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Université Lumière Lyon 2

École doctorale : Sciences de l’éducation, Psychologie, Information, Communication


Équipe de Recherche de Lyon en Sciences de l’Information et de la Communication.

Médias, politique et vie privée


Analyse du phénomène de peopolisation dans la
presse écrite française.

Par Eva-Marie GOEPFERT


Thèse de Doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication
Sous la direction d’Isabelle GARCIN-MARROU
Présentée et soutenue publiquement le 10 décembre 2010

Membres du Jury : Isabelle GARCIN-MARROU, Professeur des universités, Institut d'Études


Politiques de Lyon Annik DUBIED, Professeur des universités, Université de Genève Cédric TERZI,
Maitre de conférences, Université Lille 3 Jean-François TETU, Professeur émérite, Université Lyon 2
Jamil DAKHLIA, Maitre de conférences HDR, Université Nancy 2
Table des matières
Contrat de diffusion . . 7
[Remerciements] . . 8
Introduction . . 9
Présentation de la sémiotique greimassienne. . . 12
Présentation de la sociologie pragmatique. . . 13
Présentation de cette recherche . . 14
Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la
peopolisation. . . 17
I. 1. L’action en sémiotique narrative et sociologie pragmatique . . 18
I. 1. 1. L’actant . . 18
I. 1. 2. L’axiologie . . 21
I. 1. 3. L’épreuve . . 23
I. 1. 4. Compétence et Performance . . 25
I. 1. 5. Du programme narratif à l’action . . 27
I. 1. 6. Le parcours narratif et le schéma narratif pour penser l’action. . . 29
I. 1. 7. De la clôture du récit à la logique de parcours et de déplacement. . . 31
I. 2. Le récit de la peopolisation : entre action et narration . . 33
I. 2. 1. La peopolisation en train de se faire. . . 34
I. 2. 2. Le récit de la peopolisation . . 37
I. 2. 3. De l’énonciation à l’action . . 40
I. 2. 4. Analyser la peopolisation comme narration et action . . 46
Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit . . 49
II. 1. Du mouvement dans le récit . . 50
II. 1. 1. La narrativité comme mouvement . . 50
II. 1. 2. Le mouvement en sociologie pragmatique. . . 52
II. 1. 3. Le mouvement dans la narration. . . 57
II. 1. 4. La coupure dans le mouvement . . 62
II. 1. 5. A propos du mouvement. . . 65
II. 2. L’espace dans le récit. . . 66
II. 2. 1. De la dyade « privé – public » à la triade « domestique – civique –
opinion ». . . 67
II. 2. 2. Des espaces dans les récits. . . 77
II. 3. Le chercheur comme porte-parole . . 83
Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques . . 85
III. 1. Les espaces d’émergence des récits médiatiques . . 85
III. 1. 1. La campagne présidentielle comme temps fort de l’actualité politique
.. 85
III. 1. 2. Les médias comme moyens de visibilité et la question du secret . . 87
III. 1. 3. Visibilité, notoriété et médias. . . 90
III. 2. Le récit dans la presse people. . . 92
III. 2. 1. Révélation et secrets. . . 92
III. 2. 2. De l’ordinaire à l’extraordinaire . . 95
III. 2. 3. Le récit people. . . 99
III. 2. 4. Présentation des titres de presse people . . 103
III. 2. 5. Le traitement journalistique dans la presse people. . . 107
III. 2. 6. Structures et rhétorique iconique des Unes People . . 111
III. 2. 7. Les différentes logiques de mise en scène. . . 114
III. 3. L’identité dans le récit . . 122
III. 3. 1. L’incarnation de l’acteur en sémiotique. . . 122
III. 3. 2. Quelle identité pour des êtres de papier ? . . 124
III. 3. 3. Construction de l’identité médiatique. . . 130
III. 4. Construction d’un corpus people. . . 135
Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes. . . 138
IV. 1. Des paradigmes aux mondes . . 138
IV. 1. 1. Du sème à l’isotopie. . . 138
IV. 1. 2. Le répertoire : un portrait de notre corpus. . . 142
IV. 2. Termes complexes : la confusion des mondes . . 149
IV. 2. 1. L’/incarnation/ des êtres de papier à la croisée des mondes. . . 149
IV. 2. 2. Quand les êtres de papier communiquent. . . 154
IV. 2. 3. L’isotopie du /relationnel/ . . 156
IV. 2. 4. La question de l’actualité . . 158
IV. 2. 5. Des néologismes à la croisée des mondes . . 160
IV. 3. Conclusion . . 167
Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles . . 169
V. 1. Quand la presse people porte la parole d’une campagne présidentielle et de ses
personnages . . 169
V. 1. 1. Les personnages des récits. . . 170
V. 1. 2. La campagne présidentielle : une période et un contexte. . . 172
V. 2. Les « immortelles de campagne » . . 174
V. 2. 1. Quand la presse people se fait astrologue ou psychologue… . . 174
V. 2. 2. Etre soutenu dans l’épreuve. . . 184
