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Razões trigonométricas
A trigonometria é um ramo da matemática que procura estudar as
relações entre os ângulos e os comprimentos dos lados de um triângulo
retângulo. O seno, o cosseno e a tangente são medidas que estão dentro
do campo das razões trigonométricas. E para entendê-los, é preciso
retomar alguns conceitos. Confira:
Triângulo retângulo
Hipotenusa
No triângulo retângulo, corresponde ao lado do triângulo oposto ao
ângulo de 90°. Na figura abaixo, a é a hipotenusa.
Catetos
cateto adjacente: c
cateto adjacente: b
Seno
Cosseno
O cosseno de um ângulo é igual à medida do cateto adjacente (Ca)
dividido pela hipotenusa (h). Veja a fórmula:
Tangente
Tabela trigonométrica
A tabela trigonométrica traz as medidas de seno, cosseno e tangente dos
chamados arcos notáveis.
30° 45° 60°
tg v3/3 1 v3
Saber esses valores de cor na hora da prova vai ser bastante útil para
você. Muitos vestibulares ainda podem oferecer a tabela, junto ou não
de valores aproximados para as raízes.
Enem 2010
Um balão atmosférico, lançado em Bauru (343 quilômetros a Noroeste
de São Paulo), na noite do último domingo, caiu nesta segunda-feira em
Cuiabá Paulista, na região de Presidente Prudente, assustando
agricultores da região. O artefato faz parte do programa Projeto
Hibiscus, desenvolvido por Brasil, França, Argentina, Inglaterra e Itália,
para a medição do comportamento da camada de ozônio, e sua descida
se deu após o cumprimento do tempo previsto de medição.
3. c) 3,1 km
4. d) 3,7 km
5. e) 5,5 km
Resolução:
tg 60° = h/1,8
v3 = h/1,8
h = v3 . 1,8
h ? 1,73 . 1,8
h ? 3,11
Resposta: Letra C
Notre travail, qui s’inscrit dans la tradition de la psychomécanique du langage, entend donc prendre
au sérieux le signifiant modal impératif, et combler pour cela un certain vide épistémologique. Tout ou
partie de notre sujet a pu être abordé déjà dans une approche non systématique : nous évoquions la thèse
descriptive de David Englaender, Der Imperativ im Altfranzösischen 25 ; l’on pourrait citer aussi bien des
développements plus ponctuels de grammaires 26, ou des articles27 qui prennent incidemment l’impératif pour
objet. Parmi les approches systématiques non guillaumiennes du signifiant impératif, nous n’avons pas
24 Voir notamment, sur le mode impératif dans le système verbal du gbaya (langue de Centrafrique), Roulon, 1975, p. 99-101 et
172-173. 25 Englaender, 1889. 26 Ainsi Brunot, 1966, t. 1, p. 217, 226, 252, 264, 270, 482, Foulet, 1928, p. 215, 121, 136 et suivantes,
156, 216 et 429,
Gamillscheg, 1957, p. 524-526, Ménard, 1988, p. 58, 146, 195, 324-325, ou encore Nyrop, 1930, t. 2, p. 119, t. 3, p. 313, 326,
t. 5, p. 208, t. 6, p. 147, 185, 270-275. Des références plus nombreuses encore pourraient être citées à propos de l’impératif en
français moderne : retenons par exemple Le Bidois, 1971, p. 14, 153, 155, 463, 494, Le Goffic, 1994, p. 100, 126, 498, 506 ou
Touratier, 1996, p. 11-14, 49, 167. 27 Citons pêle-mêle : Basset, 1988, Blanchon, 1986, Bonnard, 1972, Huddleston et Uren, 1969,
Lewicka, 1973, Perret, 1974,
Pinchon, 1978, Poerck, 1950, ou Spitzer, 1951.
relevé (sans doute pour les raisons évoquées plus haut) d’étude de détail, mais pourrions mentionner une
série de références plus générales28.
Nous devons enfin évoquer ici les travaux inspirés par l’approche systématique guillaumienne. Il
s’agit surtout de développements généraux, l’impératif n’étant évoqué comme tel que dans une seule étude
de détail, sur laquelle nous reviendrons.
Si nous laissons de côté les leçons dans lesquelles Guillaume lui-même revient sur la position
formulée ci-dessus29, nous distinguerions volontiers, au sein de la tradition linguistique qu’il a fondée, entre
une ou des lectures plus ou moins ouvertes de son jugement sur l’impératif, et une lecture fermée. Celle-ci
refuse absolument de reconnaître l’existence en langue du mode impératif, celles-là, sans lui octroyer
nécessairement un statut tout à fait comparable à l’indicatif ou au subjonctif, essaient malgré tout de
résoudre l’hétérogénéité gênante, et peu systématisée, qu’introduit dans l’ordre pourtant homogène des
signifiants la distinction de signifiants qui procèderaient ipso facto de la pensée, et de signifiants, tel
l’impératif, qui ne seraient qu’un emploi expressif des premiers. En ce qui nous concerne, comme nous
l’avons montré ci-dessus, nous croyons pouvoir discerner, dans la lettre de la formulation de Guillaume,
quelques indices d’ouverture, et proposons de la réfuter en ce sens.
La lecture fermée est surtout illustrée, avec une incontestable continuité, par Gérard Moignet. Ce
refus volontiers affirmé de G. Moignet de reconnaître une quelconque existence au mode impératif trouve sa
source dans l’objet de sa thèse pour le Doctorat ès-lettres, Essai sur le mode subjonctif en latin
postclassique et en ancien français30. Lorsqu’il y évoque l’impératif, Moignet commence par présenter son
objectif, la remise en cause pure et simple de l’existence/consistance sémiologique du mode impératif. Les
moyens pris pour ce faire sont tout à fait contestables : Moignet réfute la cohérence morphologique du mode
impératif en s’appuyant sur les quatre formes qu’il qualifie de « subjonctives » (sois, aie, veuille, sache) ce
qui lui permet in petto d’imposer l’idée de dépendance systématique de l’impératif en son entier par rapport
aux autres modes. Il en vient ensuite à réfuter la consistance systématique, comme impératifs, des formes
qui, parmi ces quatre séries, ne sont pas rigoureusement identiques à la forme équivalente du subjonctif, à
savoir veuille(z) et sachons/sachez ; ses arguments valent d’être cités :
28 Citons ainsi le développement consacré à l’impératif dans le travail à visée globalisante de Damourette et Pichon, 1983, t. 4,
p. 370-395, les remarques très pertinentes sur le français moderne oral de Csescy, 1968, p. 15-18, 21, 62, 74, l’approche
glossématique de Togeby, 1951, p. 165, 168 et suivantes, ou encore celle de Tesnière, 1959, p. 94-96, 99, 170, 428, 437, 658.
