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[Remerciements]
Introduction
4
Par souci de concision, nous définissons le deuxième pôle théorique par une appellation qui ne rend pas justice à la pluralité de
ce courant. Comme nous le verrons plus tard, cette appellation est un terme venu de l’extérieur qui convient plus aux théories de
Boltanski et Thévenot qu’à celles de Latour et Callon que nous pourrons désigner selon l’apport mobilisé comme ANT (Théorie de
l’acteur-réseau) ou sociologie de la traduction.
5
LATOUR, B., Changer de société, refaire de la sociologie, Paris : Ed. La découverte, 2007 (Ed. originale anglaise 2005),
p. 207.
10
Nous retrouvons, dans les ouvrages de Luc Boltanski, Laurent Thévenot ou Bruno
Latour, et ce, à de nombreuses reprises, des références à Algirdas Greimas et à son
approche narrative.
« Il ne serait pas exagéré de dire que la sociologie de l’acteur-réseau est
redevable pour moitié à Garfinkel et pour moitié à Greimas : elle a simplement
associé deux des plus intéressants courants intellectuels de part et d’autre de
l’Atlantique, et elle est parvenue à se nourrir de la réflexivité intrinsèque des
6
comptes rendus qu’offrent les acteurs comme les textes. »
La sociologie pragmatique s’est donc nourrie de la sémiotique greimassienne pour
réinterroger la question du social. Nous faisons le pari, dans cette recherche, que
cette réappropriation par les sociologues ouvrira de nouvelles pistes et de nouvelles
interrogations pour questionner notre objet de recherche. Si le pari peut sembler ambitieux,
il nous semble opératoire pour questionner un phénomène médiatique en train de se faire
et saisir une tension linguistique en train de se défaire et comprendre, ainsi, un phénomène
narratif et social.
Nous partons de deux postulats sociologiques : l’un permet de considérer l’individu
représenté, c'est-à-dire l’homme politique ; l’autre saisit un phénomène plus large : la
peopolisation. Le premier nous invite à appréhender la pluralité des modes d’engagement
que l’homme politique éprouve dans sa réalité quotidienne. Ici, c’est la théorie de l’homme
7
nomade qui nous intéresse particulièrement ; approche qui considère l’individu comme
porteur d’une identité plurielle, actualisée par la dynamique du rapport entre cet être et
les différents environnements dans lesquels il circule. Le second postulat nous permet de
considérer ce moment d’incertitude (la campagne présidentielle de 2007) dans lequel se
construit le phénomène de peopolisation et donc, plus loin de considérer ce processus
comme une controverse, au sens de Latour. Pourtant, c’est tournés vers des considérations
sémiotiques que nous cherchons à expliquer les logiques immanentes au récit qui ordonne
et organise cette réalité sociale. Notre problématique nécessite donc de mettre à jour les
règles et le dispositif susceptibles d’engendrer les récits mettant en scène l’homme politique
à la fois comme personne publique et personne privée et de construire une définition de la
peopolisation et, ainsi, de tenter d’éclairer une situation communicationnelle confuse.
Par sa problématique, son sujet, son terrain et sa méthodologie, ce travail relève
donc spécifiquement des sciences de l’information et de la communication, mais il vise
aussi à une interdisciplinarité susceptible de permettre d’autres résultats. L’inscription
disciplinaire est une nécessité propre à tout travail de thèse. Elle revêt des caractéristiques
particulières, qui peuvent être un chemin théorique et méthodologique contraignant mais
aussi, et paradoxalement, unifiant et rassurant. Elle se comprend par les espaces qu’elle
traverse et par le mouvement qu’elle suit, sa construction. Elle permet de définir un ordre
et des logiques de recherche (de terrain, théorique ou méthodologique). Dans le même
temps, le principe même de la recherche se nourrit des passages, des emprunts et des
adaptations, permettant aussi, peut-être, d’autres regards sur les questions envisagées par
une discipline.
6
LATOUR, 2007, op.cit. p. 79.
7
THEVENOT, L., L’action au pluriel, Paris : Ed. La Découverte, 2006. p. 23-53.
11
8
Un tournant déjà en formation dès Du Sens II avec les analyses de sémantique lexicale sur la colère (GREIMAS, A., Du
sens II , 1983, p. 225-245) même si les passions sont abordées ici simplement comme des actions.
9
GREIMAS, A., De l’imperfection, Perigueux : Ed. Pierre Fanlac, 1987. p. 99 (conclusion de l’ouvrage). Sans établir de
lien qui n’aurait pour conséquence que la surinterprétation, nous notons que ce dernier mot de l’ouvrage fut aussi, selon
la légende, les dernières paroles de Goethe : « Mehr Licht! Mehr Licht! » (« Plus de lumière! Plus de lumière! »)
10
GREIMAS, A. & FONTANILLE J., Sémiotique des passions : Des états de choses aux états d'âme , Paris : Seuil, 1991, p. 7-20.
11
ABLALI, D., La sémiotique du texte : Du discontinu au continu, Paris : L’Harmattan, 2003, p. 169-170.
12
12
PANIER, L., « Ricœur et la sémiotique : une rencontre improbable ? », Semiotica , 168, 2008, p. 318.
13
ABLALI, D., « Sémiotique et Sic : je t’aime, moi non plus. », Semen , 23, 2007, p. 7.
14
HENAULT, A., Le pouvoir comme passion , Paris : PUF, 1994, p. 8 pour sa première apparition. Cette expression d’Anne
Hénault est tirée d’une phrase de Greimas (1991, op. cit. p. 22) « Pouvoir parler de passion, c’est donc tenter de réduire ce
hiatus entre la connaitre et le sentir. Si la sémiotique s’est attachée, dans un premier temps, à mettre en évidence le rôle
des articulations modales moléculaires, il est bon qu’elle cherche à rendre compte maintenant des parfums passionnels que
produisent leurs arrangements » .
15
THEVENOT, L., « L'action qui convient », PHARO, P., et QUERE, L., (éds.), Les formes de l'action, Paris : Ed. EHESS, 1990, p.40.
13
14
Ce travail est ainsi guidé par deux fils directeurs : un objet empirique et une approche
interdisciplinaire. L’un n’existe pas sans l’autre. L’objet empirique façonne notre posture tout
comme notre posture produit le corpus qui permet d’observer l’objet de notre recherche. Le
tissage de ces fils se fonde, alors, sur quatre hypothèses principales :
Si la sémiotique a permis de « refaire de la sociologie », la sociologie
pragmatique permet de « refaire de la sémiotique » pour considérer un
phénomène médiatique en train de se faire et une tension linguistique en train
de se défaire et pour, finalement, dépasser l’horizon indépassable du texte.
Prendre le parti du mouvement plutôt (plus tôt) que des espaces évite le piège
de l’impossible localisation d’un objet en train de se faire pour revenir à un
processus produisant ses propres espaces pour s’y installer ; cela permet,
ainsi, de saisir l’être du sens dans sa génération en postulant de sa quiddité
(monde domestique/monde de l’opinion/monde civique) et le sens de l’être
en projetant le récit hors du texte pour le considérer comme une pratique ou
action réflexive dans le monde social. Si le journaliste est un narrateur qui
joue le rôle de traducteur et de porte-parole des êtres de papier qu’il met en
scène, en installant et sanctionnant les actions décrites dans des rapports de
grandeurs particuliers et produisant alors l’identité médiatique des candidats à
l’élection présidentielle de 2007, il est aussi un acteur qui construit le phénomène
de peopolisation, chaque récit devenant une réponse qui résout (ou dénonce)
les tensions induites par l’hétérogénéité des êtres en présence et justifie ce
phénomène. La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda
politique, signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements quant à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le
définir et de l’inscrire dans l’espace public français.
Au travers de ces quatre hypothèses, nous définissons une recherche autour d’un
phénomène narratif et social – la peopolisation – et des moyens théoriques et
méthodologiques pour l’investir. Mais cette étude repose parallèlement sur un intérêt
particulier quant à l’espace de production de notre corpus : la presse people. En 2005,
quand débutait cette recherche, une moyenne de trois millions huit cent quarante-neuf mille
22
exemplaires de cette presse était diffusée chaque semaine . L’aporie du savoir quant au
phénomène de peopolisation était amplifiée par celle à propos d’une presse très lue en
France mais considérée comme illégitime dans l’espace politique et scientifique. Il apparut
donc nécessaire de nous pencher sérieusement sur le phénomène de peopolisation et
23
de l’observer dans son rapport à un genre de presse largement méconnu . Dans cet
intérêt double, nous avons fait le choix de considérer la peopolisation sous l’angle de
22
Ce chiffre prend en compte les neufs titres de presse people sélectionnés pour cette étude : Paris-Match, VSD, Closer, Voici,
Public, Point de Vue, Gala, France-Dimanche et Ici-Paris. Ce chiffre subit une lègre baisse en 2009 avec une moyenne de 3600000
exemplaires. Cependant, il faut noter que cette presse en pleine expansion a vu la naissance de nombreux titres tels que Oops !,
Psst !, Célebrité magazine, Yep !, Envy, qu’il faut alors ajouter à la diffusion moyenne de 2009. Ces chiffres ont été établi grâce aux
données de l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias [en ligne: http://www.ojd.com/public/]
23
Notons que notre intérêt pour ce type de presse est aussi celui de nombreux chercheurs en France. Nous pouvons citer Annik
Dubied et toute l’équipe du projet « Information-people » de l’université de Genève mais aussi Jamil Dakhlia, Virginie Spies, Marc
Lits, etc., autant de chercheurs qui ont largement participé, depuis le début de notre recherche, à la (re)connaissance scientifique
de ce genre médiatique en France.
15
24
la médiatisation des hommes politiques dans la presse people et donc d’observer les
journalistes définir et construire ce phénomène.
A partir de ces quatre hypothèses et de notre intérêt empirique, la toile de notre
recherche est tissée de sept chapitres et d’une conclusion.
Cet écrit met notre interdisciplinarité à l’épreuve de sa compatibilité et sa pertinence,
tout en le rattachant à notre objet et à son corpus, pour réfléchir les notions d’action, de récit,
d’énonciation, de mouvement et d’espace et pour opérer idéellement un dédoublement de
l’énonciateur comme un narrateur et un acteur (Chap. I et II). La méthode interdisciplinaire
saisit, alors, les espaces d’émergence de notre corpus : la campagne présidentielle,
l’espace médiatique, l’espace de notoriété et la presse people – pour considérer la définition
25
de l’identité médiatique et la sélection de notre corpus (Chap. III). Ce corpus est multiple .
Il est composé des récits issus de la presse people à propos d’au moins un candidat à
l’élection présidentielle, parus entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007 mais aussi
des portraits parus dans la presse quotidienne nationale lors de la campagne présidentielle
officielle. Il est élargi aux récits issus de la presse people et de la presse quotidienne
nationale à propos de trois événements politiques et peoples post-campagne et de 1395
26
Unes de presse people parus après la clôture de notre premier corpus, c'est-à-dire après
le 14 mai 2007. La prise en compte de cette multiplicité renvoie à notre volonté de considérer
non seulement la peopolisation lors de la campagne présidentielle dans la presse people,
mais aussi de la dépasser dans sa temporalité et dans son genre en considérant une
presse « plus » sérieuse. L’élaboration d’un répertoire des termes dévoile l’organisation
sémantique du corpus issu de la campagne présidentielle et révèle les tensions inhérentes
à l’hétérogénéité contenue dans notre objet (Chap. IV). Cette hétérogénéité est, par la suite,
considérée sous l’angle des lignes éditoriales de la presse people, élucidant la manière dont
chaque porte-parole porte la parole de la campagne présidentielle et de ses personnages
(Chap. V). Mais cette hétérogénéité est aussi celle contenue dans l’identité médiatique de
chacun des candidats à l’élection présidentielle (Chap. VI). L’analyse de la traduction de
la parole des personnages politique et d’un évènement politique et people, par la presse
people et la presse quotidienne nationale, poursuit la visée explicative de la matérialisation
du mélange des mondes dans des règles de construction et d’organisation spécifiques
des récits médiatiques et considère le potentiel évènementiel de l’information-people. Mais
c’est une analyse quantitative des Unes parues à la suite de la campagne électorale qui
signe l’observation de la temporalité du phénomène de peopolisation (Chap. VII). Enfin,
notre conclusion reprend les fils de ces chapitres pour retisser leurs analyses et leurs
réflexions en envisageant chaque récit comme le résultat d’une traduction du phénomène
de peopolisation qui le performe. Elle ouvre, ainsi, notre travail à la considération de la
performance de peopolisation – pratique, critique ou confirmante – ce qui permet, au
moment où se clôt cette recherche, de la définir et de considérer sa forme et sa place dans
l’espace public français.
24
Nous élargissons le corpus de presse people par un corpus de presse quotidienne nationale dans une volonté de comparaison.
25
L’explicitation des techniques de composition de notre corpus se trouve en Annexes. A. avant la liste des titres, numéros
et articles qui le composent.
26
1395 Unes issues de neuf titres de presse people – Paris-Match, VSD, Closer, Voici, Public, Point de Vue, Gala, France-
Dimanche et Ici-Paris – sur 155 semaines.
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17
des associations, se définissent, font et défont des regroupements, règlent les incertitudes
face à une activité, une identité ou un lieu.
I. 1. 1. L’actant
Greimas explique l’organisation narrative du récit à partir de deux niveaux (immanent/
profond et de manifestation/superficiel), mais aussi à partir de deux composantes
(syntaxique et morphologique). La composante morphologique investit les unités
sémantiques du texte alors que la composante syntaxique révèle la structure même du récit
à la fois à travers son modèle constitutionnel (au niveau profond) et son modèle actantiel
(au niveau de surface). Ce dernier modèle est justement ce qui nous intéresse ici en ce
qu’il permet l’identification des actants du récit. Greimas a fondé sa définition de l’actant
en se distanciant du personnage proposé par Propp. Ce dernier analyse l’organisation du
29
conte à partir d’un inventaire des fonctions des personnages . C’est par la réduction de cet
inventaire que Greimas repense les concepts pour qu’ils dévoilent l’organisation de textes
autres que le
29
PROPP, V., Morphologie du conte (Edition originale russe 1928) , Paris : Seuil, 1970.
18
19
introduction pose, dès la première phrase, l’idée de la notion d’actant, même si celle-ci n’est
pas encore dite comme telle:
« Les lecteurs de cet ouvrage pourront ressentir une certaine gêne à ne pas
rencontrer dans les pages qui suivent les êtres qui nous sont familiers. Point
de groupes, de classes sociales, d’ouvriers, de jeunes, de femmes, d’électeurs,
etc., auxquels nous ont habitués aussi bien les sciences sociales que les
nombreuses données chiffrées qui circulent aujourd’hui sur la société. Point
encore de ces personnes sans qualités que l’économie nomme des individus
et qui servent de support à des connaissances et à des préférences. Point non
plus de ces personnages grandeur nature que les formes les plus littéraires de
la sociologie, de l’histoire ou de l’anthropologie transportent dans l’espace du
savoir scientifique, au travers de témoignages souvent très semblables à ceux
que recueillent les journalistes ou que mettent en scène les romanciers. Pauvre
en groupe, en individus ou en personnages, cet ouvrage regorge en revanche
d’une multitude d’êtres qui, tantôt êtres humains tantôt choses, n’apparaissent
jamais sans que soit qualifiés en même temps l’état dans lequel ils interviennent.
C’est la relation entre ces états-personnes et ces états-choses, constitutive de ce
34
que nous appellerons plus loin une situation, qui fait l’objet de ce livre. »
Ce paragraphe, le premier de l’ouvrage, s’affranchit de toute construction préalable d’un
portrait sociologique opératoire et tente d’appréhender, non plus un individu ou un groupe,
mais des êtres. Latour fut le premier sociologue de style pragmatique à recourir à la
notion d’actant jugeant le terme d’acteur, habituellement utilisé dans sa discipline, trop
35
anthropomorphique . Il emprunte cette notion à Greimas et la définit pour une partie avec
les mots mêmes du sémioticien. C’est en 1990 que Boltanski reprend, à sa suite, la notion
d’actant et réintègre ainsi les figures du collectif, souvent délaissée selon lui, pour en faire
36
des entités à part entière .
Cependant, plus que l’ouverture vers le non-humain, le concept d’actant est, par là
même, repris dans son abstraction. En reprenant la dernière phrase de la citation faite
plus haut, on peut remarquer l’émergence du concept d’ « état ». Les propriétés ne sont
plus attachées en permanence à l’être mais se révèlent dans le cours de l’action, dans la
réalisation de l’épreuve. La notion d’actant permet donc à Boltanski et Thévenot de qualifier
37
le sujet de l’action sans pour autant déterminer son statut et son identité : les personnes
38
ne sont justement personne en dehors de leurs actions .
34
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 11.
35
LATOUR, 1984, op. cit . p.22.
36
BOLTANSKI, L., L'amour et la justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l'action, Paris : Métaillé, 1990, p. 266.
37
Le terme de « personne », emprunté à Strawson par les sociologues de style pragmatique, désigne, sans aucune
connotation psychologique, les gens engagés dans l’action avant qu’ils ne soient dotés de compétences cognitives ou morales et
qu’ils deviennent des « agents ». (STRAWSON, P., Les individus, Paris : Seuil, 1973.)
38
Cette considération fut la cible de nombreuses critiques décrivant un excès pragmatique et refusant l’incertitude et l’instabilité
sous-tendues par la notion d’état et l’argument de non-attachement. Dans La condition fœtale (BOLTANSKI, L., La condition fœtale,
Paris : Gallimard, 2004), Boltanski revient alors sur sa position et concède une identité personnelle fixe aux personnes, identité qui se
manifeste par des désignateurs rigides tels que le nom et qui nous permet de les identifier et les ré-identifier quant elles passent d’un
monde à l’autre. Nous verrons par la suite que cette critique et cette correction ne mettent pas en péril nos considérations.
20
I. 1. 2. L’axiologie
La sociologie pragmatique se déploie, entre autres, avec le « Groupe de Sociologie Politique
et Morale ». Le nom de ce groupe et, plus particulièrement, le terme « moral » qui y figure,
permet de s’interroger sur la place de l’axiologie dans ses préoccupations et, toujours dans
notre logique de recherche de compatibilité, dans celles de la sémiotique greimassienne.
Nous employons, ici, le terme d’axiologie dans le sens que Greimas lui donne, c'est-à-dire
comme le mode d’existence paradigmatique des valeurs (Greimas/Courtés 1979 p. 26), et
non comme une branche de la philosophie.
Forts de cette précaution terminologique et des considérations précédentes sur la
40
notion d’actant, considérons l’extrait d’un article portant sur le mariage de Nicolas et Carla
Sarkozy : « Il [Nicolas Sarkozy] a toujours eu beaucoup de considération pour elle
[Cécilia Attias ex-Sarkozy] et tenait à ce qu’elle apprenne la nouvelle avant la presse
[4 jours avant le mariage ]. Un contrat de mariage a été signé entre les époux, préparé
comme Closer vous l’avait annoncé il y a quelques semaines, par l’avocat de la
41
chanteuse [Carla Bruni-Sarkozy], venu exprès de Suisse. » Dans cet extrait , nous
repérons les actants de narration : sujet, objet et Destinateur, manifestés dans le récit, entre
autres, par les acteurs : Cécilia Attias, le mariage, Nicolas Sarkozy. Mais, nous pouvons
aussi remarquer les traces (explicites) de l’énonciation par les termes « Closer » ou
« vous ». Si nous nous attardons quelques instants sur l’axiologie de cet extrait, nous
remarquons que le narrateur informe l’action (faire-savoir) du destinateur (Nicolas Sarkozy)
par les modalités axiologiques que ce Destinateur attribue au sujet (Cécilia Attias) et à l’anti-
sujet (la presse) par rapport à l’objet (la nouvelle du mariage). Sur l’échelle des valeurs,
42
Cécilia Attias est portée par une grandeur plus forte que la presse. Pourtant, cet
ordre est sanctionné négativement par le narrateur qui indique que la presse (l’anti-sujet) le
savait et l’avait annoncé bien avant que Cécilia Attias (le sujet) ne l’apprenne : le narrateur
contredit ainsi la valeur que le Destinateur donne à son action. Dans le vocabulaire de Louis
43
Hébert , nous parlerons d’évaluations d’assomption et de référence. La première révèle
le classement des valeurs qui justifie le faire et ordonne l’être des actants de narration,
39
NACHI, 2006, op. cit. p. 52.
40
Closer 139.
41
Nous nous servons de cet extrait pour servir une présentation théorique de l’axiologie dans la sémiotique narrative et non
en vue d’une analyse exhaustive et complète : certains raccourcis ont donc été fait par soucis d’éviter des explications qui viendront
dans la suite de cet écrit.
42
Le terme de grandeur est un terme issu de la sociologie pragmatique. Il est un principe d’évaluation qui « définit la qualité
des êtres qui se révèle dans des épreuves dont la mise en œuvre repose sur la qualification » (Nachi 2006 p. 62)
43
HEBERT, L., « L’analyse thymique », HEBERT, L. (dir.), Signo, 2006, [en ligne : http://www.signosemio.com]
21
22
principe d’équivalence par rapport auquel peut-être établie la grandeur relative des
48
êtres en présence » . L’accord sur un principe d’équivalence nécessite une définition
commune de ce qui fait la valeur des choses et des personnes et donc un agencement juste
et justifiable. Le sociologue cherche donc les motifs moraux sur lesquels les acteurs pris
dans la situation s’entendent ou se disputent, pour enfin mettre à jour une architecture qui
permet de comprendre comment les personnes passent d’une circonstance particulière à
une action, et ce, en adéquation avec la situation. Or, ce sont les motifs moraux et les valeurs
investies dans les êtres qui font exister l’action, objet de cette sociologie pragmatique, ou qui
font exister le récit, objet de la sémiotique greimassienne. Le troisième principe, qui définit
la notion d’épreuve, va nous permettre d’étendre cette considération.
I. 1. 3. L’épreuve
La notion d’épreuve est présente dans la sociologie pragmatique comme dans la sémiotique
greimassienne. Cependant, ses emplois revêtent des caractéristiques très différentes. Si,
dans le vocabulaire greimassien, l’épreuve est un changement d’état particulier, elle est une
possibilité de changement d’état dans celui de Boltanski et Thévenot. Cette notion dévoile
donc, dès ses premières évocations, un lien étroit avec une vision syntagmatique de l’action.
Selon Boltanski et Thévenot, l’épreuve englobe, à la fois, les opérations de qualification
et de détermination des êtres et celles de négociations et de formations d’accord entre
les personnes. Imaginons deux enfants qui souhaitent s’échanger des billes : toutes les
opérations par lesquelles ils vont passer, avant de rendre effectif l’échange, constituent
l’épreuve : opération de qualification des valeurs des différentes billes, formation d’un accord
sur ces valeurs, opération de détermination d’un échange juste, la réalisation de cette
épreuve pouvant être ponctuée par des disputes, dénonciations, etc. L’épreuve investit
donc ce « moment d’incertitude et d’indétermination au cours duquel se révèlent,
49
dans le flux de l’action, les forces en présence » suivi par des opérations d’accord
(légitime ou forcé) sur les qualifications et attributions des états des êtres, réglant alors le
moment d’incertitude. La notion d’épreuve rompt donc définitivement avec une conception
déterministe de l’action, qu’elle soit fondée sur la toute-puissance des structures ou sur
la domination des normes intériorisées : elle sous-tend l’idée d’« un acteur libre de
ses mouvements, capable d’ajuster son action aux situations et, par conséquent
50
d’avoir une prise sur le monde dans lequel il s’enracine » . Finalement, l’épreuve
consiste en ce moment où se construit la situation en attribuant aux êtres et aux choses
des états et des valeurs. Ces opérations de qualifications et d’accords permettront plus loin
la réalisation et la définition de l’action. L’épreuve prend donc sens dans sa relation avec
l’action mais demande au préalable d’interroger la dimension cognitive qu’elle sous-tend.
En effet, pour dépasser le moment d’incertitude, le sujet doit détenir une certaine capacité
cognitive, c'est-à-dire mobiliser des équipements mentaux spécifiques et mettre en place
un système de valeurs. Une question s’impose ici : retrouvons-nous une telle considération
dans les théories greimassiennes, c'est-à-dire une propriété cognitive qualifiant le détenteur
du système axiologique ?
L’organisation syntaxique du récit est définie, entre autres, à partir de la dichotomie
pragmatique/cognitif. Cette dichotomie permet de distinguer deux types d’acteur : l’acteur
48
Ibid. p. 79.
49
NACHI, 2006. op. cit. p. 57.
50
Ibid. p. 56.
23
cognitif et l’acteur pragmatique. Or, c’est justement l’acteur cognitif qui nous intéresse ici, en
tant qu’il est celui capable d’éprouver. Cette dichotomie n’intervient pas comme une nouvelle
variable qui distinguerait, au niveau profond, les actants, mais se saisit dans la convergence
du modèle actantiel et du modèle constitutionnel, c'est-à-dire lorsque les actants sont
manifestés et rattachés à un faire et un être particuliers. L’acteur cognitif est présenté comme
le détenteur du système axiologique du récit ; la dimension cognitive ne changeant pas
l’action mais la valeur de l’action. Il agit sur le mode du croire et/ou du savoir. A l’inverse,
l’acteur pragmatique agit sur l’effectivité d’une conjonction ou d’une disjonction. Le faire des
deux enfants souhaitant s’échanger des billes investit la dimension cognitive du récit lorsqu’il
s’agit d’établir un système de valeurs des objets concernés, puis la dimension pragmatique
par la réalisation de l’échange (c'est-à-dire leurs conjonctions et leurs disjonctions avec les
billes). Dans cet exemple, les enfants sont dotés d’un savoir ou d’un croire (sur la valeur des
objets et des sujets), il y a donc syncrétisme entre le sujet pragmatique et le sujet cognitif. Si
ces deux mêmes enfants avaient demandé l’avis d’un de leurs parents quant à la justesse
de l’échange et donc quant aux valeurs investies dans l’objet, ce parent aurait eu le rôle
d’informateur, les enfants étant alors privés de leur compétence cognitive et n’étant plus
maîtres de l’épreuve. L’informateur est un sujet cognitif autonome ; il modifie uniquement
les valeurs descriptives de l’objet. Si celui-ci influait, de plus, sur les valeurs modales de
l’action, nous parlerions alors d’un Destinateur, c'est-à-dire celui qui fait faire et qui fait être.
Dans la structure narrative, nous pouvons trouver deux types de destinateur qui suivent le
dédoublement de l’énoncé, opéré par Joseph Courtés: l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé
(qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée (qui est la façon de présenter ce narré)
51
. Ainsi, dans le récit, il y a le destinateur pris dans l’énonciation-énoncée et celui pris dans
52
l’énoncé-énoncé. Dans cette logique, le producteur du discours est un destinateur . Ce
destinateur, présupposé logiquement par l’énoncé, peut déléguer une partie du système
53
axiologique à un Destinateur qu’il installe dans le récit, cette configuration permettra alors
54
au chercheur de confronter évaluation d’assomption et évaluation de référence . Au sein
du schéma narratif, le Destinateur constitue une instance actantielle ; il communique au
Destinataire-sujet non seulement les éléments de la compétence modale, mais aussi les
valeurs en jeu. Parce que le Destinateur intervient dans la dimension cognitive du fait qu’il
fait-faire (ou être) et que le Destinataire-sujet fait (ou est), agissant alors sur la dimension
pragmatique, leur communication est asymétrique et se rapproche de celle existant entre
un sujet et un objet. Le Destinateur peut investir le schéma narratif à deux moments. Il
peut être à l’origine de la performance (Destinateur-manipulateur) mais peut aussi produire
une sanction, portant un jugement épistémique sur la performance et rétribuant le sujet
(Destinateur-judicateur).
51
COURTES, J., Analyse sémiotique du discours : de l'énoncé à l'énonciation, Paris : Hachette supérieur, 1991, p. 246.
52
Si la présence de ce destinateur est implicite, nous parlerons d’énonciateur, si elle est explicite (reconnaissable dans le récit
par un « je », un « ici » ou un « maintenant »), nous traiterons alors d’un narrateur, tandis que si elle est simulée (avec l’utilisation
du dialogue, par exemple), nous serons en présence d’un interlocuteur. Cette répartition est valable de la même façon pour celui
qui reçoit le discours, dénommé alors, respectivement, énonciataire, narrataire ou interlocutaire. Cependant, si dans un soucis de
distinction entre celui qui produit et celui qui reçoit, nous les catégorisons rapidement comme cela, il est important de souligner que
le destinateur et le destinataire sont tous deux producteurs de discours : « la lecture étant un acte de langage (un acte de signifier)
au même titre que la production du discours proprement dite » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 125).
53
Désignant un actant de narration, le terme Destinateur sera écrit avec une majuscule tandis que la présence de la minuscule
le signifiera comme actant de communication. Cette distinction typographique (instaurée par Greimas) permet de saisir immédiatement
de quel type de destinateur nous traitons.
54
HEBERT, 2006. op. cit.
24
I. 1. 4. Compétence et Performance
55
Dans notre corpus, nous verrons que la presse people attribue ce rôle à des objets, tels que les astres, la forme du visage
ou la forme de l’écriture.
56
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 52-55 et 270-272.
25
57
la définition que fait Chomsky . Pour ce dernier, la compétence est une connaissance
intuitive de la langue, c’est un système de règles intériorisées qui permet alors aux sujets
parlant d’engendrer (produire ou recevoir) un nombre infini de phrases. Ce concept révèle
un savoir mais rejette toute référence à son utilisation, car celle-ci relève, à son sens,
du faire et donc de la performance. Or, pour Greimas et Courtés, « la compétence est
58
un savoir-faire, elle est ce quelque chose qui rend possible le faire » . Ils ouvrent
ainsi les frontières de la définition chomskyenne de performance pour y insérer sa relation
à la compétence. En intégrant les règles d’usage comme relevant de la compétence, ils
permettent à sa dénomination générique d’être rapprochée de la problématique de l’action.
Cet élargissement du prisme refuse la dichotomie fondatrice des notions de compétence et
59
de performance et les dévoile dans une logique de présuppositions . Greimas et Courtés
différencient alors la compétence modale de la compétence sémantique et la performance
dont l’objet est l’acquisition des valeurs modales de celle caractérisée par l’acquisition et la
production des valeurs descriptives, ce sur quoi nous reviendrons dans l’étude du prochain
principe. Plus loin, leur travail de relecture des théories chomskyennes et leur intérêt tourné
vers le récit les conduit à envisager une performance dite narrative qui s’identifie par le
syncrétisme du sujet de faire et du sujet d’état, c’est-à-dire quand les deux rôles syntaxiques
de S1 (sujet de faire) et de S2 (sujet d’état) sont pris en charge par un même acteur.
Dans l’ouvrage qu’il consacre à la sociologie pragmatique, Nachi retrace l’origine
des concepts utilisés par Boltanski et Thévenot dont il attribue l’inspiration de celui de
compétence à Chomsky. Ces auteurs introduisent les mêmes nuances que Greimas en
établissant une acception plus large de la compétence, allant au-delà de la compétence
60
linguistique :
« L’identification suppose une compétence parce qu’elle ne peut être réduite
à la projection hors de soi d’une intentionnalité. Elle ne dépend pas de la pure
subjectivité du sujet, qui ne constitue pas le sens de la scène par le regard
qu’il porte sur elle. Comment les personnes pourraient-elles se mettre dans
la disposition requise et orienter leur regard dans le sens voulu, comment
pourraient-elles même viser un ordre parmi la multiplicité chaotique des
rapprochements possibles si elles n’étaient pas guidées par des principes de
cohérence, présents non seulement en elles-mêmes, sous la forme de schèmes
mentaux, mais aussi dans la disposition des êtres à portée, objets, personnes,
61
dispositifs pré-agencés, etc. ? »
Ainsi, plus que la compétence linguistique définie par Chomsky, Boltanski et Thévenot
apportent à la définition générique le cas particulier de la compétence morale ; une
compétence qui ne se réduit pas au sens moral mais qui comprend la capacité à
« reconnaître la nature de la situation et de mettre en œuvre le principe de justice qui
57
CHOMSKY, N., Aspect de la théorie syntaxique , Paris : Seuil. 1971.
58
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 53.
59
La présupposition est ici, unilatérale. Voir figure 2. « Le faire performateur du sujet implique au préalable une compétence
du faire » (GREIMAS, 1983, op. cit. p. 53.)
60
D’ailleurs, Nachi reproduit, dans un encart, la présentation et les critiques que Greimas et Courtès font de la perspective
chomskyenne dans Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, 1993.
61
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.181-182.
26
62
lui correspond » . Construite sur des contraintes conventionnelles, liée à un savoir tacite,
mais aussi psychologique et contextuel, la compétence est toujours pensée à partir de sa
mise en œuvre et du faire qui la présuppose.
27
64 65
de transformations » . Or la représentation de la relation entre états et transformation
est rendue possible par le programme narratif (PN) qui est un enchaînement réglé
subsumant un sujet d’état en relation de conjonction (ou de disjonction) avec un objet et un
sujet de faire en relation avec une performance qu’il réalise. La jonction avec l’objet concerne
un sujet d’état, qui subit la transformation, alors que le processus de transformation,
constituant le faire et rendant compte de ce qui se passe lors du passage d’un état à un
autre, se réfère à un sujet de faire. Prenons pour exemple la phrase « Un passant se fait
dérober son portefeuille» : le sujet d’état est le passant qui est disjoint de son portefeuille.
Le sujet de faire est le voleur. A l’inverse, si nous focalisons cette histoire sur le voleur, la
phrase devient « Un homme dérobe le portefeuille d’un passant ». Le voleur est, ici, à la
fois sujet de faire (il vole) et sujet d’état (il est conjoint au portefeuille), le passant prend
alors la fonction d’anti-sujet. Dans le premier cas, le sujet d’état et le sujet de faire sont
représentés par deux acteurs différents. Dans le second, il y a syncrétisme entre sujet de
faire et sujet d’état, nous sommes ainsi dans la configuration de ce que Greimas désigne
comme performance.
Le programme narratif se comprend donc comme la confrontation d’une transformation
et des états entre lesquels se dessine le passage. Or, le PN peut investir différentes natures :
il peut représenter une compétence ou une performance. Dans la logique de présupposition
qui fonde les définitions de ces deux termes, il nous faut considérer que si le PN dévoile
une performance, il est possible que celui-ci présuppose un autre PN qui mettrait alors
en scène la compétence. Dans cette configuration, nous serions face à un programme
narratif dit complexe, constitué d’un PN de base (performance) et d’un ou de plusieurs
PN d’usage (compétences) ; le PN d’usage étant nécessaire à la réalisation du PN de
66
base . La qualification du PN peut différer selon deux critères essentiels : celui de la
valeur investie (valeur modales ou descriptives) et de la nature des sujets d’état et de faire
(manifestés par deux acteurs différents ou par un seul). Lorsqu’il y a syncrétisme du sujet
d’état et du sujet de faire et que la valeur investie est descriptive, nous sommes dans le cas
d’une performance. Les autres possibilités révèlent une compétence. Or, c’est justement
l’ensemble des réalisations définissant les PN d’usages qui constitue l’épreuve, au sens que
Boltanski et Thévenot lui donnent, et qui sont des points de passage obligé à la réalisation de
67
la performance, réglant les moments d’incertitudes préalables . Les PN d’usages peuvent
donc investir l’acquisition ou l’attribution de valeurs modales (pouvoir, savoir, devoir, vouloir)
et l’attribution de valeurs descriptives.
Finalement, l’action intègre à la fois la compétence et le faire qu’elle questionne et
entraîne ; elle est l’ensemble des suites d’état et de transformations qui s’enchaînent sur
la base de la relation entre un sujet et un objet et de sa transformation. Cependant, si
sa manifestation (ou sa contextualisation) est évidente dans les études de la sociologie
pragmatique, il est important de souligner que, dans le cadre de la sémiotique narrative,
64
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 134.
65
Nous préciserons plus tard la définition du terme « transformation ». Pour l’instant, nous le comprendrons simplement comme
le passage d’un état à un autre.
66
Si une performance présuppose une compétence, la présupposition est unilatérale et n’est donc pas valide dans l’autre
sens : une compétence ne suppose pas une performance. La présupposition n’est pas toujours manifestée dans le récit. En effet, tout
PN « performance » n’est pas obligatoirement pris dans un PN complexe : car, pour que cela soit le cas, il faut que la compétence
présupposée soit installée dans le récit comme une réalisation (c'est-à-dire représentable par un programme narratif) et non pas
simplement comme un état.
67
Les PN d’usage constituent l’épreuve mais pas seulement, comme nous le verrons dans la suite de cet écrit.
28
le programme narratif (complexe ou simple) doit être converti pour représenter l’action ; il
doit être « habillé, le sujet y étant représenté par un acteur et le faire converti en
68
procès », c'est-à-dire qu’il doit être manifesté .
68
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 56. (Nous retrouvons ici ce que nous avons dit plus tôt sur le récit et l’action
qui y est installé comme procès).
69
Une relation hypotaxique installe un rapport de présupposition unilatérale entre deux éléments.
70
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 246.
29
l’action, bien que liée à la sanction et la manipulation, s’arrête quand commencent ces deux
composantes. Ainsi, ici, nous considérons l’action comme terme intégré.
71
CALLON, M., «Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins
pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. », Année Sociologique, 26, 1986. p. 169-208.
30
72
LITS, M., Du récit au récit médiatique, Bruxelles : Ed. De Boeck, 2008, p. 56.
73
RICŒUR, P., Temps et récit. Tome I: L'intrigue et le récit historique, Paris : Le Seuil, 1983, p. 192.
74
DODIER, 1990. op. cit. p.115.
75
THEVENOT, 2006. op. cit . p. 100.
76
Ibid. p. 99-101.
77
THEVENOT, 2006. op. cit . p. 180.
31
78
NACHI, 2006. op. cit. p. 57.
32
79
Figure : L'action : continu et discrétion .
Pour que ce changement d’état soit possible, l’épreuve est aussi le moment de
qualification et de détermination des êtres et des états, ce qui passe à la fois par la
manipulation et la sanction qui construisent, conditionnent et dans sa continuité et dans sa
discrétion. Elle rejoint directement la structure du parcours narratif mise à jour par Greimas
dans sa manière de traverser l’action, mais pourtant elle se situe à un niveau plus spécifique
en tant qu’elle ne prend pas en compte la performance (qu’elle définit par la suite dans une
logique à rebours) et à un niveau plus large car elle n’est pas focalisée sur un actant mais
sur l’action.
L’action est donc au cœur de la sociologie pragmatique et de la sémiotique narrative.
Sa définition est construite au fil des ces pages avec le souci de saisir et d’intégrer
tous les éléments nécessaires à sa compréhension dans notre logique interdisciplinaire,
de l’éprouver au travers des deux approches théoriques que nous mobilisons pour
cette recherche. Exercice abstrait et pourtant primordial parce qu’il pose les principaux
points constitutifs de ces deux courants et de notre recherche, mais aussi parce qu’il
nous a permis de tracer la compatibilité entre sociologie pragmatique et sémiotique
greimassienne. Pourtant, ce premier chapitre qui pense la pertinence et la possibilité de
notre interdisciplinaire pour l’étude de la peopolisation ne peut se clore ici. Le fil que nous
avons commencé à dérouler pour aborder le processus de peopolisation doit justement
être rapproché de notre objet. Si nous nous apprêtons à resserrer nos considérations
autour de la peopolisation, l’exercice de reconstitution de la démarche des auteurs mobilisés
et d’explicitation de la manière dont ils posent les fondements de leurs approches et
dont nous nous les réapproprions, s’étendra à de nouveaux éléments qui interrogeront la
pertinence d’une telle considération interdisciplinaire au regard de notre objet et investiront
les critiques et le renouvellement de la sémiotique narrative, proposés par Greimas et
d’autres théoriciens.
33
34
81
sociologie critique à une sociologie de la critique . Dodier, souhaitant présenter l’objet de
82
la sociologie pragmatique, opère une comparaison entre trois types de sociologues : le
premier, sociologue des champs, étudie la biographie de l’acteur, l’identifiant à partir de
catégories sociologiques, puis dévoile un portrait opératoire qui lui permet de dégager les
traits pertinents de l’action. Le second, sociologue des organisations, investit préalablement
les structures hiérarchique, fonctionnelle et relationnelle dans lesquelles se meut l’acteur,
pour enfin comprendre ses stratégies et ses jeux d’action au sein même de ces structures.
Enfin, le sociologue pragmatique ne vise aucune détermination exogène ; point de variable
explicative inconsciente et/ou extérieure à l’action. A partir des ressources utilisées par
l’acteur, il cherche à décrire l’action en train de se faire, l’acteur n’étant personne en dehors
de son action. Ce sociologue sacrifie les dimensions exogènes pour être attentif à la suite de
séquences, éprouvant différentes opérations de qualification, de critique et de justification
et définissant la situation. La sociologie pragmatique est donc construite dans une logique
immanente, c'est-à-dire à partir de principes explicatifs contenus dans l’action même ou
dans le discours de l’acteur sur l’action.
« Le contexte est comme l'éther des physiciens, c'est une hypothèse
83
superflue. »
Nous comprenons, ici, qu’autant du côté de la sociologie pragmatique que de la sémiotique
narrative, les êtres qui peuplent notre recherche ne peuvent être définis a priori. Mais qu’en
est-il de la peopolisation, ce tout qui englobe, construit et meut les êtres de cette étude ?
Le principe d’immanence répond à cela en posant la dialectique continu/discontinu. En
effet, il nous permet de penser un tout de signification dans lequel sont investies des unités
discrètes qui permettent de définir les déterminations de la peopolisation. Le discours (ou
l’action) est un continu présupposé qu’on ne saurait considérer sans investir l’univers du
84
discret qui le construit ; telle est la détermination de l’objet d’étude. Pourtant, parler de
continu et de discret pour identifier un objet, invite à se poser la question des frontières : où
commence et où s’arrête cet objet ? Faut-il appréhender un article d’une rubrique comme un
objet autonome, un tout de signification, ou, au contraire, le comprendre dans cet ensemble
qu’est la rubrique, voire même le numéro de la revue, et dont finalement l’article ne serait
qu’un élément constituant ? Faut-il considérer un changement d’état comme un tout de
signification ou le re-situer avec l’épreuve dans l’action et le concevoir finalement comme
une unité discrète permettant de signifier ce qui le subsume ? Cette question n’a de réponse
qu’au regard de la problématique du chercheur et de son renoncement du substantiel au
profit du relationnel. Ce qui est continu à un niveau ne l’est plus à un autre. Ainsi, (1) l’objet
d’étude – c'est-à-dire la peopolisation – est saisi selon une logique immanente : (2) il se
conçoit comme un continu présupposé, (3) constitué d’unités discrètes qu’il subsume (4)
sur lesquelles nous nous proposons de travailler (5) pour finalement accéder à l’intelligibilité
du continu.
Pour définir la peopolisation, il nous faut donc étudier et définir les unités qui la
composent. Pourtant, toujours dans cette logique immanente qui nie l’explication d’un objet
par des qualités exogènes, il faut comprendre que nous nous abstenons d’établir a priori
81
BENATOUÏL, T., « Critique et Pragmatique en sociologie. Quelques principes de lecture. », Annales HSS , 2, 1999, p.
281-317.
82
DODIER, 1991, op. cit. p. 436-441.
83
LATOUR, B., « Petite Philosophie de l’énonciation », Texto !, 2002, [en ligne : http://www.revue-texto.net/index.php?
id=596]
84
Rappelons que l’action est à la fois intégrée et intégrante : Cf. Figure n°4, Chap. I. 1. 6.
35
quelles sont ces unités, leurs places et leurs fonctions. Notre ambition est de mettre à jour
celles mobilisées par le narrateur et finalement, de suivre les acteurs en train de construire
cette définition.
36
Pour l’instant, nous avons fait le choix d’extraire la définition minimale et les éléments en
tension. La peopolisation semble, ainsi, se construire dans la confrontation tout autant que
dans la convergence d’éléments hétérogènes tels que : « vie privée », « spectacle »,
« politique », « gens célèbres », « élus », « peoples », « stars », « candidat »,
« presse échotières », « magazines people », « autres médias », « actualité politique »,
« personnalité des hommes politiques », « image médiatique », « responsables
politiques », « médias », « personnalités célèbres », « médias généralistes »,
88
« presse spécialisée » . Par ailleurs, cette définition est divisée en trois sous-définitions
qui, sans se contredire, montrent des versions différentes de ce même terme. Nous
retiendrons l’hétérogénéité des êtres qui la construisent et la difficulté de qualifier leur
cohabitation. On peut saisir la tension inhérente à un tel continu composé d’unités tantôt
contradictoires, tantôt compatibles. On retrouve, ici, les intérêts de Bruno Latour et son
concept de controverse, en tant que c’est par celle-ci que se résolvent les incertitudes.
Saisir la peopolisation à partir de ce concept nous permet donc de relier les étapes et les
acteurs qui construisent le processus et de comprendre la définition de la peopolisation à
partir du consensus trouvé dans la presse écrite pour résoudre les tensions induites par
l’hétérogénéité des êtres en présence.
La controverse, du latin « controversia » : choc, signifie, selon Le Petit Robert 2009 ,
une discussion argumentée et suivie sur une question polémique. Elle suppose une attitude
critique qui vise à une discussion vive ou agressive. Au regard de ce qu’en dit Latour, cette
notion nous invite à considérer la peopolisation à partir de ce qu’elle met en tension et la
manière dont les acteurs engagent un débat à propos d’options et de formes d’existence et
enfin, au travers de l’accord, si celui-ci est trouvé, qui émerge de ce débat pour stabiliser
89
l’association qu’ils discutaient . Plus loin, la controverse est pensée par le sociologue
comme performante par les acteurs qui y participent : on lui attribue une effectivité, une
performativité : on la définit comme une action. Cet emprunt à Latour ouvre notre perspective
vers la performativité d’un discours réglant une incertitude. En effet, en considérant la
peopolisation comme une controverse, on saisit les récits à son propos comme détenant un
pouvoir performatif de structuration du monde et de la société. Si ces récits s’installent, sont
90
reconnus et repris pour définir le phénomène, ils résolvent justement la controverse . Ainsi,
avec la notion de controverse, nous retrouvons les interrogations qui émergeaient dans
l’introduction autour du rapport entre récit, énonciation et action : trois éléments sur lesquels
nous allons nous attarder pour finalement saisir l’enjeu méthodologique de notre étude.
I. 2. 2. Le récit de la peopolisation
Greimas définit le récit comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant
91
des personnages qui accomplissent des actions » . Or la narrativité d’un texte tient
justement au fait qu’elle décrit une action, c'est-à-dire la transformation d’états rapportée à
des sujets. Nous pouvons nous rendre compte, dès les premières évocations de la définition
caractéristiques de ce site). Présentement, son auteur reste inconnu, cependant nous jugeons que ses reprises dans
l’espace public et sa complétude en font une définition importante, que nous nous devions de prendre en compte dans
cette recherche.
88
Ces termes sont issus des deux définitions sans distinction.
89
LATOUR, 2007, op. cit. p. 76-84.
90
MONDADA, L., « La construction discursive des objets de savoir dans l’écriture de la science. », Réseaux , 71 1995, p. 57.
91
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
37
du récit, de son lien fort avec le concept d’action. Mais, dans un souci de clarté, essayons
pour l’instant de ne traiter que de la peopolisation comme récit. Le récit est avant tout une
histoire racontée, à l’écrit, à l’oral ou par l’image. Nous retrouvons la distinction opérée par
Gérard Genette entre récit, histoire et narration en tant que le premier est le discours, oral ou
écrit, qui raconte le second, c'est-à-dire l’ensemble des évènements racontés et le dernier,
92
l’acte narratif producteur, l’acte réel ou fictif, qui produit le premier . Dans cette perspective
et dans celle de Greimas, le récit (discours) est signifié par une histoire (une représentation
d’évènements comportant des sujets qui accomplissent des actions) narrativisée (style
énonciatif partant d’une situation initiale vers une situation finale). Ainsi, le récit consiste-t-
il en un type de discours déterminé par son contenu et sa forme, la distinction entre récit
et discours comme deux classes autonomes étant reniée. Dans son ouvrage Du récit au
récit médiatique , Marc Lits limite cette position en la jugeant peut-être trop facile.
« Une position confortable consisterait donc à dire que récit est synonyme
de discours, de texte, ou d’énoncé, comme Genette s’y autorise, mais cela
93
ressemble trop à une échappatoire. »
Pourtant, au regard de ce que nous venons de dire, il nous semble que cela reste à nuancer.
En effet, il n’est pas un synonyme mais un niveau inférieur. Greimas va plus loin dans cette
distinction en attribuant au discours, le niveau de l’énonciation et au récit, le niveau du narré,
94
de l’énoncé . Plus tard, dans l’ouvrage de Lits, nous trouvons la définition que celui-ci fait
des traits minimaux du récit :
« Un récit comprend une situation minimale, une phase de transformation
centrale et une situation finale, et il met en scène un renversement de l’effet des
actions d’un personnage (indispensable dans tout récit). Il agence des éléments
hétérogènes selon une causalité propre. Il peut se résumer par un thème. Il est
guidé par l’attente d’une conclusion qui propose aussi un point de vue sur les
95
évènements. Enfin, il n’existe que lorsqu’il est lu par quelqu’un. »
96
Il reprend, dans cette définition, les éléments mis à jour par Annick Dubied dans sa lecture
de Temps et Récits de Ricœur. Or cela ne semble pas contredire la thèse de Greimas ou
de Genette que la citation dénonçait plus haut. Il y ajoute cependant la réception comme
étant une part importante de ce qui fait le récit. C’est dans la lecture que se réalise le récit
selon Ricœur et selon Lits à sa suite, ce que Greimas remet en cause en indiquant que la
lecture, si elle est un acte important, n’opère pas de changement quant au texte lui-même :
«Les lectures possibles peuvent en effet être en nombre infini, mais ces
variations relèvent uniquement de la performance des lecteurs sans pour autant
97
détruire ou déstructurer le texte. »
Arrêtons-nous quelque peu sur cette distinction entre Ricœur et Greimas. Cette
confrontation nous semble importante car elle fut le fruit d’une longue réflexion dans les
92
GENETTE, G., Discours du Récit, Paris : Edition du Seuil, 2007, (Ce volume regroupe « Discours du Récit » publié initialement
dans Figure III (1972) et Nouveau discours du récit (1983)), p. 297.
93
LITS, 2008. op. cit. p. 73.
94
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 248.
95
LITS, 2008, op. cit. p. 84-85.
96
DUBIED, A., « Le récit médiatique. Un objet complexe en quête de définition. », Communication, 19, 1999.
97
GREIMAS, A., Essais de sémiotique poétique , Paris : Larousse, 1972, p. 18.
38
œuvres de ces deux théoriciens. Pour Greimas, le sens est l'aboutissement du parcours
génératif et est donc un déjà-là, inscrit dans des structures a priori de la signification.
Pour Ricœur, le sens ne se construit pas au niveau du système langagier mais dans la
référence et la communication et finalement, dans la compréhension de soi-même comme
98
un autre . Le muthos , concept repris par Ricœur à Aristote, désigne le quoi de
la représentation, son objet, et nous aide ainsi à considérer l’acte de raconter comme
une mise en ordre du réel. Il présente le caractère d’un discours signifiant irréductible à
la compréhension méthodique et réflexive des signes. Il est l’activité organisatrice qui va
de la précompréhension, de la préfiguration de l’action vers sa refiguration par la lecture.
Cette considération nous amène à comprendre que, chez Ricœur, la narrativité ne peut se
saisir à un autre niveau que celui de la manifestation. Or la sémiotique greimassienne est
un parcours allant du niveau immanent au niveau de surface et installe, plus loin, le récit
comme ce parcours. Pour Ricœur, le muthos – la mise en intrigue – relève du niveau de la
99
manifestation et serait antérieure au parcours . Si Ricœur admet la possibilité d'une lecture
achronique (logique, sémiotique), supposant un niveau autonome d'analyse des textes, il
n'en soutient pas moins que ceux-ci ne sauraient prendre sens que par le jeu entre un
temps « agi et vécu » et un « temps de la lecture ». Car, pour le philosophe, la médiation du
récit entre niveau profond et niveau de surface n’est pas seulement logique mais avant tout
historique. Or, l’irréductibilité temporelle du récit constitue un résidu insaisissable au niveau
profond. La « rencontre improbable », pour reprendre l’expression de Louis Panier, entre
100
Ricœur et Greimas, semble se confirmer plus que jamais .
Avant de poursuivre notre réflexion sur la distinction entre Ricœur et Greimas,
retrouvons quelques instants nos intérêts pour notre approche à la frontière de la sociologie
pragmatique et de la sémiotique greimassienne. Le récit est aussi objet d’étude de la
sociologie pragmatique. En effet, dans un article de 1990, Dodier présente son travail
en s’attribuant, entre autres, une attitude herméneutique dans le sens où il s’intéresse
aux discours des personnes sur leurs propres actes, sur leurs intentions, leurs raisons,
les circonstances et les motifs qu’ils imputent à eux-mêmes et aux êtres engagés dans
101
l’action . Dans la même logique, Boltanski s’intéresse aux « récits que les personnes
livrent de leur vie, quand, la mettant en intrigue – pour reprendre la formulation
de Paul Ricœur – elles s’interrogent sur les intentions et les motifs qui ont été
102
les leurs dans l’action » . Plus qu’un simple discours, ces sociologues s’intéressent
aux paroles, textes ou inscriptions où l’acteur instaure une rupture dans le déroulement
de l’action et la configure en récit, où l’acteur crée des associations entre des entités
103
hétérogènes et met en intrigue des transformations . Le récit, dans les ouvrages de style
pragmatique, n’est que très peu théorisé. Tantôt formalisé comme une mise en intrigue
de l’action qui se retrouve close au moment de sa narration, tantôt dévoilé comme un
énoncé consistant en une opération de traduction, c'est-à-dire en l’établissement d’une mise
en relation d’éléments hétérogènes impliquant toujours une transformation, le concept de
98
RICŒUR, P., Du texte à l'action. Essais d'herméneutique II, Paris : Le Seuil, 1986, p. 31.
99
RICŒUR, P., Temps et récit. Tome II : La configuration dans le récit de fiction, Paris : Le Seuil, 1984, p. 85.
100
PANIER, 2008, op. cit. p. 305.
101
DODIER, 1990, op. cit. p. 117.
102
BOLTANSKI, L., La condition fœtale : une sociologie de l’engendrement et de l’avortement, Paris : Gallimard, 2004, p. 17.
103
LATOUR, 2007, op. cit. p. 69 et 157.
39
104
récit, peu rationnalisé mais souvent évoqué, est inspiré des ouvrages de Ricœur . Or,
la conception du récit chez Ricœur est-elle compatible avec nos intérêts greimassiens ?
Comment appréhender l’emprunt fait à Ricœur par la sociologie pragmatique ? Comment
comprendre que les sociologues de style pragmatique adoptent le concept de mise-en-
intrigue « pour reconnaitre aux acteurs une compétence légitime à rendre compte
105
de leurs actions » ? L’enjeu ne porte-t-il pas sur la conditionnalité de la narrativité ? La
narrativité déduite de Propp est-elle présupposée comme le soutient Greimas ou comme
l’affirme Ricœur, présupposante, c’est-à-dire tributaire d’une « intelligence narrative »,
laquelle doit être portée au crédit du sujet ? Finalement, ce qui est sous-tendu, c’est
une critique du principe d’immanence que nous avons présenté plus haut. L’énonciation
peut-elle être appréhendée dans le texte et uniquement dans le texte ? L’attention portée
prioritairement au système langagier n’empêche-t-il pas de saisir la communication dans
son caractère multimodal, dans son aller-retour constant entre émetteur et récepteur ?
Refuser toute dimension exogène au texte n’amène-t-il pas à postuler d’une interprétation
unique ? Un détour par la notion d’énonciation en sémiotique greimassienne et les critiques
qui lui ont été opposées semble nécessaire pour répondre à ces interrogations.
I. 2. 3. De l’énonciation à l’action
Nous nous intéressons aux récits de la peopolisation, c'est-à-dire aux discours qui mettent
en scène une histoire, soit une représentation d’évènements (ayant trait pour une partie
ou dans leur intégralité à un aspect de la sphère privée) comportant des acteurs (dont au
moins un est candidat à l’élection présidentielle française de 2007) qui accomplissent des
actions ; une histoire narrativisée identifiable par un style énonciatif partant d’une situation
initiale vers une situation finale, guidé ainsi par l’attente d’une conclusion et proposant un
point de vue sur les évènements.
Greimas définit deux types d’actants à l’intérieur du récit : l’actant de communication
et l’actant de narration. L’actant de narration peut investir la fonction de sujet, d’objet, de
Destinateur, etc. et est inscrit dans le schéma narratif du récit. Dans les récits étudiés, au
moins un des actants de narration est incarné par un candidat à l’élection présidentielle
de 2007, variable de sélection de notre corpus. Cet actant se distingue de celui de
communication qui participe à la réalisation du récit, c’est un actant de second degré
ayant pour fonction d’être le narrateur, l’énonciateur, le narrataire, etc. Il est celui qui
produit ou celui à qui s’adresse la communication. Deux types d’actants cohabitent donc
dans le récit, les actants de communication n’étant pas en dehors. En effet, l’énonciation
est une « instance proprement linguistique ou, plus largement, sémiotique, qui
est présupposée par l’énoncé et dont les traces sont repérables dans les discours
106
examinés » . L’existence de ces traces amène Courtés à repréciser ces concepts :
l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé (qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée
(qui est la façon de présenter ce narré). Ainsi, la conception sémiotique de l’énonciation
n’envisage cette dernière que dans son rapport à l’énoncé.
104
F. Dosse dévoile que la sociologie de style pragmatique fait écho à l’œuvre de Ricœur. Cf. DOSSE, F., Paul Ricœur. Le
sens d’une vie, Paris : La Découverte, 1997.
105
CORCUFF, P., « Figures de l’individualité, de Marx aux sociologies contemporaines », EspacesTemps.net, 2005, [en ligne :
http://espacestemps.net/document1390.html]
106
COURTES, 1991, op. cit. p. 246.
40
107
ABLALI, 2003, op. cit. p. 145.
108
LITS, 2008, op. cit. p. 70-71.
109
FONTANILLE, J., « Sémiotique du discours : bilan et perspectives », Horizon sémiologie , 2007, p. 8, [en ligne : http://
semiologie.net/doc/article/semio_discours_fontanille.pdf]
110
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 125.
41
111
Greimas lors de son débat avec Ricœur, au CPED de l’association ALEF, en juin 1980. Cité dans : PANIER, 2008, op. cit. p. 312.
112
Nous reviendrons dans quelques pages plus précisément sur la mimesis II.
113
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 109.
114
Ibid. p. 109.
115
ABLALI, 2008, op. cit. p. 288.
116
BERTRAND, D., L'espace et le sens, Amsterdam : Hadês-Benjamins, Actes Sémiotiques, 1985.
117
Voir Chap. I. 3.1.
42
« Il n’est pas permis d’affirmer : « Personne n’en fait mention, j’ai aucune preuve,
mais je sais qu’il y a un acteur caché à l’œuvre dans les coulisses. » Cela, c’est
118
de la théorie du complot, pas de la théorie sociale. »
Ce point nous renvoie au second qui pense la possibilité d’utiliser à la fois le concept d’actant
et de mise-en-intrigue. Rappelons-nous que la sémiotique narrative dévoile un système
langagier qui va de la structure profonde à la structure de surface ; le concept d’actant
suit cette logique car il est cette fonction vide au niveau profond que l’acteur incarnera au
niveau de surface. La sociologie pragmatique emprunte cette notion afin non seulement de
déshumaniser l’acteur de la sociologie, mais aussi de s’autoriser à ne considérer que la
119
personne n’est justement personne en dehors de son action pour finalement « rompre
120
avec l’influence de ce qu’on pourrait appeler la sociologie figurative » . On retiendra
d’ailleurs une note de bas de page dans « Le grand Léviathan s’apprivoise-t-il ? » sur
l’emprunt fait à Greimas :
« Le mot acteur doit être pris dans sa signification sémiotique donnée par
Greimas, A. Selon lui, l’acteur correspond à toute unité discursive investie par
121
des rôles qui peuvent être multiples et évolutifs. »
Or, ce que Ricœur met en doute avec l’élaboration de la notion de mise en intrigue, c’est
le contrôle des structures de surface par les structures profondes. Louis Panier décrit cette
critique comme celle d’un théoricien qui n’est justement pas sémioticien car finalement la
critique « suggère un renversement du parcours et de ses niveaux laissant entendre
que les éléments dits de surface, c'est-à-dire la composante discursive, devraient
122
correspondre à ce qu’il [Ricœur] pose lui-même comme mise-en-intrigue » .
« Tout le dynamisme de la mise en intrigue se trouve reporté sur des opérations
logico-sémantiques et sur la syntagmatisation des énoncés narratifs en
programmes, en performances et en suites de performances. Ce n’est donc pas
un hasard si le terme d’intrigue n’apparaît pas dans le vocabulaire raisonné de
la sémiotique narrative. A vrai dire, il ne pouvait y trouver place car il relève de
123
l’intelligence narrative. »
L’incompatibilité entre la notion d’actant et la notion de mise en intrigue semble se
confirmer par l’inversion des parcours. La dynamique du récit relève pour Ricœur d’un acte
d’agencement au niveau de la manifestation, logique que Greimas et sa notion d’actant
renversent. La double mobilisation de la notion d’actant et de celle de « mise-en-intrigue »
constitue donc une certaine contradiction.
Intéressons-nous quelques instants à l’utilisation du concept de mise en intrigue, tel
qu’il est utilisé en sociologie pragmatique. Il faut noter tout d’abord qu’aucun ouvrage
important de Latour ne fait référence à Ricœur alors que Greimas est présent dans chacune
118
LATOUR, 2007, op. cit. p. 77.
119
BENATOUIL, 1999, op. cit. p.297. (Voir Chap. I.3.1.)
120
LATOUR, 2007, op. cit. p. 78.
121
LATOUR, B. & CALLON, M., « Le grand Léviathan s’apprivoise-t-il ? », AKRICH, M., et al. Sociologie de la traduction.
Textes fondateurs , Paris : Presses de l’Ecole des Mines de Paris, 2006, p.11-32.
122
PANIER, 2008, op. cit. p.314.
123
RICŒUR, 1984, op. cit. p. 80.
43
124
des bibliographies . C’est finalement chez Boltanski et Thévenot que nous retrouvons la
référence à Ricœur. Le second invoque essentiellement l’influence du philosophe quant
125
à la théorie de l’action . C’est donc du côté de Boltanski que nous retrouvons cette
notion. Celui-ci l’explique comme la façon dont « les acteurs élaborent des discours
126
sur l'action » . Ainsi, elle permet le passage « d’une sociologie critique à une
sociologie de la critique, c’est-à-dire une sociologie qui reconnaît aux acteurs une
compétence légitime à rendre raison de leurs actions, à leur donner sens », ce qui
« constitue à cet égard un « tournant narratif » : on cesse de penser, au sens péjoratif
du terme, que les acteurs « se racontent des histoires », entendues comme des
rationalisations illusoires des motifs de leurs comportements, pour s’intéresser aux
vertus heuristiques de la « mise en récit » et « mise en intrigues » de leurs actions
127
» . La mise-en-intrigue telle que l’entend Boltanski est donc le résultat de la compétence
accordée aux acteurs, c’est-à-dire « l’équipement mental dont disposent les personnes
pour exercer leur jugement, coordonner leurs actions pour pouvoir s’ajuster aux
situations ou mener des opérations de critique ou de justification », une notion fondée
128
sur la définition chomskyenne que Nachi explicite avec les mots mêmes de Greimas .
Nous comprenons donc que les points de divergence entre Greimas et Ricœur sont ignorés
au profit d’une compétence accordée à l’acteur pour narrer son action.
« Nous ne savons pas décrire simplement une affaire ni même une épreuve. Si
des acteurs prétendent pouvoir le faire, regardons comment ils construisent
leur récit. La seule démarche cohérente avec nos axiomes et nos définitions
consiste à partir d’une épreuve, à regarder quels sont les personnes, les choses,
les relations, les états, les transformations qui s’y manifestent et à suivre, le cas
échéant, l’engagement d’un ou plusieurs êtres définis dans cette épreuve, dans
129
une autre épreuve et ainsi de suite. »
La tension implicite réside finalement dans l’intention de dire. Par son immanentisme, la
sémiotique greimassienne privilégie le code à l’émetteur. Greimas libère l’énonciation de
la conscience du sujet et parle alors d’ « intentionnalité » comme un acte qui n’est pas
130
obligatoirement volontaire et conscient . De son côté, Ricœur investit l’intention de dire
131
de l’auteur :
« L’analyse structurale nous invite à comprendre que l’intention ou la visée du
texte n’est pas à titre primordial l’intention présumée de l’auteur, le vécu de
124
Cette affirmation est justifiée par une investigation bibliographique et référentielle des ouvrages suivants : Microbes.
Guerre et Paix suivi de Irréductions (1984), La vie de Laboratoire (1988), La sciences en action (1989), Nous n’avons
jamais été modernes (1997), L’espoir de Pandore (2001), Un monde pluriel mais commun (2003), Changer de société,
refaire de la sociologie (2007).
125
RICŒUR, 1986, op. cit. p.168-176.
126
BOLTANSKI, 1990, op. cit. p. 56.
127
TRUC, G., « Une désillusion narrative ? De Bourdieu à Ricœur en sociologie », Tracés . Revue de Sciences humaines
, 8, 2005, [en ligne : http://traces.revues.org/index2173.html)].
128
NACHI, 2006, op. cit. p. 43.
129
Ibid. p. 75.
130
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 190.
131
Paul Ricœur définit l’intention comme « la visée d’une conscience en direction de quelque chose à faire par moi » (RICŒUR,
P., Soi-même comme un autre, Paris : Le Seuil, 1990, p. 86.)
44
45
46
en place dans le récit et dans l’action discursivisée et arrête, pour un temps, la définition de
la peopolisation en lui donnant une forme d’existence particulière : il est le destinateur en
tant qu’il fait-faire. Ainsi, le narrateur engage et définit des acteurs dans la controverse et leur
donne une visibilité, il « définit ce qu’ils sont, ce qu’ils devraient être ou ce qu’ils ont
141
été » . En comprenant le narrateur des récits comme celui qui énonce la peopolisation,
nous nous intéressons à la structure du texte, à ce qu’il fait agir, ce qu’il fait être. Ici, le
récit est le lieu dans lequel se constitue (et se manifeste) la peopolisation mettant en scène
des associations et des transformations constitutives de la peopolisation et finalement,
présentant une forme d’existence particulière de celle-ci. La sémiotique greimassienne du
discontinu dans son immanentisme révèle ainsi sa pertinence pour saisir les associations
et plus loin, la dynamique conflictuelle de la peopolisation et ainsi considérer ce qu’elle
met en tension et la manière dont les acteurs engagent un débat à propos d’options et
de formes d’existence. Dans cette logique, nos analyses s’intéresseront aux récits, en tant
qu’ils créent des associations, font et défont des regroupements, règlent les incertitudes
face à une activité ou une identité.
Mais la peopolisation est aussi une action. C’est une action symbolique : elle consiste
justement en l’énonciation et n’existe que dans le discours. En produisant un récit sur une
action à la frontière du privé et du public concernant un homme politique, l’énonciateur fait
la peopolisation. La peopolisation est un objet particulier qui renverse le principe austinien
devenant ainsi : Quand faire, c’est dire. Nous retrouvons ici l’idée de performativité de
l’organisation des récits évoquée par Michel De Certeau dans L’invention du quotidien .
« Dans cette organisation, le récit a un rôle décisif. Certes, il « décrit ». Mais
toute description est plus qu’une fixation, c’est un « acte culturellement
142
créateur ». Elle a même pouvoir distributif et force performative. »
Ainsi, et enfin, dans cette recherche, il nous faut comprendre que les récits médiatiques
sont des points de passage de la peopolisation: ils définissent les contours de celle-ci et
la construisent dans une forme d’existence particulière en faisant agir les acteurs engagés
dans la peopolisation et en mettant en scène l’action de la peopolisation comme dislocale,
c'est-à-dire fragmentée. Par exemple, un récit sur la mobilisation de Thomas Hollande dans
la campagne de sa mère, Ségolène Royal, présente une forme d’existence particulière de la
peopolisation. Le récit met en scène une « action de papier », une action discursivisée mais
qui n’est pas le continu que nous souhaitons rendre intelligible. Ce récit, toujours dans notre
exemple, est une prise qui nous permettra de saisir le travail d’association et de définition
opéré par le narrateur. Or un des reproches adressés à la sémiotique est de chercher dans
le texte et son système langagier la cohérence des actions mises en discours, ce qui était
réducteur selon les critiques. Si nous opérons cela, nous le dépassons en voulant considérer
la peopolisation à travers les associations et les traductions de fragments de la peopolisation
tels qu’ils sont signifiés dans les récits et finalement, en considérant l’énonciateur comme
un acteur de la peopolisation et non comme un simple narrateur. Dans cette logique, nous
comprenons que les récits sont eux-mêmes des fragments de l’action de la peopolisation et
que l’acte d’énonciation doit être compris dans un continu plus large qu’est la peopolisation
mais aussi dans la résolution de la controverse. L’énonciateur devient ainsi un acteur en
donnant une forme et une consistance à la peopolisation, en proposant sa propre théorie
sur celle-ci, en dévoilant une de ses formes d’existence et ses effets et en s’engageant dans
la critique d’autres formes et d’autres théories.
141
LATOUR, 2007, op. cit. p. 48.
142
DE CERTEAU, M., L’invention du quotidien. Arts de faire , Paris : Folio essais, 1990, p. 181.
47
143
TERZI, C. & BOVET, A., « La composante narrative des controverses politiques et médiatiques », Réseaux 4, 132, 2005,
p. 111-132.
144
LATOUR, 2007, op. cit. p. 46.
145
Un horizon de recherche s’ouvre ici, cette étude pouvant être continuée en considérant non plus les discours des journalistes
mais les discours des hommes politiques qui seraient alors les acteurs de la peopolisation.
48
49
149
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 248.
150
Ibid. p. 249.
50
151
Nous pouvons considérer ce qui pourrait constituer un troisième niveau : la textualisation, qui correspond à la mise en texte.
Nous nous éloignons de la question de la narrativité car, « en tant que représentations sémantiques, le texte est indifférent aux
modes de manifestations sémiotiques qui lui sont logiquement ultérieurs. Ainsi, par exemple, le texte d’une bande dessinées
revêtira la forme soit de légende soit de vignettes » ( GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 391) . « Il semble donc que pour
Greimas le texte soit en même temps le tout (l’objet sémiotique construit en fonction de la pertinence qu’on se donne dans le projet
descriptif) et sa part (la manifestation expressive concrète, la fin de la génération du sens, le résultat d’un mariage entre le plan de
l’expression et le plan du contenu). » (MARRONE, G., « L'invention du texte », Nouveaux Actes Sémiotiques , 2008, [en ligne : http://
revues.unilim.fr/nas/document.php?id=2636]). Nous sommes ici à l’orée du parcours génératif car la manifestation expressive d’un
énoncé est une sorte d’état final de la progressive génération du sens sans être l’aboutissement du parcours génératif, la textualisation
pouvant intervenir à tout moment dans le parcours allant de l’abstrait vers le concret.
152
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 269.
51
52
constitution progressive, au long des années 70, d’un savoir « scientifique » sur les
157
coquilles Saint-Jacques » .
Le point de départ fixé par Callon dans cette étude est le voyage de trois chercheurs du
Centre National d’Exploitation des Océans au Japon au cours duquel ils observent la culture
158
intensive des coquilles Saint-Jacques .A cet élément, il ajoute la méconnaissance des
mécanismes de croissance de ce mollusque en France et une activité de pêche intensive sur
les côtes bretonnes. Le point d’arrivée de l’étude (dix ans plus tard) investit trois éléments :
l’existence d’un groupe social uni autour de la culture de la coquille Saint-Jacques mais
aussi celle d’une communauté de spécialistes dans l’étude et la promotion de la coquille
Saint-Jacques et enfin, des connaissances scientifiques stables sur ce mollusque. De ce
bref résumé, nous retenons une question centrale : Comment décrire le passage du point
de départ au point d’arrivée ? L’auteur va donc chercher par quel processus s’agrègent
différents éléments qui donnent naissance et constituent un problème qui va concerner aussi
bien la communauté de spécialistes, les marins pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc et les
159
coquilles Saint-Jacques de cette même baie. Ce passage est précisément ce que Callon
désigne comme le processus de traduction : c'est-à-dire, le processus par lequel les acteurs
(individuel et collectif, humain et non-humains) travaillent à traduire leurs langages, leurs
problèmes, leurs identités ou leurs intérêts dans ceux des autres : processus qui construit
160
et déconstruit, stabilise et déstabilise le monde . La traduction est donc ce qui englobe
toutes les opérations et les interactions par lesquels les acteurs (ici, les trois chercheurs
revenant du Japon) définissent, déplacent et détournent celles d’autres acteurs. Elle doit
se comprendre comme la transformation, dans le langage de l’acteur qui fait, de ce que
les autres sont, disent et veulent. La traduction est le déplacement des entités dans des
lieux qu’elles n’auraient pu atteindre par elles-mêmes. Ce processus, en tant qu’il établit un
lien entre des activités hétérogènes et rend le réseau intelligible, met en place une figure
que nous jugeons essentielle dans nos considérations : celle du porte-parole. Callon le
définit comme une entité qui parle « au nom des autres », qui donne sens et qui commente.
Nous pouvons entendre ce terme de « porte-parole » en deux sens. C’est d’abord celui
qui supporte la parole, qui condense la parole de tous ceux qu’il représente en un seul
corps ; mais c’est aussi celui qui porte la parole en tant qu’il la déplace, la mène dans
161
d’autres lieux où elle ne pourrait aller sans cet intermédiaire . Si nous reprenons l’exemple
exploité par Callon, nous pouvons comprendre que les trois chercheurs revenus du Japon
sont les porte-parole à la fois de la coquille Saint-Jacques, des marins-pêcheurs mais aussi
de la communauté de spécialistes et traduisent ainsi leurs identités, leurs intérêts et leurs
activités.
La sociologie de la traduction est fondée sur un double rejet : celui des considérations
classiques de l’épistémologie des sciences et celui des modèles de l’innovation : cela
157
CALLON, 1986, op. cit. p. 169-208.
158
Ce point de départ intervient comme un point de méthode qui consiste à suivre un acteur en particulier tout au long de son
implication dans le processus de construction d’un savoir : Callon a, ici, fait le choix de suivre les trois chercheurs revenus du Japon.
159
Callon et Latour refusent la tradition sociologique qui nie le rôle des objets pour la raison qu’ils ne seraient pas doués
d’intentionnalité ou d’intelligence. Pour eux, « toute chose qui vient modifier une situation donnée en y introduisant une
différence devient un acteur » (LATOUR, 2007, op. cit. p. 103) L’objet est donc un acteur au même titre qu’un humain, même si
la relation entre humain et non-humain n’est pas symétrique.
160
CORCUFF, P., Les Nouvelles Sociologies - Entre le collectif et l'individuel, Paris : Armand Colin, collection "128", 2007,
e
2 édition refondée, p. 65.
161
Nous reviendrons particulièrement sur cette double fonction du porte-parole dans la seconde partie de ce chapitre.
53
a amené les auteurs à formuler une nouvelle conception, autant méthodologique que
théorique, selon laquelle la science est socialement construite ; c'est-à-dire à comprendre
la dimension pragmatique qui unit les scientifiques à la science et donc à étudier comment
les scientifiques font la science. Finalement l’étude du processus de traduction saisi par
Callon dans l’exemple de l’évolution du savoir sur la coquille Saint-Jacques, est construite
sur un point de départ, un point d’arrivée et l’identification d’un porte-parole, choisis par le
chercheur. Elle s’inscrit dans une volonté de suivre des acteurs au moment « où ils se
frayent un chemin à travers les choses qu’ils ont dû ajouter aux compétences sociales
162
de base afin de rendre plus durable des interactions constamment fluctuantes » .
Ainsi, nous pouvons considérer le journaliste comme un porte-parole en tant qu’il traduit
les entités hétérogènes et donc qu’il porte et transporte leurs paroles et leurs actions mais
aussi qu’il crée des associations. Le porte-parole trace et retrace les frontières des actions
et des identités et finalement rend intelligible le réseau, au sens d’organisation rassemblant
des humains et non-humains qui agissent les uns sur les autres. En rendant intelligible le
réseau, le porte-parole agit sur la controverse, résout les incertitudes et doit être compris
comme un acteur. Mais parallèlement, parce qu’il porte la parole des autres, les définit
et les signifie, il donne une prise à ce qui est contenu dans la controverse. On retrouve
ainsi la double fonction acteur et narrateur. Pourtant, la notion de traduction nous apporte
un nouvel élément : le mouvement. Parce que finalement la traduction désigne moins la
présentation de l’hétérogénéité que le processus qui consiste à relier des éléments et des
enjeux hétérogènes.
54
En tant que porte-parole, l’énonciateur des récits travaille à traduire les langages, les
problèmes, les identités ou les intérêts dans ceux des candidats à l’élection présidentielle
et des autres êtres engagés dans l’action décrite mais aussi à construire et déconstruire
ce qu’est la peopolisation. Le second déplacement est là. Il est le processus de traduction.
Ce processus n’est saisissable que dans son résultat, chaque récit intervenant comme le
résultat d’une traduction. Et pourtant, dans un changement de l’échelle d’observation, c'est-
à-dire non plus dans la logique interne du récit mais dans une perspective plus globale,
nous pourrons envisager le continu à partir d’un même titre de presse ou, plus loin, dans
un même type de presse, et ainsi observer le mouvement qu’est la traduction, en observant
ces différents résultats dans le temps, au travers de différents récits. C’est donc toujours
dans une logique immanente que nous le saisirons : même si le continu n’est plus un simple
récit mais un ensemble de récits, nous n’appréhenderons aucune qualité extérieure à ceux-
ci. L’investigation portera donc sur la manière dont le narrateur d’un récit ou de plusieurs
issus d’un même titre de presse ou d’un même type de presse ont porté et transporté
165
la parole, les actions et les identités . Cette investigation ne pourra être opérée que
dans la comparaison, le mouvement ne pouvant être appréhendé, à ce niveau, que dans
la différence. Finalement, le changement d’échelle d’observation permettra de saisir les
différences qui se maintiennent ou non dans l’extension du continu et donc le changement
des niveaux de continu et de discrétion.
« L’implicite d’un énoncé est éclairé par d’autres qui convergent vers la
même position, ceux-ci tendant à expliciter le sens de certains mots, ou les
présupposés concernant certains maillons de jugement, qui n’avaient pas été
développés dans le premier énoncé. L’implicite d’un énoncé est également
clarifié par les énoncés antagonistes. Ceux-ci font notamment apparaître
le fragment limité du monde que le premier a pris en comparaison, ou sa
focalisation (…). On trouve là une manière d’aborder le fameux problème de
l’incomplétude des explicitations attachées à chaque énoncé. Il est possible en
effet de dépasser cette incomplétude en identifiant progressivement l’espace
formé par l’ensemble des énoncés portant dans une arène, sur une question
saillante. (…) Cette herméneutique des opérations est donc, en même temps,
166
l’identification d’un espace de prises de positions. »
Le deuxième mouvement est celui opéré par le narrateur, appréhendable dans une variation
des échelles d’analyse, qui constitue le troisième mouvement, celui du chercheur, pour
interroger le corpus.
peopolisation en train de se faire, l’institution se découvrira dans les formes de ce phénomène. En effet, nous reviendrons en conclusion
sur l’institution et son identification comme un résultat de notre observation, pour comprendre finalement, où est l’institution dans notre
objet et quel est le rapport de l’institution au journaliste comme porte-parole. (A noter que nous reprenons la définition de l’institution
telle qu’elle est pensée par Boltanski (2009) qui s’affranchit de la définition bourdieusienne, distinction dont nous rendrons compte.)
165
La conjugaison au passé souligne que nous ne pouvons observer que les résultats d’une traduction : les récits.