V. 3. La presse people comme porte-parole . . 189
V. 3. 1. La presse people faiblement médiatisante. . . 189
V. 3. 2. Voici et Closer : La focalisation idéologique sur un personnage. . . 195
V. 3. 3. Gala : la glorification de la simplicité et de l’élégance. . . 202
V. 3. 4. VSD et Paris-Match: le politique et le people. . . 207
V. 4. Conclusion . . 217
Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats . . 219
VI. 1. Différencier les candidats . . 219
VI. 1. 1. La grandeur des candidats. . . 219
VI. 1. 2. Le genre des candidats. . . 221
VI. 1. 3. La position politique des candidats. . . 222
VI. 2. Les identités médiatiques des petits et moyens candidats . . 224
VI. 2. 1. Les petits candidats. . . 224
VI. 2. 2. Jean-Marie Le Pen. . . 233
VI. 2. 3. François Bayrou . . 236
VI. 3. L’identité médiatique de Ségolène Royal . . 245
VI. 3. 1. Ségolène dans le clan Royal/Hollande. . . 246
894
VI. 3. 2. Quand Marie-Ségolène est devenue Ségo, l’icône de la mode .. 253
VI. 3. 3. La femme et la candidate dans le monde civique. . . 257
VI. 4. Les identités médiatiques de Nicolas Sarkozy . . 261
VI. 4. 1. Les transports de grandeur ou de misère. . . 262
VI. 4. 2. Le personnage de Cécilia Sarkozy . . 265
VI. 4. 3. Les deux identités médiatiques de Nicolas Sarkozy. . . 270
VI. 5. Les portraits de la presse quotidienne nationale . . 278
Chap. VII. Après la campagne… . . 284
VII. 1. De l’information-people à l’évènement… . . 284
VII. 1. 1. La mort de Gregory Lemarchal : un « évènement-people ». . . 284
VII. 1. 2. Le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni . . 289
VII. 1. 3. La maternité de Rachida Dati. . . 295
VII. 1. 4. Itinéraire d’une rumeur d’infidélités au complot politique. . . 303
VII. 1. 5. De l’information à l’évènement : peut-on parler d’évènement-people ?
.. 315
VII. 2. la médiatisation des politiques dans la presse people après la campagne
présidentielle. . . 318
VII. 2. 1. Un corpus en variables, Modalisa et le test du χ². . . 318
VII. 2. 2. Les personnages politiques dans la presse people post-campagne.
.. 325
VII. 2. 3. Différencier les personnages et leurs visibilités. . . 325
VII. 3. L’évolution de la médiatisation des politiques . . 337
VII. 3. 1. Des personnages politiques et peoples ? . . 339
VII. 3. 2. Une presse people qui se politise… . . 342
VII. 3. 3. Conclusion : Politisation et peopolisation… . . 345
Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation . . 347
Synthèse des chapitres précédents . . 347
Quand faire, c’est dire . . 351
L’incertitude : entre le monde et la réalité . . 352
Raconter le mélange des mondes… . . 353
A l’origine du mélange des mondes et de sa mise en scène… . . 354
La réalité du mélange des mondes… . . 357
L’institution et les registres pratique et métapragmatique. . . 359
La peopolisation . . 366
Ce qu’elle est : proposition de définition. . . 366
Ce qu’il en est de ce qu’elle est : la forme et la place actuelle de la
peopolisation. . . 368
Bibliographie . . 371
Bibliographie scientifique . . 371
Ouvrages et contributions à des ouvrages scientifiques. . . 371
Articles scientifiques . . 375
Mémoires universitaires . . 379
Etudes de corpus en ligne . . 379
Divers . . 379
Références diverses . . 380
Ressources juridiques . . 380
Ressources en ligne . . 380
Ressources pour la construction et l’analyse de corpus. . . 380
Bases de données de Presse . . 381
Divers sites pour la constitution du corpus . . 381
Logiciels d’analyse . . 381
Annexes . . 382
Annexes A. Corpus . . 382
Corpus principal de Presse People . . 383
Corpus de campagne de Presse quotidienne nationale : les portraits. . . 388
Corpus : Mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni. . . 389
Corpus : Maternité de Rachida Dati . . 390
Corpus : Les rumeurs d’infidélités (mars-avril 2010) . . 392
Annexes B. Répertoire des mondes . . 395
Annexes B-1. Répertoire du Corpus . . 395
Annexes B-2. Répertoire des néologismes . . 470
Annexes C. Tableau des traits psychologiques . . 472
Annexes D. La médiatisation des politiques post-campagne : graphiques et tri-
croisés. . . 474
Annexes D-1. Table du khi² . . 474
Annexes D-2. Les personnages politiques selon leur visibilité. . . 474
Annexes D-3. Les attributs identitaires des personnages politiques . . 477
Annexes D-4. Le genre des personnages people. . . 485
Annexes D-5. Nicolas Sarkozy et ses femmes . . 506
Annexes E. Concordances . . 509
Annexes E-1. Les noms propres des candidats dans Closer . . 509
Annexes E-2. Isotopie du souvenir . . 510
Annexes E-3. Isotopie du combat et du sport dans VSD. . . 512
Contrat de diffusion