Les théories de l’ellipse, illustrées par les traditions américaines, relèvent de travaux très divers qu’il nous est impossible
d’évoquer ici de façon représentative : nous nous bornerons donc à citer quelques-unes des références les plus pédagogiques,
dans lesquelles on trouvera une défense et illustration du cadre théorique général ; l’on peut ainsi citer, pour l’approche
distributionnelle Harris, 1976, p. 126 notamment, et l’on consultera avec profit, pour se faire une idée de la théorie
chomskyenne, Haegeman, 1991. 29 Ainsi notamment Guillaume, 1945A, p. 22-23, 1946C, p. 192. 30 Moignet, 1959.
veuille(s), veuillez n’est pas véritablement l’impératif de vouloir, de par son utilisation, qui ne
correspond pas à celle des formes de ce verbe (...)
Peut-on alors faire reposer l’existence du mode (impératif) sur la seule opposition
sachions/sachons, sachiez/sachez, alors qu’on la sait artificielle, purement graphique, inventée par des
grammairiens pour des raisons sémantiques ?31
Sans entrer ici dans le détail d’une contre-argumentation 32, nous notons simplement que la
cohérence, sinon la légitimité, de l’objectif que se donne ici Moignet, lui fait tout de même perdre
ponctuellement la rigueur des principes guillaumiens. Il nous paraît tout à fait troublant en effet que
s’exerce ici une méfiance systématique envers le signifiant, et que Moignet puisse considérer qu’une
opposition morphématique ait pu être imposée, non par la langue elle-même, mais par des grammairiens. Si
cette position fermée est indéfendable à nos yeux sur une base morphologique, c’est donc avant tout parce
qu’elle n’est pas rigoureusement guillaumienne : aux antipodes de cette position, nous tenons la thèse d’une
pleine personnalité modale de l’impératif pour tout à fait conforme à l’esprit du guillaumisme, sinon
scrupuleusement à la lettre de son jugement sur l’impératif. Moignet lui-même, dont la position de fond ne
variera pas, en viendra cependant à une formulation plus ouverte dans sa Grammaire de l’ancien
français33. Dans sa Systématique de la langue française34, d’une part il assimile « mode de langue » et
« mode chronogénétique »35, ce qui tendrait à rejeter l’impératif (« mode de discours ») hors de la
chronogénèse, d’autre part il réaffirme :
En français, l’impératif n’a pas de sémiologie propre. Sauf quatre exceptions, sa morphologie est
celle du présent de l’indicatif.36
Ce sont donc surtout, sauf exception ponctuelle37, des arguments morphologiques, immédiatement
traduits en termes sémiologiques38, qui viennent étayer chez Moignet cette position fermée. C’est que le
simple examen des faits les plus généraux de syntaxe39 encourage au contraire une lecture ouverte, voire un
31 ibid., p. 82. 32 Nous reviendrons sur ce jugement particulièrement « fermé » de Moignet dans le cours de notre travail, lorsqu’il s’agira
d’interpréter les marques morphologiques du signifiant impératif. 33 Moignet, 1973. Dans la partie de morphologie, un paradigme impératif
est bel et bien présenté, p. 62-63, ce qui peut sembler
étonnant dans cette perspective systématique où l’existence en est contestée. La position fermée est cependant reformulée en
termes concis p. 194 et 207. 34 Moignet, 1981, p. 84-86. 35 op. cit., p. 84. 36 ibid., p. 85. 37 Ainsi dans l’article (Moignet, 1969) consacré au
« verbe voici-voilà », où c’est surtout la syntaxe qui permet de contester
l’interprétation impérative d’un signifiant. 38 Ce glissement nous paraît d’ailleurs tout à fait significatif. Cependant, en toute rigueur de
termes dans le cadre guillaumien,
la morphologie ne se donne pour objet qu’un niveau particulier de signifiants matériels, alors que la sémiologie est déjà
interprétative, puisqu’elle s’attache au système des signifiants. Les termes « sémiologie » ou « système sémiologique »
deviennent d’ailleurs synonymes de « système de signifiants » dans la terminologie guillaumienne. La morphologie ne livre pas
en elle-même les clés du système : ainsi, l’attestation d’un emprunt morphologique historique partiel de l’impératif au
subjonctif ne suffit-elle pas selon nous à établir l’inexistence ou la dépendance sémiologique du mode impératif. 39 Nous pensons
notamment à la spécificité clitique des séquences signifiantes impératives en français.
Nous semble surtout intéressant dans cette modélisation le lien établi entre le choix par le locuteur
d’une personne d’interlocution comme sujet de la proposition et le déclenchement de « l’agencement
injonctif ». Autrement dit, si l’on écarte l’adjectif « injonctif » pour les raisons épistémologiques évoquées
plus haut, on peut retenir de cette analyse que le moyen français s’efforce de marquer syntaxiquement la
différence, parmi les signifiants de taille propositionnelle aptes à traduire l’idée de commandement, entre
ceux qui seraient gouvernés par la troisième personne, et les autres. Dès lors, rien n’interdit à notre avis, en
faisant abstraction de la notion d’injonction, de distinguer deux modalités syntaxiquement bien identifiées
par deux rangs personnels et deux agencements différents.
Ce raisonnement même nous paraît donc en fait tout à fait susceptible de permettre une
reconnaissance « ouverte » de l’impératif comme mode plénier : malgré l’évidente parenté 43 morphologique,
il nous semble bien incongru de continuer à parler d’un « mode indicatif » qui assumerait
« majoritairement » l’expression du commandement sous « agencement injonctif ». A la concurrence binaire
des modes en proposition indépendante, certes commode pour rendre compte de la répartition effective des
40 Martin et Wilmet, 1980, p. 50 à 68. 41 Les auteurs précisent, op. cit., p. 49, § 63 dans leur définition du mode, que l’impératif « relève
sémiologiquement de
l’indicatif (p. ex. viens) ou du subjonctif (p. ex sache). » 42 ibid., p. 51, § 71. 43 Laquelle n’est d’ailleurs pas une identité pure et simple, au
moins dans le cas de la « deuxième personne du singulier » (P2).
formes verbales (à condition de ne pas entrer dans le détail), mais non de l’organisation du syntagme verbal,
nous voudrions substituer une concurrence ternaire des modes ou, si l’on préfère, binaire des modalités.
C’est en définitive la catégorie de personne, si l’on transpose en ce sens l’analyse de R. Martin et M.
Wilmet, qui doit permettre de distinguer les modalités en général, et le mode impératif en particulier.