166
DODIER, N., « L’espace et le mouvement du sens critique », Annales. Histoire, Sciences sociales, 1,2005, p. 27.
55
167
dans sa réalité quotidienne. Ici, c’est la théorie de l’ homme nomade qui nous intéresse
particulièrement, approche qui considère l’individu comme porteur d’une identité plurielle,
actualisée par la dynamique du rapport entre cet être et les différents environnements dans
lesquels il circule. Ce postulat théorique nous permet de penser la possibilité du narrateur
de faire circuler les actants, une fois figurativisés, dans différents lieux et de créer des
associations.
Dans l’ouvrage L’action au pluriel , Thévenot cherche à mettre en évidence la manière
dont une personne façonne son environnement, qui le façonne parallèlement. Il s’intéresse
168
ainsi « aux engagements qui donnent consistance à la personne » reniant le principe
qui « fixe la personne dans une détermination permanente en empêchant de suivre la
169
variation de ses engagements qu’il [lui] importe précisément d’analyser » . De ce
fait, il considère la personne comme un homme nomade , c'est-à-dire un « homme qui
circule sans attache d’un lieu à l’autre (…) dans le cours d’une vie tout en flexibilité
170
» .
On retrouve, ici, les intérêts de Bernard Lahire qui saisit l’individu comme porteur d'une
pluralité de dispositions, de façons de voir, de sentir et d'agir, constitutives des expériences
socialisatrices hétérogènes que les hommes vivent simultanément et successivement au
171
cours de leur vie ou dans des temps plus courts . Les fondements de l’identité plurielle
reposent sur des principes de socialisation différenciés (voire parfois contradictoires) dans
une pluralité de contextes sociaux. Ainsi, dans une journée, un même individu peut être,
successivement et/ou simultanément, père, employé, lecteur, fils, époux, consommateur,
etc. Pourtant, il existe une différence majeure entre les théories de ces deux sociologues.
De l’identité plurielle au nomadisme, il y a convergence mais aussi changement de focale.
A la fin de son dernier ouvrage, Thévenot se pose la question de savoir si la théorie de
l’homme pluriel de Lahire ne permettrait pas justement de réconcilier Bourdieu d’un coté, et
Boltanski et Thévenot de l’autre. En effet, Lahire se donne pour objectif de dépasser l’unicité
bourdieusienne de l’acteur. Car, si la notion d’individu, de son point de vue étymologique,
tend à se comprendre dans son indivisibilité, dans son unicité, il présente ce point justement
comme une illusion : « Tout se passe comme s’il y avait un profit symbolique et moral
(comme le rappellent les termes d’inconstance, de versatilité ou d’infidélité à soi
même) spécifique à se penser « identique » ou « fidèle » à soi-même en tout temps et
172
en tout lieu, quels que soient les évènements vécus et les épreuves traversées » .
L’illusion de l’unicité de soi cache donc une identité parcellée, une identité qu’il tente, par
là même, de saisir « sans avoir besoin de postuler une logique de la discontinuité
absolue en présupposant que ces contextes sont radicalement différents les uns des
autres, et que les acteurs sautent à chaque instant d’une interaction à l’autre, d’une
situation à l’autre, d’un univers social à l’autre, d’un domaine d’existence à l’autre
173
sans aucun sentiment de continuité » . Cette recherche de la continuité dans l’identité
plurielle est une critique adressée à l’encontre de la théorie des Economies de la Grandeur
167
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 23-53.
168
THEVENOT, 2006, op. cit. p.30.
169
Ibid. p.46.
170
Ibid. p.23.
171
Lahire entend disposition au sens de présence « déterminante » du passé incorporé au cœur du présent.
172
LAHIRE, B., L'Homme pluriel: les ressorts de l'action, Paris : Nathan, 1998, p. 35.
173
LAHIRE, 1998, op. cit. p. 36.
56
de Boltanski et Thévenot. Lahire propose donc une forme de synthèse qui permettrait de
dépasser, à son sens, les limites de chacun des sociologues mobilisés ici. Mais finalement,
Thévenot constate que la théorie de l’homme pluriel réduit la différenciation des régimes au
processus de socialisation ; reproche partagé par Corcuff :
« La sociologie dispositionnelle de Lahire apparaît (…), plus ouverte aux
variations contextuelles, mais toujours dans la logique de l’activation d’un passé
174
incorporé « déterminant ». »
Partant, nous comprenons que Lahire dresse le portrait d’un homme pluriel ; de son coté,
Thévenot s’intéresse moins à une identité qu’aux dynamiques de déplacement au travers
de modes divers d’engagement. Considérer un homme nomade plutôt qu’un homme pluriel
invite à ne pas s’intéresser seulement aux « représentations de l’être humain et de
son identité » mais aussi à « ses capacité d’agir, ses façons d’éprouver le monde
en rapport avec ses interventions. L’engagement dans le monde est mouvementé.
Son mouvement affecte profondément l’appréhension de ce monde mais aussi celle
175
des personnes engagées » . A la logique d’un passé incorporé déterminant, largement
explicite dans la définition que fait Lahire de la disposition , s’oppose l’approche de
Thévenot qui ne veut pas rendre compte « d’un ordre établi ou reproduit, mais
176
d’une mise en ordre restant douteuse et problématique » . La théorie de l’homme
nomade n’est pas l’objet de son ouvrage mais un postulat pour considérer l’action comme
un engagement et fonder ainsi trois régimes d’engagement dans lesquelles une réalité
différente est expérimentée par l’acteur. Pourtant, ici, nous ne nous intéressons qu’à la
théorie de l’homme nomade parce qu’elle nous permet justement de considérer la pluralité
d’un individu dans ses déplacements avant de considérer les espaces qu’il traverse. Le
concept de nomade nous invite à considérer la mobilité « comme activité productive
177
et comme exploitation des ressources plus que comme simple déplacement » . Le
nomade n’est pas simple voyageur : il ne s’adapte pas aux lieux qu’il traverse mais les
façonne en même temps que ceux-ci le façonnent. La notion d’espace, pendant de celle de
mouvement, ne peut donc être saisie sans la compréhension de la coordination de l’acteur
et de son environnement.
« La division spatiale des modes d’engagement nous intéresse, mais on ne
peut l’aborder qu’en ayant pris soin au préalable de concevoir ces modes
d’engagement autrement qu’en termes d’espaces. C’est pourquoi nous avons
suivi une démarche attentive aux activités plutôt qu’aux frontières séparant des
178
lieux. »
A ce stade de notre propos, nous retiendrons, dans l’approche de Thévenot, cette invitation
à nous attarder sur les déplacements, le mouvement, pour penser, par la suite, les espaces
de significations. Et c’est là notre quatrième mouvement.
174
CORCUFF, 2005, op. cit. [en ligne]
175
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 23.
176
Ibid. p. 12.
177
JOSEPH, I., « Le nomade, la gare et la maison vue de toutes parts », Communications, 73-1, 2002, p. 151.
178
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 25.
57
58
185
Ibid. p. 358.
186
Ibid. p. 358.
187
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 81.
59
[Figure 8 : La transposition]
Par exemple, nous pouvons considérer la campagne électorale comme le passage d’un
statut de candidat à un statut d’élu. La position première serait la déclaration de candidature,
la position seconde serait l’élection : la transposition interviendrait comme le chemin que le
candidat effectue jusqu’à l’élection, soit la campagne. Si la position première lui impose une
188
Tous les schémas sont les nôtres. Ils sont élaborés avec la volonté d’être le plus clair possible.
189
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 214.
190
Ce schéma sera réinvesti théoriquement lors de notre prochain chapitre et mis en application lors du chapitre VI.
60
direction a priori (candidature donc campagne), la position seconde n’a aucune influence sur
ce chemin, si ce n’est qu’elle y met fin. Mais que le candidat soit élu ou pas ne conditionne
pas la campagne. Cependant, le fait de ne pas connaître la position seconde lors de la
transposition n’est pas un élément commun à toutes les transpositions, certaines peuvent
se faire en connaissant à l’avance le résultat de la position seconde, tel que la préparation
d’un mariage. La position première est la demande en mariage : on accède au statut
de fiancé. La position seconde est le mariage : on accède au statut de marié. L’individu
connaît à l’avance la position à laquelle il va accéder et agit en conséquence lors de la
transposition (enterrement de vie de garçon par exemple). Cependant ces deux exemples
témoignent d’une transposition dont la fin est programmée (on connaît le lieu temporel
où la transposition prendra fin). Ainsi, pour résumer, nous sommes face à deux types de
transposition : une transposition avec fin programmée dont on connaît à l’avance la fin,
c’est à dire quand la position seconde interviendra (même si le l’état de la position seconde
est incertain) et une transposition dite « a posteriori », c'est-à-dire qu’elle n’a pas de fin
programmée ; il est donc difficile de pouvoir la saisir quand elle est en cours. Cette dernière
est donc saisie a posteriori quand la position seconde a été éprouvée et qu’il est donc
possible de reconstituer la transposition. Par ailleurs, nous sommes face à deux types de
transposition avec fin programmée : la transposition spéculative avec laquelle on se dirige
vers une position incertaine (le cas d’une campagne électorale, d’une scolarité, etc.) et une
transposition déterminée, c'est-à-dire qu’on se dirige vers une position connue (le cas de
la préparation d’un mariage).
De son côté, la transformation est la phase qui comprend à la fois la nouvelle position,
la forme précédant cette nouvelle position et la forme suivant la nouvelle position.
[Figure 9 : La transformation]
Il faut nécessairement un changement de position significatif pour qu’il y ait
transformation. L’élection peut être considérée comme une transformation en tant qu’elle
prend en considération la nouvelle position « élection », le statut précédent « candidat » et
le statut suivant « élu ». Cela nous permet de rendre compte de la transformation, c'est-
à-dire du changement de rôle et/ou de costume du candidat en élu et donc de la variation
de son identité consécutive de ce changement de forme/rôle. Pour résumer et rapporter
61
cela de façon plus proche à nos considérations, la transposition figure comme le passage
d’un espace à un autre, alors que la transformation intervient comme le changement d’état
d’un sujet. Cette distinction rejoint celle formulée par Latour quand il établit un point de
divergence entre transport et traduction. Le transport véhicule « une force qui resterait
191
tout du long semblable à elle-même » . Sa forme ne change pas : nous sommes dans
le cas d’une transposition. De son coté, la traduction révèle une connexion qui met en scène
des transformations.
Saisir le mouvement dans la narration à partir de cette dichotomie « transformation »
et « transposition » interroge par ailleurs les deuxième et troisième mouvements que nous
avons évoqués plus haut. En effet, le mouvement dans la narration est un mouvement
de papier, signifié par le narrateur et par le chercheur : cette conception schématique du
mouvement reste soumise aux variations d’échelles de contextes du chercheur et donc à sa
subjectivité, mais aussi de celle du narrateur : c’est un découpage d’un découpage. Le fait
de choisir, en position première, la déclaration de candidature intervient comme un angle
de vue, une position qui tend alors à définir la construction de l’objet. La position première
aurait pu être l’entrée en politique ou la décision personnelle de l’homme politique d’être
candidat, etc. Le narrateur dans son récit choisit un point de départ comme le chercheur
en sélectionnant tel ou tel récit. L’intérêt de mobilisation de la notion d’échelle est donc
double ici. Elle permet de considérer notre propre travail et notre propre pouvoir sur l’objet
de recherche mais elle est surtout l’un des objets de notre recherche. Nous cherchons,
192
en effet, à « mesurer (…) le travail de mesure lui-même » en étudiant finalement
l’activité de qualification et de définition du narrateur devenant ainsi un acteur et plus loin,
en restituant les changements d’échelles qu’il opère.
62
195
NACHI, 2006, op. cit.p. 74.
196
Ibid. p. 64.
197
Pecten Maximus: nom latin des coquilles Saint-Jacques.
198
CALLON, 1986, op. cit. p. 185.
199
Ibid. p. 189.
200
THEVENOT, L., « Les investissements de forme », THEVENOT, L. (ed.), Conventions économiques , Paris : PUF, 1986,
p. 21-71.
63
201
représentations sociales, personnes collectives » . Il définit, alors, ce concept
d’investissement de forme en tant qu’il sert à « l’établissement, coûteux, d’une relation
stable pour une certaine durée » d’une part, et à un accroissement de généralité
202
d’autre part, lorsqu’il « sert d’instrument d’équivalence » . Cette approche permet
de réduire la complexité (due à la variété et l’hétérogénéité de partenaires, de données
203
et d’intermédiaires) et à la rendre saisissable . Ainsi, il faut voir ici le travail des acteurs-
traducteurs pour substituer à des entités nombreuses et difficilement manipulable, un
ensemble d’intermédiaires qui permettra alors de rendre la complexité plus simple, plus
204
saisissable. Ce sont les investissements de formes qui faciliteront alors l’intéressement,
l’enrôlement et la mobilisation des alliés. Cette notion instaure une rupture dans la
controverse ou la traduction en tant qu’elle clôt pour un temps la discussion et sert
d’instrument pour la suite.
Que ces notions dévoilent des coupures dans le mouvement de la narration, de la
narrativité, de la traduction ou de celui du chercheur dans son découpage, on comprend
que le mouvement ne peut se saisir que dans la relation à une coupure, un temps où le
mouvement n’est plus et où nous pouvons observer une certaine stabilité, qu’elle soit au
début, un final ou un moment de clôture du mouvement.
« Si je lève la main de A en B, ce mouvement m'apparaît à la fois sous deux
aspects. Senti du dedans, c'est un acte simple, indivisible. Aperçu du dehors,
c'est le parcours d'une certaine courbe AB. Dans cette ligne je distinguerai
autant de positions que je voudrai, et la ligne elle-même pourra être définie
une certaine coordination, de ces positions entre elles. Mais les positions en
nombre infini, et l'ordre qui relie les positions les unes aux autres, sont sortis
automatiquement de l'acte indivisible par lequel ma main est allée de A en B.
Le mécanisme consisterait ici à ne voir que les positions. Le finalisme tiendrait
compte de leur ordre. Mais mécanisme et finalisme passeraient, l'un et l'autre, à
côté du mouvement, qui est la réalité même. En un certain sens, le mouvement
est plus que les positions et que leur ordre, car il suffit de se le donner, dans sa
simplicité indivisible, pour que l'infinité des positions successives ainsi que leur
ordre soient donnés du même coup, avec, en plus quelque chose qui n'est ni
ordre ni position mais qui est l'essentiel : la mobilité. Mais, en un autre sens, le
mouvement est moins que la série des positions avec l'ordre qui les relie ; car,
pour disposer des points dans un certain ordre, il faut d'abord se représenter
l'ordre et ensuite le réaliser avec des points, il faut un travail d'assemblage et il
faut de l'intelligence, au lieu que le mouvement simple de la main ne contient rien
de tout cela. Il n'est pas intelligent, au sens humain du mot, et ce n'est pas un
205
assemblage, car il n'est pas fait d'éléments. »
201
Ibid. p. 59.
202
Ibid. p. 28.
203
AMBLARD, H. et al., Les Nouvelles Approches Sociologiques des Organisations, (troisième édition augmentée),
Paris : Seuil, 2005, p. 160-161.
204
Cette notion peut être rattachée à la notion de « bien en soi » développée par Nicolas Dodier pour désigner une référence
indiscutable, c'est-à-dire la référence à un bien qui se vaut en tant que tel. Le bien en soi clôt, pour un temps, le mouvement du sens
critique et l’espace de la critique. (DODIER, 2005, op. cit. p. 22.)
205
BERGSON, H., L'évolution créatrice, (1ère éd. 1907), Paris : PUF, 1998, p 91-92.
64
On retrouve, dans cette citation, trois éléments déjà évoqués, qui nous semblent importants
dans notre recherche : la référence à la directionnalité (à l’ordre), la référence aux positions
206
et à l’espace et enfin « l’intelligence » de penser l’assemblage . La directionnalité se trouve,
l’avons-nous dit au niveau discursif, il en va de même pour la considération des positions
qui devront être figurativisées pour se différencier. Nous retrouvons ici notre intérêt pour une
considération relationnelle du continu et du discret en tant que ce sont les unités discrètes
qui vont nous permettre de rendre intelligible le continu. C’est par le repérage des coupures
que nous pourrons saisir le mouvement.
« Une unité discrète se caractérise par une rupture de continuité par rapport
aux unités voisines ; elle peut, de ce fait, servir d’éléments constituant d’autres
207
unités, etc. »
65
66
frontières. Le mouvement, saisi dans son rapport intrinsèque avec les espaces qu’il met en
tension, est de quatre ordres : le mouvement de la narrativité, le mouvement de la traduction,
le mouvement du chercheur qui varie les échelles d’observation et le mouvement dans la
narration. Or, nous retrouvons un découpage des espaces du même ordre, les espaces
que nous saisissons n’étant pas des espaces géographiques ou réels mais des espaces
socialement construits.
Avant de retrouver cette catégorisation et son rapport avec notre dédoublement de
l’énonciateur comme narrateur et acteur, il est essentiel de considérer l’irréductibilité
du phénomène qui tient dans l’hétérogénéité des êtres qui le construisent et dans la
difficulté de qualifier leur cohabitation : une hétérogénéité identifiable à partir de la
dialectique privé/public dont le dépassement est précisément l’espace d’émergence de la
peopolisation. Ainsi, nous partons de la définition des espaces public et privé pour suivre
leur transformation en espaces de signification opérants pour cette recherche.
67
civile devenue consciente d’elle-même comme du présent historique et raisonnant sur lui.
Conceptualisé par Habermas, l’espace public renvoie à l’activité d’une élite ; il inclut des
cercles bourgeois et reste fondamentalement bourgeois. Il exclut, par ailleurs, ceux qui n’ont
212
pas la compétence de la critique littéraire ou politique . Caractérisé par les débats et les
écrits des hommes de lettres, l’espace public bourgeois atteint son apogée entre le début
ème ème
et le milieu du 19 siècle. Dans la seconde moitié du 19 siècle, l’industrialisation,
l’alphabétisation et les progrès de la presse populaire contribuent au déclin de l’espace
public bourgeois. L’opinion publique n’est plus alors le produit du discours rationnel. La
publicité prend un aspect manipulatoire et sert désormais à rendre public des intérêts
concurrents : elle perd son caractère heuristique. Sous l'influence d'un Etat interventionniste
et administratif, qui brouille les frontières entre domaine privé et domaine public et subvertit
le principe de publicité, l'espace public se transforme en un lieu de propagande politique où
les médias de masse créent une loyauté de masse. De fait, à la lumière de la description
idéelle par Habermas de l’espace public bourgeois, ce nouvel espace public apparait
comme une sphère amorphe dominée par des médias de masse qui relaient les intérêts
des systèmes étatiques et économiques.
Deux éléments nous semblent importants dans cette très rapide évocation de la
définition habermassienne de l’espace public. Le premier nous montre qu’il y a un jeu entre
espace public et espace privé qui oblige à considérer l’un pour appréhender l’autre. Le
second insiste sur l’évolution de ces espaces avec celle des médias et de la communication
dans notre société. Or, le phénomène que nous étudions est précisément le fruit de ce
changement. Ces deux éléments méritent donc de nous attarder sur quelques autres
définitions pour en extraire l’accord émergeant.
La séparation entre espace privé et espace public est donc une réalité historique
qui résulte d’un découpage, lui-même changeant, de l’activité humaine entre ces deux
213
espaces . Leurs définitions relèvent de questions liées aux mœurs et à la vie quotidienne
214
et sont changeantes et fluides . Hannah Arendt identifie deux temps dans l’évolution de la
sphère privée. Dans la Grèce antique, s’opposent le politique et le privé ; le premier étant
le domaine de l’action, le second de la parole. La sphère privée révèle alors une privation
qui tient de l’absence de l’autre. Pourtant, l’avènement du christianisme modifie l’espace
215
privé, qui passe du lieu où l’on se privait des autres au lieu où l’on se cache des autres :
il devient un lieu obscur. Enfin, l’apparition de la Cité entraine l’avènement du social qui
perturbe alors la distinction entre espace public et espace privé, entrainant le dépérissement
212
Le propos de l’historienne Arlette Farge est justement de remettre en cause cette vision élitiste. Dans l’introduction de son ouvrage
Dire et mal dire, elle annonce son intention : retrouver un objet réputé introuvable, l’opinion « folle, impulsive, inepte », c’est-à-dire
l’opinion populaire définie par Condorcet comme « celle de la partie du peuple la plus stupide et la plus misérable. » Elle explique
que, face aux écrits de l’élite, qui forme un espace critique lettré et douée de raison (la sphère publique bourgeoise), il existe une
sphère publique plébéienne. Arlette Farge étudie alors les chroniques, les journaux, lesmémoires, les procès verbaux de police, les
archives de la Bastille, etc. L’espace public n’est donc pas né uniquement de la sphère publique littéraire comme l’affirme Habermas
mais aussi de cette sphère publique plébéienne qu’Arlette Farge tente de retrouver et qui résonne, selon l’auteur, « deux siècles
plus tard comme un écho lointain des protestations de la rue, des prisons, des groupes et des individus ». (FARGE, A.,
ème
Dire et mal dire : l’opinion publique au 18 siècle, Paris :Seuil, 1998.)
213
PROST, A., « Frontières et espace du privé », ARIES, P. & DUBY, G. Histoire de la vie privée. Tome 5 : De la première
guerre mondiale à nos jours, Paris : Seuil, Coll. Points Histoire, 1999.
214
MEHL, D., La télévision de l’intimité, Paris : Seuil, Coll. Essai politique, 1996.
215
ARENDT, 1961, op. cit. p. 74
68
216
Ibid. p.80
217
Ibid. p. 81
218
ELIAS, N., La société de cour, Paris: Flammarion, 1995, p. 148.
219
MEHL, 1996, op. cit. p.155.
220
Ibid. p. 155.
221
FERRY, J-M., « Les transformations de la publicité politique », Hermès, 4, 1989, p. 22.
222
SENNETT, R., Les tyrannies de l’intimité . Paris. Seuil. 1979. p. 167.
223
SENNETT, 1979, op. cit. p. 152.
224
LASCH, C., Le complexe de Narcisse, Paris : Robert Laffont, 1980.
69
s’il n’y aurait pas un effacement de cet espace dont le seul résidu constituerait l’intime,
élément alors défini selon le libre-arbitre de chacun.
En conclusion de ce rapide état des recherches, notons qu’il y a, pour tous ces
auteurs, une modification dans la définition de ces espaces, révélée, entre autres, par un
entrelacement empêchant une distinction stabilisée et universelle de ces deux espaces.
Dans les années 60-70, se dessine, selon ces auteurs, un double mouvement : celui
de la publicisation de l’espace privé et celui de la privatisation de l’espace public. Or la
peopolisation semble se construire dans le creux de ce double mouvement. Si pour l’instant,
nous nous refusons à définir ce phénomène, nous comprenons que la considération des
espaces public et privé est fondamentale tout autant que trop restrictive. Cette restriction se
comprend sous deux aspects. Le premier empêche de considérer un processus incertain
en termes d’espace : pour saisir ce phénomène médiatique en train de se faire, c’est le
mouvement entre les espaces qui nous intéresse ; un mouvement qui tend ainsi à modifier
les frontières des deux espaces définis ou, du moins, à en créer un troisième. Mais, par
ailleurs, les définitions des espaces privé et public ont montré des frontières changeantes et
soumises aux évolutions sociales : il y a une complexité du monde social que la dichotomie
privé/public ne semble pas pouvoir embrasser dans son jeu avec l’évolution des médias et
la culture de la communication qui en découle. Un propos de Louis Quéré permet d’étendre
nos considérations par la possibilité de re-penser l’espace public à l’aune de l’injonction
à la visibilité. Ce propos présente deux idées essentielles : l’espace public est, à la fois,
une sphère publique de libre expression, de communication et de discussion et une sphère
publique d’apparition et de représentation qui élèvent certains acteurs, actions, évènements
225
ou problèmes sociaux au rang du connu et du reconnu . L’apport de Quéré permet, alors,
de déplacer nos considérations d’une dyade à une triade, déplacement qui prend toute son
ampleur dans la théorie des mondes de Boltanski et Thévenot.
225
QUERE, L., « L’espace public : de la théorie politique à la métathéorie sociologique », Quaderni , 18, 1992, p. 77.
226
On trouvera, dans Le nouvel esprit du capitalisme (BOLTANSKI & CHIAPELLO, 1999), une extension de cette typologie
avec l’apport d’un septième monde dit connexionniste, qui se serait installé ces trente dernières années avec le capitalisme et le
désarmement de la critique, nouveau monde organisé en réseau et fondé sur une logique par projets.
227
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.177-181.
70
moral de ces personnes qui mettent à l’épreuve des principes de justices et des éléments
de ces principes qui leur semblent correspondre à la situation.
Le principe supérieur commun renvoie à une instance qui permet au monde
228
d’exister ; c’est « la condition sine qua non d’existence d’un monde » . Ce principe est
ce autour de quoi se réunissent des personnes dans un même monde ; il porte les valeurs
du monde, des accords et des conventions et « assure une qualification des êtres,
condition pour prendre la mesure des objets comme des sujets et déterminer la façon
229
dont ils importent, objectivement, et valent au-delà des contingences » . L’état de
grandeur permet d’identifier ce qui est grand et ce qui est petit dans le monde étudié.
En effet, face au principe supérieur commun , certaines actions et attitudes sont perçues
comme valorisées, donc grandes, et inversement pour ce qui est petit . Cependant,
il faut rappeler le principe d’immanence fondateur de cette sociologie : les personnes ne
sont justement personne en dehors de leurs actions ; l’ état de grandeur n’est donc pas
rattaché de manière permanente aux personnes mais se déploie selon « la façon dont
on exprime les autres, dont on les incarne, dont on les comprend ou encore dont on
230
les représente (autant de modalités qui dépendent du monde considéré) » . C’est
en fonction de l’accession à la dignité que l’individu deviendra grand . Agir en fonction
du principe de dignité implique une formule d’investissement , c'est-à-dire un prix à
payer. Puisque l’ état de grandeur n’est pas rattaché aux personnes, leur grandeur se
conçoit dans le sacrifice pour atteindre cette grandeur . Enfin, le rapport de grandeur
s’évalue en fonction des justifications énoncées par les personnes sur la nature de leurs
231
relations ; en d’autres termes sur ce qui motive leurs attitudes et actions face aux autres :
il établit un ordre dans les relations entre les êtres. Les répertoires permettent d’identifier
les objets et les sujets en place dans le monde. L’épreuve modèle , de son côté, est
une forme d’épreuve, de situations valorisées dans le monde en place. Elle se repère en
tant qu’elle touche la pureté de la cohérence du monde, des sujets et des objets. La figure
harmonieuse est un arrêt sur image (symbolique) du monde. Elle représente et caractérise
simultanément le monde et dévoile la forme de l’évidence en place dans celui-ci. Dans
ces figures harmonieuses se développe une forme de relation naturelle entre les
êtres ; une relation qui stimule l’interaction entre les êtres et qui s’appuie sur le principe
supérieur commun . Enfin, le mode d’expression du jugement est un indicateur par
lequel s’expriment les personnes émettant un avis sur ce qui se passe dans leur monde.
Pourtant, face à ces principes qui permettent de penser la cohérence de chacun
des mondes, nous ajouterons deux nouvelles considérations : celle de l’autorité et de la
domination d’un coté et celle de la question de la légitimité de l’autre. Nous nous tournons
vers Max Weber et son ouvrage Economie et Société pour comprendre les rapports de
domination au sein de chacun des mondes. La domination correspond à « la chance de
trouver des personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé
232
» ; elle est « liée à la présence actuelle d’un individu qui commande avec succès
228
NACHI, 2006, op. cit. p. 137.
229
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 177.
230
BOLTANSKI, & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 167.
231
AMBLARD, BERNOUX & al. 2005, op. cit. p. 85.
232 ère
WEBER, M., Economie et Société. T.1 : Les catégories de la sociologie, Paris : Pocket, 1995 [1 édition originale
1956], p. 95
71
233
à d’autres » . Notre intérêt va être de saisir sur quoi repose les formes de domination
dans chacun des trois mondes que nous mobiliserons, et donc, plus loin, de comprendre
les principes autoritaires et la légitimité de cette autorité qui permet l’acceptation de la
domination.
233
Ibid. p. 96
234
Nous éliminons trois mondes de la théorie de Boltanski et Thévenot : le monde inspiré, le monde industriel et le monde
marchand . Si ces trois mondes peuvent être occasionnellement mobilisés dans les récits médiatiques de notre corpus, ils ne dévoilent
pas la quiddité du phénomène de peopolisation (QUERE, 1989), point que nous approfondirons dans les prochaines pages.
235
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 206
236
WEBER, 1995, op. cit. p. 289.
237
WEBER, 1995, op. cit. p. 320.
72
238
la vénération (…) à la confiance » . Etre réputé, connu, considéré, accéder au succès
ou au vedettariat, bénéficier d’un jugement positif de la part du plus grand nombre sont les
ressorts de l’action ; seule la consécration du public importe dans le monde de l’opinion. La
grandeur de chacun des êtres dépend de l’opinion que les autres en ont. La célébrité fait la
grandeur de l’être et la légitimité est médiatique et s’appuie sur la reconnaissance.
« Ce qui importe seulement, c’est de savoir comment la [la qualité du
détenteur du pouvoir] considèrent effectivement ceux qui sont dominés
239
charismatiquement, les adeptes. »
Les sujets en place dans ce monde sont les vedettes et leurs publics auxquels s’ajoutent
ce que nous désignerons comme « les magistrats chargés de faire valoir la grandeur
240
de renommée » , c'est-à-dire les professionnels des médias (journalistes, attachés de
presse, etc.). Le prix à payer pour accéder à la grandeur dans ce monde est le renoncement
au secret, à sa vie privée.
Le monde civique ne s’attache pas à des personnes humaines mais à des personnes
collectives qu’elles composent par leur réunion. L’intérêt collectif prime l’intérêt particulier.
Ce monde s’organise autour de la loi et des notions d’équité, de liberté et de solidarité
(le renoncement au particulier permet de dépasser les divisions qui séparent pour agir
collectivement). Ainsi, « celui qui obéit n’obéit que comme membre du groupe et
241
seulement au droit » n’obéit pas à la personne détentrice du pouvoir mais à des
règlements impersonnels. La grandeur d’un être dépend de la taille du collectif auquel il
appartient, de sa représentativité, de comment il se fait l’expression de la volonté générale
et, enfin, de son appartenance et de sa place dans l’espace public au sens où Habermas
l’entendait. Les sujets de ce monde sont les personnes collectives et leurs représentants,
c’est l’aspiration commune à l’union qui définit leur dignité à figurer dans l’espace du monde
civique. Les relations entre les êtres s’organisent autour de l’adhésion, de la délégation et
de l’association. Rationalité et légalité sont donc les caractères principaux des formes de
domination en place dans ce monde. Les lois ont figure d’évidence tandis que le verdict du
scrutin est sans appel.
238
Ibid . p. 321.
239
Ibid. p. 321.
240
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 224.
241
WEBER, 1995, op. cit. p. 291.
73
242
CASSIRER, E., La philosophie des formes symboliques, Tome 3, Paris : Les Editions de Minuit, 1988. p. 174.
74
243
écrite française . Dans la perspective d’une sociologie pragmatique, nous partons d’une
incertitude quant à ce qu’il en est de ce qu’il est et nous laissons les acteurs faire le travail
d’association et de définition. Notre devoir, nous dit Latour, « ne consiste pas à imposer
un ordre, à limiter le spectre des entités acceptables, à enseigner aux acteurs ce qu’ils
244
sont ou à ajouter de la réflexivité à leurs pratiques aveugles » . Il convient alors de
questionner ce que nous faisons de nos observations, de nos lectures, de nos analyses
des récits médiatiques. La typologie proposée par Boltanski et Thévenot, investie comme
une extension des espaces privé et public, suppose de postuler de mondes communs
dont les conventions générales sont stables et préexistantes aux situations observées. Ces
mondes sont des extensions des cités qui sont des modèles formels construits à partir
de textes majeurs de philosophie politique, considérés comme constitutifs de la tradition
propre à nos sociétés modernes. Les auteurs postulent donc d’une commune humanité
245
(contrainte d’égalité) et d’une hiérarchie situationnelle (contrainte d’ordre) . Il y a donc,
dans l’ouvrage De La Justification , un « cadre général comprenant une liste d’états
246
et de processus possibles » . Or, Latour et Callon affirment « l’impossibilité de
prendre appui sur de telles conventions. Les sciences et les techniques en train
de se faire exigeraient, pour être analysées et décrites de façon symétrique, un
principe d’irréductibilité, principe par nature contradictoire avec l’idée de l’existence
préalable de conventions communément admises sur ce qui compose le monde, sur
247
ce qui peut être valablement associé ou dissocié » . Ces mondes sont des catégories
fondamentales pour l’analyse de notre objet d’étude – la peopolisation ; et cela justifie
l’éviction des trois autres mondes théorisés par Boltanski et Thévenot. La sélection de
« nos » mondes est pensée dans un rapport concret avec l’objet mais ne postule en rien
de ce qu’il est ou de ce qu’il en est de ce qu’il est . « En proposant une typologie
des mondes et des cités, des objets et des arguments, le modèle est structuré par
les contraintes de la pensée typologique, qui oblige à se préoccuper du problème
248
des frontières et celui des relations entre les types » explique Philippe Juhem . Or
précisément, la peopolisation est un processus qui joue avec les frontières, les relations et
l’ordre entre ces mondes ; cela constitue le caractère irréductible de notre objet d’analyse.
Nous saisissons donc les trois mondes proposés par Boltanski et Thévenot comme des
espaces de description. Pourtant ne sommes-nous pas déjà dans un cadre explicatif ?
« « Mon Royaume pour un cadre explicatif » C’est très émouvant (…) L’ANT
[Actor Network Theory] est parfaitement inutile pour cela. Elle a pour principe
que ce sont les acteurs eux-mêmes qui font tout, même leurs propres théories,
leurs propres contextes, leurs propres métaphysiques et même leurs propres
249
ontologies… »
243
Il est important de souligner la dernière partie de la phrase « dans la presse écrite française » car cette étude ne considère pas
le phénomène de peopolisation dans son ensemble mais ne l’observe et ne l’appréhende que sous un angle, celui des énonciateurs
des récits, et que dans un type de médias particuliers, la presse écrite.
244
LATOUR, 2007, op. cit. p. 18.
245
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 52
246
CHATEAUREYNAUD, F., « Forces et faiblesses de la nouvelle anthropologie des sciences », Critique , 529-530, 1991, p.471.
247
Ibid. p. 465.
248
JUHEM, P., « Un nouveau paradigme sociologique ? A propos des Economies de la grandeur de Luc Boltanski et Laurent
Thévenot », Scalpel , 1, 1994, p. 89.
249
LATOUR, 2007, op. cit. p. 213.
75
250
QUERE, L., « Les boites noires de B. Latour ou le bien social dans la machine. », Réseaux , 36, 1989, p. 114.
251
BOLTANSKI, L ., De la critique, Précis de Sociologie de l’émancipation , Paris : Gallimard, 2009.
252
Nous retrouvons cette considération chez Boltanski. Cependant, il donne la paternité de cette réflexion dans une note de fin de
document à Cyril Lemieux ( Le devoir et la grâce, 2009) et non à Louis Quéré.
253
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 25.
254
Ibid . p. 50.
255
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 182.
76
Quéré reprend à Garfinkel un concept qu’il réintroduit dans le débat et qui semble
particulièrement intéressant, car il nous permet de comprendre dans quelle perspective
nous utilisons les trois mondes élaborés par Boltanski et Thévenot et de quelle manière
nous nous éloignons justement de ces auteurs en n’en sélectionnant que trois sur les six
256
proposés . Ce concept est celui de quiddité , ce qui fait qu’un être est ce qu’il est.
Ces espaces dévoilent donc la quiddité du phénomène, c'est-à-dire ce qui fait que ce
phénomène est celui de la peopolisation et pas un autre. Nous les saisissons comme la
logique interne du phénomène qui permet aux acteurs de l’identifier et de produire des
définitions et des théories, même si nous ne nions pas que celui-ci soit justement structuré
contextuellement dans une société et un temps donné. Plus loin, ces espaces sont aussi ce
qui permet la constitution de notre corpus. L’enjeu empirique de notre recherche implique, en
effet, d’établir une définition minimale afin de pouvoir justement sélectionner puis analyser
les opérations de définitions et de production de sens quant à la peopolisation.
« L’ANT est une méthode, et une méthode essentiellement négative ; elle ne dit
257
rien sur la forme de ce qu’elle permet de décrire. »
Pourtant, il semble qu’elle nécessite un minimum de considérations de ce que nous allons
décrire pour justement pouvoir le décrire.
« Aussi, la véritable définition de la quiddité de chaque être est-elle celle qui
258
exprime sa nature, mais dans laquelle ne figure pas cet être lui-même. »
Finalement, nous postulons la quiddité du phénomène sans pour autant stipuler de son
eccéité (son être-là). Trois mondes incontournables sont présents, cependant c’est la
manière dont on fait tenir le tout qui nous intéresse : nous étudions la « colle » et la
composition du collage.
256
QUERE, 1989, op. cit. p. 115.
257
LATOUR, 2007, op. cit. p. 207.
258
ARISTOTE, Métaphysique . T. 1, Paris : Librairies Philosophique J. Vrin, 1991, p. 246.
259
DE CERTEAU, 1990, op. cit . p. 182.
260
Ibid. p. 173.
77
261
» . L’espace est donc affaire de négociation, d’interprétation et de traduction. L’espace
262
relève de l’action : « l’espace est un croisement de mobiles » . Plus loin, c’est la notion
de paradigme qui va nous permettre de déplacer notre considération de l’espace, comme
surface ou étendue, à une représentation idéelle dont relèvent les trois mondes.
261
Ibid. p. 173.
262
Ibid. p. 173.
263
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
264
GREIMAS, 1983, op. cit. p 27.
265
Le terme de hiérarchie est entendu par Greimas comme le principe d’organisation formelle permettant de penser la logique de
présupposition, considération qui est à distinguer de l’emploi de ce terme dans le sens commun à partir de la dialectique inférieur/
supérieur.
266
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 376.
267
Dans cet exemple simpliste, les deux syntagmes sont nominaux. Dans le cadre d’une phrase, se succèderont syntagmes
nominaux, syntagmes verbaux, adverbiaux, etc.
268
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 376.
269
Dans le cadre de notre exemple, on voit que « UMP » ou « République » sont deux alternatives, fonctionnant sur le mode «
ou… ou… ». L’axe paradigmatique nous permet de considérer, par exemple, un récit sur Ségolène qui peut être qualifiée de « mère
de quatre enfants » ou « candidate » ou « socialiste » ou « femme politique », etc. Les différentes alternatives représentent le choix
des possibles sur l’axe paradigmatique.
270
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 266-267.
271 ère
SAUSSURE, F., Cours de linguistique générale [1 ed. 1916], Paris : Payot, 1972, p. 171.
78
79
277
« grille de lecture qui rend homogène la surface du texte », nous dit Greimas .
Précisément, nous retrouvons les trois mondes comme révélateurs de la quiddité de
la peopolisation sous cet aspect : ils sont des espaces de signification, des isotopies
sémantiques, qui instituent une identification et une reconnaissance du phénomène de
peopolisation et, plus loin, ils permettent de saisir sa traduction et son interprétation par
le narrateur du récit. C’est donc au travers de la notion d’isotopie que l’opérationnalisation
des mondes se conçoit : des espaces considérés au prisme du mouvement qui se déploie
en leur sein ; un mouvement de disjonction sur l’axe paradigmatique et un mouvement
de conjonction quand les actions révèleront une coprésence de grandeurs sur l’axe
278
syntagmatique .
80
Ainsi, quand François Bayrou est mis en scène dans son berceau béarnais, c’est le cas
d’un espace énonciatif :
« C’est dans cette grande bâtisse blanche, achetée en 1978, que le candidat vient
282
chercher la paix. La demeure se situe au cœur du village de Bordères »
Quand le narrateur se met lui-même en scène dans le berceau béarnais de François Bayrou,
c’est un espace énoncif.
283
« VSD s’est rendu à Bordères, Pyrénées-Atlantiques »
Le narrateur des récits est lui aussi nomade, au même titre que les narrataires du récit.
La notion de nomade dévoile un voyageur dont la mobilité produit les espaces qu’ils
284
traversent comme ceux-ci le façonnent . Le voyageur mis en scène par Thévenot rejoint
donc directement l’appréciation de l’espace par De Certeau, signifiée par sa pratique, sa
production et sa consommation.
Parallèlement, en rendant intelligible le réseau, le porte-parole agit sur la controverse,
résout les incertitudes et doit être compris comme un acteur. Mais, parce qu’il porte la parole
des autres, les définit et les signifie, il nous permet d’appréhender une version de ce qui
est contenu dans la controverse. Dans notre corpus de récits médiatiques se trouvent des
espaces qui « vont de soi », qui relèvent du monde naturel, comme l’exemple de Bordères
ci-dessus. Ce qualificatif « naturel » renvoie, pour Greimas, au « paraitre selon lequel
285
le monde se présente à l’homme comme un ensemble de données sensibles » .
Mais nous pouvons trouver par ailleurs, des espaces sans aucune autre prétention que de
relever de l’interprétation et de la représentation. Que ces espaces soient issus du monde
naturel ou du registre idéel, ils sont avant tout le fruit d’une traduction, d’une négociation et
d’une interprétation de l’énonciateur du récit médiatique qui les met en scène et les décrit.
Dans la sémiotique du discontinu, nous trouvons une troisième considération de l’espace,
l’« espace cognitif », que le sémioticien définit comme l’espace où sont situées les
286
relations cognitives entre les sujets et entre les sujets et les objets . Cet espace se situe
au niveau de représentations abstraites, liées entre elles par « un tissu de présupposés
287
et un réseau d’implications » .
« On peut dire (…) en prenant en considération le parcours génératif du discours,
que ces relations cognitives se trouvent, à un moment donné, spatialisées,
qu’elles constituent entre les différents sujets des espaces proxémiques qui ne
288
sont que des représentations spatiales, des espaces cognitifs. »
Il y a donc ici moins une conception spatiale qu’une conception idéelle de l’espace :
l’adjectif cognitif renvoie en sémiotique à « diverses formes d’articulation – production,
289
manipulation, organisation, réception, assomption – du savoir » . Notre propos
282
Gala 720.
283
VSD 1523.
284
Voir Chap. II. 1.
285
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 233.
286
Ibid. p. 41
287
ROUSSEAU, A. « Espace, référence, représentation. Réflexions que quelques conceptualisation de l’espace », Faits de
Langues, 1, 1993, p.158.
288
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 41.
289
Ibid. p. 40.
81
sur le concept d’épreuve, dans le premier chapitre, s’était attardé sur la nécessité d’une
capacité cognitive d’un actant pour dépasser le moment d’incertitude. L’acteur cognitif,
comme détenteur du système axiologique du récit, agit, avons-nous dit, sur la valeur de
l’action, en mobilisant des équipements mentaux spécifiques et mettant en place un système
de valeurs. Depuis, la fonction de l’énonciateur du discours a été augmentée par notre
considération de celui-ci comme un acteur, performant la peopolisation. Le producteur du
discours est donc le narrateur, détenant une fonction de manipulation ou de sanction, un
savoir ou un « croire », et donc de manière plus générale, le système axiologique, dont il peut
déléguer une partie à un Destinateur installé dans le récit. Ainsi, que cette capacité cognitive
soit déléguée ou pas à un actant de narration, le producteur du récit comme narrateur
installe, au travers des espaces cognitifs, une relation entre l’énonciateur et l’énonciataire
caractérisée par un savoir généralisé sur les actions décrites ou un savoir partiel détenu par
l’énonciateur que celui-ci partage alors progressivement avec l’énonciataire.
« La confrontation des points de vue et, singulièrement, la topologie du savoir et
du croire s’insèrent dans une logique des ensembles où les espaces cognitifs –
290
disjoints, tangents, sécants, confondus – se distribuent et se négocient. »
Dans la réalisation de ce contrat entre l’énonciateur et l’énonciataire du récit, le producteur
du discours est aussi acteur de la peopolisation, car en diffusant son savoir et son croire
sur une action peopolisante, il performe la peopolisation. Il lui donne une forme et une
consistance, propose sa propre théorie sur celle-ci et dévoile une de ses formes d’existence
et ses effets, tout en s’engageant dans la critique d’autres formes et d’autres théories.
Chaque espace cognitif installé dans un récit est un point de vue, un discours argumenté,
persuasif, interprétatif.
290
QUERE, H., « “Parlez-vous perroquet ?”. Notes sur le contractuel et le polémique », Actes sémiotiques, 30, 1984, p. 26.
82
83
cet écrit est avant tout un récit. Le chercheur est un acteur comme les autres ; il donne une
existence et une consistance particulière au phénomène qu’il interroge.
84
85
86
La sélection d’une telle période pour nos analyses implique différentes variables. La
première revient à ce que nous venons d’énoncer : elle est un moment fort dans l’actualité
politique, un temps de la communication politique où les enjeux sont évidents et la sanction
inéluctable. La seconde tient à sa temporalité délimitable et à une mobilisation réduite de
personnages. En 2007, il y avait douze candidats à l’élection présidentielle : cet état de
fait permet non seulement de définir qui seront les êtres peuplant cette étude et donc
de restreindre leur nombre, mais, parallèlement, cela permet de pouvoir considérer des
candidats aux visibilités variables et de ne pas se laisser enfermer dans une sélection de
personnages hautement médiatiques. De la même façon, la temporalité d’une campagne
présidentielle invite à clôturer le temps d’analyse mais permet par là même d’éviter la
construction d’une temporalité d’analyse qui conviendrait à l’objet ou à la problématique.
Ces variables sont indétachables de la question de la visibilité. Les médias de masse
constituent, en ce sens, des outils pour une campagne présidentielle car ils permettent de
répondre à l’injonction de visibilité désormais inéluctable dans notre société, c'est-à-dire
à « l’encouragement, la valorisation de l’exhibition d’activités et de productions multiples,
entraînent d’une part l’interdiction ou la mise à l’écart de l’opacité et de l’épaisseur pour le
297
plus grand nombre, d’autre part, à terme, un appauvrissement de l’imaginaire » .
297
Extrait de l’appel à communication du colloque « Voir et être vu, l’injonction à la visibilité dans les sociétés contemporaines »,
Paris, 29-31 mai 2008, organisé par l’Association Internationale de Sociologie, de l’Association Internationale des Sociologues de
Langue Française, du réseau thématique « Sociologie clinique » et de l’Association Française de Sociologie.
298
VOIROL, O., « Visibilité et invisibilité : une introduction », Réseaux, 129-130, 2005, p.14.
299
Ibid. p. 73-75.
300
Ibid. p. 28.
301
HONNETH, A. « Invisibilité : sur l’épistémologie de la reconnaissance », Réseaux, 129-130, 2005, p. 42.
87
La visibilité requiert de connaître ce que nous percevons, en cela, il faut entendre que nous
302
identifions ce que nous percevons .
« La visibilité désigne bien plus que la perceptibilité parce qu’elle implique une
303
capacité d’identification individuelle élémentaire. »
Comprendre le processus de peopolisation par le concept de visibilité revient à s’intéresser
à la « constitution du spectre de visibilité », c'est-à-dire se pencher sur les multiples
dispositifs médiatiques impliquant une compréhension des médias de communication
comme producteurs d’une intelligibilité, organisant l’attention du public et appelant sans
304
cesse des manières de voir et de reconnaitre ce qui est exposé .
« Les organisations médiatiques sont devenues les principales productrices de
visibilité médiatisée dans les sociétés contemporaines, ordonnant les manières
de voir sur la base de catégories d’appréciation et d’opérations d’identification
305
ancrées dans des pratiques institutionnelles et professionnelles spécifiques. »
Pourtant, l’injonction à la visibilité dans le métier du politique pose parallèlement la question
de l’invisible.
« L’invisible, c’est ce qui est dérobé à la vue, mystère et tabou. A l’opposé de la
306
visibilité, il y a l’opacité, le secret, le caché, le censuré, l’interdit. »
Le secret est au cœur de notre thèse : il est la formule d’investissement pour atteindre la
307
grandeur dans le monde de l’opinion, il est le propos de la presse people , il est ce qui
échappe dans une certaine mesure à l’espace public. Mais comment parler de secret et de
médias alors que le propre du secret est d’échapper à l’espace de communication ?
« Le secret peut se définir comme une information qui ne fait pas l’objet d’une
308
diffusion dans l’espace public. »
Le secret suppose des personnes qui possèdent une information et ne la laissent pas
connaître à d’autres. Le secret doit être connu au moins par un individu et caché à un autre.
302
L’espace public se constitue du visible mais ne peut se contenter de celui-ci en tant que le visible ne rend compte que de la
forme première de la reconnaissance. L’objet ou le sujet doit être mis sur la scène du visible et enfin reconnu pour appartenir à
l’espace public. Paul Ricœur définit la reconnaissance à partir de trois phases. La visibilité consiste en la première. Mais pour que
la reconnaissance soit complète, il faut ensuite se reconnaître soi-même, c'est-à-dire conjurer le risque de cette autre méprise qu'est
la méconnaissance de soi-même, laquelle consiste à se tromper soi-même, à se prendre pour ce que l'on n'est pas. « Il faut qu’il y
ait d’abord et fondamentalement un sujet capable de dire “ je ” pour faire l’épreuve de la confrontation avec l’autre. » (RICOEUR, P.,
« Les paradoxes de l’identité », L’information psychiatrique, 3, 1996, p. 203.). Le troisième moment du parcours que propose Ricœur,
est la reconnaissance mutuelle, la reconnaissance de l'autre dans son irréductible différence ; le risque n'étant plus ici celui de la
méprise, mais du mépris. Il faut que les acteurs se reconnaissent mutuellement et reconnaissent la manifestation de leurs attentes
face à l’autre. (RICOEUR, P., Parcours de la reconnaissance, Paris : Folio essais. 2004)
303
HONNETH, 2005, op. cit. p. 43.
304
VOIROL, 2005, op. cit. p. 20
305
Ibid. p. 20.
306
BARUS-MICHEL, J., « Une société sur écrans », Voir, être vu. L’injonction à la visibilité dans les sociétés
contemporaines, Actes du colloque, Tomes I, ESCP-EAP, Novembre 2009, p. 7.
307
Nous aborderons plus tard cette affirmation lors de la définition de la presse people.
308
LAMIZET, B., « Sémiotique du secret », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets, Paris : L’Harmattan, 2004, p. 11.
88
309
Le secret doit se comprendre dans et par le conflit , c'est-à-dire qu’il est une information
dissimulée à quelqu’un dont on se protège et qui est un concurrent ou une menace s’il
connaissait cette information. Le secret puise son existence dans l’évaluation d’un risque
si l’autre venait à le connaître. Ainsi, comprenons le secret comme une information dont
le contenu est connu par au moins un individu qui estime que sa connaissance par un
autre individu constitue une menace ou un risque. A cela s’ajoute une autre variable : celle
de la dissimulation. Celui qui détient le secret doit user de stratégies afin de garder le
secret. Il se peut que l’existence même du secret soit inconnue des autres. Le silence suffit
donc à conserver le secret, cependant le détenteur du secret se place dans des stratégies
310
d’abstention telles que ne pas dire , ne pas trahir , ne pas laisser filtrer d’indices
, etc. Le secret place l’individu qui le détient dans une communication contrainte. Il est ce
qui est séparé de l’espace de communication et ce qui sépare les individus dans ce même
espace de communication.
Pour que nous puissions parler de secret, il faut que l’individu choisisse de
garder éloignées de l’espace public certaines informations dont il considère que leurs
connaissances par d’autres pourraient menacer sa dignité. Il use ainsi de stratégies de
dissimulation pour que ce qui est secret le reste. Boltanski et Thévenot présentent le monde
de l’opinion avec une formule d’investissement qu’est le renoncement au secret, en tant que
les informations d’ordre privé et jugées comme devant le rester par les grands de ce monde
sont exposées sur la scène publique. « Pour être connu, il faut accepter de tout révéler
311
sans rien cacher à son public » . Ainsi, pour atteindre l’état de grandeur dans le monde
de l’opinion, le sujet accepte de renoncer au secret. Une telle affirmation nous semble
contradictoire car on ne peut renoncer au secret ; le terme même de « secret » n’a plus de
valeur dans le cadre d’une information qu’on accepte de dévoiler. Ce qui varie profondément
dans la question du secret entre le grand du monde de l’opinion et l’anonyme, c’est que
la pression par rapport au secret est différente et que les stratégies de dissimulation et
les risques appréhendés n’auront pas la même importance. La menace de révélation par
autrui y est plus forte, cependant le secret ne reste pas impossible et le grand du monde
du renom n’y renonce pas pour autant. Appréhender, en tant que chercheur, la possibilité
d’un personnage public à avoir des secrets est impossible. Seul ce personnage, détenteur
de secrets, a la capacité de le dire mais cela reviendrait à dévoiler une partie de son secret
et donc à trahir une stratégie d’abstention inhérente au secret. Ainsi, nous comprenons
la formule d’investissement du monde de l’opinion comme une nécessaire transparence,
une transparence nullement incompatible avec la capacité des individus transparents de
conserver certains secrets.
Cette acception du secret comme invisible pose la question du contenu du secret.
L’espace privé est ce que l’individu décide de ne pas exposer sur la place publique, comme
ce que l’individu choisit de ne pas partager avec les autres individus.
« En l’absence de toute définition positive de la vie privée, comment ne pas tenter
de la définir par la négative ? La vie privée, c’est tout ce qui n’est la vie publique
312
des individus. »
309
HUYGHE, F-B, « Secret et conflit : De la ruse à l’infodominance », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets, Paris : L’Harmattan,
2004, p. 23-33.
310
Ibid. p. 29.
311
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991. op. cit. p. 226
312
BADINTER, R., « Le droit au respect de la vie privée », JCP (jurisclasseur périodique), 1968, p. 2136.
89
Pouvons-nous penser que ce qui n’est pas public relève du secret et donc que le secret
et le privé se confondent et ce, plus particulièrement, à l’aune de la publicisation de la vie
privée où celle-ci tend à relever uniquement de l’intimité ? Un secret peut contenir un aspect
de la vie privée. Cependant, la notion de secret protège bien d’autres éléments que ceux
d’une vie privée. Parallèlement, le contenu de la vie privée diffère en fonction de ce que
l’individu s’est plus ou moins exposé à montrer. La vie privée est ce qui n’est pas exposé
publiquement. Pourtant, elle n’est pas pour autant dissimulée à partir de stratégies et son
dévoilement ne sera pas obligatoirement vécu comme une menace. Si la différence entre
vie privée et secret reste très difficilement appréhendable, elle réside principalement dans
la différenciation entre abstention et dissimulation, entre non-dit et caché. Cette question
s’avère particulièrement importante dans notre considération de la presse people qui se
définit dans une activité de la révélation des secrets.
90
autres, à partir de ce monde. Ainsi, le monde de l’opinion est transversal aux différents
niveaux de notre étude.
Cette mise en abîme du monde de l’opinion suppose de questionner le rapport au réel
et à la notoriété des êtres qui peuplent notre recherche. En effet, le monde de l’opinion
est omniprésent dans cette étude : les êtres de notre étude sont des sujets de ce monde.
Or, dans le monde de l’opinion, nous avons affaire à trois types de sujets : les grands
représentés par les personnes renommées, les petits que sont les fans ou les supporters
315
et enfin, les « magistrats chargé de faire valoir la grandeur de renommée » . Parce
que notre thèse s’intéresse aux récits dans une perspective immanente, les actants de
narrations sont forcément les grands du monde de l’opinion, ils sont mis en scène parce
316
que notoires et sont notoires parce que mis en scène . Les fans et les magistrats chargés
de faire valoir la grandeur de la renommée peuvent aussi être actants de narration, mais,
nous le verrons, ils sont toujours mobilisés en relation avec le grand du monde de l’opinion
qu’ils mettent en valeur et à qui ils octroient une grandeur par leur présence, soulignant alors
317
« le caractère non essentialiste et purement relationnel de la grandeur de renom » .
Mais, les fans et les magistrats chargés de faire valoir la grandeur de renom incarnent, par
ailleurs, et ce majoritairement, les actants de communication, destinateur et destinataire
du récit. Le caractère relationnel de la grandeur de renom institue, en outre, la légitimité
du journaliste à être le porte-parole des grands et des petits du monde de l’opinion. Le
journaliste est dans le monde de l’opinion, ce qui fonde sa légitimité. Par là, il est chargé
de déplacer des objets et des sujets du monde domestique et civique dans le monde de
l’opinion et les représente ; il leur octroie une consistance et une dignité à figurer dans ce
monde. Il est une entité particulière du monde de l’opinion car non pris dans les rapports de
grandeur en tant qu’il les construit. Il est celui qui supporte la parole, qui condense la parole
des grands et des petits du monde de l’opinion qu’il représente en un seul corps ; mais il est
aussi celui qui porte la parole en tant qu’il la déplace, la mène dans le monde de l’opinion,
où elle ne pourrait aller sans son intermédiaire : le monde de l’opinion figure comme le lieu
de convergence des trois mondes pris dans notre étude. Il est le lieu de convergence des
trois mondes, et non des deux autres mondes. Ici, se tient la mise en abîme. Le monde
de l’opinion est soumis à différentes incarnations à différents niveaux de la recherche et
du récit. Au niveau de surface, il dispose du même statut que les deux autres mondes, il
est une alternative parmi les autres sur l’axe paradigmatique, un espace de signification
comme les autres. Le journaliste détient sa légitimité de porte-parole par son être dans le
monde de l’opinion ; sa légitimité à représenter des êtres et des objets du monde civique et
domestique est contenue dans la mise en abîme du monde de l’opinion, dans la définition
du support et de l’être médiatique des discours.
Le monde de l’opinion intervient dans cette recherche comme l’univers a priori de
notre objet dont nous ne pouvons ignorer le caractère déterminant. Sa représentation et
sa mobilisation révèlent une référence à la notoriété et à la référentialisation externe des
êtres de papiers que nous investirons dans une troisième partie de ce chapitre, consacrée
à l’identité médiatique. Cette double mobilisation du monde de l’opinion intervient, entre
autres, dans le choix de notre corpus : un corpus double. Nous avons fait le choix de
considérer les récits médiatiques issus de la presse écrite française. Pour cela, nous
considérons plusieurs types de corpus. Un premier, principal, est constitué d’articles de la
presse people ; les suivants constitueront une possibilité de relativisation de notre premier
315
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.224.
316
Nous apporterons une nuance à cette réflexion lors des prochaines pages sur la définition de la presse people.
317
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.223.
91
318
CHARON, J-M., « La presse magazine. Un média à part entière ? », Réseaux, 105, 2001, p.56.
319
FEYEL, G., « Naissance, constitution progressive et épanouissement d’un genre de presse aux limites floues : le magazine »,
Réseaux, 105, 2001, p.22-47.
320
GLYNN, K., Tabloid Culture: Trash Taste, Popular Power and the Transformation of American Television, Duke University Press,
2000.
321
Nous nous servirons plus particulièrement, ici, de l’analyse quantitative de 155 Unes parues entre le 14 mai 2007 et le 30 avril
2010 pour chacun des neufs titres figurant dans notre corpus, soit un total de 1395 Unes. Nous reviendrons à la fin de ce chapitre
sur la constitution de ce corpus.
92
322
y compris les plus cachés » . Les notions de divulgation et de révélation sous-tendent
donc non seulement un jeu entre le caché et le montré mais plus loin, entre le vrai et le faux.
En effet, à partir d’une rhétorique du secret et de la révélation, la presse people légitime son
propos par la compétence de devoir-montrer . Cette dimension déictive s’organise autour
du carré véridictoire proposé par Greimas. Celui-ci met en exergue non pas la problématique
de la vérité qui obligerait le recours à un référent externe mais la question de la véridiction,
323
c'est-à-dire la prétention à la vérité inscrite à l’intérieur même du discours . Ce carré se
compose de quatre modalités : le vrai (être + paraître), l’illusoire ou le mensonge (non-
324
être + paraître), le faux (non-être + non-paraître) et le secret (être + non-paraître) . Le
discours de la presse people s’appuie sur un mouvement qui part du secret vers le vrai ;
il fait apparaître l’être et nie le non-être de ses informations. Ainsi, le discours de cette
presse se trouve crédibilisé et légitimé dans l’exercice même de son énonciation. Pourtant,
la révélation de secret comme dynamique constitutive de ce type de presse nous invite à
saisir la façon dont elle construit une connivence et un contrat de lecture entre l’énonciateur
et l’énonciataire, à partir de ce que nous nommons « illusion de visualisation ». En effet,
la presse people investit une temporalité plus longue que d’autres médias du fait de sa
parution hebdomadaire. Le lecteur peut déjà connaître l’information lorsque les différents
titres de presse people la saisissent. Cependant, les énonciateurs des récits créent l’illusion
de visualisation, c'est-à-dire l’illusion de rendre visible à l’esprit du lecteur quelque chose
qui était alors invisible. Cette technique investit la rhétorique du secret et de la révélation et
transforme une information connue en nouveauté. Mais la rhétorique du secret peut être,
325
par ailleurs, conjointe à une rhétorique du scoop avec le terme « exclusif » et ses
dérivés. La fonction révélatrice du discours de la presse people amène l’énonciateur des
récits médiatiques à feindre de découvrir la réalité en même temps que le destinataire afin
de créer une connivence avec son lecteur.
L’illusion de visualisation et la promesse de révélation d’un secret par l’énonciateur sont
renforcées par les publications judiciaires en Une , autre outil de légitimation de leur propos.
« La presse people (…) affiche sur ses couvertures, contrainte mais pas si forcée
que cela, les jugements la condamnant et qui lui servent d’étendard. (…) Les
326
rapports avec l’institution judiciaire participent de son économie. »
Ces publications judiciaires prouvent au lecteur que le journal a été condamné pour
327
révélation et non pour diffamation .
« L’action en justice porte moins sur l’idée d’une réalité tronquée, manipulée que
sur le fait que la photo n’était pas autorisée : s’il est question de droit à l’image et
322
DAKHLIA, J., « Formes et secrets de la presse people : les faux reflets de l’authentique », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets,
Paris : L’Harmattan, 2004, p. 155.
323
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 417.
324
Ibid. p. 419.
325
Comme ce fut le cas en Une de France Dimanche 3206, Ici Paris 3266 et Closer 139, lors de la médiatisation du mariage
de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni . Closer insista doublement en se qualifiant de « Numéro inratable », VSD 1589 de la même
façon désigna son édition comme « Un numéro exceptionnel ». Nous reprendrons cette problématique de la mise en visibilité dans
la presse people lors de l’analyse du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, Chap. VII.
326
PIERRAT, E., « Les médias et le droit à l’image », Médiamorphoses, 8, 2003, p.94.
327
Les Unes judiciaires mettent toujours en scène des condamnations pour atteinte à la vie privée et au droit à l’image et non pour
calomnies, ce qui tend à renforcer l’aspect véridictoire des informations pouvant être trouvées dans cette presse.
93
de respect de la vie privée, c’est que la photo vole bel et bien des espaces-temps
328
irréfutables. »
Nous retrouvons la modalité positive de l’être dans le carré véridictoire, ce qui tend à
souligner la dynamique des informations révélées dans leur rapport à la vérité. Ces Unes
judiciaires nous amènent à aborder un élément essentiel dans la définition de la presse
people : son rapport avec les questions juridiques de droit à l’image et de protection de la
vie privée.
ème
Le droit à l’image est né au milieu du XIX siècle.
« Avant la Révolution française, l’idée de personne et de sphère privée était
difficilement compréhensible, seule la collectivité humaine dans son ensemble
revêtait un sens. Les valeurs individualistes de la Révolution bourgeoise ont
329
constitué le terreau qui a permis de révéler une autre facette de la personne. »
330
L’affaire Rachel permet cette émergence . Un journaliste détenait une photographie de
331
la tragédienne Rachel, étendue sur son lit de mort et souhaitait alors la publier . La
famille de la tragédienne tenta d’empêcher ce qu’elle considérait comme une atteinte au
droit de l’image et sa sœur saisit le Tribunal Civil de la Seine. Le jugement rendu le 16
juin 1858 définit un nouveau droit de la personne, celui de protéger son image et donc la
possibilité de s’opposer à la publication et à la reproduction de son image. Jusqu’en 1970,
332
la législation imposa cependant de prouver la faute et le préjudice causé . La loi du 17
juillet 1970, tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, introduit
dans le Code Civil, article 9, l’idée suivante : « Chacun a droit au respect de sa vie
privée. Les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire
toutes mesures telles que séquestres, saisies et autres, propre à empêcher ou à
faire cesser une atteinte à la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être
333
ordonnées en référé. » . Cette nouvelle loi fut votée peu de temps après l’accès au
pouvoir de George Pompidou, récente victime de la presse à sensation. Celui-ci avait été
affecté par des rumeurs dans l’affaire Marcovic, nom de l’ancien garde du corps d’Alain
Delon, découvert mort dans une décharge publique, en octobre 1968. La rumeur avait alors
relayé que celui-ci vendait des photographies compromettantes de personnalités prenant
part à des soirées libertines. Le nom de Claude Pompidou avait été prononcé dans la presse
334
et des photographies truquées circulèrent dans l’espace public . Depuis 1970, la seule
constatation de l’atteinte à l’image et à la vie privée d’une personne qui n’a pas donné son
autorisation, ouvre droit à réparation mais aussi à des sanctions pénales mentionnées par
335
l’article 226-1 du code pénal .
328
MARION, P., « Petite phénoménologie de la photo people », Communication, 27, 1, 2009, p. 164.
329
MOULLA, M., « Vie privée et droit à l’image des personnes », [en ligne : http://www.avocats-publishing .com/Vie-
privee-et-droit-a-l-image-des,142]
330
BERTRAND, A., Droit à la vie privée et droit à l’image. Paris : Ed. Litec, 1999.
331
Situation quasi analogue réitérée un siècle et demi plus tard par la publication de la photo de François Mitterrand sur son lit de mort.
332
DU CREST, A., « Mon image est à moi et a un prix !», L’Histoire, 294, Janvier 2005, p.22.
333
SENAT, Note de synthèse : la protection de la vie privée face aux médias, [en ligne : http://www.senat.fr/lc/lc33/lc330.html#toc2]
334
DELPORTE, C., « Quand la peopolisation des hommes politiques a-t-elle commencé ? », Temps et Médias, 10, 2008, p. 42.
335
Cette législation française amène les titres de presse people à concevoir les coûts de condamnation en fonction des bénéfices
supposés d’un numéro. Ce calcul privilégie, en parallèle, une mise en visibilité plus importante de peoples et stars américaines, peu
94
Ainsi, en France, la protection de la vie privée est garantie par un texte législatif ; il fixe
un droit de la personne à protéger sa vie privée. Cependant, il n'y aucune définition légale de
ce qu’est la vie privée. C'est la jurisprudence qui est chargée de dire ce qui est protégé. En
1858, il y eut une séparation idéelle et juridique de la personne par rapport à la masse : on lui
reconnut une dimension intime qu’elle pouvait protéger. L’isolement de cette dimension ne
pouvait être réalisé que dans un second temps ; « il fallait que le concept de droit à la vie
privée soit bien délimité et corresponde à une réalité sociologique, à une demande
336
des individus » . La jurisprudence est venue augmenter cette considération : elle inclut
ainsi le domicile, l'image, la voix, le fait d'être enceinte, l'état de santé, la vie sentimentale,
la correspondance (y compris sur le lieu de travail). Un évènement public peut lui-même
relever d’un évènement privé comme l’a affirmé le Tribunal de Grand Instance de Nanterre
suite à la plainte de Mylène Farmer pour des photographies la représentant à l’enterrement
337
de son frère . Par ailleurs, le fait que la personne ait elle-même révélé des faits n'autorise
pas la redivulgation de certains de ces faits (droit à l'oubli). La redivulgation est soumise à
autorisation spéciale, sauf lorsque la publication des faits ne vise pas à nuire et obéit à un
intérêt légitime. De là apparaît la tension inhérente entre droit à l’image et à la vie privée et
liberté de l’information. Ces deux aspects sont interdépendants : chaque loi ou jurisprudence
naît d’une affaire mettant en scène une personne célèbre et une publication dans la presse.
« De façon générale, le droit à l’image se trouve concurrencé par la liberté de
l’information, en particulier quand il s’agit d’illustrer des articles de presse qui
concernent des faits d’actualité. Aujourd’hui, il revient à la Cour de cassation de
338
concilier ce droit avec le droit à l’image. »
« Le propre de la presse people est d’être une presse du secret, dans le sens où elle
est censée divulguer tous les aspects de la vie privée des gens célèbres y compris
339
les plus cachés » , disions-nous au début de ce propos. Pourtant, la notion de secret est
complexe à définir. Cette activité de la presse people comme constitutive de l’énonciation
du récit dévoile deux types de réponse : une divulgation du secret et une mise au secret de
faits qui ne le sont pas permettant alors la révélation. Tout le fonctionnement de la presse
people s’organise autour des logiques de révélation et secret ; un fonctionnement que cette
340
presse expose pour légitimer son propos et son activité . Que ce soit dans l’exploitation
d’une rhétorique autour du caché et du montré, dans l’explicitation de sa mise en discours
qui part du secret vers la révélation ou des enjeux juridiques de ce journalisme, le processus
de révélation des secrets des gens célèbres tend à voiler le processus de manipulation de
la réalité, ce qui tend à renforcer la crédibilité de cette presse : la machinerie fait oublier
le machiniste .
enclins à porter plainte contre un titre français, et conduit à l’émergence de personnages peu médiatisés dans d’autres presses comme
les « starlettes » ou acteurs et actrices de séries télévisés peu ou pas encore diffusées en France.
336
MOULLA, op. cit. [en ligne]
337
TGI Nanterre - 14 mars 2000 – Légipresse, 2000, 141-1.
338
DU CREST, 2005, op. cit. p.23.
339
DAKHLIA, 2004, op. cit. p. 155.
340
Nous reviendrons, plus tard, sur la prétention à la vérité comme élément révélateur des logiques du récit people.
95
La deuxième variable d’identification du récit people repose sur un jeu entre ordinaire et
extraordinaire. La presse people met en scène des personnages plus que des actions. Elle
« personnifie tout, [elle] doit toujours passer par le prisme d’une personnalité, d’un
341
personnage, d’un individu » . Un jeu entre les caractères – ordinaire et extraordinaire –,
comme des qualités désignant les êtres de papier et les actants de communication, institue
la légitimité et la consistance de ces êtres mis en scène dans les récits et définit la place
de l’expert, les contrats d’identification qui sont proposés aux destinataires et les propriétés
des grandeurs nécessaires pour la médiatisation des êtres et actions de papier.
Le concept « ordinaire » renvoie, selon Le petit Robert , à une « qualité qui ne
dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n'a aucun caractère spécial », qui
s’oppose donc à « extraordinaire » comme étant ce « qui étonne, suscite la surprise ou
342
l'admiration par sa rareté, sa singularité » . La tension entre ces deux termes distingue
les qualités des êtres de papier et des destinataires des récits : elle est un jeu entre le petit
et le grand du monde de l’opinion.
343
« Etre petit dans la logique de l’opinion, c’est être banal. »
Il y a les êtres de papier, ceux dont on parle dans la presse people, des êtres visibles,
connus et reconnus et il y a les destinataires des récits, les lecteurs, inconnus et invisibles.
La presse people présente des êtres jugés assez extraordinaires pour mériter d’être mis en
scène dans les récits médiatiques mais aussi devenant extraordinaires parce qu’ils sont,
justement, visibles, connus et reconnus du fait de leur médiatisation. Mais le caractère
heuristique des notions « ordinaire » et « extraordinaire » ne se contente pas de distinguer
le personnage people du lecteur à partir de la médiatisation du premier et de l’invisibilité
du second. Cette dichotomie met en perspective l’identité même des êtres de papier de la
344
presse people ; ils sont des êtres mixtes, « des entités à double-face » :
« Les nouveaux olympiens sont à la fois aimantés sur l’imaginaire et sur le
réel, à la fois idéaux inimitables et modèles imitables ; leur double nature est
analogue à la double nature théologique du héros-dieu de la religion chrétienne :
olympiennes et olympiens sont surhumains dans le rôle qu’ils incarnent,
humains dans l’existence privée qu’ils vivent. La presse de masse, en même
temps qu’elle investit les olympiens d’un rôle mythologique plonge dans leur vie
345
privée pour en extraire la substance humaine qui permet leur identification. »
Les personnages de la presse people sont donc, à la fois, ordinaires et extraordinaires.
Cette double identité est mise en scène dans la presse people, au travers de différentes
stratégies de présentation et de re-présentation. Leur caractère extraordinaire les projette
346
dans un « au- delà ou en-dehors des contingences communes » ; ces personnages
347
sont caractérisés par un statut social qui les rend inaccessibles .
341
DUFRESNE, D., « Entretien : Pourquoi vouloir être reconnu ? », Mediamorphoses, 8, 2003, p. 32
342
Le Petit Robert 2010.
343
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 230.
344
DUBIED, A., « L’information-people. Entre rhétorique du cas particulier et récits de l’intimité », Communication, 27, 1, 2009, p. 55.
345
MORIN, E., L’esprit du temps. Essai sur la culture de masse, Paris : Ed. Grasset, 1962, p. 123.
346
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55
347
DAKHLIA, 2008 (b), op.cit. p. 33.
96
« Les célébrités sont racontées comme étant des créatures hors du commun
348
évoluant sur des tapis rouges. »
La mise en lumière de ce caractère extraordinaire crée une rupture franche entre ceux qui
apparaissent dans cette presse et ceux qui la lisent, ce qui « souligne la disparité des
conditions de vie entre les célébrités et le commun des mortels : « Pendant que vous
ramez, les stars, elles, sont à la plage » rappelle, par exemple, Public aux usagers
349
du métro parisien, durant l’été 2006 » . Sous cet aspect s’établit un mouvement de
projection du lecteur comme une mise en parenthèse de sa propre vie dans une logique
d’évasion et de divertissement. C’est le processus par lequel « l’individu rejette sur le
personnage ou sur l’objet des traits et des pulsions qu’il porte en lui, selon un
350
principe analogue à la catharsis aristotélicienne » . Pour reprendre l’expression
d’Eric Macé, il y a « un syncrétisme original sous la forme de mythes proposant une
résolution des tensions offertes par les contradictions de la vie sociale et de ses
351
représentations » . La presse people articule ainsi imaginaire et réel, en activant ce que
Marc Lits désigne comme la libido dominandi : ce qui « permet de vivre par procuration
352
l’existence qu’on rêve de connaître » .
Cependant, les personnages people sont aussi présentés comme ordinaires : on les
rattache à leur humanité comme à leur banalité : ils sont « des parents ordinaires, des
353
amoureux déçus et des individus faisant leur course au supermarché » . La rubrique
« Ils sont comme nous » de Public met, ainsi, en scène des personnes célèbres au
supermarché, s’occupant de leurs enfants ou en train de manger. Mais plus loin, cette ré-
ordinarisation peut se révéler agressive si elle devient une monstration des défauts, des
travers et des malheurs des stars. La rubrique « VDM people » de Public illustre
354 355
particulièrement cela . Conçue en partenariat avec le site Internet viedemerde.fr , la
rubrique narre chaque semaine, des histoires personnelles, difficilement vérifiables. Dans
le numéro 343, nous pouvions lire la VDM de Jessica Simpson : « Aujourd’hui, lors d’un
rendez-vous d’affaire, confinée dans une pièce avec cinq ou six personnes, je n’ai
pas réussi à me retenir et j’ai pété très bruyamment alors qu’il n’y avait pas un bruit.
Au lieu de m’aider, ma mère, présente à la réunion, me l’a fait remarquer devant tout le
348
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55.
349
DAKHLIA, J. « Du populaire au populisme ? Idéologie et négociation des valeurs dans la presse people française »,
Communication, 27, 1, 2009, p. 72
350
DAKHLIA, J. « L'image en échos : formes et contenus du récit people », Réseaux, 132, 2005, p. 80.
351
MACÉ, É., « Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode », Cahiers internationaux de sociologie,
CXII, 2002, p.45-72.
352
LITS, M., « La construction du personnage dans la presse people », Communication, 27, 1, 2009, p. 132.
353
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55
354
Public présente cette rubrique sur son site Internet : « Et si les people racontaient eux aussi leur VDM (Vie de Merde) ça
donnerait quoi ? Petites et grosses gaffes, journées noires : les people ont eux aussi leur mot à dire! Alors, envie de rire du malheur
des autres ? Dans ce dossier, retrouvez toutes les VDM people ! »
355
Présentation du site « Le site contient des petites anecdotes du quotidien qui pourraient nous arriver à tous. Ces histoires,
proposées par les visiteurs du site, ont la particularité de commencer par "Aujourd'hui" et de se terminer par "VDM", les initiales de
VieDeMerde. VDM est un grand défouloir qui se veut drôle et amusant à lire, tous les jours. Vous ne vous sentirez plus jamais seul(e)
dans vos petits malheurs. » Slogan du site : « Ma vie c’est de la merde et je vous emmerde ! »
97
356
monde… Je suis Jessica Simpson. VDM » . Ici, plus qu’un processus rendant ordinaires
les personnages peoples, il y a un rabaissement de ceux-ci, qui permet non seulement
aux lecteurs de s’identifier mais aussi de se consoler. Cette mise en scène des êtres de
papier de la presse people active la libido sciendi , comme tendance voyeuriste à laquelle
le lecteur cède en pénétrant, « quasiment par effraction, dans la chambre à coucher
357
de ses vedettes préférées, pour les surprendre dans leur intimité » et, plus loin, la
358
libido sentiendi reposant essentiellement sur un jeu entre eros et thanathos . Cette
mixité dans la présentation des personnages people dévoile un double mouvement comme
contrat de lecture : celui de la projection et de l’identification.
Pourtant, le jeu sur l’ordinaire et l’extraordinaire permet de repérer un mouvement
inverse, celui de l’extraordinarisation de l’ordinaire. En effet, certains titres de presse people
rendent visibles des anonymes. Closer consacre quatre à six pages, chaque semaine,
à la médiatisation de récits de personnes « ordinaires », dans la rubrique « C’est leurs
histoires… », France Dimanche fait de même avec la rubrique « Français vous êtes
formidables ! » . L’extraordinarisation de l’ordinaire peut aller plus loin. Les personnes
anonymes et ordinaires peuvent devenir juges et experts des histoires des personnages
people. La rubrique « C’est aussi leur histoire » de Closer invite une personne ordinaire
à endosser ce rôle et commenter la vie privée d’une célébrité. Dans son numéro 152,
lorsque Closer évoque la relation longue-distance de Garou et Lorie, Ophélie, 30 ans,
témoigne, dans un encart sur la même page : « Nous aussi quand nous habitions loin
de l’autre, nos retrouvailles étaient torrides ». Dans le numéro 153, un article met
en scène le mariage de Jeanne-Marie Martin, fille de Cecilia Albeniz ex-Sarkozy ; Boi-
Thi, 30 ans, commente : « Choisir son beau-père comme témoin est un geste lourd
de sens. Jeanne-Marie doit bien s’entendre avec Richard Attias (…) Comme pour
Jeanne-Marie, ma famille recomposée a été de la fête. ». Cette extraordinarisation de
l’ordinaire renforce, par ailleurs, l’ordinarisation de l’extraordinaire en fonction du caractère
relationnel de la grandeur de renom. Les personnes célèbres, dans leurs vies privées, sont
des personnes ordinaires : une personne ordinaire – anonyme cette fois – peut donc les
comprendre et les analyser.