Contrat de diffusion
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Médias, politique et vie privée

[Remerciements]

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Introduction

Introduction

[Tableau 1 : Les formes du terme "peopolisation" et ses occurrences sur Google.]

Tableau 1 : Les formes du terme "peopolisation" et ses occurrences sur Google


Nombre de résultats donnés par Google Nombre de résultats donnés par
– septembre 2010 1
Google – janvier 2007
Peopolisation 38 900 55200
Pipolisation 22 200 14400
Peoplisation 13 300 870
Peopleisation 1 960 688
Pipeulisation 782 165

L’injonction à la visibilité, de plus en plus marquée dans les sociétés contemporaines,


encourage et valorise l’exhibition d’activités multiples et de diverses re-présentations de
soi et ce, notamment, pour le personnel politique. Depuis le développement des médias
de masse, la visibilité s’est libérée des contingences spatiales et temporelles, de l’ici et du
maintenant. La médiatisation s’opère dans une perspective inverse de celle du panoptique
benthamien : le dispositif médiatique soumet les acteurs publics au regard de tous, tandis
que ces derniers ne peuvent plus, sauf exception, voir le public. Cette configuration
technologique unilatérale s’accompagne de deux mouvements : une spectacularisation
de la communication et une injonction à la transparence de plus en plus forte. Dans
la convergence de ces facteurs sociologiques, technologiques et communicationnels, un
2
phénomène fait son apparition dans l’espace public français, au début des années 2000 :
3
la peopolisation. Au début de ce travail, en 2005 , très rares étaient les écrits scientifiques
sur celui-ci. Il était invoqué par les médias ou par le sens commun comme relevant d’un
terme boite-noire, aux multiples définitions, multiples manifestations et multiples écritures ;
un terme qui donnait l’impression de pouvoir être défini. Or l’exercice de définition s’avérait
finalement particulièrement difficile du fait de la complexité des mouvements et des espaces
que le phénomène recouvrait.
Cette aporie du savoir sur notre objet d’étude se confronta à une intuition empirique
quant à la période qui arrivait : la campagne présidentielle de 2007. Ce temps politique
fort, pressentions-nous, pouvait exacerber le phénomène de peopolisation, permettant alors
d’observer sa construction et sa définition.
L’aporie du savoir quant à cet objet fit, par ailleurs, émerger deux prédicats pour le
concevoir :
Le phénomène de peopolisation est à la fois narratif et social : il se fait en
se disant. Le phénomène de peopolisation est en train de se faire ; il est un
processus en cours qui émerge de la confusion des espaces privé et public.
2
C’est du moins à ce moment là que le phénomène est identifié et nommé dans l’espace public français.
3
Nous tentons, en introduction, de retracer la construction de la problématique et de la méthodologie telle que nous l’avons
opérée dans cette recherche.