Nous rapprochons enfin deux interprétations plus ouvertes du jugement de Guillaume sur
l’impératif. Maurice Molho44 tout d’abord considère que l’impératif représente à la fois un mode de parole
et un mode de pensée, ce qui selon lui expliquerait la scission, intérieure au lexique verbal français, entre les
verbes en lesquels la parole impérative sera pensée indicative, et ceux en lesquels elle sera pensée
subjonctive. Plus radical dans l’interprétation, Olivier Soutet 45 propose d’inclure l’impératif dans la trame
de la chronogénèse, autrement dit des modes de pensée. L’argument utilisé pour étayer cette hypothèse très
ouverte n’est autre qu’une réfutation point par point du présupposé selon lequel l’impératif « emprunte sa
flexion soit à l’indicatif, soit au subjonctif ». Nous reprendrons volontiers à notre compte dans le détail cette
relecture des données signifiantes les plus ténues, celles qui concernent la morphologie, et sur lesquelles
s’appuient à peu près exclusivement les interprétations « fermées » de l’impératif depuis Guillaume : elle
nous semble en effet s’imposer à qui entend, non illustrer une doctrine, mais rendre compte de faits. Nous
n’en tirerons toutefois pas nécessairement la même hypothèse sur le statut du mode impératif dans le
système, et tâcherons de défendre une autre conception ouverte, qui laisse toute sa place à l’objet
linguistique, irréductible à bien des égards, que nous nous proposons 46.
Deux objections pourraient en effet être formulées à l’encontre du modèle d’ailleurs séduisant de
l’inscription du mode impératif dans la chronogénèse, que propose O. Soutet. D’une part, le paradigme de
l’impératif ne nous semble pas commensurable à ceux du subjonctif (présent ou imparfait) ou de l’indicatif,
pour la simple raison qu’aucune personne de rang trois n’y est développée ; cette restriction systématique du
paradigme correspond à la nuance personnelle que constataient R. Martin et M. Wilmet dans le plan de la
syntaxe propositionnelle et reste à établir de façon ferme 47. D’autre part, il nous paraît difficile d’assimiler
l’effet de sens injonctif, ou d’ailleurs tout autre effet de sens du signifiant impératif, à un simple degré de
virtualité dans la construction de l’image-temps. Notre hypothèse tâchera au contraire d’assumer ce
sémantisme dans un continuum systématique de la phrase nucléaire, que les deux premières parties de notre
travail devront établir à partir des faits.
44Molho, 1959, p. 199. 45 Soutet, 1997, p. 119-120. 46 Nous renvoyons aux différentes conclusions de notre séquence de morphologie
analytique du verbe impératif. 47 La délimitation systématique du paradigme sera naturellement l’un des objectifs que nous assignerons à
notre première partie
de morphologie.
Nous reprenons volontiers cette expression de « phrase nucléaire » à D. C. Le Flem, qui l’utilise
dans un article de portée assez générale 48. La phrase nucléaire peut se caractériser par le fait que sa
structure syntaxique est déterminée par la nature de son noyau. Cette conception, qui lie donc
nécessairement la morphologie et la syntaxe, nous semble absolument essentielle s’agissant de l’impératif.
Dans son article, Le Flem commence notamment par faire état de la critique souvent adressée aux
guillaumiens selon laquelle leur systématique, qui se fonde essentiellement sur le mot, négligerait l’unité
supérieure qu’est la phrase. Cet article dresse un bon inventaire des différentes sensibilités représentées au
sein de la mouvance guillaumienne, en insistant sur la notion d’incidence, fondement de sa syntaxe, et sur
ses diverses interprétations. Cette notion d’incidence paraît elle aussi fondamentale pour cerner les
particularités syntaxiques de la phrase nucléaire impérative.
A notre connaissance, une seule thèse d’inspiration guillaumienne a pris spécifiquement pour objet
le mode impératif, c’est celle de Monir Yazdi, L’impératif en français moderne, conduite sous la direction
de Bernard Pottier49. Cette thèse ne s’inscrit toutefois que pour une part dans le cadre de la
psychomécanique, puisqu’elle n’exclut pas d’emblée la perspective onomasiologique et pragmatique 50. Elle
comporte à notre avis des développements judicieux sur des phénomènes assez peu étudiés, comme
l’impératif hypothétique, le rapport de l’impératif aux interjections (la méthode de recensement des
exemples est toutefois davantage intuitive que philologique) ; mais elle ne consacre assez curieusement
aucune étude à la syntaxe clitique de l’impératif, alors même qu’il s’agit là d’un trait assez évidemment
caractéristique. C’est qu’au fond elle ne remet pas en cause l’idée guillaumienne de l’inconsistance
systématique de l’impératif, et semble même à un moment 51 reprendre à son compte le modèle de l’ellipse, et
la distinction surface/profondeur. En définitive, l’insuffisante situation épistémologique, puisque la thèse
accumule volontiers les points de vue, ne pouvait aboutir à une étude réellement systématique, malgré des
passages qui ne manquent pas d’intuition. Conscient sans doute de ces insuffisances, l’auteur conclut
notamment :
Il y a lieu tout d’abord de souligner que ce travail n’est en rien exhaustif et qu’il eût été désirable
d’approfondir, en particulier, le rôle et l’évolution de l’impératif à travers le latin et l’ancien français. 52
Cette conclusion nous est une invitation à expliquer maintenant quelle aire linguistique et quelle
étendue signifiante nous avons retenues, respectivement comme cadre général d’investigation et comme
48 Le Flem, 1981. 49 Yazdi, 1983. 50 op. cit., p. 22. 51 ibid., p. 46. 52 ibid., p. 232.
limite syntaxique externe assignée à l’objet linguistique que nous nous proposons. Nous verrons que le
choix de la première détermine pour une part celui de la seconde.
Notre étude, prenant acte de la grande généralité du signifiant impératif que nous évoquions plus
haut, aurait pu être menée à partir d’une comparaison synchronique de plusieurs langues. Le principe de
comparaison nous paraît tout à fait légitime en linguistique, et appliqué, s’agissant de l’objet que nous nous
fixons, à une pluralité d’aires linguistiques contemporaines, il aurait à nos yeux eu le mérite d’apporter
d’horizons très différents des arguments probablement favorables à notre hypothèse de la personnalité
sémiologique (et donc systématique, psychique) du signifiant impératif. Il se trouve que les théories
linguistiques les plus attachées à ce type de comparaison défendent assez paradoxalement, nous l’avons vu,
l’hypothèse inverse, à travers une théorie de l’ellipse diversement formalisée. Cette introduction n’aura fait
que suggérer ce paradoxe, qui détermine pour une part notre choix d’une autre approche épistémologique :
dans le cours de notre travail, nous ne nous fixerons pas du tout l’objectif de contester pied à pied ces
théories de l’ellipse sur leur terrain privilégié qui est celui de la comparaison synchronique. Ce travail
possible, de grande ampleur, n’est pas exclu théoriquement. Il nous a paru qu’il était plus fructueux
d’illustrer notre thèse, au moins préalablement, par la prise en compte d’un matériau linguistique plus
limité, plus homogène, plus conforme aux méthodes défendues par la tradition linguistique dans laquelle
nous nous inscrivons.