L’axe ordinaire-extraordinaire entraine, enfin, une dernière réflexion sur le
fonctionnement et la définition de la presse people. Une figure nouvelle de la notoriété
se construit sur cet axe. La médiatisation et la visibilité rendent une personne ordinaire
extraordinaire et, parce que cette personne est extraordinaire, la presse people la médiatise
et la rend visible : « toute médiatisation people n’est autre que l’évaluation d’une
359
performance de célébrité » . Cette performance se saisit et se mesure précisément à
la capacité à se montrer ordinaire, par une mise en scène récurrente de l’extimité. Ainsi,
la presse people surinvestit la célébrité, c’est-à-dire qu’elle redouble l’intérêt « accordé
à des individus n’ayant aucun talent professionnel particulier, avant tout célèbres…
360
pour leur célébrité » . La réputation et la reconnaissance sont les critères de grandeur
dans le monde de l’opinion ; selon Boltanski et Thévenot, cette variable est exacerbée dans
la presse people. La raison suprême de cette notoriété consiste en la notoriété : c’est donc
une grandeur autopoïétique des êtres de papier de la presse people. Cette idéologie de
356
Public 343 du 05/02/2010.
357
LITS, 2009, op. cit. p. 131.
358
Ibid. p. 132.
359
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 74.
360
Ibid. p. 74.
98
la célébrité implique deux conséquences en creux. La première est qu’une telle idéologie
octroie à cette presse un grand pouvoir de faire et défaire les réputations. La seconde repose
sur la construction d’une connivence entre le narrateur et le lecteur sur le savoir à propos
des êtres de papier. Les personnages people mis en scène ne sont que peu présentés :
le destinataire les connaît puisqu’ils sont médiatisés dans une presse où il faut être connu
pour être médiatisé. La logique autopoïétique s’étend donc au contrat de lecture, ancré dans
un accord tacite entre le lecteur et le narrateur : on vous parle de personnes connues,
vous les connaissez, point besoin de vous les présenter . Cette connivence crée une
complicité entre l’énonciateur et l’énonciataire ; le lecteur peu habitué des personnages
people peut, au contraire, se sentir très vite dépassé par ces visages et ces noms qu’il ne
connaît pas ou peu et qu’on ne présente pas.
99
100
376
injonction qui ne convient pas à notre problématique et notre approche théorique . Pour
cette raison, sans pour autant ignorer cette dernière modalité des logiques du récit people,
nous faisons le choix de ne pas la considérer dans le cadre de notre analyse.
101
384
Enfin, la rhétorique iconique du flagrant délit est par le flou, les effets bougés, la vue en
plongée qui renvoie à l’imaginaire de la caméra de surveillance, la présence d’obstacles,
autant de preuves que cette photographie surprend le réel. Cette rhétorique est amplifiée
par l’utilisation du cadre rond qui « évoque souvent la forme de la lentille d’un puissant
téléobjectif (…) Associée à un montré flou, où le personnage a peine à se détacher
d’une profondeur de champ écrasée, cette forme ronde renvoie (…) à l’imaginaire
385
voyeuriste de la lorgnette et du trou de serrure » . Ces bruits visuels permettent
d’attester que ce qui est montré était caché et soulignent, parallèlement, la performance
du photographe et la difficulté d’atteindre ce caché. La presse people joue, ainsi, sur l’effet
de scoop en insistant sur le facteur de transgression et d’interdit pour attiser la curiosité
du lecteur et authentifier la véracité de ce qu’elle montre. Le personnage people est alors
renvoyé à son statut de personne ordinaire dont la visibilité semble sincère, non-apprêtée et
non-contrôlée. A l’opposé, nous trouvons la photographie convenue dont l’exemple parfait
est la pose les yeux dans les yeux. Cette photographie est alors le fruit de négociation entre
le photographe et le sujet photographié. Le personnage people est un être extraordinaire qui
négocie ses apparitions. Une telle photographie est une invitation pour le spectateur à
regarder et reconnaître le personnage. Elle a force de proximisation entre le spectateur
386
et le personnage célèbre . Enfin, que la photographie soit volée ou convenue, celle-ci
peut servir à une dernière utilisation dans la presse people, ce que Marion nomme « l’effet
bourrelet ». En effet, les photographies peuvent servir à une dé-célébration du personnage
people en révélant « la célébrité dans ses tracas « petit-bourgeois » : grossir (…), se
387
rider, vieillir » , etc. à l’aide, entre autres, de gros plans et effets zoom sur des détails
physiques ou matériels que le spectateur n’aurait pas forcément remarqués.
« Les photos servent (…) à matérialiser dans l’empreinte photographique ces
mouvements d’ascenseur dans les deux sens : elles peuvent cristalliser un
parcours vers le haut de l’échelle des gratifications, ou vers le bas, ou quelque
388
part entre les deux. »
La photographie, comme le récit, s’organisent donc sur le jeu de la révélation et du secret
comme sur l’axe heuristique de l’ordinaire et de l’extraordinaire. Or, de la même manière
que nous concluions notre propos sur la révélation et le secret, il nous semble important de
souligner que le jeu entre le caché et le montré, tel qu’il est mobilisé dans la photographie
people fait oublier la manipulation de la réalité par l’image. La machinerie fait oublier le
machiniste , précisions-nous plus tôt. Cette dimension se retrouve dans la photographie
people qui tend à crédibiliser le contenu de la photo dans les dichotomies « ordinaire –
extraordinaire » et « caché – montré » par la performance révélatrice du photographe,
389
la captation et monstration du réel étant signifiée comme exceptionnelles . Ainsi, la
photographie a moins une fonction d’illustration qu’elle n’est, elle-même, un moteur narratif :
390
elle est le vecteur de déclenchement et le lieu de déploiement du récit .
384
Ibid. p. 163-165 et 169-170.
385
Ibid. p. 169-170.
386
Ibid. p. 168.
387
Ibid. p. 175.
388
Ibid. MARION, 2009, op. cit. p. 176.
389
MARION, 2009, op. cit. p. 165.
390
Ibid. p. 161.
102
103
chez Closer , titre qui détient la seconde place pour les Unes judiciaires après Voici avec
12%. Mais Closer est né en 2005. Plus tôt, 1993 voit la création du magazine Gala par
le même groupe que Voici , Prisma Presse. Il porte le sous-titre « L’actualité des gens
célèbres ». Ce magazine poursuit la vocation initiatique de Point de Vue mais « indique,
395
quant à lui, le chemin vers un Idéal confondu avec le corps sublimé de la star » , ce
qui renvoie vers son auto-désignation, à la fois, comme magazine people et féminin. Public
396
naît en 2003 et adopte un « ton badin et exclamatif » . Il s’adresse à un public plus
jeune, repérable avec son utilisation des « codes-couleurs, la plasticité des cadres et
les rapports image-texte évoquent autant la bande- dessinée que les magazines de
397
fans pour adolescents » . Closer émerge, quant à lui, dans l’espace public français
en 2005. Il rejoint directement Voici sur sa ligne éditoriale bien qu’il adopte un ton moins
moqueur ; il le dépassera d’ailleurs en 2008 et continuera son ascension en 2009 avec une
moyenne de diffusion de 505 967 exemplaires par semaine contre 443 132 pour Voici ;
Closer devient alors le second magazine people le plus diffusé après Paris Match .
395
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 69.
396
Ibid. p. 70.
397
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 70.
104
398
FEYEL, 2001, op. cit, p.37-38.
105
regarder le monde à travers l’être humain, sans avoir peur de nos émotions.
399
Notre journalisme est fondamentalement du côté des gens. »
La ligne éditoriale renouvelée s’affirme ainsi « du côté des gens ». Le parallèle avec
la rubrique people du magazine, intitulée « les gens », nous amène à penser une
officialisation d’un traitement people généralisé. Pourtant, il est discutable que ce magazine
soit classé dans une telle catégorie, tout comme VSD . VSD, né en 1977, est le sigle de
« vendredi-samedi-dimanche » ; son slogan est « Le premier hebdo d’information
du week-end ». En 1995, les propriétaires du magazine déposent le bilan et VSD cesse
de paraître jusqu’à ce que Prisma Presse le rachète, un an plus tard, en mars 1996 ; VSD
reparait, dans les kiosques, en juin de la même année.
« Qu’est-ce que VSD ? Curieux, anticonformiste, sans tabou, moderne, défricheur
de sujets, un fournisseur et un metteur en scène d’infos inédites. Plus d’infos,
plus de photos, plus de rubriques, plus de coulisses et de décryptages, et plus
d’émotions, VSD s’organise en deux grandes parties indissociables l’une de
l’autre : “Les coulisses de l’actualité” et “Le meilleur des week-ends”. Depuis sa
création en 1977, l’information et le plaisir sont dans les gênes du magazine. Ces
valeurs clefs répondent aux nécessités d’aujourd’hui : être informés et s’évader !
VSD propose des enquêtes approfondies, un balayage pointu et sélectif de
l’actualité agrémenté d’une partie culture et tendances. Les sujets sont classés
par genre journalistique. La rubrique, “Les Indiscrets de VSD” regroupe toute
400
l’actualité de la semaine. »
Nous retrouvons certains éléments cités dans la définition de la presse people : le jeu de
la révélation et du secret avec les mots « coulisses », « tabous » et « indiscrets »,
l’expression « coulisses de l’actualité » servant même à résumer la ligne éditoriale du
traitement de l’information et la rubrique « les indiscrets de VSD » celle de l’actualité.
L’évocation du traitement par l’émotion et le contrat de lecture s’organisent explicitement
autour de l’information et de l’évasion et semble remplir les critères de catégorisation de ce
titre dans le genre « presse people ». Dakhlia refuse cependant de considérer Paris Match
401
et VSD comme des titres people et parle de picture magazines ; ces magazines sont
402
classés, par ailleurs, dans la rubrique « Actualités générales » par l’OJD . Jean François
403
Dortier les catégorise, lui, comme relevant de la presse people , tout comme Philippe
404
Marion, dans un article daté de 2005 . Nous prenons également le parti de les considérer
comme des titres de presse people, les résultats des différentes analyses éprouveront cette
identification, comme les premiers éléments d’appartenance au genre qui ont émergé de
leur présentation.
399
Olivier Royant, rédacteur en chef de Paris-Match, dans un communiqué de presse du 22 janvier 2008, [en ligne : http://
www.lagardere.com/centre-presse/communiques-de-presse/communiques-de-presse-122.html& idpress=3458]
400
Présentation de VSD par son propriétaire Prisma Presse, [en ligne : http://www.prisma-presse.com/contenu_editorial/
pages/magazines/mag/vsd.php]
401
DAKHLIA, 2005, op. cit. p. 77.
402
Marque déposée, à laquelle ne correspond plus aucune appellation officielle développée. Nous reprendrons donc la fonction que
celui-ci se donne sur le site : Association pour le contrôle de la diffusion des médias.
403
DORTIER, J-F., « La presse people de Closer au... Canard enchaîné », Sciences humaines, 204, 2009, p. 16.
404
MARION, P., « De la presse people au populaire médiatique », Hermès, 42, 2005, p. 120.
106
107
411
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit.p. 55.
412
DUBIED, A., « Les récits de faits divers et les récits people », Médias et culture, Hors-série n°2, 2008 (b), p. 38.
413
RAIS, C., « Presse et évènement people, une subjectivité qui s’affiche », Recherches en communication, 26, 2007, p. 226.
414
REVAZ, F., PAHUD, S. & BARONI, R., « Une femme au gouvernement : un feuilleton électoral entre politique et people »,
Communication, 27, 1, 2009. p. 159.
415
TETU, 2008, op. cit. p. 22.
416
DUBIED, A., « Le récit de l'affaire Stern dans la presse suisse-romande: fragmentation, cimentages narratifs et tissages
intertextuels », Nos récits, 2008 (c). & DUBIED, 2008 (b), op. cit.
417
REVAZ, PAHUD & BARONI, 2009, op. cit. p. 139-159.
108
418
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 49.
419
TETU, 2008, op. cit. p. 16.
420
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 56.
109
110
422
TETU, J-F., « Les médias et le temps», VITALIS, A., TETU, J.-F. & al. (dir.), Médias, temporalités et démocratie, Rennes :
Editions Apogée, 2000, p. 104.
423
GREVISSE, B. & RUELLAN, D., « Pratiques journalistiques et commémoration : Éléments de lecture du récit des festivités
d’anniversaire du débarquement de Normandie », Recherches en Communication, 3, 1995, p. 89.
424
Une cinquième catégorie figure dans cet article : la commémoration. Pourtant, nous ne l’envisagerons pas, en tant qu’elle n’est
pas pertinente face à notre corpus.
425
Public 293.
426
Jargon journalistique pour désigner le lieu où sont gardées les informations « froides » dans l’attente qu’elles prennent la prennent
la valeur d’informations « chaudes ».
427
VEILLETET, P., « Silence, on bronze… Marronniers et immortelles », Médias, 5, juin 2005.
428
Nous reprendrons en détail cette atemporalité de l’immortelle dans le chapitre 4, en mobilisant les « immortelles » de campagne,
un oxymore qui nous permettra alors de penser le rapport particulier de la presse people à l’actualité.
111
429
DAKHLIA, J. 2005. op. cit. p. 79.
112
113
114
431
Le « mode mimétique haut » insiste sur le caractère extraordinaire des personnages
people, celui-ci justifiant leur visibilité et leur monstration dans ces magazines. Si le
caractère ordinaire de la vie des peoples est énoncé, ceux-ci restent sur un piédestal :
le lecteur lève les yeux pour les regarder. Les Unes immortelles rendent compte de cette
extraordinarisation des personnages people. Elles glorifient le caractère extraordinaire de
leur vie amoureuse : « Comment elles sont surmontées leur chagrin d’amour… »
432
ou « Ses femmes qui ont su pardonner l’infidélité » ou démontrent le caractère
exceptionnel de leurs statuts : « Ce que gagnent vraiment les stars de cinéma », « Ce
que gagnent vraiment les politiques », « Fils et filles de… Les héritiers raflent la
mise… », « Quels avenir pour les bébés de stars ? », « Cette jeunesse dorée qui
433
ne connaît pas la crise » . Dans leurs rapports au corps, les informations immortelles
définissent la beauté et le glamour par les personnages people : « Spécial Mode : Les
434
reines du style » ou « Spécial fesses : ferme et sexy ! » . La ligne éditoriale s’organise
ainsi autour de la libido dominandi et, donc, autour d’une offre d’évasion et de projection.
La photographie convenue est le mode de monstration iconique dominant célébrant la
célébrité et installant, par là même, la dignité des personnages people au travers de leur
starification. Dans cette logique, les Unes judiciaires sont rares. Nous retrouvons là Paris
Match , VSD , Gala et Point de Vue ; les deux premiers se concentrant majoritairement
sur des personnages issus du monde politique et médiatique, Gala sur ceux du monde du
spectacle ou inspiré pour reprendre la typologie de Boltanski et Thévenot, et Point de vue
435
, sur les têtes couronnées, aristocrates et personnages du Gotha .
431
FRYE, N., Anatomy of criticism: Four essays, [1ère éd. 1971], Princeton: Princeton University Press, 1990. La classification du «
mode mimétique haut » et du « mode mimétique bas » est reprise dans DAKHLIA, 2005, op.cit. p.82.
432
Gala 741 et 903.
433
VSD 1604, VSD 1622, Point de Vue 3142, Gala 948, VSD 1653.
434
Point de Vue 3162, Gala 791.
435
Pourtant, nous verrons, plus tard, que le phénomène de peopolisation tend justement à annuler de plus en plus cette distinction
par les personnages mis en scène.
115
116
117
118
119
photos déjà parues trois semaines plus tôt : « Pourtant, on y avait cru autant qu’eux ». On
445
retrouve, par ailleurs, dans le numéro 328 sur la rupture de Jonathan et Sabrina , le même
type de titre sur une photo les mettant en scène heureux : « Et pourtant ils y avaient cru…
». Ainsi, les photographies authentifient, non pas l’actualité mais un précédent discours
pour finalement certifier la crédibilité du discours du magazine. La photo-document passe
donc d’une preuve de « cela a été » à une authentification ou remise en cause du « cela
avait été », confirmant la légitimité de l’énonciateur à énoncer mais faisant perdre, en même
temps, la fonction épiphanique attribué à la photographie people.
Cependant, cette fonction de la photo-document se retrouve uniquement à propos de
certains personnages. L’idéologie de la célébrité amène à rendre visible des personnes
visibles et ainsi, un surinvestissement de la célébrité, c’est-à-dire un redoublement de
l’intérêt « accordé à des individus n’ayant aucun talent professionnel particulier,
446
avant tout célèbres… pour leur célébrité » . Ce surinvestissement de la célébrité
amène une suspicion de manipulation, par ces peoples, de leurs actualités et donc de
leur célébrité, comme le montre la polémique sur Léo, un ancien candidat de la télé-
447
réalité, qui aurait organisé avec le magazine Voici une fausse tentative de suicide
, dénoncée par le paparazzi Jean Claude Elfassi. Ainsi, la photo-document, authentifiant
un discours précédent, permet de désarmer une possible suspicion de la part des lecteurs
et manipulation de la part des peoples et de maintenir une crédibilité d’énonciation. Cette
réflexion n’explique pas, pour autant, toutes les photographies en contradiction avec le récit.
Les sourires et les visages heureux d’une part, et l’utilisation de photos convenues d’autre
part, restent dominants dans les Unes de Public . Cette vision dynamique et optimiste
renvoie à son lectorat jeune et aux personnages rendus visibles dans ce magazine : les
peoples issus de la télé-réalité, les peoples américains comme Paris Hilton et Nicole Richie,
et les stars de séries télévisées américaines. Majoritairement, les personnages de Public
sont jeunes et peu connus du grand public, mis en scène dans l’ordinaire de leurs vies
privées en même temps que leur extraordinarisation se construit.
Une dernière piste d’interprétation relevée dans Le Journal Quotidien nous semble
pertinente.
« Avec la photographie, l’acteur de l’évènement devient son propre énonciateur
et le lecteur a l’illusion merveilleuse de le voir. La mutation ne porte donc pas sur
448
le contenu mais sur l’énonciation même du contenu. »
Ainsi, que la photo-document contradictoire vienne authentifier un « cela avait été » ou
prouver la notoriété du personnage, elle déplace l’instance d’énonciation du narrateur du
journal au personnage people qui sourit au lecteur et qui s’apprête à partager une tranche
de vie avec lui. Dans cette logique, Lucie, qui vient d’être opérée d’une tumeur du cerveau
ou Rihanna qui vient de se faire agresser, ne souriraient pas par rapport à l’action mise en
scène dans le récit, mais souriraient au lecteur devenu leur interlocuteur. La floraison de
Unes souriantes et heureuses malgré des récits mettant en scène des drames se justifierait
par un déplacement de ce qu’elles illustrent : moins l’action narrativisée que l’instance
d’énonciation.
445
Couple formé lors de Secret Story n°3.
446
DAKHLIA, J. 2009, op. cit. p. 74.
447
Voici 1171.
448
MOUILLAUD, M. & TETU, J-F., Le journal quotidien, Lyon : PUL, 1989, p. 97.
120
449
Public 241 , Public 244, Public 246, Public 249, Public 257, Public 278, Public 288, Public 300, Public 305, Public
326, Public 331, Public 354.
450
Nous reviendrons sur la particularité de Public dans le chap. VII, montrant que celui-ci résiste à la politisation de ces récits.
451
Cette date correspond au lendemain de l’investiture de Ségolène Royal à la candidature.
121
122
PN 1 : Séduire
PN 2 : Se battre
Attachons-nous au second PN, quelques instants. Ségolène Royal est instituée comme
un acteur dans le récit car dotée d’un rôle actantiel et d’un rôle thématique.
123
462
de représenter . Par l’actorialisation, au niveau discursif, l’actant se voit octroyer un
contenu sémantique propre qui le fait apparaitre comme une figure autonome de l’univers
sémiotique : c’est le processus d’individuation selon Greimas. L’acteur se comprend donc
comme la réunion de propriétés structurelles d’ordre syntaxique et sémantique : il est défini
par un ensemble de traits relatifs à son être et à son faire qui permettent de le distinguer
des autres acteurs. Cependant, pour le sémioticien, le processus d’individuation se saisit
à un moment donné dans le parcours génératif, il n’est pas constant tout au long du
récit. Dans le même article de Gala , on remarque que Ségolène Royal, sujet opérateur
du PN 1, est doté du rôle thématique de la femme séduisante, au travers du contenu
sémantique : « la ménagère raisonnable », « Ségolène en conquérante coquette »,
« La belle des champs », « La rayonnante », etc. Ainsi, le processus d’individuation
fait apparaitre Ségolène Royal dans un premier temps comme une femme séduisante et,
dans un second temps, comme une combattante : l’individuation de Ségolène Royale oscille
donc entre deux rôles thématiques. Elle est un « effet de sens reflétant une structure
discriminatoire sous-jacente », construite en fonction des autres acteurs présents dans
463
le même programme narratif relatif . L’individuation consiste donc, selon Greimas, en
un processus qui rend compte de l’unicité de l’acteur mais non de sa permanence ou
de sa cohérence. C’est le principe d’identité qui permet de le reconnaitre tout au long du
discours malgré les transformations actantielles et thématiques que celui-ci peut subir. Si
nous reviendrons plus tard sur la distinction entre individuation et identité chez Greimas, il
nous faut avant cela, comprendre comment se construit l’unicité de l’acteur dans le récit et
penser son rapport avec le nom propre et la dénomination.
462
PANIER, L., « Discours, cohérence, énonciation : une approche de sémiotique discursive », CALAS, Frédéric (dir.),
Cohérence et Discours, Paris : PUPS, 2006, p. 109.
463
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 186.
464
LITS, 2008, op. cit. p. 137.
465
Ibid. p. 138.
124
de l’être de papier doit-elle être pensée avec le monde référentiel auquel elle renvoie ou
doit-on ne la considérer uniquement constituée par lui et sur lui ?
125
que la désignation « Anne Fulda » dénote un individu mais ne connote rien. A l’inverse,
l’utilisation du rôle thématique « la maitresse » ou « l’amie » appelle l’investissement
dans un monde de référence ; il peut désigner différents objets selon le monde possible
désigné. Le nom de cette dernière n’étant pas cité dans les articles, c’est au travers
d’un processus de référentialisation que nous sommes capables de dire « c’est Anne
Fulda ! » ; référentialisation opérée à l’aide d’autres récits médiatiques qui auraient pu la
citer et lui assigner parallèlement le même rôle thématique. Un lecteur, n’ayant pas cette
connaissance, pourrait assigner une autre personne à ce rôle thématique, voire laisser ce
rôle vide de personnalisation. C’est justement sur cet argument de possible que Kripke
472
construit son concept de « rigidité ». Une description définie , c'est-à-dire une désignation
par le rôle thématique, ne peut être rigide car sa dénotation reste incertaine, ce qui n’est
pas le cas pour le nom propre qui n’est pas soumis au changement de monde de référence
et qui ne dépend pas de la permanence des rôles. Ainsi, « un nom propre fonctionne
comme désignateur rigide, précisément en ce qu’il n’est pas réductible à un ensemble
473
quelconque de descriptions définies qui le caractérisent » . Parallèlement, c’est
justement sur la question de permanence que réside le deuxième principe de considération
de la rigidité : une description définie est affectée par des variations non seulement sur
l’axe de l’actorialisation mais aussi dans la lecture qui peut en être faite, et plus loin, dans
le monde réel à laquelle elle renvoie ou que le lecteur croit qu’elle renvoie. Dès lors, une
description définie peut servir à représenter un individu ou un objet mais ne peut désigner
ce même individu ou objet de manière permanente ou invariante.
« Par cette forme tout fait singulière de nomination que constitue le nom propre
se trouve instituée une identité sociale constante et durable qui garantit l’identité
de l’individu biologique dans tous les champs possibles où il intervient en tant
qu’agent, c’est-à-dire dans toutes ses histoires de vie possibles. (…) Le nom
propre est l’attestation visible de l’identité de son porteur à travers les temps et
les espaces sociaux, le fondement de l’unité de ses manifestations successives
et de la possibilité socialement reconnue de totaliser ces manifestations dans
des enregistrements officiels, curriculum vitae, cursus honorum, casier judiciaire,
nécrologie ou biographie, qui constituent la vie en totalité finie par le verdict
porté sur un bilan provisoire ou définitif. Désignateur rigide, le nom propre est
la forme par excellence d’imposition arbitraire qu’opèrent les rites d’institution :
la nomination et la classification introduisent des divisions tranchées absolues,
indifférentes aux particularités circonstancielles et aux accidents individuels
dans le flou et le flux des réalités biologiques et sociales. Ainsi, s’explique que
le nom propre ne puisse pas décrire des propriétés et qu’il ne véhicule aucune
information sur ce il nomme du fait que ce qu’il désigne n’est jamais qu’une
rhapsodie composite et disparate de propriétés biologiques et sociales en
changement constant, toutes les descriptions seraient valables seulement dans
474
les limites d’un stade ou d’un espace. »
472
L’expression « description définie » est introduite par Russel pour désigner une expression qui peut, sans modification
de sa signification, être paraphrasée comme « l’objet x qui détient la propriété p » (RUSSEL, B., Logic and knowledge, Londres :
Allen and Unwin, 1958)
473
MOLINO, J., « Le nom propre dans la langue », Langages, 16, 66, 1982, p. 14.
474
BOURDIEU, P., « L'illusion biographique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1986, 62-63, p. 70.
126
Dans cette perspective, Boltanski concède une identité fixe aux personnes. Le nom propre
ne véhicule qu’une seule information : celle d’un corps propre. Finalement, le nom propre
permet la singularisation qui permet elle-même la pluralisation des mondes, selon Boltanski.
« Sans cette singularisation, il serait en effet impossible de reconnaitre que
c’est le même humain qui agit ici en tant qu’homme, là en tant que guerrier, là
en tant qu’appartenant à telle ou telle lignée, etc. (…) On s’étonnerait que tel
être ne participe pas au festin, sans reconnaitre qu’il ne peut le faire ayant été
tué, quelques heures auparavant, quelques mètres plus loin, dans une situation
475
différente où il se serait manifesté sous un autre rapport. »
La nécessité de l’ipséité minimale (ce qui fait qu’un être est lui-même et non un autre)
semble claire. Pourtant, cette nécessité se maintient-elle quand on ne traite que d’êtres de
papier ? Plus loin, dans un récit, la reconnaissance d’un même individu porteur de deux
rôles différents à deux moments du récit importe-t-elle ? N’existe-t-elle que dans et par le
nom propre ?
III.3.2.2. L’identité des acteurs dans les récits : entre personne réelle et être
de papier.
Si Boltanski revient quelque peu sur l’identité fluctuante et plurielle des êtres qu’il étudie,
476
c’est par le concept de « désignateur rigide » de Kripke qu’il accorde une fixité à l’identité .
Le nom propre ne sert donc qu’à instituer la reconnaissance d’un corps propre à deux êtres
qui par leurs désignations et leurs rôles auraient pu passer pour deux individus ou objets
distincts.
« La façon dont la vie sociale façonne la condition humaine consiste dans un
va-et-vient constant entre la généralisation et la singularisation : l’appartenance
d’être à l’humanité est reconnue ; ils sont rapprochés dans des classes
d’équivalence, selon des traits, explicites ou implicites, susceptibles de faire
surgir entre eux des ressemblances telles que, saisis sous un certain rapport, ils
puissent être considérés comme relativement substituables ; mais ils sont aussi,
et par la même opération, singularisés, de sorte que chacun d’eux, en tant qu’il
477
est lui-même, ne puisse être remplacé par aucun autre. »
Nous voyons ici précisément l’enjeu du propos de Boltanski : la potentialité de chacun à
être un individu singularisé dans le monde social. Pourtant, le monde social n’est point notre
objet d’investigation. L’unicité de chaque être dans le récit est le résultat de l’individuation.
Si l’individuation est ce qui le fait un, elle n’est pas ce qui lui donne une cohérence ou une
permanence. Elle est induite par des attributs relatifs à son être et son faire et permet de
l’incarner au travers de la réunion, à un moment donné du parcours génératif, de propriétés
structurelle d’ordre syntaxique et sémantique. L’identité, de l’autre côté, « sert à désigner
le principe de permanence qui permet à l’individu de rester « le même », de « persister
478
dans son être » tout au long de son existence narrative » . Existence dans le monde
social pour Boltanski et existence narrative pour Greimas : la différence n’est pas moindre.
Or, si le nom propre est inhérent à la vie sociale, il ne « constitue pas la condition sine
475
BOLTANSKI, 2004, op. cit. p. 63.
476
Ibid. p. 58.
477
Ibid. p. 58.
478
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 178.
127
479
qua non » de l’existence narrative d’un acteur. Mais alors, si le nom ne sert pas à signifier
l’unicité et la persistance de l’être, qu’est-ce qui le permet ? Nous nous rendons compte avec
l’exemple d’Anne Fulda que le nom propre peut ne pas être cité. Est-ce pour autant que
l’acteur désigné comme la « maitresse » ou l’ « amie » ne peut être doté d’une identité ou
persister dans son être ? Avant d’appréhender les différentes procédures par lesquelles il est
possible de reconnaître un acteur à tous les instants de son existence narrative, attardons-
nous sur la fonction du nom-propre dans le récit.
L’onomastique consiste, dans la sémiotique du discontinu, en une sous-composante
de l’actorialisation ; elle permet d’ancrer le texte dans le réel et constitue un simulacre
d’un référent externe. Elle renvoie au monde naturel, c’est-à-dire au « paraître selon
lequel l’univers se présente à l’homme comme un ensemble de qualités sensibles,
doté d’une certaine organisation qui le fait parfois désigner comme le monde du
480
sens commun » . Le monde naturel est « une structure discursive car il est
481
l’énoncé construit par le sujet humain et déchiffrable par lui » . Pour Greimas, plus
que d’octroyer une identité fixe à l’acteur, le nom l’ancre dans un temps historique et dans
le réel.
« Censée conférer au texte le degré souhaitable de la reproduction du réel, la
composante onomastique permet un ancrage historique visant à constituer le
482
simulacre d’un référent externe et à produire l’effet de sens « réalité ». »
Ainsi, chaque individu dans le monde social est porteur d’un nom propre, ce qui permet à
Boltanski de lui reconnaître un corps propre et de réfléchir sa singularité dans le monde
social pour penser, plus loin, la pluralisation des mondes qu’un même individu va ou peut
traverser. Pourtant, l’évidence et l’inéluctabilité du nom propre dans le récit n’est pas.
« L’individuation d’un acteur est souvent marquée par l’attribution d’un nom propre
483
» mais son absence ne nie pas son unicité et son individualité, et celle-ci n’intervient
qu’au niveau discursif. L’acteur du récit, comme le personnage décrit par Lits, sont avant
tout des effets du réel, une illusion anthropomorphique, n’ayant d’existence que dans le
monde fictionnel.
« Le personnage permet d’ancrer le texte dans le réel, parce qu’il est le pilier de
484
l’illusion réaliste, ce qui va favoriser l’investissement du lecteur. »
Le nom sert une prétention de véridiction et de reproduction du réel plus qu’il n’est une
condition d’individualité ou d’identité. Nous approchons une question essentielle pour notre
réflexion : si le nom propre sert la confirmation d’une réalité, comment le considérer quand
il est un nom à notoriété ?
479
Ibid. p. 7.
480
Ibid .p.233.
481
Ibid. p. 233.
482
Ibid. p. 261.
483
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 7.
484
LITS, 2008, op. cit. p. 139.
128
Louis Hébert différencie nom spécialisé et nom à notoriété. Les noms spécialisés
« contiennent en inhérence seulement des sèmes macrogénériques : /humain/ et /
sexe masculin/ pour « Guy ». Les noms à notoriété possèdent en inhérence, à l’instar
de bien des noms communs, les quatre types de sèmes : « Achille », lorsqu’il désigne
le héros, contient des sèmes 1) macrogénériques (/humain/, /sexe masculin/), 2)
mésogénérique (/mythologie/), 3) microgénérique (/héros grec/) et 4) spécifiques (/le
485
plus brave/, etc.) » . Sans nous attarder sur la définition du sème et la typologie mise
à jour par Hébert, nous retiendrons que le nom à notoriété détient un plus grand nombre
486
de référents . Or, du fait de notre corpus constitué uniquement de récits médiatiques, ne
sommes-nous pas face à des acteurs dont les noms sont à notoriété ? Comment considérer
et interpréter les noms propres à notoriété dans notre recherche ?
Le nom propre à notoriété sert à la reconnaissance plus qu’à l’établissement d’une
identité ou individualité dans les récits : reconnaissance de la réalité dans le discours,
reconnaissance de l’être dans sa notoriété. « Il est peu discutable que les présidents
487
Bush ou Sarkozy existent et ont une vie dans la réalité » : énoncer leur nom propre
dans un récit médiatique invite le lecteur à saisir le récit dans son rapport à la réalité et à
investir le récit d’une fonction de témoignage ou de compte-rendu. Le carré véridictoire nous
permet de saisir cet effet de sens de réalité : l’être de Sarkozy dans la réalité ne peut être nié,
son être dans le discours devient alors vrai et se positionne sur l’axe de la vérité (paraître
+ être). Le nom propre sert la simulation d’un ancrage dans la réalité et la prétention de
véridiction des récits médiatiques.
485
HÉBERT, L., « Fondements théoriques de la sémantique du nom propre. », LÉONARD, M. & NARDOUT-LAFARGE, É. (éd.),
Le texte et le nom, Montréal : XYZ, 1996, p. 42.
486
Nous reviendrons, plus tard dans cet écrit, sur la terminologie morphologique avec, entre autres, le terme « sème ».
487
LITS, 2008, op. cit. p. 144.
129
Pourtant, la notoriété des noms propres de notre corpus sert, par ailleurs, à la
reconnaissance de la célébrité. « Il est peu discutable que les présidents Bush ou
488
Sarkozy existent et ont une vie dans la réalité » : cela est peu discutable parce que,
justement, ces personnages sont célèbres. La reconnaissance de l’être dans sa notoriété
retrouve le lien étroit entre visibilité et célébrité. Le nom propre à notoriété tel qu’il peut être
énoncé dans les récits médiatiques se construit dans un double rapport à la visibilité. Est
visible celui dont on parle et dont le nom propre produit un effet de « réalité » mais, est
aussi visible le nom propre en tant qu’il prend place dans un récit médiatique. Il y a donc
à la fois confirmation de la notoriété de l’individu porteur du nom propre et construction de
cette notoriété en rendant son nom visible. « L’individuation d’un acteur est souvent
489
marquée par l’attribution d’un nom propre » ; ce marqueur devient marque quand
il s’agit du nom propre à notoriété. Ici, nous retrouvons le répertoire des objets issus du
monde de l’opinion.
490
« Il est recommandé pour se faire connaître de posséder un nom. »
La grandeur de ce monde consiste en la réputation, la notoriété et la renommée.
Ce dernier terme nous semble particulièrement intéressant, en tant qu’il est construit,
étymologiquement, sur l’idée d’être nommé une nouvelle fois, le « re-» indiquant la
répétition. Le nom et son utilisation multiple font la re-nommée ou le re-nom. Le nom propre
491
intervient donc comme un objet du monde de l’opinion .
Cependant, l’idéologie de la célébrité dans la presse people retourne la fonction du
nom propre. En raison de la grandeur autopoïétique des êtres de papier de la presse people
– la célébrité est construite sur la célébrité –, la mention du nom propre comme lieu de
confirmation et d’investissement de la re-nommée devient inutile. La logique autopoïétique
est étendue au contrat de lecture, ordonné sur un accord tacite entre le lecteur et le
narrateur : on vous parle de personnes connues, vous les connaissez, point besoin de
vous les présenter . Ainsi, l’évidence de la célébrité peut, à son paroxysme, effacer le nom
propre. Par exemple, Ici-Paris 3279 titrait, en Une, « Cécilia : la nouvelle vie ». Le nom
« Cécilia » ne nous renseigne que sur deux sèmes macrogénériques /humain/ et /sexe
492
féminin / , mais ne nous dit pas a priori de quelle « Cécilia » nous parlons. L’absence
de nom de famille et de photographie démontre que la célébrité de Cécilia Sarkozy est telle
que tous les lecteurs savent qu’il s’agit d’elle. Le nom propre dans son absence devient
preuve de célébrité. Cette particularité de la presse people renforce, par ailleurs, notre prise
en compte du nom propre ; il est un marqueur d’une individuation tendant à devenir marque,
objet du monde de l’opinion, mais ne constitue pas une condition obligatoire de l’existence
narrative.
130
greimassiennes. Nous poursuivons notre parcours réflexif vers l’un des intérêts de nos
analyses, l’identité médiatique, et retrouvons une interrogation abandonnée plus tôt : si le
nom ne sert pas à signifier l’unicité et la persistance de l’être, qu’est-ce qui le permet ?
493
L’identité médiatique est la représentation médiatique de l’identité d’une personne
réelle mise en scène dans les récits. L’identité est à la personne ce que l’identité médiatique
est à l’être de papier. L’identité médiatique est donc à considérer comme le résultat
d’une traduction produite par un ou des porte-parole, c’est-à-dire, dans une perspective
immanente, comme le résultat d’une énonciation. L’identité, à laquelle nous nous référons,
est donc exclusivement linguistique : elle est révélée par l’identification d’objets ou d’acteurs
tout autant linguistiques mis en scène par des énonciateurs dans des énoncés.
Dans le second chapitre, nous avons évoqué rapidement la considération d’un individu
porteur d’une identité plurielle pour présenter la théorie de l’homme nomade de Thévenot.
A ce stade de notre argumentation, nous retenions la possibilité de saisir la pluralité d’un
individu dans ses déplacements avant de considérer les espaces qu’il traverse. Il est temps
de comprendre comment notre propos sur le mouvement et les espaces, fédère notre
définition de l’identité médiatique ; une identité produite par et dans les récits médiatiques.
Le mouvement dans le récit est de quatre ordres, avions-nous développé : le mouvement
de la narrativité, le mouvement de la traduction, le mouvement du chercheur qui varie les
échelles d’observation et le mouvement dans la narration. Ici, ce sont les mouvements
de la narration et de la traduction qui vont plus particulièrement nous intéresser pour
saisir l’identité médiatique. Parce que nous saisissons la re-présentation médiatique des
candidats, et ce, à partir d’un support unique, les médias, nous ne pouvons prétendre saisir
l’identité mais seulement une identité traduite et narrée.
493
Nous faisons le choix de ne pas nous attarder sur la notion d’identité autrement que par les auteurs mobilisés dans
cette recherche. Celle-ci étant très complexe, d’ailleurs souvent abordée comme une notion « boite-noire », elle mériterait une
investigation théorique et pluridisciplinaire approfondie, tâche que nous ne considérons pas comme nécessaire pour notre propos et
notre compréhension de l’identité médiatique.
131
132
495
Ibid. p. 178.
496
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 15.
133
134
variations possibles, dans l’identification de l’être de papier, mises en scènes dans notre
corpus.
499
Lexico 3 : outil de statistiques textuelles a été réalisé par l’équipe universitaire SYLED-CLA2T, Université Paris 3 Sorbonne
nouvelle.
135
des personnages (Chapitre VI) et les différentes lignes éditoriales dans la médiatisation
des hommes politiques (Chapitre V). Mais dans ce même chapitre, l’observation d’un type
particulier de récits – les « immortelles » de campagne – revient sur nos questionnements
sur l’actualité et l’évènement.
Ce corpus est élargi à d’autres récits, soit issus de la presse quotidienne nationale,
soit pris dans une autre période, afin de dépasser l’injonction people de cette presse
mais aussi, afin de penser le phénomène de peopolisation dans sa continuité comme
dans sa clôture. Quatre corpus secondaires viennent étendre nos observations et nos
analyses. La sélection des récits dans la presse quotidienne nationale suit cette volonté
de neutraliser l’injonction people du corpus principal en restant fidèle à notre objet et
notre problématique, pour comprendre comment le people prend place dans cette presse.
Cette attitude contradictoire, née dans la recherche de complétude, répond à une difficulté
empirique : trouver l’information-people sans la forcer en n’observant que le genre people.
Parallèlement, la presse quotidienne nationale ne figurant que comme une extension de
nos intérêts, c'est-à-dire comme le dépassement et la clôture de la presse people, oblige
à relativiser la volonté d’exhaustivité par une sélection réduite de récits. Procéder à un
découpage de deux types de corpus dans la presse quotidienne nationale est apparu
comme la seule solution viable pour notre étude : un corpus qui ne postule pas du traitement
people et un corpus qui le postule pour voir justement comment et si celui-ci est réalisé.
Pour le premier, l’exercice de sélection s’est avéré complexe : pour procéder d’une
comparaison, il fallait précisément trouver des points communs, mais en évitant de forcer
le caractère people du traitement. Parallèlement, nous souhaitions conserver l’exhaustivité
apportée par la campagne présidentielle avec douze candidats à potentiel médiatique
et people variable. Nous nous sommes alors tournés vers les portraits réalisés par les
500
journaux Le Monde , Libération , La Croix et Le Figaro . L’observation de
ces portraits nous permet de confronter l’identité médiatique de chacun des candidats telle
qu’elle est construite dans le genre people à ces récits personnifiés, fondé sur une logique
501
d’ « unification du moi » , logique qui permet la comparaison (Chapitre VI) .
Pour le second découpage, celui qui postule du traitement people pour voir justement
comment et si celui-ci est réalisé, nous sélectionnons des récits sur des informations-people
identifiées au préalable : le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en février 2008,
l’accouchement de Rachida Dati, le 2 janvier 2009 et enfin, les rumeurs d’infidélités de
502
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, en mars-avril 2010 . L’objectif de l’étude de ce corpus
est d’identifier les différences de traitement entre presse people et presse quotidienne
503
nationale , mais aussi, parallèlement et en sélectionnant des informations post-campagne,
d’observer une possible évolution de la médiatisation des hommes politiques par rapport
à notre corpus principal. Ces informations-people sont, par ailleurs, considérées dans
504
leur évènementialisation ou leur potentiel événementiel dans les deux types de presse
(Chapitre VII).
500
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.
501
BOURDIEU, 1986, op. cit. p. 70.
502
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.
503
Nous focalisons notre attention sur les journaux : Le Monde, Libération, La Croix, L’Humanité et Le Figaro.
504
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.
136
505
Cette date correspond au lendemain de la clôture de notre corpus principal.
506
Date où il nous a fallu le clore pour des questions de faisabilité.
507
Ce qui correspond aux 155 semaines de la période envisagée.
508
Ce corpus nous a permis, par ailleurs, de dégager des éléments fondateurs pour la définition du genre people et leurs
divergences, présentés plus tôt dans ce chapitre.
509
Modalisa, développé par P. Chappot est diffusé par la société Kynos et sert aux enquêtes de tous types par la création,
la codification et l’analyse de questionnaires et d’entretiens.
510
BOLTANSKI, L., De la critique : précis de sociologie de l’émancipation, Paris : Gallimard, 2009.
137
138
Le sème, pour le sémioticien, est l’unité minimale de base sémantique. Il se définit dans
la relation aux autres sèmes, sa dépendance insiste sur une définition dans l’écart. Cet écart
se construit par rapport à trois modalités : la contradiction, la contrariété et l’implication. Ces
trois modalités correspondent aux relations constitutives du carré sémiotique. Ainsi, si nous
reprenons le carré véridictoire qui est avant tout un carré sémiotique, on comprend que l’être
contredit le paraître, contrarie le non-être et implique le non-paraître. Ces trois modalités
relationnelles déterminent le sème et le rendent opératoire. Le sème est donc une unité
minimale non atomique et non autonome. Pourtant, ce caractère minimal doit être relativisé
selon le sémioticien. Si l’analyse, dont l’objectif serait d’embrasser un minimalisme absolu
dans l’identification des sèmes primitifs d’une langue, semble imaginable, à défaut tout
champ d’investigation plus restreint ferait perdre l’opérativité de cette catégorie sémantique
qu’est le sème. Ainsi, Greimas insiste sur un caractère minimal lui-même relationnel, c'est-
à-dire fondé sur le champ d’investigation qui le fait exister.
« Le caractère minimal du sème (qui, ne l’oublions pas, est une entité construite)
511
est donc relatif et repose sur le critère de la pertinence de la description. »
Cette précision a son importance dans notre recherche ; le caractère minimal des sèmes
tient à notre prisme d’observation et au découpage de notre corpus. L’ordre de notre objet
établit son caractère minimal ; non pas celui absolu de la langue, mais celui restreint, fondé
dans son intériorité.
Deux types de sème cohabitent dans le discours : le sème nucléaire et le classème.
Ces deux sèmes sont constitutifs, au niveau de la manifestation, du sémème. Le sémème
512
est le sens particulier, l’acception d’un mot . Ce mot pouvant être compris comme le
lexème, c'est-à-dire comme un signifiant pouvant contenir différents signifiés une fois inscrit
dans l’énoncé. Le lexème « livre » comporte différents sémèmes reconnaissables dans les
phrases : « elle feuillette un livre », « elle livre un témoignage poignant », « ça coûte
une livre », « il y a trois livres de farine », etc. Le lexème est le résultat de tous ces
sémèmes, il est le produit de l’histoire d’une langue comme de son usage. C’est une unité
qui, grâce à sa couverture par un formant unique, peut donner naissance – une fois inscrite
dans l’énoncé – à une ou plusieurs unités de contenu appelées sémèmes. Le sémème,
on le voit, est donc le sens particulier d’un lexème ; il n’est saisissable qu’au niveau de la
manifestation, il émerge dans le déploiement du lexème sur l’axe syntagmatique permettant
513
de saisir son sens et d’arrêter précisément la chaine flottante du sens ou des sémèmes .
Pourtant, il y a deux types de sèmes ; deux types constitutifs de la réalisation du
sémème au niveau de la manifestation. Le sémème se compose dans la réunion d’une
figure sémique et d’une base classématique.
511
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit . p.333.
512
Ibid. p.334.
513
Nous ne citons pas toujours l’origine de ces définitions, omniprésentes et transversales à l’œuvre de Greimas. Pourtant,
nos définitions ne sont que des traductions, que nous tentons de proposer le plus fidèlement, de sa théorie et de ses notions.
139
« Nous le savons déjà, les figures n’apparaissent jamais isolées les unes des
autres (…) Ces sèmes [contextuels] n’appartiennent pas au noyau stable des
figures. Mais en se révélant dans et par le contexte, ils indiquent l’appartenance
des figures à une classe plus générale définissant un ensemble de contextes
514
possibles. »
Dans notre recherche, nous considérons les trois mondes comme des classèmes ou sèmes
contextuels, c’est-à-dire ceux qui sont récurrents et repérables comme des faisceaux de
sens. Le classème existe, à la fois, au niveau syntagmatique, parce qu’il se repère et
se définit dans la récurrence et, donc, in praesentia , mais aussi, et surtout, au niveau
paradigmatique, en tant qu’il est une unité sémantique fondée, in absentia , sur ce qu’elle
contredit, contrarie ou implique. Concevoir l’axe paradigmatique des récits décrivant et
faisant la peopolisation réinvestit l’intériorité du phénomène, comme ce faisceau de sens
et d’unités qui permet de le reconnaitre et donc de communiquer à son propos. Chacun
des trois mondes devient alors une unité minimale de la quiddité de la peopolisation, un
minimalisme non pas absolu mais fondé précisément dans et par notre objet. En tant
que sème contextuel ou classème, les trois mondes sont au niveau profond du parcours
génératif. Au niveau de surface, ce sème contextuel devient une base classématique,
permettant alors la réalisation d’un sémème au niveau discursif.
Observons le lexème « public » et accordons-nous à comprendre deux des sémèmes
qu’il contient : il peut désigner un groupe de destinataires d’un discours politique (les
électeurs), ou un groupe de destinataires d’un discours médiatique (l’audience). La figure
sémique comme cette partie invariable est, ici, « groupe de destinataires ». La base
classématique varie : monde civique ou monde de l’opinion.
Dans cette logique, on voit émerger, dans notre corpus, deux types de sémèmes autour
du lexème « famille ». La figure sémique est un « groupe de personnes ayant des traits
communs ». La base classématique, constituée de sèmes contextuels, va permettre de
signifier des sens différents. La première base classématique est le monde domestique :
ce qui nous renvoie vers la famille comme un groupe de personnes partageant des traits
communs en fonction de la filiation, d’une relation maritale, du biologique ou d’une même
domiciliation.
« Au début des années soixante, après de nombreux déménagements au gré
des affectations du militaire, la famille se fixe à Chamagne, un village des
Vosges, fief paternel. » « Dans la famille, les tâches ménagères se répartissent
515
équitablement. »
La seconde relève de la base classématique : monde civique, et renvoie à la « famille
politique » comme ce groupe de personnes partageant convictions politiques et adhérant
à un même parti.
« Nicolas Sarkozy à l’inverse, est entré dans la famille gaulliste, qu’il n’a jamais
quittée. » « La famille est donc à nouveau réunie mais l’UMP ironise sur une
514
GROUPE D’ENTREVERNES, 1979, op. cit. p. 121.
515
VSD 1548, Gala 717.
140
candidate qui « fait du neuf avec du vieux», et veut croire que le retour des
516
éléphants déplaira à l’opinion. »
Nous comprenons que chaque monde, comme espace de signification, est un sème
contextuel à partir duquel vont se réaliser, au niveau de manifestation, des parcours
sémémiques. Mais plus loin, la distinction entre sémème et lexème « libère l’analyse
sémantique des contraintes du signe et permet de retrouver, sous des couvertures
517
lexématiques différentes, des contenus sémémiques similaires ou comparables » .
Ainsi, dans notre corpus, nous pourrons considérer des lexèmes différents mais relevant
d’un même sémème, ce qui nous permettra de penser alors la synonymie.
Enfin, aux côtés du sème, unité minimale au niveau profond nous permettant
d’appréhender les traits fédérateurs des récits sur la peopolisation à son débrayage et du
sémème au niveau discursif, le concept d’isotopie élargit notre réflexion, rendant compte
non plus des unités élémentaires de signification mais de l’homogénéité du discours pour
l’énonciataire.
L’isotopie peut être définie comme un plan commun qui rend possible la cohérence
d’un propos. Aux deux types de sèmes précédemment identifiés correspondent deux types
d’isotopies. L’isotopie sémantique correspond à la redondance, au niveau discursif des
classèmes ou sèmes contextuels ; l’isotopie sémiologique est assurée par la permanence
et la répétition de sèmes nucléaires.
La figure « famille » nous aide à comprendre le phénomène d’isotopie. La figure
sémique : « groupe de personne ayant des traits commun » est composée de plusieurs
sèmes nucléaires : /relationnel/ + /ressemblance/. On a vu que celle-ci, selon sa mise en
contexte, peut aussi bien figurer, dans un article, comme la famille politique ou comme la
famille biologique ou maritale. La redondance du classème met à jour l’isotopie sémantique.
Ainsi, dans un énoncé, les termes « mère », « foyer », « éducation », « frères »,
« cuisine » installent le classème /monde domestique/, sa redondance institue l’isotopie
sémantique et amène le lecteur à comprendre que le terme « famille » est celui pris dans
le /monde domestique/. A l’inverse, l’enchainement des termes « parti », « politique »,
« conviction », « programme », « mentor » dévoile une redondance du classème /monde
civique/, la « famille » est celle du /monde civique/. L’isotopie sémantique permet donc de
désambiguïser l’énoncé.
« Les figures n’apparaissent jamais isolées (sinon dans le dictionnaire). Elles
518
sont toujours mises en contexte et rapportées les unes aux autres. »
Si, plus loin, dans l’article, on peut lire « Ses proches le soutiennent », le destinataire
du récit saura si ces « proches » sont des collaborateurs ou des membres de la famille,
tels qu’enfants, conjoint, etc., selon l’isotopie sémantique détectée par la redondance. Ainsi,
519
l’isotopie est une « grille de lecture qui rend homogène la surface du texte » .
Dans notre posture de recherche fondée sur l’incertitude, nous postulons de la quiddité
du phénomène de peopolisation afin de pouvoir le reconnaître et composer notre corpus
d’investigation. Ce postulat nous amène à envisager trois classèmes comme révélateur de
notre objet. Cependant, nous restons dans l’incertitude quant à leurs mobilisations et à la
516
Gala 722, VSD 1540.
517
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit . p.335.
518
GROUPE D’ENTREVERNES, 1979, op. cit.p. 121.
519
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 199.
141
manière dont ils sont mobilisés. Mais chaque classème, dans sa répétition et sa permanence
au sein d’un récit, établit une isotopie, c'est-à-dire une homogénéité. Ainsi, avant de voir
comment l’hétérogénéité s’organise et construit le phénomène de peopolisation, nous nous
intéressons à l’homogénéité que chacun de ces espaces signifiants peut apporter, c’est-à-
dire la possibilité que chacun a de réfréner une incertitude anarchique des figures. Chacun
des mondes, comme isotopie sémantique, dresse une sorte de plan homogène (= isotopie)
possible, établissant un sens particulier à l’intérieur du récit : c’est sous cette acception que
nous isolons chacun des lexèmes de notre corpus afin de concevoir leurs différents parcours
sémémiques et donc de les catégoriser dans chacun des mondes retenus.
520
BOLTANSKI, L. & THEVENOT, L., « Les Economies de la grandeur », Cahiers du centre d’études de l’emploi , 31, Paris :
PUF, 1987.
521
Ibid., p. 295-353.
522
Le site relay.fr permet d’acheter cette presse en format numérique, lisible uniquement à partir d’un logiciel de messagerie presse-
livre. Ce logiciel protège le document : l’impression et la capture d’image sont les seuls moyens de transfert ou de transformation
du document.
142
523
nous obligeant à retaper les textes . Cette opérationnalisation du corpus concerne notre
corpus principal de presse people composé de 71 numéros différents et 96 articles, tous
titres confondus. Ces articles souvent de plusieurs pages déploient ainsi notre corpus
principal sur 377 pages de presse people. Cette opérationnalisation concerne, par ailleurs,
524
les portraits de la presse quotidienne nationale .
525
Nous obtenons ainsi 388 pages de texte . Chacun des récits est séparé des autres
526
à partir de deux critères : titre de presse et numéro . Par ailleurs, le logiciel Lexico
différenciant un même terme selon s’il est écrit avec une majuscule ou pas, nous avons
supprimé toutes les majuscules. L’importation des récits sous ce format dans le logiciel
Lexico nous amena, par la suite, à identifier les délimitateurs permettant de séparer les
527
termes entre eux .
.,:;!?/_-\"'’()[]{}§$%
Le logiciel nous a proposé 15287 formes différentes dans lesquelles nous avons
supprimé tous les chiffres, délimitateurs et critères d’identification (date, titre, numéro).
Nous obtenons, alors 14825 formes différentes. Le logiciel permet de retrouver le contexte
de chacune des occurrences de chacune de ces formes, comme le montre cette capture
d’écran où apparait le contexte des occurrences des formes : famille, familles, familiales,
528
familial, familiale , c'est-à-dire toutes les phrases de notre corpus où apparaissent ce terme
et ses dérivés.
523
Cela était toujours le cas, lorsque le fond de l’énoncé n’était pas de couleur claire et unie, ce qui est très courant dans la mise
en page de la presse people.
524
Les portraits s’étendent sur 70 pages en version txt. La liste des articles, classés selon les corpus, figure en Annexes. A.
525
En version .txt, soit sans mise en forme et en « Courrier new » caractère 10. Précisons, par ailleurs, que toutes les
légendes des photos ont été prises en compte.
526
Pour la presse quotidienne nationale, le numéro correspond à la date de parution sous forme « 070425 » (pour le 25
avril 2007).
527
L’espace fait partie des délimitateurs, nous le soulignons ici, celui-ci ne pouvant être représenté sous une forme de caractère.
528
Ces contextes peuvent être regroupés selon les titres ou les numéros. Si, plus tard, nous utiliserons cette option pour
vérifier des hypothèses empiriques quant à certains titres, cette possibilité de regroupement n’a ici pas de pertinence.
143
529
Voir Annexes. B. 1. « Répertoire des mondes»
530
C’est aussi le cas du terme « gommer », comme nous le verrons dans les prochaines pages.
144
1 = /Monde civique/ 2 = /
Monde de l’opinion/ 3 = /
Monde domestique/
Certains termes sont dit « simples ». Ils sont la conjonction d’une base classématique
et d’une figure nucléaire. L’analyse revient à saisir le monde dans lequel le terme est pris :
aucune tension entre les mondes n’est comprise au creux de ce terme.
531
BOLTANSKI & THEVENOT, 1987, op. cit., p. 295-353.
145
146
repérer quel monde est l’objet de la critique et quel monde est celui qui dénonce la validité
de l’épreuve, de l’objet ou de l’état des êtres ou entre quels mondes un équilibre a été trouvé
pour former un accord autour de l’hétérogénéité.
147
ostentatoire d’un statut institutionnel : c’est l’écharpe du maire. Ainsi, l’écharpe est un objet
de communication qui instaure la visibilité et appelle à la reconnaissance : nous sommes
alors dans le monde de l’opinion. Mais, par ailleurs, le signifié de cet objet de communication
renvoie au monde civique et au statut de celui qui porte l’écharpe. Le terme n’a donc
pas deux significations dépendant de deux bases classématiques différentes, mais un seul
signifié pris dans un compromis entre les deux bases classématiques. Le terme se manifeste
comme un compromis entre monde civique et monde de l’opinion.
Enfin, dans notre corpus, nous trouvons plusieurs chiffres séparés par des signes
différents, ce qui renvoie à des mouvements complexes, dénonciation d’un compromis,
dénonciation au nom d’un compromis, etc.
148
appréhendés, le repérage de ces termes complexes permet celui des figures sémiques,
prises justement dans des dénonciations et des compromis. La focale de notre observation
est, une fois encore, déplacée. Dans notre corpus, la plupart des termes complexes peuvent
être regroupés en fonction de la figure sémique dont ils dépendent. Comprenons, le
mouvement tel qu’il est identifié dans notre étude, repose sur trois bases classématiques qui
se confrontent ou s’arrangent. Pourtant, la base classématique ne peut se concevoir sans
la figure sémique du terme, sans son invariable. Le repérage de ces invariables indiquent
que quatre figures sémiques dans notre recherche sont majoritairement soumise à un
mouvement de leur bases classématiques : l’incarnation, la communication, le relationnel
et celles transversales et relatives à la question de l’actualité. Ces quatre figures sémiques
dévoilent des objets, des qualifications et des épreuves, qui empêchent un être de rester
dans un monde ou d’ « être à son affaire », c'est-à-dire être dans une situation sans
être distrait. Ces quatre figures sémiques révèlent une tension entre les mondes et vont
occuper désormais notre propos.
149
538
[Figure 27 : L'incarnation dans le monde domestique ]
Ainsi, quand Ségolène Royal est installée dans un programme narratif comme la mère
de quatre enfants, c’est son être du monde domestique qui est manifesté, effaçant son être
du monde civique ou du monde de l’opinion. Ces figures se construisent à la fois en fonction
des autres êtres en présence dans les récits, construisant la grandeur relationnelle, mais
aussi à partir de cérémonies typiques du monde domestique, que l’on retrouve dans notre
répertoire avec les termes « mariage », « séparation », « divorce », « union »,
« fiançailles », « naissance », « remariage » , « décès ».
Dans le monde civique, les êtres sont incarnés comme représentant d’un collectif,
la manifestation d’une telle incarnation passe donc par le statut de l’être énoncé ou
par son appartenance à un collectif. Le « frontiste » est désigné, par exemple, par son
adhésion au Front National. C’est le caractère collectif qui prime, la singularité ne peut
539
exister qu’idéellement dans la représentativité. « Un magistrat n’a pas de corps » :
le monde civique est donc basé sur le mode de la représentation au sens symbolique.
Le corps, entendu comme partie matérielle d’un être animé, n’existe pas. C’est l’espace
d’indistinction des sujets. Seule l’énonciation par le statut ou le collectif permet cette
incarnation représentative, comme si seuls comptaient la fonction, le parti représenté
et l’adhésion des citoyens. L’incarnation du monde civique prend aussi en compte les
catégories socioprofessionnelles des citoyens, souvent mobilisé, dans le monde civique,
comme un segment de la population, un segment de l’électorat, découvrant des groupes
homogènes pour les prévisions de vote et les attentes.
L’incarnation, dans ce monde, n’est manifestée que par des descriptions définies ou
accidentelles, pour reprendre la terminologie de Russel et de Kripke. Ces termes servent
538
Tous ces termes sont issus du répertoire élaboré à partir de notre corpus.
539
BOLTANSKI & THEVENOT, 1987, op. cit., p. 295-353.
150
541
[Figure 28 : L'incarnation dans le monde civique ]
La mise en abîme du monde de l’opinion questionne la possibilité d’une manifestation
pure du monde civique. La mise en visibilité des êtres qui incarnent ces fonctions est
inhérente aux lieux de production de nos récits. Elle les installe dans un processus de
reconnaissance au creux du mouvement d’intertextualité et des déictiques. Par ailleurs, le
genre people, objet de nos analyses, se fonde sur une logique autopoïétique de la visibilité et
de la célébrité. Ainsi, rares sont les désignations uniquement prises dans le monde civique.
Elles sont souvent accolées à un nom propre, soit directement, soit dans un mouvement
syntagmatique. Or le nom est une identité particulière qui distingue les individus entre eux,
les projetant hors du monde civique.
« Un nom propre fonctionne comme désignateur rigide, précisément en ce qu’il
n’est pas réductible à un ensemble quelconque de descriptions définies qui le
542
caractérisent. »
Peut-on s’autoriser pour autant à considérer la cohabitation d’un nom et d’une fonction
politique comme une forme de compromis entre monde civique et monde de l’opinion ?
« Elle s’est ensuite rendue en Israël afin de s’entretenir avec le premier ministre
543
Ehoud Olmert»
Cet énoncé décrit un dispositif d’êtres et d’objets pris dans le monde civique et qui ne semble
pas souffrir de tensions avec un autre monde. Pourtant, le nom propre du premier ministre
est énoncé. Dans quelle mesure la personnification de la fonction peut-elle restée dans le
monde civique ? C’est l’ouvrage de Kantorowicz qui permet une réponse. Cet auteur étudie
la fiction des « Deux Corps du Roi » dans une trame complexe de théologie politique à
l’époque médiéviste. Sans ignorer le travail d’historien de cette œuvre, nous ne retenons
que les principes qu’il décèle à propos de la double incarnation du roi. Selon Kantorowicz,
540
Cf. Chap. III.3.2.1.
541
Tous ces termes sont issus du répertoire élaboré à partir de notre corpus.
542
MOLINO, J., « Le nom propre dans la langue », Langages, 16-66, 1982, p. 14.
543
VSD 1528
151
le roi possèderait deux corps : un naturel et mortel, l’autre immortel, surnaturel, incarnant
le royaume et le peuple. Le roi ne serait que « la juxtaposition étrange d’un corps en
544
décomposition et d’une dignité immortelle » .
« Son corps naturel, considéré en lui-même est un corps mortel, sujet à toutes
les infirmités qui surviennent par Nature ou Accident, à la faiblesse de l’enfance
ou de la vieillesse, et aux déficiences semblables à celle qui arrivent aux corps
naturels des autres genres. Mais son corps politique est un Corps qui ne peut-
être vu ni touché, consistant en une société politique et un gouvernement, et
constitué pour la direction du peuple et la gestion du bien public, et ce corps est
entièrement dépourvu d’enfance, de vieillesse et de toutes les autres faiblesses
545
et défauts naturels auxquels est exposé le Corps naturel. »
De cette distinction émerge celle produite, dans notre étude, entre monde domestique et
monde civique, imposant alors de considérer le roi à partir d’une « contradiction entre
546
le caractère transitoire de la chair » et de la génération, telle qu’elle s’impose dans
le monde domestique, et « la splendeur immortelle d’une dignité que cette chair est
547
censée représentée » , renvoyant, ici, à l’espace d’indistinction qu’est le monde civique.
Mais à cela, nous ajoutons une troisième voie, issue du travail de Louis Marin sur la
représentation, c’est-à-dire le portrait du roi.
« Le portrait imite le roi comme le roi imite le portrait et dans ce jeu de double
imitation, finalement, le réel a disparu (…) Le roi n'est qu'un portrait, mais c'est
un portrait qui fait croire. C'est là le fondement parfaitement arbitraire de la
548
légitimité royale. »
Selon Marin, il y aurait un « corps sacramentel sémiotique » qui permettrait l’échange
entre le corps politique et le corps physique.
« Représentation et pouvoir sont de même nature. Que dit-on lorsque l’on dit
pouvoir ? Pouvoir, c’est d’abord être en état d’exercer une action sur quelque
chose ou quelqu’un ; non pas agir ou faire, mais en avoir la puissance, avoir
cette force de faire ou d’agir. Puissance, le pouvoir est également et de surcroît
valorisation de cette puissance comme contrainte obligatoire, génératrice de
devoirs comme loi. En ce sens, pouvoir, c’est instituer comme loi la puissance
elle-même conçue comme possibilité et capacité de force. Et c’est ici que la
représentation joue son rôle en ce qu’elle est à la fois le moyen de la puissance
et sa fondation. Le dispositif représentatif opère la transformation de la force en
puissance, de la force en pouvoir, et cela deux fois, d’une part en modalisant la
force en puissance et d’autre part en valorisant la puissance en état légitime et
549
obligatoire, en la justifiant. »
544
KANTOROWICZ, E., Les deux corps du roi [ed. originale 1957], Paris : Gallimard, 1989, p. 314.
545
Ibid. p. 21.
546
Ibid . p. 313.
547
Ibid . p. 313.
548
CAZENAVE, J. & MARIN, L., « Imaginaire et pouvoir », LE GOFF & al. (dir.), Histoire et Imaginaire , Paris : Ed. Poiesis,
1986, p. 44.
549
MARIN, L., Le portrait du roi, Paris : Ed. Minuit, 1981, p. 11.
152
Les images, qu’elles soient écrites ou figuratives, sont des signes de la réalité royale.
« La représentation comme pouvoir, le pouvoir comme représentation sont l’un
et l’autre un sacrement dans l’image et un « monument » dans le langage, où,
échangeant leurs effets, le regard ébloui et la lecture admirative consomment
le corps éclatant du monarque, l’un en récitant son histoire dans son portrait,
l’autre en contemplant une de ses perfections dans le récit qui en éternise la
550
manifestation. »
Ainsi, selon la logique de Kantorowicz et de Marin, le roi est une image, ou plutôt la
réunion de deux images, l’image d’un corps naturel et l’image d’un corps politique. C’est au
cœur de la contradiction de ces corps que notre propos sur l’incarnation s’inscrit puisque,
551
en son sein « s’est caché un problème de continuité » . Cette continuité est repérable,
dans notre répertoire, au travers des termes « actuel », « ancien », « successeur » et
« prédécesseur ». Ces termes sont issus à la fois du monde domestique, avec son intérêt
particulier à la génération, et du monde civique, en insistant sur le caractère éphémère
des personnes et sur la persistance des offices. Dans notre étude, le répertoire permet
de distinguer des qualifications de chacun de ces corps, mais nous ne pouvons ignorer
qu’ils sont justement des mots manifestés dans des portraits du roi, ou plutôt des candidats,
à la fois, être domestique, être renommé et être politique. Le portrait médiatique unifie la
personne, amplifiant la confusion entre l’office (corps politique) et son titulaire.
A l’incarnation domestique fondée sur la place dans la famille, entre autres, à partir
de l’âge et du sexe et de l’état relationnel en contexte de l’être de papier et à celle du
corps idéel de représentation construite sur le collectif et l’adhésion, s’ajoute celle du
monde de l’opinion, à partir de la reconnaissance. Les grands sont les reconnus, les petits,
ceux qui reconnaissent. Un troisième type d’êtres cohabite dans le monde de l’opinion :
ils sont ceux qui permettent la reconnaissance : les magistrats chargés de faire valoir la
notoriété. Dans notre corpus, ce sont les « chroniqueurs », « journalistes », « observateurs »,
« photographes », les « publicitaires », les « reporters » mais aussi les « médias », la
« radio », la « télévision », les « hebdomadaires », « magazines », etc. Si nous avons
ignoré, dans le répertoire tous les noms propres, nous ne pouvons ignorer que ceux-ci
sont des termes révélateurs de la nature du monde de l’opinion, installant l’être désigné
dans un rapport à la visibilité et à la reconnaissance. Le nom propre est donc le premier
terme permettant l’incarnation dans le monde de l’opinion. Et pourtant, si l’absence de
tout autre renseignement sur cette incarnation installe la reconnaissance de manière forte,
552
comme si seul le nom suffisait à la re-nommée , sa présence, au milieu d’objets du monde
domestique ou civique, n’oblige pas son déplacement dans le monde de l’opinion : il ne peut
être qu’un signe de pouvoir. C’est donc l’observation du contexte discursif de l’incarnation
qui nous permettra de considérer si un mouvement vers le monde de l’opinion trouve
553
place .
550
Ibid, p. 13.
551
KANTOROWICZ, 1989, op. cit. p. 200.
552
Dans le précédent chapitre, cette question fut investie en profondeur, soulignant que la grandeur autopoiétique de ce monde
explose par l’effacement du patronyme, le prénom étant suffisant à la renommée.
553
Cette posture permet d’ailleurs de considérer les termes « mitterandien », « chiraquien » et « sarkozyste » comme des
termes fondés sur la base classématique /monde civique/.
153
554
[Figure 29 : L'incarnation dans le monde de l'opinion ]
Cette séparation des incarnations est à l’origine de nombreux termes complexes qui
puisent leur ambiguïté dans l’illusion de l’unicité de soi, dans la recherche d’une cohérence
entre les différentes incarnations d’un personnage. Sans aller plus loin dans la réflexion, à
ce stade du propos, le parcours de l’ambition et de ses objets se révèle dans le mélange des
mondes, comme soumise à l’ambigüité d’incarnations multiples. Ainsi, nous repérons une
dénonciation du monde civique par le monde de l’opinion au travers des termes suivants.
154
la parole des mondes tout en faisant porter la parole de ces mondes par des êtres issus de
ces mondes. La confusion de celui qui dit et qui fait dire révèle la confusion entre les espaces
significatifs de notre recherche, soumise à une mise en abîme du monde de l’opinion.
Les verbes de citations ou de communication semblent a priori contraints par le monde
de l’opinion ; celui-ci n’est plus seulement l’accès à la renommée des personnages, mais
aussi celui d’objets ou d’idées.
« A la racine du réel, il y a – il ne peut y avoir – que le verbe (non pas des faits
555
sous les mots, mais des mots sous les faits). »
Si nous reviendrons plus précisément sur le jeu des citations et des objets de celles-ci dans
le chapitre suivant, ici, nous nous intéressons à l’isotopie de la /communication/ comme
révélatrice des espaces dans lesquels sont installés les discours rapportés ou le faire du
discours. La plupart des termes fondés sur le principe de communication sont pris dans le
monde de l’opinion. C’est le cas des verbes suivants :
Pourtant, d’autres verbes de communication sont construits dans notre corpus sur
plusieurs mondes. Les premiers sont révélateurs d’un compromis entre monde de l’opinion
556
et monde civique tenue par l’ambiguïté du terme « public » inhérente à ces deux mondes .
Les verbes de communication, soumis à l’ambition de « toucher l’opinion publique », c’est-à-
dire « l’enrôlement pour une cause dans le monde civique et la captation des regards
557
dans le monde de l’opinion » , sont donc le fruit d’un compromis.
Mais le mélange de ces deux mondes peut être l’occasion, par ailleurs, d’une
dénonciation, quand la captation des regards du monde de l’opinion n’est plus utilisée pour
une juste cause.
555
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 130.
556
Une ambiguïté à l’origine, par ailleurs, de notre déplacement de la dyade espace privé/espace public à la triade monde
domestique/monde de l’opinion/monde civique.
557
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 386.
155
A l’inverse, lorsque ces paroles privées sont publicisées et donc découvertes par tous,
font places des compromis établis sur la révélation consentie, et des dénonciations, fondées
sur la révélation provoquée.
Mais cette même dénonciation peut revêtir une autre thématique : celle de la
composition du collectif.
156
Ici, le collectif n’est plus dénoncé comme un ensemble de particuliers niant l’intérêt
commun, mais par les liens domestiques qui unissent les membres du collectif, injectant le
collectif dans une forme de coalition déviante fondée sur le monde domestique. Le collectif
du monde civique se révèle par le collectif du monde domestique. Or si le terme de famille
se manifeste dans notre corpus selon ces deux natures, cette dernière dénonciation rejette
la confusion de ces deux familles en une seule, laissant les relations du monde domestique
dans celui-ci.
Adorer, Affection, Affinité, Aimer, Amabilité, Amitié, Amour, Apprécier, Attachement, Attendrir,
Attentif, Bienveillance, Câlins, Chérir, Confiance, Convivialité, Courtoisie, Dévouer, Embrasser,
Enfanter, Epauler, Eprouver, Fusionner, Humilier, Jalousie, Méfiance, Réconcilier, Renier,
Respecter
Certains termes apparaissent pourtant comme des compromis entre ces deux mondes
ou comme révélateur d’une double nature ou ambiguïté. La figure du « père spirituel »
ou du « mentor » renvoie précisément à cette compatibilité entre les deux mondes. De la
même manière, l’épreuve de collecte des 500 signatures pour être investi comme candidat
à l’élection présidentielle s’impose sémantiquement par le monde domestique avec la figure
du « parrainage ». Le monde domestique trouve alors un reflet dans le monde civique du
moment où il se crée sur une relation du monde domestique mais entre des êtres du monde
du monde civique. Par ailleurs, ces deux mondes se retrouvent dans leur rapport au temps
ou plutôt, à la persistance. L’univers analogique de la transmission se définit sur une double
nature entre ces deux mondes et ouvre des points de passage.
A l’inverse, on constate que les dénonciations entre monde civique et monde de
l’opinion sont plus rares. Dans l’ouvrage De la justification. Les économies de la
grandeur , aucune dénonciation depuis le monde domestique vers le monde civique,
n’est évoquée. Seule l’interdiction des sondages en période électorale est le résultat d’une
dénonciation depuis le monde civique vers le monde de l’opinion.
« L’opinion dans le monde du renom et dans le monde civique, diffère :
le suffrage qui, dans le monde civique, se sert de l’opinion d’individus
indépendants pour donner une expression de la volonté générale attachée au
collectif en tant que tel, s’oppose à l’opinion publique constituée comme la
558
convergence des adhésions de personnes soumises à l’influence des autres. »
Dans cette logique, nous retrouvons cette dénonciation, dans notre corpus, dans les termes
« Influencer », « Stratégie », « Gourou » et « Doctrine ». Cette dénonciation nous
renvoie vers la question du soutien. Celui-ci est pris dans le monde civique comme ce qui
rompt l’isolement par l’adhésion et le rassemblement tandis qu’il instaure l’harmonie au sein
du foyer et de la famille dans le monde domestique. Ces deux mondes se rejoignent sur le
rejet de l’égoïsme : le soutien y figure alors comme un aspect fondamental. Cependant, le
soutien, dans le monde de l’opinion, est l’évidence même de la grandeur. Il n’est pas pris en
compte comme fédérateur du collectif ou de la famille mais est ramené à l’intérêt particulier
des grands êtres. Ainsi, le soutien peut être, dans nos récits, à l’origine d’un compromis
si le monde de l’opinion est l’espace de l’épreuve. A l’inverse, il peut être l’occasion d’une
dénonciation quand il est un faire du monde domestique ou du monde civique, nous amenant
à le formuler comme : (1,3)-2 ou 2/(1,3), dans notre répertoire. Cette différence trouve, nous
le verrons, toute sa valeur dans la presse people qui déplace la grandeur des candidats
558
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 317.
157
559
TETU, J-F., « L’actualité et l’impasse du temps », Sciences de l'information et de la communication, Textes essentiels,
Paris : Larousse, 1993, p.721.
560
Ibid, p. 720.
561
Ibid , p.721.
158
562
Nous reprendrons ce questionnement dans le prochain chapitre en considérant deux manifestations de la campagne
présidentielle, dans notre corpus, comme contexte et comme période.
563
BOLTANSKI, L. & THEVENOT, L., 1991, op. cit. p. 223.
159
les récits de la presse people et l’actualité ; relation qui sera examinée dans les chapitres
suivants.
160
566
termes, soit parce que ceux-ci n’avaient pas de rapport direct avec Nicolas Sarkozy , soit
567
parce qu’ils n’apparaissaient que dans le cadre de citations, directes ou indirectes , soit
568
parce qu’ils relevaient d’appellation . Enfin, nous avons fait le choix de ne pas retenir
les termes « sarkozysme » et « sarkozyste(s) », néologismes importants mais dont
l’analyse ne nous semblait pas pertinente dans le cadre de notre questionnement autour de
l’hétérogénéité des êtres et des objets. A cela, nous avons rajouté les termes rencontrés
dans nos autres corpus ou au travers de lectures diverses de la presse, dont tous concernent
Nicolas Sarkozy mais dont certains ne sont pas construits sur le préfixe « sarko- » tels que
« omniprésident » ou « président bling-bling » .
Au final, nous trouvons vingt néologismes et leurs dérivés (pluriel, adjectif, adverbe,
etc.). Nous allons désormais nous attacher à définir chacun de ces néologismes en
569
fonction des utilisations que les narrateurs de la presse écrite francophones en font .
Par ailleurs, en les définissant, nous catégoriserons les signifiés de ces termes selon
les isotopies sémantiques révélatrices de la quiddité du phénomène de peopolisation.
La plupart de ces néologismes sont polysémiques et révèlent un mélange de plusieurs
isotopies sémantiques. Tous les néologismes de ce corpus sont construits sur l’identité du
président de la République (ou du candidat à l’élection présidentielle ou du ministre de
l’Intérieur selon la période de mobilisation). Sans reprendre notre propos sur la place du
nom comme qualification de l’incarnation, nous partons du postulat que le préfixe « sarko- »
peut être soit issu du monde de l’opinion, soit une représentation du corps politique, sans
rapport au corps naturel du personnage, renvoyant alors à la base classématique /monde
civique/, comme il peut être l’image du corps naturel, sans rapport au corps politique que
ce corps naturel incarne.
161
La différence entre néologismes repose alors sur le mélange ou non des mondes entre
570
eux .
La première catégorie dévoile les néologismes pris exclusivement dans le monde
civique, elle révèle des termes qui restent en accord avec la cohérence et la grandeur de
ce monde. Ces néologismes manifestent alors Nicolas Sarkozy comme « à son affaire ».
Nous y retrouvons le terme d’ « hyperprésident » qui se dit d’un président qui agit sur
tous les fronts. C’est la version adulte et politique de l’enfant hyperactif. Parce que la
référence principale de ce terme est centrée sur l’action et parce que nous le différencions
des termes d’« égoprésident » et d’« omniprésident », nous plaçons ce néologisme
dans cette première catégorie qui concerne uniquement le /monde civique/. Le terme d’
« égoprésident » est une réponse au « je » omniprésent dans les discours du président ;
le « je » comme judicateur subjectif renvoie alors ce néologisme à la catégorie /monde
civique/ + /monde domestique/ et se construit sur la dénonciation du particularisme par le
monde civique. Le néologisme « omniprésident » se dit d’un président dont la visibilité est
exacerbée. En communication politique, si l’on distingue communication gouvernementale
et présidentielle, ce n’est plus le cas pour un « omniprésident ». Cette définition nous
oblige alors à la comprendre comme une dénonciation du /monde civique/ vers le /monde de
l’opinion/. Chacun de ces trois termes nous permet déjà d’appréhender trois des catégories
signifiantes pour l’étude des néologismes. A cela, nous verrons qu’une quatrième viendra
se juxtaposer : celle qui mélange non plus deux des trois mondes mais les trois. C’est le
cas du néologisme « sarkocratie » qui fut particulièrement mobilisé dans la presse en
2007 après l’élection de Nicolas Sarkozy et en 2009 lors de la polémique Jean Sarkozy/
EPAD. Ce terme revient à caractériser le gouvernement de l’ « omniprésident », un
accaparement de la quasi-totalité des médias, la manipulation de l'information et une
conception clanique et élitiste de la politique. C’est donc dans son rapport direct avec les
médias et la visibilité que nous plaçons ce terme dans l’isotopie /monde de l’opinion/. Mais
la conception clanique renvoie à une autorité traditionnelle et une légitimité subjective, ce
qui le place aussi dans celle du /monde domestique/. La figure est complexe. La relation
entre monde domestique et monde de l’opinion est équivoque, elle n’est pas le résultat d’un
compromis ou d’une dénonciation mais d’une cohabitation ambiguë. Ce terme se déploie
donc dans la dénonciation par le monde civique de chacun des deux autres mondes mais
aussi de leur cohabitation.