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Médias, politique et vie privée

Mais, en parallèle, de nombreuses questions apparurent quant à la confusion du privé et


du public :
Un individu peut-il être considéré simultanément comme un individu privé et
public ? Comment penser ce qui est de l’ordre du privé et ce qui est de l’ordre
du public ? Quels sont les éléments qui peuvent permettre de les distinguer ?
Pouvons-nous nous contenter de considérer ce qui est connu comme de l’ordre
du public ? Si oui, comment saisir le privé s’il ne nous est pas accessible parce
qu’il est non-dit ou non-connu ? Si non, comment séparer le connu public
du connu privé ? Comment saisir le déplacement entre le privé et le public ?
Qui opère ce déplacement et finalement cette association de deux éléments
hétérogènes ? Peut-on réconcilier l’hétérogénéité ? Comment est compris
cet assemblage d’éléments hétérogènes, voire contradictoires, dans l’espace
public ? Pour quelles raisons, peut-on voir émerger des discours d’acceptation et
d’autres de condamnation d’une telle association ?
Deux références théoriques et méthodologiques parurent pertinentes et opératoires pour
4
traiter d’un tel sujet : la sémiotique narrative et la sociologie pragmatique . En effet, notre
ancrage dans les sciences de l’information et de la communication nous a amenés dès le
début à considérer des discours de presse traitant de la vie privée des hommes politiques.
Nous souhaitions nous intéresser à la manière dont le mélange des rôles et le brouillage
de la frontière entre espace privé et espace public sont matérialisés dans des règles de
construction et d'organisation spécifiques des récits médiatiques. La sémiotique narrative
nous sembla alors un outil pertinent pour repérer, au sein du récit, les isotopies relatives
aux espaces du privé et du public, pour les identifier et, enfin, comprendre la manière
dont le narrateur passait de l’un à l’autre et justifiait le déplacement entre ces deux
éléments hétérogènes. Pourtant, les interrogations énoncées précédemment exigèrent de
penser parallèlement la complexité du monde social à travers les questions d’association,
d’hétérogénéité, de déplacement, de compromis, de conflit, d’identité, d’engagement. La
sociologie pragmatique devint alors, au fil de nos recherches, une référence incontournable,
non seulement comme moyen de comprendre ou d’expliquer cette complexité, mais surtout,
et avant tout, comme moyen de l’étudier.
« C’est une théorie – et même je pense une théorie solide – mais une théorie
qui porte sur la façon d’étudier les choses ou, mieux, sur la façon de ne pas les
5
étudier. »
Dans la confrontation de ces deux pôles théoriques émergea la volonté d’aborder et
d’explorer une approche interdisciplinaire pour considérer des récits qui décrivent et
performent le phénomène de peopolisation. Ainsi, l’approche interdisciplinaire proposée
semble permettre de construire et de réfléchir la manière dont doit être saisi un tel objet de
recherche : c’est dans une perspective méthodologique que nous cherchons avant tout à
confronter ces deux approches théoriques.