une spéculation, risque d’autant plus important que l’objet est familier, ce qui est le cas du français
contemporain. Travailler sur des états anciens de la langue permet donc, dans une certaine mesure, de
circonscrire ce risque. Surtout, cela oblige à recourir à des occurrences avérées, et non construites pour les
besoins de la cause. Voilà deux raisons qui expliquent notre choix de travailler sur l’évolution du mode
impératif français dans le cadre d’une large diachronie du passé. Ces avantages, dans l’ordre de la mise à
distance scientifique, ne doivent pas occulter les inconvénients : notamment la difficulté qu’il y a à
interpréter les lignes toniques ou mélodiques d’occurrences exclusivement écrites, alors même que ces lignes
pourraient être envisagées comme des composantes probables de l’identité sémiologique de l’impératif dans
son rapport au reste de la langue53 ; en ce domaine, la réflexion reposera nécessairement sur des
hypothèses, ou des inductions à partir du français moderne. Une raison plus essentielle décide en fait en
faveur de l’ancien français et de ses prolongements moyen et classique : si nous voulons remettre en cause le
postulat unanimement partagé selon lequel l’impératif procéderait historiquement de l’indicatif et du
subjonctif, ce n’est pas au français moderne, mais bien à l’état de langue conservé qui soit le plus proche
possible de la formation française du mode impératif, qu’il nous faut nous attacher. Nous n’avons pas de
trace de la transformation du système impératif latin en un système français homogène, mais nous pouvons
du moins la deviner et l’interpréter, par la prise en compte, en aval, des époques littéraires médiévales.
Ces considérations expliquent le choix de notre terminus a quo. Les textes du XI e siècle sont
trop rares et par conséquent assez peu représentatifs, c’est pourquoi nous avons retenu le siècle suivant
comme point de départ de notre diachronie d’étude. Le XIIe siècle est celui où les données littéraires en
France commencent à devenir nombreuses, représentatives, et par conséquent à pouvoir servir de base à une
analyse linguistique plus scientifique : si certains le considèrent comme l’époque d’un premier classicisme
dans l’histoire littéraire, il est aussi devenu pour les linguistes, au moins pour cette raison très empirique, le
premier moment dans l’histoire du français où, sur les bases littéraires qui nous restent, l’élaboration d’une
morphosyntaxe, désormais classique elle aussi, devient possible.
De nombreuses évolutions générales caractérisent le système morphosyntaxique de l’impératif
tout au long de la période de six siècles retenue pour servir de cadre chronologique à notre travail, et qui
prend pour point de départ le XIIe siècle. Le choix du XVIIe siècle comme terminus ad quem s’explique
essentiellement par le fait que ce n’est qu’à cette époque que le signifiant impératif adopte certains traits
53 Saunier, 1999, étudiant l’exemple de l’expression tiens ! en français moderne, montre ainsi très clairement que les « formes
prosodiques » contribuent à la « structuration des valeurs (sémantiques) » de cet impératif isolé, toujours susceptible de devenir
interjection. La nature de notre corpus nous empêche naturellement de tirer pareilles inductions sémantiques de lignes
signifiantes qui, à travers l’écrit, ne nous sont plus accessibles aussi précisément. S’agissant de l’impératif isolé tiens, dont
nous étudierons le fonctionnement sémantique dans notre deuxième séquence, nous nous fonderons, comme E. Saunier, sur le
contexte, mais, une fois dégagées et formalisées aussi rigoureusement que possible ses différentes valeu rs, nous ne pourrons
bien sûr, comme elle peut le faire, relier ces valeurs à des courbes prosodiques.
sémiologiques encore caractéristiques du français contemporain, que ces traits d’ailleurs infirment ou
confirment la spécificité sémiologique de l’impératif. Sans entrer ici dans le détail, nous pouvons cependant
évoquer trois de ces traits modernes, le premier morphologique, les deux autres syntaxiques.
Sur le plan morphologique tout d’abord, Pierre Fouché signale qu’en dehors de la conjugaison
dite première (celle dont l’infinitif se termine en -er), des « formes <fortes 54 d’impératif> sans s se sont
conservées jusqu’en plein XVIIème siècle (surtout à la rime) »55 ; or, l’on sait que l’absence d’s final
constituait une caractéristique sémiologique des impératifs forts latins, tels dic, ama, gaudi. La diachronie
que nous avons retenue correspond donc, sur le plan morphologique et orthographique, à une période de
maintien général de l’identité sémiologique de l’impératif fort, identité qui sera sérieusement menacée à la
fin de la période et régulièrement remise en cause ensuite ; nous renvoyons sur ce point particulier à notre
analyse diachronique de détail56.
Le deuxième trait relève davantage de la syntaxe, et va cette fois dans le sens d’une confirmation
de la spécificité de l’impératif : il s’agit, d’une part de la disparition totale des structures impératives avec
clitique sujet exprimé57, que l’on rencontrait dans l’ancienne langue, d’autre part de l’obligation où va se
trouver la langue, à partir de l’époque classique, de toujours exprimer le sujet devant un indicatif ou un
subjonctif. Cette double évolution diachronique, scellée au XVIIe siècle, est d’une grande importance,
puisqu’elle change du tout au tout l’identification de la frontière sémiologique entre l’impératif d’une part,
l’indicatif et le subjonctif d’autre part : à partir du XVII e siècle nous entrons dans les règles de distribution
exclusives modernes, et le mode impératif acquiert enfin une personnalité morphosyntaxique indiscutable :
notre période correspond donc à l’histoire des efforts consentis par la langue pour retrouver une traduction
sémiologique économique, dans les termes de la langue analytique que devient peu à peu le français, de la
nuance modale simple que le latin synthétique exprimait par un jeu de désinences.
Troisième trait, syntaxique : la progressive disparition, hormis derrière ne, de toutes les structures
impératives proclitiques. Ferdinand Brunot signale que l’ordre proclitique derrière coordonnant tombe peu à
peu en désuétude dès le XVIIe siècle58. Nous montrerons quant à nous que notre période correspond aussi à
un ajustement clitique très général des séquences impératives où l’antéposition d’un signe directement
dépendant du verbe était, dans la syntaxe de l’ancienne langue, corrélée à l’ordre proclitique. Cette
évolution va dans le sens d’une meilleure affirmation sémiologique du mode impératif.
54 Nous désignerons ainsi les formes d’impératif singulier, dont l’accent porte sur le radical. 55 Fouché, 1967, p. 208. 56 Dans la partie de
morphologie que nous consacrons à la désinence de la forme forte d’impératif. 57 Nous étudierons l’évolution et la progressive disparition
de ces structures en diachronie dans notre troisième partie, consacrée
à la syntaxe. 58 Brunot, 1966, p. 679.
d’un plan superficiel, elle est fondée, pour celle-là, sur un statut inégal des signifiants modaux, les uns
relevant de la « pensée », - eux seuls auraient donc une existence systématique -, les autres, et notamment
l’impératif, de la « parole ». Par delà les évidentes différences conceptuelles que nous évoquions entre ces
deux types d’approche, force est d’emblée de relever un certain parallélisme des deux traitements, qui sont
conduits tous deux à rejeter le signifiant impératif dans une zone incertaine de moindre existence
linguistique, au nom dans les deux cas de la cohérence de l’édifice théorique d’ensemble.