Le terme de « sarkoland » se révèle plus complexe car il est soumis à une utilisation
polysémique dans la presse francophone. En effet, il peut désigner trois types d’espace. La
première définition trouvée dans la presse renvoie ce terme à un espace géographique clos
et défini institutionnellement : les Hauts de Seine.
« Le « Sarkoland » est un pays où il fait bon vivre politiquement. Autrefois plus
connu des explorateurs, assez audacieux pour franchir le périphérique extérieur,
sous le nom de « Pasqualand », cet Ouest du haut d'en bas tire l'essentiel de
ses richesses de l'exploitation à ciel ouvert de millions de mètres carrés de
bureaux. Et il fait l'envie des conquérants du suffrage universel. Une légende, la
trébuchante légende des chiffres, attribuait à ce département un PIB comparable
à celui de la Belgique (…) Et voilà qu'en Sarkoland (…) le premier ministre et
le premier de ses ministres tenaient meeting. Un bon petit meeting des familles
UMP, sur l'air enchanteur de la réforme, des réformes, de la défense et illustration
570
Un répertoire des néologismes avec l’identification des espaces et des mouvements producteurs de ces termes se trouvent
à en Annexes. B. 2. « Répertoire des néologismes ».
162
des réformes et sauvetages divers entrepris par une majorité d'autant plus
héroïque que plus nombreuse. Normal ! Si eux ne défendaient pas la réforme, qui
571
le ferait ? »
Mais ce néologisme désigne, par là même, l’espace où Nicolas Sarkozy exerce son
omniprésence dans les médias et un système clanique et élitiste. Nous ne sommes plus
face à un espace géographique défini mais à un espace idéel.
« On a connu l'Etat-RPR, l'Etat-UMP, nous voilà aux portes du Sarkoland. Car ce
ne sont pas les beaux projets électoraux qui détermineront le pouvoir. C'est le
système que met en place le leader de la droite: un réseau d'amis, de notables,
de relais connectés entre eux, basés sur les coups de main croisés. Ainsi, le
Sarkoland domestique déjà les médias. » « "Les "Ch'tis", l'anti-Sarkoland, l'anti-
572
bling-bling" »
Pour ces deux définitions qui désignent finalement un espace géographique ou idéel où se
pratique la « sarkocratie », nous comprenons que ce terme doit être placé dans le mélange
des trois isotopies sémantiques. Pourtant, la dernière définition investit ce terme comme
573
l’espace où Nicolas Sarkozy est populaire , d’où sa présence aussi dans la catégorie /
monde civique/ et uniquement celle-ci. Le « sarkoland » est donc le lieu d’exercice de la
« sarkocratie ». Le « sarkoland » retrouve donc la même figure complexe.
A ces deux termes, vient s’ajouter un troisième qui rejoint leurs logiques
définitionnelles : la « sarkozie » révèle le réseau relationnel construit autour de Nicolas
Sarkozy. Ce réseau médiatique et politique est manifesté comme clanique par la presse
francophone, et rejoint donc la catégorisation des deux autres néologismes dans le mélange
des trois isotopies /monde domestique/, /monde civique/ et /monde de l’opinion/ mais
investit une nouvelle figure. La situation de compromis entre monde de l’opinion et monde
civique représentant ce réseau politique et médiatique dénonce le monde domestique par
la conception clanique du réseau.
« Hortefeux est resté dans son sillage : il en est le plus fidèle conseiller,
messager, confident et, surtout, le principal organisateur de ses réseaux, le
maître d'œuvre de la sarkozie. » « L'usage du prénom se répand (…) Voilà qui
prouve combien on est «cool», «copain», et combien on s'affranchit aisément des
marques de la hiérarchie et des différences de classe. En tout cas, ce nouveau
code est, pour le moment, réservé à la sarkozie. » « Avant que la Sarkozie,
président en tête, ne s'entiche de ce ministre qui connaît l'éducation nationale
comme sa poche. Deux galaxies situées à des années-lumière ont donc fusionné.
Erudition contre bling-bling, province tranquille contre Neuilly, politique à la papa
574
contre manières de bandit. »
571
Le Monde du 12/06/03.
572
L’Hebdo du 26/04/07, Libération du 31/12/08.
573
Par exemple, Le Parisien désigne, le 24 avril 2007, l’ensemble des régions où Sarkozy est arrivé en tête comme « Sarkoland ».
574
Le Monde du 02/10/2004, Le Figaro du 02/12/2004, Le Monde du 04/09/2008.
163
164
165
de ceux qui ont eu une enfance heureuse, Rama Yade vit encore comme une
blessure le fait d'être passée «de la condition d'expatriée à celle d'immigrée »
« Fadela Amara, l'ancienne élue socialiste, la liberté guidant les cités, tombée
de Cosette en Sarkozette. Fadela Amara, l'anti-communautariste, la franc-tireuse,
582
partie jouer les triplettes de Belleville avec Rachida Dati et Rama Yade. »
Le néologisme « sarkoboy », quant à lui, désigne un membre de l’équipe de Nicolas
Sarkozy. « Boy » désigne un jeune garçon en anglais mais en français désigne aussi un
serviteur ou un domestique. Dans tous les cas que la référence soit celle de l’enfant ou du
serviteur, ces références sont en lien avec l’autorité traditionnelle du monde domestique,
que l’on retrouve dans la composition de ce groupe fait d’amis, de frères ou de fidèles.
« Parce que c'était lui, parce que c'était eux, les sarkoboys ne ressemblent pas
aux scouts habituels de l'UMP » « À 43 ans, l'ex-conseiller parlementaire de
Nicolas Sarkozy entre à l'Assemblée. Frédéric Lefebvre est l'un des plus anciens
de la bande des « Sarkoboys » : il a lié son destin à celui du maire de Neuilly
en 1993, en intégrant sous son autorité le ministère délégué au Budget. » «Les
sarkoboys (…) Tous formaient une équipe hétéroclite dans laquelle se mêlaient
amis, copains, « frères », fidèles de la première heure, pour qui la loyauté à
583
l'égard de Nicolas Sarkozy tenait lieu de pensée politique. »
Enfin, l’adjectif « sarkocompatible » sert à qualifier une personne ou une idée qui
partage des principes moraux et politiques avec Nicolas Sarkozy, comme Carla Bruni qui est
« sarkocompatible » selon Le Matin du 14 juin 2008 car pragmatique et calculatrice. C’est
le cas aussi de l’explication proposée par Antoine Flahault, directeur de l’École des hautes
études en santé publique, au sujet du rejet du vaccin par les Français : « syndrome d’enfants
gâtés, effet de mai 68 » ; explication « sarkocompatible », selon l’Humanité du 16 janvier
2010. Plus loin, le néologisme « sarkophrénie », jeu de mot avec la schizophrénie qui
désigne l’esprit coupé, nous inviterait à comprendre que le président est lui-même gouverné
par un esprit instable. Libération , le 2 novembre 2009, le définit comme le « désir éperdu
de transparence qui entre en collision avec une aversion viscérale à l’égard de tous
les contre-pouvoirs (justice, Parlement, presse) ». C’est donc un lien très fort au subjectif
qui est sous-tendu d’où sa catégorisation comme une dénonciation entre monde civique et
monde domestique.
Le terme de « sarkoïsation » est cité dans la presse écrite francophone, entre
autres, pour reprendre l’expression « sarkoïsation des esprits » de Lilian Thuram en
2005 et l’expression « sarkoïsation de la société » de Jack Lang en 2006. Mais nous
sommes alors toujours dans le cas de citations. Pourtant, ce terme est repris par ailleurs, par
différents narrateurs à leur compte pour désigner une omniprésence de Nicolas Sarkozy ou
pour traiter d’une personnalisation du pouvoir au travers des expressions : « Sarkoïsation
de la presse » ( L’Express 27/10/06), « Sarkoïsation de l’UMP » ( Le Figaro 16/09/06)
pour désigner le fait qu’il n’y a plus de place pour d’autres personnalités dans ce parti,
« Sarkoïsation du PS » pour dire finalement que « le chef prend le pas sur le collectif
» ( Les Echos 29/08/08) mais nous trouvons aussi « processus de sarkoïsation » défini
comme « personnalisation du pouvoir » dans Libération , le 13 août 2005. Enfin, les
trois derniers néologismes trouvés dans la presse écrite francophone révèlent un univers
signifiant uniquement civique. La « sarkologie » ou en d’autres termes l’expertise dans la
582
Courrier International du 17/04/08, Le Point du 21/06/07, Libération du 23/08/07.
583
Le Nouvel Observateur du 12/04/07, Le Figaro du 25/07/0 , Le Point du 25/10/07
166
politique sarkozyste, est un terme neutre, neutralité difficilement repérable avec les termes
« sarkonnerie » ou « sarkommence », ce dernier étant un titre de Libération , le 3
juin 2005 après le remaniement du gouvernement par Jacques Chirac, et repris pendant la
campagne pour désigner le début de l’ère de Nicolas Sarkozy.
On ne peut ignorer la prédestination purement phonétique du nom de Sarkozy. La
troncation est caractéristique de la langue parlée et populaire. Or, le langage populaire a
créé une série d’apocopes en -o , un diminutif en -o étant alors favorable au néologisme.
Pourtant, ce fut le cas pour Ségolène Royal dont le diminutif « Ségo » répond à la même
prédestination phonétique. Or, seulement 250 termes (contre 560 pour Nicolas Sarkozy)
ont été trouvés par Véronis sur Internet dont un nombre important correspond à des
584
pseudonymes issus de la blogosphère . Il y a donc une prédestination phonétique que
nous ne pouvons nier mais aussi l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
La plupart des termes que nous venons de présenter sont des mots-valises, c’est-à-dire
des néologismes formés par la fusion d'au moins deux autres mots existants dans la langue.
Le mot-valise implique une troncation et un amalgame des éléments qui restent. « Les mots
valises sont surmotivés : ils concentrent sur un seul signifiant plusieurs signifiés présentés
585
comme amalgamés » . C’est justement la question de l’amalgame qui est importante
ici et qui rejoint précisément notre considération. Les termes dans les trois dernières
colonnes du tableau (Tableau n°6) sont construits sur un amalgame d’au moins deux
des mondes, deux isotopies sémantiques, et constituent une réunion d’univers signifiants
conflictuels. Pris dans la dialectique homogénéisation et hétérogénéisation, ils révèlent alors
un mouvement en leur sein. Pourtant, force est de constater que ces termes sont souvent
pris dans un mouvement de dénonciation qui pose alors la question de la consistance de la
peopolisation. Nous reviendrons sur la question des néologismes, en conclusion, pour les
penser comme un durcissement de l’existence sémantique du phénomène, nous permettant
alors de concevoir sa définition et l’état actuel du processus.
IV. 3. Conclusion
Sans avoir analysé les récits médiatiques de notre corpus, l’analyse sémantique de
l’hétérogénéité et la construction d’un répertoire à la croisée des mondes dessinent des
variables révélatrices de l’hybridité du phénomène de peopolisation.
Chacun des termes fixe la nature d’un des mondes investigués ou la tension de
plusieurs mondes, les dévoilant, à la fois, par ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas. Le
mouvement et les espaces sont donc au creux de termes que le narrateur choisit d’énoncer.
Dans la dialectique continu-discret, le continu est le corpus, cet ensemble de récits
sélectionnés à propos d’un homme politique, parus lors de la campagne présidentielle ; le
discret figure comme chacun des termes manifestés dans ces récits. Le répertoire, élaboré
à partir de la dialectique mouvement-espace, esquisse non seulement un « portrait » de
notre corpus ; il présente ses espaces, ses êtres et ses objets, mais il forme, par ailleurs,
un « portrait » de chacun des mondes. Plus encore, le répertoire dresse un « portrait »
584
VERONIS, J., « Lexique: Ségobidules », 2007,[en ligne : http://aixtal.blogspot.com/2007/09/lexique-sarkosyl-et-autres-
sarkotrucs.html]
585
SABLAYROLLES, J-F., « La double motivation de certains néologismes. », Faits de langues, 1, 1993, p. 224.
167
586
Public 196, Closer 78, Closer 85.
168
587
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 133.
588
Nous utilisons le terme de réseau au sens d’organisation rassemblant des humains et non-humains agissant les uns sur les autres.
589
L’ « ailleurs » de l’espace énoncif et l’ « ici » de l’espace énonciatif sont des positions spatiales zéros, « des points
de départ pour la mise en place de la catégorie topologique tridimensionnelle qui dégage les axes de l’horizontalité, de la
verticalité et de la prospectivité » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 215.)
169
Qui sont les personnages qui peuplent les récits mettant en scène au moins
un candidat à l’élection présidentielle ? Comment l’espace qu’est la campagne
présidentielle est manifestée dans sa mise en scène people ?
590
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991 , op. cit . p. 224.
591
SPIES, V., Télévision, Presse People : les marchands de bonheur, Bruxelles : De Boeck, 2008, p. 131.
592
Rappelons que pour Courtès, l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé (qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée (qui est la
façon de présenter ce narré)
170
civique, qui permettent d’identifier un autre type de personnages : les acteurs politiques. Ils
593
sont les militants, les membres d’un parti, les acteurs institutionnels, les gouvernants , etc.
Certains personnages appartiennent à plusieurs de ces catégories, le narrateur peut
choisir de les mettre en scène dans cette multitude comme dans un seul monde.
Enfin, il y a les candidats à l’élection présidentielle. La présence d’au moins l’un d’eux
dans le récit constitue un des critères de sélection de ce corpus. Si leur identification dans
le monde civique justifie notre investigation, celle-ci n’est pas obligatoirement signifiée par
les narrateurs des récits. Ces personnages peuvent être mobilisés exclusivement dans un
594
monde, comme déplacés d’un monde à l’autre au sein d’un même récit . Leur identité
narrative relève de leur identification par le narrateur et du mouvement par lesquelles cette
identification peut fluctuer. Si, la prédominance de certains de leurs rôles et des espaces
que le narrateur leur fait produire et consommer se révèle pertinente pour comparer les titres
de presse people, leur place dans le récit confronte deux types de presse people. Parce
que la présence d’au moins un des candidats justifie la construction de notre corpus, leur
omniprésence n’en fait pas toujours les personnages principaux.
En effet, lors de la campagne présidentielle entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai
2007, certains titres ne leur accordent pas un état de grandeur suffisamment légitime
pour être visibles sans intermédiaire. Le politique n’est pas people. La médiatisation des
595
candidats est opérée dans ce cas à partir d’un personnage que nous désignerons comme
« un intermédiaire médiatisant ». L’intermédiaire médiatisant, ici, peut être incarné à la fois
par un être humain identifiable comme unique, mais aussi par un collectif ou un objet. Aucun
récit ne met en scène un candidat, dans Voici et Public, sans la présence conjointe d’un
people ou du collectif « les peoples ». L’homme politique n’est pas signifié comme assez
« digne d’intérêt » pour être mobilisé seul dans ces deux hebdomadaires.
L’identité de ces intermédiaires médiatisants se comprend à partir de l’état de grandeur
de celui-ci dans le titre sélectionné, mais aussi de l’existence d’un lien mobilisable entre
le people et le politique et, enfin, de l’existence d’un élément ou d’une thématique actuels
permettant justement de soumettre ce rapport à l’actualité. Ainsi, les personnages people
incarnant le plus fréquemment ce rôle d’intermédiaire connaissent une actualité people et
une relation avec l’homme politique offrant la possibilité de servir de point de passage pour
la mise en scène du politique. C’est le cas, par exemple, de Philippe Torreton qui, lors de la
médiatisation de sa rupture avec Claire Chazal, devient l’intermédiaire pour la mise en scène
de Ségolène Royal. La présence de cet intermédiaire médiatisant, son identification comme
celles de tous les autres personnages, en fonction du rôle attribué et des mondes que le
593
Ici, nous retrouvons les « descriptions définies » en rapport au collectif, typiques du monde civique.
594
Nous soulignons qu’un changement d’espace de mise en scène du candidat n’oblige pas un changement de rôle : ici réside
notre distinction entre deux types de mouvement de narration : la transformation et la transposition. Voir chapitre II.1.3.2.
595
Si nous utilisons le terme de personnage, nous n’oublions pas la limite posée par Greimas à ce terme qui institue une
confusion autour d’un actant humain et unique, notre utilisation du terme de personnage reprend la définition de l’acteur de Greimas,
c'est-à-dire un actant incarné au niveau discursif, comme désignant non seulement un être humain mais aussi les animaux, les choses
et les concepts ou un collectif.
171
narrateur leur fait traverser et consommer, ouvre ainsi des pistes pour notre considération
de la presse people comme porte-parole. Mais la campagne présidentielle, comme espace
producteur de discours, intervient, par ailleurs, comme un axe heuristique pour cette même
investigation et dévoile d’autre intermédiaires-médiatisant servant la visibilité des hommes
politiques dans cette presse.
172
599
VSD 1526, VSD 1543, VSD 1548.
600
GREVISSE, B. & RUELLAN, D., « Pratiques journalistiques et commémoration : Éléments de lecture du récit des festivités
d’anniversaire du débarquement de Normandie », Recherches en Communication, 3, 1995. p. 89.
601
Soulignons que cette période de la campagne présidentielle, peut être divisée en deux périodes ; le scrutin du premier tour
consiste en une rupture qui opère une réduction dans le nombre des personnages.
602
Seul Closer met en scène Ségolène Royal dans une « immortelle » hors campagne. L’ « intermédiaire médiatisant » est
le collectif des stars, dans lequel Ségolène Royal est classée. Nous reviendrons sur cet article lors de l’analyse de Closer comme
porte-parole.
173
603
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 134.
174
entre autres, à partir de l’utilisation de l’indicatif, l’effacement des guillemets pour certaines
descriptions et l’explicitation de l’objet du discours.
« Marie-George Buffet a la physionomie d’une femme de terrain, ancrée dans la
réalité. » (Sans guillemets) « La bouche serrée d’Arlette Laguiller est la marque
distinctive des gens qui ne parlent pas à tort et à travers. » (Sans guillemets)
« Sarkozy, Royal… dévoilés par la morphopsychologie. » « Notre expert les
a démasqués. » « Les candidats ont tous leurs petits secrets ? Grâce à la
604
morphopsychologie, ils ne peuvent plus les cacher. »
Dans d’autres récits, l’expert est lui-même le narrateur du récit. Ainsi dans VSD , l’expert
détient la parole. La présence d’un « je » est, cependant, confrontée à celle d’un « nous » et
d’un « il » dans la titraille. Le magazine est alors le Destinateur-manipulateur et l’adjuvant :
il confère à l’expert un pouvoir-dire en lui donnant un support et en le présentant dans la
titraille – il fait dire et l’aide à le dire.
« C’est à la lumière de ces connaissances que j’ai décrypté la carte du ciel des
candidats, déclarés ou non, à l’Élysée. » (Dans le texte) « Notre astrologue, qui
rédige en ce moment un livre, « Le pouvoir du ciel », décrypte ce que les étoiles
605
réservent aux principaux prétendants à l’Elysée » (en sous titre du dossier)
Il y a dissociation de la parole de l’expert et de la parole du magazine.
« Le journal, en tant que reproducteur du discours, est dans une position
ambiguë par rapport à leurs énonciateurs. Dans la mesure où il est une
« chambre d’échos », il est tributaire des voix qu’il reproduit (du coup, lui-même
est sans voix) mais il est maître du statut qu’il leur assigne, c’est-à dire de leur
606
pouvoir d’assertion sur le réel. »
Dans la confrontation de ce « je » et de ce « il » réside une « concurrence dont le réel
607
est l’enjeu » . La fin de cette concurrence, pour VSD, se situe en dernière page du
dossier sur le thème astral des candidats où figure un article d’un journaliste de VSD intitulé
« Retour sur terre » et commençant par : « Loin des conjonctions astrales… ». Si
le jeu de mots entre « terre » et « astre » est évident, le « retour sur terre » renvoie,
indéniablement, au réel, sanctionnant le discours précédent sur les astres. Le magazine a
été le destinateur-manipulateur et l’adjuvant du dire de l’expert et conclut le dossier comme
un destinateur-judicateur, en se distanciant du discours qu’il a permis de mettre en scène.
La tension entre les deux voix du discours est moins évidente dans les articles d’ Ici-
Paris et de Paris-Match . Le sous-titre du premier montre que nous sommes en présence
de deux énonciateurs : « Grâce à la graphologue Josiane Borgazzi, découvrez avant le
deuxième tour de la présidentielle leurs principaux traits de caractère, leur tempérament et
leur personnalité. », mais l’identification des instances d’énonciation s’arrête là. En effet,
dans le récit qui suit, aucune citation ne permet de différencier les deux instances, aucune
signature ne permet de savoir qui parle. Il y a amalgame des deux voix que l’on retrouve
chez Paris-Match avec une signature double : celle de l’expert et celle du journaliste. La
forme du récit ne permet pas, pour autant, de différencier ces deux voix : une fois encore,
c’est la titraille qui le permet : « On ne peut prévoir le choix des urnes mais Françoise Hardy
604
Gala 723.
605
VSD 1531.
606
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 134.
607
Ibid. p. 134.
175
608
Celui-ci figure comme un cas intéressant : il est le seul à ne pas installer un expert scientifique ou publiant comme instance
d’énonciation. Françoise Hardy, « passionnée depuis ses 18 ans », remplit ce rôle : people plutôt que scientifique.
609
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit . p. 147.
610
Ici-Paris 3226, Gala 725.
611
VSD 1531, Gala 723
612
Nous éviterons le débat sur la qualification de l’astrologie, la morphopsychologie ou la graphologie comme science : nous nous
intéressons à la manière dont ces récits les construisent comme science et ignorerons la justesse ou la pertinence de cette légitimation.
613
VSD 1531, Paris-Match 3007, Gala 723.
176
Finalement, l’objet du discours est moins de rendre compte d’un discours premier que de
décrypter la personnalité des candidats pour enfin résoudre l’indécision des lecteurs.
« On ne peut prévoir le choix des urnes mais Françoise Hardy a vu leurs
forces et leurs faiblesses. » « C’est à la lumière de ces connaissances que j’ai
décrypté la carte du ciel des candidats, déclarés ou non, à l’Élysée. » « Grâce
à la graphologue, Josiane Borgazzi, découvrez avant le deuxième tour de la
présidentielle leurs principaux traits de caractère, leur tempérament et leur
personnalité. Après, ce sera à vous de juger. » « Les candidats ont tous leurs
petits secrets ? Grâce à la morphopsychologie, ils ne peuvent plus les cacher.
Vitrine ouverte sur l’intériorité des individus, leurs émotions et les forces
inconscientes qui les structurent. Angoisses, blessures, ils n’ont pas tout dit. »
« Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal démasqué par leur écriture. Décryptés par
notre graphologue, les candidats se révèlent bien différents de l’image qu‘ils
617
aimeraient donner. »
614
VSD 1531
615
Paris-Match 3007
616
Gala 723, Gala 725, Ici-Paris 3226.
617
Paris-Match 3007, VSD 1531, Ici-Paris 3226, Gala 723, Gala 725
177
Le contenu du discours premier (celui de l’expert) figure comme l’objet du récit, cela nous
amène à saisir le contrat de lecture proposé dans ces articles.
La particularité de ces articles s’installe donc d’une part dans les stratégies
d’énonciation mais surtout dans l’explicitation de ces stratégies. Greimas définit le récit
comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant des personnages
619
qui accomplissent des actions » . L’objet du discours étant le contenu des citations,
les actants de narration sont les candidats à l’élection présidentielle de 2007. Ces êtres
de papier sont conjoints ou disjoints de valeurs : ils sont sujets d’état mais jamais de faire.
Les sujets de faire, ce sont les astres, la forme de l’écriture ou du visage, des sujets de
faire qui ne sont pas sujets de la performance mais Destinateur : ils font faire, ils réalisent
la jonction entre le candidat et une compétence : « la compétence est un savoir-faire,
620
elle est ce quelque chose qui rend possible le faire » . Ainsi, les astres ou la forme
du visage ou de l’écriture créent la possibilité d’une action : mais cette action n’est jamais
réalisée dans ces récits. Or, le discours narratif se définit comme « une suite d’états,
621
précédés ou suivis de transformations » . La représentation de la relation entre états et
transformation est rendue possible par le programme narratif (PN) comme un enchaînement
réglé subsumant un sujet d’état en relation de conjonction (ou de disjonction) avec un objet
et un sujet de faire en relation avec une performance qu’il réalise. La transformation est
absente et aucune performance n’est mise en scène dans ces récits. Ce sont donc des récits
avortés ou embryonnaires ne dépassant jamais la situation initiale. Si certains verbes factifs
sont présents, ils sont soit déclinés au futur ou au conditionnel prouvant la non-réalisation
des actions, soit relatifs au Destinateur.
« Le chef de l’UMP aurait, quant à lui, accompli un gros travail sur lui-même pour
s’imposer à la tête de ses troupes. » « Elle gagnera certainement plus de sièges
de député à l’Assemblée en 2007. » « La dominante Mars-Pluton fait d’elle une
622
femme de pouvoir capable d’une fermeté inébranlable »
Le récit people se focalise sur ce qui caractérise le personnage dans son intériorité et dans
son intimité ; il se concentre sur les intérêts, les désirs et les attributs psychologiques du
personnage dans son action ou à la suite de son action. Les astres, la forme de l’écriture
623
ou du visage permettent de dévoiler l’intériorité des candidats de l’extérieur , sans enjeu
de pertinence par rapport à une action narrativisée.
« Les personnages se voient souvent attribuer des traits psychologiques, voire
des pensées ; et même si le récit journalistique ou les sources s’appuient sur des
619
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
620
Ibid. p. 53.
621
Ibid . p. 134.
622
Gala 723, VSD 1531, Paris-Match 3007
623
DUBIED, 2009, op. cit. p. 59.
178
actes ou des témoignages pour ce faire, les figures ainsi dessinées fonctionnent
624
sur un mode imaginaire fictionnel. »
On retrouve, ainsi, une des particularités du récit people, bien que ce récit ne soit réalisé
complètement du fait de l’absence de performance. Par ailleurs, cela crée la jonction avec
une multitude de valeurs, sans rapports les unes avec les autres. Les valeurs s’enchaînent
produisant une liste des attributs psychologiques intérieurs des candidats.
Mais, par ailleurs, le jeu entre les deux énonciateurs – expert et journaliste – est élargie
à un troisième énonciateur : les astres, les traits du visage ou l’écriture. Ils incarnent un
destinateur du récit dont on restitue la parole: ils disent ce qui est ou ce qui va arriver.
« Ce que révèle leur visage » « Des petites lignes en disent parfois plus que
tous les longs discours ! » « La conjonction de la Lune natale en Poissons (…)
indique une forte aspiration à faire cavalier seul, autrement dit à émerger de son
groupe d’appartenance en s’en affranchissant radicalement » « Son écriture
625
vibrante est révélatrice d’un esprit vif »
Ce premier discours, celui des astres, de l’écriture ou de la morphologie, est un effet de
fiction qui légitime le discours de l’expert et du journaliste. En octroyant un dire à ces objets,
on leur attribue un rôle de source (au sens journalistique du terme) authentifiant ce qui est
dit ; l’expert ou le journaliste devenant alors les traducteurs et les porte-parole et non pas
les producteurs d’un discours qui pourrait être soumis aux critiques. Plus loin, les astres
détiennent un autre rôle : ils sont sujets de faire et donc disent ce qui est, ce qui va arriver
mais, par ailleurs, font que ca est et que ca arrive. Ils ont un rôle prophétique : ils sont
Destinateur et destinateur.
« Ce qui devrait être un obstacle, c’est son Jupiter. Il y a opposition avec
la Balance, signe de Marianne. On voit mal comment il pourrait y avoir un
consensus national assez fort pour aller au-delà du premier tour. Cela n’empêche
nullement de faire un score honorable mais pas au point de rafler la mise. »
« Mais les transits de Jupiter sont bons, sur le thème d’Olivier Besancenot. Il
arrivera, malgré tout, à obtenir des satisfactions personnelles dans tel ou tel
626
combat contre l’injustice et les inégalités. »
L’énoncé prophétique renforce la virtualisation du récit : en projetant la performance au futur
et/ou au conditionnel, celle-ci ne peut être effective dans cet énoncé et le récit ne peut se
réaliser.
179
VSD 1526 « Ségolène Royal : L’enfance d’un chef » VSD 1543 « Le berceau des
candidats » VSD 1548 « Ségo/Sarko : Deux destins forgés par leurs fractures de jeunesse
Paris-Match 3008 « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » Paris-Match 3011 « Une baby-
sitter nommée Marie-Ségolène » Paris-Match 3015 « Bayrou, Royal, Sarkozy, ils marchent
vers leur destin. Retour aux sources. » Paris-Match 3017 « Et maintenant s’ouvre le temps
des prétendants » Paris-Match 3024 « Tout a commencé comme ça » Paris-Match 3025
« Nicolas Sarkozy : l’heure de la victoire » Closer 91 « Quand j’ai vu Ségolène Royal à la
télé, j’ai réalisé que je l’avais eu comme jeune fille au pair » Gala 722 « Mon père, mon
drame… »
628
Ces récits proposent un portrait d’un ou de plusieurs candidats à partir de données et
de témoignages sur le passé des candidats. Ces récits sont investis à partir d’une période
629 630 631
précise , d’un lieu , d’une relation particulière ou relèvent, plus généralement, de la
632
période antérieure à la candidature . Par l’attribution de traits psychologiques relatifs à
des évènements du passé, un double mouvement est opéré : le passé explique le présent,
le présent dénoue le passé. En ce sens, ces récits sont les lieux de construction de «
l’illusion biographique », c'est-à-dire comme si la vie constituait « un tout, un ensemble
cohérent et orienté, qui peut et doit être appréhendé comme expression unitaire d’une
633
« intention » subjective et objective d’un projet. » . Ces récits manifestent à de
nombreuses reprises l’illusion biographique par des phrases qui combinent passé, présent
et futur.
« Un petit entrainement facile, sans doute, sur ces petites proies faciles, avant de
s’attaquer, plus tard, aux éléphants du parti… » « Il n’est pas encore à l’Elysée
mais sur le trottoir d’en face. Il lui reste à traverser la rue » « L’actuel compagnon
de celle-ci ne l’était pas encore en 1978 » « Gros plan sur l’itinéraire d’une
gamine des Vosges, aujourd’hui prétendante à l’Elysée » « Elle a 34 ans et déjà
une envie féroce d’affronter le suffrage populaire » « Trente-six ans plus tard, la
627
BOURDIEU, 1986, op. cit. p. 69.
628
Notons que ces récits ne concernent que cinq candidats : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, Jean-Marie
Le Pen et José Bové.
629
Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, Closer 91.
630
VSD 1543
631
Gala 722
632
VSD 1526, VSD 1548, Paris-Match 3008, Paris-Match 3017, Paris-Match 3024, Paris-Match 3025.
633
Bourdieu, 1986, op. cit. p. 69.
180
sage adolescente a fait du chemin. En mai prochain, elle sera peut-être appelée
634
aux plus hautes fonctions de l’Etat français. »
Ces énoncés sont construits sur la dichotomie avant/après et installent, sur l’axe
syntagmatique, une logique de consécution, alors qu’ils reposent précisément sur un
principe de présupposition. C’est le présent qui justifie l’énonciation du passé, mais, au
niveau sémio-narratif, c’est le passé qui justifie le présent. Le premier mouvement signe la
présence d’une isotopie du souvenir ou de la mémoire avec une déclinaison des verbes :
635
se rappeler et se souvenir, et de leurs variantes (56 occurrences ). Il permet d’établir
certains évènements comme significatifs a posteriori. Chaque évènement cité considère
un trait psychologique du candidat dans son fondement ou sa persistance. L’exemple de
l’entrée de Ségolène Royal, en 1968, au lycée privé d’Epinal, est mobilisé dans quatre récits.
Cet évènement permet alors la conjonction entre Ségolène Royal et son avenir.
« Ses proches perçoivent que « c’est à partir de son entrée à Notre-Dame
que Ségolène a pris son destin en main » » « C’est à partir de son entrée à
»
l’institution Notre-Dame, à Epinal, que Ségolène a pris son destin en main
« L’enfant voit vite dans l’école un moyen d’échapper à l’austérité de la vie
familiale. Ce sera le cas en 1968 où elle intègre l’Institution Notre-Dame d’Epinal »
« Très vite, elle comprend que la seule issue possible est l'école. En 1968, à 15
ans, elle entre à l'institution Notre-Dame, à Épinal (88). » « Ses proches racontent
que c'est à partir de son arrivée dans ce lycée privé pour filles, tenu par des
636
religieuses, « qu'elle a pris son destin en main »
Cet exemple montre que des évènements choisis par les narrateurs servent de points de
rupture dans l’existence narrative d’un personnage afin d’épaissir son identité. Chaque
nouvelle position marque une coupure, créé de la discontinuité et, à ce titre, instaure
du changement. Or, comme nous l’avons dit plus tôt, c’est dans la rupture et dans
la discontinuité que le mouvement retrouve son dynamisme. Ici réside l’enjeu de ces
évènements définis par les narrateurs comme significatifs : ils marquent l’articulation entre
deux positions pour leur donner une cohérence et les insérer dans une dynamique, dans
une trajectoire de vie. Les évènements permettent de conjoindre le candidat avec un objet,
cet objet est lui-même investi d’une valeur, cette valeur sert alors de point de liaison et
d’explication d’une identité unifiée et cohérente. Les évènements et les valeurs peuvent
varier selon les énoncés, mais permettent finalement de dessiner un portrait psychologique
des candidats. Le parcours thématique de la souffrance, commun aux quatre candidats
principaux, rend compte de ce principe.
« Nicolas Sarkozy. Ses blessures secrètes. On a du mal à l’imaginer en petit
garçon mélancolique et délaissé, qui souffre du divorce de ses parents et de
l’incompréhension des autres. » « Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la
séparation et du divorce de ses parents. A la fois affectivement et socialement,
Il a souffert de l’absence de son père à la maison. » « Selon un proche de la
famille, Ségolène, ses frères et sœurs souffrent » « Ses souvenirs douloureux
d’ « orphelin de la guerre ». » « Il souffre de grandir sans son père » « II y a
634
Paris-Match 3008, Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, VSD 1526, VSD 1543, Closer 91.
635
Cf. Annexes. E. 2. « Concordances »
636
VSD 1526 (x3), VSD 1548 (x2)
181
d’abord ceux qui, très jeunes, ont perdu leur père et en ont conçu une détresse
637
absolue. »
Le divorce de ses parents (pour Nicolas Sarkozy) ou le décès de leur père (pour François
Bayrou et Jean-Marie Le Pen) sont autant d’évènements qui créent une rupture et opèrent
une conjonction entre le candidat et la souffrance. Cette souffrance est alors investie par
les narrateurs, différemment selon les candidats, et permet l’attribution de nombreux traits
psychologiques.
182
183
Le parcours thématique du soutien est développé, dans ces énoncés, à partir de termes
comme « favori », « admirateur », « partisan », « appui », « supporter », « soutien
» et « soutenir », « compter sur », « fidèle », « préférence ». Le soutien correspond
à un objet du monde de l’opinion, il tient en son creux la grandeur des candidats à la fois
643
Paris-Match 3008, Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, VSD 1526, VSD 1543
184
dans le monde civique et le monde de l’opinion. La popularité d’un homme politique est
un compromis entre monde de l’opinion, monde civique et monde domestique : elle est
révélatrice de la renommée, de l’aptitude à être élu et de l’appréciation de ces hommes
644
politiques. Ici, elle est déplacée du monde de l’opinion (ou domestique ) vers le monde
civique.
« Si elle a aucune star derrière elle, elle demeure d’une fidélité à toute épreuve
aux idées qu’elle a toujours défendue » « Le candidat du Front National n’a peut-
être pas de people à ses côtés, mais la précédente élection nous a appris que ce
n’était pas pour autant un candidat à prendre à la légère » « Et même si certains
candidats n’ont pas de people pour les soutenir, rien ne vous interdit de voter
645
pour eux »
Ainsi, ne pas être soutenu par des peoples justifie la petitesse des candidats et donc la
petitesse de leur candidature. Bien que ces énoncés négatifs installent un pouvoir-faire
malgré un non-soutien, la sanction du narrateur se construit sur la compétence à avoir un
entourage people comme compétence à pouvoir-être élu. Ces récits investissent deux
postures : la construction d’une hiérarchisation des candidats selon leur popularité people
et, par ailleurs, l’installation d’une compétence de pouvoir-faire autant dans le monde de
l’opinion que dans le monde civique. La hiérarchisation est amplifiée par la mise en scène
des candidats au niveau de la structure de la page : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et
François Bayrou ont une place importante et centrale dans Ici-Paris . Public leur dédie
chacun une page, accordant un encart pour les autres : « Et aussi » ; cet encart est
intitulé « Les autres candidats ne manquent pas de soutien » dans Voici 1014,
tandis que le numéro 1009 du même titre et Paris-Match ne s’intéressent qu’aux trois grands
candidats, VSD uniquement à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
La mise en scène des soutiens people offre, en outre, un contrat de lecture fondé sur
le faire-savoir.
« La présidentielle, c’est dimanche… Vous ne savez toujours pas à qui donner
votre voix ? Pas de Panique : pour faire votre choix, il vous suffit de suivre le
646
programme des stars ! »
Le personnage people devient la caution d’un vote, permettant à la fois de présenter les
candidats au travers des peoples qui les soutiennent et de déplacer, pour les lecteurs, le
non-savoir du monde civique vers un savoir du monde de l’opinion. Si le lecteur connaît
mal les candidats, il connaît bien les personnages people et peut alors juger les premiers
au travers des seconds. Les peoples deviennent, par là même, les experts sanctionnant
les hommes politiques. Le contrat de lecture développe une logique d’identification par
intermédiaire. Nous retrouvons le soutien à partir de la figure du compromis, tel que formulé
dans notre répertoire : 3-2.
L’identification se déplace du monde de l’opinion avec l’assimilation d’un attribut du
people qui sera rapporté à soi vers le monde civique projetant le vote du people au sien.
Cependant, VSD adopte une posture particulière en interrogeant le pouvoir-faire-savoir
des peoples.
644
Dans le cas de Nicolas Sarkozy.
645
Ici-Paris 3221 (x2), Voici 1014.
646
Voici 1014.
185
647
VSD 1541
648
Public 196
649
Ici-Paris 3221.
650
VSD 1535, Gala 711.
186
L’analyse de ces sept articles dégage des éléments heuristiques pour l’identité
médiatique de chacun des candidats. Si les récits sur le passé ont permis, au travers de
la figure du père et de l’enfance, d’appréhender comment se dévoilait un grand nombre
d’attributs identitaires, la mise en scène des conjoints et des enfants découvre le lien
familial comme investissement propice à l’accès au poste de président de la République.
Les proches des candidats incarnent des adjuvants et des opposants pour l’obtention de
compétences actualisantes à l’élection.
Les cinq premiers récits s’intéressent aux conjoints des candidats. La présentation du
couple installe une compétence de l’épouse (ou du compagnon) à vouloir-être première-
653
dame et, par là même, débraye une certaine identité de l’homme politique dans son être
dans le monde domestique. VSD focalise son récit sur Elisabeth Bayrou et Cécilia Sarkozy
comme les deux prétendantes au statut de première-dame bien que François Hollande soit
évoqué dans un premier énoncé de l’article. Ce duel Sarkozy/Bayrou pose la question du
pouvoir-être de la première-dame.
Le pouvoir-être dépend, sous un premier abord, de la présidentiabilité du conjoint,
débrayant les premières dames dans une hiérarchie de grandeur du monde civique
par l’intermédiaire de leur époux/compagne. Cependant, si la présidentiabilité révélait la
hiérarchie entre les potentielles futures premières-dame, François Hollande devrait figurer
dans ce duel ou du moins changer le duo en trio. Or le genre semble constituer un critère
fondamental dans la compétence de pouvoir-être « première-dame ». Le non-être-
femme de François Hollande semble compliquer l’identification de celui-ci dans ce rôle,
un non-être-femme évoqué dans Paris-Match , VSD et Point de Vue , mais aussi
654
dans Public au travers de la voix de Thomas Hollande . La sanction négative est franche
pour Paris-Match .
« Peu probable, en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, que
le premier secrétaire du PS (52 ans) se transforme en « premier-monsieur » à
655
l’Elysée. Il a d’ailleurs annoncé qu’il n’y habiterait pas. »
651
VSD 1535.
652
VSD 1534.
653
Nous utiliserons l’expression « première-dame » autant pour les hommes que pour les femmes, sans nier la connotation
forte de cette expression. L’attribution genrée de ce rôle dévoile précisément un de nos intérêts.
654
Public nie le rôle de chef de famille, voire la masculinité, de François Hollande et lui attribue celui de femme au foyer ;
nous reviendrons sur ce récit au chap. VI-3-1-2
655
Paris-Match 3014.
187
Point de Vue renvoie François Hollande au rôle de prince Consort dans un parcours
656
polémique où Ségolène Royal « débat de l’avenir de la planète » . Dans cette même
logique, VSD installe trois énoncés dans le même article, un premier général sur les
premières-dames potentielles et passées, un autre consacré à Cécilia Sarkozy et un dernier
sur Elizabeth Bayrou. François Hollande apparaît dans le premier : « Dimanche 6 mai, les
Français n’auront pas seulement élu un nouveau chef de l’état, ils permettront aussi à
son épouse ou à son concubin, dans le cas de Ségolène Royal, de devenir « première
dame » . ». Le titre de cet énoncé – « Une femme à l’Elysée » – justifie la simple évocation
de François Hollande et l’absence d’un énoncé qui lui serait consacré dans le reste de
l’article. Le genre de ce dernier l’empêche d’accéder à la possibilité d’être « première-
dame ». Cette évaluation de référence est souligné en conclusion lors de la justification
d’un ne-pas-pouvoir-être-président pour George Clémenceau dû à son veuvage : « Ses
adversaire grincèrent : « Il est veuf et, à l’Elysée, il faut une femme . » Ce n’est pas
François Hollande qui dira le contraire. ».
Par ailleurs, la première-dame est investie du devoir de supporter son conjoint. Ce
rôle contient une hiérarchie de grandeur du monde domestique dévoilant toute une série
de stéréotypes genrés. Idéalement, la première-dame « joue son rôle d’épouse et de
collaboratrice », « dans l’ombre », elle est « le premier soutien », elle rend « son
657
époux plus proche, plus sympathique, plus humain » , elle « adoucit l’image
658
du candidat » , elle est « simple mais élégante » , « présente mais discrète »,
659
« intelligente à condition de ne pas le montrer » . Le rôle de première-dame investit un
compromis entre les trois mondes mais c’est un compromis qui reste confiné dans le monde
domestique. Le devoir de la première-dame est un investissement fondé sur la serviabilité
660
et « le rejet de tout égoïsme » établissant un rapport de grandeur entre le candidat
661
et la première-dame autour de la subordination et de l’honneur . Boltanski et Thévenot
définissent le monde domestique comme un monde établi sur les relations personnelles
entre les êtres. La grandeur se fonde dans une « chaine de dépendances personnelles
662
» , c'est-à-dire que les états de grandeurs se définissent toujours dans la comparaison de
plus grand que … ou plus petit que … La première-dame, qui ne doit son statut qu’à son
663
conjoint, figure donc comme plus petite que le candidat auquel elle se dévoue . Mais
dans cette chaine de dépendance se construit, par ailleurs, la figure de l’être supérieur :
le candidat.
De la même manière, Gala procède à une comparaison entre différents candidats
à partir de leurs enfants. Ici, l’être-entouré est déplacé vers l’être-admiré et l’être-imité. La
forme d’évidence du monde domestique tient de l’exemplarité : donner l’exemple et suivre
664
l’exemple. Thomas Hollande, Marine Le Pen, Marine Ronzani et Agnès Bayrou sont
656
Point de Vue 3059.
657
Paris-Match 3014
658
Gala 713.
659
VSD 1544
660
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 214.
661
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 215.
662
Ibid. p. 206.
663
Le cas de François Hollande sera investi en détail lors de l’investigation de l’identité médiatique de Ségolène Royal.
664
Marine Ronzani est la fille de Dominique Voynet.
188
présenté dans cette succession filiale d’engagement et de politisation, ils suivent l’exemple,
« comblent les espérances des parents » prennent « la relève », partagent « le combat
» du père ou de la mère. C’est, d’ailleurs, le thème d’un combat partagé qui rapproche
Ségolène Royal et Thomas Hollande dans Public . Finalement, si la performance met en
scène les fils et filles de politiques qui suivent l’exemple, intrinsèquement le père ou la mère
incarnent l’exemple.
« Etant donné l’importance primordiale accordée à la hiérarchie, l’harmonie
naturelle du monde [domestique] se manifeste particulièrement dans les figures
qui présentent un suite ordonnée d’êtres dans la diversité de leurs états de
grandeur. C’est le cas de la succession des génération (les enfants sont le reflet
665
de leurs parents). »
Du conjoint aux enfants, les récits de soutien instituent le candidat à l’élection présidentielle
dans une supériorité inhérente au monde domestique et à cette figure hiérarchique que
constitue la famille. Le soutien devient la preuve de l’harmonie dans l’ordre établi entre les
êtres.
« L’accomplissement de ces devoirs est ce qui fait l’agrément de la « vie
en commun », ce qui « rend la vie agréable », ce qui permet aux relations
666
individuelles d’être harmonieuses. »
Les rumeurs sur l’absence de Cécilia Sarkozy lors de la campagne présidentielle répondent
précisément à cette injonction à l’harmonie dans le monde domestique déplacée dans le
monde civique, comme si la mésentente du couple niait le rôle de chef de famille de Nicolas
Sarkozy, et donc, sa compétence à pouvoir-être chef de l’Etat. De la même manière, la
compétence de parentalité est déplacée, comme nous le verrons, vers le monde civique
dans de nombreux récits. La transposition du rôle de père ou de mère dans le monde
domestique définit la compétence à pouvoir-être le père ou la mère des Français.
Quel que soit le parcours thématique investi par les « immortelles de campagne »,
celles-ci découvrent des éléments heuristiques pour saisir l’identité médiatique des
candidats. Mais, par ailleurs, elles installent des hiérarchies de grandeurs et des
compétences dans le monde domestique et le monde de l’opinion signifiées comme
révélatrices de hiérarchies et de compétences dans le monde civique. Les différentes
variables qui ont émergé de ce propos seront reprises, dans le chapitre suivant, dans une
investigation focalisée sur chacun des candidats à l’élection présidentielle. Mais, avant de
découvrir les identités médiatiques des candidats, considérons les différents porte-parole.
189
ne sont pas des peoples. Chaque titre construit une définition du personnage people en
fonction de sa ligne éditoriale et de ses récits. A travers l’analyse de chacun des titres
comme porte-parole de la campagne, la définition du personnage people prend forme, en
particulier au travers des différences opérées entre les hebdomadaires du genre. La presse
people faiblement médiatisante refuse de faire accéder les hommes politiques à ce statut.
Si le silence à leur propos n’est jamais total, le mouvement de mise en discours permet
de saisir qui sont ces personnages, héros de leurs récits, et comment la mobilisation des
hommes politiques répond à cette définition de leur personnage typique.
190
Ici-Paris 3221 : « Pour qui votent les people ? » Ici-Paris 3226 : « Ségolène
Royal, Nicolas Sarkozy : ce que révèlent leur écriture »
191
scène les candidats mais ne dit pas en tant qu’il délègue le rôle de destinateur aux peoples
ou à la graphologue.
Dans le premier récit, les sanctions à propos des candidats sont débrayées dans des
citations des peoples et dans une prise de distance du narrateur.
« De son côté, Massimo Gargia a déclaré au nouvel observateur: « dans mon
milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance » tout en ajoutant « Sarko, pour nous,
est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy est un grand
playboy, et ça, c’est très positif, nous, on adore » « Le troisième homme a lui
aussi ses partisans. Patrick Sébastien, notamment, a déclaré dans le parisien:
« lors de nos discussions, j’ai senti un homme qui partage mes valeurs ».
« J’aime ce mec », a confié, de son côté, Vincent Lindon dans Paris-Match. »
« Philippe Torreton a déclaré au sujet de la candidate de gauche : « je suis
environnementaliste. Elle est la seule à prendre en compte les bouleversements
670
de la société à venir. En plus, elle est en de justice quête et de solidarité ». »
L’objet du discours d’Ici-Paris est le discours du people : l’hebdomadaire s’installe comme
énonciateur du discours rapporté, suspendant le contenu du discours du personnage
people. Le narrateur s’attribue le rôle d’énumérer la liste des soutiens pour chaque candidat.
« Ils sont nombreux à le rejoindre ! Doc Gyneco, David Douillet, Arthur, Steevy
Boulay, Didier Barbelivien, Claude Brasseur, Pascal Sevran, Jean-Marie Bigard,
Alain Prost, Philippe Candeloro, David Hallyday, Jean d’Ormesson, Henri
Leconte, Alain Delon, Michel Sardou, Pierre Palmade, Johnny et Laëticia
Hallyday, Cathy et David Guetta, Faudel, Jean Reno, Christian Clavier, Enrico
Macias, Yves Rénier…. » « Ségolène Royal est également soutenue par Jamel
Debbouze, André Dussollier, Cali, Juliette Binoche, Lambert Wilson, Diam’s,
Geneviève de Fontenay, Yvan Le Bolloch, Arielle Dombasle, Bernard-Henri Levy,
Guy Bedos, Carole Bouquet, Jacques Audiard, Michel Piccoli, Pierre Arditi,
Mazarine Pingeot, Daniel Prévost, Sylvie Testud, Samuel Benchétrit, Patrice
Chereau, Christine Angot, Elsa Zylberstein, Juliette Gréco, Agnès B, Nicolas Rey,
Erika Orsenna… » « Le candidat est également soutenu par Jean-Christophe
Rufin, Titouan Lamazou, Jean-Marie Cavada, Jean-François Kahn, François
671
Berléand et Richard Bohringer. »
Dans ce récit, le réel est l’engagement des peoples qui sont sujets de faire et de dire. « Le
672
flux parolier conserve son statut » d’extériorité par rapport au discours du narrateur.
Dans le second récit, si la titraille installe un expert comme énonciateur du récit,
l’absence de guillemets ou de signature empêche de déceler l’identité du narrateur, installant
une confusion entre l’énonciation d’Ici-Paris et celle de l’expert. Seule la titraille est
identifiable, comme celle étant de l’hebdomadaire, par le débrayage de l’expert comme un
tiers.
« Quelle est la véritable personnalité de celui ou celle qui va bientôt diriger
la France ? Qui sont vraiment Nicolas Sarkozy et Ségolène royal, les deux
670
Ici-Paris 3221.
671
Ici-Paris 3221.
672
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit . p. 131.
192
193
676
pour son fils ? » . Si les candidats apparaissent dans cet hebdomadaire, c’est toujours
677
dans une mise en scène à partir d’un personnage plus légitime à être médiatisé. Ces
personnages sont à la fois Destinateurs, destinateurs et sujets de performances. Ils sont
destinateurs des récits et figurent comme les experts ou les témoins habilités par un savoir-
dire. La médiatisation par intermédiaire déplace le savoir-faire et le faire-savoir du narrateur
de Public au narrateur-people à qui est consacré le récit. Cette posture est repérable
par la mise en forme mosaïque des énoncés où le dire des peoples est mis en avant par
une focalisation sur des citations isolées de l’énoncé. La structure dynamique et éclatée
de cet hebdomadaire mélange ainsi énoncé du narrateur et citations des peoples avec
de multiples illustrations, présentant soit le people-énonciateur, soit l’objet de la citation.
678
La textualisation intervient ici comme une manifestation expressive de l’énoncé . Si la
présence des peoples semble évidente dans ce titre, la mise en scène de Thomas Hollande
l’est moins du fait d’une célébrité et une visibilité moindre. Pourtant, Public légitime sa
médiatisation par un portrait qui l’installe, à la fois, dans un être comme les autres et le
renvoie à son ordinarité tout en le dévoilant différents des autres, justifiant la médiatisation
par son extraordinarité.
« Il a 21 ans, écoute 50 cent et Shakira, et habite toujours chez ses parents.
Thomas est un garçon comme les autres ou presque. » « Pourtant au départ,
Thomas n’avais rien d’un militant. « Au lycée, j’étais juste un mec normal qui
allait au judo, avait des copines et regardait le foot à la télé. ». Le 6 mai 2007, en
tous cas, il deviendra peut-être le fils de la première présidente de la république
679
française. Trop cool ! »
Ce portrait permet l’identification du lecteur au fils de Ségolène Royal, devenant un facteur
d’attrait pour les lecteurs à cette candidate : « Thomas Hollande, 21 ans, est l’atout
charme de sa mère… Ségolène ». La renommée ne constitue pas le seul critère d’accès
à Public . Thomas Hollande est moins connu et visible que sa mère : il est plus petit que
Ségolène Royal dans le monde de l’opinion. Pourtant, c’est à travers lui que la médiatisation
de la candidate est opérée bien que la visibilité du fils dépende de celle de la mère, comme
si l’âge et l’activité de la candidate n’en faisait pas une personne « digne d’intérêt » pour
les lecteurs de ce magazine.
« Pour les magazines Closer et Public, la jeunesse est un critère essentiel. Rares
680
sont les peoples qui dépassent 35-40 ans. »
Le monde de l’opinion subit donc une réorganisation qui favorise, de manière dominante,
les candidats de la téléréalité : « Ce sont des personnages attachants autour desquels
les rédacteurs se comportent comme des artisans qui tricotent des vies de jeunes,
681
dans un univers jeune, à destination d’un lectorat jeune » . La jeunesse de Thomas
Hollande contient ainsi un critère justifiant sa médiatisation et permettant l’identification des
lecteurs. Le monde civique est donc déplacée dans le monde domestique et de l’opinion.
676
Public 185.
677
Collectif ou particulier.
678
Cf. Note de bas de page n°144, Chap. II. 1. 1.
679
Public 185.
680
SPIES, 2008, op. cit. p. 141.
681
SPIES, 2008, op. cit. p. 141.
194
Ce déplacement est renforcé par les sanctions du narrateur de Public autour des
citations qui interrogent la crédibilité des propos.
« Le doc n’a pas mâché ses mots pour expliquer son engagement politique (…) Il
n’a pas hésité à tailler un costard à la gauche et aux peoples qui la soutiennent »
« Le rappeur a avancé qu’il obtiendrait sans doute un poste au gouvernement
si le candidat de l’UMP venait à être élu! Le doc au pouvoir, on attend de le voir
pour y croire... » « Quant à Roger Hanin, il a expliqué à Marc-Olivier Fogiel sur le
plateau de T’empêches tout le monde de dormir: « je voterai Nicolas Sarkozy au
second tour parce que je pense qu’il aura une politique de gauche ». Chacun ses
682
raisons. »
C’est moins la sanction porté sur le candidat qui est remise en cause, ici, que le destinateur-
manipulateur du propos : la logique de l’identification politique de Nicolas Sarkozy, par Roger
Hanin, ou l’objet visé, jugé peu crédible, pour Doc Gyneco. L’objet du discours est le discours
du personnage people, la sanction porte alors sur le savoir-dire plus que sur le contenu
même de la citation.
Le silence de cette presse faiblement médiatisante n’est donc pas absolu mais passe
par un jeu avec des intermédiaires. Ceux-ci sont, au niveau sémio-narratif, les personnages
typiques de chacun de ces titres au travers desquels la présence d’un homme politique
trouve sa légitimité. Mais l’intermédiaire peut, par là même, investir le collectif des candidats
au travers d’une mise en scène de la campagne quant à ce qu’il en est. Enfin, ces
intermédiaires sont aussi des intermédiaires au niveau de l’énonciation ; le narrateur-
journaliste délègue le discours à ses actants de narration ou à un autre énonciateur. Voici,
procède, lui aussi, à une médiatisation par intermédiaire, pourtant, contrairement aux quatre
titres investigués ici, il conserve un savoir-dire et un vouloir-dire quant aux candidats mis
en scène.
682
Public 193 (x2), Public 196.
683
CHABROL, C., « Humour et Médias. Définitions, genres et cultures », Questions de communication , 10, 2006, p. 10.
195
L’humour relève d’un jeu « sur la polysémie des mots qui permet de construire deux ou
684
plusieurs niveaux de lecture » . L’ironie en est une des marques les plus présentes dans
le magazine Voici, mais elle n’est pas la seule. On y retrouve, par ailleurs, l’humour par
le jeu sémantique au travers d’énoncés insolites (définis par Charaudeau comme la mise
685
en relation d’univers étrangers l’un à l’autre mais dont le récit établit un rapport ) et de
nombreux jeux de mots.
« Comme Sophie de la Rochefoucauld (qui a joué dans Cordier, juge et flic
et dans PJ), vous pensez que les rôles de Sharon Stone devraient être mieux
partagés ? Votez Marie-George Buffet ! » « Comme Renaud, vous pensez
que le pastis transgénique est mauvais pour la santé ? Votez Dominique
Voynet ! » « Avec elle, les plus démunis auront le droit à un coup de pouce et
les chirurgiens esthétiques à un gros chèques. » « C’est lui [François Bayrou] le
nouvel ami de Patrick. Après le petit bonhomme en mousse évidemment. » « Elle
aimait son look bohème. Il adorait son look bourgeois. Mais depuis quelques
semaines, c’est leur amour qui a bobo » « Si la journaliste a renoncé au Soir 3,
c’est parce que son chéri est sur le point d’avoir une belle promo. Quelle femme
686
adroite ! »
De son côté, l’ironie est une figure de pensées et non de mots : elle mêle procédés
linguistiques et procédés discursifs, elle consiste « à faire entendre le contraire de ce
687
que l’on dit dans le moment même et par l’acte même où on le dit » . Robert Escarpit
met le paradoxe ironique au cœur même de tout processus humoristique, « par la mise en
contact soudaine du monde quotidien avec un monde délibérément réduit à l’absurde
688
» . Voici adopte très largement un ton ironique jouant sur la tension entre signifié et
signifiant. L’omniprésence de ce mode rhétorique dévoile plusieurs formes d’ironie dans
les récits de notre corpus principal, toutes ayant le même objectif : celui de moquer et de
dénoncer. L’antiphrase ironique est la forme la plus typique ; elle sert à dire l’inverse de ce qui
est signifié tout en amplifiant ce signifié par la ridiculisation de ce qui est dit : « L’énonciateur
dit quelque chose de contraire à ce qu’il pense (c’est l’antiphrase), mais en même
temps, il veut faire entendre ce qu’il pense. Il doit donc construire un destinataire
idéal qui puisse comprendre que ce qui est donné à entendre est l’inverse de ce qui
est dit. Pour ce faire, il fournit au destinataire des indices (ton, mimique, geste) lui
689
permettant d’opérer ce renversement ou cette conversion » .
« La délicatesse de ses [Pascal Sevran] propos sur la sexualité des Africains
lui a valu de soulever une polémique à l’échelle internationale » « Nicolas
Sarkozy n’a jamais mélangé vie privée et vie politique. Jamais ! » « Eux, un
couple improbable ? Sûrement pas ! Ce qui unit la femme de lettres et l’as de
690
l’obstétrique est infini… »
684
CHARAUDEAU, P., « Des catégories pour l’humour ? », Questions de communication , 10, 2006, p. 32.
685
Ibid. p.34.
686
Voici 1014 (x3), Voici 1009, Voici 1005, Voici 998
687
BERRENDONNER, A., Éléments de pragmatique linguistique, Paris : Éd. de Minuit, 1981, p. 216.
688
ESCARPIT, R., L’Humour, Paris : PUF, coll. Que sais-je, 1987, p. 115.
689
CHARAUDEAU, 2006, op. cit. p. 28.
690
Voici 1009, Voici 998, Voici 993.
196
691
Voici 1009, Voici 993, Voici 1001, Voici 1009.
692
COURTES, 1991, op. cit. p. 246.
693
JAUSS H.-R., Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, 1978, p.6.
694
RAUS, R., « L’ironie à l’épreuve des textes : vers une définition empirique de cette notion », Bouquets pour Hélène :
Formes et représentations de l'ironie et de l'humour , 2007. [En ligne : http://publifarum.farum.it/ezine_articles.php?id=40]
197
695
référence . Dans le cas du récit « Sois pas jaloux, Sarko ! » sur le couple Doc Gyneco et
696
Christine Angot , l’évaluation d’assomption consiste en une évidence : Ne-pas-pouvoir-
ne-pas-être ensemble, une évaluation dénoncée par le narrateur au travers d’hyperboles
et d’antiphrases ironiques, dénonçant une manipulation de la part de ces deux peoples :
« A Brives, puis à Paris, Christine et Bruno ont fièrement affiché leurs sentiments,
s’embrassant, se serrant l’un contre l’autre. Un vrai miracle, à l’heure où le disque de
l’un et le livre de l’autre peinent à trouver leur public. ». Cette dénonciation en permet
une autre : celle de la manipulation médiatique de l’amitié Nicolas Sarkozy/Doc Gynéco.
« Oublié le président de l’UMP ? Oui : désormais le rappeur mou est accro à la
romancière » « Aujourd’hui n’en déplaise au patron de l’UMP, c’est pour et par
697
l’amour que Christine et le Doc ont choisi d’exister. »
Voici dénonce ainsi la mise en scène d’un couple et d’une amitié en niant le ne-pas-
pouvoir-ne-pas-être ensemble:
« Elle a peur de ne plus trouver la force d’avancer, il se demande s’il reste des
bières dans le frigo. Eblouis par cette fascinante gémellité, ils ont décidé de ne
698
plus se quitter. »
Dans cet exemple et dans tous les récits de notre corpus, la dénonciation et l’ironie portent
sur les actants de narration et ne se font pas aux dépens du lecteur. Le destinataire, débrayé
par le « vous », ne constitue donc pas la victime mais le complice, « appelé à partager la
vision décalée du monde que propose l’énonciateur, ainsi que le jugement que celui-
ci porte sur la cible. Il est comme un témoin de l’acte humoristique, un destinataire-
699
témoin » . L’utilisation de l’humour chez le magazine Voici relève de stratégies de
séduction, créant une situation de connivence avec le lecteur.
Sous le prisme du dédoublement de l’énonciateur comme narrateur et acteur, la
particularité rhétorique de Voici déploie, dès lors, un chemin vers l’action critique de ce
700
magazine quant au phénomène de peopolisation , dénonçant « des visions normées
du monde en procédant à des dédoublements, des disjonctions, des discordances,
701
des dissociations dans l’ordre des choses » . A ce stade de notre propos, cependant,
nous limiterons notre réflexion sur le ton ironique et humoristique, dans le confinement de
l’énoncé, et donc dans la sanction des actions et êtres de papier.
Si chacun des candidats mis en scène subit le ton ironique de Voici, nous remarquons
que les identités médiatiques diffèrent et révèlent un ancrage politique du magazine.
Ségolène Royal est toujours mobilisée à partir d’un intermédiaire-médiatisant. Elle est mise
695
HEBERT, 2006, op. cit. [En ligne] : La première révèle le classement des valeurs qui justifie le faire et ordonne l’être des actants de
narration, la seconde permet au narrateur de sanctionner les actants de narration et d’infirmer ou confirmer l’évaluation d’assomption.
Le narrateur, dans ce cas là, devient le juge de la conformité des actions par rapport à l’axiologie de référence engagée par le
Destinateur du schéma narratif.
696
Voici 993.
697
Voici 993.
698
Voici 993.
699
CHARAUDEAU, 2006, op. cit.p. 23.
700
Le déplacement de notre considération du récit comme narration vers le récit comme action, en conclusion, reprendra cette
spécificité de ce magazine people dans la performance de la peopolisation.
701
CHARAUDEAU, 2006, op. cit.p. 24.
198
en scène par Voici dans deux récits sur Philippe Torreton, puis dans un récit sur le vote
people à partir d’Emmanuelle Béart, et enfin une dernière fois, dans l’article « Le grand
n’importe quoi » au travers d’un récit sur Laurent Ruquier. Ségolène n’est donc jamais le
sujet d’une performance. Mais deux récits permettent de considérer une certaine identité de
702
Ségolène Royal, son être-de-gauche et son être-femme . Ce dernier est sanctionné
positivement par le narrateur : « Femme au pouvoir, France plein d’espoir » ; une
sanction renforcée par la comparaison à un autre people énoncé dans un ne-pas-vouloir-
faire pour les pauvres : « C’est pas Steevy qui aiderait les sans-papiers ! », un people
qui sert, à l’inverse, à médiatiser Nicolas Sarkozy : « Contrairement à Steevy, fan de
Sarko ».
Le candidat de l’UMP est mobilisé, dans Voici, dans sept récits de notre corpus.
Il est mis en scène à partir de récits à propos de Johnny Hallyday, Doc Gynéco, Marie
Drucker et François Baroin, Pascal Sevran, Steevy, Estelle Denis et Marc-Olivier Fogiel.
Toutes ces personnalités permettent au narrateur de construire une certaine image de
Nicolas Sarkozy. Ici, nous regroupons les jonctions repérables dans ces discours à propos
de Nicolas Sarkozy.
703
Nicolas Sarkozy U petite taille « Nicolas ? Un gars comme ça. Enfin à peu près grand
comme ça… » « A force de le voir avachi, on pensait qu’il n’était pas grand. Ce cliché prouve
le contraire : le Doc est un géant » (en légende d’une photo de Doc Gyneco au coté de
704
Nicolas Sarkozy) Nicolas Sarkozy ∩ solidarité « Pas la France des assistés, non
plus, mais l’autre qui turbine » « Bien sûr, il n’y aura plus ni hôpitaux, ni école gratuite,
mais tout le monde pourra partir à Saint-Barth (en jet pour les millionnaires, en trottinette
pour les ouvriers). » « Avec Jojo, fini l’impôt ! » « Pourquoi voter pour lui ? Parce que
l’idole des jeunes, qui s’est exilée en Suisse, déteste les impôts. Avec lui, ils seraient donc
supprimés ! Résultat, une France en mouvement où chacun peut profiter du bon argent qu’il
a gagné » « Hallyday vote Sarko ! » « Pas toujours remis de l’exil (façon bras d’honneur)
de Johnny Hallyday. Heureusement, des célébrités attachées au principe de solidarités
705
nationales résistent encore et toujours » Nicolas Sarkozy U manipulation/stratégie de
séduction « Grâce à son bon copain de Neuilly, Pascal a évité le chômage » « A France
2, on raconte (…) que l’encombrant personnage ne devrait son maintien qu’à son soutien au
candidat Nicolas Sarkozy (…) L’avenir de Pascal Sevran dépendra du résultat de l’élection
présidentielle. Pour le meilleur ou pour le pire, c’est selon. » « Nico a accepté de ranger son
habit de candidat pour revêtir celui d’homme comme les autres (dans les limites imposées par
ses conseillers en communication), jouant le jeu de la politique-spectacle. » « Sois pas jaloux,
706
Sarko ! » (À propos de la mise en visibilité de Doc Gyneco par Christine Angot)
199
celle qui est de ne pas soutenir Nicolas Sarkozy et de produire une image négative du
candidat de l’UMP. Sous couvert d’insolences et de moqueries, se révèle donc un sérieux
implicite, attribuable à une ligne éditoriale engagée non pas dans la mise en avant ou le
soutien d’un programme ou d’une personnalité mais dans la critique d’un candidat : Nicolas
Sarkozy. Le seul autre candidat de droite mis en scène par Voici est Philippe De Villiers. Il
subit une sanction franche par le narrateur des récits :
« Comme Patrice Rio (footballeur un peu connu en 1982), vous avez peur des
707
barbus, votez Philippe De Villiers » .
Si cette sanction corrobore un ancrage à gauche, l’énoncé est trop court pour généraliser
et conclure sur une position politique à gauche. Mais la mise en scène de Nicolas Sarkozy
dévoile, pourtant, un engagement personnifié, ou, ici, un engagement à l’encontre d’une
personne. Intervient alors une hypothèse de recherche que nous investirons en conclusion :
Les lignes éditoriales repérées de gauche déploieraient une attitude critique face
au phénomène de peopolisation.
Voici , au travers de récits anti-sarkozystes rejoint-il les lignes éditoriales dites « de
gauche » dans sa construction de la peopolisation ?
707
Voici 1014.
708
Cf. Annexes E. 1. où figure un résumé des concordances des noms propres des candidats dans Closer, réalisé à partir du
logiciel Lexico.
709
Closer 84 et Closer 77
200
710 711
de Ségolène Royal avec le recul et l’humilité et la disjoint de la violence . Son « rôle
de mère », associé à celui de femme et de politique construit la figure de la femme
712
moderne, « une femme urbaine en campagne » . C’est une « femme qui réussit et
qui s’entretient », une des « grandes femmes modernes », « la femme la plus
observée, la plus présurée, détaillée et commentée de l’hexagone », une « femme
713
charismatique » . Une politique, une femme, une mère : trois définitions qui permettent
de produire une identité médiatique positive de Ségolène Royal, pour finalement lui octroyer
les compétences de savoir-être et de pouvoir-être chef de l’Etat. L’explicitation de
714
cette évaluation se trouve dans l’article consacré à Claire Chazal et Philippe Torreton .
Philippe Torreton est sujet de faire et d’état dans ce récit : il est celui qui produit sa propre
conjonction avec son engagement politique (PN d’usage) et disjonction avec Claire Chazal
(PN de base). Mais ce programme narratif complexe s’épaissit dans l’encart « Les prises de
position de Philippe Torreton vont-elles mettre Claire en danger? ». Philippe Torreton
apparaît, ici, comme destinateur-judicateur sanctionnant positivement Ségolène Royal (le
destinateur-manipulateur de la performance).
201
narrateur. Il est impossible de considérer dans quelle mesure Closer s’associe au discours
de Patrick Sébastien. Pourtant, nous ne pouvons ignorer que cette sanction d’incompétence
est la seule visibilité du candidat UMP dans cet hebdomadaire entre le 17 novembre 2006
et le 14 mai 2007. La visibilité restreinte de Nicolas Sarkozy se confirme dans un vouloir-
ne-pas-faire du narrateur. L’actualité de Doc Gyneco, du couple Marie Drucker/François
Baroin ou de Johnny Hallyday justifie la visibilité de Nicolas Sarkozy dans les autres titres
de presse people. Pourtant, Closer choisit de ne pas saisir cette opportunité, refusant
de rendre visible le candidat. Lorsque Marie Drucker met sa carrière de journaliste entre
parenthèses le temps de la campagne, Closer motive ce choix en associant François
Baroin (son compagnon) et Jacques Chirac : « D’autant que son compagnon, très
proche de Jacques Chirac –dont on dit qu’il est le « fils spirituel » ! – devrait être plus
717
qu’impliqué dans la course aux élections. » . Sous ce même principe, dans Closer
87, un encart focalise l’attention sur la promotion du livre de Doc Gyneco : « Les grands
esprits se rencontrent. Sarkozy et moi, une amitié au service de la France. ». Mais,
ni le titre de ce livre ni le nom de celui à qui il est consacré ne sont énoncés. La distinction
entre invisibilité et non-visibilité contient-elle une intentionnalité en son creux ? Remarquons,
enfin, que cet hebdomadaire ne propose aucun article collectif sur les candidats. Or, ceux-
ci sont l’occasion de mettre en scène tous les candidats à l’élection présidentielle. Mais
Closer ne focalise son regard que vers Ségolène Royal.
Closer appartient au mode mimétique bas, un mode qui se caractérise, entre autres,
par le principe de médiatisation indirecte. Ce type de médiatisation, on l’a vu, n’est pas
complet car la candidate PS peut être médiatisée sans intermédiaires. Sa qualification
d’appartenance au collectif des stars rejoint cette logique. Ainsi, Closer est le seul
hebdomadaire du mode mimétique bas à juger digne d’intérêt un candidat en lui attribuant
un statut qui lui permet de figurer dans un récit comme personnage principal sans que le
narrateur n’ait recours à un « intermédiaire médiatisant ». Par ailleurs, la candidate est mise
718
en scène à partir de certaines de ses visites de campagne . Ici encore, Closer est le
seul titre du mode mimétique bas à se saisir d’un discours ou d’une pratique ordonnée par
un homme politique dans le cadre de la campagne présidentielle. Ainsi, en plus de définir
la campagne par ce qu’elle est, Closer met en scène ce qui s’y passe mais ce, toujours,
par et pour Ségolène Royal. De cette focalisation flagrante sur la candidate, des sanctions
positives sur son pouvoir-faire et pouvoir-être qui émergent de ces récits et enfin, de sa
qualification en tant que personnalité ayant accès à un état de grandeur lui permettant d’être
médiatisée sans intermédiaire et d’être le sujet principal des récits dans la campagne de par
ce qu’il en est et ce qui s’y passe, une conclusion semble s’imposer : Closer développe
une médiatisation pro-Royal.
717
Closer 79.
718
Closer 84 et Closer 85.
202
Lors de la campagne présidentielle, Gala met en scène les candidats avec un intérêt
porté, à la fois, à l’intimité de l’homme politique et à son apparence. Parmi les douze articles
figurant dans notre corpus, deux sont consacrés à l’apparence, six sont des « immortelles
de campagne », deux focalisent leur attention sur un candidat, un à un couple et le dernier
à Nicolas Sarkozy élu. Gala est le seul à consacrer un article à un des petits candidats :
José Bové. Bien que les quatre candidats les plus importants tiennent une large part dans
ces articles, la place accordée aux petits reste proportionnellement importante.
Liste des candidats mobilisés dans les récits de Gala. Gala 703 « Nuit Glamour à
l’Elysée » : Nicolas Sarkozy Gala 711 « Qui est le plus riche ? Les candidats révèlent
leur patrimoine » : Tous sauf Olivier Besancenot, Gérard Schivardi et Frédéric Nihous Gala
711 « Ségolène et François » : Ségolène Royal Gala 713 « Cécilia et Nicolas Sarkozy -
leur pacte intime : cinq clés pour comprendre leur couple » : Nicolas Sarkozy Gala 714
« Royal look » : Ségolène Royal Gala 716 « Fils et filles de politiques : Ont-ils attrapés
le virus ? » : Dominique Voynet, François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-
Marie Le Pen Gala 717 « José Bové : son nid dans le Larzac » : José Bové Gala 718
« Salon de l’agriculture : à chacun sa campagne ! » : Jean-Marie Le Pen, François Bayrou,
Marie-George Buffet, Philippe de Villiers, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy Gala 720 «
François Bayrou. Mais pourquoi plait-il tant aux français ? » : François Bayrou Gala 722 «
Mon père, mon drame… » : Jean-Marie Le Pen, François Bayrou, Ségolène Royal, Nicolas
Sarkozy, José Bové Gala 723 « Ce que révèle leur visage » : Tous. Gala 725 « Nicolas
Sarkozy et Ségolène Royal démasqués par leur écriture » : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal
Gala 726 « Nicolas Sarkozy Président » : Nicolas Sarkozy
Cette présence des petits candidats s’explique en partie par le crédit accordé aux
personnages politiques ; leur grandeur suffit à leur reconnaissance par Gala qui n’a
pas besoin d’intermédiaire médiatisant. Ils sont les personnages principaux des récits.
Cependant, ce n’est pas l’acteur politique qui est mobilisé mais l’être issu du monde
domestique et du monde de l’opinion. Le seul récit consacré à une activité politique s’étend
719
sur la visite des candidats au salon de l’agriculture . Le narrateur se saisit de l’évènement
pour différencier deux types de compétences : le savoir-être et le vouloir-faire. La première
est l’apanage des personnages conjoints de sincérité ; c’est le cas, dans ce récit, de François
Bayrou et Jacques Chirac. La seconde est celle du parcours thématique de la manipulation.
« C’est l’histoire d’une bête des médias et d’un petit chevreau. Venu aux aurores
– pour copier son rival François Bayrou – Nicolas Sarkozy a également assisté à
720
la traite des vaches. »
Les récits de Gala contiennent presque toujours un parcours polémique pris entre
manipulation, sincérité et humilité. La simplicité dans le monde domestique et la sincérité
comme l’humilité dans le monde de l’opinion figurent, dans cet hebdomadaire, comme le
ferment du caractère extraordinaire. Ainsi, les récits sur François Bayrou et José Bové
insistent sur le savoir-être de ces deux candidats.
« Bayrou (prononcer « baillerou »), c’est l’homme qui prend son temps et qui a de
la terre à ses souliers » « Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial,
apprécie le calme de son tête-à-tête du week-end. ici, les repas se déroulent
toujours à la bonne franquette » « Sans doute le côté agrégé de lettres (…) et la
719
Gala 718
720
Gala 718
203
721
Gala 720 (x4), Gala 717.
722
Gala 717, Gala 720 (x2).
723
Gala 720, Gala 717.
724
Gala 720 (x2).
204
725
Gala 713.
726
Nous reviendrons plus précisément sur ce double parcours lors de l’analyse de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy (Chap.
VI), en soulignant une attitude ambigüe de la part de ce narrateur.
727
MORIN, E., Les stars, Paris : Galillée [édition illustrée], 1984, p. 72.
728
Gala 711, Gala 713
729
MORIN, 1984, op. cit. p. 72.
205
206
Liste des récits de VSD et Paris-Match , installés dans le monde civique VSD 1527
« Jeux de mains à l’Elysée. » VSD 1528 « Ségolène Royal dans la poudrière du Proche-
Orient» VSD 1531 « François Bayrou. Interview du candidat de l’UDF » VSD 1533 « Nicolas
Sarkozy : « je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi, c’est d’être élu ». » VSD 1538 « Royal
rassure le PS » VSD 1540 « Ségolène Royal réunit toute la famille PS » VSD 1540 « La
guerre contre Bayrou continue » VSD 1542 « Sarko, Ségo, Bayrou : la guerre des trois. »
VSD 1547 « Secrets de campagne » VSD 1548 « Sarkozy/Royal : le sacre du second
tour… » VSD 1550 « Le jour de sa vie » VSD 1550 « Ma vigilance sera sans faille » VSD
1550 « Les trente jours que promet Sarkozy » Paris-Match 3003 « Sarkozy prend son envol. »
Paris-Match 3009 « Sarkozy : C’est Parti » Paris-Match 3012 « Ségolène y croit toujours
» Paris-Match 3013 « Ségolène Royal, la contre-attaque » Paris-Match 3013 « Du coté
de chez Sarko, à la mutualité, on croit plus que jamais que tout est possible » Paris-Match
3013 « Pendant ce temps-là, Bayrou grimpe… dans les sondages » Paris-Match 3018 :
« Présidentielle : Demandez le programme ! » Paris-Match 3019 : « Alors que Sarkozy quitte
la place Beauvau, Borloo choisit de le rejoindre… » Paris-Match 3022 : « Veillées d’armes »
Paris-Match 3023 : « Sarkozy l’émotion ! » Paris-Match 3023 : « Le temps des tractations
Paris-Match 3024 « Ségolène soulève les foules » Paris-Match 3024 « Sarkozy allume le feu
à Bercy » Paris-Match 3024 « Génération Sarko - Génération Ségo »
207
bien commun. Ce modèle n’est jamais absolu mais il trouve prise dans un certain nombre
de récits, que nous identifions dans la comparaison aux récits personnifiés, typiquement
représentatif du genre people.
Dans ces récits, les mondes de l’opinion et domestique ne constituent pas des points
de passages obligé pour la présence des candidats à l’élection présidentielle, leur être
et leur action dans le monde civique suffisent à la mobilisation médiatique. Ces deux
derniers mondes viennent épaissir le récit mais ne sont pas son propos ou à son origine.
Chacun de ces récits, parallèlement, répond à la campagne présidentielle comme contexte
d’émergence de pratiques et de discours et met en scène une actualité récente des
personnages alors envisagés comme acteurs politiques. La campagne présidentielle est
signifiée comme un espace stratégique qui « oblige à analyser les actes et les paroles
736
destinés à persuader et séduire les différents électorats » . Ces différents articles
s’attachent à décrire et interpréter ces actes et ces paroles. Dans ce cadre, nous nous
éloignons du genre people et nous rapprochons de la presse dite « sérieuse ». Nous le
remarquons particulièrement dans une comparaison d’un article portant apparemment sur
le même objet.