4
Par souci de concision, nous définissons le deuxième pôle théorique par une appellation qui ne rend pas justice à la pluralité de
ce courant. Comme nous le verrons plus tard, cette appellation est un terme venu de l’extérieur qui convient plus aux théories de
Boltanski et Thévenot qu’à celles de Latour et Callon que nous pourrons désigner selon l’apport mobilisé comme ANT (Théorie de
l’acteur-réseau) ou sociologie de la traduction.
5
LATOUR, B., Changer de société, refaire de la sociologie, Paris : Ed. La découverte, 2007 (Ed. originale anglaise 2005),
p. 207.

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Introduction

Nous retrouvons, dans les ouvrages de Luc Boltanski, Laurent Thévenot ou Bruno
Latour, et ce, à de nombreuses reprises, des références à Algirdas Greimas et à son
approche narrative.
« Il ne serait pas exagéré de dire que la sociologie de l’acteur-réseau est
redevable pour moitié à Garfinkel et pour moitié à Greimas : elle a simplement
associé deux des plus intéressants courants intellectuels de part et d’autre de
l’Atlantique, et elle est parvenue à se nourrir de la réflexivité intrinsèque des
6
comptes rendus qu’offrent les acteurs comme les textes. »
La sociologie pragmatique s’est donc nourrie de la sémiotique greimassienne pour
réinterroger la question du social. Nous faisons le pari, dans cette recherche, que
cette réappropriation par les sociologues ouvrira de nouvelles pistes et de nouvelles
interrogations pour questionner notre objet de recherche. Si le pari peut sembler ambitieux,
il nous semble opératoire pour questionner un phénomène médiatique en train de se faire
et saisir une tension linguistique en train de se défaire et comprendre, ainsi, un phénomène
narratif et social.
Nous partons de deux postulats sociologiques : l’un permet de considérer l’individu
représenté, c'est-à-dire l’homme politique ; l’autre saisit un phénomène plus large : la
peopolisation. Le premier nous invite à appréhender la pluralité des modes d’engagement
que l’homme politique éprouve dans sa réalité quotidienne. Ici, c’est la théorie de l’homme
7
nomade qui nous intéresse particulièrement ; approche qui considère l’individu comme
porteur d’une identité plurielle, actualisée par la dynamique du rapport entre cet être et
les différents environnements dans lesquels il circule. Le second postulat nous permet de
considérer ce moment d’incertitude (la campagne présidentielle de 2007) dans lequel se
construit le phénomène de peopolisation et donc, plus loin de considérer ce processus
comme une controverse, au sens de Latour. Pourtant, c’est tournés vers des considérations
sémiotiques que nous cherchons à expliquer les logiques immanentes au récit qui ordonne
et organise cette réalité sociale. Notre problématique nécessite donc de mettre à jour les
règles et le dispositif susceptibles d’engendrer les récits mettant en scène l’homme politique
à la fois comme personne publique et personne privée et de construire une définition de la
peopolisation et, ainsi, de tenter d’éclairer une situation communicationnelle confuse.
Par sa problématique, son sujet, son terrain et sa méthodologie, ce travail relève
donc spécifiquement des sciences de l’information et de la communication, mais il vise
aussi à une interdisciplinarité susceptible de permettre d’autres résultats. L’inscription
disciplinaire est une nécessité propre à tout travail de thèse. Elle revêt des caractéristiques
particulières, qui peuvent être un chemin théorique et méthodologique contraignant mais
aussi, et paradoxalement, unifiant et rassurant. Elle se comprend par les espaces qu’elle
traverse et par le mouvement qu’elle suit, sa construction. Elle permet de définir un ordre
et des logiques de recherche (de terrain, théorique ou méthodologique). Dans le même
temps, le principe même de la recherche se nourrit des passages, des emprunts et des
adaptations, permettant aussi, peut-être, d’autres regards sur les questions envisagées par
une discipline.

6
LATOUR, 2007, op.cit. p. 79.
7
THEVENOT, L., L’action au pluriel, Paris : Ed. La Découverte, 2006. p. 23-53.

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Médias, politique et vie privée

Présentation de la sémiotique greimassienne.