Or, nous tenons qu’il est possible, sans sacrifier la théorie centrale de la chronogénèse, par laquelle
la psychomécanique rend compte des rapports du verbe grammatical et du temps psychique, de reconnaître
une existence systématique au mode impératif. Dans cette perspective, nous aurons l’occasion d’expliquer
dans le cours de notre travail en quoi l’argument qu’utilise ici Guillaume, celui de l’emprunt
morphologique, nous semble insuffisant.
ou soudanaises24, connaissent toutes elles aussi une forme spécifique et irréductible d’impératif. Cette très
grande généralité linguistique, sinon cette universalité, qui resterait à établir de façon plus scrupuleuse que
nous ne serions en mesure de le faire ici, porte assez naturellement à supposer que le mode impératif serait
en français la traduction d’une modalité mentale fondamentale. En ce sens, l’interprétation par l’ellipse des
linguistiques américaines, pourtant férues de comparaison, et ouvertement en quête d’une grammaire
universelle qui tienne compte des données recueillies par la comparaison, apparaît au moins paradoxale. La
phrase de Guillaume également.
C’est, selon nous, à partir de cette idée de modalité mentale fondamentale que l’on peut légitimer la
caractérisation traditionnelle du signifiant impératif comme mode. Guillaume reprend ce terme de « mode »,
même si c’est pour en restreindre aussitôt la portée. Il convient de garder à l’esprit que, pour la théorie
guillaumienne standard, le mode consiste essentiellement en une saisie, plus ou moins élaborée, dans cette
construction de l’image-temps que représente la chronogénèse. Cette définition systématique, très éclairante,
explique pour une bonne part la précaution avec laquelle les guillaumiens parleront de « mode impératif »,
et les réserves critiques dont ils entoureront toujours cette expression : c’est qu’au fond le rapport de
l’impératif à la chronogénèse n’a pas été suffisamment pensé, d’où la conception assez rapide d’un
« mode » hybride ou annexe, qu’on ne sait trop où situer, et dont on préfère par conséquent récuser la pleine
existence. Notre démarche, en affirmant la pleine personnalité du signifiant impératif, cherchera également à
légitimer son statut modal ; ceci nous conduira à redéfinir le mode, à partir de la notion de modalité, et à
préciser en définitive la nature du rapport systématique entre le mode impératif et les modes
chronothétiques.
Notre travail, qui s’inscrit dans la tradition de la psychomécanique du langage, entend donc prendre
au sérieux le signifiant modal impératif, et combler pour cela un certain vide épistémologique. Tout ou
partie de notre sujet a pu être abordé déjà dans une approche non systématique : nous évoquions la thèse
descriptive de David Englaender, Der Imperativ im Altfranzösischen 25 ; l’on pourrait citer aussi bien des
développements plus ponctuels de grammaires 26, ou des articles27 qui prennent incidemment l’impératif pour
objet. Parmi les approches systématiques non guillaumiennes du signifiant impératif, nous n’avons pas
24 Voir notamment, sur le mode impératif dans le système verbal du gbaya (langue de Centrafrique), Roulon, 1975, p. 99-101 et
172-173. 25 Englaender, 1889. 26 Ainsi Brunot, 1966, t. 1, p. 217, 226, 252, 264, 270, 482, Foulet, 1928, p. 215, 121, 136 et suivantes,
156, 216 et 429,
Gamillscheg, 1957, p. 524-526, Ménard, 1988, p. 58, 146, 195, 324-325, ou encore Nyrop, 1930, t. 2, p. 119, t. 3, p. 313, 326,
t. 5, p. 208, t. 6, p. 147, 185, 270-275. Des références plus nombreuses encore pourraient être citées à propos de l’impératif en
français moderne : retenons par exemple Le Bidois, 1971, p. 14, 153, 155, 463, 494, Le Goffic, 1994, p. 100, 126, 498, 506 ou
Touratier, 1996, p. 11-14, 49, 167. 27 Citons pêle-mêle : Basset, 1988, Blanchon, 1986, Bonnard, 1972, Huddleston et Uren, 1969,
Lewicka, 1973, Perret, 1974,
Pinchon, 1978, Poerck, 1950, ou Spitzer, 1951.
relevé (sans doute pour les raisons évoquées plus haut) d’étude de détail, mais pourrions mentionner une
série de références plus générales28.
Nous devons enfin évoquer ici les travaux inspirés par l’approche systématique guillaumienne. Il
s’agit surtout de développements généraux, l’impératif n’étant évoqué comme tel que dans une seule étude
de détail, sur laquelle nous reviendrons.
Si nous laissons de côté les leçons dans lesquelles Guillaume lui-même revient sur la position
formulée ci-dessus29, nous distinguerions volontiers, au sein de la tradition linguistique qu’il a fondée, entre
une ou des lectures plus ou moins ouvertes de son jugement sur l’impératif, et une lecture fermée. Celle-ci
refuse absolument de reconnaître l’existence en langue du mode impératif, celles-là, sans lui octroyer
nécessairement un statut tout à fait comparable à l’indicatif ou au subjonctif, essaient malgré tout de
résoudre l’hétérogénéité gênante, et peu systématisée, qu’introduit dans l’ordre pourtant homogène des
signifiants la distinction de signifiants qui procèderaient ipso facto de la pensée, et de signifiants, tel
l’impératif, qui ne seraient qu’un emploi expressif des premiers. En ce qui nous concerne, comme nous
l’avons montré ci-dessus, nous croyons pouvoir discerner, dans la lettre de la formulation de Guillaume,
quelques indices d’ouverture, et proposons de la réfuter en ce sens.
La lecture fermée est surtout illustrée, avec une incontestable continuité, par Gérard Moignet. Ce
refus volontiers affirmé de G. Moignet de reconnaître une quelconque existence au mode impératif trouve sa
source dans l’objet de sa thèse pour le Doctorat ès-lettres, Essai sur le mode subjonctif en latin
postclassique et en ancien français30. Lorsqu’il y évoque l’impératif, Moignet commence par présenter son
objectif, la remise en cause pure et simple de l’existence/consistance sémiologique du mode impératif. Les
moyens pris pour ce faire sont tout à fait contestables : Moignet réfute la cohérence morphologique du mode
impératif en s’appuyant sur les quatre formes qu’il qualifie de « subjonctives » (sois, aie, veuille, sache) ce
qui lui permet in petto d’imposer l’idée de dépendance systématique de l’impératif en son entier par rapport
aux autres modes. Il en vient ensuite à réfuter la consistance systématique, comme impératifs, des formes
qui, parmi ces quatre séries, ne sont pas rigoureusement identiques à la forme équivalente du subjonctif, à
savoir veuille(z) et sachons/sachez ; ses arguments valent d’être cités :
28 Citons ainsi le développement consacré à l’impératif dans le travail à visée globalisante de Damourette et Pichon, 1983, t. 4,
p. 370-395, les remarques très pertinentes sur le français moderne oral de Csescy, 1968, p. 15-18, 21, 62, 74, l’approche
glossématique de Togeby, 1951, p. 165, 168 et suivantes, ou encore celle de Tesnière, 1959, p. 94-96, 99, 170, 428, 437, 658.