Ces deux récits décrivent le diner de gala, donné le 20 novembre 2006, par l’Elysée
en l’honneur du roi du Cambodge, Norodom Sihamoni. VSD se saisit de ce diner pour
décrire les relations tendues entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy : « Malgré les
apparences, la guerre des barons de la majorité fait rage. Chiraquiens et Villepinistes
n’ont pas renoncé à abattre le patron de l’UMP. ». Gala , de son côté, ne mobilise
le monde civique que pour l’identification des personnages ; le sujet principal est Cécilia
Sarkozy alors conjointe de l’élégance. Cette différence de couverture médiatique d’un même
évènement montre comment la parole peut être déplacée et signifiée très différemment
selon les espaces dans lesquels on la mène. Le monde civique est, pour VSD , l’espace
de signification.
Ainsi, dans Paris-Match et VSD , la visibilité des candidats à l’élection présidentielle
peut rester dans les confins du monde civique sans être négociée dans un mélange de ce
monde avec le monde domestique et/ou de l’opinion, comme c’est le cas pour les autres
de la presse people. Paris-Match explicite d’ailleurs la légitimité de ces acteurs politiques
à figurer au cœur de leurs récits dans une « immortelle de campagne » consacrée au vote
people :
« Les stars de la politique n’ont pas besoin du marchepied du show-biz pour
737
accéder au premier rôle »
Il y a, donc, du politique dans VSD et Paris-Match … mais, il y a aussi du people. En effet,
dans les articles cités précédemment comme relevant du monde civique, une analyse plus
fine montre que si l’objet semble a priori issu de ce monde, les performances s’en éloignent.
Il y a, en effet, celles qui, sous couvert de rendre compte d’un objet du monde civique,
mettent en scène des objets du monde domestique. C’est le cas, par exemple, des récits
736
CHARAUDEAU, P., Entre populisme et peopolisme : Comment Sarkozy a gagné !, Paris : Ed. Vuibert, 2008, p. 9.
737
Paris-Match 3016.
208
738
« Secrets de campagne » et « Sarkozy/Royal : le sacre du second tour… » .
Le premier s’attarde à conjoindre les candidats d’objets pour signifier la réussite de leur
campagne. Ainsi, les secrets de campagne de Ségolène Royal dévoilent le soutien de son
fils et sa visite dans le « berceau vosgien de son enfance ». De son côté François
Bayrou, « pour tenir (…) dit se shooter aux kiwis et à l’adrénaline et (…) relâche un
739
peu la tension quand il va diner avec ses proches » . Notre second exemple, s’il
annonce « un retour de la bipolarité », dévoile, dès son sous-titre, un traitement issu du
monde domestique : « Avec une participation de 84%, les Français ont consacrés les
740
candidats UMP et PS, deux personnalités opposées » . La bipolarité n’est pas celle
de deux partis, ni de deux programmes, mais celle de deux individualités débrayées dans
leurs intériorités, dans leur « for intérieur » comme VSD l’annonce, dans la titraille du récit
741
« Nicolas Sarkozy : « Je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi, c’est d’être élu ». » .
Mais ces récits a priori issus du monde civique peuvent se déployer, par ailleurs, dans
le monde de l’opinion. C’est le cas des articles de Paris-Match 3024 intitulés : « Ségolène
soulève les foules », « Sarkozy allume le feu à Bercy » et « Génération Sarko
- Génération Ségo ». Ces récits installent des épreuves modèles de ce monde au cours
desquelles la grandeur de la vedette devient évidente. Dans ces cérémonies de célébration
de la grandeur du monde de l’opinion, il y a les petits : les « sympathisants », les
« supporters », « l’enthousiasme d’une salle comble », les « grandes marées et
les vagues de passion », les « admiratifs », « les foules », « la foule humaine »,
« une armée de téléphones portables », augmentés par des personnages célèbres venus
soutenir le candidat : « des dizaines de vedettes », « les peoples », « les écrivains »,
« les intellectuels », « une foule de chanteurs »,
« des artistes de tous les styles, de la variété à la world culture, de la jeune
scène française à d’ex-yéyé », « des acteurs, des rock star, des saltimbanques »,
des « VIP », « l’impressionnant casting ». Ces récits s’attardent particulièrement sur
742
l’ambiance et l’atmosphère de la cérémonie décrite à l’aide d’objets typiques du monde de
l’opinion, tels que « les applaudissements », « des affiches (…) partout sa tête, partout
son prénom, écrit ou scandé » ou des « micros tendus et stylos en bataille » pour enfin
qualifier cette cérémonie de « grand show » où le candidat « soulève l’enthousiasme
743
» et « électrise les foules » . Ainsi, le monde civique s’efface dans la traduction de
l’évènement porté alors vers le monde de l’opinion. Le discours politique est ignoré au profit
de la cérémonie dans laquelle il prend place ; une cérémonie qui est moins désigné comme
un meeting que comme une célébration de la célébrité.
Enfin, si nous reprenons la comparaison des deux récits sur la soirée à l’Elysée en
l’honneur du roi du Cambodge, nous remarquons que la performance principale mise en
scène dans Gala , installant l’élégance de Cécilia Sarkozy comme un pouvoir-être
première-dame, est aussi présente dans VSD, même si elle ne tient pas le récit.
738
VSD 1547 et VSD 1548.
739
VSD 1547.
740
VSD 1548.
741
VSD 1533.
742
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 229.
743
Paris-Match 3024.
209
Liste des récits de VSD et Paris-Match, installés dans les mondes de l’opinion et
domestique. VSD 1526 « Ségolène Royal : L’enfance d’un chef » VSD 1529 « Femmes :
elles ont dominé 2006 » VSD 1530 « Johnny : les dessous de la polémique » VSD 1531 «
Le thème astral de la présidentielle 2007 » VSD 1534 « Le grand retour de Cécilia Sarkozy
» VSD 1535 « Le couple Royal/Hollande dans la tempête » VSD 1535 « Les gourous de
Ségolène Royal » VSD 1536 « La présidentielle est-elle téléguidée ? » VSD 1541 « Les stars
et la politique, la guerre des étoiles » VSD 1543 « Le berceau des candidats » VSD 1544
« Cécilia Sarkozy/Babette Bayrou : Duel de premières dames » VSD 1548 « Ségo/Sarko :
Deux destins forgés par leurs fractures de jeunesse » Paris-Match 3007 « Ségolène Royal et
Nicolas Sarkozy : les rivaux du zodiaque » Paris-Match 3007 « Les nouveaux habits de Jean-
Marie Le Pen » Paris-Match 3008 « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » Paris-Match 3011
« Une baby-sitter nommée Marie-Ségolène» Paris-Match 3014 « Quel couple à l’Elysée ? »
Paris-Match 3015 « ENA 1980, la promo Ségolène : un sacré millésime» Paris-Match 3016
« Présidentielle : les peoples dans la campagne » Paris-Match 3016 « Marielle de Sarnez :
la femme qui a fait Bayrou » Paris-Match 3017 « Bayrou, Sarkozy, Royal, ils marchent vers
leur destin. Retour aux sources » Paris-Match 3019 « Ségolène Royal en toute intimité »
Paris-Match 3020 « La campagne de ville en ville. Comment font les candidats pour tenir sur
la longueur ? » Paris-Match 3020 « Sarkozy, l’homme derrière le candidat.» Paris-Match
3021 « Babeth et François Bayrou : A deux tout est possible » Paris-Match 3021 « Revoilà
Cécilia » Paris-Match 3024 « Tout a commencé comme ça »
210
Pourtant, ces hebdomadaires poursuivent une ligne éditoriale portée vers les logiques
du récit people et déplacent principalement la parole des candidats vers les espaces
domestique et de l’opinion.
211
Ségolène Royal, de son côté, est décrite comme une « candidate qui joue la sérénité » mais
qui est conjointe parallèlement avec la fatigue, même si celle-ci est sanctionnée comme
moins forte.
749
« On la sent plus libre et paradoxalement moins fatiguée »
212
213
discours. L’entourage constitue, dans l’ensemble des récits issus de cet hebdomadaire, à
la fois, un adjuvant et un destinateur pour la tenue de la campagne et la victoire, comme si
760
« ensemble, tout devient possible » . La question du soutien permet, par ailleurs, d’opérer
une distinction entre les différents candidats.
Le soutien est un adjuvant à la campagne présidentielle qui témoigne d’une sanction
positive d’usage quant au candidat. Il sert de preuve de ralliement et d’appréciation.
« Réunis autour d’un seul mot d’ordre pour « nous, c’est elle ». » « Un amiral, des
acteurs, des rock stars, des militants… Il faut de tout pour rassembler » « Tous
vibrent en écoutant Nicolas marteler : « Ensemble, c’est sans doute le mot le
plus important de cette campagne ». » « « Ensemble tout devient possible » dit
761
Nicolas Sarkozy. Le message est passé. » « A deux, tout est possible »
L’omniprésence de cette question repose, parallèlement, sur la présence hebdomadaire
d’un sondage d’intentions de vote dans la rubrique « Match de la semaine ». Le soutien est
exprimé, ici, par celui des électeurs.
« Sarkozy l’emporte face à Ségolène » « Sarkozy bat toujours Ségolène »
762
« Sarkozy bat largement Ségolène Royal » « Sarkozy toujours devant Royal »
Ainsi, chaque semaine Paris-Match publie un sondage permettant de construire la question
du soutien au travers des intentions de vote, mais ce soutien est aussi celui de l’entourage
familial et amical, des personnalités célèbres et des acteurs politiques dans les récits.
A l’instar des résultats des sondages, Paris-Match construit, au fil de ses récits, une
figure de Nicolas Sarkozy comme largement soutenu, un soutien beaucoup plus réduit
et incertain pour Ségolène Royal. Distinguons maintenant les différents soutiens et les
sanctions portées par le narrateur des récits à ces soutiens.
Dans le monde civique, deux types de soutiens semblent compter : le soutien du scrutin
et le soutien du collectif. Si le premier est décliné au travers des sondages et installe de
manière très explicite Nicolas Sarkozy dans un état de grandeur plus fort que Ségolène
Royal, il est, par là même, installé dans le récit et mis en intrigue. Ainsi, dans le numéro
3020, tandis que du côté de Nicolas Sarkozy, « quelques 40 000 militants et sympathisants
s’étaient déplacés. Seule la moitié est entrée », pour Ségolène Royal, « la salle est quasi
763
comble. Entre 12000 et 15000 personnes estime le service d’ordre militant. » . Dans
le numéro 3013, Ségolène Royal « a tenté de faire redécoller sa campagne, (…) mais
les sondages restent à la baisse » tandis que Nicolas Sarkozy « localise les adresses
764
des 80000 nouveaux soutiens qui vont prêter main forte au candidat » . Mais le soutien
dans le monde civique est aussi celui du collectif que le candidat représente : son parti
politique. Le parallélisme entre les parcours dévoile une même hiérarchie de grandeur entre
les candidats. Tandis que les acteurs politiques soutenant Nicolas Sarkozy, « des plus
convaincus aux plus pros, sont admiratifs devant la bête politique » et « tantôt attentifs,
765
tantôt transportés » , du côté de Ségolène Royal, « en apparence, la photo est respectée :
les ténors du PS sont au premier rang. », « tout le monde – ou presque – se lève », « devant
760
Un dérivé de ce slogan figure comme titre d’un article sur le couple Bayrou : “A deux, tout est possible”.
761
Paris-Match 3024 (x3), Paris-Match 3009, Paris-Match 3017.
762
Paris-Match 3009, Paris-Match 3011, Paris-Match 3013, Paris-Match 3020.
763
Paris-Match 3024.
764
Paris-Match 3013.
765
Paris-Match 3014
214
la foule en délire, les éléphants cachent leur joie » et « pendant ce temps, Lionel Jospin,
766
absent de Villepinte, fait ses courses à Paris » .
Dans le monde de l’opinion, le soutien est celui des personnalités extérieures au monde
civique mais dont la reconnaissance peut servir la reconnaissance du candidat. Pour le
candidat UMP, « les soutiens se ramassent à la pelle », « des dizaines de vedettes qui se
pressent dans sa loge (…) l’enthousiasme est tel que la plupart des VIP en oublient même
767
de se servir un rafraichissement au buffet » . Mais, cet entourage people est aussi présent
pour Ségolène Royal : il y a « une foule de chanteur, des artistes de tous les styles, de
la variété à la world culture, de la jeune scène française à d’ex-yéyé », « un ralliement
768
d’enthousiasme, valable autant pour les électeurs anonymes que pour les peoples » .
Enfin, c’est dans le monde domestique que s’exprime la dernière forme de soutien
permettant une fois encore de comparer les deux candidats principaux. L’entourage familial
et amical incarne un double rôle : il est à la fois adjuvant parce qu’il soutient mais aussi
parce qu’il est un lieu pour se ressourcer. C’est dans le numéro 3020, que le narrateur
explicite ce dernier rôle au travers de la mobilisation d’un expert, « le cardiologue Philippe
Douste-Blazy » sur la tenue d’une campagne : « Il faut se caler quelques plages avec des
amis intimes, pour ne pas se sentir emprisonné en permanence et s’échapper de temps en
temps ». Quatre acteurs issus du monde domestique soutiennent le candidat : le conjoint,
le couple, les enfants et la famille. Ces deux derniers sont toujours signifiés, pour les deux
candidats, comme des adjuvants
« Autour de lui, dans son bureau, les photos de ceux qui lui donnent envie
de gagner » « Fête de famille pour Thomas et son père. Le jeune homme est
très impliqué dans la campagne de sa mère » « Devant la foule en délire, les
éléphants cachent leur joie, mais la famille Hollande est aux anges » « La famille
est réunie. Au sens large. Les enfants, ses frères, sa mère. Après son discours,
Nicolas Sarkozy les a retrouvés avec ses amis, à l’écart des journalistes et des
769
photographes. »
La performance du couple et du conjoint dans son soutien est plus complexe. Le couple
Sarkozy est signifié à deux reprises comme sujet de faire pour l’élection et la campagne.
« Si le couple Sarkozy entre à l’Elysée » « Le couple formé par Cécilia et Nicolas
770
Sarkozy confirme sa suprématie pour entrer à l’Elysée en 2007 »
C’est sous ce même principe que le narrateur de Paris-Match installe Cécilia Sarkozy
771
comme un adjuvant pour la campagne de son époux, tout comme un soutien . Si le couple
Sarkozy et le rôle de Cécilia sont construits sur un principe de coopération et dépendance,
c’est la dissociation qui prime pour le couple Hollande-Royal.
« L’une a été ministre, l’autre pas. L’un est chaleureux et convivial, l’autre une
austère qui se marre moins » « Une femme qui aujourd’hui lui vole la vedette »
« Peu probable en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, le
766
Paris-Match 3013
767
Paris-Match 3014
768
Paris-Match 3014
769
Paris-Match 3020, Paris-Match 3013, Paris-Match 3009.
770
Paris-Match 3014.
771
Nous reviendront plus précisément sur le rôle de Cécilia Sarkozy lors de l’analyse de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
215
216
pas de ce monde. Cette rubrique met en exergue la politisation de cette presse, tout en
confirmant son appartenance au genre people.
VSD et Paris-Match se construisent donc à la fois au travers des logiques du récit
people mais restent ouverts à un intérêt tourné vers le monde civique, vers l’activité politique
et ses acteurs. Il y a donc du people… mais il y a aussi du politique.
V. 4. Conclusion
La campagne présidentielle est un espace producteur de discours où la période construit
l’actualité par ce qu’il en est, en se détachant de ses actualités, c’est-à-dire de ce qui
s’y passe. Les récits, identifiés comme des « immortelles de campagne », s’éloignent
du présent pour rendre compte d’une configuration dicible dans le présent. Ils sont
un traitement particulier qui répond aux injonctions des logiques du récit people et qui
construit la propre identité de ce genre. Tous les titres de notre corpus racontent la
campagne présidentielle sous cet angle spécifique. Pourtant, l’exclusivité de ce traitement
dans certains titres, renforcée par une énonciation par intermédiaire-médiatisant, distingue
la grandeur attribuée aux personnages politiques ainsi que le vouloir-dire et le savoir-
dire du porte-parole. Ici-Paris, Point de Vue, France-Dimanche et Public contraignent la
médiatisation des candidats à l’élection présidentielle en leur sein à partir d’intermédiaires
auxquels ils délèguent la légitimité de l’énonciation et le savoir-dire. Voici, de son côté,
conserve son savoir-dire malgré une médiatisation par intermédiaire ; il produit une sanction
explicite des candidats, particulièrement négative pour Nicolas Sarkozy, dévoilant une
posture idéologique défavorable au candidat UMP.
Mais la campagne présidentielle est aussi un espace exogène à sa médiatisation,
dans lequel surviennent des pratiques et des discours et dans lequel se meuvent des
personnages. La presse people se saisit de la campagne comme un contexte d’émergence
d’actions qu’elle narrativise. C’est le cas de VSD, Paris-Match, Closer et Gala. Pourtant,
dans les hebdomadaires Closer et Gala, le monde civique est restreint à l’identification des
personnages et de la période. Les paroles des êtres de papier sont déplacées vers le monde
de l’opinion et le monde domestique. Gala et Closer encensent ainsi avant tout des traits
identitaires dans le confinement de ces deux mondes. Mais le choix de la parole portée,
presque exclusivement de Ségolène Royal, pour Closer, révèle une posture pro-Royal. A
l’inverse, si Gala traite presque équitablement des candidats, c’est par l’attribution de traits
identitaires et psychologiques qu’il différencie les personnages au travers d’une célébration
de la simplicité, de l’humilité, de la sincérité et du corps-spectacle, comme médiat esthétique
de l’identité et de la grandeur. Comme dans les autres titres, le monde civique est un
espace inaccessible sans un déplacement préalable par les mondes domestique et de
l’opinion. C’est précisément sur ce point que se noue la spécificité de Paris-Match et VSD.
La parole des êtres de papier atteint, dans ces deux hebdomadaires, le monde civique
sans l’intermédiaire des mondes domestique et de l’opinion : ils ne sont pas des points de
passages obligés pour que la traduction se déploie dans l’espace du politique. Pourtant,
les logiques du récit people restent omniprésentes dans ces deux titres et constituent leur
dynamique, révélatrice de leur appartenance au genre. La figure du combat et de l’épreuve
sportive pour VSD et le thème du soutien pour Paris-Match tiennent le déplacement des
paroles dans les différents mondes : ils sont la cohérence de l’hétérogénéité.
217
218
775
Cette définition a été investie en détail lors du chapitre III.3.3.
776
Cette cohérence n’est pas absolue, des figures ou des compétences contradictoires apparaissent entre les différents récits
comme nous le verrons lors de notre investigation.
777
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 177.
219
220
« Même si huit d’entre eux savent depuis longtemps, que leur aventure politique,
780
dans cette présidentielle, sera terminée avant que la nuit tombe »
Mais ce qui distingue les minuscules des petits, c’est l’impossibilité d’une influence. Gérard
Schivardi et Frédéric Nihous n’ont aucune compétence élective ni au premier ni au second
tour et, par ailleurs, ils ne sont dotés d’aucune compétence politique qui pèserait dans le
système ou dans la campagne, ce qui est le cas pour les petits :
« Elle gagnera plus de sièges de député à l’assemblée en 2007. Après la
présidentielle, les législatives s’enchainent » (au sujet de Dominique Voynet)
« Du coup, l’ensemble des petits partis (…) fait bloc derrière la championne
socialiste. (…) Comme ses camarades, le candidat de la LCR a appelé à « battre la
781
droite dans la rue et dans les urnes ». »
Cette distinction par la grandeur se révèle importante dans notre corpus étant donné
l’omniprésence des grands candidats. La presse people présente des êtres jugés assez
extraordinaires pour mériter d’être mis en scène dans les récits médiatiques, mais aussi
devenant extraordinaires parce qu’ils sont, justement, visibles, connus et reconnus, du fait
de leur médiatisation. La grandeur du monde de l’opinion est celle qui compte et qui figure
comme logique de médiatisation dans la presse people. Cette grandeur est autopoïétique
puisqu’elle surinvestit les grands candidats par rapport aux autres.
221
783
Ces déterminants peuvent être artificiels après modifications chirurgicales, à l’exception de l’âge. Pourtant, nous partons
du postulat que ces déterminants sont naturels, et donc de naissance, pour les candidats.
784
FREEDMAN, J., Femmes politiques: mythes et symboles, Paris: L’Harmattan (Collection logiques politiques), 1997, p.150.
785
MOSSE, G., L’image de l’homme : L’invention de la virilité moderne, Paris : Editions Abbeville, 1997, p. 33.
222
223
Public et un vote pour Dominique Voynet pour Ici-Paris . De son côté, Nicolas Sarkozy
789
n’est que très peu mobilisé dans notre corpus par son ancrage politique . Dans les deux
articles cités plus haut, le seul vote people pour Nicolas Sarkozy justifié selon son ancrage,
est attribué à Roger Hanin : « Je voterai Nicolas Sarkozy au second tour parce que
je pense qu’il aura une politique de gauche ». Ce n’est donc pas l’ancrage à droite de
Nicolas Sarkozy mais son ancrage à gauche qui justifie le vote. Mais, outre Roger Hanin,
de nombreuses célébrités sont déclarées comme soutiens de Nicolas Sarkozy : ils sont
des « fidèles », des « admirateurs », des « amis pipoles de longue date », autant
de désignations prises dans la confusion du monde domestique et de l’opinion en accord
avec les justifications des votes qui renvoient à la personne plus qu’au candidat, c’est-à-dire
ancré politiquement et représentant d’un parti. Ainsi, il est homme courageux, de confiance
et de changement dans Public . Ici-Paris assimile, par la parole de Massimo Gargia,
les peoples à Nicolas Sarkozy et ce du fait de son être dans le monde de l’opinion et dans
le monde domestique : « Dans mon milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance (…)
Sarko, pour nous, est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy
est un grand playboy, et ça c’est très positif, nous, on adore .». Nicolas Sarkozy n’est
jamais désigné explicitement selon son appartenance ou ancrage politique. C’est finalement
dans la comparaison des autres candidats par ce qu’ils ne sont pas que son affiliation est
repérable. La négation de l’ancrage politique est particulièrement mobilisée pour François
Bayrou : il n’est ni à gauche, ni à droite ; une identification par la négative révélatrice de son
identité médiatique que nous analyserons dans les prochaines pages.
L’intérêt, ici, était de saisir la position politique, mais aussi la question du genre et
de la grandeur, non pas comme des données exogènes mais comme des variables dans
le processus de traduction qui permet aux narrateurs des récits de produire une identité
médiatique pour chaque candidat, une identité médiatique, désormais objet de notre propos.
Ici-Paris 3221 « Pour qui votent les people ? » VSD 1547 « Les secrets de campagne »
Paris-Match 3020 « Mais comment font-ils ? Voici les trucs qui permettent aux candidats de
tenir sur la longueur. »
Ces deux candidats sont toujours énoncés à partir de l’identification de leur parti, et
donc comme représentant d’un collectif.
789
Nous reviendrons sur ce point lors de l’investigation de l’identité médiatique de celui-ci.
224
790
Ici-Paris 3221 (x2), VSD 1547 (x2) et Paris-Match (x2)
791
Ici-Paris 3221 (x2)
792
Voici 1014.
793
Gala 717.
225
Un des quatre candidats les plus visibles apparait toujours dans les articles où sont mis
794
en scène les petits candidats . Ces douze articles sont pour la plupart des « immortelles de
campagne ». Ce sont des récits avortés, ne dépassant le stade de la situation initiale pour les
795
articles psychologiques ou astrologiques . Quand il s’agit du soutien des peoples, ce sont
des récits où le candidat est l’objet de conjonction, sa construction identitaire étant indirecte
796
et fondée sur des états . Enfin, ce sont des articles qui enchainent les candidats à partir
797
d’un thème (le patrimoine, les enfants, le salon de l’agriculture, les secrets de campagne ) ;
les actions narrativisées étant multiples et survolées. Gala est le titre qui, au travers de
nombreuses « immortelles de campagne », met le plus en scène ces petits candidats : six
articles sur douze ont pour êtres de papiers au moins un des petits candidats.
De ce traitement, il est difficile de définir une identité médiatique pour chaque petit
candidat, ceux-ci étant rarement le sujet d’un faire. Chaque petit candidat est doté de
différents modes d’existence développant l’axe paradigmatique de notre considération de
l’identité médiatique. Pourtant, ces articles empêchent une existence narrative épaisse et
peinent à développer l’identité médiatique sur son axe syntagmatique. Pour cela, nous
798 799
précisons nos schémas par des losanges qui représentent les attributs identitaires sans
800
que ceux-ci n’aient été installés dans une suite d’état et de transformations .
794
Toujours à l’exception de l’article de Gala consacré à José Bové : Gala 717.
795
Gala 723, VSD 1531.
796
Ici-Paris 3221, Public 196, Voici 1014.
797
Gala 711, Gala 716, Gala 718, VSD 1547.
798
Cf. Chap. III. 3. 3. pour la définition de l’identité médiatique et l’explicitation des schémas appliqués ici.
799
Les « immortelles de campagnes » établissent une liste d’attributs psychologiques sans que ceux-ci ne soient débrayés
dans des enchainements permettant de concevoir l’axe syntagmatique.
800
L’axe syntagmatique révèle le sens du récit. Si les différents récits sont répartis sur cet axe, c’est dans un souci de visibilité,
leur position n’a pas de valeur, ici.
801
Il est mis en scène, en plus des titres apparaissant dans la figure n°36, dans Paris-Match 3020 et Ici-Paris 3221.Cependant,
le premier ne le mobilise que dans la performance de manger « des oranges et des bananes » et de se coucher tôt pour tenir lors
226
seul objet. Seul Gala et VSD lui octroient deux attributs identitaires différents mais ce, au
travers d’une analyse graphologique et de son thème astral, laissant le récit, comme nous
l’avons précisé, à un stade initial et un statut embryonnaire. Cependant, de ces récits, un
élément de son identité médiatique émerge massivement : celui du parcours thématique
du refus et de la peur.
« Philippe De Villiers, lui aurait tendance à ne se sentir à l’aise que dans un milieu
choisi » « Philippe de Villiers aura défendu la France contre l’Europe » « La lune
noire est le symbole du refus, du non ! Non à la constitution européenne, non à
l’entrée de la Turquie » « Comme Patrice Rio (footballeur un peu connu en 1982),
802
vous avez peur des barbus ? Votez Philippe De Villiers. »
de la campagne présidentielle, le second le conjoint de « Patrice Rio, ancien joueur emblématique du FC Nantes » sans dire
autre chose. La faible pertinence de ces éléments pour son identité médiatique fait disparaître ces titres de notre figure.
802
Gala 723, VSD 1547, VSD 1531, Voici 1014.
227
803
Paris-Match 3020, VSD 1531.
804
Voici 1014.
805
VSD 1536.
228
806
Gala 711, Gala 716
229
807
Le récit de VSD 1531 est un récit astrologique qui n’est jamais réalisé, il ne peut donc être figuré sur l’axe syntagmatique.
Il apparaît pourtant, ici, dans la figure n°40 de l’identité médiatique d’Arlette Laguiller car il décline, à son sujet, dans un premier
paragraphe, un énoncé à propos de sa dernière campagne qui n’est pas pris dans la narration sur les astres mais qui sert à introduire
le thème astral de la candidate de Lutte Ouvrière.
808
VSD 1548 (x2), Ici-Paris 3221, VSD 1531, VSD 1547
230
809
Ainsi, la figure « incontournable du monde politique », de « l’éternelle candidate » ,
est construite autour de la fidélité et de la permanence autant dans le monde civique que
domestique. Modestie, absence d’apparat et fidélité en amitié corroborent son ancrage
politique et la persistance de son engagement.
« Elle voulait soutenir une femme. Et comme Arlette Laguiller était trop mal
habillée… » « La plus modeste c’est elle ! C’est simple, l’éternelle candidate ne
possède rien, à part sa voiture achetée en 2000. » « Arlette Laguiller vit dans
une HLM en Seine-Saint-Denis et n’est propriétaire de rien… hormis sa Clio. »
« Le visage d’Arlette Laguiller, redressé et plat de chaque côté, caractéristique
d’une femme réfléchie et déterminée, dont les convictions n’ont jamais varié.
Son nez, très serré, est le signe que, dans les relations affectives, elle n’ouvre
pas son cœur facilement - mais que son amitié, une fois acquise, sera sincère
et durable. » « Elle demeure d’un fidélité à toute épreuve aux idées qu’elle a
810
toujours défendue »
809
VSD 1531, Gala 711
810
Voici 1014, Gala 711 (x2), Gala 723, Ici-Paris 3221.
811
Cette posture priviligiée de José Bové dans Gala corrobore la ligne éditoriale de l’hebdomadaire qui tend à encenser les
personnages simples et sincères, deux attributs identitaires que Gala octroie à José Bové et François Bayrou.
231
812
et à l’enfance des candidats . José Bové est donc le seul petit candidat sur lequel le lecteur
connaît certaines informations relatives à son enfance et particulièrement aux rapports qu’il
entretient avec son père. A l’inverse, José Bové apparaît très peu dans VSD : il détient la
même visibilité dans cet hebdomadaire que les candidats « minuscules », les autres petits
apparaissant dans plusieurs récits issus de ce magazine.
Deux éléments de son identité médiatique détonnent. La première résulte d’une
floraison de surnoms pour désigner le candidat :
« L’ennemi de la malbouffe » « L’Attila des McDo » « José Le magnifique »
« L’Astérix des Causses » « Le guerrier moustachu » « Le Robin des bois du
813
Larzac »
Ces surnoms dévoilent un compromis entre particularisme et collectif, entre monde
domestique et monde civique : ils individualisent l’action politique. Mais ce compromis est
déplacé dans le monde de l’opinion. Le surnom engendre une re-nommée particulière
du candidat en effaçant son nom : il est la preuve de sa reconnaissance et la
produit simultanément. Les surnoms construisent, par là même, l’identité médiatique du
personnage dans le parcours figuratif du guerrier et du combattant en se référant à des
combattants issus de la culture populaire française tels que, Astérix, Robin des Bois ou
Attila. Mais ces surnoms sont aussi révélateurs d’une triple désignation de l’engagement
de José Bové : il est écologiste, antilibéral et révolutionnaire. Si ces engagements
n’apparaissent pas comme contradictoires, leur différenciation relève une confusion quant
à la position politique de ce dernier. Pour Public et Gala 723, son engagement politique
tient du combat et de la révolution sans pour autant l’installer dans un combat précis et
ancré politiquement : José Bové est celui qui « veut changer le système » et qui a « un
coté révolutionnaire, terrien et résistant (…) l’un des rares à se mouiller et à aller au
bout de ses idées », il est le « rebelle type, qui ne mesure pas toujours les risques
814
qu’il prend » . Pour Ici-Paris , il est le « candidat de la gauche antilibérale », pour
815
VSD , « l’altermondialiste » . Finalement, les deux récits de Gala qui construisent
une identité narrative de José Bové cumulent différentes désignations : il est le « leader
altermondialiste » d’un « combat écolo », auteur de « brûlots antilibéraux », qui veut
816
« la lutte finale », « pour sauver le monde » ou « le plus célèbre arracheur de
plants d’OGM en France » qui « s’est construit en opposition à l’autorité (…) comme
817
un gamin qui règle ses comptes » . L’attribut psychologique de la rébellion issu du
monde domestique est donc transposé vers le monde civique. Enfin, deux derniers éléments
issus du monde domestique participent à son identité médiatique. Gala 717 le conjoint à sa
compagne, qui joue le rôle d’adjuvant pour son combat.
« Tandis (…) que Ghislaine mitonne un petit gratin à la tome de brebis, José se
triture les neurones pour sauver le monde (…) c’est dans son humble quotidien
818
que notre guerrier moustachu puise sa force »
812
Gala 722.
813
Paris-Match 3020, Gala 717 (x4), Ici-Paris 3221.
814
Public 196 (x2), Gala 723.
815
Ici-Paris 3221, VSD 1547.
816
Gala 717.
817
Gala 722.
818
Gala 717.
232
819
Voici 1014.
820
Gala 717.
821
OUARDI, S., « On nous a raconté l’anti-mondialisme, on nous a raconté José Bové… », Communication et langages , 152,
2007, p. 52.
822
VSD 1542.
233
823
au candidat . Finalement, seuls des attributs du monde domestique sont adjuvants pour
une compétence dans le monde civique. Ils sont les blessures de l’enfance, la fatigue et
l’agressivité du candidat. Le premier construit sa volonté dans le monde civique et le renvoie
à un traditionalisme et un attachement à ses racines, à ses origines.
« A 14 ans, il devient pupille de la nation. Entrer en politique a été sa façon de
prendre sa revanche sur la vie » « Devenu pupille de la nation, le futur leader
du FN puise dans son nouveau statut sa fougue nationaliste » « Jean-Marie se
montre encore à la Toussaint, où il se recueille sur la sépulture de ses aïeux.
Aujourd’hui, Le Pen ne manque jamais d’exhiber sa fierté bretonne et ses
824
souvenirs douloureux d’ « orphelin de la guerre »
234
827
violent et agressif. Il est le « roi de l’insulte » avec une « langue acide » dont la « verve
lui a longtemps tenu de programme » ; il est « le diable » qui place ses interlocuteurs
sur « des charbons ardents » dans « l’appréhension » et « l’inquiétude », il est
« un géant massif et sanguin » accompagné de « deux dobermans qui semblent
rouler dans leurs yeux des envies de meurtre », de « deux molosses immobiles
828
(…) comme s’ils ne se résignaient pas à être frustrés de leur proie » . La violence de
829
Jean-Marie Le Pen, quand elle est signifiée comme auxiliant , intervient comme opposant
à son pouvoir-faire dans le monde civique et plus précisément, à son pouvoir-être au
second tour de la présidentielle.
Mais une compétence de savoir-faire vient contredire cette agressivité dans le monde
de l’opinion. Pourtant confinée dans ce monde, elle révèle un paraître qui ne nie pas, pour
autant, la figure de l’homme violent. Il « donne son meilleur profil », « son propos
830
s’arrondit » , et étoffe ainsi un paraître plus doux quoique compatible avec l’être agressif.
Jean-Marie Le Pen est rarement inscrit comme le Destinateur de ce paraître. Jany Le Pen
est le Destinateur informé. Son épouse, comme sujet du monde domestique, le conjoint
avec un savoir-faire du monde de l’opinion, mais celui reste aux confins de son monde et
n’atteint jamais le monde civique.
« Elle joue son rôle d’épouse et de collaboratrice avec tact. Peu à peu, elle
a métamorphosé le « menhir » en un septuagénaire d’apparence moderne.
Costume mieux coupé, cravate à la mode, nouvelles lunettes, il s’efforce, grâce à
elle, d’avoir le look d’un papy assagi » « Jany l’a aidé à choisir sa cravate rouge
et la pochette assortie, parfaite avec le costume crème, la chemise bleue et les
mocassins marrons » « La veille, il rêvait encore d’un 21 avril bis en choisissant
831
son costume avec sa femme Jany. »
Enfin, la fatigue est le résultat d’un état issu du monde domestique, celui d’un corps âgé. Le
monde domestique est l’espace de l’être. Le sexe et l’âge dévoilent, entre autres, la légitimité
832
et l’autorité, définies respectivement comme subjective et traditionnelle . Le corps y est
décrit à partir de déterminants naturels. L’âge de Jean-Marie Le Pen devient le foyer de sa
fatigue et l’opposant à son pouvoir-faire et à son pouvoir-être au second tour.
« Le corps est fatigué, à presque 79 ans » « Le vieux chef du FN » « Le doyen de
la campagne, Jean-Marie Le Pen, bientôt 78 ans, profite de ses insomnies pour
833
lire »
Mais la fatigue ajoutée à son échec le 22 avril 2007 devient alors l’adjuvant pour sa retraite
et pour sa résignation.
« Le Pen tire, bien malgré lui, sa révérence » « Avant de se résigner, peut-être,
à quitter le gouvernail du Paquebot.» « Pour Le Pen, ce soir, le champagne à un
827
VSD 1547.
828
Paris-Match 3007.
829
Le terme d’auxiliant est un terme neutre qui subsume, à la fois, l’adjuvant et l’opposant.
830
Paris-Match 3007
831
Paris-Match 3014, Paris-Match 3020, VSD 1548
832
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 213.
833
VSD 1547, VSD 1531, Paris-Match 3020.
235
goût amer et le goût de l’adieu » « Fini de rugir, cette campagne est sans doute
834
pour lui « la der des ders » »
L’identité médiatique qui se dessine dans notre corpus de presse people dévoile un candidat
dont la visibilité construit une certaine grandeur dans le monde de l’opinion et le monde
civique, mais est contredite par sa mise en discours. Il est un homme fatigué et agressif,
trahi par son corps et son âge, qui le laissent dans une impossibilité d’action dans le monde
civique.
834
VSD 1548 (x2), Paris-Match 3020 (x2).
835
Paris-Match 3017
836
Gala 720, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2)
236
« C’est l’homme qui prend son temps et qui a de la terre sur les souliers » « Le
candidat chausse ses bottes pour aller retrouver ses vingt-et un pur-sang » « Le
fils de la terre sait creuser son sillon » « Comme tous les enfants de paysan,
837
François a toujours participé aux travaux agricoles. »
837
Gala 720, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2),
838
Gala 720, Paris-Match 3013.
839
Gala 720, Gala 722, Paris-Match 3021
237
« Le Béarnais s’enflamme de voir la balle au centre, grappillant des voix sur les
840
ailes modérés de la socialiste et du libéral »
Dans cet exemple, la performance, l’objet de conjonction et les anti-sujets sont installés
à partir d’une sémantique du monde civique : seule la désignation de François Bayrou
comme « le Béarnais » franchit les frontières de ce monde vers le monde domestique.
Si, idéellement, la confrontation des deux mondes dans le parcours narratif produit une
transformation dans l’être de François Bayrou – il passe du statut de « béarnais » à celui de
« candidat » – cette transformation est signifiée comme « allant de soi » dans l’installation
du parcours, comme si, finalement, ces deux attributs étaient logiquement compatibles et
ne rendaient pas compte d’une transformation. Ce mouvement comme « allant de soi »
se repère, par ailleurs, lorsque ces figures sont des acteurs qui jouent le rôle d’adjuvant
ou de Destinateur. En tant qu’adjuvant, la figure est débrayée comme un « pouvoir-faire
individualisé » qui apporte son aide à un autre acteur (le candidat ou une autre figure) dans
la réalisation du faire pour la jonction entre un sujet et un objet. C’est le cas par exemple
841
du récit de Paris-Match 3013, identité n°5 dans le schéma ci-dessus. Le schéma le
montre, l’état « paysan et fils de paysan » et la figure du travail, augmentés d’autres attributs
identitaires, permettent la conjonction de François Bayrou à la popularité. Ici, ces figures
ont le rôle d’adjuvant ; mais elles peuvent intervenir, par ailleurs, comme Destinateur qui
font-faire et installent les éléments de la compétence mais aussi l’axiologie justifiant le faire.
L’exemple du récit VSD 1543, l’identité n°14, indique que la figure de l’ancrage rural institue
le pouvoir-faire et le vouloir-faire .
« A l’entendre, il devrait plutôt cette fougue –lui parle plutôt de caractère rebelle-
à ses origines béarnaises auxquelles il reste viscéralement attaché. Ce lien
indéfectible se traduit par une maitrise parfaite de la culture et de la langue.
D’ailleurs, une fois, devenu ministre de l’Education, l’agrégé de lettres classiques
842
a soutenu l’enseignement du béarnais dans son département »
L’ancrage rural intervient, dans ce récit, comme un Destinateur-manipulateur qui établit et
influe les valeurs descriptives et modales de l’action. Les figures du monde domestique
construisent donc un premier niveau de l’identité de François Bayrou que les narrateurs
des récits installent comme des positions dans un mouvement syntagmatique et
paradigmatique. Pourtant, avant d’investir ce mouvement par l’investigation des autres
espaces de signification, deux autres parcours thématiques, issus du monde domestique,
interviennent largement dans la construction de l’identité médiatique de François Bayrou. La
vie familiale du candidat UDF est déclinée en parallèle au parcours thématique du terrien.
« Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial, apprécie le calme
de son tête-à-tête du week-end. Ici les repas se déroulent toujours à la bonne
franquette » « Mais c’est le soir, surtout, qu’il relâche la pression, quand il va
diner avec ses proches » « Ici, la vaste cuisine occupe un rôle central. C’est dans
ce lieu que Babeth aime à recevoir les confidences de son mari qui lui demande
toujours des conseils » « La voie était toute tracée : la rusticité de la campagne,
une famille nombreuse, ses enfants d’abord, ses petits-enfants désormais, des
840
VSD 1542.
841
Comme indiquée plus tôt, chaque segment dans le schéma est une identité dévoilée par les procédures d’anaphorisation au
sein d’un énoncé : elle est le produit de l’existence narrative d’un sujet ou d’un objet sur l’axe syntagmatique et des différents modes
d’existence de ce même objet ou sujet sur l’axe paradigmatique. (Cf. Chap III.3. 3.)
842
VSD 1543
238
chiens, des poules » « Josiane Pasty, la voisine d’en face et femme d’agriculteur,
chez qui François Bayrou vient souvent manger un œuf à la coque » « Leur
famille est à la fois leur vraie raison d’être, leur plus grand bonheur et leur force
principale » « En guise de racines, six enfants et onze petits-enfants comme
843
autant de rameaux tournés vers l’avenir »
Ces deux parcours thématiques permettent alors de construire deux figures : celle d’une
vie simple et modeste et celle d’un homme apaisé et serein. Enfin, un dernier parcours
qui regroupe les précédents, dévoile de nouveaux attributs identitaires : ceux de la force
et du courage prouvés par les narrateurs par des performances cumulatives ou installés
explicitement comme tels dans les récits.
« Il reprend l’exploitation familiale… tout en passant une agrégation de lettres
classiques » « « Seul agriculteur conduisant son tracteur en téléphonant »
s’amuse Etienne Capdevielle » « A 23 ans, il a repris l’exploitation familiale en
même temps qu’il a assuré des cours de Français » « Qui dans sa jeunesse avait
vaincu l’adversité : la mort de son père, mais aussi un bégaiement tenace. La
prouesse avait épaté François Mitterrand : « Cela dénote une vraie force d’être »
844
avait confié l’ancien président »
Le monde domestique intervient, donc, comme espace de signification qui fournit de
nombreuses figures pour la construction de l’identité médiatique de François Bayrou.
Cependant, ces figures sont déplacées par les narrateurs des récits vers les mondes de
l’opinion et civique. Mais en portant et transportant leurs paroles, les narrateurs procèdent à
des transformations qui permettent au même être de passer d’une forme à l’autre, d’un état à
l’autre, d’un monde à l’autre. Pourtant, ces transformations sont minimales car elles tiennent
toujours en leur creux une cohérence et une persistance du personnage qu’est François
Bayrou. L’investigation des figures dans leur mouvement au prisme de leurs traversées
saisit ce mouvement de narration particulier à l’identité médiatique de François Bayrou.
843
Gala 720, VSD 1547, VSD 1544 (x3), Paris-Match 3021 (x2)
844
Gala 722, Paris-Match 3017, Paris-Match 3013, Gala 720
239
240
« Ce n’est pas lui qui irait confesser aux médias ses déboires conjugaux »
« François Berléand : « Je voterai pour François Bayrou le 22 avril, bien que
mon poulain ait le charisme d’une huitre ». » « A notre envoyée spéciale, elle
[Elizabeth Bayrou] confiait cependant : « s’il vous plait, dans votre reportage,
n’insistez pas trop sur le côté agriculteur » ; au sens de « bouseux » voulait-elle
845
dire »
Cette compétence virtualisante négative apparaît clairement quand elle se confronte à
celle des autres candidats. Ainsi, dans VSD 1543, le narrateur du récit sanctionne la
médiatisation stratégiquement orientée du « berceau des candidats » : « Comme si
le terroir devait être forcément un gage de probité, les hommes politiques aiment à
revendiquer leur ancrage rural »mais nie cette utilisation, quelques lignes plus loin, pour
François Bayrou : « les racines béarnaises de François Bayrou ne souffrent aucune
846
contestation » , installant l’ancrage rural du candidat sur le mode de l’être, dans le carré
véridictoire, et opposant ceux des autres candidats comme issus du mode du paraître. Dans
la même logique, Gala consacre un article à la visite des candidats au salon de l’agriculture :
847
« élection oblige, la classe politique s’est déplacée en troupeau cette année » .
Mais, François Bayrou, « il est vrai, fils d’agriculteur », est renvoyé à son identité dans
le monde domestique, niant une performance dans le monde de l’opinion ou de l’ordre du
paraître. Cette sanction du narrateur est renforcée par le programme narratif mettant en
scène Nicolas Sarkozy, « une bête des médias », venu « pour copier son rival François
Bayrou ». Enfin, dans une immortelle de campagne, Paris-Match, condamne l’utilisation
des peoples dans la campagne présidentielle en dénonçant explicitement la pratique.
« La photo de la double page précédente [montage qui met en scène les peoples
soutenant chacun des trois candidats principaux] doit, en toute logique, révulser
848
les trois principaux candidats »
Cette condamnation est augmentée d’une sémantique guerrière ou de chasse corroborant
la sanction négative : « épingler les artistes comme des papillons à un tableau de
chasse », « est aux manettes », « opération de charme », « mission dédiabolisation
», « pas ralliés mais désarmés », « les rabatteurs du sarkoshow ». Mais, une
fois encore, François Bayrou échappe à la sanction du narrateur : il n’est pas désigné
comme le Destinateur du soutien des peoples. Ce sont ces derniers qui ont « succombé
à la tentation Bayrou » ; leurs déclarations de soutien sont un « cri du cœur », une
« déclaration d’amour » ; ils « franchissent les barrages (…) pour avouer à François
[leur] penchant » et « tombent sous le charme ». Finalement, la citation de Jean-
Marie Cavada signe l’installation de la compétence négative construite sur un vouloir-ne
pas faire : « Nous n’avons aucun système de démarchage ». Dans cette logique, les
compétences négatives de François Bayrou dans le monde de l’opinion lui refusent le statut
de sujet de faire dans ce même monde. Mais cette condition de non-sujet de faire signe
la conjonction du candidat avec deux objets : la sincérité et la popularité.
845
Gala 720, Public 196, VSD 1544.
846
VSD 1543.
847
Gala 718.
848
Paris-Match 3016.
241
849
Public 196.
850
Paris-Match 3017, Gala 720.
242
peoples autant que le sondé de base. Le troisième homme engrange les soutiens
851
à la même cadence que les points dans les sondages »
243
François Bayrou comme alternative est Destinatrice dans plusieurs récits, signifiée comme
ce qui octroie son pouvoir-faire et son pouvoir-être au second tour, comme le montre le
856
schéma avec les identités n°1, 2, 7, 8, 12 et 18 . Parallèlement, cet axe des subcontraires
permet le débrayement de la figure du rebelle qui rejoint alors le parcours thématique,
construit dans le monde domestique, de la force et du courage.
« Car, révèle l’ancien collègue Jacques Mérino (…) : « On sortait de Mai 68, le
vent soufflait à gauche, avec des syndicats forts. Lui était très rentre-dedans,
affirmant ses positions alors qu’il était pratiquement seul contre nous ». » « Seul
- ou presque - contre tous. Une façon d’être qui s‘est construite chez cet homme
en assumant ses différences. En les revendiquant même. » « Il ne veut pas
faire partie de l’establishment. Ni parisien, ni énarque, ni bourgeois. Et François
s’envole…. » « Le candidat UDF est un rebelle qui a besoin de s’opposer » « La
révolution civique dont rêve le candidat UDF » « Les Français raffolent de ces
857
Astérix qui défient les légions romaines »
Mais la vision de « la vie politique rêvée » n’est pas complète. Ainsi, deux mouvements
du monde domestique vers le monde civique participent à son élaboration dans l’identité
médiatique de François Bayrou. Ils tiennent dans les valeurs et le combat de François
Bayrou, corroborent et englobent toutes les figures jusqu’alors investies. Dans notre corpus,
le candidat incarne un homme de valeurs, ces valeurs sont déplacées du monde domestique
vers le monde civique les fondant sur une persistance qui installe son combat politique
858
comme « le combat de sa vie » . Sa conjonction à des valeurs, des idéaux, des
convictions et des croyances façonne une image humaniste, désintéressée et morale de
François Bayrou.
« Patrick Sébastien, notamment, a déclaré dans Le Parisien : « Lors de nos
discussions, j’ai senti un homme qui partage mes valeurs ». » « Elle est
évidemment à fond derrière François, par goût, mais aussi parce qu’elle a
réalisé que le combat de son père était le combat de sa vie » « Cette réflexion
approfondie dans le monde des idées n’empêche pas ce lecteur assidu de
Claudel et de Ghandi de se saisir de la révolte de 1968 pour faire ses premiers
pas politiques. (…) « C’est à ce moment là, je crois, qu’il a pris conscience
qu’il pouvait changer quelque chose. » » « Entre les cours, il fait le coup de
poing pour défendre les plus faibles » « Avec depuis, toujours une obsession :
« Changer le monde » » « Catholique et engagé. (…) Avec une attirance pour la
non-violence et Laura de Vasto –qu’il rencontre- Ghandi, Martin Luther King… Il
débat, il s’emporte contre Machiavel qui prône la séparation du politique et de la
morale, quand lui ne voit l’homme politique que comme un modèle, chantre de la
859 860
vertu. » « C’est l’incarnation d’une France tradi . »
En situant ces valeurs dans le monde domestique et en les transportant vers le monde
civique, les narrateurs des récits prouvent que le combat, l’opposition ou la rébellion de
856
Soit les récits issus de Gala 720, Voici 1014, Paris-Match 3016, Paris-Match 3021, VSD 1528, Public 196.
857
Paris-Match 3017, VSD 1543, Paris-Match 3013, Gala 723, Paris-Match 3021, Gala 720.
858
Gala 716.
859
Notons que ce terme apparaît abrégé dans l’hebdomadaire.
860
Ici-Paris 3221, Gala 716, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2), Gala 720.
244
François Bayrou ne sont pas opportunistes et ne procèdent pas d’un intérêt particulier.
Le mouvement est étonnant. Paradoxalement, le monde domestique sert à justifier le
rejet du particularisme en démontrant la continuité tandis que le monde civique comme
finalité du déplacement soutient le renoncement au particularisme en définissant la formule
d’investissement par la solidarité et en faisant intervenir le combat sous la forme du collectif.
Ce mouvement évite, par ailleurs, le monde de l’opinion et refuse ainsi d’identifier le combat
à un désir de considération, battant en brèche le carriérisme et l’opportunisme.
« Qu’importe qu’il ait été quatre ans ministre, chef de parti depuis 1994, qu’il
soit député depuis vingt et un an. Il est l’homme qui défie le Cac 40, TF1 et les
861
grosses machine UMP et PS »
La « vie politique rêvée » de François Bayrou retrouve sa sincérité dans le monde de
l’opinion : il représente ce qu’il est, il est ce qu’il représente, il parait ce qu’il est, il est ce
qu’il parait, il est.
« L’ambiance est à l’image de sa campagne, simple et décontractée : des bises
aux amis, les derniers électeurs à convaincre en chemin, l’attente patiente dans la
862
file du bureau de vote »
La traduction de l’identité de François Bayrou dans la presse people résout le mélange des
mondes. L’hétérogénéité des mondes est rendue compatible sur l’axe des contraires du
carré véridictoire, sanctionnant l’identité médiatique de François Bayrou par un être affirmé
et confirmé par les narrateurs des récits. Comme si, quelque soit le monde dans lequel
François Bayrou se déploie, l’homme est toujours « vrai ».
861
Gala 720.
862
Paris-Match 3023.
245
un soldat perdu des guerres coloniales qui élève sa nichée comme des enfants
de troupes. En rang par deux à la messe du dimanche, la cravache n’est jamais
863
loin »
864
La mise en scène de cette figure du père comme un « Folcoche au masculin » permet
la conjonction de Ségolène Royal à la souffrance. Mais plusieurs évènements surviennent
dans les récits comme des points de rupture permettant la disjonction de Ségolène Royal et
de son père : son entrée au Lycée d’Epinal ou son entrée à Sciences Politiques. Les études
représentent alors la figure de l’échappatoire.
« Son frère, Antoine, se rebelle en claquant très tôt la porte du logis. Ségolène,
elle, choisit la voie des études. » « L’enfant voit vite, dans l’école, un moyen
d’échapper à l’austérité de la vie familiale » « Très vite, elle comprend que la
865
seule issue possible est l’école »
Marie-Ségolène est conjointe au courage, à la ténacité et à la détermination, mais aussi à
la rébellion. Ces attributs psychologiques sont renforcés au travers de la mise en scène de
la poursuite judiciaire pour la pension alimentaire de sa mère.
« Ségolène se range du côté de sa mère et l’encourage à initier une procédure
judiciaire afin d’obtenir une pension alimentaire » « Seule Ségolène est passée
à l’acte. A 19 ans, elle assigne son père en justice pour lui faire payer une
pension alimentaire à sa mère qui, lasse d’être humiliée, avait quitté le domicile
866
conjugal. »
L’ancrage politique de son père construit également sa figure de rebelle. Son être à gauche
est justifié par un ne pas pouvoir être à droite comme son père.
« Dans un clan militaire de droite, Ségolène ravissant petit canard, va nager
à gauche » « Dès 1992, Ségolène Royal explique le sens de son engagement
politique (…) « Pour moi, ce ne pouvait être que la gauche. La droite j’avais donné
867
(…) Pas de danger d’être attirée de ce côté là : ça me rappelait mon père ». »
« Sa fille entre en politique au PS puis, en 1978, intègre l’ENA où elle déplore le
machisme ambiant »
En s’affranchissant de l’autorité paternelle, la figure de la femme indépendante émerge.
Dans cette figure, telle qu’elle est construite dans les récits sur le passé de Ségolène
Royal et dans la relation à son père, nous retrouvons l’axe de la deixis positive sur le carré
sémiotique présenté plus tôt. La famille biologique, comme celle ascendante, relève d’une
disjonction procédant d’un isolement de la candidate face à cette partie de sa famille.
« Le « clan » Royal n’a revu « la peste », comme la surnommaient ses cousins,
qu’une seule fois (…) en juin 1981. » « Elle ne remettra plus jamais les pieds à
Chamagne » « A part lui, Paul, ingénieur géologue à Saint-Etienne, numéro six
des Royal est le seul pour l’heure à avoir rallié la cause ségoliste » « Ségolène
863
Gala 722, VSD 1548, VSD 1526, Paris-Match 3017
864
Paris-Match 3017,
865
Paris-Match 3017, VSD 1526, VSD 1548
866
VSD 1548, Gala 722
867
Paris-Match 3017, Gala 722.
247
n’est retourné que deux fois à Chamagne, en 1981 et le 12 avril dernier » « Elle
868
fuit depuis 30 ans les réunions familiales »
868
VSD 1526 (x2), Paris-Match 3017, VSD 1548, Gala 722.
869
Gala 711.
870
VSD 1535, Gala 711.
871
Paris-Match 3019.
872
Paris-Match 3019, Paris-Match 3014.
873
COHEN, J., « La comparaison poétique : essai de systématique », Langages, 12, 1968, p. 43.
248
249
880
Paris-Match 3014, VSD 1535, Paris-Match 3024.
881
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991. op. cit. p. 272-273.
882
Gala 711.
250
251
Si la famille en tant que collectif est un adjuvant pour la candidate dans la campagne
présidentielle, deux derniers éléments viennent nuancer l’union de ce collectif : le premier
repose sur la distinction entre les deux grands au sein de cette famille : le père et la mère.
« Mais qui gouverne réellement chez ces Clinton à la française ? » interroge Gala
887
. Dans la logique relationnelle du monde domestique, la mère est plus grande que les
enfants, mais le père est plus grand que la mère.
« Principe de cohésion de la famille, le père est, comme le patron, ou, autrefois,
le roi, celui qui élève les êtres par la dépendance dans laquelle il les tient et
qui ainsi les fait accéder à toute la grandeur à toute la grandeur qu’ils peuvent
888
atteindre selon le degré qu’ils occupent. »
Le déplacement de l’autorité sur la famille politique de François Hollande vers Ségolène
Royal rejoint un déplacement de l’autorité sur la famille biologique. Ségolène Royal est, à
la fois, le chef au PS et le chef de famille.
« Mon père s’occupe de la cuisine et des courses. Il adore aller au Carrefour
Porte d’Auteuil et au marché le dimanche. Quand j’étais ado, ma mère était plus
autoritaire que mon père… Lui cédait à nos caprices. Ma mère nous a inculqué
des valeurs fortes. » « Mais sur ce sujet comme sur bien d’autres, ce n’est pas
889
toujours lui qui décide »
Ici, on entrevoit que le supérieur, « toujours fait à l’image du père – dont l’état de
890
grandeur est le plus élevé parce qu’il est l’incarnation de la tradition » , est Ségolène
Royal, comme celle qui assure « la permanence et la continuité d’une tradition » et
891
« l’éducation » . François Hollande est donc démis, non seulement de ses fonctions de
chef au PS, que son statut de premier secrétaire lui octroie, mais aussi de son rôle de chef
de famille, que son genre implique. Ainsi, la soumission imposée aux femmes quant à leurs
892
statut et rôle dans la famille est celle de François Hollande. Ségolène Royal diminue la
supériorité de son conjoint en s’imposant comme supérieure à celui-ci dans le monde civique
et le monde domestique : elle le réduit au statut de dominé, statut qu’il ne devrait pas avoir en
tant qu’homme. Cette hiérarchie des grandeurs est confirmée par l’appréciation des petits du
monde domestique. Une citation de Thomas Hollande dans Gala 716 indique qu’il n’aurait
pas pris part à la campagne si son père avait été le candidat : « « Il est plus classique,
je n’aurais pas eu ma place dans cette campagne-là », explique t-il en octobre 2006.
». Dans Gala 711, on retrouve cette même appréciation hiérarchisée : « L’une arpente
les Deux-Sèvres, quand l’autre sillonne la Corrèze. Chacun sa vie, des journées de
quinze heures, des meetings, des réunions, des séjours à l’étranger. Et les quatre
enfants dans cette course contre la montre ? Ils sont à fond derrière maman. »
De plus, cet échange de grandeur est amplifié par un déplacement de la figure du
soutien. Nous l’avons démontré plus tôt, la première dame est investie du devoir de
supporter son conjoint. Le cas particulier du couple Hollande-Royal dévoile le premier-
monsieur comme nuisible. L’incarnation de ce rôle est alors déplacée vers son fils, Thomas
887
Gala 711.
888
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 211.
889
Public 185, Gala 711.
890
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 207-208.
891
Ibid. p. 216.
892
FREEDMAN, 1997, op. cit. p. 150.
252
Hollande, qui, de par son implication dans la campagne de sa mère, prend le rôle de
manipulateur actif et d’adjuvant. Notons, d’ailleurs, que, si plusieurs récits se consacrent à
Cécilia Sarkozy ou Elizabeth Bayrou, ce n’est pas le cas pour François Hollande. Thomas
Hollande est celui qui sert d’intermédiaire-médiatisant. Ce déplacement se retrouve dans les
récits, au travers de parcours parallèles entre Thomas Hollande et son père. Le premier est
largement mobilisé comme adjuvant, déplacé du monde domestique vers le monde civique.
Le second est, à l’inverse, confiné dans le monde civique et désigné comme le premier
secrétaire du parti, rarement comme un sujet de faire pour le soutien de la candidate.
« Accompagnée de son fils, Thomas, Ségolène arrive à Paris (…) Elle rejoint
François Hollande et ses compagnons du parti socialiste » « Ségolène
Royal, accompagnée de son fils, Thomas Hollande, fervent soutient de la
« ségosphère », a ponctué son circuit d’une visite à Chamagne, berceau de son
enfance. (…) Le parti socialiste par la voix de son premier secrétaire, François
Hollande, redoute un premier tour difficile. » « Avant le discours, les jeunes
soutiens de la candidate, emmenés par son fils Thomas Hollande, se chargent de
l’animation. A premier rang, le sérieux domine : Jack Lang, Laurent Fabius, Jean-
Pierre Chevènement, François Hollande, Christiane Taubira, Dominique Strauss-
893
Kahn et Martine Aubry. »
Dans cette logique, deux récits sont consacrés à Ségolène Royal, dans VSD 1535. Un
premier, intitulé « un couple dans la tempête », installe François Hollande comme
opposant. Le second, « Les gourous de Ségolène Royal » ignore son conjoint dans
l’énumération des conseillers proches de la candidate, mais accorde un encart à Thomas
Hollande.
Ainsi, seule la famille biologique descendante comme collectif et le personnage de
Thomas Hollande permettent de nuancer l’isolement de Ségolène Royal. Le parcours
thématique de l’indépendance et de l’isolement est construit dans un déplacement de la
grandeur de Ségolène Royal qui se défait de son état de petit, en tant que fille et en tant
que femme, pour accéder à la grandeur du monde domestique.
893
VSD 1548, VSD 1547, Paris-Match 3013.
894
Gala 714.
253
La presse people repère une transformation du corps de Ségolène Royal. Il y eut le corps
de Marie-Ségolène et il y a le corps de « Ségo ». La transformation s’opère dans un
déplacement de l’utilisation du corps, dans un déplacement entre les grandeurs du monde
de l’opinion.
« Etre petit, dans la logique de l’opinion, c’est être banal (ne pas avoir été
débanalisé), (…) avoir une image floue, détériorée, estompée, perdue ; être oublié
895
caché, « rencontrer l’indifférence (…), en un mot disparaître ». »
La petitesse de Ségolène Royal est celle de Marie-Ségolène. Cette défaillance de grandeur
est repérable dans trois récits qui s’attardent sur le passé de Ségolène Royal, lors de son
896
séjour en Irlande et de ses études à l’ENA . Dans ce dernier, la petitesse est énoncée en
tant que telle dans le récit.
« Marie-Ségolène regarde. Discrète, en retrait » « Lui rayonnait, elle pas du tout »
« De Marie-Ségolène, on se souvient seulement… » « Le moins qu’on puisse
dire est qu’elle ne focalise pas alors l’attention. « Insignifiante » tranche lapidaire
897
un haut fonctionnaire de l’Education Nationale, Alain Perritaz »
Dans les récits sur son séjour en Irlande comme jeune fille au pair, la petitesse est
construite à partir des actants de communication : la famille irlandaise qui l’a accueillie et
l’hebdomadaire. Tous deux sont installés dans le récit par un vouloir-dire , mais cette
compétence virtualisante est empêchée par un manque de compétences actualisantes
marquée par un ne-pas-savoir-dire et donc un ne-pas-pouvoir-dire . De là, se construit
un récit élaboré sur un conditionnel et des négations.
« Aucun souvenir croustillant à rapporter » « La jeune fille n’a visiblement pas
abusé de la Guinness, la célèbre bière locale » « Elle a sûrement dû » « La jeune
Française a dû les accompagner. » « Aucun événement extravaguant à révéler »
Ségolène Royal était une jeune-fille « sage, élégante, attentionnée et d’humeur
898
égale » (…) Aucun détail croustillant »
Cette narration négative et conditionnelle se fonde sur un non-savoir dû à un non-souvenir.
« Il a fallu des semaines à Graziella, John et Peter pour faire le lien entre
Ségolène et la jeune-fille au pair de leur enfance» « Aucun des trois enfants
Roche ne se rappelle » « Finalement, les Roche ont conservé davantage de
souvenirs d’Armelle » « La plage est à 200m de là, mais personne n’a le souvenir
que Ségolène s’y soit baigné » « Mais la mémoire de la famille est indécise »
« Elle a dû voir mon frère, mais il se rappelle peu d’elle et refusera de vous
899
parler. Il y a là, peut-être, quelque-chose à creuser pour la presse du cœur »
Le non-savoir causé par un non-souvenir sous-tend un oubli et une indifférence, révélateurs
900
de la petitesse de Ségolène Royal, alors, dans le monde de l’opinion . Pourtant, c’est la
895
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 230.
896
Paris-Match 3011, Closer 91 et Paris-Match 3015.
897
Paris-Match 3015.
898
Closer 91 (x2), Paris-Match 3011 (x3)
899
Paris-Match 3011 (x6)
900
Cette petitesse est soulignée, en outre, par les descriptions du corps-spectacle : « Elle porte des jupes tristes et arbore des
grosses lunettes sévères» (Paris-Match 3024), « Elle portait des jupes plissées et des foulards » (Closer 91).
254
désormais grandeur de Ségolène Royal dans le monde de l’opinion qui justifie la mise en
scène de la petitesse, du banal et de l’indifférence de Marie-Ségolène alors.
255
« Tailleur rouge et poing serré » « Les premiers mètres, la démarche est un peu
raide mais sa robe est souple, blanche à liserés noirs » « Et elle, de son côté,
malgré ses hauts talons, ne voit rien de cette marée montante » « Ségolène
Royal a choisi une austère bichromie vestimentaire, un élégant noir et blanc »
« En tailleur Paule Ka, Ségolène rassemble les foules » « Ségo ose la veste en
cuir lors d’un débat participatif sur la jeunesse, à Grenoble » « Elle étrenne une
robe crème à surpiqures noires, avec un caraco gris à surpiqures blanches et des
909
escarpins noirs » « Ségolène Royal a préféré s’envoler pour le Chili et faire
une apparition ensoleillée et tout sourire sur les écrans » « La présidente de la
région Poitou-Charentes, qui distribue désormais des sourires à la Mona Lisa
avec prodigalité sous le zoom des caméras » « Déjà Nadine Morano enchaine les
plateaux télé pour clamer que Ségolène Royal s’est fait faire un sourire qu’elle
910
utilise en permanence »
Le sourire et le vêtement apparaissent ainsi comme des armes de séduction, mais d’une
séduction féminine, qui passe par le corps et la beauté, impliquant une mise en scène du
corps plutôt que d’autres objets dont ceux issus du monde civique. Dans le genre people,
une presse qui favorise les figures féminines et élégantes, le corps de Ségolène Royal
permet une sanction positive pour sa grandeur.
« Dans la course à l’Elysée, c’est elle la plus glamour ! » « La Royal reste
l’indétrônable souveraine en matière d’élégance. Et contre cela, les costumes
Ralph Lauren et les chemises Eden Park de Nicolas Sarkozy n’y pourront
rien » « Elle voulait soutenir une femme. Et comme Arlette Laguiller était trop
mal habillée… » « Ségolène Royal est plus charismatique que par le passé.
Elle donne l’image d’une femme qui réussit et qui s’entretient » « L’élue de la
911
mode »
L’apparence physique a une valeur performative en tant que signe de réussite et d’identité :
elle est à la fois masque et marque, permettant la reconnaissance mais aussi la projection et
l’identification des (é)lecteurs. Dans le numéro 714, Gala poursuit précisément ce contrat
de lecture en installant Ségolène Royal sur un piédestal, soulignant son élégance et son
attention à son apparence, mais, en même temps, le magazine liste les accessoires et
les vêtements, permettant à la lectrice de pouvoir imiter la star – ici Ségolène Royal – en
s’habillant de la même façon.
Le corps-spectacle incarne, par ailleurs, un faire séducteur. La séduction est au centre
du monde de l’opinion, elle permet d’atteindre l’état de grandeur. Mais, parce qu’elle renvoie,
ici, au corps et à l’apparat, elle n’est pas désignée comme un faire manipulateur. Se rendre
séduisante n’équivaut pas à séduire dans le genre people. La critique de la manipulation du
corps ne se retrouve qu’à deux reprises dans notre corpus, mais il est alors le dire d’acteurs
de narration issus du monde civique.
« Michèle Alliot-Marie lance une flèche contre cette candidate « qui change
d’idées aussi souvent que de jupe » » « Nadine Morano enchaine les plateaux
909
VSD 1538, Paris-Match 3024 (x2), VSD 1550, Gala 714 (x2), Paris-Match 3023.
910
VSD 1528, Gala 713, Paris-Match 3009.
911
Gala 714 (x2), Voici 1014, Closer 77, Closer 86.
256
912
VSD 1550, Paris-Match 3009
257
Dans la presse people faiblement médiatisante, lors des immortelles de campagne sur le
vote people, Ségolène Royal est amalgamée à son parti politique: elle y est désignée comme
913
« candidate de gauche » ou la « candidate PS » . Cette incarnation dans le monde
civique est renforcée, dans ces titres, par un effacement de la candidate comme objet du
soutien au profit du collectif qu’elle représente, justifiant de manière forte la mobilisation de
l’ancrage politique des peoples et de la candidate.
« L’important, c’est la rose… » « Le parti socialiste ne manque pas de
914
soutien »
Pourtant, cette confusion individu-collectif révélatrice des logiques du monde civique tend
à s’effacer dans les autres titres de notre corpus, devenant même une opposition, une
confrontation, entre le collectif et sa candidate et, donc, une tension entre monde civique
et monde domestique.
Deux figures cohabitent : la figure de l’indépendante et la figure de l’isolée. La première
est construite sur une performance : Ségolène Royal est à la fois sujet de faire et sujet d’état.
Elle participe à sa propre séparation des membres de son parti.
« Insoumise par principe. Détachée des éléphanteaux du parti, Ségolène Royal
tisse sa toile, à l’écart de la rue Solférino » « Elle y convoque quelques élus
au dernier moment et en écarte d’autres » « Ségolène répète qu’elle est une
« femme libre, otage d’aucun clan ». » « Dominique Strauss-Kahn, lui-même,
a eu le droit à très peu d’égard de la part de Ségolène Royal depuis le début
de la campagne» « Mais de même qu’elle fuit depuis trente ans les réunions
915
familiales, elle « évite comme la peste la famille socialiste ». »
La seconde figure s’organise majoritairement grâce à l’installation de sanctions des actions
de Ségolène Royal par les membres de son parti : les éléphants ont un rôle de Destinateurs-
judicateur produisant des évaluations d’assomption.
« Une sortie raillée par ses camarades » « Les éléphants du PS s’était donc
trompé. Pas de concours de beauté pour Ségolène Royal » « Les doutes
barris par nombre d’éléphants à propos d’une campagne participative jugée
laborieuse » « Il suffisait de voir le visage fermé de Laurent Fabius sur les
plateaux de télévision dimanche soir pour comprendre qu’il était loin d’être
« ségolénisé ». » « Pendant le discours, Jean-Pierre Chevènement reste de
916
marbre »
Cette séparation entre la candidate et le parti socialiste confirme alors l’impuissance de
François Hollande à être le chef du parti : le faire de celui-ci est sanctionné comme un échec.
« François Hollande tente de ménager les ténors du parti pour maintenir un
semblant d’harmonie » « La machisme ambiant laisse à penser que François
Hollande tire les ficelles et que Ségolène n’est qu’un gentille marionnette. Faux,
917
évidemment. »
913
Ici-Paris 3221, Public 196
914
Public 196, Ici-Paris 3221
915
VSD 1535 (x2), Paris-Match 3023 (x2), Gala 722,
916
VSD 1528, VSD 1538, Paris-Match 3023, VSD 1550, Paris-Match 3013.
917
VSD 1535, Gala 711.
258
259
l’union de parti socialiste autour de la candidate renvoie Ségolène Royal à son statut de
femme dotée alors d’une résistance morale plutôt que physique. Or la résistance physique
est construite par une autre métaphore : celle, sportive, largement mobilisée pour Nicolas
Sarkozy et François Bayrou. La seule mise en scène de la figure sportive pour Ségolène
Royal la renvoie, une fois encore expressément, à sa féminité.
« Pour garder la taille fine et maintenir sa forme, Ségolène Royal s’est mise
au power-plate, une machine dernier cri (…) dans un très chic « Spa urbain »
situé à deux pas des Champs-Élysées avec des murs en ardoise, des salons de
923
massages et une piscine qui change de couleur. »
Sa condition de femme est ce qui la réunit avec son parti mais qui l’en distingue. Sa féminité
renvoie, par ailleurs, à sa maternité et permet la conjonction de Ségolène Royal à l’ensemble
des Français, aux électeurs.
« Une madone qui se veut mère de tous les Français, qui souffrent, qui doutent,
qui désespèrent » « Parce que c’est une femme et qu’elle pourrait gouverner
en mère » « Quand elle lance : « Je veux réaliser pour chaque enfant né ici
ce que j’ai voulu pour mes propres enfants », ses poings se serrent, sa voix
s’étranglent, les larmes ne sont pas loin. Le public chavire et applaudit à tout
rompre » « Elle est mère courage, le chef du troupeau (…) elle vient d’enfanter un
924
pacte présidentiel »
La figure de la mère, déplacée du monde domestique vers le monde civique, signe
le rassemblement. Cette figure installe Ségolène Royal dans des rapports apaisés,
bienveillants, qui contredisent les autres caractéristiques de son identité.
923
Paris-Match 3020.
924
VSD 1540, Closer 77, Paris-Match 3013, VSD 1538
260
261
VI.4.1.1. Le sportif
« Depuis son plus jeune âge, Nicolas Sarkozy fait du sport. Coureur de fond
infatigable, cycliste passionné, le nouveau président est également ceinture
marron de judo et fin cavalier. « Le sport c’est ma vie » confiait-il, à la veille
du premier tour de l’élection, aux sportifs français, invités au QG parisien de
925
l’UMP. »
La « nature sportive » du candidat est profusément décrite dans notre corpus de presse
people. Elle est une pratique, révélatrice de son identité médiatique, mais elle est aussi une
compétence de pouvoir-faire du candidat. Dans le précédent chapitre, l’analyse de VSD
comme porte-parole a dévoilé deux parcours figuratifs pour la campagne présidentielle :
la guerre et de sport. Ces parcours figuratifs nécessitent alors un pouvoir-faire fondé sur
l’endurance, la résistance et l’attaque. Or la pratique sportive de Nicolas Sarkozy permet
aux narrateurs de lui attribuer cette compétence. La pratique sportive construit l’image
de la discipline et développe les qualités physiques et morales du sportif. La discipline
renseigne sur l’action et son Destinateur. Elle est une performance qui se déploie comme
un investissement, lieu du sacrifice et de la détermination.
925
Paris-Match 3025.
262
« Pour le candidat UMP, la politique est un sport de haut-niveau. C’est pour cette
926
raison qu’il se plie aux mêmes contraintes que les grands sportifs »
La figure sportive offre, en outre, une vision saine de la compétition : « s’engager dans
une compétition sportive revient à se mesurer à autrui en suivant un règlement pour
927
se voir attribuer une place » . Le sport renvoie à un façonnage, par l’exercice physique,
d’un corps qui laisse transparaître la valeur morale.
« Le sport qu’il pratique sans relâche l’aide à avoir une approche musclée des
928
problèmes »
Mais, l’exercice physique est aussi l’épreuve de la force et de l’endurance.
« Jogging, tennis, foot… Il n’a jamais manqué de souffle ni d’endurance » « Et
le soir, en sortir de meeting et de bain de foule, le candidat UMP aime… courir »
« Le rythme de la campagne ne laisse pas de trace sur cet amateur de course à
929
pied. Il prévoit deux à trois meetings par semaine »
La pratique sportive pose le lien entre le corps et l’esprit, entre la moralité et les attributs
physiques : elle permet le pouvoir-faire dans la campagne présidentielle tout en débrayant
un certains nombres d’attributs psychologiques à Nicolas Sarkozy, façonnant alors sa
détermination et sa ténacité à vouloir-être président de la République. Ainsi, ce qui pourrait
rester dans le monde domestique – les footings, ne pas boire d’alcool, etc. – est déplacé,
par les narrateurs, dans le monde civique.
Le parcours figuratif du sport au travers de la métaphore de la campagne comme
un marathon, un sprint ou une compétition, construit un dispositif énonciatif qui déplace
les grandeurs de la force, de l’endurance et de la détermination. Si le transport de cette
grandeur semble aller-de-soi pour les narrateurs, il dévoile une situation d’iniquité entre
les candidats en fonction de leur sportivité ou de leur genre. Dans l’identité médiatique de
Ségolène Royal, la figure sportive n’est plus l’occasion d’un transport de grandeur, mais
930
consiste en un transport de misère qui la renvoie à son statut de sexe faible, lui octroyant
une incompétence dans la campagne présidentielle. Mais, ce parcours n’est jamais réfléchi :
son déplacement n’est alors pas l’objet de dénonciation ou de compromis. Dans la même
logique, ce parcours constitue une des forces manifestes de Nicolas Sarkozy, dans la presse
people.
926
Paris-Match 3020
927
DURET, P. & TRABAL, P., Le sport et ses affaires , Paris, Métailié, 2001, p. 13.
928
Paris-Match 3025
929
Paris-Match 3025, Paris-Match 3020, VSD 1547.
930
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 271.
263
931
Gala 722, Paris-Match 3017, VSD 1548, Paris-Match 3008.
932
VSD 1548, Paris-Match 3008, Voici 1008.
933
VSD 1548
934
Paris-Match 3008, Gala 722
935
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 271.
264
apprécié » » « Sa fragilité réside dans son affect. Il est un tendre qui a besoin
936
d’être aimé et de se ressourcer dans son îlot affectif : sa famille »
Ce transport de misère est ce qui structure l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy. Il est,
à la fois, un trait identitaire fondateur mais constitue en outre une base pour le contrat de
lecture proposé par les narrateurs des récits sur Nicolas Sarkozy. Il permet de le définir dans
sa relation avec ses proches. Comme pour les autres candidats, le soutien est un adjuvant
pour la campagne présidentielle mais fédère aussi son identité en le décrivant toujours au
prisme de ses relations.
Ces deux variables – le passé et la figure sportive – sont spécifiquement rattachées
à Nicolas Sarkozy. Pourtant, la construction de son identité médiatique focalisée sur son
entourage déplace les fondements de celle-ci vers ses proches. L’identité médiatique de
Nicolas Sarkozy est donc le résultat de certains traits particuliers spécifiques au candidat et
de l’ensemble des identités médiatiques des proches de celui-ci. Il nous faut, ainsi, quitter
un temps notre analyse spécifique de Nicolas Sarkozy pour envisager son épouse, afin de
saisir comment l’identité médiatique de cette dernière ordonne celle du candidat de l’UMP.
VSD 1527 (29/11/06) « Jeux de mains à l’Elysée. » Gala 703 (29/11/06) « Nuit Glamour à
l’Elysée » VSD 1533 (10/01/07) « Nicolas Sarkozy : je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi c’est
d’être élu » Paris-Match 3008 (11/01/07) « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » VSD 1534
(17/01/07) « Le grand retour de Cécilia Sarkozy » Paris-Match 3009 (18/01/07) « Sarkozy :
C’est Parti » Gala 713 (07/02/07) « Cécilia et Nicolas Sarkozy - leur pacte intime : cinq clés
pour comprendre leur couple » Paris-Match 3014 (22/02/07) « Quel couple à l’Elysée ? »
VSD 1544 (28/03/07) « Cécilia Sarkozy/Babette Bayrou : Duel de premières dames »
Paris-Match 3020 (05/04/07) « Sarkozy, l’homme derrière le candidat. A J-17, il reçoit Paris-
Match pour parler de son livre-programme. Et de sa vraie personnalité » Paris-Match 3021
(12/04/07) « Revoilà Cécilia » Paris-Match 3023 (25/04/07) « Sarkozy : L’émotion » Paris-
Match 3024 (03/05/07) « Sarkozy allume le feu à Bercy » & « Tout a commencé comme ça »
Gala 726 (07/05/07) « Nicolas Sarkozy Président » VSD 1550 (09/05/07) « Le jour de sa
vie » Paris-Match 3025 (09/05/07) « Nicolas Sarkozy : l’heure de la victoire »
Cécilia Sarkozy apparaît dans dix-sept récits de notre corpus, ce qui est plus que tous
les petits candidats et presqu’autant que Jean-Marie Le Pen. Par ailleurs, la liste de ces
récits montre qu’elle n’apparaît que dans les trois titres du mode mimétique haut, les trois
937
titres les plus médiatisants : Gala , VSD et Paris-Match .
936
Paris-Match 3007, Gala 725, Paris-Match 3008
937
Alors que François Hollande était mis en scène dans ces trois titres mais aussi dans Point de Vue , Closer et Public .