Elaborée à partir d’une réflexion sur l’analyse des contes de Vladimir Propp, la sémiotique
greimassienne révèle une théorie de la signification dont le souci est de considérer le récit
à la lumière des structures profondes qui permettent d’engendrer des discours. Perspective
structuraliste pensant l’autonomie du texte et démarche explicative d’une génération des
textes allant du plus abstrait au plus concret, la sémiotique de Greimas est une sémiotique
de l’action, d’une action discursivisée, d’une action de papier. Le parcours génératif, le
carré sémiotique et les structures actantielles sont les trois éléments incontournables de
cette théorie ; ils permettent de saisir le récit depuis ses structures profondes jusqu’à ses
structures de surface, au travers de ses composantes sémantiques et syntaxiques.
Dans les années 80, cette sémiotique subit un tournant dans son approche. Greimas
passe, en effet, d’une étude de l’« être du sens » à celle du « sens de l’être » interrogeant
alors les préconditions de la signification, pensant l’énonciation et introduisant un sujet du
8
pâtir ( Sémiotique des passions , 1991) et un sujet du sentir ( De l’imperfection , 1987) .
« Vouloir dire l’indicible, peindre l’invisible : preuves que la chose, unique,
est advenue, qu’autre chose est peut-être possible. Nostalgies et attentes
nourrissent l’imaginaire dont les formes, fanées ou épanouies, tiennent lieu
de la vie : l’imperfection, déviante, remplit ainsi en partie, son rôle. Vaines
tentatives de soumettre le quotidien ou de s’en sortir : quête de l’inattendu qui
se dérobe. Et pourtant, les valeurs dites esthétiques sont les seules propres,
les seules, en refusant toute négativité, à nous tirer vers le haut. L’imperfection
apparaît comme un tremplin, qui nous projette de l’insignifiance vers le sens. Que
reste t-il ? L’innocence : rêve d’un retour aux sources alors que l’homme et le
monde ne faisaient qu’un dans une pancalie originelle. Ou l’espoir attentif d’une
esthésie unique, d’un éblouissement qui n’obligerait pas de fermer les yeux. Mehr
9
Licht ! »
Ce tournant permet à Greimas de penser deux types de sémiotique : une sémiotique
10
du continu et une sémiotique du discontinu . Loin d’un principe de contradiction ou
d’alternative, la seconde est avant tout une extension de la première. Car, finalement, la
sémiotique greimassienne reste une sémiotique du discontinu, mais pense désormais son
homogénéité et l’explique, entre autres, par les processus qui y conduisent, par la phase
11
invisible du texte .
« On s’oriente vers une problématique sémiotique qui fait place aux données de
la phénoménologie, et qui dégage la fonction du corps (le « corps propre ») dans
les opérations du sentir et du percevoir, préalables et supports aux opérations

8
Un tournant déjà en formation dès Du Sens II avec les analyses de sémantique lexicale sur la colère (GREIMAS, A., Du
sens II , 1983, p. 225-245) même si les passions sont abordées ici simplement comme des actions.
9
GREIMAS, A., De l’imperfection, Perigueux : Ed. Pierre Fanlac, 1987. p. 99 (conclusion de l’ouvrage). Sans établir de
lien qui n’aurait pour conséquence que la surinterprétation, nous notons que ce dernier mot de l’ouvrage fut aussi, selon
la légende, les dernières paroles de Goethe : « Mehr Licht! Mehr Licht! » (« Plus de lumière! Plus de lumière! »)
10
GREIMAS, A. & FONTANILLE J., Sémiotique des passions : Des états de choses aux états d'âme , Paris : Seuil, 1991, p. 7-20.
11
ABLALI, D., La sémiotique du texte : Du discontinu au continu, Paris : L’Harmattan, 2003, p. 169-170.