Les théories de l’ellipse, illustrées par les traditions américaines, relèvent de travaux très divers qu’il nous est impossible
d’évoquer ici de façon représentative : nous nous bornerons donc à citer quelques-unes des références les plus pédagogiques,
dans lesquelles on trouvera une défense et illustration du cadre théorique général ; l’on peut ainsi citer, pour l’approche
distributionnelle Harris, 1976, p. 126 notamment, et l’on consultera avec profit, pour se faire une idée de la théorie
chomskyenne, Haegeman, 1991. 29 Ainsi notamment Guillaume, 1945A, p. 22-23, 1946C, p. 192. 30 Moignet, 1959.
veuille(s), veuillez n’est pas véritablement l’impératif de vouloir, de par son utilisation, qui ne
correspond pas à celle des formes de ce verbe (...)
Peut-on alors faire reposer l’existence du mode (impératif) sur la seule opposition
sachions/sachons, sachiez/sachez, alors qu’on la sait artificielle, purement graphique, inventée par des
grammairiens pour des raisons sémantiques ?31
Sans entrer ici dans le détail d’une contre-argumentation 32, nous notons simplement que la
cohérence, sinon la légitimité, de l’objectif que se donne ici Moignet, lui fait tout de même perdre
ponctuellement la rigueur des principes guillaumiens. Il nous paraît tout à fait troublant en effet que
s’exerce ici une méfiance systématique envers le signifiant, et que Moignet puisse considérer qu’une
opposition morphématique ait pu être imposée, non par la langue elle-même, mais par des grammairiens. Si
cette position fermée est indéfendable à nos yeux sur une base morphologique, c’est donc avant tout parce
qu’elle n’est pas rigoureusement guillaumienne : aux antipodes de cette position, nous tenons la thèse d’une
pleine personnalité modale de l’impératif pour tout à fait conforme à l’esprit du guillaumisme, sinon
scrupuleusement à la lettre de son jugement sur l’impératif. Moignet lui-même, dont la position de fond ne
variera pas, en viendra cependant à une formulation plus ouverte dans sa Grammaire de l’ancien
français33. Dans sa Systématique de la langue française34, d’une part il assimile « mode de langue » et
« mode chronogénétique »35, ce qui tendrait à rejeter l’impératif (« mode de discours ») hors de la
chronogénèse, d’autre part il réaffirme :
En français, l’impératif n’a pas de sémiologie propre. Sauf quatre exceptions, sa morphologie est
celle du présent de l’indicatif.36
Ce sont donc surtout, sauf exception ponctuelle37, des arguments morphologiques, immédiatement
traduits en termes sémiologiques38, qui viennent étayer chez Moignet cette position fermée. C’est que le
simple examen des faits les plus généraux de syntaxe39 encourage au contraire une lecture ouverte, voire un
31 ibid., p. 82. 32 Nous reviendrons sur ce jugement particulièrement « fermé » de Moignet dans le cours de notre travail, lorsqu’il s’agira
d’interpréter les marques morphologiques du signifiant impératif. 33 Moignet, 1973. Dans la partie de morphologie, un paradigme impératif
est bel et bien présenté, p. 62-63, ce qui peut sembler
étonnant dans cette perspective systématique où l’existence en est contestée. La position fermée est cependant reformulée en
termes concis p. 194 et 207. 34 Moignet, 1981, p. 84-86. 35 op. cit., p. 84. 36 ibid., p. 85. 37 Ainsi dans l’article (Moignet, 1969) consacré au
« verbe voici-voilà », où c’est surtout la syntaxe qui permet de contester
l’interprétation impérative d’un signifiant. 38 Ce glissement nous paraît d’ailleurs tout à fait significatif. Cependant, en toute rigueur de
termes dans le cadre guillaumien,
la morphologie ne se donne pour objet qu’un niveau particulier de signifiants matériels, alors que la sémiologie est déjà
interprétative, puisqu’elle s’attache au système des signifiants. Les termes « sémiologie » ou « système sémiologique »
deviennent d’ailleurs synonymes de « système de signifiants » dans la terminologie guillaumienne. La morphologie ne livre pas
en elle-même les clés du système : ainsi, l’attestation d’un emprunt morphologique historique partiel de l’impératif au
subjonctif ne suffit-elle pas selon nous à établir l’inexistence ou la dépendance sémiologique du mode impératif. 39 Nous pensons
notamment à la spécificité clitique des séquences signifiantes impératives en français.
Nous semble surtout intéressant dans cette modélisation le lien établi entre le choix par le locuteur
d’une personne d’interlocution comme sujet de la proposition et le déclenchement de « l’agencement
injonctif ». Autrement dit, si l’on écarte l’adjectif « injonctif » pour les raisons épistémologiques évoquées
plus haut, on peut retenir de cette analyse que le moyen français s’efforce de marquer syntaxiquement la
différence, parmi les signifiants de taille propositionnelle aptes à traduire l’idée de commandement, entre
ceux qui seraient gouvernés par la troisième personne, et les autres. Dès lors, rien n’interdit à notre avis, en
faisant abstraction de la notion d’injonction, de distinguer deux modalités syntaxiquement bien identifiées
par deux rangs personnels et deux agencements différents.
Ce raisonnement même nous paraît donc en fait tout à fait susceptible de permettre une
reconnaissance « ouverte » de l’impératif comme mode plénier : malgré l’évidente parenté 43 morphologique,
il nous semble bien incongru de continuer à parler d’un « mode indicatif » qui assumerait
« majoritairement » l’expression du commandement sous « agencement injonctif ». A la concurrence binaire
des modes en proposition indépendante, certes commode pour rendre compte de la répartition effective des
40 Martin et Wilmet, 1980, p. 50 à 68. 41 Les auteurs précisent, op. cit., p. 49, § 63 dans leur définition du mode, que l’impératif « relève
sémiologiquement de
l’indicatif (p. ex. viens) ou du subjonctif (p. ex sache). » 42 ibid., p. 51, § 71. 43 Laquelle n’est d’ailleurs pas une identité pure et simple, au
moins dans le cas de la « deuxième personne du singulier » (P2).
formes verbales (à condition de ne pas entrer dans le détail), mais non de l’organisation du syntagme verbal,
nous voudrions substituer une concurrence ternaire des modes ou, si l’on préfère, binaire des modalités.
C’est en définitive la catégorie de personne, si l’on transpose en ce sens l’analyse de R. Martin et M.
Wilmet, qui doit permettre de distinguer les modalités en général, et le mode impératif en particulier.