265
Deux premiers éléments de l’identité médiatique de Cécilia Sarkozy sont pertinents dans le
cadre de notre étude : son être-femme et son être-épouse . Le premier reprend notre
propos sur Ségolène Royal : son être-femme se révèle au travers de la mise en scène du
corps-spectacle. Si le corps-spectacle de Ségolène Royal lui permet d’atteindre la grandeur
dans le monde de l’opinion et, plus précisément, le statut de star dans le genre people, c’est
aussi le cas pour Cécilia Sarkozy. Cela est repérable, dans le numéro 3021 de Paris-Match,
où celle-ci est mise en scène lors d’un dîner pour les ambassadeurs de l’Unesco, aux côtés
de Carole Bouquet, les Gypsie King, François Pinault ou la Reine Rania de Jordanie.
266
267
sa non-exposition est commune à tous les titres ; mais les hebdomadaires se distinguent
à partir de l’identification du Destinateur.
948
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 214.
949
Ibid. p. 215.
950
Paris-Match 3009 (x2), Paris-Match 3014, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025
951
Paris-Match 3014
952
Paris-Match 3021
268
953
Paris-Match 3014, Paris-Match 3009, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025.
954
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 281-284.
955
VSD 1534, Gala 713 (x2), VSD 1544 (x2)
956
Gala 713.
957
VSD 1533 (x2), VSD 1534, VSD 1544, Gala 713.
958
VSD 1533, VSD 1534, VSD 1544, Gala 713
959
VSD 1533, VSD 1534
960
VSD 1544
961
VSD 1534, VSD 1544
269
962
maintien au ministère de l’Intérieur . Elle est aussi à l’origine de la disjonction entre son
époux et Brice Hortefeux, « avec qui Cécilia a toujours entretenu des relations en demi-
963
teinte » , « lourd de sens, quand on sait que, sans en être la cause directe, Brice Hortefeux,
964
a pesé dans le départ de Cécilia pour New York » .
En tant que Destinateur-manipulateur, elle est, par ailleurs, mise en scène à partir du
surnom « Le spectre », cité dans ces deux titres mais absent de Paris-Match.
« Comme le personnage de la BD, elle tire les ficelles sans qu’on ne la voit
965
jamais » « En référence à la superpatronne de James Bond »
Ainsi, l’écart entre l’épouse réservée qui choisit « la musique » et « la scénographie de
966
l’arrivée de son héros », qui accueille « chaque invité de marque » , et le « spectre »,
967
découvre l’écart entre l’homme soutenu de Paris-Match et le « candidat sous influence »
de VSD et Gala. La posture éditoriale de ces deux hebdomadaires renforce la dépendance
de Nicolas Sarkozy à l’égard de ses proches et, plus précisément, ici, à l’égard de sa femme :
968
« Nicolas Sarkozy voit en sa compagne une boussole » . Le transport de la souffrance le
construit alors comme un homme instable, fragile et imprévisible.
« Difficile de maîtriser sa nature impétueuse, ses élans irraisonnés, son affectivité
éruptive, son agressivité sous-jacente (…) Cet homme résolu et apparemment
sûr de lui dépend au fond beaucoup trop du soutien de ses intimes, sans lequel
son moral risque de sombrer. Bref, il est plus fragile, plus vulnérable qu’il n’y
paraît » « Son caractère est inégal et changeant, soumis à ses états d’âme et à
sa vive sensibilité, ce qui le rend susceptible et réactif » « Personnalité tiraillée
par des contradictions intérieures, l’homme est un impulsif, colérique et toujours
en mouvement, dont la sensibilité et l’intuition lui font percevoir avec acuité les
situations et les êtres… Cette sensibilité le fait parfois réagir trop vite. Il peut
alors manquer d’objectivité dans son jugement envers autrui et faire preuve
d’imprévisibilité » « Il est d’une nature inquiète, cachée derrière un tempérament
969
impulsif »
270
271
Deixis négative
Deixis Monde domestique Monde de l’opinion Monde civique
positive Monde « Tout à la joie « l’épouse du candidat « Depuis son retour
domestique de cette nouvelle a supervisé toute la dans « la firme »,
naissance, ils ont préparation du congrès l’ex-conseillère et
loué une maison de l’UMP, du choix chef de cabinet de
cet été là, en des musiques à la Sarkozy à l’UMP
Normandie, pour scénographie de [Cécilia Sarkozy] n’a
en profiter en l’arrivée de son héros » plus de responsabilité
970 971 972
amoureux » officielle »
Monde de « Le candidat de « De son côté, Massimo « Le ralliement de
l’opinion l’UMP bénéficie Gargia a déclaré au Basile Boli à l’UMP.
également du Nouvel Observateur : « Nicolas Sarkozy lui
soutien d’amis Sarko, pour nous [les a confié une mission
pipoles de longue peoples], est people. sur la diversité : «
date : (…) Jean Quand Cécilia est Charge à lui surtout
Reno (dont il parti, on a beaucoup de rabattre de
était le témoin de aimé. Sarkozy est nouveaux sportifs
973 un grand playboy, et vers notre candidat
mariage) » ça c’est très positif, » souffle un député. »
nous, on adore ». » 975
974
272
273
VI.4.3.1. Le manipulateur
L’isotopie du /relationnel/ appréhende les êtres dans leur dépendance et indépendance
les uns aux autres : elle peut être l’occasion d’une dénonciation quant à l’agencement du
collectif si celui-ci relève de différentes natures. Le collectif est dénoncé par l’inadéquation
entre la nature des relations par rapport à la nature des êtres : une relation domestique pour
des êtres du monde civique ou de l’opinion, une relation de type vedette-fans pour des êtres
du monde civique, etc. Or, la confusion des natures dans l’entourage de Nicolas Sarkozy
favorise cette dénonciation dans la mise en scène des natures multiples.
979
Dans l’étude de l’ « immortelle de campagne » sur le soutien des peoples , l’amalgame
entre monde domestique et monde de l’opinion était apparu. En effet, dans de nombreux
titres de notre corpus, le soutien des peoples est présenté comme un soutien d’amis, et
979
Voir Chap. V.2.4.
274
donc un soutien issu du monde domestique, relevant du même mouvement qu’une autre
« immortelle de campagne » : le soutien des proches.
« Outre ses fidèles les plus notoires, Johnny Halliday et Doc Gyneco, le candidat
de l’UMP bénéficie aussi du soutien d’amis de longue date » « Le temps des
copains. Nicolas Sarkozy recevait Johnny Halliday et Doc Gyneco à l’université
980
d’été de l’UMP »
Les narrateurs doublent la qualification de ses amis-peoples afin de souligner l’amalgame
entre des relations issues du monde domestique et de l’opinion. Apparaissent des énoncés,
qui soulignent que cet entourage, dans son ambigüité, n’est pas naturel et ne va pas de soi.
« Le congrès de l’UMP, c’est un peu comme un congrès médical : on y croise des
cardiologues, des gynécologues… » « Il intercale sur la même estrade politiques
981
et personnalités du show-biz »
La dualité de ces soutiens entraine une sanction de la part du narrateur. Cette sanction
identifie, dans un premier temps, le Destinateur de cette confusion : Nicolas Sarkozy.
« Un bien [les peoples] à acquérir coûte que coûte. Quitte à sortir les violons
du bal » « Des appuis très ciblés (…) Le chanteur Faudel l’a accompagné lors
982
de son meeting inaugural au Zénith le 18 mars. » [À propos des secrets de
campagne de Nicolas Sarkozy]
Dans cette logique, la sanction porte, à la fois, sur la composition de l’entourage mais par
ailleurs, sur le Destinateur à l’origine de cet amalgame de natures. Si le people peut servir
d’intermédiaire-médiatisant pour les énonciateurs, l’utilisation du people par le candidat, par
l’actant de narration, entraine une dénonciation. La sanction prend deux formes ; elle peut
être sémantique et glissée dans la description de l’entourage. Elle peut prendre, par ailleurs,
la forme d’une mise en scène de l’action du Destinateur portée en échec par le narrateur.
« Pas de people ni d’excentricité (…) le départ controversé de Johnny Halliday
pour la Suisse, les démêlés fiscaux de Doc Gyneco, les propos racistes de Pascal
Sevran, fans du patron de l’UMP, ont probablement jouée dans ce changement »
« A quatre mois de l’élection présidentielle, cet exil devient une Affaire d’Etat.
Et pour cause. Le candidat au départ est un ami de longue date de Nicolas
Sarkozy » « Le réseau d’artistes autour de Sarkozy s’écaille. Doc Gyneco a
700000 euros d’arriéré fiscal. Et les propos de Pascal Sevran – « la bite des noirs
est responsable de la famine en Afrique » dans son dernier livre- même s’il s’en
983
est excusé, crée un tollé. »
Il y a dénonciation de l’agencement composite de l’entourage, comme évoqué dans
le chapitre IV, à partir de termes issus de notre répertoire tels que « accointance »,
« connivence », etc.
« Grâce à son bon copain de Neuilly, Pascal a évité le chômage (…) « Carolis
voudrait bien le virer, explique-t-on en interne, mais c’est l’un des seuls chez
nous, sinon le seul, qui soit assez proche de Sarko ». Résultat des courses :
980
Public 196, VSD 1530.
981
Voici 1001, VSD 1541
982
VSD 1541, VSD 1547.
983
VSD 1533, VSD 1530 (x2).
275
276
991
Paris-Match 3025, Paris-Match 3024, Paris-Match 3020, Paris-Match 3023 (x2)
992
Paris-Match 3020, Paris-Match 3009 (x2)
993
Seul récit de Paris-Match à réfléchir l’utilisation des personnages people dans la campagne présidentielle, le numéro 3016
confirme cette identité médiatique en désignant les collaborateurs de Nicolas Sarkozy comme les sujets de faire, laissant au candidat
le rôle d’objet de conjonction.
994
Paris-Match 3009
277
les Français dans les yeux » « Finie la langue de bois, place à l’humilité des
995
mots »
Cet hebdomadaire est partagé entre une dénonciation depuis le monde civique, comme
nous avons pu le remarquer lors de l’élucidation de la première identité médiatique de
Nicolas Sarkozy, et une ligne éditoriale focalisée sur le monde domestique et le monde
de l’opinion, l’empêchant alors de traduire la parole du candidat pour et depuis le monde
civique. Il y a une posture ambiguë construite dans la tension de deux compétences
énonciatives dans le monde civique : vouloir-dire et ne pas pouvoir dire.
Ainsi, exception faite de la figure sportive, les identités médiatiques de Nicolas Sarkozy,
construites à partir de la question du soutien et de l’entourage, le définissent au prisme
des identités médiatiques de ceux qui l’entourent. Deux lignes éditoriales s’affrontent alors :
une première, majoritaire dans notre corpus, traduit l’entourage depuis le monde civique, en
dénonçant des influences et des jeux de paraître. La seconde, particulièrement représentée
par Paris-Match, mais aussi par Gala, mobilise des objets issus des mondes de l’opinion et
civique que pour les réinstaller dans le monde domestique où ceux-ci ne peuvent souffrir
de critiques, désamorçant alors les dénonciations possibles depuis les autres mondes.
278
Le Figaro et Libération se consacrent aux deux finalistes. Notons que Le Figaro propose
999
un portrait croisé ; les deux candidats sont donc mis en scène dans le même récit .
Le résultat s’avère surprenant, déstabilisant notre hypothèse sur un traitement différencié.
Nous retrouvons dans ces récits la plupart des variables observées comme fédératrices de
l’identité médiatique des candidats dans le genre people. Il nous est, cependant, impossible
de parler d’identité médiatique, pour les candidats du premier tour, mobilisés dans un seul
récit. En effet, l’identité médiatique est le résultat de l’ensemble des identités débrayées
par les procédures d’anaphorisation dans chaque énoncé appartenant à un ensemble, que
nous concevons parallèlement dans les rapports que ces identités entretiennent entre elles
et avec l’instance d’énonciation.
Philippe de Villiers est avant tout décrit par ses propres mots, au travers de très
nombreuses citations, et en comparaison avec Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen,
signant un faible savoir-dire pour le narrateur. Gérard Schivardi et Frédéric Nihous, de leur
côté, sont construits à partir de l’identité d’un autre acteur politique, Daniel Gluckstein, pour
le premier, et Jean Saint-Josse, pour le second. Ces candidats sont principalement définis,
soit par leur petitesse, soit par un ne-pas-savoir-faire.
« Le petit maire de Mailhac tient son premier grand meeting » « Debout à la
tribune, il ne sait pas encore quoi faire de ses bras et se dandine d’une jambe sur
1000
l’autre »
Nous repérons le même mouvement, dans le portrait de Dominique Voynet, que celui
identifié plus tôt dans la presse people : la transposition de son engagement écologique
issu du monde civique vers le monde domestique. La nature figure comme un lieu de
ressource : « elle se réfugie dans les jardins de l’Institut d’Etudes Politiques ». Pourtant
c’est sa condition de femme qui organise le discours : sa petitesse est justifiée par son
apparat : « Elle récupère ses effets, enroule dans son sac la jupe qu’elle portera le soir pour
son meeting à la Mutualité à Paris : « Je n’ai pas d’habilleuse comme Ségolène Royal »,
sourit-elle. », et son engagement est confirmé par celui de sa fille et de son époux. Arlette
Laguiller est décrite de son côté comme dans le genre people, à partir de la permanence et
de la persistance du combat qui devient fidélité dans ses engagements et dans le monde
domestique. Ce portrait retient aussi la figure de la modestie et la thématique de la dernière
campagne. Si pour Olivier Besancenot, nous retrouvons la figure du combattant, autant
dans son engagement politique que dans programme narratif du petit candidat qui se bat
pour s’imposer, une nouvelle figure apparaît dans ce corpus : celle de la jeunesse.
« Besancenot, un jeune qui sait parler aux jeunes ? » « Olivier Besancenot,
le trotskisme à visage gamin » « Son visage poupin et son discours
1001
révolutionnaire »
Dans La Croix, l’identité de José Bové dépasse la confusion observée quant à son
engagement politique, tout en la maintenant à partir des parcours thématiques de la diversité
et du désordre. La pipe devient, d’ailleurs, une métaphore pour le désordre, une métaphore
pour investir un non-respect des règles par le candidat. C’est, finalement, le portrait de
Marie-George Buffet qui s’affranchit le plus de son identité médiatique dans le genre
people, installant la candidate dans un historique des luttes et des candidatures du parti
communiste, objets du monde civique.
999
Les récits sélectionnés sont listés à la fin de cet écrit.
1000
La Croix du 07/04/2007, La Croixdu 04/04/2007.
1001
La Croixdu 10/04/2007 (x3)
279
280
281
ce dernier à avoir un rôle dans la campagne de sa compagne est amplifiée par la présence
de Julien Dray qui tient le rôle de premier conseiller, ce qui suscite, selon le narrateur, « le
ressentiment » du premier secrétaire. Libération construit, en outre, un programme narratif
inédit dans les hebdomadaires de presse people, le rôle de Thomas Hollande étant présenté
comme le résultat d’une stratégie de la candidate pour justement les détourner du couple.
« Entre Ségolène et François, il y a Thomas, 21 ans (…) Le voilà sous les
projecteurs (…) façon de détourner l’appétit des médias people pour le couple
1010
Royal-Hollande »
Enfin, émergent, des portraits de la presse quotidienne nationale, des récits sur l’enfance
de la candidate, objet de ressemblance entre les genres de presse inattendu. Toutes les
figures et les parcours thématiques y sont : la figure du père, « lieutenant colonel (…) la tête
1011
rasée, avec un monocle » , comme cette utilisation de l’enfance dans la recherche de
la cohérence et de l’unification du moi.
« Les années d’enfance forgent le caractère » « Leurs complexes d’hier, leurs
1012
faiblesse de jadis sont devenues des forces »
L’illusion biographique est également maintenue dans les portraits sur Nicolas Sarkozy, et,
ce, à l’instar de la presse people, à partir de l’attribut psychologique d’une soumission à
la dépendance et au besoin d’être aime et entouré, une variable présente dans les quatre
journaux investigués.
« Il ne cesse de prendre revanche sur l’enfant déclassé de divorcé qu’il fut,
résidait à Neuilly mais regardait avec envies ses copains emmener les filles
1013
dans la voiture de sport de papa » « Il cherche les marques d’une affection
jamais assez grande à ses yeux » « Tel qu’il est… Plus fragile qu’il n’y paraît ? »
« Qu’on ne s’y trompe pas : lui aussi, aime que beaucoup de gens l’aiment »
La figure de l’homme aux multiples entourages se construit, par ailleurs, aussi dans la presse
sérieuse.
« Nicolas Sarkozy, 52 ans, tisse sa toile sans relâche » « Ainsi, le candidat
de l’UMP, excelle-t-il à gérer des cercles nombreux et variés dans leur degré
d’importance, des égo sensibles et flattés par ses cajoleries. » « Christian
clavier, c’est l’ami de quinze ans » « Arnaud Lagardère est « son frère », Martin
1014
Bouygues, son ami. »
L’identité médiatique de Cécilia Sarkozy tend, de plus, ici aussi, à participer à l’identité
médiatique de son époux. La question de l’absence et de la présence de celle-ci lors de la
campagne organise les énoncés à son propos, insistant sur son influence sur des objets
du monde civique.
« L’épouse du candidat, 49 ans, n’a, semble t-il, rien perdu de son pouvoir, mais
l’exerce en parallèle » « Pour apaiser son épouse, Sarkozy a donc fait mine
de mettre en retrait des conseillers comme Brice Hortefeux ou des « peoples »
1010
Libération du 02/05/2007
1011
La Croixdu 18/04/2007.
1012
La Croixdu 18/04/2007, Le Figaro du 24/04/2007.
1013
Le Figaro du 24/04/2007, Le Mondedu 27/04/2007, La Croixdu 06/04/2007, Libération du 02/05/2007
1014
Libération du 02/05/2007 (x2), Le Figaro du 24/04/2007.
282
1015
Libération du 02/05/2007, Le Mondedu 27/04/2007
283
Notre chapitre sur le discours des porte-parole a permis d’établir des distinctions entre les
manières de porter la parole de la campagne présidentielle et de ses personnages. Pourtant,
un silence de la part de certains titres ainsi que de nombreuses stratégies d’énonciation
déstabilisant la légitimité des hommes politiques à paraître dans ce type de presse, nous ont
laissé face à un questionnement quant à la confirmation ou infirmation de notre hypothèse
empirique principale apportant une nouvelle question :
L’analyse de l’évolution de la médiatisation, à partir d’un corpus people post-
campagne, permet-il d’observer une réduction des disparités entre les titres
people dans leur médiatisation des personnages politiques et, par là, de
confirmer l’hypothèse de l’installation de la peopolisation lors de la période de la
campagne?
Désormais, c’est dans sa clôture et son dépassement que nous cherchons à considérer la
période de la campagne présidentielle, pour appréhender si le processus de médiatisation
des hommes politiques dans la presse people s’est installé durant cette campagne ou s’il
continue son développement et son établissement après l’élection de Nicolas Sarkozy.
Par ce questionnement et dans la volonté de suivre le mouvement plutôt que les places,
l’observation de deux corpus secondaires dépasse la campagne présidentielle de 2007 pour
la reconsidérer sous le prisme de sa temporalité. Le premier de ces corpus est quantitatif :
il envisage les Unes de presse people parues entre le 14 mai 2007 (au lendemain de la
clôture de notre corpus principal) et le 30 avril 2010 (date où il nous a fallu le clore pour
des questions de faisabilité) : il comptabilise 155 Unes par titre (correspondant aux 155
semaines de la période envisagée) et donc un total de 1395 Unes. Les observations se
sont portées principalement sur la visibilité des personnages politiques et la politisation des
Unes de presse people. Un second corpus constitué d’« évènements-people » offre, avant
cela, une vision complémentaire par l’analyse qualitative de récits. Ce corpus permet de
considérer la différence de traitement entre presse people et presse quotidienne nationale
et de penser la possibilité de l’évènementialisation du récit people.
avec des rêves de gloire atteint d’une maladie génétique, la mucoviscidose, le personnage
oscille entre les figures de courage, de passion, de souffrance et de bonheur. Sa relation
amoureuse avec Karine, personnage d’une autre émission de télé-réalité, lui octroie une
omni-visibilité dans cette presse ; il devient alors le héros d’une saga en images. Mais, le 30
avril 2007, Gregory Lemarchal décède à l’âge de 23 ans. Il devient, à titre posthume, un des
personnages people les plus marquants de cette décennie. Closer révèle d’ailleurs, à partir
d’un sondage récent, que la mort de Gregory Lemarchal est considérée par ses lecteurs
1016
comme la disparition la plus marquante devant celle de Michael Jackson . Ainsi, pendant
plusieurs semaines, la presse people se focalise sur ce personnage désigné comme « le
petit prince » au destin brisé. Karine, son amie, et les membres de la famille Lemarchal
deviennent des personnages people dont le rôle d’intermédiaires perpétue la médiatisation
du disparu.
« De personnage people lorsqu’il est décédé, Gregory, est passé au statut de
personne à laquelle on voue un culte et que l’on envoie très vite au firmament des
1017
stars. »
Pourtant, ce qui nous intéresse ici est la médiatisation immédiate de son décès, car celui-ci
a lieu à la fin de la campagne présidentielle : Gregory Lemarchal décède le 30 avril 2007,
sa mort survient donc avant le scrutin du second tour. Pourtant, hormis Paris-Match et
1018
Public
1016
Closer 263(28/06/2010)
1017
SPIES, 2008, op.cit. p. 180.
1018
Pour Public , ce numéro sort deux jours avant sa parution habituelle pour un numéro spécial dont dix pages sont consacrées
à Gregory Lemarchal.
285
286
1019
Lemarchal . On voit ainsi que ces trois titres du mode mimétique haut traitent des deux
informations de façon contraire à l’autre mode de visibilité qui privilégie le jeune chanteur
à l’homme politique. Point de Vue intervient comme un cas particulier. Il ne médiatise
aucune de ces deux informations en Une : sa hiérarchie est autre. Avant le jeune chanteur,
avant l’homme politique, il y a les membres des familles royales, et plus précisément celle
d’Espagne qui compte un nouveau membre.
287
Ici-Paris 3230 « Gregory : Il n’est pas mort pour rien ! » VSD 1600 « Gregory Lemarchal. Son
père témoigne dans VSD : « La mort de mon fils a sauvé des vies »
Les intermédiaires sont, par ailleurs, les cautions pour des révélations amplifiant
l’incompréhension de la mort du jeune chanteur qui « avait emporté un secret dans la
1023 1024
tombe » , dont la « mémoire [est] bafouée », ses « parents calomniés » , sa
1025
compagne « attaquée » , au cœur d’un « immonde scandale » ou d’« une polémique
1026
» . La mort de Gregory Lemarchal a donc entrainé une très forte médiatisation de ce
personnage, lui permettant d’accéder au statut de star. Pourtant, cette hypermédiatisation
a été l’objet d’accusation de la part de la famille ou du public qui y voyait une utilisation
de la mort du jeune homme. Cette mort est un « évènement-people » fort qui ne reste pas
dans le confinement de la presse people puisqu’elle fut largement médiatisée à la télévision
et dans les autres genres de la presse écrite. Mais elle bouleverse l’espace typique du
décès puisque son hypermédiatisation empêche que la douleur de ses proches ne reste
dans le monde domestique. France-Dimanche , magazine ayant le plus médiatisé le jeune
1027
chanteur à titre posthume, implore alors les autres titres : « Laissez-le en paix ! » .
Cet évènement nous permet de considérer la médiatisation des hommes politique ou,
plutôt, celle de Nicolas Sarkozy et de sa victoire à l’élection présidentielle de 2007 par sa
visibilité ou non dans les titres de presse people. Deux évènements apparaissent au même
moment : la mort de Gregory Lemarchal et l’élection de Nicolas Sarkozy. Seuls VSD et
Paris-Match privilégient l’évènement issu du monde civique.
1021
SPIES, 2008, op. cit. p. 178.
1022
GREVISSE, B., « L’épidémie médiatique », La peur, la mort et les médias (dir. Marc Lits), Bruxelles : Evo, 1993, p. 39.
1023
France-Dimanche 3238.
1024
France-Dimanche 3278 et 3215.
1025
Closer 114 et 128.
1026
France-Dimanche 3232, Voici 1022.
1027
France-Dimanche 3188
288
La mort d’un personnage people, jeune, beau, plein de promesse de succès mais aussi
gravement malade, amoureux d’un autre personnage people, contient tous les ingrédients
de l’évènementialisation-people. Sa forte médiatisation, la permanence de sa visibilité,
sa charge symbolique, le sens qui lui est donné, la rhétorique du secret et du non-
savoir sont autant d’éléments qui permettent de penser l’ « évènement-people ». Pourtant,
comme nous le verrons plus tard, le traitement de ce décès dans la presse quotidienne
nationale nuance sa qualification comme « évènement-people » niant même la possibilité
de parler d’évènement dans le confinement de la presse people. Mais avant, revenons aux
personnages politiques, objet de cette étude, et considérons-les au prisme de l’évènement.
Trois évènements vont occuper notre propos : le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni,
l’accouchement de Rachida Dati et les rumeurs d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla
Bruni survenues en avril 2010. Les deux premiers évènements sont a priori domestiques,
les paroles sont portées dans le monde civique et le monde de l’opinion occasionnant
des mouvements de traduction différents. Le dernier évènement est issu du monde de
l’opinion. Son objet étant moins l’infidélité que la rumeur, le déplacement vers le monde
domestique ou vers le monde civique ouvrira notre réflexion sur les concepts de rumeurs,
commérage, scandale et Affaire ; autant de médiats qui se définissent dans leur mouvement
entre les mondes. Parallèlement, leurs traitements différenciés entre les genres de presse
réfléchiront le potentiel évènementiel de l’information-people contrainte dans ses espaces
d’émergence : monde domestique et monde de l’opinion.
1028
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 219.
1029
LACROIX, X., « Le mariage, une affaire privée ? », Etudes, 4065, Mai 2007.
289
290
portée par un mannequin. C’est cette même logique qui pallie l’impossible monstration de
Carla Bruni en robe de mariée ; les hebdomadaires utilisent des photographies l’illustrant,
lors de défilés, dans cette tenue. Gala utilise justement une ancienne photographie de
Carla Bruni, datant d’un défilé des années 90, pour sa Une. Enfin, un dernier type de
photographies, en Une d’ Ici-Paris , consiste en un photomontage représentant Nicolas
Sarkozy et Carla Bruni en tenues de mariés l’un à coté de l’autre. Cet hebdomadaire
1034
rapproche deux photographies distinctes, une de Carla Bruni en robe de mariée et une
de Nicolas Sarkozy en costume, le rapprochement donnant l’illusion de voir le couple lors
de leur union. Toutes ces photographies, quelque soit leur fonction ou leur contenu, servent
ainsi à combler le manque de visibilité et à le contourner.
La seconde approche, celle de la presse quotidienne nationale, que l’on retrouve,
par ailleurs dans la presse people, comme la justification de cette impossibilité à montrer
l’évènement, constitue l’espace de narration dans lequel est confiné le mariage mais aussi
l’espace d’énonciation dans lequel se révèlent les réponses à l’injonction de visibilité. Avant
d’identifier ces différentes réponses, il nous faut considérer comment la mise au secret
est installée dans les récits, dans le confinement de l’énoncé-énoncé. L’identification des
Destinateurs à l’origine de l’axiologie contenue dans ce parcours distinguent les titres.
Dans un programme narratif d’usage, les médias, les Français et la politique sont
conjoints de la médiatisation de la vie privée des hommes politiques. Dans Paris-Match ,
ce sont les médias qui sont désignés comme les Destinateurs de ce PN d’usage.
« Jamais dans l’histoire de la République, un homme politique de première
grandeur, a fortiori un président de la République, n’a vu sa vie sentimentale
à ce point exposée, disséquée, commentée. (…) cette surexposition de la vie
sentimentale a curieusement touché également Ségolène et Nicolas, tous deux
jeunes et sujets à des drames conjugaux (…) ils n’ont pas pu empêcher que leur
1035
désir de transparence (…) n’ait été exploité par les médias »
Dans Le Figaro , c’est la situation privée de Nicolas Sarkozy qui crée l’intrusion du privé
dans le politique.
« Les difficultés personnelles du président depuis son divorce ont donné aux
1036
Français le sentiment qu’il ne s’occupait plus d’eux « à plein temps » »
Dans les autres titres, Nicolas Sarkozy en est à l’origine.
« L’Elysée, il est vrai, a pris des airs de Rocher depuis l’arrivée, en mai dernier,
d’un Nicolas Sarkozy, plus séduit par la jet set qu’engoncé dans la tradition. »
« Fini les voyages en Egypte sous l'œil des photographes. Les palaces, les
images d'une réussite sociale trop visible qui agace l'opinion et le fait chuter
dans les sondages, le Président a décidé de rentrer dans le rang » « Nicolas
Sarkozy a donc bien retenu la leçon de ses collaborateurs et des sondages en
bernes : les Français ne veulent plus entendre parler de ce président people »
« Le problème, pour un président qui a tant étalé sa vie privée, qui en a même fait
1034
C’est d’ailleurs le même cliché que celui en Une de Gala.
1035
Paris-Match 3064.
1036
Le Figaro du 04/05/07.
291
292
soit reconnue et saluée par tous, qu'elle fût connue en tous lieux, que sonnent les
trompettes de la modestie après celles de la renommée, qu'il n'en aurait pas été
autrement. C'est une bien belle histoire que vous offrez aux Français, (…). Oui,
1040
une bien belle histoire. »
L’identification du Destinateur et de la compétence attribuée à Nicolas Sarkozy justifiant
cette mise au secret révèle plusieurs stratégies d’énonciation, le narrateur du récit justifie
sa mise en scène au creux de la mise au secret du mariage : l’espace de l’énonciation-
énoncée dépend de la construction de l’espace de l’énoncé-énoncé.
1040
Libération du 04/02/2008 (x2), Le Monde du 05/02/08, L’Humanité du 04/02/08.
1041
GOEPFERT, 2006, op. cit. [en ligne]
1042
Le Monde du 11/01/2006.
1043
Libération du 11/01/2006.
1044
L’Humanité du 12/01/2006.
1045
Le Figaro du 12/01/2006.
293
294
vrais problèmes. La mise en visibilité est ici dévoilée comme un opposant en tant qu’elle
favorise le mariage, épreuve du monde domestique au pouvoir d’achat, objet du monde
civique. Finalement, cette réponse revient à mettre en visibilité l’anti-sujet, celui qui pourrait
être le sujet mais qui ne l’est pas. Nous sommes alors dans le cas de ce que Greimas
définit comme un récit polémique, c'est-à-dire dans la confrontation d’un double parcours :
celui d’un sujet et celui d’un anti-sujet. Le narrateur se place, ici, comme un destinateur-
judicateur sanctionnant les autres acteurs de la médiatisation pour n’avoir pas rendu visible
le bon sujet, ici l’anti-sujet. Mais ce faisant, il ne pose plus la question de la légitimité de cet
évènement à être médiatisé ; la critique est détournée et la médiatisation du mariage est
légitimée, du moment où elle ne nuit pas à la visibilité d’un autre objet. Il y un basculement
de la compétence devoir-ne-pas-faire à celle de pouvoir-ne-pas-faire , de l’impossibilité
à la contingence. De l’autre coté, dans Le Figaro, le mariage est l’adjuvant qui permet,
plus loin, à Nicolas Sarkozy, en tant que sujet, d’être conjoint de l’objet « problèmes des
Français ». Il explicite la performance du mariage en tant qu’adjuvant ; il permet la jonction
entre Nicolas Sarkozy et le bonheur (au travers des mots de Bernadette Chirac : « La
solitude ce n’est jamais bon »), ce qui constitue alors un programme narratif d’usage
permettant, plus loin, le programme narratif de base : la jonction de Nicolas Sarkozy avec les
problèmes des Français. A l’inverse, la visibilité des « difficultés personnelles » de Nicolas
Sarkozy est signifiée comme un opposant. Mais le mariage signe la fin d’une instabilité dans
la vie privée du chef de l’Etat, de là, il n’y a plus rien à médiatiser et plus rien qui détourne
les journalistes et le chef de l’Etat d’objets issus du monde civique.
Ces trois réponses positives à l’injonction à la visibilité du mariage de Nicolas Sarkozy
et Carla Bruni rendent compte du rôle de la visibilité de l’évènement dans le récit. Cette
visibilité ne consiste pas à traiter de son traitement. Il y a déplacement de la fonction de
la visibilité, elle passe de celle d’actant de communication à celle d’actant de narration. La
légitimité de la visibilité comme support de l’énonciation est stabilisée. En conclusion, nous
reviendrons sur ses différentes réponses à la visibilité pour les considérer dans leur rapport
au phénomène de peopolisation comme une action. Mais pour l’instant, revenons sur le cas
de l’accouchement de Rachida Dati.
295
de réassigner la femme politique à son genre et efface dans une certaine mesure son
être politique. La grossesse et l’accouchement de Rachida Dati dévoilent la problématique
contradictoire entre ces deux postures de l’être tout en déployant des dénonciations par
rapport à la situation de cette femme politique dont l’enfant n’a pas de père et qui reprend
son activité quelques jours après son accouchement. La presse people comme la presse
quotidienne nationale interrogent alors le devoir d’épouse, le devoir de mère et de femme
politique.
Les récits annonçant l’accouchement de Rachida Dati installent cinq ingrédients pour
la narration dont les mobilisations et les associations découvrent différentes postures
éditoriales quant à cet évènement. Ces ingrédients narratifs sont l’accouchement et la
naissance de Zohra, l’identité du père, l’ être-mère , d’une part, et l’ être-femme politique
, de l’autre, de Rachida Dati et enfin, le paraître et la popularité de cette dernière. Cette
naissance attendue suit une forte médiatisation de la grossesse de Rachida Dati et de
nombreuses interrogations sur l’identité du père de l’enfant. Nous avons fait le choix de nous
attarder sur les articles suivant la naissance de sa fille. Cette cérémonie relève du monde
domestique modifiant les relations filiales et familiales de Rachida Dati. Pourtant, le statut
de cette mère, personne notoire et membre du gouvernement, projette cette cérémonie
hors de son monde. Prendre le parti du mouvement plutôt que des places nous amène à
saisir comment la narration d’un tel évènement, à partir de postures de dénonciations ou
de justifications, construit les trois espaces de notre objet et définit la maternité et l’activité
politique de Rachida Dati et par là, le rôle de la mère, de la femme et du politique.
1050
Gala 813, Point de Vue 3155, Gala 813.
1051
Ici-Paris 3314 (x2), France-Dimanche 3254.
296
Ces opposants relèvent de l’opinion, ils sont les rumeurs, les critiques, l’hypermédiatisation
de sa grossesse, mais ce sont, cependant, des opposants en posture d’échec.
« Elle encaisse toujours, fière et indépendante. S’agace même durant ces mois
de grossesse, qu’on la pense fatiguée alors que le fait de porter son enfant la
1052
galvanise »
La nuisance ratée de ces critiques au bonheur de Rachida Dati occupe une large part des
propos d’ Ici-Paris . Celui-ci se débraye dans le récit comme à l’origine de l’annonce de sa
grossesse et condamne ses conséquences médiatiques en se désolidarisant des auteurs
de la médiatisation qui a suivi: « Nous avions été les premiers à l’annoncer en songeant
à l’émerveillement que cette nouvelle allait susciter. Nous ne pouvions alors imaginer
que cela allait engendrer une tempête médiatique qui allait souffler dans le mauvais
sens ». Il y a alors les adjuvants au bonheur : le « Nous » du narrateur mais aussi « le
secret de son cœur » et « tous ceux qui ont donné la vie » qui affrontent les opposants :
« la rumeur », « Le magazine Gala », « les suppositions les plus déplacées »,
« l’encre » qui coule , « les questions, les attaques, les suppositions, les doutes
», « ces attaques, ces critiques, ces commentaires, ces remises en question » et
finalement, « le monde au-dehors » mais la sanction du narrateur est sans appel : « elle
a tenu bon (…) tout a disparu. Là, dans cette chambre, il n’y a plus que cela : elle
et elle ». Mais, paradoxalement, dans la condamnation explicite des rumeurs comme des
opposants au bonheur de Rachida Dati, l’hebdomadaire évoque le contenu de ces rumeurs
et l’alimente par là même.
« Et sur cette bague qui a alimenté cent commentaires sans apporter de réponse
à rien et surtout pas sur l’identité de l’être aimé. Pire cela avait été mis en doute :
1053
l’aimait-elle ? Allaient-ils se marier ? »
Ainsi, ces quatre hebdomadaires construisent une figure de la mère comme celle qui
a comblé un vide, un manque, ce plein permettant le bonheur. Dans cette optique,
l’enfantement est signifié comme une part majeure dans la réalisation d’une femme, dans
1054
son épanouissement : « Le but de la vie, c’est de donner la vie » . Ici-Paris interpelle,
d’ailleurs, ses lectrices comme « celles qui ont donné la vie », celles qui comprennent
« l’émerveillement », au risque de stigmatiser une partie de celles-ci : les non-mères .
1055
La naissance de Zohra comme la réalisation d’un rêve, d’un « désir incandescent »
rejoint cette logique chez Gala et Point de Vue : il y a désir parce qu’il y a manque, ce
manque dévoile donc une femme qui n’est pas entière, pas réalisée, parce qu’elle n’a pas
donné la vie. Il y a une glorification de la maternité et du désir d’enfant.
Point de Vue opère, par ailleurs, une véritable investigation sur l’identité du père qui
1056
devient l’objet du récit de Public , explorant la piste de chacun des hommes venus
rendre visite à Rachida Dati et son enfant.
« A l’heure où nous bouclions, la ministre de la justice tenait toujours à
garder son identité secrète. Et les nombreuses visites qu’elle a reçues depuis
l’accouchement n’ont pas permis d’y voir plus clair. Certains sites affirment que
1052
Gala 813
1053
Ici-Paris 3314
1054
Ici-Paris 3314
1055
Gala 813.
1056
Comme l’indique le titre : « Rachida Dati : Elle entretient bien le mystère ! », Public 287.
297
le papa est l’ancien premier ministre espagnol José-Maria Aznar, mais ce dernier,
qui a démenti l’information à l’annonce de la grossesse, ne s’est pas montré à la
clinique… »
Ces récits restent dans le confinement du monde domestique et du monde de l’opinion,
mondes typiques de la presse people.
1057
VII.1.3.2. « Chérie, arrête de dire que t’es fatiguée, t’as vu Rachida ! »
Mais de cette cérémonie domestique, les autres titres de notre corpus déplacent leurs
propos vers la compétence d’être mère en confrontation à celle d’être une femme politique.
C’est au travers de cette dernière et dans la distinction des différentes modalités attribuées
à cette compétence que s’opposent les titres de presse.
La médiatisation de cet accouchement connaît deux temps. Du 3 au 7 janvier, la presse
quotidienne nationale annonce la naissance de Zohra. Ces annonces sont brèves et rendent
compte de la naissance en évoquant le sexe et le prénom de l’enfant, le lieu et la date de
l’accouchement ainsi que l’âge de la mère. Mais ces quelques lignes concluent toutes par
un même sujet – le congé maternité de Rachida Dati – en insistant sur sa brièveté.
« La ministre ne devrait s'arrêter que quelques jours. » « Elle avait prévenu
qu’elle ne s’arrêterait que quelques semaines autour de son accouchement.»
« Elle n'a prévu qu' « une petite semaine de congé maternité » » « La garde des
1058
sceaux « continue à suivre l’activité du ministère depuis la clinique »
Finalement, seul Le Figaro s’étend sur le sujet avant le 7 janvier. On y retrouve un
traitement assez proche des titres peoples précédemment cités avec la référence à la mère
de Rachida Dati, le mystère de l’identité du père de l’enfant, la forte médiatisation de sa
grossesse comme opposant à son bonheur. Pourtant, les deux derniers paragraphes se
distinguent de cette couverture de l’information en replaçant l’évènement dans un contexte
historique et en évoquant la situation politique de Rachida Dati.
« L'événement est très rare dans l'histoire de la République. Avant elle, en
1992, Ségolène Royal, ministre dans le gouvernement Bérégovoy, avait donné
naissance à une fille. Florence Parly, secrétaire d'État au Budget dans le
gouvernement Jospin, avait également connu les joies de la maternité. En
Espagne, la ministre de la Défense, Carme Chacon, a accouché d'un petit garçon
1059
en juin dernier. »
Le deuxième temps de la médiatisation de cette naissance émerge le 7 janvier lors de la
sortie de Rachida Dati de la maternité et son retour au ministère, devenant la performance
principale des récits. C’est aussi après cette date que la presse people traite de l’information,
du fait d’une temporalité plus longue d’hebdomadaire. Si la reprise du travail n’est pas la
performance pour Public, Gala, Point de Vue, France-Dimanche et Ici-Paris , comme
1060
nous l’avons vu plus tôt, VSD, Closer et Voici vont se saisir de cette question pour
mettre en scène Rachida Dati et sa nouvelle maternité.
1057
Le Monde du 10/01/09.
1058
Libération et Le Figaro du 03/01/09, Le Monde du 04/01/09 et La Croix du 05/01/09.
1059
Le Figaro du 03/01/09.
1060
La nouvelle de la naissance de Zohra est absente de Paris-Match . Nous reviendrons plus tard sur ce non-traitement,
convergeant avec l’absence de mise en scène des rumeurs d’infidélité en avril 2010.
298
Le point commun à tous ces récits réside dans la construction d’une polémique ou
du moins dans l’évocation d’une question qui divise l’opinion. Premier temps de cette
polémique, le 10 janvier, avec Le Monde et Libération qui interroge les conséquences
de cette reprise rapide, remarquable avec une prédominance de la forme interrogative.
« Le congé maternité serait-il un luxe ? " Chérie, arrête de dire que tu es
fatiguée, t'as vu Rachida ! ", deviendra-t-elle la nouvelle blague misogyne du
moment ? (…) Les femmes devraient-elles prouver que donner naissance à un
enfant n'empêche en rien de s'arrêter de travailler et qu'un accouchement ne
serait finalement qu'un rendez-vous parmi d'autres dans un agenda ? (…) Est-
ce ainsi qu'on défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la
naissance renvoie cette maternité express ? Etre une superwoman qui reprend le
travail à peine remise de son accouchement est-il le must de la femme moderne
ou une illustration du " travailler plus pour gagner plus " ?» « Le retour express
de Rachida Dati au turbin, pour le salarié lambda, qu'est ce que ça signifie ? Des
employeurs mal intentionnés vont-ils ériger la jurisprudence Dati en modèle, sans
pour autant faire revenir leurs salariés une semaine après leur accouchement, ce
1061
que le code du travail prohibe ? »
La forme interrogative dévoile une aporie du savoir mais, en même temps, invite le
destinataire comme le destinateur à envisager une réponse. Dans ce sens, la forme
interrogative permet d’interpeller le lecteur en créant une di-vision entre au moins deux
réponses possibles, entre au moins deux positions possibles. Un glissement de cette
1062
posture interrogative vers un registre nettement plus affirmatif s’opère par la suite . La
polémique ou du moins la di-vision de l’opinion est alors déployée dans tous les titres :
« La polémique sur son retour à la chancellerie, cinq jours après son
accouchement » « 56 % des Français estiment que la ministre de la justice,
Rachida Dati, a eu « tort » de reprendre son travail cinq jours après son
accouchement » « Le retour rapide aux affaires de Rachida Dati après son
accouchement a donc continué d'attiser les commentaires ce week-end » « Le
retour aux affaires de Rachida Dati, cinq jours après son accouchement, n'en finit
pas de susciter des remous » « Polémique sur une maman qui dérange » « Un
1063
choix qui divise la France »
C’est par la définition de la compétence de Rachida Dati à reprendre le travail que se
distinguent deux positions face à cette polémique : la dénonciation et la justification. La
première identifie la raison de la reprise rapide comme le résultat de la volonté de Rachida
Dati, accusant un carriérisme et un arrivisme nuisant à la maternité. C’est la position de
Voici qui installe la conjonction de Rachida Dati avec, à la fois, son enfant et son travail
comme relevant de l’ordre du paraître, multipliant les termes issus du monde de l’opinion :
« Perchée sur ses talons aiguilles » « Sa coiffeuse personnelle est venue
à la maternité pour que la photo soit réussie » « Question look, la ministre
connaît son sujet sur le bout des ongles » « Alors que le tous les membres
1061
Le Monde et Libération du 10/01/09
1062
A l’exception du journal Le Monde qui ne couvre ce sujet qu’une nouvelle fois le 13 janvier 2009 avec une interview de Valérie
Pécresse.
1063
Le Figaro , La Croix et Libération du 12/01/09, L’Humanité du 13/01/09, VSD 1638, Voici 1105.
299
300
plus au niveau du monde domestique, comme Voici le fait, mais dans le monde civique, et,
plus précisément à partir du droit des femmes à cumuler enfant et emploi et celui de prendre
un congé maternité. C’est la figure du mauvais exemple qui est installée ici. On retrouve,
une fois encore, le journal Le Monde , qui s’attarde sur le combat pour le droit au congé
maternité et invite à questionner l’exemple de Rachida Dati.
« Le congé maternité a été un long combat. Il n'est rémunéré à hauteur de 90 %
du salaire brut que depuis 1970. Et les femmes exerçant une profession libérale
ou les agricultrices ont dû se battre pour obtenir un congé décent. Depuis 1992,
une directive européenne oblige les Etats membres à garantir un minimum
de quatorze semaines de congé maternité. En octobre 2008, la Commission
européenne a proposé de porter cette durée minimale à dix-huit semaines. (…)
Mme Dati, elle, ne s'est accordé que quatre petits jours dans un pays où les
femmes bénéficient de seize semaines de congé maternité. Est-ce ainsi qu'on
défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la naissance
renvoie cette maternité express ? Etre une superwoman qui reprend le travail à
peine remise de son accouchement est-il le must de la femme moderne ou une
1067
illustration du « travailler plus pour gagner plus »? »
Le Figaro , VSD et Closer , de leur côté, mobilisent la compétence de pouvoir- faire dans
un souci de justification de la reprise de travail de Rachida Dati. Cette possibilité est celle
de combiner maternité et carrière, comme celle de pouvoir abréger son congé maternité.
« Cette cérémonie solennelle fût, si l’on ose, une promenade de santé. » « C’est
1068
reparti pour une journée de femme politique comme les autres »
Cette sanction est augmentée de l’avis d’experts confirmant cette possibilité et amplifiée par
une sanction négative de la polémique que le sujet suscite. Les hebdomadaires renvoient
ce choix à l’espace du privé et condamnent son déplacement dans le monde de l’opinion.
« Le professeur Michel Tournaire, spécialiste en gynécologie et obstétrique,
assure le contraire : Une césarienne est opération sérieuse et fatiguante mais sur
le plan médical, il n’y a pas de danger particulier à quitter l’hôpital et retravailler
seulement cinq jours après » « Un héraut médiatique de la médecine nuance
le débat : « (…) Chaque femme est très différente : ce n’est pas non plus une
anomalie d’agir comme ainsi » « D’autres lui reprochent de ne pas s’occuper
de sa fille, pourtant Rachida a tout prévu. Deux de ses sœurs cadettes se sont
installées chez elle pour s’occuper de son bébé. Faute d’une maman, Zohra en a
1069
trois. » « Il n’y a pas lieux de faire des polémiques, c’est un choix personnel
qui ne vient en rien contester le droit des femmes », confie la secrétaire d’Etat à
1070
l’Ecologie » « Mme Chirac a évoqué une « inégalité » après l'accouchement
1067
Le Monde du 10/01/09
1068
VSD 1638, Closer 187.
1069
Closer 187, VSD 1638, Closer 187.
1070
Il est intéressant de voir que ce même expert, mais dans une autre parole, est cité par Libération pour condamner le
choix de Rachida Dati
301
entre des femmes « fatiguées » et d'autres qui le sont moins, affirmant que
1071
Rachida Dati « se sent tout à fait d'attaque pour travailler ». »
Le Figaro consacre un article, par ailleurs, à la parole de chefs d’entreprise cumulant
maternité et carrière : « Ces femmes dirigeantes qui renoncent à leur congé
maternité ». Cet article confirme le pouvoir-faire de Rachida Dati. Cette signification
s’amplifie dans la comparaison à un article de même type paru dans Libération :
« Six personnalités commentent le choix de Rachida Dati » qui installe la parole de
personnalités condamnant le choix de Rachida Dati.
On repère un déplacement de la polémique du monde domestique vers le monde
civique dans la presse quotidienne nationale alors que ce dernier, bien qu’évoqué, ne
contient pas les grandeurs installées dans les récits de presse people. Le monde de
l’opinion, quant à lui est omniprésent, dans tous les récits. Il est incarné à la fois par
l’énonciation même de la polémique mais aussi comme un être de papier, tantôt adjuvant
ou opposant selon la performance mise en scène. Le seul article de L’Humanité dédié
à ce sujet s’attarde précisément sur la polémique en tant que telle et procède donc d’un
traitement par méta-communication. Il traite de son traitement, ce qui lui permet de rendre
compte des différentes positions d’hommes et femmes politiques sur le sujet et de conclure
sur l’indécence d’un tel débat au travers de la parole de Nathalie Arthaud en le sanctionnant
par son désintérêt du «sort des femmes qui sont caissières, employées de bureau,
ouvrières et qui ont bien des problèmes, ne serait-ce que pour trouver une place en
crèche pour leur enfant », une critique que l’on retrouve chez Libération , au travers
des personnalités invitées à commenter le choix de Rachida Dati et dans l’article intitulé :
« Si vous n'êtes pas ministre... »
Pour résumer, nous repérons deux mouvements dans ces récits : la justification et
la dénonciation. Le mouvement de la justification reste dans le confinement du monde
domestique pour Point de Vue , France-Dimanche et Public . Mais ce même mouvement
déploie un arrangement entre monde civique et monde domestique pour Closer , un
arrangement mobilisé contre le monde de l’opinion pour VSD et Le Figaro . Le mouvement
de la dénonciation est celui opéré par Ici-Paris et Gala condamnant l’influence du monde
de l’opinion sur le monde domestique. Voici , Le Monde et Libération installent cette
dénonciation entre le monde civique et le monde domestique, tandis que pour L’Humanité
, elle tient entre le monde de l’opinion et le monde civique. La Croix installent les éléments
narratifs pour une dénonciation entre monde de l’opinion et monde civique mais s’arrêtent
1072
avant celle-ci et ne prend finalement pas part à sa mise en scène .
Ces mouvements construisent par ailleurs des espaces ; ces espaces sont les lieux
d’incarnation de Rachida Dati, et plus précisément les lieux d’incarnation de son corps
propre. Que son être-politique et son être-mère soit le fruit d’un arrangement entre les deux
ou d’une dénonciation, il y a, avant le processus de mise en scène, un postulat de séparation
de ces deux corps dans chacun des récits. Une phrase de VSD retient notre attention
parce qu’elle rend compte particulièrement de cela.
1073
« Dati l’avait promis, Rachida l’a fait »
Cette distinction dans le corps du nom propre désolidarise le corps propre de Rachida Dati,
comme si sa part politique et sa part intime constituaient deux personnages distincts du
1071
VSD 1638, Le Figaro du 13/01/08.
1072
Nous reviendrons en conclusion sur la particularité de La Croix.
1073
VSD 1638
302
récit. Le mouvement rend compte d’une dissociation d’espaces dans laquelle il peut alors se
mouvoir. Les variations identitaires de Rachida Dati explorent différents êtres qui agissent
1074
comme différents espaces d’engagement et installent les deux corps du roi, ou plutôt les
1075
trois, si le paraître peut être considéré comme un être .
Si les récits sur le mariage ont questionné la visibilité d’une cérémonie invisible et les
réponses à l’injonction de visibilité du mariage comme évènement, les récits sur la maternité
de Rachida Dati dissocient les espaces pour dissocier le corps propre de Rachida Dati
et retrouve la question de l’incarnation et des deux corps du toi. Un dernier évènement,
une rumeur, réfléchit la question de la communication à partir de la propagation et de la
transformation des rumeurs d’infidélité dans le couple présidentiel.
Phase de la rumeur n°1. Fin janvier 2010 : une rumeur circulerait dans les salles de
rédactions des différents organes de presse selon laquelle Carla Bruni et Nicolas Sarkozy
auraient tous deux une relation extraconjugale. Fin février, début mars : la rumeur est
rendue publique sur des blogs et Twitter : elle met en scène Carla Bruni, Benjamin Biolay
et Nicolas Sarkozy. 6 mars : Interview de Carla-Bruni par une journaliste britannique de
Skynews. La journaliste l’interroge sur les rumeurs d’infidélité concernant son mari, Carla Bruni
nie. 7 mars : La rumeur est évoquée sous la forme d’une allusion cryptée sur la chaîne I-Télé
dans un commentaire sur les victoires de la Musique. 9 mars : La rumeur est explicitement
mise en scène sur un blog hébergé par le JDD.fr. Le nom de Chantal Jouanno apparaît pour
la première fois. Elle ne reste en ligne que quelques heures et est remplacée par l’annonce
suivante : « En raison du caractère gravement attentatoire à la vie privée des propos tenus,
la rédaction du JDD.fr a décidé de supprimer ce post . » France Info évoque une rumeur
sans autre précision et signale que les utilisateurs de Twitter peuvent se voir poursuivis pour
diffamation. 10 mars : Plus de 700 sites relaient l’information. La presse internationale se
saisit de l’information et la publie en Une. 12 mars : Nicolas Sarkozy est interrogé sur les
rumeurs, qu’il qualifie d’ « élucubrations » 13 et 15 mars : Première apparition dans la presse
people en Une de Voici (le 13 mars) puis en Une de Closer (le 15 mars).
303
1077
PAILLARD B., « L'écho de la rumeur. », Communications, n°52, 1990, p. 130.
1078
Ibid. p. 131.
1079
BARTHES R., « L'écriture de l'événement », Communications, n°12, 1968, p. 108.
304
1080
de la rumeur politique . Selon ce même auteur, le « potin » est le contenu de la
rumeur. La rumeur est donc le média qui permet au potin de se propager. Dès lors, dès
que la sexualité devient potin, elle perd son caractère exclusivement domestique et se
déplace vers le monde de l’opinion. La rumeur doit se comprendre comme un processus
de diffusion qui permet à son contenu de se propager sans qu’on ne puisse identifier la
source mais qu’on peut suivre à la trace. La rumeur est un récit, nous dit Jules Gritti, mais,
plus encore, elle est un récit en train de se faire, la rumeur par sa propagation se modifie
et se transforme sans cesse empêchant de la saisir comme un récit clôt, « elle est récit
1081
troué, en état permanent de colmatage » . Dans notre corpus, quand il est question de
la première rumeur, celle des relations extraconjugales de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni
(que nous nommerons rumeur n°1), les journaux ne se font pas narrateurs de la rumeur,
ils ne discutent, ni ne commentent, ni ne décrivent son contenu : ils ne participent pas à
son récit. Cette posture explique le silence de la presse française lors de l’émergence de
la nouvelle dans l’espace public. Quand ils se saisissent de la rumeur, ils adoptent une
posture de méta-communication : ils traitent de la rumeur comme un média. Nous trouvons,
cependant, dans notre corpus de presse quotidienne nationale quelques explicitations du
contenu de la rumeur n°1.
« Supposées liaisons extraconjugales du couple présidentiel » « La description
des déboires conjugaux présidentiels » « Supposées histoires d'infidélités
au sein du couple présidentiel » « Supposées infidélités au sein du couple
présidentiel » « Supposées difficultés du couple présidentiel » « Pour
les rumeurs sur sa vie conjugale » « Rumeurs de mésententes du couple
présidentiel » « Sur fond de rumeurs d’infidélités du couple présidentiel »
« Bruissent les rumeurs d’infidélités autour du couple présidentiel « La
« rumeur » sur les infidélités de couple présidentiel » « Rumeurs sur la
1082 1083
mésantante du couple Sarkosy »
Ces mises en scène sont mobilisées soit comme le produit de l’énonciation d’un autre,
soit dans la suspicion de fausseté. Finalement, de façon dominante, la presse quotidienne
reste vague sur la rumeur n°1 et évoque principalement des rumeurs … Dans notre
corpus de presse quotidienne nationale composé de quarante-six articles, les noms de
Benjamin Biolay et de Chantal Jouanno ne sont jamais énoncés, prouvant que ce n’est pas
le récit comme énoncé mais le récit comme énonciation qui intéresse la presse quotidienne
nationale. L’objet de leur discours n’est donc pas le récit de la rumeur mais sa diffusion.
« Pour les médias, la rumeur est toujours l'information de l'autre, l'information
1084
qu'on ne peut pas donner, et une information probablement fausse. »
Dans leur couverture de la rumeur n°1, il y a donc un refus intrinsèque de la part des
narrateurs à considérer, à diffuser ce qu’elle dit et à participer à son élaboration.
« Les journalistes désignent comme rumeurs ce qu'ils répugnent à nommer
autrement (…) La qualification de rumeurs permet en effet aux journalistes
1080
KAPFERER J-N., Rumeurs. Le plus vieux média du monde, [1ère éd. 1987] Paris : Le Seuil, 1990, p. 251.
1081
GRITTI, J., Elle court, elle court la rumeur , Ottawa : Ed. Internationales Alain Stanké Ltée, 1978, p. 88-89.
1082
Notons que les fautes d’orthographes sont apparues comme telles dans Libération.
1083
Le Figaro du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, Le Figaro du 08/04/10, Le Monde du 08/04/10,
Libération du 08/04/10, Le Monde du 09/04/10 (x2), L’Humanité du 09/04/10, Libération du 09/04/10
1084
TAIEB, E., « Rumeurs politiques et régime médiatique : la mort d'Arafat », Quaderni, 58, 2005, p. 5.
305
de rappeler l'écart entre un corps social perméable aux rumeurs et qui les
fabriquerait, et une presse qui en serait exempte et ne ferait que les relayer ou les
1085
dénoncer. »
Seuls Voici et Closer se saisissent de la rumeur n°1 et participent à son récit, lors de
1086
la première phase de la rumeur . Ils sont des « relais passifs », c’est-à-dire déclarés
comme peu convaincus « par la rumeur. Néanmoins, un léger doute a été instillé dans
leur esprit. Ils ne militent pas contre la rumeur, ni ne se cantonnent dans un mutisme
1087
neutre : soupçonneux, ils interrogent. » . Closer énonce explicitement ses doutes
sur le couple.
« Les gestes sont moins tendres, les attitudes plus figées » « Autant d’éléments
qui ne prouvent rien. Mais qui laissent subsister le doute »
Voici , plus réticent à la rumeur n°1 a priori, construit son récit autour d’une performance :
Nicolas Sarkozy est conjoint à Carla Bruni. Pourtant, l’analyse de ce récit montre un doute
de la part du narrateur, sous-jacent à cette performance. Cette hésitation est incarnée par
le Destinateur de la performance qui est le monde de l’opinion, et plus particulièrement la
rumeur.
« Absurde, grotesque, impossible ? Quoiqu’il en soit, les intéressés ne pouvaient
pas laissés courir de tels bruits sans contre-attaquer. Ce n’est sûrement pas un
hasard s’ils se sont offert une escapade en amoureux au cap Nègre. » « Pour
tordre le cou aux rumeurs, notre « first couple » n’a pas ménagé ses efforts et ses
effets »
Le doute est débrayé subtilement : si la performance semble nier la rumeur, le Destinateur
installe cette performance dans le monde de l’opinion, laissant libre les suppositions quant
à l’être du couple dans le monde domestique, une sanction que l’on retrouve dans la titraille
et la rhétorique du paraître : « ils semblent plus unis que jamais ».
A partir de fin mars, un tournant dans la rumeur entraîne sa couverture médiatique
dans les autres titres de notre corpus. Cinq dates basculent la rumeur dans la phase du
commérage : le 22 mars et la démission de directeur d’opération de Newsweb et de l’auteur
du blog ayant publié la rumeur, le 28 mars avec la révélation du dépôt de la plainte contre
X par le groupe Lagardère, le 31 mars et la révélation de soupçon autour de Rachida Dati,
et enfin les déclarations de Pierre Charon et Thierry Herzog, les 4 et 6 avril. Ces dates
constituent une rupture dans la rumeur, voire sa clôture, en tant qu’elle désigne et dénonce
1088
ses sources. Le commérage se distingue de la rumeur par l’existence d’une source . Si la
1089
rumeur est une « œuvre collective » dont la source n’est pas identifiable, le commérage
1090
est le (mé)fait d’un énonciateur : la commère . Pourtant, si le commérage est rattaché à
1085
Ibid. p. 5.
1086
Voici 1166, Closer 248.
1087
KAPFERER, 1987, op. cit. p. 114.
1088
KAPFERER, 1987,op. cit. p. 28.
1089
Ibid. p. 112.
1090
Le terme est féminin et révèle une association entre femme et commérage très répandue dans l’imaginaire collectif. Le
terme de « commérage » vient du latin « commater » qui désigne la marraine. Kapferer indique que le sens en lien avec la femme
a été maintenu par l’idée que, dans les sociétés patriarcales, « privées de la vie publique, les femmes rendaient publique la vie
privée » (Kapferer, 1987, op. cit. p. 116). Notons que cette même association existe dans la langue anglaise puisque que « gossip
» vient de « god-sib », c'est-à-dire « la marraine ».
306
son énonciateur, son énonciateur reste caché dans l’espace limité de son énonciation : le
commérage est anonyme. Une commère est un accusateur caché ; l’accusation proférée au
1091
travers d’un commérage coûte moins à son accusateur que dans le cas d’un scandale . Le
commérage est donc « une forme tronquée, oblique, limitée d’accusations publiques
1092
» tandis que le scandale est la « mise en accusation publique qui conduit, sans
coup férir, au châtiment, unanimement reconnu comme légitime et souhaitable, de
1093
l’accusé » .
Dans le cas des relations extraconjugales de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, nous
sommes face à une rumeur, à un « son audible » qui s’élève de la multiplicité. La rumeur
devient un commérage au moment où sont identifiés, à juste titre ou non, ses accusateurs.
Mais l’itinéraire est complexe, ce passage vers le commérage est le produit d’un commérage
second. Le commérage est un exercice de tolérance : « il sépare la faute de sa sanction
1094
» . En effet, selon Lemieux, l’accusation proférée dans le commérage, par son espace
restreint et limité, reste au stade d’une accusation flottante et tolérante : « la confrontation
1095
publique n’a jamais lieu » . Pourtant, dans la deuxième phase de notre objet d’étude,
ce ne sont pas Nicolas Sarkozy et Carla Bruni qui sont mis en accusation mais Rachida
Dati. La rumeur n°1 devient commérage n°1 au travers de la parole de Pierre Charon,
Thierry Herzog et Claude Guéant. En identifiant un auteur de la rumeur, il la transforme en
commérage. Mais ce commérage reste incertain et n’atteint jamais la phase du scandale
car il n’est jamais rendu public par ses propres énonciateurs. L’objet de l’accusation est
déplacé. L’accusateur prétendu (Rachida Dati) dans le commérage n°1 devient l’accusé
dans le commérage n°2. La publicisation du commérage n°2 le bascule alors dans la phase
1096
du scandale n°2 .
307
1098
Closer 248 (x2), Closer 249.
1099
Voici 1166 (x2), Closer 248 (x3)
1100
Le Figaro du 07/04/10, Le Monde du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, Le Monde du 10/04/10, La
Croix du 10/04/10, L’Humanité du 10/04/10.
308
Les premiers sont peu mis en scène comme victimes dans notre corpus du fait du
refus de la presse française à être le propagateur de la rumeur n°1. Pourtant, dans Le
Figaro, la figure de la victime est incarnée par Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais aussi plus
généralement par l’Elysée qui est une victime collatérale de la rumeur. La figure du bourreau
est remplie alors par celui qui incarne le rôle de l’accusateur : la rumeur. Ce n’est qu’au
travers des citations qu’émerge un coupable plus précis – Internet –, désigné au travers de
la reprise du discours de Nadine Morano ou de Nicolas Sarkozy, discours qui ne sont cités
1101
dans aucun autre titre de notre corpus . Cette posture particulière du Figaro se retrouve
dans la sanction attribuée au discours de Carla Bruni sur Europe 1 et sur les derniers
articles de notre corpus. En effet, Le Figaro sanctionne positivement le discours de la
1102
première dame : « Carla Bruni tourne la page des rumeurs » . Il est le seul journal à
ne pas évoquer le démenti de la part de Bernard Squarcini sur l’existence d’une enquête,
ce qui empêche de considérer une suite à la rumeur et permet au discours de Carla Bruni
de disjoindre le couple présidentiel et les Français de la rumeur.
Dans les autres titres de notre corpus, la figure de la victime n’est pas incarnée par
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais par les Français. Ce déplacement s’opère à partir de
l’interprétation du commérage n°2 qui tient du scandale par sa publicisation. Le commérage
n°2 accusant Rachida Dati d’être l’instigatrice du commérage n°1 se transforme en scandale
au moment où Le Canard Enchainé et Le Nouvel Observateur le mettent en scène
et au moment des déclarations publiques de Pierre Charon et de Thierry Herzog. Si, dans
le commérage, la commère est anonyme, invisible, l’accusateur devient public lors du
passage du commérage au scandale. On remarque qu’avant le 28 mars, cette désignation
de l’instigatrice tenait encore du commérage et constituait « en ce sens un moyen
efficace pour l’accusateur de ne pas avoir à payer le coût de l’acte de langage public
1103
qui ouvrira le scandale » . Mais, dès lors que cette accusation est rendue publique,
1104
l’accusateur se voit « devenir lui-même l’objet d’accusations » . Nous retrouvons
1105
dans la presse quotidienne nationale une dénonciation de cette pratique de mise en
accusation publique.
« Le communicant [Pierre Charon] évoque les rumeurs qui ont circulé sur le
Net à propos du couple présidentiel. Il crie au complot après avoir monté en
spectacle la vie privée du chef de l’État. La comédie continue. » « M. Charon
est un client. L’une des voix autorisée de l’Elysée mais aussi une grande gueule
façon Tontons Flingueurs » « Du pouvoir puisque tout se joue autour du chef de
l'Etat et de son premier cercle avec des ministres et ex-ministres (Brice Hortefeux
vs Rachida Dati) s'accusant des pires turpitudes et multipliant les coups bas.
Des conseillers du prince à la manœuvre (Pierre Charon, Franck Louvrier) et
des avocats vedettes (Me Thierry Herzog, Me Georges Kiejman) qui lâchent des
mots comme "complot", "officines", "entreprise de déstabilisation" avec des
1101
Le Figaro du 08/04/10, Le Figaro du 09/04/10
1102
Le Figaro du 08/04/10
1103
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 389.
1104
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 390.
1105
A l’exception du journal Le Figaro .
309
Si Nicolas Sarkozy est une victime pour Le Figaro, il incarne le coupable dans
ces trois quotidiens : il est le Destinateur des discours de Pierre Charon et Thierry
Herzog comme le Destinateur du dépôt de plainte du JDD .
« Contrairement à ses habitudes en matière de diffamation, M. Sarkozy ne contre-
attaque pas lui-même sur le plan judiciaire. Il laisse le soin au groupe Lagardère
de déposer une plainte contre X » « En début de semaine, l'Elysée avait sorti, via
le conseiller Pierre Charon et l'avocat du président Thierry Herzog, le scénario
d'un complot de l'anti-France, associé à Rachida Dati, visant à déstabiliser la
présidence de la République à travers des rumeurs de mésentente du couple
présidentiel » « Pour la plupart des députés, il paraît exclu que M. Charon ait
pris l'initiative de cette contre-attaque sans en référer à qui de droit. » « Des
jours de folie pure viennent de s’écouler, durant lesquels un pseudo-chef de
l’État a polémiqué par conseillers interposés avec son ex-garde des Sceaux(…)
1107
Décryptage : Nicoléon a exigé, les services ont exécuté. »
C’est au travers d’un autre programme narratif d’usage que Nicolas Sarkozy est désigné
comme coupable de la diffusion même de la rumeur n°1. Le chef de l’Etat est désigné
comme celui qui a mélangé vie privée et vie politique, ce mélange occasionnant alors un
espace favorable pour le développement d’une telle rumeur.
310
depuis des années par Nicoléon lui-même! Qui a osé l’exposition vulgaire de
Disney avec des plumitifs consentants ? Qui a utilisé, sur les conseils d’un
certain Richard Attias, la mise en scène poujadiste du petit Louis s’écriant
«Bonne chance, mon papa!» dans un film de l’UMP ? Qui a joué avec sa propre
pipolisation pour se construire un destin papier glacé ? Qui a piétiné le prestige
d’une fonction qui n’avait pas besoin de ça pour se désacraliser un peu plus,
affectant non seulement la politique mais l’intime lui-même, dévalué d’être ainsi
1108
donné à voir ? »
Cette attribution des rôles remplis par Nicolas Sarkozy est augmentée d’une sanction
opposée à celle du Figaro quant à l’intervention de Carla Bruni sur Europe 1 . En effet,
si pour Le Figaro ce discours permet la disjonction avec la rumeur, ce n’est pas le cas
pour Libération , Le Monde, La Croix et L’Humanité : cette disjonction est en posture
d’échec avec une sémantique de la tentative.
« Carla tente d’éteindre l’incendie » « Nicolas Sarkozy et son épouse tentent de
clore « l’affaire » des rumeurs. » « Carla Bruni-Sarkozy qui essaie de dégonfler
1109
l’affaire » « L’Elysée essaie de tourner la page des rumeurs »
C’est donc une tentative ratée, selon ces quotidiens, mise en exergue par le démenti de
Bernard Squarcini, opposant et Destinateur-judicateur à la performance de Carla Bruni.
L’Humanité poursuit sa sanction et dévoile cette performance comme relevant d’une
manipulation.
« L’essentiel pour le couple présidentiel est de dégonfler suffisamment la
baudruche pour l’empêcher de dégénérer en affaire d’état… tout en continuant de
lui donner une visibilité suffisante pour occuper l’espace médiatique » « On nous
joue maintenant le couple outragé – c’est vendeur, non? – victime de la Toile et
des gratte-papier qui n’épargnent guère ces temps-ci le petit-homme-de-Neuilly…
1110
après deux années de lèche-talonnettes indécentes. La bonne blague. »
Pour résumer, Le Figaro affronte les autres titres de la presse quotidienne nationale dans
sa définition et sanction de la rumeur, au travers de l’attribution des rôles aux différents
personnages de la rumeur. Mais qu’en est-il de la presse people ?
311
VSD 1703 : « Carla Bruni & Rachida Dati : une amitié « particulière ». Voici 1170 :
« Les rumeurs, ça suffit ! L’une défend son mari, l’autre son honneur. » Closer 252 :
« Rachida est notre amie » Gala 879 : « Carla et Rachida : amie ou ennemie ? »
312
313
1116
L’Humanité du 06/04/10, Le Monde du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Libération du 08/04/10, L’Humanité du 10/04/10
1117
BOLTANSKI, L. & CLAVERIE, E., « Du monde social en tant que scène d’un procès », BOLTANSKI, L., CLAVERIE, E., & al. (dir.)
Affaires, scandale et grandes causes. De Socrate à Pinochet , Paris : Ed. Stock, 2007, p. 431.
1118
Ibid. p. 433.
1119
Le Figaro du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Libération du 10/04/10
314
Cet échec est amplifié dans les énoncés sur l’affaire à partir des parcours thématique
de la jalousie et de la revanche insistant sur des rapports entre les personnages alors
identifiés comme issus du monde domestique. Les accusateurs sont désignés « comme
des « anormaux » », comme des « fous », et (…) comme des « paranoïaques ».
1120
» . Le scandale n°2 prend la forme de l’affaire, que l’on pourrait identifier comme n
°3 ; elle est le produit d’un nouveau déplacement de l’objet d’accusation, cette fois-ci, les
accusateurs étant les narrateurs des récits, les accusés sont les accusateurs du scandale
n°2. Mais le discours de Carla Bruni sur Europe 1 opère ce même déplacement, désignant
l’accusation de Charon dans « l’emportement de l’amitié », ce qui fut largement repris
par les narrateurs pour souligner l’attachement des personnages entre eux.
« Une affaire est scandaleuse quand elle dévoile en public les liens qui unissent
les personnes, qu’elle « déballe » sur « la place publique », le linge sale
des familles. La forme affaire se développe dans la tension entre le monde
1121
domestique et le monde civique. »
Ainsi, le retournement de l’accusation permet à l’affaire de prendre forme. Le public devient
à la fois témoin et victime de l’affaire. Dans les justifications, s’affrontent alors deux mondes :
le monde civique et le monde domestique. Les amitiés et les inimitiés des personnages de
la rumeur s’opposent au public, qui est celui du monde civique, c’est à dire « les Français
qui ont tant de problèmes », « les citoyens » dans leur rapport à « la chose politique
», « dans un moment où tout se détraque, où les dépressions s’enchainent », « des
pans entiers de l’électorat de droite » indisposés, « l’opinion qui demeure hostile à
l’intrusion de la sphère privée dans le débat public » et les « Français qui souhaitent
1122
à 70% qu’il ne se représente pas… » . Le retournement de situation et la naissance de
l’Affaire prennent sens dans l’indignation des petits face aux pratiques des grands.
L’itinéraire complexe de la rumeur révèle le jeu entre les mondes. La presse people ou
Le Figaro confinent l’information et le média dans les mondes domestique et de l’opinion :
la rumeur et le commérage n’atteignent jamais la phase du scandale, du complot ou de
l’Affaire. Elle reste une affaire de couple (Sarkozy-Bruni) ou d’amitié (Dati-Bruni-Sarkozy
ou Charon-Herzog-Sarkozy). C’est dans les autres titres de presse quotidienne nationale
que la transformation s’opère au prisme d’un déplacement dans le monde civique qui tient
le rôle de victime et de dénonciateur de cette rumeur. De cette identification des espaces
de signification pour la transformation de la rumeur émerge un questionnement autour de
l’évènement : Et si, en amont et en aval de l’information-people, il n’y avait jamais
d’évènement ?
1120
BOLTANSKI & CLAVERIE, 2007 , op. cit . p. 436.
1121
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 313.
1122
Le Monde du 09/04/10, Libération du 10/04/10, Le Monde du 13/04/10, Libération du 07/04/10, L’Humanité du 09/04/10, Libération
du 23/04/10
315
La presse people, focalisée sur des personnages qu’elle confine dans les
mondes domestique et de l’opinion et légitimée par le caractère révélatoire de sa
1123
ligne éditoriale l’empêchant de représenter un « non savoir radical » , réduit
au minimum le potentiel évènementiel de certaines informations-people.
La couverture de ces trois évènements montre que l’information a priori people découvre
une faille de la représentation dans une politisation de l’information. Ce qui laisse interdit
dans les récits sur l’accouchement de Rachida Dati, ce sont la possibilité d’être mère et
femme politique et l’exemple donné par la garde des Sceaux qui questionnent alors la
légitimité du congé maternité. Ce qui laisse interdit dans le traitement des rumeurs et dans
le mariage de Nicolas Sarkozy, ce sont le commérage n°2 et le scandale n°2 et la visibilité
du mariage, qui dénoncent l’intrusion du monde domestique par le monde de l’opinion dans
le monde civique. Y a-t-il évènement sans un déplacement dans le monde civique ?
L’évènement bouleverse l’ordre établi. Dans le cas du mariage de Nicolas Sarkozy et
Carla Bruni, deux ordres semblent bouleversés : celui du monde civique et celui du monde
domestique. Le mariage est une cérémonie marquée par une nouvelle distribution des états
de grandeur. L’ordre des grandeurs est alors modifié mais n’est pas pour autant bouleversé.
Nicolas Sarkozy conserve son statut de père et d’époux, seule sa femme change. Il n’y a
pas d’aporie du savoir produit par le bouleversement de l’ordre établi. Pourtant, la rhétorique
du secret et de la révélation et les effets de fiction dans la presse people produisent cette
impression. L’aporie du savoir est aussitôt comblée par le narrateur du récit qui se débraye
dans un savoir-dire légitimant alors son énonciation. Par ailleurs, elle est de l’ordre du
monde domestique et de l’intime. Or, « l’évènement est une rupture qui conduirait
1124
à ruiner l’ordre et l’équilibre sur lequel [la société] est fondée » . La rupture de
l’ordre domestique au travers d’une modification des grandeurs au sein d’une famille ne
constitue donc pas un évènement. Dans Libération et L’Humanité , la mise en visibilité
du mariage est dévoilée comme un opposant : elle favorise le mariage comme cérémonie,
épreuve du monde domestique, au détriment du pouvoir d’achat, objet du monde civique.
Ces journaux déplacent le mariage dans le monde civique ou plutôt le désignent comme
hors du monde civique ; ils créent une di-vision de l’information et remettent en cause ce
qui s’est produit : un mariage, symbole d’un amour, ou une monstration tendant à être
interprété comme une manipulation. Ils créent une brèche en installant des suspensions
et des intelligibilités de l’information : l’évènement peut alors émerger. L’incertitude quant
1125
à la rupture occasionne alors « des décalages d’interprétation » . Or l’aporie du
savoir ne peut se fonder que sur une incertitude de ce qu’il en est de ce qu’il est . Ici,
nous approchons précisément le propos de notre conclusion, qui s’attachera à comprendre
comment la peopolisation se construit à partir d’une incertitude que la presse écrite tente de
résoudre ou au contraire institue par la critique et par une division entre la réalité et le monde
où la peopolisation n’est pas. Dans le cas du traitement médiatique de l’accouchement de
Rachida Dati, on constate que cette incertitude réside dans la possibilité d’être mère et
femme politique en même temps. Cette contradiction des êtres divise la mère et la femme
politique. Avant l’arrangement ou la dénonciation, se posent plusieurs questions : Est-ce
que Rachida Dati peut être mère dans le monde civique ? Est-ce que Rachida Dati peut-
être femme politique dans le monde domestique ? Est-ce que cette (im)possibilité est celle
1123
TETU, 2008 , op. cit . p. 22.
1124
TETU, 2008 , op. cit . p. 22.
1125
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 55.
316
du monde de l’opinion ? Les réponses sont multiples selon les postures éditoriales des
journaux ou des hebdomadaires.
Mais, par ailleurs, n’est-ce pas la mobilisation d’une « mémoire sociale, politique
1126
et historique » , objet du monde civique, qui participe à l’évènementialisation de cette
information en revenant sur le combat des femmes pour le congé maternité ? Dans le cas
des rumeurs, l’évènement nait dans la politisation de l’affaire, au moment où la rumeur puis
le commérage, médiats confinés dans le monde domestique et le monde de l’opinion, sont
projetés dans le monde civique et entrent dans la phase du scandale, puis de l’Affaire.
Le monde civique semble ainsi recéler le potentiel évènementiel de l’information.
Pourtant, au début de ce chapitre, nous traitions du décès de Gregory Lemarchal comme
un évènement-people. Dans quelle mesure, y a t-il de l’évènement dans ce décès ?
L’expression « évènement-people » n’est-elle pas un oxymore qui n’a de l’évènement que le
nom ? Si les autres médias se sont saisis de la mort du jeune chanteur, la presse quotidienne
nationale évoque sa disparition à la manière d’un faire-part de décès. Les cinq journaux de
notre corpus évoquent, ainsi, la date de la disparition, l’âge du chanteur, la cause de la mort
1127
et enfin les raisons de sa célébrité . Ce traitement court et descriptif (jamais plus de 200
mots) interdit de considérer ce décès comme un évènement. Le rubriquage le confirme :
1128 1129
l’information apparaît dans les rubriques « Variété » , « Culture » , « Médias/Télé
1130 1131
» et « Carnets » . L’écart entre le numéro spécial de Public , publié deux jours avant
la parution régulière de l’hebdomadaire et consacrant un dossier de plus de dix pages à la
mort du jeune chanteur et les faire-parts de décès dans la presse quotidienne nationale,
démontre que ce qui fait évènement dans la presse people ne tient pas de l’évènement
pour une presse plus sérieuse ou selon la définition scientifique. Ainsi, considérer la mort
de Gregory Lemarchal comme un évènement-people fait de cette notion un oxymore. Les
logiques du récit people montrent que les récits restent confinés dans le monde domestique
et le monde de l’opinion, comme si, finalement, ils relevaient et demeuraient dans la phase
du commérage. La non-évènementialisation de l’information-people ébranle l’expression de
« presse à scandales ».