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Introduction

discriminantes des systèmes de valeurs (carré sémiotique) et des instances


12
actantielles (syntaxe narrative). »
L’accès au continu demeure imaginaire et reste fondée sur la sémiotique du discontinu. La
sémiotique greimassienne a donc évolué ; Driss Ablali le constate en même temps que
la « rencontre ratée » entre cette sémiotique phénomélogico-cognitive et les sciences
13
de l’information et de la communication . Or nous ne résistons pas à ce constat et nous
servirons avant tout de cette sémiotique universaliste, générative et immanentiste, sans
pour autant ignorer les changements opérés par Greimas à la fin de son œuvre et par
d’autres sémioticiens. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que notre intérêt est avant tout de
saisir des actions et des êtres de papier ; notre étude ne cherche pas à comprendre des
14
« textes parfumés » , c’est-à-dire des textes où se trahit une dimension pathémique
même si nous ne nions pas la phase de sensibilisation thymique dans le parcours génératif,
sur laquelle nous reviendrons. Parce que, par ailleurs, notre perspective interdisciplinaire et
nos emprunts à la sociologie pragmatique, que nous allons présenter désormais, vont nous
permettre de contourner « l’horizon indépassable du texte », tout en le considérant.

Présentation de la sociologie pragmatique.


La sociologie pragmatique s’est principalement construite autour de Boltanski et Thévenot,
et de leurs travaux de sociologie des régimes d’action et d’engagement, et autour de Michel
Callon et Bruno Latour pour leurs travaux de sociologie des sciences et des techniques.
Callon et Latour s’intéressent aux actions par lesquelles les scientifiques construisent la
science et les techniques et font exister les institutions, les objets, les outils et les théories.
De leur coté, Boltanski et Thévenot font l’hypothèse que les personnes ordinaires partagent
références et ressources circonstancielles et sont capables de construire et de déconstruire
par leurs pratiques et discours les qualifications des situations dans lesquelles ils agissent.
Ces auteurs recherchent à « identifier des registres d’action différents, selon que
la prise en compte d’un autre, ou d’autres personnes, pèse plus ou moins sur le
15
déroulement de l’action et le jugement sur son accomplissement » .
Si ces sociologues ont des formations variées, des objets et des méthodes d’étude
très différents, ils se rejoignent sur un principe commun, celui de recentrer la sociologie
autour de l’action et de réinvestir leurs études sur ce que fait l’homme, c'est-à-dire ce
qu’il fait de lui-même et des autres. Parallèlement et à leur suite, de nombreux auteurs
se sont intéressés à cette même question en déplaçant leur attention vers de nouveaux
objets et vers de nouveaux terrains. Citons, par exemple, Bernard Lahire et sa théorie de
l’homme pluriel, François De Singly et l’individu multidimensionnel, François Dubet et la

12
PANIER, L., « Ricœur et la sémiotique : une rencontre improbable ? », Semiotica , 168, 2008, p. 318.
13
ABLALI, D., « Sémiotique et Sic : je t’aime, moi non plus. », Semen , 23, 2007, p. 7.
14
HENAULT, A., Le pouvoir comme passion , Paris : PUF, 1994, p. 8 pour sa première apparition. Cette expression d’Anne
Hénault est tirée d’une phrase de Greimas (1991, op. cit. p. 22) « Pouvoir parler de passion, c’est donc tenter de réduire ce
hiatus entre la connaitre et le sentir. Si la sémiotique s’est attachée, dans un premier temps, à mettre en évidence le rôle
des articulations modales moléculaires, il est bon qu’elle cherche à rendre compte maintenant des parfums passionnels que
produisent leurs arrangements » .
15
THEVENOT, L., « L'action qui convient », PHARO, P., et QUERE, L., (éds.), Les formes de l'action, Paris : Ed. EHESS, 1990, p.40.

