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Anatole France
Anatole France
adorado.
A atrao do perigo est no fundo de todas as grandes paixes. No h volpia
sem vertigem. O prazer mesclado ao medo embriaga. E que h de mais
terrvel que o jogo? Ele d, ele toma; suas razes no so as nossas razes. Ele
mudo, cego e surdo. Ele pode tudo. um deus.
um deus. Tem seus devotos e seus santos que o amam pelo que , no pelo
que promete, e que o adoram quando os golpeia. Se os despoja cruelmente,
imputam a culpa a si mesmos, no a ele.
Joguei mal, dizem.
Acusam-se e no blasfemam.
Les joueurs jouent comme les amoureux aiment, comme les ivrognes boivent,
ncessairement, aveuglment, sous l'empire d'une force irrsistible. Il est des
tres vous au jeu, comme il est des tres vous l'amour. Qui donc a invent
l'histoire de ces deux matelots possds de la fureur du jeu? Ils firent
naufrage et n'chapprent la mort, aprs les plus terribles aventures, qu'en
sautant sur le dos d'une baleine. Aussitt qu'ils y furent, ils tirrent de leur
poche leurs ds et leurs cornets et se mirent jouer. Voil une histoire plus
vraie que la vrit Chaque joueur est un de ces matelots-l. Et certes, il y a
dans le jeu quelque chose qui remue terriblement toutes les fibres des
audacieux. Ce n'est pas une volupt mdiocre que de tenter le sort. Ce n'est
pas un plaisir sans ivresse que de goter en une seconde des mois, des
annes, toute une vie de crainte et d'esprance. Je n'avais pas dix ans quand
M. Grpinet, mon professeur de neuvime, nous lut en classe la fable de
l'Homme et le Gnie. Pourtant je me la rappelle mieux que si je l'avais
entendue hier. Un gnie donne un enfant un peloton de fil et lui dit : Ce fil
est celui de tes jours. Prends-le. Quand tu voudras que le temps, s'coule pour
toi, tire le fil : tes jours se passeront rapides ou lents selon que tu auras
dvid le peloton vite ou longuement. Tant que tu ne toucheras pas au fil, tu
resteras la mme heure de ton existence. L'enfant prit le fil; il le tira
d'abord pour devenir un homme, puis pour pouser la fiance qu'il aimait, puis
pour voir grandir ses enfants, pour atteindre les emplois, le gain, les
honneurs, pour franchir les soucis, viter les chagrins, les maladies venues
avec l'ge, enfin, hlas! pour achever une vieillesse importune. II avait vcu
quatre mois et six jours depuis la visite du gnie.
Eh bien! le jeu, qu'est-ce donc sinon l'art d'amener en une seconde les
changements que la destine ne produit d'ordinaire qu'en beaucoup d'heures
et mme en beaucoup d'annes, l'art de ramasser en un seul instant les