1132
« Parler à son propos de « presse à scandale » paraît bien excessif. »
Cette presse ne peut construire le scandale par elle-même. Le scandale consiste en
la dénonciation depuis le monde civique du monde domestique, mise en accusation,
1133
plus loin, par le monde de l’opinion – (3/1)/2 . La première dénonciation émerge donc
du monde civique. Or, les évènements investigués soulignent que ce monde, s’il est
mobilisé, n’est atteint, dans la presse people, qu’au travers de déplacement dans le monde
domestique et de l’opinion et ne peut exister sans eux dans ce genre. En ce sens, le lieu de
déploiement des révélations et des mises en accusations de la presse people est réservé
au monde domestique et au monde de l’opinion. L’évènement et le scandale ne peuvent
1126
Ibid. p. 49.
1127
La Croix et Le Figaro installent, en plus, dans cette annonce, le parcours thématique du courage.
1128
Libération du 02/05/07
1129
Le Figaro du 04/05/07, La Croix du 02/05/07
1130
L’Humanité du 04/05/07
1131
Le Monde du 04/05/07.
1132 ème
DELPORTE, C., « Des échos mondains du 19 siècle à Voici », Médiamorphoses , 8, 2003, p. 72.
1133
Cette formule rend compte de la double dénonciation contenu au sein du terme « scandale », Cf. Chap. IV-2-2-1.
317
émerger, même s’ils reposent sur des faits apportés par le genre people ; ils nécessitent
un réinvestissement par la presse dite « sérieuse ». Plus encore, ces trois évènements,
déplacés et construits dans le monde civique par la presse quotidienne nationale, sont
maintenus, après leur évènementialisation, dans le monde domestique et de l’opinion par la
presse people. La presse quotidienne nationale s’est saisie du discours de Carla Bruni, lors
des rumeurs d’infidélités, pour transformer le scandale en Affaire – (3/1)/(2-1) – procédant
d’un double déplacement dans le monde civique, l’investissant doublement dans l’ordre
politique et sociétal. La presse people réinscrit, quant à elle, le discours de Carla Bruni
dans les mondes de l’opinion et domestique, et l’institue comme révélateur d’inimitiés et de
jalousie entre les deux femmes, effaçant la prise du monde civique, comme si l’identité de
cette presse l’obligeait à l’éviter. Dans le confinement du genre people, il n’y a d’évènement
ni en amont ni en aval.
318
319
significative. Ensuite, l’un des objets de notre thèse est la campagne présidentielle ; ouvrir
nos perspectives à des titres qui n’existaient pas alors semblait peu pertinent. Nous avons
fait le choix de catégoriser, par ailleurs, les dates de parution des titres en fonction de
l’année et du numéro de la semaine, afin de pouvoir opérer des comparaisons même si
1137
les dates de parution diffèrent de quelques jours . La dernière variable de codification de
nos observations identifie cinquante-sept personnages politiques mis en scène dans ces
Unes. Nous opérons une distinction entre deux formes de visibilité de ces personnages. La
« visibilité confondue » consiste en la visibilité d’un personnage sans tenir compte du type
de visibilité : nous confondons une apparition en Une centrale, une photo de second plan ou
la simple évocation de son nom. A l’inverse, la « visibilité différenciée » permet de distinguer
les modes d’apparition du personnage.
[Tableau 10 : Les 57 personnages et leur nombre d'apparition en Unes]
1137
Pour les semaines charnières entre deux années, l’année dans laquelle le numéro du magazine est identifié, peut différer
de l’année de parution. Il est important de souligner la difficulté pour la catégorisation semainière des numéros de Closer, due à
une parution anarchique : certaines semaines voient paraître deux numéros, d’autres aucun. Notons, par ailleurs, que les jours de
parution de ce titre n’ont cessé d’être modifiés lors de notre période d’investigation.
320
321
partir d’une probabilité d’erreur. En général, le seuil à partir duquel on considère le résultat
comme réellement significatif, c’est à dire le niveau « acceptable » de la probabilité de se
tromper, est fixé par convention et habitude à 5 %. Pour cela, il faut comparer le χ² obtenu
(tableau observé) au χ² critique (tableau virtuel), c'est-à-dire le χ² du cas d’une indépendance
parfaite. Le seuil critique est une donnée fixée selon le degré de liberté et la probabilité
d’erreur, ces données ne dépendent donc pas des variables et sont au préalable établies
1139
dans une table de χ² . Quand le chercheur produit lui-même ses calculs, il compare le χ²
obtenu avec les χ² critiques selon le degré de liberté de son tableau, ce qui lui permet de
trouver la probabilité d’indépendance de ses variables. Ainsi, la table du χ² indique qu’avec
un degré de liberté de 2 et pour un χ² obtenu de 2,4, ce χ² obtenu se trouve au-dessus de la
probabilité d’erreur de 20% (mais en dessous du seuil critique de la probabilité d’erreur de
10%). Avec un tel résultat, il y a 20% de chance que la dépendance observée soit fausse :
cette marge d’erreur est trop importante pour nous permettre d’affirmer une dépendance
entre les deux variables croisées.
Modalisa propose directement le seuil de probabilité d’erreur dépassé. Ainsi, la valeur
p proposée par modalisa nous permet de voir immédiatement s’il y a dépendance ou
pas. Plus cette valeur est proche de zéro, plus le χ² est significatif. Nous considèrerons que
toute valeur p supérieure à 0,05 ne sera pas acceptable pour affirmer une dépendance et
limiterons donc la vérification de nos hypothèses au seuil des 5% de marge d’erreur.
Considérons un exemple à partir d’une hypothèse de notre corpus : les dix personnages
les plus visibles dans notre corpus apparaissent plus souvent en photo sur les Unes.
Pour cela, nous transformons la variable des personnages politiques construite sur 57
modalités (une pour chaque personnage) en une variable basée sur deux modalités : les
dix plus visibles, d’un côté, et les autres, de l’autre. De là, nous croisons la variable « les
personnages politiques : les 10 plus visibles VS les autres » et la variable « types de
visibilité ». Nous espérons alors que le test du χ² échoue pour être en mesure de déterminer
une influence entre ces deux variables. Modalisa nous indique que notre hypothèse est
prouvée.
Khi2=13,8 ddl=2 p=0,001 (très significatif)
Sans nous attarder sur le calcul du χ², notons que Modalisa nous indique que le χ² est égal
à 13,8, ce qui correspond au seuil critique significatif pour un degré de liberté égal à 2 (notre
tableau est composé de 3 lignes et 2 colonnes, soit (3-1) x (2-1) = 2) et une marge d’erreur
de 0,001. Ainsi, nous sommes en mesure d’affirmer que le type de visibilité et l’importance
1140
de la visibilité du personnage sont dépendants et s’influencent l’un et l’autre et que cette
affirmation a 0,1% de chance d’être erronée. Dans cette logique, le test du χ² permet de
confirmer ou confronter nos analyses et nos interprétations.
1139
Ces données ont été reproduites, Annexes. D. 1.
1140
Le χ² ne nous permet pas de dire quelle variable influence et laquelle est influencée.
322
323
deux Unes et Jean Sarkozy, une seule fois. Par ailleurs, son mode de visibilité particulier
nous empêche de pouvoir le regrouper avec un autre titre, pour atténuer ses faibles effectifs
dans un groupe pertinent. De ce fait, de nombreux tri-croisés sont jugés non fiables par
Modalisa . On le remarque d’ailleurs avec notre exemple, car dès que nous supprimons
Public , la confirmation « très significatif » est aussitôt énoncée par le logiciel. Nous
avons poussé l’expérience au bout en associant Public à chaque mode de visibilité, puis
à chaque groupe de deux titres, puis enfin, à chacun des titres quand ceux-ci sont isolés
les uns des autres : à partir du moment où Public est regroupé avec un autre titre ou dès
que celui-ci est supprimé, le résultat du χ² est fiable et devient : « très significatif » avec
la valeur p égale à 0,001.
Deux conclusions de cette expérience et de ce problème de fiabilité posé par Public
s’imposent. Premièrement, les faibles résultats de Public ne changent pas les tendances
dessinées par les autres titres ni celles de leurs regroupements. Deuxièmement, si, lors
de la campagne présidentielle, aucune particularité de Public quant à sa politisation et la
médiatisation des personnages politiques ne se révélait, la période qui suit voit émerger de
nouveaux éléments permettant de distinguer, une nouvelle fois, ce magazine des autres.
Ainsi, dans ce chapitre, nos analyses laisseront de côté cet hebdomadaire, non pas parce
qu’il inverse les tendances et les résultats mais parce que sa faible médiatisation des
personnages politiques et sa moindre politisation dans la période post-campagne nous
amènent à le traiter comme un cas particulier.
La question de la fiabilité et de la marge d’erreur se pose enfin dans sa pertinence et
sa validité dans le cadre de notre étude. En effet, nous ne tentons pas de nous servir de ce
corpus pour produire des généralités hors de lui mais le considérons dans sa clôture et sa
consistance. La marge d’erreur repousse les limites de l’échantillonnage. Or, notre corpus
n’est pas le produit d’un échantillon, mais rend compte de l’intégralité des données que nous
étudions ou que nous souhaitons étudier. Nos données sont donc fiables parce qu’elles sont
celles de la réalité de notre étude. Le problème posé par l’épreuve du χ² semble dépassé :
c’est le test de significativité qui s’avère heuristique.
« Le #² est donc extrêmement sensible aux effectifs : plus ceux-ci sont élevés,
plus le risque de se tromper en rejetant l’hypothèse d’indépendance est faible,
et donc plus la valeur du p est petite. Un #² non significatif peut donc signifier
soit qu’on ne peut rejeter l’hypothèse d’indépendance entre les lignes et les
colonnes du tableau (dans le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont
très proches les uns des autres), soit qu’il n’y a pas indépendance mais que les
effectifs dont je dispose ne me permettent pas d’en être sûr statistiquement (dans
1142
le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont sensiblement différents). »
Le risque des petits effectifs est celui de la non-significativité. Cependant, quand ceux-ci
infirment l’indépendance des variables, la probabilité de se tromper n’existe pas. Ainsi, pour
toutes ces raisons, nous rejetons la limite de la valeur théorique inférieure à 5.
Pour résumer, ce corpus quantitatif, Modalisa et le test du χ² offrent de nouvelles
perspectives à notre étude qui écartent nos considérations sémiotiques et sociologiques
pour un temps. Une telle investigation confrontée à nos analyses qualitatives permettra
ensuite d’avancer dans la réflexion sur la notion de peopolisation et sur son incarnation dans
notre corpus et dans l’espace public français.
1142
BARNIER, J., « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le χ² sans jamais avoir eu envie de le demander »,
2010, p.25. [En ligne : http://alea.fr.eu.org/git/?p=doc_khi2.git;a=blob_plain;f=khi2.pdf]
324
1143
Voir Annexes D. 2. Tri-croisé n°1, 2 et 3.
325
1144
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°4.
1145
Voir tri-croisé n°2, page suivante.
1146
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°5.
1147
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°6.
326
centrales, alors que ces derniers sont plus présents, en Unes, avec une photo de second
1148
plan ou la simple évocation de leur nom .
327
médiatisation des personnages politiques les plus médiatisés dans le mode mimétique bas,
avec une omniprésence de la famille Sarkozy.
La presse people met en scène de nombreux personnages étrangers, ce qui s’explique,
entre autres, à travers la question du droit à l’image et à la vie privée. Qu’en est-il quand
on considère les personnages politiques ? Une large part des personnages politiques
sont français ; pourtant, la distinction Français/Etrangers se révèle opératoire. Le mode
mimétique haut est plus enclin à médiatiser des personnages politiques étrangers : 92,7%
des apparitions de personnages étrangers sont le fait de la médiatisation par un des titres du
mode mimétique haut. Par ailleurs, les sous-catégories des titres au sein de chaque mode
rendent compte de la distinction Français/Etrangers puisque ce sont VSD et Paris-Match
qui les mettent le plus largement en scène (63,6%). Suivent ensuite Gala et Point de Vue
avec 29,1%. Voici et Closer d’un côté, France-Dimanche et Ici-Paris , de l’autre,
1151
ne sont à l’origine que de 3,6% de la visibilité de personnages politiques étrangers .
Aucune distinction entre ces personnalités étrangères ne s’avère, cependant, significative,
ni la comparaison entre les Obama et les autres, ni entre les deux plus visibles (le couple
Obama) et les autres, ni entre les politiques étrangers et les membres de leur famille.
1151
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°12, 13 et 14.
1152
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°15 et 16.
328
329
[Tri croisé 3 : Visibilité des femmes selon leur visibilité et leur statut / Titres]
Trois types de femmes sont présents dans notre corpus de personnages médiatiques :
les femmes politiques, les femmes des hommes politiques et les filles et les mères des
hommes politiques. Il est intéressant de remarquer que ces dernières n’apparaissent que
1153
dans les titres du mode mimétique haut . Si l’on distingue les femmes politiques des
épouses d’hommes politiques, la logique voudrait que les femmes politiques soient plus
apparentes dans les titres VSD et Paris-Match . Et pourtant, c’est dans le mode mimétique
bas que les femmes politiques ont une visibilité plus forte par rapport aux femmes des
politiques et ce, plus particulièrement, sur les Unes de Voici et Closer qui accordent,
respectivement, 46,2% et 44,4% des apparitions
330
différence de visibilité de ces types de femmes (figurée par les écarts dans le graphique ci-
1155
dessus ) permet de remarquer que VSD et Paris-Match tendent à rendre visibles des
femmes qui ne le sont pas dans les autres titres, tandis que Voici et Closer mettent en
scène essentiellement les femmes qui font parties des dix personnages les plus visibles de
notre corpus. La forte médiatisation des femmes politiques dans ces deux derniers titres ne
concerne que Ségolène Royal et Rachida Dati (et Rama Yade une seule fois pour chacun).
La concentration des femmes politiques
autour des deux plus visibles pour ces titres issus du mode mimétique bas se confronte
à la disparité des femmes politiques proposée par VSD et Paris-Match dans le mode
mimétique haut.
Ce tableau souligne clairement la concentration des femmes peu visibles dans les titres
du mode mimétique haut, plus particulièrement pour Paris-Match et VSD . Quand Gala
et Point de Vue mettent en scène des personnages politique féminins à faible visibilité, ce
sont essentiellement des membres de la famille d’hommes politiques.
331
autres y compris les 5 hommes les plus visibles, celle-ci détiennent 60% des apparitions
des personnages politiques (soit un effectif de 413 apparitions sur 688), une tendance qui
s’inverse si l’on opère la même comparaison pour les cinq hommes les plus visibles. Cinq
femmes sont donc omniprésentes dans les Unes politiques de la presse people entre le 14
mai 2007 et 30 avril 2010.
Plusieurs hypothèses de regroupements s’imposent pour saisir le traitement
journalistique de ces femmes. Une première étape nous amène à dresser un podium de
1157
visibilité pour chacune de ces femmes selon chaque titre de presse people .
[Tableau 14 : Podium de visibilités selon les titres pour les 5 femmes les plus visibles]
Carla Bruni, Cécilia Sarkozy et Rachida Dati se disputent les trois premières places de
visibilité. Il est intéressant de noter l’omniprésence de Cécilia Sarkozy. Elle a été l’épouse de
Nicolas Sarkozy et la première dame de France durant quelques mois. Carla Bruni, troisième
épouse de Nicolas Sarkozy arrive fin 2007 dans notre corpus. Si elle est un personnage
relevant du monde artistique avant cette date, après sa rencontre avec le président de la
République, elle perd ce statut au profit de sa relation avec le chef de l’Etat ; sa visibilité
passe alors par l’intermédiaire de l’homme politique. Son arrivée n’efface pas pour autant
Cécilia Sarkozy des Unes de Presse People : celle-ci conserve sa médiatisation (même si
ème 1158
elle s’étiole à partir du 3 trimestre 2008 ), passant du statut de première dame à ex-
femme du chef de l’Etat.
La confrontation entre ces deux personnages selon les titres ou le mode de visibilité
1159
n’est pas jugé pertinente par le test du χ² : nous ne sommes donc pas en mesure de
parler de presse pro-Cécilia ou pro-Carla malgré un « match » pour la visibilité entre ces
personnages politiques hautement médiatiques. C’est au travers d’un autre regroupement
que leurs médiatisations peuvent être distinguées : parmi ces cinq femmes, trois sont des
femmes seules (Rachida Dati, Ségolène Royal et Cécilia Sarkozy), les deux autres sont
1157
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°19.
1158
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°21 et Figure 1.
1159
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°22 et 23.
332
des first-ladies en couple. La figure de la femme seule oscille entre différentes modalités
volitives qui offrent aux récits de la presse people de nombreuses figures.
1160
Voir Annexes D. 4. Figure n°2.
1161
Voir Annexes D. 4. Figure n°2 et 3.
1162
Voir Annexes D. 4. Figure n°4.
1163
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°24, 25 et 26.
1164
Voir Annexes D. 4. Tableau n°4.
1165
Voir Annexes D. 4. Tableau n°5.
333
334
Une dernière étape dans la considération de ces cinq femmes nous invite à considérer
d’un côté Ségolène Royal et Rachida Dati, femmes politiques, et de l’autre, Carla Bruni,
1168
Cécilia Sarkozy et Michèle Obama, femmes d’hommes politiques . Le croisement de ces
deux catégories de femmes et des titres assemblés par deux, rend compte d’une forte
dépendance, malgré une plus forte médiatisation des femmes d’hommes politiques. L’écart
entre les médiatisations produit la dépendance et ouvre notre réflexion à la considération
de deux titres dans chacun des modes de visibilité plus enclins à médiatiser les femmes
politiques : VSD et Paris-Match pour le mode mimétique haut et Voici et Closer
pour le mode mimétique bas. Nous retrouvons, ainsi, les tendances observées quand nous
considérions toutes les femmes de notre corpus selon leur statut. De la distinction entre la
femme seule et la femme en couple et celle de la femme politique et de la femme d’homme
politique, naissent deux catégories de titres people, transversales au mode de visibilité, pour
considérer la politisation de la presse people.
Dans une dernière partie, nous tenterons de réunir nos diverses analyses quantitatives
pour penser l’évolution de la médiatisation des personnages politiques dans la presse
people.
1168
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°28 et 29.
1169
Voir Tri-croisé n°5 et 6, ci-contre
1170
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°32.
335
336
« « L’amour est partout », semblent nous dire les magazine people. Il y a toujours
1171
une histoire à raconter ou autour de laquelle broder. »
L’amour est une thématique dominante dans cette presse : le divorce et le mariage du
chef de l’Etat constituent donc une pâte à récit importante mais induisent, par ailleurs, trois
logiques. Il y a la logique de l’évènement : le chef de l’Etat se marie, comment ne pas en
1172
parler ? Il y a la logique de la « stratégie présencielle » présidentielle : le chef de
l’Etat se montre, comment ne pas le montrer ? Il y a, enfin, la logique de la saga : on vous
a raconté son divorce, comment ne pas raconter son mariage ?
L’intentionnalité du traitement journalistique se pose dans les termes d’une compétence
virtualisante d’un devoir-faire et d’un vouloir-faire . L’investigation du corpus à propos
d’évènements, au début de ce chapitre, montre que les narrateurs se saisissent précisément
de ces compétences virtualisantes pour installer le récit. Plus encore, cette intentionnalité
renvoie parallèlement à l’identité et l’actualité du sujet médiatisé. Le personnage de Rachida
Dati le montre bien, son actualité privée ou people ne produit pas de pics de médiatisation,
l’actualité, comme ce qui survient, ne tient pas les fondements de mise en visibilité
mais complète les logiques narratogéniques d’un personnage. L’analyse quantitative de
la présence des personnages politiques en Une de la presse people après la campagne
souscrit la distinction de deux types d’actualités. Le genre people investit donc une actualité,
comme ce qui survient, rendant compte d’évènements et de faits survenus dans le monde
domestique et de l’opinion. Mais le genre people investit, par ailleurs et surtout, une
actualité, comme ce qu’il en est, imposant la médiatisation de personnages médiatiques par
une présence dicible dans le présent, favorisant alors, selon leur ligne éditoriale, certains
personnages politiques.
1171
SPIES, 2008, op. cit. p. 154.
1172
JOST, F. & MUZET, D., Le téléprésident. Essai sur un pouvoir médiatique , La tour d’Aigues : Ed. de l’Aube, 2008, p. 33.
337
1173
Résultat établi sans la considération de Public. Cf. Tableau n° 15 ci-contre.
338
1174
BARDELOT, E., « Lire la presse people », mémoire de DEA, 2003, p. 52. [en ligne : http://enssibal.enssib.fr/bibliotheque/
documents/dea/bardelot.pdf]
1175
Ici-Paris 3314.
339
340
alors la surmédiatisation attendue des membres d’une famille par rapport aux membres du
personnel politique. Les personnages politiques sont plus souvent des femmes, les femmes
sont plus souvent membres de la famille d’un homme politique, mais les personnages
politiques sont presque autant des hommes ou femmes politiques que des membres de
leur famille.
Enfin, c’est un croisement avec le type de visibilité qui nous permet de saisir une
différence heuristique entre ces deux qualités de personnages : les membres de la famille
d’un homme politique accèdent plus fréquemment aux Unes centrales.
Face à ces résultats, il nous semble que les trois personnages principaux influent
radicalement sur les résultats. En effet, ces trois personnages détiennent 57,5% de la
visibilité des personnages politiques.
341
en Une. Il y a donc une omniprésence de la famille Sarkozy dans la presse people, influant
fortement sur la visibilité des personnages politiques dans cette presse. Il est donc difficile
de considérer la médiatisation des politiques dans le genre people sans considérer celle de
la famille du président de la République. Cela soulève alors une question sans réponse : est-
ce que ce sont ces personnages, par leurs pratiques et un jeu avec les médias, qui influent
sur cette médiatisation ou est-ce que si, un autre président avait été élu, la médiatisation de
sa famille serait aussi forte (la période et l’actualité du mandat justifiant la médiatisation) ?
342
d’hommes politiques, ce sont Gala et Point de Vue qui octroient proportionnellement plus
de visibilité aux épouses peu visibles, tandis que France-Dimanche et Ici-Paris focalisent
leur mise en scène autour de Carla Bruni et de Cécilia Sarkozy. Ici, c’est donc le croisement
des modes de visibilité avec les tendances de médiatisation des personnages politiques
émergeantes qui permet de distinguer les catégories au travers des deux variables :
« femmes politiques vs épouses » et «personnages hautement visibles vs les autres ». Enfin,
pour la visibilité des cinq femmes les plus visibles, on remarque que le mode mimétique bas
avantage les femmes seules alors que le mimétique haut les femmes en couple, les deux
first-ladies : Michèle Obama et Carla Bruni. Le mode mimétique haut conforme la visibilité
des cinq femmes les plus visibles selon leur statut marital. Leur mariage, cérémonie du
monde domestique, avec un chef de l’Etat, sujets du monde civique, octroie une légitimité
et une grandeur à ces personnages dans le monde de l’opinion. L’effacement de Cécilia
Sarkozy dans ce mode de visibilité insiste sur la prédominance du statut marital, comme
facteur de reconnaissance : une fois, le mariage brisé, la légitimité et la grandeur du
personnage s’effondrent. A l’inverse, le mode mimétique bas s’intéresse moins à l’institution
de la grandeur qu’aux ingrédients narratifs qui permettent de l’instituer : les malheurs de
la femme seule constituent une excellente pâte à récits dont les hebdomadaires du mode
mimétique bas se saisissent.
De ce résumé, trois différences émergent entre les modes de visibilité. Le genre,
la visibilité et les qualités identitaires et relationnelles révèlent des intérêts différents.
Nous pouvons donc définir le mode mimétique bas comme un ensemble de titres people
privilégiant les femmes qui connaissent une actualité privée permettant de souligner leur
ordinarité au travers de leurs problèmes et de consoler le lecteur. Mais ce mode confirme,
par ailleurs, la logique autopoïétique de la visibilité et de la célébrité en ne se focalisant
que sur des personnages hypervisibles. A l’inverse le mode mimétique haut permet à des
personnages politiques peu visibles d’être mis en scène et, ce, en consacrant leurs récits à
leur caractère extraordinaire fondé sur un ordre des grandeurs institutionnels, justifiant alors
la quasi-disparition de Cécilia Sarkozy de ce groupe après son divorce et la focalisation de
ces titres vers les firsts-ladies actuelles.
Pourtant, au sein et transversalement à ces modes, un dernier changement de focale
permet de saisir une tendance à célébrer la vie privée des hommes politiques et une autre
qui saisit les personnages membres du personnel politique. D’un côté, VSD et Paris-
Match, dans le mode mimétique haut, et Closer et Voici, pour le mode mimétique
bas, favorisent le personnel politique au détriment des membres de leur famille. A l’inverse,
Point de Vue et Gala , pour le mode mimétique haut, Ici-Paris et France-Dimanche,
pour le mode mimétique bas, avantagent les membres d’une famille d’un homme politique.
Ces deux tendances conservent, cependant, les critères de mise en visibilité de leur mode
d’appartenance. L’analyse de la médiatisation des hommes politiques en Une après la
campagne présidentielle nous permet donc de confirmer nos catégories tout en ouvrant de
nouvelles perspectives pour la définition de ces titres.
343
344
masculins à la maternité ; ce n’est pas le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais
1181
la compétence négative de Carla Bruni à pouvoir et vouloir-être première dame .
Cette couverture particulière semble se tenir dans la tension d’un devoir-faire et d’un
vouloir-ne-pas-faire qui construit l’évocation de l’évènement au détour d’un récit qui s’en
défait. L’évocation de la rumeur sur les infidélités en Une et le silence à son propos dans le
récit amplifient ces stratégies d’énonciation. Le devoir-faire de l’énonciation est double :
il repose à la fois sur une soumission à l’actualité politique-people et sur l’imitation de la
concurrence. Public respecte, dans une certaine mesure, ce devoir-faire en médiatisant
les informations hypervisibles sur les personnages politiques mais empêche, par là même,
la classification de ces personnages dans la qualité de grands par la place qui leur est
accordée. Pourtant, nous ne pouvons nier l’évolution de la médiatisation des politiques
dans cet hebdomadaire, à l’instar des autres titres de notre corpus, avec l’effacement de
l’intermédiaire-médiatisant.
1181
A l’exception de la légende « Just-married » sur la photo principale de l’article, le mariage n’est pas évoqué.
345
les installant et les signifiant, performent la peopolisation. L’espace comme lieu pratiqué est
donc indissociable du mouvement qu’il déploie, qui le signifie et le produit et finalement,
la manière dont celui-ci donne une forme d’existence particulière à la peopolisation. Il est
donc désormais temps de reprendre nos réflexions et résultats pour saisir la peopolisation
comme une action afin de pouvoir, enfin, la définir.
346
347
348
1183
Cette définition a été investie en détail lors du chapitre III.3.3.
349
S’il est une marque, objet typique du monde de l’opinion, la fiction des deux corps du roi
perturbe cette qualification.
Dans le cinquième chapitre, le corpus constitué de récits issus de la presse people à
propos d’au moins un candidat à l’élection présidentielle est observé sous l’angle du porte-
parole, à partir de deux questions fédératrices :
Comment la parole de la campagne présidentielle est portée par le genre people ?
Comment la parole des êtres de papier est portée par le genre people ?
Emergent, alors, deux manifestations de la campagne présidentielle : une manifestation
comme période et une autre comme contexte, retrouvant la question de l’actualité. La
première dévoile une particularité de la presse people – les « immortelles » – et se tient
dans un rapport étroit avec la logique du récit personnifié de ce type de presse. La seconde
n’est pas mobilisée par tous les titres et opère une distinction dans l’attribution de la
grandeur des personnages politiques et de leur légitimité à être médiatisé dans ce type
de presse. La convergence de ces investigations considère le dire, le savoir-dire et le
vouloir-dire des différents titres de presse people quant à la campagne présidentielle et ses
personnages. Mais les caractéristiques de l’« immortelle de campagne » construisent, par
ailleurs, l’identité people de ces titres en montrant la focalisation de cette presse autour des
mondes domestique et de l’opinion, à partir de récits astrologique, morphopsychologiques,
graphologiques – sur le passé des candidats ou sur le soutien de peoples ou de
leurs proches –, qui permettent l’attribution de traits psychologiques et de compétences.
Finalement, l’ensemble des énoncés de chaque titre distingue les porte-parole et les lignes
éditoriales quant à la campagne présidentielle et l’information politique. Par une plus forte
mise en scène de ce qui survient dans la campagne électorale, VSD et Paris-Match
portent la parole autant du monde civique que des autres mondes. A l’inverse, Gala et
Closer confinent les candidats dans les mondes domestique et de l’opinion. Closer rejoint
par ailleurs Voici dans la manifestation d’une position politique forte, pro-Royal pour
Closer , anti-Sarkozy pour Voici . De leur côté, France-Dimanche , Point de Vue ,
Ici-Paris et Public refusent aux candidats la légitimité d’apparaître dans les récits sans
« intermédiaire-médiatisant » à qui ils délèguent le savoir-dire et le pouvoir-dire .
Dans le sixième chapitre, notre regard se tourne sur l’ensemble des énoncés à propos
d’un candidat pour mettre à jour son identité médiatique dans le genre people. La visibilité
suit la grandeur des candidats dans le monde civique et le monde de l’opinion à partir
de leur potentiel électif et médiatique. Seul José Bové est doté d’une identité médiatique
épaisse parmi les huit petits candidats et ce, grâce à Gala. Sa médiatisation rejoint la posture
particulière de cet hebdomadaire, fondée sur un compromis entre monde domestique et
monde de l’opinion, à partir des figures de la simplicité, de l’humilité et de la sincérité.
1184
Ce compromis est opéré par tous les titres pour François Bayrou offrant une figure
de cohérence de l’identité médiatique et installant ce candidat sur l’axe des contraires
du carré véridictoire, c'est-à-dire comme un homme « vrai ». La médiatisation de Jean-
Marie Le Pen, de son côté, est contradictoire. Sa mise en visibilité aux côtés des trois
principaux candidats lui octroie un pouvoir-faire, nié dans les récits à partir des figures et
compétences qui lui sont attribuées. Pour Ségolène Royal, la figure de la mère, de la femme
et de la politique construisent une identité entre isolement/indépendance et union. L’identité
médiatique de Ségolène Royal est le fruit d’un paradoxe au cœur d’une seule identité
médiatique, impliquant sensibilité et dévouement mais aussi indépendance, autorité et
ambitions. A l’inverse, l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy se saisit dans la cohabitation
de deux postures éditoriales divergentes ; ce qui nous oblige à évoquer deux identités
1184
A l’exception de France-Dimanche et Point de Vue qui ne médiatisent pas le candidat UDF.
350
médiatiques pour un même candidat. Tous les titres de presse people s’accordent pour lui
attribuer une dépendance par rapport à ses proches, proposant alors un contrat de lecture
de son identité particulier se révélant plus dans l’identité médiatique de ceux qui l’entourent
et dans les rapports qu’il entretient avec eux. La présentation d’un entourage pris dans la
confusion des mondes, pour ce candidat, découvre deux mouvements qui distinguent les
titres : une dénonciation, depuis le monde civique, des influences et des jeux de paraître
et un agencement, depuis le monde domestique, désamorçant les dénonciations possibles
depuis les autres mondes. Enfin, nous déplaçons notre regard de la presse people vers
des portraits de la presse quotidienne nationale pour observer que les éléments révélateurs
de l’identité médiatique de chacun des candidats dans le genre people se retrouvent dans
ces portraits.
Dans le septième et dernier chapitre, c’est un dépassement de la période de la
campagne présidentielle, à partir de deux corpus secondaire qui ouvre notre regard vers
l’évolution de la médiatisation des politiques. Un premier corpus est composé de récits
à propos de trois évènements traités, à la fois, dans la presse people et la presse
quotidienne nationale. Les récits à propos du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni
s’organisent autour de la question de la visibilité du mariage, en tant que cérémonie
et en tant qu’évènement médiatique. Si la presse people cherche à montrer le mariage
comme cérémonie, la presse quotidienne en rend compte mais questionne surtout son
évènementialisation. Pour le cas de l’accouchement de Rachida Dati, la brièveté de
son congé maternité déplace l’évènement de la naissance à la possibilité d’être femme
et politique, ce qui reprend la question de l’incarnation. Enfin, l’itinéraire des rumeurs
d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en mars-avril 2010 retrouve l’isotopie de la
communication, apparue au chapitre III. De l’acte d’énonciation au discours des actants
de narration, les espaces de déploiement de la parole transforment la communication et
découvrent les concepts de rumeurs, commérage, scandale, complot et Affaire. Le potentiel
événementiel des informations people est révélé dans la confrontation des mouvements
entre presse people et presse quotidienne nationale : les logiques du récit people enferment
les informations dans le confinement des mondes de l’opinion et domestique et empêchent
ces informations de faire évènement. Enfin, un dernier corpus, quantitatif cette fois,
composé de 1395 Unes observe la politisation des titres peoples et permet d’observer
une réduction des disparités découvertes lors de la campagne. Plus encore, ce corpus
confirme la prédominance du personnage féminin dans cette presse mais nuance notre
hypothèse empirique principale. La campagne présidentielle ne signe pas le processus de
peopolisation, son évolution à la suite de cette période montre qu’il était encore largement
en cours de construction.
Ainsi, ces chapitres ont permis de comprendre ce qu’il en était de la médiatisation des
personnages politiques dans la presse écrite française lors de la campagne présidentielle et
1185
de ce qu’il en est aujourd’hui . Mais un dernier mouvement est nécessaire, en conclusion
de cette thèse, pour réunir ces différents chapitres et les ouvrir à l’intérêt vecteur de notre
propos et de nos analyses : la définition de la peopolisation et de sa forme actuelle.
1185
Ou du moins au moment où nous concluons cette recherche et où son corpus se clôt (30 avril 2010).
351
1186
DE CERTEAU, 1990, op. cit. p. 181.
1187
LATOUR, 2007, op. cit. p. 99.
1188
BOLTANSKI, 2009, op. cit.
1189
Ibid. p.235.
352
de cette approche ici et concentrons notre attention sur l’approche et le cadre théorique que
Boltanski propose.
Considérons une première distinction, que le sociologue opère, entre réalité et monde,
1190
qui constitue « l’armature conceptuelle » de ses analyses.Il définit la réalité comme la
construction sociale d’un ordre sémantique et normatif, qui peut être remis en cause par
le monde, représentant le possible d’une autre réalité, « ce en quoi chacun se trouve pris
1191
en tant qu’il est plongé dans le flux de la vie » . La réalité est donc ce qui nous apparait
comme allant de soi, le « normal », mais que Boltanski dévoile comme étant précisément
un leurre de normalité en l’opposant au monde comme « tout ce qui arrive », comme
1192
« l’objet de changements incessants » . En refusant de considérer la réalité comme
allant de soi, Boltanski repart de l’incertitude sur ce qu’il en est de ce qu’il est afin de ne
1193
pas tomber dans l’illusion d’institutions déterminantes et de logiques de domination qui,
en fait, ont des pieds d’argile et pourraient être autres. Une conséquence majeure de cette
réflexion remet alors en cause le déterminisme bourdieusien fondé sur l’illusion d’un sens
commun.
Partir de l’incertitude de notre objet d’étude permet ainsi de refuser de forcer la réalité du
phénomène et d’ouvrir notre regard à la possibilité que les définitions soient multiples entre
les différents porte-parole, selon que ceux-ci se réfèrent à la réalité ou à une alternative. Les
analyses du mouvement de la narration, dans les récits de notre corpus, ont découvert la
matérialisation du mélange des mondes dans des règles de construction et d’organisation
spécifique des récits médiatiques. Ces règles peuvent être considérées à partir du rapport
que le narrateur entretient avec la mise en scène de l’agencement composite des êtres, des
objets et des actions narrativisés. Un dernier changement de focale permet ainsi de projeter
nos analyses hors du récit tout en restant confiné en son sein, afin de dépasser l’horizon
indépassable du texte.
353
civique n’est pas incarné par un objet du monde de l’opinion et n’est pas justifié. Le narrateur
permet ce passage en neutralisant le monde de l’opinion afin d’ignorer un questionnement
sur l’activité de médiatisation. Le monde de l’opinion n’est impliqué que dans le support
du récit mais n’est ni actant ni action de narration et n’est pas contenu dans une mise en
abîme ; sa seule incarnation est dans l’énonciation et apparait évidente.
Du côté de la presse people, cette mise en scène mérite de rappeler l’essence même
de la presse people ; une presse qui met en lumière des faits ou des êtres issus du monde
de l’opinion ou du monde domestique. Pourtant, les êtres de papier de cette étude sont
aussi pris dans le monde civique. La place de ce monde rend compte de deux pratiques de
mise en visibilité, sans que celles-ci ne soient investies ou réfléchies.
La première mise en visibilité est celle de la presse people faiblement médiatisante,
lors de la campagne présidentielle. La mise en scène du monde civique l’investit comme un
critère de qualification du personnage politique ; un critère qui ne permet pas la grandeur
des êtres dans ce type de presse. Le monde civique est donc envisagé au travers du monde
de l’opinion, au travers de personnages jugés plus digne d’intérêts. Une telle mise en scène
1196
n’est jamais explicitée par France-Dimanche, Ici-Paris, Point de Vue et Public ; elle
s’impose comme « normale » : les hommes politiques ne sont pas des peoples, il faut des
1197
peoples pour parler des hommes politiques . La présence d’un intermédiaire-médiatisant
permet de pouvoir-dire et de savoir-dire sans réfléchir le vouloir-dire ou le devoir-dire. Dans
la logique de la sémiotique du discontinu de Greimas, cette mise en scène correspond,
au niveau de l’énonciation-énoncée, à la manifestation de compétences actualisantes sans
celle de compétences virtualisantes.
Mais le monde civique peut être, par ailleurs, neutralisé dans l’énoncé-énoncé, c'est-à-
dire en tant qu’espace de narration. Lors de la maternité de Rachida Dati, la presse people
s’attarde sur la cérémonie de la mise au monde, sur le bonheur qu’il peut susciter pour
la mère ou sur l’identité du père. Lors des rumeurs d’infidélités, la presse people se saisit
de l’évènement dans le confinement du bonheur ou des tensions dans le couple ou autour
de l’amitié ou de l’inimitié de Rachida Dati et de Carla Bruni. Les hebdomadaires peoples
ignorent, ainsi, les scandales autour des évènements et les replient vers des objets du
monde domestique ou de l’opinion.
Ainsi, dans cette première mise en scène, la presse people néglige le monde civique
ou ne le traite que comme un facteur de notoriété et, donc, comme déjà pris dans
le monde de l’opinion. La retraite des objets civiques, déployés par la presse people,
n’est pas questionnée, comme si cela tombait sous le sens que ce type de presse
ignore les retombées politiques ou sociales de ces évènements. La presse quotidienne
nationale, quant à elle, neutralise le monde de l’opinion. L’absence de réflexivité évite de
rendre problématique la relation entre la qualification et les objets : elle élude ainsi le
questionnement quant au mélange des mondes et à la légitimité de le mettre en scène.
354
1198
Cf. Chap. VII. 1. 4. 1.
1199
TAIEB, 2005, op. cit, p. 5.
1200
Cf. Chap. IV. 2. 2. 1.
1201
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 386.
1202
Nous reviendrons sur ce compromis lors de la troisième posture de mise en scène du mélange des mondes.
1203
Cf. Chap. V. 3. 2. 1.
1204
Malgré une ligne paradoxale de cet hebdomadaire, soulignée chap. VI. 4. 3. 2.
355
356
357
du monde de l’opinion, Le Figaro transforme cette vision « que chacun peut avoir “par-devers
1210
soi” en un savoir commun » . La confusion des mondes ne relève pas d’une performance
des journalistes ou des acteurs politiques, pour ce porte-parole, mais de la réalité – les trois
mondes sont interdépendants –, une réalité présentée comme « vrai[e] pour quiconque et
1211
indépendamment des circonstances de l’énonciation » . Cette posture réfléchit ce qui se
passe, ce qui devrait se passer et comment cela se passe en affrontant les critiques d’autres
porte-paroles pour justifier le mélange des mondes et sa médiatisation.
Comme dans Libération et L’Humanité, Le Figaro éprouve, lors du mariage de Nicolas
Sarkozy et Carla Bruni, une incertitude quant à ce qui se passe :
« Les difficultés personnelles du président depuis son divorce ont donné aux
1212
Français le sentiment qu’il ne s’occupait plus d’eux « à plein temps ». »
Pourtant, dans ce quotidien, cette incertitude n’est pas celle du narrateur mais des Français.
L’incertitude est alors résorbée dans le schéma narratif : « le mariage » est dévoilé comme
un adjuvant au pouvoir-faire de Nicolas Sarkozy, lui permettant de mettre fin à la « séquence
people ».
1213
« Le président va pouvoir tourner cette page. »
Par ailleurs, la qualification du mariage dans ce quotidien est différente de Libération
et de L’Humanité . Si, pour ces derniers, la discrétion du mariage est niée au travers
d’une rhétorique ironique, elle est considérée comme vraie par Le Figaro . Le mariage est
l’adjuvant qui permet, plus loin, à Nicolas Sarkozy, en tant que sujet, d’être conjoint à l’objet
« problèmes des Français ». Le mariage signe la fin d’une instabilité dans la vie privée du
chef de l’Etat. Il n’y a donc plus rien à médiatiser et plus rien qui détourne les journalistes
et le chef de l’Etat d’objets issus du monde civique. Ce registre confirme la réalité, c'est-
à-dire que ce qui se passe est la réalité. Cette réalité impose l’interprétation que monde
domestique, monde de l’opinion et monde civique sont interdépendants.
« On peut voir dans un discours de ce type un moyen d’apaiser l’inquiétude sur
ce qui est, et cela, particulièrement, pour faire face à la menace constante (…)
1214
que représente la critique. »
Ce même quotidien produit une confirmation du même ordre pour la maternité de Rachida
Dati, rejoint, cette fois, par Closer et VSD. Ils se différencient de Gala, Point de Vue, France-
Dimanche, Ici-Paris et Public, cinq hebdomadaires qui ne réfléchissent pas la relation entre
les formes symboliques et les états de chose. VSD, Closer et Le Figaro, on l’a vu, adopte
une posture réflexive tout comme les autres titres de la presse quotidienne nationale et Voici.
Mais tandis que ces derniers produisent une dénonciation, induisant une impossibilité pour
Rachida Dati à être, à la fois, mère et femme politique, VSD, Closer et Le Figaro imposent
l’idée, dans un souci de justification de la reprise de travail de Rachida Dati, que ce n’est
pas une question de compétence mais que c’est un état de chose : Rachida Dati est, à
la fois, mère et femme politique. Ils confirment cette réalité en défendant la possibilité de
1215
combiner maternité et carrière, comme celle de pouvoir abréger son congé maternité .
1210
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 115.
1211
Ibid. p. 114.
1212
Le Figaro du 04/05/07
1213
Le Figaro du 04/05/07
1214
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 114.
1215
Cf. Chap. VII. 1. 3. 2.
358
Cette position est aussi celle de Paris-Match dans l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
Le porte-parole défend l’idée d’une interdépendance des trois mondes dont le mélange est
une réalité. Contrairement aux titres qui dénoncent une performance dans le mélange des
mondes par Nicolas Sarkozy, Paris-Match installe ce mélange comme de l’ordre de la réalité,
s’octroyant alors un devoir-dire. La réalité défendue du mélange des mondes devient le
ferment de la légitimité de l’énonciation. Les porte-parole définissent un « ça est » en même
temps qu’ils confirment leur position dans le monde de l’opinion et leur identité.
Cette réalité est éprouvée parallèlement par les néologismes, qui constituent un
exercice sémantique de durcissement de la réalité, puisqu’ils donnent à ce mélange
des mondes une réalité sémantique. Intéressons-nous quelques instants au néologisme
« omniprésident » et à sa mobilisation dans la presse quotidienne nationale française. La
première apparition de ce terme date du 4 juillet 2007 dans Le Figaro , mais ce, dans le
cadre de citation directe. Par la suite, s’il est repris dans le discours même du journaliste, le
terme est toujours placé entre guillemets. Le Monde retire les guillemets le 23 décembre
2007 dans le cadre d’une description de la caricature des Guignols. C’est Libération , le
24 août 2008, qui est le premier à retirer les guillemets dans le propos même du narrateur
et donc, par là même, la distance prise par rapport à ce terme. Les quarante-six autres
utilisations de ce néologisme par ce journal seront alors toujours sans guillemets. De la
même manière, L’Humanité retire définitivement, le 26 décembre 2008, les guillemets. Le
Figaro les retire le 8 janvier 2009 et le place dans le titre même si c’est précisément dans
un article qui raconte le discours du président qui s’assume en « omniprésident ». Par
la suite, ce journal oscillera entre l’utilisation ou non des guillemets. La Croix a toujours
utilisé les guillemets, à l’exception de sa dernière apparition, le 11 décembre 2009. A travers
cette très rapide présentation de l’évolution typographique du terme, nous comprenons que
nous sommes passés d’un extrait de citation à la reprise à son compte par les journaux qui
maintiennent cependant, dans leurs premières évocations, le terme entre guillemets. Puis
les guillemets disparaissent, plus tôt chez les journaux dits « de gauche », de manière plus
aléatoire dans Le Figaro et Le Monde, et enfin, très récemment dans La Croix . L’emploi
et l’utilisation de ce néologisme évolue en même temps que l’installation de la peopolisation
dans l’imaginaire français et sa légitimation. Les enjeux politiques et idéologiques de l’emploi
d’un tel terme obligeaient certains journaux à ne l’utiliser au début que dans le cadre de
citation. Or la citation permet au journal non seulement d’autoriser une telle énonciation
mais par ailleurs de se distancer de ce terme tout en l’authentifiant. Désormais, le terme
est intégré au discours du journal qui le reprend à son compte. Cette répétition et cette
évolution dans son utilisation semble donc fixer la réalité du mélange des mondes. Ainsi,
les néologismes stabilisent l’intrication du politique, du médiatique et du domestique.
359
registre concerne non seulement les qualifications des objets, des êtres et des actions mais
aussi la valeur accordée « à l’objet en question avec les questions déontiques que
1217
cela suppose » . Selon Boltanski, la réflexivité peut se décomposer en deux sous-
registres métapragmatiques : celui de confirmation et celui de critique. La critique est un
mouvement qui nait dans un monde. L’espace comme lieu pratiqué est indissociable du
mouvement qu’il déploie, qui le signifie et le produit. Le mouvement critique doit donc
être considéré à partir de son espace de déploiement qui « associe à la situation ou à
l’objet dont il est question non seulement des prédicats mais aussi des relations à d’autres
1218
objets qui permet de les investir d’une valeur » . Le porte-parole définit une situation
à partir des objets qui importent. Dans le registre métapragmatique de critique, le porte-
parole produit une hiérarchie entre les différents mondes pour se situer à partir d’un principe
supérieur commun particulier sur lequel il assoit ses sanctions et son énonciation. Le
registre métapragmatique de confirmation sert, de son côté, à confirmer la réalité. Ce
registre veut apaiser l’inquiétude et stabiliser l’interprétation en insistant sur la banalisation
de sa pratique. Ainsi, cette posture insiste sur un mouvement de dépersonnalisation de
l’énonciation : il confirme ce qui est en confirmant que ça est pour tous, arrête ainsi la chaine
flottante des interprétations et réprime les critiques.
Les trois mouvements identifiés dans leurs rapports au mélange des mondes et à sa
mise en scène répondent à ces registres. Avant de comprendre quelle définition émerge
de notre corpus et de la performativité des récits dans la construction du phénomène de
peopolisation, il nous semble essentiel de réfléchir la question de l’institution ; cette dernière
est fortement liée au registre métapragmatique de confirmation, en tant qu’il relève des
institutions de fixer les références, d’inscrire les êtres dans la réalité et de leur attribuer des
propriétés permanentes.
360
1223
Ibid. p.149-150.
1224
Ibid. p.151.
1225
Ibid. p.167.
1226
Ibid. p.158.
1227
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p.140.
1228
Ibid. p.140.
1229
Cf. Chap. III-3-2-1.
1230
Cette considération retrouve par ailleurs notre définition et considération de l’information immortelle, justifiant son appellation.
Cf. Chap. III. 2. 5. 2 et Chap. V. 1. 2.
361
1231
à partir du corps sacramentel . L’approche de Marin répond à notre analyse et à notre
tripartition des espaces de signification, installant la fiction du corps du roi dans une mise
en abîme de l’image.
« Est-il possible de décrire le roi autrement qu’en son image ? Est-il possible de
la tracer autrement qu’en le re-traçant dans la représentation, qu’en le re-tirant de
son portrait ? Le roi est-il autre que son image ? Ou, inversement, l’image du roi,
une et multiple, singulière et diversement reproduite, n’est-elle point le tout du
1232
roi ? »
Le roi est une image, ou plutôt la réunion de deux images, l’image d’un corps naturel et
l’image d’un corps politique. La mise en abîme de l’image retrouve la mise en abîme du
monde de l’opinion de notre étude ; elle est à, à la fois, le support « opérant l’échange sans
1233
reste (ou tentant d’en éliminer tout reste) entre le corps historique et le corps politique »
et une incarnation à part entière.
La désolidarisation du corps propre de Rachida Dati, comme si sa part politique et
sa part intime constituaient deux personnages distincts du récit, a rendu compte d’une
dissociation d’espaces dans laquelle le mouvement de traduction pouvait alors se mouvoir.
Le « corps sacramentel sémiotique », le portrait, permettait alors l’échange entre sa part
intime et sa part politique, entre son être mère et son être ministre. Les variations identitaires
de Rachida Dati explorent, dans les récits envisagés, différents êtres qui agissent comme
différents espaces d’engagement et installent un corps naturel, physique, historique, un
corps politique et une image, un corps fabriqué, un corps-spectacle. Ce dernier corps, nous
l’avons vu, ne trouvait pas seulement prise comme support du récit mais était, par ailleurs,
une incarnation « visible » dont le porte-parole rendait compte.
Le corps sacramentel, comme incarnation visible du pouvoir du roi ou de la grandeur de
l’être, s’empare de la place du corps-spectacle dans la presse people ; un corps, rappelons,
1234 1235
particulièrement célébré dans Gala et pour Ségolène Royal . Il est conçu comme une
parure qui sert le caractère extraordinaire, la grandeur dans le monde de l’opinion.
« La beauté archétype de la star retrouve le hiératisme du masque ; mais ce
masque est parfaitement adhérent, il s’est identifié au visage, confondu avec
1236
lui. »
Le monde de l’opinion est glorifié comme une incarnation de l’extraordinarité des
personnages dans laquelle se tient une matérialisation de l’écart entre séduction et
manipulation. Se rendre séduisante n’équivaut pas à séduire dans le genre people, disions-
nous lors du chapitre VI. Le corps-spectacle, dans le genre people, contient ainsi l’image
d’un corps physique et naturel, l’image d’un corps politique et constitue ainsi « la fiction
1237
symbolique » du personnage. L’institution de la grandeur, son fondement, se fait à partir
de l’image, qui agit comme un véritable moyen de modalisation de la grandeur.
1231
Cf. Chap. IV-2-1.
1232
MARIN, 1981, op. cit . p. 251.
1233
Ibid.p. 21.
1234
Cf. Chap. V. 3. 3.
1235
Cf. Chap. VI. 3. 2. 2.
1236
MORIN, 1984, op.cit.p. 57.
1237
MARIN, 1981, op.cit.p. 19.
362
363
364
identités ou intérêts. Il condense la parole de ces victimes identifiées dans son propre corps
et fait ainsi corps avec elles. Les victimes peuvent être les grands du monde de l’opinion ou
les petits, c’est-à-dire les destinataires du récit. Pourtant, selon le récit et le mélange dont il
rend compte, le porte-parole peut procéder d’un déplacement de l’identité de ces êtres dans
un autre monde afin de pouvoir parler en leurs noms. C’est le cas de Libération, L’Humanité
et Le Monde, lors des rumeurs d’infidélités, qui installent le public, non seulement comme
le destinataire de la médiatisation des rumeurs (sujet du monde de l’opinion) mais aussi
comme un ensemble de citoyens qui souffrent (sujet du monde civique). Ce déplacement
leur permet ainsi de s’associer aux groupes des victimes en se déplaçant eux-mêmes du
monde de l’opinion où ils ont une position particulière vers le monde civique où les porte-
1247
parole sont aussi des citoyens . Dans le récit de l’accouchement de Rachida Dati, Ici-
Paris installe celle-ci comme la victime de l’hyper-médiatisation de sa maternité. Le porte-
parole déplace alors Rachida Dati, comme grand du monde de l’opinion, vers le monde
domestique où elle est une mère ; un déplacement qui permet une fois encore au porte-
parole de s’associer à la victime en se définissant lui-même comme une mère qui comprend
1248
et qui plaint . Voici confine, en revanche, ces sujets et sa propre identité dans le monde
de l’opinion. Par une rhétorique humoristique et moqueuse, il établit une connivence avec
les destinataires de ses récits qui lui permet de s’associer à eux dans un groupe où l’on
1249
rit et où l’on raille les grands du monde de l’opinion . Ces différents exemples insistent
sur l’activité du porte-parole et, donc, sur la définition des êtres au nom de qui il parle et de
l’espace d’où il parle. Mais en s’associant ainsi aux victimes dont il porte la parole, le porte-
parole se désolidarise, dans un parcours parallèle, des Destinateurs du mélange et de la
médiatisation. Le processus de qualification, sur lequel se porte l’attention du porte-parole,
est, alors, d’un même mouvement, descriptif et normatif. En désignant et en s’associant aux
victimes, le porte-parole se désigne lui-même comme un être situé et intéressé, pris dans
le point de vue. Ce registre critique est plus particulièrement investi par Voici, Closer, VSD
1250
et Gala , tant lors de la campagne présidentielle, que par la suite lors des évènements
observés. Ce registre critique est aussi celui de Libération, L’Humanité et Le Monde, pour
la presse quotidienne nationale, qui attribuent très largement l’origine du phénomène aux
hommes politiques.
Le second sous-registre métapragmatique, celui de la confirmation, s’établit dans une
1251
relation dialogique au précédent . Les porte-parole rendent compte des inquiétudes, de
l’incertitude, voire des critiques, pour pouvoir les apaiser et stabiliser les interprétations. Ils
participent ainsi à confirmer ce qu’il en est de ce qu’il est, à fixer la réalité et des propriétés
aux états de chose. Cette attitude de confirmation de la réalité investit deux mouvements.
Le premier est la confirmation du mélange des mondes comme une propriété
permanente attachée aux hommes politiques : il répond à la question « qu’est-ce qui
se passe ? » par la réponse : « la réalité! ». Dans ce registre, il n’y a ni coupable, ni
victime, ni nuisance. Le mélange des mondes ne relève pas d’une performance mais de
la réalité ; sa mise en scène est donc une activité normale, logique, allant de soi. Dans ce
1247
Cf. Chap. VII. 1. 4. 4.
1248
Cf. Chap. VII. 1. 3. 1.
1249
Cf. Chap. V. 3. 2. 1.
1250
Toujours dans une ligne éditoriale paradoxale pour ce dernier qui le place parallèlement dans le registre pratique.
1251
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 99.
365
1252
registre, nous trouvons, dans ces récits, de nombreuses formules , énoncées sans sujet
1253
d’énonciation , installant le mélange des mondes :
« L’homme derrière le candidat » « Ce n’est plus l’homme politique qui parle
1254
mais l’homme tout entier »
Le second mouvement est la conformation par le porte-parole de sa propre pratique.
En confirmant la réalité du mélange des mondes, le porte-parole retrouve sa position
extérieure du monde de l’opinion, refusant un engagement personnel et renvoyant le porte-
parole critique à une position subjective construite sur le point de vue et l’émotion. Le
registre métapragmatique de confirmation s’attache ainsi à fixer la réalité et à conformer
les pratiques des porte-paroles dont le rôle est de faire-voir la norme, de manière objective
et détachée du point de vue. Cette réalité est plus spécifiquement portée par Le Figaro
et Paris-Match. Ce dernier, pourtant, a été silencieux lors des rumeurs d’infidélités et lors
de la maternité. Or ce silence n’apparaît pas comme une critique mais comme un refus
du commérage puisque, à la suite de ces évènements, le journal publie des interviews
des concernés privilégiant une forme de peopolisation consentie, confirmant sa réalité et le
devoir-faire objectif du journaliste.
L’institution est une instance de confirmation qui construit la réalité. En observant
les récits produits dans le registre métapragmatique de confirmation, nous pouvons donc
considérer sa réalité au travers de la parole de Paris-Match et du journal Le Figaro, qui
s’attachent à confirmer que le mélange des mondes est la réalité et que leurs propres
pratiques de mise en scène se déploient dans une visée objective.
La peopolisation
366
Mais, plus que les mobiliser comme espaces de signification, elle les sépare pour se
constituer dans leurs rapprochements. Le cas de la maternité de Rachida Dati montre bien
ce mouvement. Tous les récits, quelle que soit leur posture, ont d’abord différencié la mère
de la femme politique pour enfin la réunir comme une seule et même personne ou souligner
1255
l’incompatibilité entre les êtres . L’identité médiatique de Ségolène Royal est construite,
de la même façon, sur l’ambivalence de plusieurs mondes que les narrateurs séparent au
1256
préalable pour pouvoir construire leurs récits dans l’association . En se constituant dans
le rapprochement d’espaces distincts, la peopolisation est une action discursive médiatique
qui résout la différenciation des espaces qu’elle construit et impose, par là, une compatibilité
entre les mondes. L’exemple le plus flagrant est celui de l’identité médiatique de François
1257
Bayrou, qui confirme la possibilité de rester le même tout au long de ses déplacements .
Ainsi, en résumant ces différents éléments, nous pouvons proposer une définition de
la peopolisation comme suit :
En se constituant dans le rapprochement des mondes domestique, civique et de
l’opinion qu’elle sépare, la peopolisation est une action discursive médiatique
dont l’enjeu est de résoudre la différenciation des espaces qu’elle construit.
Cette définition maintient une ouverture pour différents mouvements que la peopolisation
supporte. Dans son dernier ouvrage, Mythologie de la peopolisation, Dakhlia montre que la
peopolisation est un empilement de trois sens :
« L’appropriation du discours people par les responsables politiques ou par
leur entourage (…) La conformation de l’ensemble des médias aux modèles
et aux pratiques de la presse people (…) Le resserrement entre politiques et
1258
vedettes. »
Notre définition de la peopolisation permet ainsi de concevoir différents mouvements en
son sein selon l’acteur. Dans notre recherche, le politique n’est jamais l’acteur, ou du moins
seulement dans l’énoncé-énoncé et donc au travers du dire du porte-parole incarné par les
médias. S’ouvre ici tout l’intérêt de continuer cette recherche afin de voir comment, dans
leur discours ou sur leur site Internet, blog ou profil facebook, les politiques performent la
peopolisation.
Enfin, la définition de la peopolisation retrouve la théorie du « portrait du roi » de Marin,
en imposant cette omniprésence de l’image, iconique ou textuelle, comme fondatrice et
fédératrice de l’échange entre les mondes. La peopolisation émerge dans une mise en
abîme du monde de l’opinion.
« Le roi n’est vraiment roi, c'est-à-dire monarque, que dans les images. Elles sont
1259
sa présence réelle (…) [et] sa réalité royale. »
Seul mot en suspens dans notre répertoire des mondes, la peopolisation est le résultat d’un
1260
mouvement au creux de ce terme, formulable comme : ((1-2)-(3-2)-2)-2 . Elle est le fruit
d’un compromis entre monde civique, monde domestique et monde de l’opinion, lui-même
1255
Cf. Chap. 1. 3.
1256
Cf. Chap. VI. 3.
1257
Une « vérité » de l’être sanctionnée positivement dans tous les titres de la presse people. Cf. Chap. VI. 2. 3.
1258
DAKHLIA, J., Mythologie de la peopolisation, Paris : Le cavalier bleu, 2010, p. 20-21.
1259
MARIN, 1981, op. cit. p. 12-13.
1260
Le tiret manifeste un compromis. Cf. Chap/ IV. 1.2.3.
367
368
369
1266
la scandalisation de leurs propos qui semblent réduits au commérage ; commérage
1267
défini, par Lemieux, précisément, comme étant une accusation tolérante . Or cette notion
résonne particulièrement dans notre recherche.
La tolérance signe ainsi la figure du compromis que la peopolisation porte au moment
de clore cette recherche. Boltanski et Thévenot définissent le compromis comme une
configuration complexe, une forme hybride où l’on peut identifier la présence d’objets
1268
hétérogènes .
« Le compromis est le résultat précaire d’une pratique dans un ici et un
maintenant singulier. Il est la marque d’une cohérence sociale, politique, capable
1269
de se réinventer dans des contextes nouveaux. »
Ainsi, face à l’hypothèse empirique qui a fondé notre investigation, il apparaît que
la campagne présidentielle et sa clôture, avec l’élection de Nicolas Sarkozy dont la
narratogénie participe au phénomène, ont contribué à une banalisation de la peopolisation
mais n’ont pas achevé son installation, la laissant, au contraire, dans la fragilité que le
compromis suppose. Le phénomène, dans sa critique et dans ses stratégies de résorption
de l’hétérogénéité, nous invite alors à ne pas le quitter des yeux et à observer ses
déploiements futurs.
Dans cette thèse, nous espérons avoir pu rendre compte de récits sur des êtres privés,
médiatiques et politiques et du phénomène de peopolisation en train de se faire, défini par
ses propres acteurs. Ce travail constitue, aspirons-nous, le point de départ d’une recherche
sur la peopolisation, dont l’épreuve scientifique émerge dans l’espace universitaire français.
Les deux ouvrages de Dakhlia sont les premiers à avoir ouvert la voie d’une réflexion sur le
phénomène. Mais plus encore, c’est tout un horizon théorique et empirique qui est en pleine
1270
expansion en France, à propos de la culture de la célébrité et de la presse people. La
confrontation entre sémiotique narrative et sociologie pragmatique semble avoir éprouvé sa
pertinence dans l’analyse de notre objet à la fois narratif et social, un objet particulier mais
non unique. Cette approche appelle alors à s’attarder sur des objets d’existence discursive
mais dont les réalités peuvent être très variées, ouvrant les perspectives de recherches à
d’autres mondes, d’autres hybridations, d’autres dénonciations et d’autres compromis. Si la
société de communication tend de plus en plus à envisager les relations sociales au prisme
du monde de l’opinion, la confusion des mondes ne demande plus qu’à être démêlée dans
l’observation des discours des acteurs à partir de la sémiotique du discontinu de Greimas
et réinvestie dans la sociologie pragmatique ; une approche dont la pertinence demande à
être confirmée ou infirmée dans l’étude d’autres phénomènes.
1266
Cf. Chap. VII. 1. 4. 1. pour les définitions du scandale et du commérage et le passage de l’un à l’autre.
1267
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 376.
1268
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 340.
1269
ABEL, O., Paul Ricœur : La promesse et la règle, Paris : Michalon, 1996, p. 106.
1270
Des auteurs comme Morin ou Debord, dans les années 60-70, en France, ont déjà posé les premières pierres pour une
telle réflexion.
370
Bibliographie
Bibliographie scientifique
Articles scientifiques
ème
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2003.
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DUBIED, A., « Le récit de l'affaire Stern dans la presse suisse-romande: fragmentation,
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Communication, 19, 1999.
DUFRESNE, D., « Entretien : Pourquoi vouloir être reconnu ? », Mediamorphoses, 8,
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BAUDRILLARD, J., « Le système de la mode » (Entretien), France-Forum, 5 juin 1967.
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les sociétés contemporaines », Paris, 29-31 mai 2008, organisé par l’Association
Internationale de Sociologie, de l’Association Internationale des Sociologues de
Langue Française, du réseau thématique « Sociologie clinique » et de l’Association
Française de Sociologie.
Références diverses
Ressources juridiques
Ressources en ligne
Newspeople.fr , créé en 2002, mashup permentant de voir sur un seul site les People
qui font l'actu sur l'ensemble du web, sorte de "Google News" du People, développé
par ETUY, C. [en ligne : http://www.news-people.fr/]
Relay.fr : Presse en ligne, édité par la société HDS Digital, snc au capital de 500 000
€, inscrite au registre de commerce de Paris sous le N° 488 312 596 et dont le siège
social est situé 19/29, rue du capitaine Guynemer, 92400 Courbevoie. [En ligne :
http://www.relay.com/index.html]
Priceminister.fr, géré par la société PriceMinister S.A. [en ligne : http://
www.priceminister. com/]
Logiciels d’analyse
381
Annexes
Annexes A. Corpus
Le volume important de notre corpus nous empêche de le faire figurer en Annexes.
En effet, le corpus principal de presse people est composé de 71 numéros différents et
96 articles, tous titres confondus. Ces articles, souvent de plusieurs pages, étendent alors
notre corpus principal à 377 pages de presse people. A cela s’ajoutent plusieurs corpus
secondaires. Le corpus « Portraits dans la presse quotidienne nationale » est composé de
17 articles issus de La Croix, L’Humanité, Le Figaro, Le Monde et Libération. Le corpus
« Mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni » contient 8 articles de presse people et 14
articles de la presse quotidienne nationale tandis que celui à propos de la « Maternité de
Rachida Dati » est constitué de 8 articles de presse people et de 21 articles de presse
quotidienne nationale. Enfin, le corpus « Rumeurs d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla
Bruni en mars-avril 2010 » contient 12 articles issus de la presse people et 46 articles de
la presse quotidienne nationale. Tous ces articles ont été analysés de façon détaillée et
soumis à une analyse narrative. A cela, s’ajoute un corpus composé de 1395 Unes parues
entre le 14 mai 2007 et le 30 avril 2010 dans les neufs titres de presse people étudiés :
Paris-Match, VSD, Closer, Voici, Gala, Public, France-Dimanche, Ici-Paris et Point de Vue.
Si l’assemblage des récits issus de la presse quotidienne nationale a été réalisé
principalement à partir des bases de données Factiva et Europresse, la constitution des
corpus de récits de presse people s’est avérée particulièrement difficile. Malgré un lectorat
massif et une forte expansion ces dernières années, l’illégitimité scientifique de ce type de
presse a renforcé la difficulté de composition d’un corpus.
« Pour le doctorant, constituer son corpus, c’est choisir la matière sur laquelle il
1271
s’apprête à travailler plusieurs années »
Pour le doctorant dont l’objet de recherche est la presse people, constituer son corpus,
c’est aussi trouver la manière de le constituer. Ainsi, avant les questions, inhérentes à
1272
tout travail de thèse, sur la gestion et la domestication d’un corpus , à propos de la
sélection des récits, le dépouillement ou les méthodes d’analyses, s’est imposée une
question a priori simple : comment réunir les récits médiatiques pour notre analyse ? Le
faible archivage de cette presse constituait, en effet, un obstacle pratique, qui nous a obligés
à bricoler et à croiser différents moyens d’assemblage. Le premier a reposé sur l’achat des
hebdomadaires lorsqu’ils étaient en kiosque. Cependant, fin 2006 et début 2007, période
de parution de notre corpus principal, ce travail et sa définition n’en étaient qu’à leurs
prémices : la constitution du corpus ne pouvait être alors qu’incomplète. Le second moyen a
été rendu possible par le site relay.fr qui permet l’acquisition de numéros de presse people,
1273
en format numérique, quand ceux-ci ne sont plus en kiosque . Cependant, la vente au
1271
AUBOUSSIER, J., « Le corpus de presse écrite au prisme d’un travail de doctorat » LAVILLE, C., LEVENEUR, L. & al.
Construire son parcours de thèse : Manuel réflexif et pratique, Paris : L’Harmattan, 2008, p. 105-111.
1272
KERVELLA, A. & KREDENS, E., « Gérer et domestiquer un corpus géant », LAVILLE, LEVENEUR, & al. op.cit., p. 77-84.
1273
Notons, d’ailleurs, que la plupart des sites des hebdomadaires renvoie à relay.fr pour la vente des anciens numéros.
382
numéro et l’archivage, sur ce site, sont récents : il a, donc, été principalement opératoire
pour la constitution des corpus à propos des évènements politiques et peoples pris dans des
périodes plus récentes. Notons, par ailleurs, que l’archivage de Voici n’a débuté qu’après
la clôture de notre corpus, le plus ancien numéro disponible étant celui du 12 mai 2010,
1274
tandis que VSD est toujours indisponible . Nous avons tenté de parachever ce corpus à
partir des fonds de la Bibliothèque Nationale de France, seule bibliothèque qui archive ce
1275 1276 1277
type de presse . Cependant, la limitation stricte de consultation et de reproduction ,
ajouté à l’indisponibilité de Public et Closer, en phase de reliure, pendant une longue période
de notre thèse, n’a pas permis pas sa clôture. C’est donc grâce à un dernier moyen que
nous avons conclu ce travail d’assemblage : l’achat « à l’aveugle » sur priceminister.fr.
En identifiant les numéros parus dans les périodes analysées et manquants dans notre
corpus, nous avons pris le parti de les acquérir sans savoir si l’évènement ou un candidat
1278
à l’élection présidentielle était mis en scène . La constitution du corpus de Unes s’est
révélée plus simple, au regard du bricolage effectué pour ceux composés de récits : il nait
d’un croisement entre les images de Unes disponibles sur les sites news- people.fr, relay.fr
et priceminister.fr, complété par les fonds de la Bibliothèque Nationale de France.
Finalement, nous espérons que ce travail de constitution de longue haleine nous permet
de présenter un corpus complet et pertinent dont nous listons désormais les titres et les
1279
articles .
383
384
385
386
387
388
392
393
394
Le Monde (17/04/2010)
« Un vaudeville à la mode Twitter »
Libération (23/04/2010)
« Sarkozy peut-il encore rebondir »
L’explicitation des formules et des chiffres accolés aux termes est détaillée au Chap. IV. 1.2.
1 = /Monde civique/ 2 = /Monde de l’opinion/ 3 = /Monde domestique/ Ambiguïté de
multiples manifestations = 1,3 (représenté par la virgule) Compromis = 1-2 (représenté par
le tiret) Dénonciation = 1/2 (Le chiffre avant la barre oblique est le monde dénoncé, celui
après est le lieu d’émergence de la dénonciation. Dénonciation au nom d’un compromis =
1-(2/3) Dénonciation d’un compromis = (1-2)/3 Compromis à partir d’une dénonciation
= (1/2)-3 Compromis à partir d’un autre compromis = 1-(2-3) Dénonciation par ou d’une
autre dénonciation = 1/(2/3) ou (1/2)/3
Abandonner 3
« Pal Sarkozy émigré hongrois, flambeur et dilettante, qui, abandonnant femme et
enfants »
Abattre│abattement 1
« Chiraquiens et villepinistes n’ont pas renoncé à abattre le patron de l’UMP »
Abolir 1
« Sa ligne de communication : abolir les clivages entre culture et politique »
Aboutir│Aboutissement 1
« Ce n’est pas un rêve pour moi, ni un aboutissement. C’est un projet collectif, je veux
que la France change »
Abrogation 1
« le candidat à la candidature aligne les points de rupture : abrogation de la carte
scolaire et du collège unique »
Abstentionniste 1
« S’adresser aux abstentionnistes en créant une république »
Accaparer 2
« C’est surtout la loge des invités show-biz qui accapare l’attention. On voit arriver des
champions »
Accéder 1
« Si la socialiste accède à l ' Elysée »
Accentuer│accent 1, 3
395
« Le ton est plutôt solennel, avec des accents mitterrandiens » ou « son accent du sud-
ouest »
Accès│ accessible 2
« Mais rares sont ceux, désormais, qui ont accès à son intimité »
« Il peaufine avec méticulosité son image de candidat calme, accessible et
décontracté »
Accessoire 2
« Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
« Le programme des candidats est bien plus accessoire que l’examen de leur
personnalité »
Acclamer│acclamation 2
« Environ 900 personnes - adresse à la candidate des salves de chaudes
acclamations »
Accointance 3/1
« Trouver des fonds, en récompenser les donateurs, avec des accointances de notables
et des intimidations »
Accolade 3
Compromis entre monde domestique et monde de l’opinion
« Tout sourire, avec des bises et des accolades pour chacun »
« Nombreuses mains, embrasse des mammas africaines et remercie par une accolade
et un merci à toi les nombreux passants »
Accomplir 1
« Mission accomplie à la fin du congrès »
Accouchement│accoucher 3
« La photo de son accouchement parue dans paris match »
Accréditer 1
«Les journalistes accrédités »
Accro 3
« Désormais le rappeur mou est accro à la romancière »
Accrochages 3
« Quelques accrochages dans ce couple »
Accueil│accueillir 3
« Nicolas Sarkozy a voulu accueillir personnellement ses soutiens »
« Cécilia accueille elle-même les personnalités venues assister »
« Les Bayrou nous ont accueillis chez eux dans leur longère de Bordères. »
« Pierre accueille ses grands-parents paternels »
Accusation│Accuser 1, 2
396
Ado(lescent)│adolescence│adulescents 3
« Bill Clinton pendant son adolescence, a donné un coup de main à son beau - père,
Roger, qui possède un garage »
Adorable 3
« Un homme qui ne ment pas, qui sait rire, chanter, être adorable et amusant »
Adorer 2, 3
« Mon père s’occupe de la cuisine et des courses. Il adore aller au carrefour de la porte
d’Auteuil »
« Le genre de formules que son public adore »
Adouber 1
« Lorsqu’elle a été adoubée par le parti socialiste »
Adoucir 2
« Adoucir l’image du candidat »
Adultères 3
« Lapidation des femmes adultères »
Adultes 3
« Mais si l’enthousiasme de la victoire est très démonstratif chez les jeunes, les adultes
n’en sont pas moins ravis »
Adversaire│adverse 1
« La campagne se durcit entre ses deux principaux adversaires »
Affable 2
« Se débrouille-t-elle pour conserver, en toutes circonstances, cet air impassible et
affable de madone italienne »
Affaiblir 1
« Le plébiscite socialiste en faveur de Ségolène royal affaiblit Nicolas Sarkozy »
Affaire (3/1)/(1-2)
« Les partis entendent bien utiliser cette affaire »
Affection│affectif│affectueux 3
« Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la séparation et du divorce de ses parents.