Nous rapprochons enfin deux interprétations plus ouvertes du jugement de Guillaume sur
l’impératif. Maurice Molho44 tout d’abord considère que l’impératif représente à la fois un mode de parole
et un mode de pensée, ce qui selon lui expliquerait la scission, intérieure au lexique verbal français, entre les
verbes en lesquels la parole impérative sera pensée indicative, et ceux en lesquels elle sera pensée
subjonctive. Plus radical dans l’interprétation, Olivier Soutet 45 propose d’inclure l’impératif dans la trame
de la chronogénèse, autrement dit des modes de pensée. L’argument utilisé pour étayer cette hypothèse très
ouverte n’est autre qu’une réfutation point par point du présupposé selon lequel l’impératif « emprunte sa
flexion soit à l’indicatif, soit au subjonctif ». Nous reprendrons volontiers à notre compte dans le détail cette
relecture des données signifiantes les plus ténues, celles qui concernent la morphologie, et sur lesquelles
s’appuient à peu près exclusivement les interprétations « fermées » de l’impératif depuis Guillaume : elle
nous semble en effet s’imposer à qui entend, non illustrer une doctrine, mais rendre compte de faits. Nous
n’en tirerons toutefois pas nécessairement la même hypothèse sur le statut du mode impératif dans le
système, et tâcherons de défendre une autre conception ouverte, qui laisse toute sa place à l’objet
linguistique, irréductible à bien des égards, que nous nous proposons 46.
Deux objections pourraient en effet être formulées à l’encontre du modèle d’ailleurs séduisant de
l’inscription du mode impératif dans la chronogénèse, que propose O. Soutet. D’une part, le paradigme de
l’impératif ne nous semble pas commensurable à ceux du subjonctif (présent ou imparfait) ou de l’indicatif,
pour la simple raison qu’aucune personne de rang trois n’y est développée ; cette restriction systématique du
paradigme correspond à la nuance personnelle que constataient R. Martin et M. Wilmet dans le plan de la
syntaxe propositionnelle et reste à établir de façon ferme 47. D’autre part, il nous paraît difficile d’assimiler
l’effet de sens injonctif, ou d’ailleurs tout autre effet de sens du signifiant impératif, à un simple degré de
virtualité dans la construction de l’image-temps. Notre hypothèse tâchera au contraire d’assumer ce
sémantisme dans un continuum systématique de la phrase nucléaire, que les deux premières parties de notre
travail devront établir à partir des faits.
44Molho, 1959, p. 199. 45 Soutet, 1997, p. 119-120. 46 Nous renvoyons aux différentes conclusions de notre séquence de morphologie
analytique du verbe impératif. 47 La délimitation systématique du paradigme sera naturellement l’un des objectifs que nous assignerons à
notre première partie
de morphologie.
Nous reprenons volontiers cette expression de « phrase nucléaire » à D. C. Le Flem, qui l’utilise
dans un article de portée assez générale 48. La phrase nucléaire peut se caractériser par le fait que sa
structure syntaxique est déterminée par la nature de son noyau. Cette conception, qui lie donc
nécessairement la morphologie et la syntaxe, nous semble absolument essentielle s’agissant de l’impératif.
Dans son article, Le Flem commence notamment par faire état de la critique souvent adressée aux
guillaumiens selon laquelle leur systématique, qui se fonde essentiellement sur le mot, négligerait l’unité
supérieure qu’est la phrase. Cet article dresse un bon inventaire des différentes sensibilités représentées au
sein de la mouvance guillaumienne, en insistant sur la notion d’incidence, fondement de sa syntaxe, et sur
ses diverses interprétations. Cette notion d’incidence paraît elle aussi fondamentale pour cerner les
particularités syntaxiques de la phrase nucléaire impérative.
A notre connaissance, une seule thèse d’inspiration guillaumienne a pris spécifiquement pour objet
le mode impératif, c’est celle de Monir Yazdi, L’impératif en français moderne, conduite sous la direction
de Bernard Pottier49. Cette thèse ne s’inscrit toutefois que pour une part dans le cadre de la
psychomécanique, puisqu’elle n’exclut pas d’emblée la perspective onomasiologique et pragmatique 50. Elle
comporte à notre avis des développements judicieux sur des phénomènes assez peu étudiés, comme
l’impératif hypothétique, le rapport de l’impératif aux interjections (la méthode de recensement des
exemples est toutefois davantage intuitive que philologique) ; mais elle ne consacre assez curieusement
aucune étude à la syntaxe clitique de l’impératif, alors même qu’il s’agit là d’un trait assez évidemment
caractéristique. C’est qu’au fond elle ne remet pas en cause l’idée guillaumienne de l’inconsistance
systématique de l’impératif, et semble même à un moment 51 reprendre à son compte le modèle de l’ellipse, et
la distinction surface/profondeur. En définitive, l’insuffisante situation épistémologique, puisque la thèse
accumule volontiers les points de vue, ne pouvait aboutir à une étude réellement systématique, malgré des
passages qui ne manquent pas d’intuition. Conscient sans doute de ces insuffisances, l’auteur conclut
notamment :
Il y a lieu tout d’abord de souligner que ce travail n’est en rien exhaustif et qu’il eût été désirable
d’approfondir, en particulier, le rôle et l’évolution de l’impératif à travers le latin et l’ancien français. 52
Cette conclusion nous est une invitation à expliquer maintenant quelle aire linguistique et quelle
étendue signifiante nous avons retenues, respectivement comme cadre général d’investigation et comme
48 Le Flem, 1981. 49 Yazdi, 1983. 50 op. cit., p. 22. 51 ibid., p. 46. 52 ibid., p. 232.
limite syntaxique externe assignée à l’objet linguistique que nous nous proposons. Nous verrons que le
choix de la première détermine pour une part celui de la seconde.
Notre étude, prenant acte de la grande généralité du signifiant impératif que nous évoquions plus
haut, aurait pu être menée à partir d’une comparaison synchronique de plusieurs langues. Le principe de
comparaison nous paraît tout à fait légitime en linguistique, et appliqué, s’agissant de l’objet que nous nous
fixons, à une pluralité d’aires linguistiques contemporaines, il aurait à nos yeux eu le mérite d’apporter
d’horizons très différents des arguments probablement favorables à notre hypothèse de la personnalité
sémiologique (et donc systématique, psychique) du signifiant impératif. Il se trouve que les théories
linguistiques les plus attachées à ce type de comparaison défendent assez paradoxalement, nous l’avons vu,
l’hypothèse inverse, à travers une théorie de l’ellipse diversement formalisée. Cette introduction n’aura fait
que suggérer ce paradoxe, qui détermine pour une part notre choix d’une autre approche épistémologique :
dans le cours de notre travail, nous ne nous fixerons pas du tout l’objectif de contester pied à pied ces
théories de l’ellipse sur leur terrain privilégié qui est celui de la comparaison synchronique. Ce travail
possible, de grande ampleur, n’est pas exclu théoriquement. Il nous a paru qu’il était plus fructueux
d’illustrer notre thèse, au moins préalablement, par la prise en compte d’un matériau linguistique plus
limité, plus homogène, plus conforme aux méthodes défendues par la tradition linguistique dans laquelle
nous nous inscrivons.
