante
quelle a été récupérée par de jeunes
indigenes de différentes ethnies pour former
le « Coletivo Tibira » (@indigenaslgbtq sur
instagram, avec plus de 30 000 followers)
En fait, il y a eu de nombreuses actions de la
Bart des peuples autochtones — en particulier
jes jeunes — principalement sur les réseaux
sociaux et les réunions — d’étudiants
autochtones a travers le pays pour rendre
leurs revendications visibles.
Par ailleurs, il y a les exemples de MajurBoe,
cacique trans dans I'Etat du Mato Grosso ;
KatrynaMalbem, de Pethnie Guarani trans et
miss Diversidade en 2019 ; en plus
d'innombrables artistes, influenceurs et
jeunes learders qui nous ont montré non
seulement la puissance de leurs discours en
ique de la colonisation, de la
les territoires indigenes, de la
thetorique et des pratiques de I'itat brésilien,
mais aussi de la facon' dont le protagonisme
indigéne lui-méme a fait face a la résurgence
du conservatisme, de l'autoritarisme et de
Yhétéro-normativité obligatoire dans le Brésil
aujourd'hui. C'est a Tanthropologie, de
moins analyser et d'accepter de’ telles
critiques, afin que on n'artive plus A
reproduire de nouvelles formes de
néocolonialisme épistémique, méme par
inadvertance.
O SANTO SOLDADO Pacificador, Bandeirante, Amansador de Índios, Civilizador Dos Sertões, Apóstolo Da Humanidade, Uma Leitura de Rondon Conta Sua Vida, de Esther de Viveiros