À la fois affectivement et socialement »
Affectations 1
« Après de nombreux déménagements au gré des affectations du militaire »
Affichage│afficher│affiche 2
« Elle aussi, affiche son penchant pour la candidate PS »
Affinités 3
« Des affinités se forment entre journalistes et ténors politiques «
Affleurer 2-3
398
399
Air 2
« Air concentré, sourcils froncés »
« Critiquent son emploi politiquement incongru de fils de et ses airs d'étudiant baba-
cool »
Aisance│aisé 2
« Bien loin de l’art oratoire d’un Laurent Fabius ou de l’aisance d’un François hollande »
Alerter 1-2
« Un des premiers à alerter le PS sur les questions de délinquance »
Alimentaire 3
« Madame surveille le régime alimentaire de celui qui, tel un athlète s’est engagé dans
la compétition pour l’Elysée »
« Pension alimentaire »
Alimenter 2
« Il alimente les concepts de la révolution sarkozyste »
Allégresse 2
« Allégresse. Salle gaveau, à paris, les partisans de Nicolas Sarkozy explosent de joie »
Allégeance 1
« Acte d ' allégeance »
Alliance│allié 1
« Alliance entre le PS et un centre rénové »
Allocation 1
« L’instauration d’une allocation d’autonomie »
Allocution 1
« Ségolène Royal s’apprête à lire son allocution à la maison de l’Amérique latine »
Allumer 2
« Sarkozy allume le feu à Bercy dimanche 29 avril »
Allure 2
« Son allure décontractée sur les plateaux télé »
Alter│altercandidat│ altermondialisme│alternatif 1
« Son positionnement qui consiste à se poser en alternative positive au vote
protestataire »
Altière 2
« Il faut la voir, altière, pour comprendre comment elle n’a rien lâché »
Amabilités 3
« Faut toujours se méfier des amabilités de Chirac »
Amant 3
« Une photo de Cécilia et son amant d’alors, richard Attias »
400
Ambassade 1
« En préfecture ou ambassade »
Ambitieux│ambition 3/1
« Ce qui fait la crédibilité d’une ambition, c’est le prix personnel qu’on est prêt à payer
pour l’assouvir »
Âme 3
« Henri Guaino conserve une âme d’enfant, un rien naïf »
Sauf « Corps et âmes » 1-3
« Après s’être vouée, corps et âme, aux grands shows du père, Yann, la cadette, hésite
sur son avenir proche »
« Se repose sur un noyau dur, composé de trois soldats dévoués corps et âme, sa
garde rapprochée »
Amélioration│améliorer 1
« Une mixité sociale réussie pour améliorer la sécurité »
Ami│amical│amitié 3
« Jean - Maurice Ripert à Genève et fidèle ami du couple »
« S’en était alors pris à TF1, suspectée de favoriser Sarkozy, ami intime de martin
Bouygues »
« Ses amitiés personnelles avec les grands patrons »
Amour 3
« Pour en profiter en amoureux. Biberon, câlins, dessins… »
« Filant le parfait amour avec le premier flic de France »
Amuser 3
« un homme qui ne ment pas, qui sait rire, chanter , être adorable et amusant »
Ancestral│ancêtres 3
« De ses origines et du domaine ancestral, il ne reste qu’un souvenir noyé dans les
paysages marécageux »
Ancien│ancienneté 3, 1
« Ancienne ministre des sports de Lionel Jospin »
Ancrage│ancrer 1,3
« Les hommes politiques aiment revendiquer leur ancrage rural »
« Au point d’y avoir tenté un ancrage politique local durable »
Anecdotes 3
« Il se répand en anecdotes sur l’humiliation que fut le divorce »
Angoisse 3
« Angoisses, blessures, ils n’ont pas tout dit »
Animateur│animer 1, 2
401
Apôtre 1
« Il était un gueux de la politique, il fut un des premiers apôtres, il est désormais
indispensable à la logistique de la candidate »
Apparaître 2
« Le candidat Sarkozy apparaît, salué par une foule en lévitation »
Apparatchiks 1
« S’attirer la jalousie d’élus ou d’apparatchiks de l ' UMP »
Appareil 1
« Un homme d’appareil et d’organisation il fut, notamment, chef du cabinet »
Apparence│apparition (3,1)/2, 2
« En apparence, le protocole est respecté »
Appartement 3
« Suit sa famille qui déménage dans un appartement, à Neuilly - sur seine »
Appartenir│appartenance 1, 3
« Issue du milieu chrétien démocrate, toujours appartenu au mouvement des femmes
démocrates »
« Le père de Nicolas, n’avait pas hésité à s’approprier alors quelle appartenait à un
cousin de sa mère »
Appel │appeler 1-2, 2
« C’est de sa circonscription qu’elle a appelé à un ordre juste »
« Candidat UMP, qui, il y a peu, était fier de se faire appeler Sarko l ' américain »
Appétit 2
« L’appétit des médias people pour le couple royal – hollande »
Applaudir│applaudissements 2
« Le public chavire et applaudit à tout rompre »
Apprécier│appréciation 2, 3
« Plébiscités par les artisans et les commerçants (69 %), très appréciés par les inactifs
(39%) »
« Sans être intimes, ils s'apprécient »
Appréhender│appréhension 3
« Les français l’ont choisi, malgré les craintes, les appréhensions, les peurs »
Appui│appuyer 1
« L’association désirs d’avenir, sur laquelle Ségolène royal s'est appuyée tout au long
de la campagne »
Arbitrage│arbitrer│arbitre 1
« Jouer les arbitres de la vie politique française »
Arborer 2
403
405
406
Aventure 1, 3
« Refermant ainsi la parenthèse de son aventure avec richard Attias »
« Il enchaîne avec le pari de l’aventure rénovatrice du NPS »
Avouer (3,1)-2
« Claude Pompidou et Danielle Mitterrand ont toutes avoué s’être senties prisonnières
à l’Elysée »
Axe 1
« Il définit les étapes de la campagne, bâtit les axes du programme »
Ayatollahs 1
« Ségolène est très ferme contre les ayatollahs et l’Iran »
Baby-sitter 3
« Leur baby-sitter préférée »
Bague 2, 3
« La bague au doigt »
« Quant à Cécilia Sarkozy, la bague Dior joaillerie qu’elle arborait a fait sensation »
Baigner 3
« Il a baigné dans la politique toute son enfance »
Bain 2, 3
« Bains de foule »
« Maillot de bain »
Baise│baiser 3
« Baise-main »
Balcon 2
« La candidate se poste sur le balcon du siège du PS, rue de Solferino, pour saluer
les militants »
Bambin 3
« Hélène, sa mère adorait ses bambins »
Bande 3
« S’ensuit une longue habitude de vacances avec la bande »
Banderole 2
« On distribue tee-shirts et banderoles »
Banlieue 1
« Faire oublier sa rupture avec la jeunesse des banlieues »
Baron 1
« Malgré les apparences, la guerre entre barons de la majorité fait rage baroudeur »
Barrage 1
« Battre la droite et faire barrage à Nicolas Sarkozy »
407
Battre 1
« Bayrou jugé parfois plus apte à battre le candidat UMP »
Beau│beauté 2
« On l’aime parce qu’il est beau «
Bégaiement 3
« Il y avait ce bégaiement qui le handicapait un peu »
Bercail 3
« Pierrette rentre au bercail estival pour s’occuper de ses petits – enfants »
Berceau 3
« Une visite à Chamagne, berceau vosgien de son enfance »
Bibelot 3
« Elle tentait de déposer valises et bibelots dans les appartements sans âme du
ministère »
Biberon 3
« Ségolène donne le biberon à julien, son fils âgé de 6 mois »
Bibliothèque 3
Très fournie, la bibliothèque familiale était ouverte aux enfants
Bienveillant 3
« Entraînant des rires bienveillants autour d’eux »
Bière 3
« Lui offrent une cannette de bière »
Bio│biocarburants│ biodégradable 1
« Cent dix mètres carrés 100% pur bois, WC biodégradable… le candidat
altermondialiste à la présidentielle coule des jours heureux et militants »
Biologique 1
« Sa famille biologique et politique »
Bipolarisation│bipolarité 1
« Une bipolarisation qui ne reflèterait pas le pluralisme du premier tour »
Blesser│blessure 3
« Longtemps, il lui en a voulu énormément. La blessure n’est pas refermée»
Blog 2-3
« Il vient de lancer un appel au soutien du candidat de la droite sur son blog »
Blogosphère 2-3
« Propager la bonne parole sarkozyste dans une blogosphère qui lui est plutôt hostile »
Bluffer 2
« Certains venaient en traînant les pieds, mais ils repartaient bluffés »
408
Bonder 2
« Meetings devant des salles bondées et chauffées à blanc »
Bonheur 3
« C’est un grand moment de bonheur pour les parents »
Bosser 1
« C’est une bosseuse qui a eu le courage de s’atteler à un dossier très difficile »
Bottes 2, 3, 3/2
« Le président de l’UDF chausse ses bottes pour aller retrouver ses vingt et un pur –
sang »
« Ordinairement adepte du jean et des bottes, est apparue sous les ors de l’Elysée
dans une superbe robe Prada »
« Fidèle à lui-même, plus droit dans ses bottes que jamais »
« Notre conseil pour un style plus branché : des bottes ou des bottines claires »
Bouclier 1
« Le bouclier fiscal »
Bouleversement│ bouleverser1, 3
« Elle est la seule à prendre en compte les bouleversements de la société à venir »
« Un coup de foudre qui va bouleverser la vie de Cécilia et de Nicolas »
Branché│branchitude 2
« Notre conseil pour un style plus branché »
« C’est elle la plus glamour mais un peu de branchitude ne nuirait pas au style classique
de la candidate du PS »
Bras 1, 3
« Courtois, discret et totalement dévoué, c’est le bras droit idéal »
« Le second fils du nouveau président tombe dans les bras de son père »
Briguer 1
« L’ancien ministre aurait bien aimé briguer l’investiture socialiste pour cette
présidentielle »
Brillant│briller 2
« Touches glam chic pour mieux briller après 19 heures »
Brio 2
« Un homme aux idées nouvelles qu’il s’efforce de faire passer avec brio »
Broncher 1-3
« Ces coups, elle les a encaissés sans broncher »
Bruit 2
« Elle a oublié les bruits de couloirs »
« L’information ne fait pas grand bruit »
409
Brûlant 2
« Il surfe avec aisance sur les vagues de l’actualité brûlante »
Brut 1, 3
« Des points forts et faibles de l’animal à sang chaud très brut de pomme qu’est Nicolas
Sarkozy »
« Son smic à 1500 euros brut »
Budget 1
« Même si cela coûte la moitié du budget électoral »
Bulletin 1
« Surtout si l’on glisse le bon bulletin dans l’urne ? »
Bureau 1
« François Bayrou repasse au bureau, dans son QG de la rue de l’université »
« La candidate arrive vers 12h30 au bureau de vote numéro 2 »
Buzz 2
« Créer du buzz sur la toile »
Cabinet 1
« Directeur de cabinet du ministre de l’intérieur »
Cacher│cachette│ cachottier 3/2
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
« L’individu qui se cache derrière l’animal politique »
Cadet 3
« Son fils cadet, louis »
Cadre 1
« Un cadre de l’UMP »
Cafard 3
« Je me sentais abandonné, détruit, j’avais un cafard monstre »
Cajoleries 3/2
« Des ego sensibles et flattés par ses cajoleries »
Calculer 2
« Un propos calculé. Dès lors, toute sa stratégie a été de se distinguer de jacques
Chirac »
Calendrier 1
« Un calendrier précis de ses premières mesures »
Câlin 3
« Biberon, câlins, dessins »
Calmer 1/3
« Un homme tente de calmer la foule »
410
Camarade 1, 3
« Le futur ministre de l’intérieur avec d’autres camarades partage les jeux de Brigitte
et Muriel »
« Laurent Fabius a, une nouvelle fois, exhorté ses camarades à être plus percutants
dans leurs attaques contre l’UDF »
Caméra 2
« Flashée par des dizaines de photographes, filmée par autant de caméras »
Camp 1
« Les coups sont venus, hélas, parfois, de son propre camp »
Campagne 1, 3
« Le jeune est très impliqué dans la campagne de sa mère »
« Son projet de vie : la vie en famille, a la campagne »
Candidat│candidature 1
« L’épouse du candidat a supervisé toute la préparation du congrès de l’UMP »
Canton│cantonal 1
« Élections cantonales »
Capital│capitalisme 1
« Elle continue de promouvoir la lutte des classes contre le grand capital »
Capter 2
« La madone du Poitou choisit de capter les regards »
Caractère 3
« Les années d’enfance forgent le caractère »
Caricature 2
« C’est une personne qui est souvent caricaturée »
Carnet 1-3
« Il a sorti son carnet d’adresses pour rameuter des soutiens à la candidate socialiste »
Carrière 3/1
« Mais Ségolène Royal sait qu’une carrière politique nécessite plus que des titres »
Casquette 1
« Nicolas Sarkozy pour sa double casquette de ministre de l’intérieur et de président
du conseil général des hauts - de – seine »
Casting 2
« Pierre Méhaignerie a quasi disparu du casting gouvernemental »
Célèbre│célébrité 2
« Les célébrités du showbiz »
« Le plus célèbre arracheur de plants d’OGM en France »
Cellule 1
411
« On retombe sur ce qui fait un bon réseau classique. Des historiques, une cellule
politique, des pousses de la nouvelle génération et une cellule des bons et des coups
surnommée la firme Sarkozy »
Centre│centrisme 1
« Multiplie les gestes pour rassurer son camp, séduire le centre dans la perspective
d’un second tour »
Cercle 3-1
« Dans le cercle rapproché de Ségolène royal »
Cérémonie 1
« A fait forte impression lors de la cérémonie en l’honneur du royaume de Cambodge »
Chagrin 3
« Sa disparition en 1973 lui causera un énorme chagrin «
Chaîne 2
« Aucune maquilleuse n’a été mise à sa disposition par la chaîne LCI »
Chaleur│chaleureux 3
« L’une a été ministre, l’autre pas. L’un est chaleureux et convivial, l’autre une austère
qui se marre moins »
Challenger 1
« Les bayroutistes ne seront pas tendres avec les challengers »
Champion 1
« Elle est parvenue à s’imposer comme la championne de la gauche »
Chancelier 1
« La chancelière Angela Merkel »
Chanson│chanteur 2
« Chanteurs et comédiens se relaient pour faire patienter une foule, évidemment
euphorique »
Charge│charger 1
« Patrick Mennucci, directeur adjoint chargé des meetings »
« 65 milliards d’exonérations de charges sociales accordés aux entreprises »
Charismatique│charisme│ charmer│ charmant 2
« Défi pour la candidate socialiste : faire taire tous ceux qui l’attaquent sur son faible
charisme. Parole libérée, gestes déliés, énergie exaltante »
« Le jeune homme pressé prend le temps d’argumenter, d’expliquer, de charmer la
dizaine de personnes présentes »
Chaud 3
« Adresse à la candidate des salves de chaudes acclamations »
« Se vante d’être un assidu des chaudes nuits du bois de Boulogne »
Chauffer 2
412
413
414
415
416
418
Couvée 3
« Marie-Ségolène, quatrième de la couvée, a toujours affirmé s’être forgée en réaction
à ce père autoritaire »
Couverture │couvrir 2
« Graziella se plaît également à l’imaginer, en maillot de bain, en couverture de Closer »
« A rencontré la candidate socialiste alors qu’elle couvrait la campagne des élections
régionales »
Cravate 2
« Il ne met pas de cravate pour aller à la télé »
Crédibilité │crédible 2
« Les enquêtes d’opinion soulignaient une carence en crédibilité »
Crise 1, 3
« Une manif contre la crise étudiante déclenchée par la réforme du deuxième cycle »
« Peut-on sortir indemne d’une crise de couple de l’ampleur de celle qu’ils ont
traversée ? »
Critique 2
« Mais jamais elle n’a critiqué devant ses fils les mauvaises manières de leur père »
Croissance 1
« La croissance économique ne redémarre pas »
Cuisine │cuisiner 3
« Ici, la vaste cuisine occupe un rôle central. C’est dans ce lieu que Babette aime »
Cv 1/3
« Le candidat extrémiste ressasse alors son Cv »
Dame 3, 1-3
« Ghislaine Ricez, sa dame de cœur depuis cinq ans »
« C’est vers 22h30, au Fouquet’s, que la nouvelle première dame de France est venue
rejoindre son mari »
Débat 1
« Juste après son débat avec François Bayrou »
Déboires 3
« Il présente ses déboires conjugaux comme une preuve de son humanité »
Décéder │décès 3
« Calixte, son idole, qui venait de décéder en tombant accidentellement de son
tracteur »
Déception │décevoir 3
« Score historiquement bas de sa candidate, à peine 2 %, résonne comme une terrible
déception »
« Cette déçue de la méthode royal dénonce pèle-mêle ses sautes d’humeur »
419
Déchirer 3/1, 3
« La droite se déchire à pleines dents »
« Quelques année, plus tard, quand sa famille va se déchirer »
Déclaration │déclarer 2
« Arnaud Montebourg, porte - parole, un temps mis à l’écart après ses déclarations sur
François hollande »
Décoller 2
« Il n'a pas vu décoller la popularité de sa compagne »
Décontracté 2-3
« L’apparition de Cécilia dans une tenue à la fois chic et décontractée »
« Son allure décontractée sur les plateaux télé »
Décor │décoration │décorer 2
« Elle a aussi donné son avis sur le décor et l’éclairage »
Découragement 3
« il importe de ne montrer ni fatigue, ni découragement, ni agressivité »
Décrédibiliser 2
« Elle se retrouve sur certains points avec Jean-Marie Le Pen mais regrette que ce
dernier décrédibilise le patriotisme »
Décrocher 2
« On invoque tous les saints socialistes pour que la madone ne décroche pas
brutalement de l’opinion »
Décrypter (1,3)/2
« C’est un bon point pour Ségolène Royal, décrypte Stéphane Rozès »
Dédicacer 2
« Venue lui faire dédicacer son livre »
Dédier 2
« Créateur de ségosphère, le site dédié au rayonnement internet de sa mère chez les
jeunes »
Défaite 1-3
« La défaite est lourde, l’émotion palpable »
Défaut 3
« Son principal défaut : sous stress, il pourrait avoir de la difficulté à projeter ses idées »
Défendre 1
« Pour défendre son projet de loi sur la prévention de la délinquance »
Défilé │défiler 2
« Il assiste aux cérémonies du 11 novembre et aux défilés du 14 juillet »
« Pendant la semaine des défilés de haute couture à Rome »
420
Déjeuner 3
« Lequel, dans la journée, a fait un jogging, vu Chirac, déjeuné en famille et relu son
discours »
Délaissé 3
« On a du mal à l’imaginer en petit garçon mélancolique et délaissé, qui souffre du
divorce de ses parents »
Délégué │déléguer 1
« Ségolène Royal - alors ministre de Jospin, déléguée à l’enseignement scolaire »
Délinquance 1
« Son projet de loi sur la prévention de la délinquance »
Délire 2
« Devant la foule en délire, les éléphants cachent leur joie »
Délocalisation │délocaliser 1
« Deux mille cinq cents gros contribuables se seraient délocalisés pour échapper à
cette taxe »
Démagogie 1/2
« Quitte à manquer de rigueur et à tomber dans la démagogie »
Démaquiller 2
« Juste après s’être démaquillé, le candidat, qui tient encore sa serviette de toilette »
Démarche 2
« La démarche est un peu raide mais sa robe est souple »
Démasquer 3/2
« Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal démasqué par leur écriture »
Déménager │déménagement 3
« Suit sa famille qui déménage dans un appartement, à Neuilly-sur-Seine »
Démentir ((1,3)/2)/2
« Dément la rumeur selon laquelle ce serait pour des raisons de santé »
Démission 1
« Une semaine après la démission d’Eric Besson, comptable du projet socialiste »
Démocrate│démocratie│démocratique 1
« L’importation du modèle nordique en France en matière de démocratie sociale »
Démonstration │démontrer 2
« La grande démonstration de force people de Ségolène Royal »
Dénoncer 1-2
« Une stratégie suicidaire que dénoncent les supporteurs du ministre de l’intérieur »
Dépassé 1, 2
« La preuve que les vieux clivages sont dépassé »
421
Département 1
« il se rend même dans trois départements par jour et enchaîne les meetings »
Dépit 3
« On les disait amers, dépités, revanchards »
Déployer 2
« Elle finit même, devant l’ardeur déployée par l’oratrice, par applaudir »
Député 1
« Elle gagnera certainement plus de sièges de député à l’assemblée, en 2007 »
Dérapage 2
« il avait déjà policé son image en évitant les dérapages verbaux »
Désapprouver 1-2
« Si une majorité d’entre eux ne cachent pas désapprouver le leader frontiste »
Descendant 3
« Le privilège de pouvoir désormais faire précéder le patronyme de ses descendants
du nom de leur domaine »
Design 2
« Un espace design accueille le visiteur, sous un ciel de roses »
Destin 3
« Cette année se joue son destin. Il rêve d’être président de la république depuis qu’il
est entré en politique »
Détendu 3
« Jeanne - Marie passe un coup de fil et Cécilia sourit, enfin détendue »
Détester 2
« Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, qu’on apprécie ses idées ou qu’on les conteste »
Détracteur 2
« L’international est un domaine dans lequel ses détracteurs la disent faible »
Dévoiler 2
« L’écriture des deux adversaires du second tour dévoile l’individu qui se cache derrière
l’animal politique »
Dévouement │dévouer 3
« Gérer la carrière de son père, avec un dévouement proche du sacerdoce »
Dialogue │dialoguer 1
« Les pays qui ont fait de la qualité du dialogue social la clé de leur compétitivité »
Diatribe 2
« Jusqu’à ses diatribes contre Sarkozy qui lui aurait volé ses idées »
Diffuser 2
« Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »
422
Diner 3
« Chez Sarko, je dine, je bois mais je ne fume pas ! »
Diplomatie 1
« La nécessaire rupture avec le cynisme de la diplomatie française au Darfour et en
Tchétchénie »
Dirigeant │diriger 1
« Borloo, s’il ne va pas tout de suite à Matignon, devrait diriger un grand ministère de
l’économie »
Discours 1-2
« La candidate improvise, sort de son discours pour faire réagir les 15000 personnes
présentes »
Discret │discrétion 3
« Ils vivent discrètement : pour vivre heureux, vivons cachés »
« Courtois, discret et totalement dévoué, c’est le bras droit idéal »
« Elle s’est montrée tout à la fois présente et discrète, d’une efficacité sans failles »
Discrimination 1
« La création du cv anonyme et la lutte contre les discriminations dans l ' entreprise »
Discussion 1, 3
« Royal se rend au centre culturel français de gaza pour y discuter avec de jeunes
palestiniens »
« Bernadette sourit et discute avec Cécilia »
Dispositif 1
« Le dispositif de campagne qu’elle a conçu marche sur deux jambes »
Dissension 3/1
« Un climat de rivalité et des dissensions autour de lui »
Dissidence 3/1
« Borloo n’a jamais eu l’intention de mener une dissidence »
Dissimuler 2
« Dans ses visites en province, il ne cherche pas plus à dissimuler sa personnalité »
Divergence 3/1
« Oubliées les divergences, les ministres de Chirac sont venus place de la concorde »
Diversion 2
« Des proches du ministre de l’intérieur tentent de faire diversion, occupez- vous plutôt
des dîners en ville de Mme Royal »
Diversité 1
« Nicolas Sarkozy lui a confié une mission sur la diversité »
Diviser │division 3/1
423
424
Droite │droitisation 1
« Tous les artistes sont de droite »
Duper 2
« Mais ses argumentaires physiques et vestimentaires cesseront bientôt de duper tout
le monde »
Échangisme 1, 3
« Après ses propos sur ses expériences échangistes »
« Critiquer l’euro fort et le libre-échangisme européen »
Écharpe 3-2
« en 1984, écharpe tricolore en bandoulière »
Échelon 1
« Il a gravi tous les échelons du RPR »
Éclat │éclater 2
« Elle s’y distingue par un premier coup d ' éclat »
« Laisse éclater son bonheur, fier et radieux »
« Mais pour que les applaudissements éclatent »
Éclipser 2
« Première grande sortie officialisant leur réconciliation. Résultat : ils éclipsent ministres
et amis »
Écolo(gie) 1
« Dominique Voynet parlera encore écologie à Lyon »
Économie 1
« Eric Besson, député PS, secrétaire national aux questions économiques »
Écran 2
« Il agrège des stars du petit écran comme doc gynéco ou Steevie »
« Son impact sur les ondes et les écrans dépasse de loin celui que peut avoir un
meeting »
Éducation 1, 3
« La stricte éducation des huit enfants du colonel »
« Des mesures fiscales et toujours le développement des centres éducatifs renforcés »
Effervescence 2
« Il règne la même effervescence qu’après un grand show »
Effigie 2
« Nicolas Sarkozy a inauguré sa propre effigie de cire au musée Grévin »
Égalité 1
« Mettre les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur privé »
Ego│égocentrique│égoïste│ égotiste 1/3
425
« Tout le contraire de la femme politique égotiste et brutale qui lui dispute l'Elysée »
Élaboration│élaborer 1
« Nicolas Sarkozy n’a pas directement associé d’économiste ou d’historien à
l’élaboration de son programme »
Électeur│élection│électoral│ élire│élu1
« Nicolas Sarkozy s’est imposé un nouvel objectif convaincre les électeurs au delà de
la droite »
Élégance 2
« Ségolène Royal a choisi une austère bichromie vestimentaire, un élégant noir et
blanc »
Éléphants 1
« Le candidat UMP ne veut pas se casser les dents comme les éléphants du PS »
Élite 1
« De quoi déjouer les rumeurs et les fantasmes entourant la fortune de nos élites »
Elysée 1
« La course à l ' Elysée »
Emblème 2
« Ce même tracteur que le candidat UDF a fini par ériger en emblème de sa
campagne… »
Embrasser 3
« Après avoir embrassé Elisabeth, il reprend le tgv qui le mène vers son destin »
Éminence 1
« Seul un membre éminent du PS relativise »
Émission 2
« Comme son récent passage à Ripostes, l’excellente émission de Serge Moati »
Emménager 3
« Sans grandes ressources, elle emménage dans un appartement du 17e
arrondissement »
Émotion│émouvant│ému 3
« vitrine ouverte sur l’intériorité des individus, leurs émotions et les forces inconscientes
qui les structurent »
Emploi│employé│employer 1
« Les Bayrou sont plutôt appréciés par les employés (32%) et les professions
intermédiaires (33 %) »
« Des informations contradictoires dans un emploi du temps à flux tendu. »
ENA│énarchie│énarque 1
« Il ne veut pas faire partie de l’establishment. Ni parisien, ni énarque, ni bourgeois »
Encarter 1
426
« L’inconstance de ses positions, rebelle, politique pragmatique, a fini par s’y encarter,
en 2006 »
Encourager 2
« Déjà une partie des antisarkozystes qui encouragent l’ancien maire de valenciennes
à y aller »
Endosser 1-3
« François Bayrou a endossé les habits de faiseur de roi »
Enfance│enfant│enfanter 3
« Il faut dire que la mère de ses six enfants l’accompagne depuis si longtemps »
Engagé│engagement 1
« A grandi selon les principes écolo d’une mère totalement engagée »
« Dès 1992. Ségolène royal explique déjà le sens de son engagement politique »
Enjeu 1
« Villepinte était d’autant plus un enjeu qu’il y avait eu ce qu’on appelle le trou d’air »
Ennemi 1, 3
« Dans les diners en ville, les ennemis de Sarkozy continuent de faire courir les rumeurs
les plus négatives »
Enracinement 3
« La candidate a fait de Melle le symbole de son enracinement local »
Entériner 1
« Le binôme présidentiable s’arroge la une, comme si le premier tour était entériné. »
Enthousiasme 2
« Devant soixante mille fidèles enthousiastes »
Entreprise 1
« Des exonérations aux entreprises qui créent des emplois »
Entretien 2
« Jean-Marie Le Pen affirme par ailleurs depuis quelques jours, dans ses entretiens
aux médias »
Enveloppe 1
« Une enveloppe de 10 millions d’euros »
« Pour glisser son enveloppe bleue dans l’urne »
Envie 3
« Elle a 34 ans et déjà une envie féroce d’affronter le suffrage populaire »
Environnement│ environnementaliste 1
« Répondre à l’urgence sociale et environnementale »
Epauler 3
427
« Cécilia et Jeanne-Marie, sa fille ainée issue d’un précédent mariage, épaulent le tout
nouveau candidat à l’élection présidentielle »
Épouse│époux│épouser 3
« Pour apaiser son épouse, Sarkozy a donc fait mine de mettre en retrait des conseillers
comme Brice »
Époustouflante 2
« Première dame, époustouflante dans sa robe Prada bleu nuit »
Éprouver 3
« Sarkozy est un grand sentimental qui fonctionne aux coups de cœur et éprouve un
grand besoin d’amour partagé »
Équipe 1
« Les membres de son équipe parviennent à fournir à l’avance la trame d’une
allocution »
Escapade 1/3
« La candidate socialiste s’octroie une escapade, loin des lambris de la république,
avec Clémence et Flora »
Essentiel 3
« Quelques repères essentiels pour lui — des photos de sa famille et quelques uns des
stylos qu’il collectionne »
« Son rôle est essentiel à mes côtés, mais c’est un rôle privé et non public »
Esthétique 2
« Les plus démunis auront droit â un coup de pouce et les chirurgiens esthétiques à
un gros chèque »
Estrade 2
« Il intercale sur la même estrade politiques et personnalités du show–biz »
État 1
« L’inefficacité chronique des services publics en général et de l’Etat en particulier »
sauf « état d’âme ou d’esprit » 3
« Son caractère est inégal et changeant, soumis à ses états d’âme et à sa vive
sensibilité »
Éthique 1
« Les envolées de Philippe de Villiers sur les questions éthiques et morales »
Étiquette 2-3
« Indépendamment de leurs étiquettes politiques »
Étoile 2
« Les trois étoiles des sondages sont face à un trou noir »
Étourderie 3
« Navrés de ces étourderies, ses parents ont fini par lui acheter une bicyclette bleue »
428
Étranger 1
« Pourrait bien prendre possession du ministère des affaires étrangères »
Euro│Europe│européen 1
« Non à la constitution européenne, non à l’entrée de la Turquie »
Évolution 1
« Conduire la nécessaire évolution de la gauche sur les questions de sécurité »
Excitation│excité 2, 3
« C’est Sarko ! Répond un autre, tout excité »
« Ni peur ni excitation ; zéro plaisir au fond »
Exclusif 2
« Photos exclusives »
Exécuter│exécuteur│exécutif 1
« Rachid Kaci, conseiller exécutif de l’UMP et fondateur du courant la droite libre »
« Seuls ont survécu les professionnels. Ceux qui exécutent ses directives sans le
contredire »
Exemplaire│exemple 2
« En cela, le couple Sarkozy est exemplaire »
« Le témoignage de Natascha Kampusch reste un exemple de courage et de sérénité »
Exercer│exercice 1
« Un chef de gouvernement en exercice »
« Elle exerce son pouvoir de manière resserré »
Exhiber 2
« Sarkozy témoigne de la dureté de la campagne en exhibant ses cicatrices »
Exonération 1
« Des exonérations aux entreprises qui créent des emplois pour les jeunes »
Expatriation│expatrié 1
« Très choqués par les expatriations fiscales »
Expérience 1-3
« Dati assume son manque d’expérience. Qui la pousse parfois à la faute »
Exposer│exposition 2
« Mais il est évident que ce qu’ils ont vécu, et qui a été exposé publiquement, les a
changés et a changé le regard qu’on porte sur eux »
Extrême│extrémisme 1
« Le candidat extrémiste savoure quelques minutes de répit »
Exulter 2
« La salle gaveau, pleine à craquer, exulte, emportée par une centaine de jeunes
militants »
429
Façade 2
« Réconciliation de façade entre Chirac et Sarkozy »
Facette 3
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
Facho│fascisme 1
« Le slogan facile à la bouche, du genre Sarko facho ! »
Façonner 3
« Il a été façonné par son destin »
Faible│faiblesse 3
« Il ne fallait pas montrer ses faiblesses »
Fameux 2
« Prononça le fameux mot de racaille à propos de jeunes délinquants »
Famille 1, 3
« Réunion de famille en 2008 pour le 80ème anniversaire de dadu »
« Sarkozy à l’inverse, est entré dans la famille gaulliste, qu’il n’a jamais quittée »
Familial│familier 3
« Son ami d’enfance. Familier de la maison le pen »
Fan│fanatique 2
« Patrick Sébastien : ex - fan de Chirac »
« Quelques fans se photographient autour du pupitre de leur idole »
Fascination│fasciner 2
« Sa fascination pour les Etats-Unis »
Fashion 2
« Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
Faste 2
« Reçoit avec faste le roi du Cambodge, Norodom Sihamoni »
Fatigue 1
« Les yeux rougis de fatigue, Frédéric Nihous accepte en souriant une nouvelle
interview »
Fauteuil 1
« Balladur et Delors se disputaient le fauteuil présidentiel »
Faveur│favorable│favori 2
« Lorsqu’une star se prononce en faveur de Ségolène Royal »
« L’omniprésence des favoris des sondages sur le petit écran »
Fédération 1
« Le sénateur Roger Karoutchi, responsable des fédérations de l’UMP »
430
Féminin 2, 3
« Des tenues simples, féminines - jamais de pantalon »
« La prétendue superficialité féminine »
Féminisation 1
« La féminisation de la société va de pair avec l’évolution du système politique »
Féminisme 1
« La féministe Marie-George Buffet »
Féminité 2-3
« L’expression d’une grande féminité. Elle joue de son charme, de sa séduction »
Fervent│ferveur 2
« Qui devient, à partir de 1996, un fervent supporteur de Sarkozy »
Feuilleton 2
« Le feuilleton l’a rendu célèbre »
Feu 2
« Cécilia a choisi de rester à distance des feux médiatiques »
Fiançailles 3
« Il ne faut pas pour autant y voir un mariage. Des fiançailles, tout au plus »
Fictif│fiction 2
« Sur la plateforme de second life ! Les qg de campagne fleurissent dans ce monde
fictif »
Fidèle│fidélité 3, 1-2
« Fidèle ami du couple »
« Persuade la poignée de fidèles qui l’entourent de l’imminence de sa victoire »
Fief 3
« C’est le fief natal de toute une famille »
Fier│fierté 3
« Accolades, pleurs et fierté. Après bien des tensions, la famille Sarkozy exulte et affiche
son bonheur »
Figuration 2
« Les femmes ne se contenteront pas de faire de la figuration lors de la présidentielle
qui s ' annonce »
Filial│filiation│fils│fille 3
« A la différence de son père, cette fille qui lui ressemble le plus par son mordant, veille
à soigner son langage »
Film│filmer 2
« Flashée par des dizaines de photographes, filmée par autant de caméras »
Finaliste 1
431
« Le finaliste de 2002 aura plus précisément cherché à faire passer l’idée qu’il n’est
pas si extrémiste »
Financer│financement│finance │financier 1
« Projet de société qui résiste au modèle financier dominant »
Firme 1
« Cellule des bons et des mauvais coups surnommée la firme Sarkozy »
Fisc│fiscal│fiscalité 1
« Travailler à une réforme de la fiscalité »
Flash│flasher 2
« N’expose plus son visage aux flashs. »
Flic 1
« Ne compte pas se laisser enfermer dans l’uniforme de premier flic de France »
Foi (profession de) 2-3
« Elle le revendique et affiche dans sa profession de foi sa constance et son courage »
Fonction│fonctionnaire 1
« Symbole de sa prise de fonction effective »
« Converti au sarkozysme, ce haut fonctionnaire le suit aux finances »
Fondateur│fondation 1
« Le fondateur du MPF n’a ainsi jamais été soumis à l’ISF »
Forger 3
« Sa volonté d’acier forgée au milieu de ses sept frères et sœurs »
« Il s’est forgé un tempérament de battant, de fonceur »
Format 2
« Mieux adaptée au format de la joute audiovisuelle »
Formation 1
« Les états majors des deux principales formations n’ont pourtant cessé de recruter
des saltimbanques »
Formule 2
« Le genre de formules que son public adore »
« Ses formules bien rodées fonctionnent toujours auprès du public »
Forum 1-2
« Les forums participatifs bousculent les anciens militants »
Foudre 3
« Ce coup de foudre les conduit à se marier en mai 1991 »
Fougue│fougueux 3
« Fougueux, entier, direct, carré, réactif et rentre dedans »
Foule 2
432
433
Garde 1
« Passant de simple élu de l ' Aisne à membre de la garde rapprochée de Sarkozy »
Gauche│gauchir│gauchiser│ gauchiste 1
« Elle a offert un programme présidentiel pour la gauche qui tient la route »
« Se gauchir par rapport à Nicolas Sarkozy »
Gaule 1
« Il se réclame fièrement de De Gaulle et de jeanne d’arc »
Gaullisme 1
« Autour des hiérarques gaullistes, il y a des vedettes »
Généalogie 3
« Un lointain cousin veille sur la généalogie du candidat de l’UMP »
Général 1
« Ancien directeur général de la police nationale »
« La génération qui suit ne sait pas ce que c’est qu’une grève générale »
Génération (1,2)-3
« L’émergence de porte - parole et de conseillers d’une génération nouvelle »
« La génération star ac »
Généreux│générosité 3
Ségolène Royal est perçue comme une madone généreuse et protectrice
Géniteur 3
« Les principaux postulants à l’Elysée ont beaucoup songé à leur géniteur, même
inconsciemment tout au long de cette campagne »
Gentil 3
« Il ne faudrait pas voir en olivier Besancenot un gentil facteur poussé par les vieux
briscards de la LCR »
Géographie│géographique 1
« Mais au - delà des oppositions partisanes ou des clivages géographiques et sociaux »
Géopolitique 1
« Principes que les techniciens et les stratèges géopolitiques seront chargés de mettre
en musique »
Gérer 1
« Une femme qui a consacré sa vie à gérer la carrière de son père »
Geste 2
« Nicolas Sarkozy tente de pacifier son image, multiplie les gestes pour rassurer son
camp »
Glam(our) 2
« Touches glam chic pour mieux briller après 19 heures »
434
Gloire 2
« Le rappeur sort un ouvrage à la gloire de son petit maitre à penser »
Gommer (3/1)/2
“L’épisode trouvillais est gommé des biographies officielles de ta candidate »
Gosse 3
« Nicolas Sarkozy n’a jamais renoncé à son rêve de gosse : devenir président de la
république »
Gourou 2/1
« Aucun gourou en diplomatie à l’horizon »
Goût 3
« Nicolas Sarkozy a toujours eu des goûts populaires »
« Sarkozy, lui, reste définitivement un candidat de mauvais goût »
Gouvernance│ gouverner 1
« Problème de pilotage et de gouvernance »
« Avant de se résigner, peut - être, à quitter le gouvernail du paquebot »
Gouvernement│ gouvernemental 1
« Le rappeur a avancé qu’il obtiendrait sans doute un poste au gouvernement si le
candidat de l’UMP venait à être élu »
« Pierre Méhaignerie a quasi disparu du casting gouvernemental »
Grâce 2
« L’état de grâce de Ségolène se délite »
Gradins 2
« 20000 militants si haut perchés sur leurs gradins, cette foule humaine, juste aux pieds
de l’orateur »
Gratuit│gratuité 1
« Bien sûr, il n’y aura plus ni hôpitaux ni école gratuite, mais tout le monde pourra partir
à Saint-Barth »
Grève│gréviste 1
« À la porte des usines en grève »
Groupe 1, 2
« Hier, le groupe se fendait d’un communiqué répondant à François Hollande »
« Magyd Cherfi, le chanteur du groupe toulousain Zebda »
Habile│habileté 2
« Semblent plutôt appartenir à l’espèce des orateurs habiles »
« Il esquive habilement les questions indiscrètes sur ses parents »
Habitant 1
« Depuis quinze ans, les habitants pèsent directement sur la gestion de la ville »
435
Habiter 3
« Il a 21 ans, écoute 50 cent et Shakira, et habite toujours chez ses parents »
Habit 1-3
« François Bayrou a endossé les habits de faiseur de roi »
« La présidente de Poitou-Charentes a fini par endosser les habits d’un général d’armée
qui impose ses thèmes »
Handicap 3
« La candidate a peu à peu transformé son handicap en atout »
Handicapé 1
« Étudiants, employés, cadres, handicapés »
Haranguer 1-2
« Arlette, elle, harangue déjà les foules et finit tous ses meetings le poing levé en
chantant l’internationale »
Hebdomadaire│hebdo 2
« À la télé comme dans les hebdos, le binôme présidentiable s’arroge la une »
Héritage│hériter│héritier 1, 3
« Ségolène a hérité de son père les lèvres bien dessinées et le teint mat »
« Une synthèse entre l’héritage jauressien et une nouvelle vision de la démocratie »
Heureux 3
« L’orateur est épuisé, trempé de sueur, mais heureux »
Hexagonal 1
« Nicolas Sarkozy et François Bayrou labourent le terroir hexagonal et annoncent leurs
candidatures »
Hiérarque 1
« Sa fille va devoir désormais contrer les coups de griffe des hiérarques du clan
Gollnisch »
Histoire│historique 1
« La France est à un tournant de son histoire »
« Plus de deux siècles après olympe de gouge (figure historique du féminisme, morte
sur l’échafaud en 1793) »
Histoire 2-3
« Pour la petite histoire, c’est même dans la maison de sa mère que François et
Ségolène firent plus ample connaissance »
Homologue 1
« Codirecteur de campagne, dictait au téléphone à son homologue Jean-Louis Bianco
les termes de l’appel de Ségolène Royal »
Homosexualité│homosexuel 1
436
438
Indépendance│indépendant3, 3/1
« Elle est indépendante de son compagnon »
« Elle est devenue très indépendante et très bûcheuse »
Indiscret 2/3
« Il esquive habilement les questions indiscrètes sur ses parents »
Individualiste 3/1
« Ségolène est une individualiste farouche »
Industrie│industriel 1
« Vaste portefeuille embrassant l’industrie, l’innovation, la recherche »
Inégalité 1
« Combat contre les injustices et les inégalités »
Influence│influencer 2/1
« Prompte à dénoncer l’influence sarkozystes sur les médias français »
« François Bayrou n’hésitera pas à voir son influence dans l’appel du quotidien à un
second tour royal – Sarkozy »
Informel 1-3
« Un déjeuner informel, une confrontation amicale des idées »
Infrastructure 1
« Une petite infrastructure politique locale gère le planning »
Injustice 1
« Combat contre les injustices et les inégalités »
Innovation 2
« L’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation, estime-t-il, sont les clés pour
que la France profite »
Inquiet│inquiétude 3
« Il se dit inquiet mais assure recevoir des soutiens de nombreux élus »
Inscriptions│inscrire 1
« Avant la clôture des inscriptions »
« Normalien et déjà inscrit au PS avant d’intégrer l ' école »
Insécurité 1
« Thèmes de prédilection (identité nationale, insécurité) qui suffirait à faire fructifier son
score de 2002 »
Inspecteur│inspection 1
« Jean-Pierre Jouyet, futur inspecteur général des finances »
Instaurer 1
« Il proposera au parlement un texte instaurant un service minimum dans les
transports »
439
Institut│institution│ institutionnel 1
« Proposer une réforme des institutions »
Intérieur 1, 3
« Dans son fort intérieur »
« Révèle un être intérieur qui en fait trop et se fatigue »
« Leur intérieur était très simple, il n’y avait pas de chauffage »
« Son directeur de cabinet au ministère de l ' intérieur »
International 1
« Un candidat aux recettes simples, jusque dans les sujets internationaux »
Internet 2
« C’est elle qui a convaincu le patron de l’UMP de créer un site internet »
« La trouvaille de la campagne royal, c’est internet érigé en outil interactif de
propagande »
Intervention│intervenir│ interview 2
« Ségolène Royal a distillé des interventions chocs, déclenchant souvent la polémique »
« Apparue tendue lors de son intervention télévisée après 22 heures »
« Les Kennedy made in France refuse toute interview »
Intime│intimité 3
« Une intime du couple confie »
Intronisation│introniser 1
« Nicolas Sarkozy sera intronisé officiellement candidat de l’UMP à l’élection
présidentielle »
Introspection 3
« Ils se complaisent dans les confessions, introspections, contritions. Expositions »
Investir│investiture 1
« Ce destin présidentiel qu’il approche enfin, investi par l’UMP, comme le chef d’un
état fantoche »
« Un parcours complet sans fautes jusqu’à son investiture en novembre dernier »
« Enquête sur sa tactique pour investir l’Elysée »
Invisible 2
« Mais de Cécilia, point. Invisible, en cette soirée électorale comme depuis le début
de la campagne »
Isoler 3/1
« Il partira quelque part, dans un endroit isolé - comme pour une retraite »
Jalousie│jaloux 3
« Laisse affleurer ses tourments de femme jalouse et flouée »
Jeune│jeunesse 1, 3
440
« Se félicite que les images de ces pitreries de jeunesse soient désormais introuvables »
« La proposition d’allocation autonomie pour les jeunes «
Journal│journalisme│ journaliste 2
« La salle des fêtes débordait de journalistes »
Judiciaire│juridique│juriste 1
« En imposant l’indépendance du pouvoir judiciaire »
« Prévenir les embûches juridiques inhérentes à toute campagne »
Jury 1
« Ségolène propose que les élus rendent des comptes devant des jurys de citoyens
tirés au sort »
Jupe 2
« Elle porte des jupes tristes et arbore de grosses lunettes sévères »
Kärcher 1
“Comme future ministre de l'immigration et du kärcher. une plaisanterie »
Lady 1-3
« Babeth, promet François Bayrou, se transformera en parfaite first lady »
Laïcité│laïque 1
« Mettant 1000000 million de partisans de la laïcité dans la rue, en 1994 »
Leader│leadership 1
« Le leader de l’UMP perçoit 14 000 euros net par mois »
Légendaire│légende 2
« Accusations d’incompétence qu’elle en a récoltées, des preuves de la légendaire
misogynie française »
Légion 1
« Comme le défilé des barbus de la légion étrangère, le 14 juillet »
Législatives 1
« Après la présidentielle, les législatives s’enchaînent »
Lepéniste 1
« S’il a su capter une frange de l’électorat lepéniste »
Libéral 1
« Son projet est libéral, européen et atlantiste »
Licenciement│licencier 1
« Il fallait interdire aux entreprises profitables de licencier »
Liesse 2
« Le temps de profiter de la liesse qui submerge la rue de Solferino »
Lieutenant 1
« Même ses plus proches lieutenant n’espéraient pas un tel score »
441
Ligue 1
« Le jeune facteur de la ligue communiste révolutionnaire sait faire le spectacle »
Liste 1
« Robert Maudelonde, inspecteur des PTT, numéro dix de la liste, chargé de lui faire
découvrir la ville »
Local│localité 1
« Est à la recherche d’un mandat d’élue locale »
Loge 2
« Ce sont des dizaines de vedettes qui se pressent dans sa loge »
Loi 1
« Proposé de promulguer une loi sur un service minimum »
Look 2
« Il s’efforce, grâce à elle, d’avoir le look d’un papy assagi »
Louanges 2
« Mais l’attachement à son image la rend vulnérable aux louanges d’autrui »
Loyal│loyauté 3
« Arlette, elle, serait loyale et fidèle - le genre copine sur laquelle on peut compter »
Lumière 2
« Pour avoir approché de trop près la lumière, Cécilia sait qu’on peut s’y brûler les ailes »
« Cécilia compte bien demeurer ainsi, un peu dans l’ombre, un peu dans la lumière »
Lutte│lutter 1
« C’est l’indice d’une lutte de pouvoir possible »
« La candidate de lutte ouvrière »
Machine 1
« Les grosses machines UMP et PS »
« Le ministre de l’intérieur lance désormais sa machine électorale »
Machisme 1
« Les attaques sarkozystes, c’est deux doigts de machisme pour cinq volumes de
droite »
Magazine 2
« Parmi les femmes les plus sexy du monde par le magazine FHM en juin dernier »
Magistrat│magistrature 1
« Dix des douze candidats à la magistrature suprême »
« assure Dominique Barella, ex-président de l’union des magistrats »
Maire│mairie 1
« Son objectif : la conquête de la mairie »
442
Maison 1, 3
« Comme il l’avait fait après le cataclysme de 2002, de maintenir à flot la maison rose »
« Le maître de maison sert sa morale comme un de ses ancêtres, plénipotentiaire à
la cour de louis xiv »
« Il habite toujours son village de Bordères à 100 mètres de la maison de son enfance »
Majoritaire│majorité 1
« On peut alors constater que la majorité silencieuse fait beaucoup de bruit »
« L’investiture du parti majoritaire »
Major 1
« Alors que la panique gagne les états - majors de Ségolène Royal »
Maladresse│maladroit 2
« Souvent maladroite, parfois approximative, elle tente de tirer parti de sa non-maîtrise
des fondamentaux du débat »
Maman 3
« La maman de quatre enfants âgés de 14 à 22 ans ne lâche pas sa famille »
Mandat│mandater 1
« Jean-Marie Le Pen perçoit 6000 euros par mois pour son mandat de député
européen »
« Elle conquiert son premier mandat électif en 1977 comme adjointe au maire
de Châtenay »
Manif(estation)│manifestant│ manifester 1-2
« Cinquante mille militants sont attendus pour une manifestation populaire »
« Une manif contre la crise étudiante déclenchée par la réforme »
Manipulateur │ manipuler 2
« Parce que les français sont inquiets d’être manipulés par eux »
Maquillage│maquiller 2
« Sur la scène du plus grand théâtre français, la télévision. Le maquillage cachait mal
l’émotion »
Marge│marginal│marginalisé 1
« Marginalisé dans la campagne, il lui a fallu rassurer les cadres d’un parti »
Mari│mariage│marier 3
« Elle accompagne rarement son mari dans ses déplacements »
« Cécilia et Jeanne-Marie, sa fille ainée issue d’un précédent mariage »
Marque 2
« Cette liberté est devenue sa marque de fabrique »
« Longtemps limité à Zara ou André, pour y inclure des marques plus chics telles Paule
Ka »
Masculin 3
443
446
« Elle mettra en place des mesures fiscales qui préserveront les classes moyennes »
Multinationale 1
« Magnifie les luttes ouvrières, vilipende les multinationales alimentaires »
Municipal(es)│municipalité 1
« L’affiche de campagne socialiste pour les municipales de Trouville, en 1983 »
Murmure 3
« Il sait que des murmures sur les états d’âme de sa femme circulent »
Mystère│mystérieux 3/2
« Son adversaire, lui, ne fait pas mystère de ses intentions »
« Lui que l’on dit volontiers vieille France ne fait pas mystère de son aversion pour le
phénomène Patrick Sébastien »
Naissance│naître 3, 1
« Elle se fait gloire d’avoir donné naissance à quatre enfants en dehors des liens du
mariage »
« À l’endroit même où Jacques Chirac avait célébré la naissance du RPR »
Natal 3
« Le candidat UDF a maintenu un lien fort avec son Béarn natal »
Nation(al)│nationalisation│ nationaliste│nationalité 1
« Participer à une élection nationale »
« Le futur leader du FN puise dans son nouveau statut sa fougue nationaliste »
Naturalisation│naturalisé 1
« Une demande de naturalisation à l’ambassade de Belgique, en France »
Naturel 3
« Nicolas Sarkozy est moins naturel, mais c’est un pro de la com »
Néoconservateur 1
« Arguait-il à ses amis de la revue néoconservatrice le meilleur des mondes »
Népotisme 1/3
« La fille dans le fauteuil de la mère ! On m’accusera de népotisme »
Nerveux│nervosité 2
« Des tics nerveux lui crispent le visage ou les épaules »
Nid 3
« Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial »
Noces 3
« Marié en secondes noces à Cécilia Sarkozy, dont il a un enfant, louis »
Nom 2
« Un jour, il la cite quinze fois, un autre il s’interdit de prononcer son nom »
447
« Il suffit d’ailleurs d’entendre les sifflets qui frisent lorsque les noms de Ségolène Royal
ou de Nicolas Sarkozy sont prononcés »
Nomination│nommer 1-2
« La nomination de Rachida Dati comme porte – parole »
« Celle-ci pourrait nommer des ministres UDF au gouvernement »
Notable 1
« Ségolène Royal l’emporte finalement d’une courte tête face à un notable local »
Notoire│notoriété 2
« Outre ses fidèles les plus notoires. Johnny Hallyday et Doc Gynéco, le candidat de
l’UMP bénéficie également du soutien »
« Il doit surtout miser sur ses apparitions médiatiques pour asseoir sa notoriété »
Nucléaire 1
« Le développement important de l’énergie nucléaire »
Nuée 2
« Poursuivi par une nuée de photographes et de cameramen »
« Pas de nuées de caméras à chacun de ses déplacements »
Objectif 2
« Tout sourire devant les objectifs »
Observateur│observer2, 3/2, 1/2
« Elle est la femme la plus observée, la plus pressurée, détaillée, commentée »
« Toujours se méfier des amabilités de Chirac, prévient cet observateur avisé de la vie
élyséenne »
« Car en fine observatrice de la vie politique de ces 50 dernières années »
Occulter (1,3)/2
« Elle nomme les problèmes et ne les occulte pas »
Occuper 1, 3
« Les fonctions ministérielles qu’a occupées la candidate ne lui ont jamais permis de
voyager »
« Andrée, femme au foyer, doit s’occuper seule de ses trois fils »
Œil 2
« Une sorte d’œil du boss chargé de sentir et de prévenir les dangers »
Officialiser 2-3
« C’est la première grande sortie officialisant leur réconciliation »
Officiel 1
« Celle de la photographie officielle du candidat élu »
« Qu’elle annonce officiellement sa candidature à la candidature »
Officieux 3/2
448
« La candidate de lutte ouvrière a déjà annoncé que ce serait son ultime campagne »
Ovation│ovationner 2
« Il a été admiré, ovationné, applaudi »
Paillette 2
« Lever le pied sur le côté paillettes, de ne plus se déplacer entouré d’une horde de
gardes du corps »
Palais 1
« Le couple hollande - royal goûte loin du palais - bourbon aux joies de la famille »
« Dans un autre coin du palais présidentiel »
Pamphlet 1-2
« Il avait publié un pamphlet devenu best-seller contre la socialiste »
Pancarte 1-2
« Ils agitent des pancartes. Ils hurlent : "Sarkozy, président !"»
Papa 3
« Lequel assure aujourd’hui avoir retrouvé papa. Il n’empêche, Bové s’est construit
en opposition rebelle »
Papi│papy 3
« Évoque ses jeudis après - midi passés à flâner avec son papi »
Papier 1
« La régularisation des sans – papiers »
Papoter 3
« Une parenthèse pour prendre le temps de papoter avec ses filles »
Parachutage│parachuter 3/1
« Parachutée par François Mitterrand au début de son second septennat, la jeune
énarque »
Paraître 2
« Dans un livre qui paraîtra le 16janvier »
« Beaucoup plus sensible qu’elle ne veut bien le laisser paraître »
Parâtre 3
« Le parâtre impose partout sa loi il voulait régenter sa famille »
Parenté│parent 3
« Ils oublient la politique pour devenir des parents comme les autres »
Parité 1
« Les clubs de football, la parité, le tourisme sexuel… quel que soit le sujet abordé, la
candidate de la gauche populaire et antilibérale dégaine »
Parlement│parlementaire 1
« Les deux candidats vedettes de la droite et de la gauche parlementaires »
450
Parole 2, 1-2
« Adresse au coordinateur des porte - parole de la candidate »
« Obligation d’égalité de temps de parole »
Parrain 3
« Il est aussi parrain du petit Louis. »
Parrainage 1-3
« Le Pen n’a toujours pas réuni ses 500 parrainages »
Partenaire 1, 3
« Discussions entre les partenaires sociaux »
« Rencontrée à l'ENA et mère de leurs quatre enfants. Partenaires dans la vie, libres
dans »
Parterre 1, 2
« Ségolène Royal fait face à un parterre de choix »
Parti│partisan 1
« Après son investiture par le parti socialiste »
« Le troisième homme a lui aussi ses partisans »
Participant 1
« Elle aurait ainsi son mot à dire sur les participants aux réunions »
Participatif 1
« Le label participatif est accolé à tous les faits et gestes de la dame »
Passation 1
« La passation de pouvoir »
Passeport 1
« Chargés de lui rendre symboliquement son passeport tricolore »
Passion│passionner 2, 3
« Des grandes marées et des vagues de passion »
« Nicolas ne connaitrait qu’une seule vraie passion, celle d’agir »
Paternel 3
« Avoir des comptes â régler avec la fonction paternelle »
Patriarche 1-3
« N’en déplaise au patriarche de l’extrême droite »
Patriote│patriotique│ patriotisme 1
« Être le seul à incarner la droite patriotique de gouvernement »
Patron│patronal 1
« Le patron de l’UMP évoque dans VSD sa détermination à gagner »
« Son carnet d’adresses dans les milieux patronal en particulier François Pinault »
451
Patronyme 2-3
« Mais on n’efface pas comme ça le patronyme Le Pen »
Pays 1, 3
« En vertu d’une convention signée entre les deux pays »
« Fait bien longtemps que l’on n’a pas revu l’ enfant du pays »
Paysage 1
« Trouver sa place dans le paysage politique traditionnel »
Paysan 1, 3
« Sa mère Anne-Marie, couturière, et ses grands - parents, paysans »
« Son ancienne appartenance au centre national des indépendants et paysans
d’Antoine Pinay »
Pédagogie│pédagogue 1-2
« Son côté tribun pédagogue »
Pension 3
« Il oublie aussi de payer régulièrement la pension alimentaire »
People│pipole2
« Marc - olivier Fogiel doit animer un talk - show deux tiers people pour un tiers
politique »
« le candidat de l’ump bénéficie également du soutien d’amis pipoles de longue date »
Peoplisation│pipolisation│ peoplisé│ pipolisé
« Elle n’est plus la gentille icône peoplisée des meetings ou des déplacements du
présidentiable »
Perceptible│perception│ percevoir 2-3
« Chirac a tout de suite perçu qui était Nicolas Sarkozy »
« Ses proches perçoivent que c’est à partir de son entrée à notre - dame que Ségolène
a pris son destin en main »
Père 3
« François Hollande s’occupe en père attentif et attendri de clémence, 3 ans »
Personnage 2-3
« Le personnage de Cécilia Sarkozy ne cesse d’intriguer »
Personnalité 2, 3
« Parmi les 150 personnalités qui ont signé l’appel aux français »
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
Personnel 3
« C’est un choix personnel, politique, physique, intellectuel »
« Obtenir des satisfactions personnelles dans tel ou tel combat »
Persuader 2
452
454
455
Prolétariat│prolétarisé 1
« Les nostalgies d’une classe moyenne déboussolée et prolétarisée »
Promoteur│promotion 1-2
« Promotion de la culture charentaise »
Prôner 1-2
« Organisation qui prône la destruction d’Israël et qui a provoqué et mené la guerre »
Propagande│propagandiste 2/1
« C’est internet érigé en outil interactif de propagande »
Proportionnelle 1
« Injecter une dose de proportionnelle pour de futures élections »
Propos 1-2
« Des propos dignes d’une campagne de promotion dans un supermarché »
Proposition 1
« Ségolène Royal lance ses 100 propositions pour la France »
Propulser 3/1
« Sarkozy le propulse conseiller politique à l ' UMP »
Prosélytisme 2/1
« Pétage de plombs en plein vol et prosélytisme à tout-va »
Protectionnisme 1
« Contre la banque centrale européenne ou pour un protectionnisme européen »
Protestataire│protestation 1
« Se poser en alternative positive au vote protestataire »
Protocole 1
« Protocole de Kyoto »
Pseudo│pseudonyme 2/3
« Un habitué du monde politique, qui signe sous le pseudonyme de Mazarin »
Psy│psychanalyse│ psychiquement│psychologie 3
« L’astrologie prévisionnelle informant sur des climats psychologiques »
Pub│publier│publicitaire│ publicité│publication 2
« Tous les systèmes de la communication : les médias, la publicité, l’organisation des
meetings »
« À la veille de la publication de photos volées du couple »
Public 1, 2
« Le public chavire et applaudit à tout rompre »
« Pas une intervention publique à la radio ou à la télé, sans qu’il l’appelle »
Pupitre 2
456
457
Reconnaissance│reconnaître 2
« Elle aspire à la reconnaissance publique »
Reconquérir│reconquête 1-2
« Reconquérir l’électorat en quête d’une caution sociale »
Recrutement 1
« Elle refuse que l’on recrute des artistes, qu’on les instrumentalise »
« Des recrutements de professeurs mais aussi de psychologues »
Recueillir 2
« Le candidat de l’UMP et son épouse recueillent 37% des citations »
Rédaction 2
« Faire le tour des rédactions people et des éditeurs pour menacer de procès »
Référendaire│référendum 1
« 54% des français ont voté non au référendum »
Réforme│réformer 1
« La crise étudiante déclenchée par la réforme du deuxième cycle »
Refuge│réfugier 3
« Elle les prend sous le bras, se réfugie dans un petit appartement… »
Regard│regarder 2
« Avant de filer chez lui regarder le match de rugby Irlande – France »
« Ségolène Royal a le pouvoir de faire évoluer le regard des hommes sur les femmes »
Régime 1
« Il a promis de mettre les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur
privé »
Région│régional 1
« Elle remporte la région Poitou-Charentes »
Règle 1, 3
« Renata Roche dicta à Sigurlaine les règles de la maison »
« Ses pratiques abjectes qui bafouent les règles les plus élémentaires du journalisme »
Régner 1
« C’est son côté Mitterrand : diviser pour mieux régner »
Régularisation │ régulariser 1
« Évoqué la régularisation des sans – papiers »
Réhabiliter 2
« Le maire de Belfort l’a, par exemple, incitée à réhabiliter la marseillaise »
Rejeton 3
« Pierre Bachelot, trente - six ans, rejeton de Roselyne »
458
Réjoui│réjouir 2-3
« À la mine réjouie de ses fidèles »
Relancer 1
« Idéal pour relancer la croissance »
Relation│relationnel 3
« Revenant sur ses relations avec celui qu’il appelle son ami »
Relooker 2
« Ségolène Royal. 2002. relookée en 2006. Quatre années séparent ces deux
photos… »
Remarier 3
« Son père, remarié plusieurs fois, lui manque »
Remarquable│remarquent 2
« Il se fait remarquer par Alain Juppé, pour son sérieux et sa capacité de travail »
Remplacer 1-3
« François Baroin, son compagnon, devrait vraisemblablement remplacer Nicolas
Sarkozy place Beauvau »
Rencontre│rencontrer 1, 3
« Ils se sont rencontrés à bordeaux, à la fac, alors qu’ils n’avaient pas 20 ans »
« Rencontre au sommet la candidate socialiste s’est entretenue avec le président »
Renier 3
« La candidate socialiste ne renie pas pour autant les valeurs familiales »
Renouer 3
« Elle pense pouvoir renouer avec son ex-complice »
Renouveau│renouveler│ renouvellement 1
« Songe à jouer sa carte, incarnant, pense-t-il, le renouveau nécessaire »
« La nouvelle génération d’économistes qui ont renouvelé la critique sociale »
Rénovation│rénover 1
« Il enchaîne avec le pari de l’aventure rénovatrice du NPS »
Répandre 2
« Il se répand en anecdotes sur l’humiliation que fut le divorce de ses parents »
Repas 3
« Ici, les repas se déroulent toujours à la bonne franquette »
Repère 3
« Le garçonnet, qui a perdu ses repères, réclame son père »
« Quelques repères essentiels pour lui — des photos de sa famille »
Reportage│reporter 2
« Plusieurs reportages à la télé, et la photo de une dans l’édition locale du Dauphiné »
459
Représentant│représentatif│ représentation│représenter1, 2
« Des femmes et des hommes compétents qui représenteront les courants principaux
du peuple français »
« L’un sur la représentativité syndicale, l’autre sur l’obligation d’une consultation à
bulletins »
« D’une affiche représentant une jeune fille issue de l’immigration »
Réprobation 2
« La cible d’une vaste campagne de réprobation au sein de l’opinion publique »
Républicain│république 1
« Pour la première fois dans l’histoire de la Vème république »
Réputation│réputé 2
« L’homme a pourtant la réputation d’avoir la repartie mordante et la communication
provocante »
Réserve│réserver 1/3, 3
« Devant la tribune, quelques 500 chaises réservées aux invités, élus PS de Lyon et
alentour »
« Mais l’approche du scrutin l’oblige à sortir de sa réserve »
Résistance│résistant 1
« Petit - fils d’un immigré italien et fils de résistants »
Respect│respectable│ respectueux 3
« Ils sont d’ailleurs des gens respectables »
Responsabilité│responsable1, 3
« Le sénateur Roger Karoutchi, responsable des fédérations de l’UMP »
« Il s’agissait d’obliger un père absent à assumer ses responsabilités familiales »
Ressemblance│ressembler 3
« A la différence de son père, cette fille qui lui ressemble le plus par son mordant »
Ressentiment 3
« Elle traduit bien les sentiments et les ressentiments des français »
Retirer│retrait 3/(2,1)
« Jospin, le grand frère blessé, retiré sur ses terres »
« Elle a décidé de se tenir toujours un peu en retrait »
Retouche 2
« Dernière retouche pour le clip du leader de CNPT »
Retraite│retraité 1
« A les faveurs des inactifs, notamment les retraités et les femmes aux foyers »
« L’abolition des régimes spéciaux de retraite ou l’abrogation des 35 heures »
Retrouvaille 3
460
Rupture 1, 3
« Une rupture difficile à vivre pour leur deuxième fils »
« Le candidat à la candidature aligne les points de rupture : abrogation de la carte
scolaire et du collège »
Rural│ruralité 1
« Les hommes politiques aiment revendiquer leur ancrage rural »
« Une poignée de petits maires de la France rurale »
Rusticité 3
« La voie était toute tracée : la rusticité de la campagne, une famille nombreuse »
Sacre 1/3
« Les personnalités venues assister au sacre de son mari »
Sacrifice│sacrifier 3/1
« Plus question de tout sacrifier à la politique »
Salaire│salarial│salarié 1
« Elle s’est prononcée pour une augmentation des salaires de 300 € et a proposé
d’utiliser les aides aux entreprises »
Saluer 3, 2
« Tandis que le candidat salue quelques proches »
« Ils se sont rendus à la concorde pour saluer la foule des sympathisants et les stars
réunies »
Salve 2
« Des salves de chaudes acclamations »
Santé 1
« Le ministre de la santé, Xavier Bertrand »
Sarkozyste 1
« porte - parole du candidat et rouleau compresseur au service de la pensée
sarkozyste »
Scandale (3/1)/2
« Exaspéré par un scandale comparable à celui de Clearstream aujourd'hui »
Scène 2
« Nicolas Sarkozy lui a fait signe de monter sur scène, mais elle a préféré rester dans
le public »
Scolaire│scolarisation│ scolarité1, 3
« Desserrer les contraintes de la carte scolaire »
« Il effectue toute sa scolarité à l’école privée saint - louis - de – monceau »
Score 1
« Arlette Laguiller achève sa carrière par son score le plus bas »
462
Scrutin 1
« Dernières journées avant le scrutin fatal »
Séance 1, 2
« Se prête complaisamment aux séances photos en situation »
« Séance à l’assemblée »
Secret 1-3, 3
« Jacques Chirac lui transmettra aussi le secret du feu nucléaire »
« Nicolas Sarkozy. Ses blessures secrètes »
Sectaire│sectarisme│secteur 1
« Les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur privé »
Section 1
« Était l’invité de la section UDF des étudiants de sciences - po paris»
Sécuritaire│sécurité 1
« Son insistance sur les questions de sécurité ont souvent pris à contre - pied ses amis
socialistes »
Séducteur│séduction│séduire séduisant 2, 3/2
« Nicolas Sarkozy séduit les français de plus de 50 ans »
« Abandonné par ce pal séducteur invétéré »
Ségosphère (1-2)-3
« Il a rejoint le staff de sa mère et s’occupe de la ségosphère, l’organisation internet
de la candidate »
Sénat│sénateur 1
« La sénatrice verts s’en sort pas trop mal »
Sensibilité│sensible 3
« Toucher les français par la corde sensible et par l’émotion »
Sentiment│sentimental 3
« Sarkozy est un grand sentimental qui fonctionne aux coups de cœur »
Séparation│séparer 3
« Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la séparation et du divorce de ses parents »
Septennat 1
« Au début du premier septennat de François Mitterrand »
Séquence 2
« Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »
Serein│sérénité 3
« La candidate joue la sérénité »
Service 1
463
« Proposé de promulguer une loi sur un service minimum dans les transports publics
dès juin 2007 »
« L’encombrant personnage ne devrait son maintien sur le service public qu’à son
soutien au candidat Nicolas Sarkozy »
Seul 3/1
« une forte aspiration à faire cavalier seul , autrement dit à émerger de son groupe »
Sexy 2
« Citée parmi les femmes les plus sexy du monde par le magazine FHM en juin dernier »
Show│showbiz 2
"Il règne la même effervescence qu’après un grand show »
Siège 1
« La candidate se poste sur le balcon du siège du PS »
Siéger 1
« Ils n'ont jamais eu de conflit lorsqu’ils siégeaient tous deux dans le gouvernement
Jospin »
Siffler 2
« Les partisans de Sarko sifflent copieusement Michèle Alliot-Marie »
Signer│signataire│signature2-3
« Fait partie des signataires de l’appel lancé par les électrons libres en janvier 2007 »
Signal│signaler 2
« Il fallait envoyer un signal fort à ses rivaux d’hier »
Silence│silencieuse 3
« Constater que la majorité silencieuse fait beaucoup de bruit »
Simple│simplicité 3
« On exige des épouses qu’elles soient à la fois très simples mais très élégantes »
« La simplicité apparente de sa vie familiale »
Sincère│sincérité 2-3
« Philippe De Villiers confesse une amitié sincère pour l’animateur préféré des
français »
Singularité 3
« Mais cette singularité a fait son succès chez les militants »
Site 2
« Outil interactif de propagande. Lancer en mars dernier, le site désirs d’avenir »
Slogan 1-2
« Celui qui a choisi comme slogan officiel de campagne : la fierté d’être français »
Smic 1
« Amener les petites retraites à 90% du smic en cinq ans »
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Social 1
« Des mois à roder son discours social avec l’aide d’Henri Guaino »
Socialisme│socialiste 1
« Trois mois après son investiture par le parti socialiste »
Société 1
« Points de contact informels avec des gens de la société civile »
Sœur 3
« Bayrou père a poussé François et sa sœur, Lucienne, à apprendre, à savoir »
Solidarité 1
« Son projet républicain fondé sur la solidarité et la fraternité »
Solitaire│solitude 3/1, 3
« L’épreuve solitaire de Ségolène Royal »
Sondage│sonder│sondeur 1-2
« Mais les sondages restent en baisse »
Souder 1, 3
« Bayrou sait qu’il peut compter sur une équipe fidèle et soudée autour de son leader »
Souffrance│souffrir 3
« Nicolas souffre aussi d’être l’enfant du milieu »
Soulever 2
« Soulevant l’approbation du public lorsqu’il déclare, à Lyon »
« A soulevé l’enthousiasme de 40000 supporters »
Sourire 2
« Ségolène Royal s’est fait faire un sourire qu’elle utilise en permanence »
« Faire une apparition ensoleillée et tout sourire sur les écrans »
Soutenir│soutien (1,3)-2
« Les jeunes soutiens de la candidate, emmenés par son fils thomas hollande »
« Le candidat de l’UMP bénéficie également du soutien d’amis pipoles de longue date »
Souverainiste 1
« Le mouvement pour la France, parti de droite souverainiste, dont Philippe De Villiers
est président »
Spectacle│spectateur 2
« Dans sa relation avec les gens du spectacle »
« Besancenot sait d’ailleurs faire le spectacle »
Spontanéité 2 -3
« L’actrice Sara Forestier a spontanément interpellé le candidat de l’UDF »
Staff 1
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Titre│titrer 2
« Un titre ronflant pour le chanteur assoupi »
Toile 2
« Mis en ligne en janvier, est censé créer du buzz sur la toile »
Ton 2
« Sur un ton particulièrement décidé et aussi autoritaire que celui de son père »
Tonton 1
« Celle dont la rumeur assure qu’elle est la fille de tonton »
Top 2
“Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
Tour 1
« Le dernier temps fort de la campagne avant le premier tour du 22 avril »
Tournage 2
« Le petit Nicolas lors du tournage d’une publicité pour une marque de lessive »
Tractations 2/1
« Parallèlement à ces inévitables tractations, l’UDF compte profiter de cet élan »
Tract 1-2
« Collage et distribution massive de tracts dans les rues et sur les marchés »
Tradition│traditionnel 1-3
« François Bayrou, c’est l’incarnation même d’une France traditionnelle »
Trahir│Traitre 3/1
« Insulté et sifflé , y compris par les militants du RPR , on le traite de traître »
Traité 1
« Au programme, un mini traité européen »
Transmettre│transmission 1, 3
« Jacques Chirac lui transmettra aussi le secret du feu nucléaire »
« Il lui rend surtout hommage pour lui avoir transmis le goût des belles lettres »
Transparaître│transparence│ transparent 2-3
« Transparente dans ses relations »
Transport 1
« Un service minimum dans les transports publics »
Transporter 2
« Ils sont tantôt attentifs, tantôt transportés. Tous vibrent en écoutant Nicolas Sarkozy »
Trésorerie│trésorier 1
« Eric Woerth, le trésorier »
Tribu 3
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469
« L‘enthousiasme est tel que la plupart des VIP en oublient même de se servir un
rafraîchissement »
Virilité ?
« Le futur candidat serre la main des uns, se fend d’une virile accolade envers les
autres »
Virtuel 2
« La communication politique passe aussi par l’univers virtuel «
Visible 2
« Moins elle est visible, plus elle est là »
Vision 1
« Une autre occasion d’évoquer sa vision d’une écologie constructive «
Vogue 2
« Selon la formule en vogue au FN, à dé diaboliser le vote FN »
Voisin│voisinage 3
« Ils sont en pèlerinage à Lourdes, témoigne Josette, la voisine et amie »
Voix 1
« Assure qu’il amène avec lui des milliers de voix »
Vote│voter 1
« Imposer le vote à bulletin secret »
Web 2
“Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »
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Sarkocompatible 1
« Cette explication sarkocompatible sur les méfaits de l’esprit de 1968 en dit long sur
le désarroi de nos élites, ainsi que sur leur déconnexion du réel. »
Sarkocratie (2,3)/1
« Ses détracteurs s’emportent, craignent que la France ne bascule dans la
sarkocratie. »
Sarkoïsation 2/1, 3/1
« Pierre Moscovici agite tour à tour les menaces contradictoires d'un congrès aussi
destructeur que celui de Rennes ou d'une « sarkoïsation » du PS (le chef prenant le pas
sur le collectif) »
Sarkoland 1, (2,3)/1
« On a connu l'Etat-RPR, l'état-UMP, nous voilà aux portes du Sarkoland. Car ce ne
sont pas les beaux projets électoraux qui détermineront le pouvoir. C'est le système que
met en place le leader de la droite: un réseau d'amis, de notables, de relais connectés entre
eux, basés sur les coups de main croisés. Ainsi, le Sarkoland domestique déjà les médias. »
Sarkolatrie│sarkolâtre 2
« D’ordinaire sarkolâtre, la patronne des patrons Laurence Parisot (Medef) a dénoncé »
Sarkologie 1
« Jean-Pierre Friedman publie « Dans la peau de Sarko et de ceux qui veulent sa
peau... » C’est rien le premier traité de sarkologie. »
Sarkomania│Sarkomaniaque2
« Impossible d’échapper à cette Sarkomania qui tourne au Sarkogavage des oies télé-
hypnotisées. »
Sarkommence 1
« Arnaud Lagardère, ami du président, met son veto au JDD. Sarkommence! »
Sarkonnerie 1
« Première sarkonnerie : on connaît l’usage que fait Nicolas Sarkozy des pseudos
pouvoirs du Parlement… »
Sarkophilie │sarkophile 1
« La communauté juive de France est-elle sarkophile ? »
Sarkophobie │sarkophobe 1
« Le tabloïd allemand Bild, un brin sarkophobe »
Sarkophrénie 3/1
« Mais voilà. Dans la pratique, sinon dans la théorie, ce désir éperdu de transparence
entre en collision avec une aversion viscérale à l'égard de tous les contre-pouvoirs (justice,
Parlement, presse). Le résultat est un spectacle permanent de sarkophrénie. »
Sarkoshow 1-2
« Au ministère de l'Intérieur, c'est la nouvelle ligne : Nicolas est zen. Nicolas ne court
plus. Nicolas n'est pas un people. Nicolas voudrait qu'on lui foute la paix. Le Sarkoshow
est terminé. »
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Sarkoverdose 2
« Au bord de la Sarkoverdose ? Hier soir encore, le chef de l'Etat s'est invité en prime
time dans les JT des deux principales chaînes de télévision »
Sarkozette 1, (2-3)/1
« Fadela Amara, l'ancienne élue socialiste, la liberté guidant les cités, tombée de
Cosette en Sarkozette. »
« Après la "balladurette" et la "juppette", dont les effets pervers sont avérés, qui peut
croire que la "sarkozette" va sortir la France d'une crise dont l'ampleur est sans précédent ? »
Sarkozie 3/(2-1)
« Voilà qui prouve combien on est «cool», «copain», et combien on s'affranchit aisément
des marques de la hiérarchie et des différences de classe. En tout cas, ce nouveau code
est, pour le moment, réservé à la sarkozie. »
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[Tri croisé 2 : Titres assemblés par 2 / les personnages selon leur visibilité]
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[Tri croisé 14 : La visibilité des personnages : Français VS étrangers selon les titres]
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[Tri croisé 15 : Visibilité des personnages par genre selon les titres]
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[Tri croisé 16 : Visibilité des personnages par genre selon le mode de visibilité]
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[Tri croisé 18 : Visibilité des femmes selon leur visibilité et leur statut / Titres]
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[Tri croisé 19 : Visibilité des 5 femmes les plus visibles selon les titres]
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[Tri croisé 20 : Visibilité des 5 femmes les plus visibles selon le mode de visibilité]
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[Figure 2 : Exemples de Unes sur Cécilia Sarkozy : la femme blessée qui rebondit]
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[Tri croisé 22 : Visibilité confrontée de Carla Bruni et Cécilia Sarkozy selon les titres]
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[Tri croisé 32 : La visibilité de NS et ses femmes VS les autres selon le mode de visibilité.]
Annexes D-6. Politisation des Titres.
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[Tri croisé 33 : répartition des apparitions selon les titres assemblés par 2.]
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[Figure 5 : Répartition des apparitions selon les titres assemblés par 2.]
Annexes E. Concordances
…lait oser. Graziella : « Quand j’ai vu Ségolène Royal à la télé, j’ai réalisé que je l’avais…
…arquer une jeune fille au pair prénommée Ségolène … Trente-six ans après, cette
maman… …ur cette photo, j’ai une jambe cassée, Ségolène n’y est pour rien ! » La
bonne humeur… …plaisante Graziella. Un jour, j’ai vu Ségolène Royal à la télévision et
j’ai dit à John… …quartier de Rathgar, au sud de Dublin. Ségolène succède à une autre
française qui a laissé… …communs. La maman a besoin d’aide. Et Ségolène , qui songe
peut - être déjà au concours… …le la traitait un peu comme sa fille. » Ségolène n’a donc
guère arpenté les pubs locaux… …. Et je la trouvais tellement jolie. » Ségolène ne s’est
pas convertie au tweed, cirés… …ne difficulté à dire du bien de Ségolène Royal . Cette
maman de deux garçons, féministe… …récie les mesures proposées par Ségolène Royal,
en matière d’éducation notamment. « La… …ème l’ancienne maison de Mary Robinson.
Ségolène Royal a logé, sans le savoir, dans le… …était dans l’avion ! » Il n’y a pas
deux Ségolène . La candidate socialiste a fait beaucoup… …bac et initié ses garçons à
la langue de Ségo . L’été dernier, toute la famille est partie… Issue d’une famille de huit
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enfants, Ségolène laisse le souvenir d’une baby-sitter qui… …avec les enfants. Son unique
photo avec Ségolène, ici reprise par un hebdomadaire, a fait… …ères. A 8 ans, avant
sa rencontre avec Ségolène , Graziella avait encore les cheveux courts… …maison de la
banlieue sud de Dublin que Ségolène a passé un été. Ségolène Royal : Week… …de Dublin
que Ségolène a passé un été. Ségolène Royal : Week - end à Rome sans François… …
de la République qu’elle est, Ségolène Royal ne renonce pas à son rôle de mère. Les… …
Rome, conduis- toi comme un Romain ». Ségolène Royal l’a bien compris. Pas de cortège…
…la capitale. Dans la ville éternelle, Ségolène oublie ses préoccupations quotidiennes…
…Photos exclusives. Ségolène Royal. 2002. Relookée en 2006. Quatre années… …ces
deux photos… Et la métamorphose est royale ! L’avis de Valérie Attard, coach en style…
…tres personnalités gagnent en maturité. Ségolène Royal est plus charismatique que
par le… …ais. Tout le monde sait que je soutiens Ségolène parce que c’est une femme
et qu’elle… …oins facilement. « L’élue de la mode ! Royal, la robe Ségolène ! Gattinoni,
un styliste… …comment réagiriez vous à un duel Sarko - Ségo ? P. S. : Je serais bien
emmerdé ! Ce… …dès le 6 février, il était au côté de Ségolène Royal lors de son meeting
à la Halle Carpentier… …milite depuis le 6 février en faveur de Ségolène Royal. Suresnes,
Ségolène Royal : une… …en faveur de Ségolène Royal. Suresnes, Ségolène Royal : une
femme urbaine en campagne… …lus fort de la campagne présidentielle, Ségolène Royal
veut montrer qu’elle est une politique…
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Seul souvenir de cet été irlandais : Chez Maria Plunkett, la grand - mère maternelle
âgés en 1971 de 8, 6 et 5 ans, gardent un souvenir épouvantable de cette jeune
fille Aucun des trois enfants Roche ne se rappelle avoir appelé la jeune Française
John se souvient encore qu’il prononçait «Sigurlaine», persuadé que c’était là
son Finalement, les Roche ont conservé davantage de souvenirs d’Armelle «A
personnel, dit Renata, on se rappelle souvent les choses qui se sont mal passées.
à 200 mètres de là, mais personne n’à le souvenir que la jeune fille s’y soit baignée.
Mais la mémoire de la famille est indécise. Jim, Miss Darragh et Maria Plunkett
Sheena Beale se rappelle l’amitié adolescente qui l’unit à Ségolène. Elle a dû
voir mon frère, mais il se rappelle peu d’elle et refusera de vous parler. Aussi loin
que je me souvienne , je n’ai jamais accepté que l’on me marche sur les Je me
souviens de lui aux Assises de Nice, en juin 1975. I1 avait 20 ans, s’exprimait la
candidate a laissé des souvenirs plus contrastés à ses anciens camarades ont bien
voulu égrener pour Paris Match des souvenirs vieux de plus d’un quart de François
Hollande prétend n’avoir gardé de lui qu’ ' un seul souvenir - mais ô combien Le
ministre de la Culture évoque à ce souvenir « des moments surréalistes, De Marie -
Ségolène Royal, on se souvient seulement qu’elle avait proposé j'ai dû la consoler
sur mon épaule», se souvient le chef de bureau de l’époque François Hollande se
souvient . . . Les travaux d’approche n’ont pas dû être commodes. C’est ce qu’on se
demandait tous», se rappelle en riant le diplomate Jean-Maurice Renaud Donnedieu
de Vabre, se souvient d’une fort jolie maison et Jean-Pierre Jouyet il reste aussi dans
la mémoire d’Henri de Castries, un séjour « assez joyeux» en mission à la Ville de
Paris, se souvient que les dix ans avaient déjà donné pour recueillir leurs opinions,
se souvient - elle. Les gens lui posaient des questions Je me souviens qu’il avait
disputé des parents d’élèves qui voulaient faire ouvrir
fouille sa mémoire sans effort. Marie - Ségolène était très audacieuse pour son âge les
Royal insufflaient la dynamique de Chamagne », se souvient l’ancien prêtre. Sous la
surveillance de son père, évidemment, se souvient un ami des frères Royal. « c’était la
fête », se rappelle un autre Royal. Car, même quand toute la fratrie Elle se souvient d’un
10 décembre, jour de son anniversaire. Les dix filles de la « Je lui ai coupé les vivres ! »
rappelle l’abbé Félicien Chevrier. Mais je me souviens surtout de m’être longuement
attardée sur nos souvenirs m’être longuement attardée sur nos souvenirs communs
d’internat, raconte Françoise « Ségo était très individualiste et tenace, se souvient l’une de
ses camarades. pour honorer, à la Toussaint, la mémoire de ses ancêtres Plus préoccupé
de « culture que d'agriculture » comme le rappelle Jean on avait toujours l’impression
que François planait », se souvient son voisin. beaucoup moins grand et costaud que les
gars de la classe, se rappelle un camarade. Et, là encore, il se distinguait. Beaucoup se
souviennent de l’avoir entendu détailler il ne reste qu’un souvenir noyé dans les paysages
marécageux « Le maire a tout de suite pensé à ma maison, se souvient Françoise Barillot,
79 ans On loue volontiers sa disponibilité, son aisance ou sa mémoire exceptionnelle
n’a pas laissé que de bons souvenirs . « C’était le diable en personne » D’aucuns se
souviennent l’avoir vue, drapée dans de grands voiles blancs d’exhiber sa fierté bretonne,
ses souvenirs douloureux d’ « orphelin de la guerre». presque oublier « La Souche » (Alain
Souchon qui, comme le rappelle Jean-Paul Familier de la maison Le Pen, ci-dessus, il se
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souvient des prises de bec entre la mère Pas de dessert, pas de sucreries », se souvient
Antoine, l’un des frères.
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