une spéculation, risque d’autant plus important que l’objet est familier, ce qui est le cas du français
contemporain. Travailler sur des états anciens de la langue permet donc, dans une certaine mesure, de
circonscrire ce risque. Surtout, cela oblige à recourir à des occurrences avérées, et non construites pour les
besoins de la cause. Voilà deux raisons qui expliquent notre choix de travailler sur l’évolution du mode
impératif français dans le cadre d’une large diachronie du passé. Ces avantages, dans l’ordre de la mise à
distance scientifique, ne doivent pas occulter les inconvénients : notamment la difficulté qu’il y a à
interpréter les lignes toniques ou mélodiques d’occurrences exclusivement écrites, alors même que ces lignes
pourraient être envisagées comme des composantes probables de l’identité sémiologique de l’impératif dans
son rapport au reste de la langue53 ; en ce domaine, la réflexion reposera nécessairement sur des
hypothèses, ou des inductions à partir du français moderne. Une raison plus essentielle décide en fait en
faveur de l’ancien français et de ses prolongements moyen et classique : si nous voulons remettre en cause le
postulat unanimement partagé selon lequel l’impératif procéderait historiquement de l’indicatif et du
subjonctif, ce n’est pas au français moderne, mais bien à l’état de langue conservé qui soit le plus proche
possible de la formation française du mode impératif, qu’il nous faut nous attacher. Nous n’avons pas de
trace de la transformation du système impératif latin en un système français homogène, mais nous pouvons
du moins la deviner et l’interpréter, par la prise en compte, en aval, des époques littéraires médiévales.
Ces considérations expliquent le choix de notre terminus a quo. Les textes du XI e siècle sont
trop rares et par conséquent assez peu représentatifs, c’est pourquoi nous avons retenu le siècle suivant
comme point de départ de notre diachronie d’étude. Le XIIe siècle est celui où les données littéraires en
France commencent à devenir nombreuses, représentatives, et par conséquent à pouvoir servir de base à une
analyse linguistique plus scientifique : si certains le considèrent comme l’époque d’un premier classicisme
dans l’histoire littéraire, il est aussi devenu pour les linguistes, au moins pour cette raison très empirique, le
premier moment dans l’histoire du français où, sur les bases littéraires qui nous restent, l’élaboration d’une
morphosyntaxe, désormais classique elle aussi, devient possible.
De nombreuses évolutions générales caractérisent le système morphosyntaxique de l’impératif
tout au long de la période de six siècles retenue pour servir de cadre chronologique à notre travail, et qui
prend pour point de départ le XIIe siècle. Le choix du XVIIe siècle comme terminus ad quem s’explique
essentiellement par le fait que ce n’est qu’à cette époque que le signifiant impératif adopte certains traits
53 Saunier, 1999, étudiant l’exemple de l’expression tiens ! en français moderne, montre ainsi très clairement que les « formes
prosodiques » contribuent à la « structuration des valeurs (sémantiques) » de cet impératif isolé, toujours susceptible de devenir
interjection. La nature de notre corpus nous empêche naturellement de tirer pareilles inductions sémantiques de lignes
signifiantes qui, à travers l’écrit, ne nous sont plus accessibles aussi précisément. S’agissant de l’impératif isolé tiens, dont
nous étudierons le fonctionnement sémantique dans notre deuxième séquence, nous nous fonderons, comme E. Saunier, sur le
contexte, mais, une fois dégagées et formalisées aussi rigoureusement que possible ses différentes valeu rs, nous ne pourrons
bien sûr, comme elle peut le faire, relier ces valeurs à des courbes prosodiques.
sémiologiques encore caractéristiques du français contemporain, que ces traits d’ailleurs infirment ou
confirment la spécificité sémiologique de l’impératif. Sans entrer ici dans le détail, nous pouvons cependant
évoquer trois de ces traits modernes, le premier morphologique, les deux autres syntaxiques.
Sur le plan morphologique tout d’abord, Pierre Fouché signale qu’en dehors de la conjugaison
dite première (celle dont l’infinitif se termine en -er), des « formes <fortes 54 d’impératif> sans s se sont
conservées jusqu’en plein XVIIème siècle (surtout à la rime) »55 ; or, l’on sait que l’absence d’s final
constituait une caractéristique sémiologique des impératifs forts latins, tels dic, ama, gaudi. La diachronie
que nous avons retenue correspond donc, sur le plan morphologique et orthographique, à une période de
maintien général de l’identité sémiologique de l’impératif fort, identité qui sera sérieusement menacée à la
fin de la période et régulièrement remise en cause ensuite ; nous renvoyons sur ce point particulier à notre
analyse diachronique de détail56.
Le deuxième trait relève davantage de la syntaxe, et va cette fois dans le sens d’une confirmation
de la spécificité de l’impératif : il s’agit, d’une part de la disparition totale des structures impératives avec
clitique sujet exprimé57, que l’on rencontrait dans l’ancienne langue, d’autre part de l’obligation où va se
trouver la langue, à partir de l’époque classique, de toujours exprimer le sujet devant un indicatif ou un
subjonctif. Cette double évolution diachronique, scellée au XVIIe siècle, est d’une grande importance,
puisqu’elle change du tout au tout l’identification de la frontière sémiologique entre l’impératif d’une part,
l’indicatif et le subjonctif d’autre part : à partir du XVII e siècle nous entrons dans les règles de distribution
exclusives modernes, et le mode impératif acquiert enfin une personnalité morphosyntaxique indiscutable :
notre période correspond donc à l’histoire des efforts consentis par la langue pour retrouver une traduction
sémiologique économique, dans les termes de la langue analytique que devient peu à peu le français, de la
nuance modale simple que le latin synthétique exprimait par un jeu de désinences.
Troisième trait, syntaxique : la progressive disparition, hormis derrière ne, de toutes les structures
impératives proclitiques. Ferdinand Brunot signale que l’ordre proclitique derrière coordonnant tombe peu à
peu en désuétude dès le XVIIe siècle58. Nous montrerons quant à nous que notre période correspond aussi à
un ajustement clitique très général des séquences impératives où l’antéposition d’un signe directement
dépendant du verbe était, dans la syntaxe de l’ancienne langue, corrélée à l’ordre proclitique. Cette
évolution va dans le sens d’une meilleure affirmation sémiologique du mode impératif.
54 Nous désignerons ainsi les formes d’impératif singulier, dont l’accent porte sur le radical. 55 Fouché, 1967, p. 208. 56 Dans la partie de
morphologie que nous consacrons à la désinence de la forme forte d’impératif. 57 Nous étudierons l’évolution et la progressive disparition
de ces structures en diachronie dans notre troisième partie, consacrée
à la syntaxe. 58 Brunot, 1966, p. 679.