13

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sociologie de l’expérience mais aussi Nicolas Dodier, Francis Chateauraynaud, Philippe


Corcuff, Elizabeth Claverie, Cyril Lemieux, pour ne citer qu’eux.
16
Dans son Introduction à la sociologie pragmatique , Mohamed Nachi se consacre
à la difficile tâche de présenter une première synthèse des travaux issus de la sociologie
17
pragmatique, une sociologie qu’il identifie autour du terme style plutôt que de celui
de courant. Ce choix sémantique révèle que l’appellation « sociologie pragmatique »
a émergé de l’extérieur et n’est pas admise par tous ses « représentants ». Pourtant,
comme le remarquent l’auteur et Boltanski dans la préface, il est difficile de ne pas noter
un « air de famille ». La sociologie pragmatique est donc un style développé « par
des chercheurs (mais cela vaut aussi pour les écrivains et les artistes) qui, venus
d’horizons différents, se sont rencontrés, souvent de façon fortuite, dans un contexte
local particulier, et qui, à des degrés divers, ont suffisamment mis en commun leurs
idées et leur façon de concevoir leur activité pour qu’on cherche à leur donner un
18
nom collectif » .
Nous retiendrons de ce style sociologique une volonté de dégager la dimension
19
pragmatique qui unit les actants à leurs mondes mais aussi la collaboration entre les
différents auteurs et l’ajustement de leurs parentés et leurs distances qui se complètent et
s’entretiennent. Le lecteur ne peut s’empêcher de remarquer l’empreinte de ce « style » dans
les bibliographies et les remerciements et de noter les nombreuses références, implicites
ou non, allant des uns aux autres.
« L’un des meilleurs exemples de la richesse de cette approche est fourni par L.
Boltanski et L. Thévenot (…) c’est ce magnifique exemple de la puissance de la
20
relativité que je voudrais m’efforcer d’imiter ici. » « Ce programme n’aurait pu
aboutir sans l’intervention de nombreuses personnes. L’œuvre de Bruno Latour
ainsi que les travaux de Michel Callon nous ont apporté de longue date une aide
d’autant plus efficace qu’elle allait de pair avec une lecture pointue de notre
propre travail. D’une audace stimulante, ces recherches ont eu le grand mérite
d’une part de montrer le rapport entre le tissage des liens sociaux et la confection
des objets, et d’autre part de frayer un gué entre les sciences sociales modernes
et la philosophie politique. (…) Notre recherche a pu bénéficier des apports
de (…) Francis Chateauraynaud dont les remarques acérées ont animé les
discussions et stimulé notre réflexion, Philippe Corcuff et son souci de synthèse,
21
(…) Nicolas Dodier qui a allié un intérêt compétent à une grande disponibilité. »

Présentation de cette recherche


16
NACHI, M., Introduction à la sociologie pragmatique : vers un nouveau « style » sociologique , Paris : Armand Colin,
2006.
17
Comme le sous-titre de l’ouvrage l’indique.
18
BOLTANSKI, L., « Préface », NACHI, 2006. op. cit. p. 10.
19
Nous reviendrons dans quelques pages sur cette notion et sa définition.
20
LATOUR, 2007. op. cit. Note de bas de page p. 36.
21
BOLTANSKI, L. & THEVENOT, L., De la justification : Les économies de la grandeur, Paris : Gallimard, 1991, p. 35.

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Introduction

Ce travail est ainsi guidé par deux fils directeurs : un objet empirique et une approche
interdisciplinaire. L’un n’existe pas sans l’autre. L’objet empirique façonne notre posture tout
comme notre posture produit le corpus qui permet d’observer l’objet de notre recherche. Le
tissage de ces fils se fonde, alors, sur quatre hypothèses principales :
Si la sémiotique a permis de « refaire de la sociologie », la sociologie
pragmatique permet de « refaire de la sémiotique » pour considérer un
phénomène médiatique en train de se faire et une tension linguistique en train
de se défaire et pour, finalement, dépasser l’horizon indépassable du texte.
Prendre le parti du mouvement plutôt (plus tôt) que des espaces évite le piège
de l’impossible localisation d’un objet en train de se faire pour revenir à un
processus produisant ses propres espaces pour s’y installer ; cela permet,
ainsi, de saisir l’être du sens dans sa génération en postulant de sa quiddité
(monde domestique/monde de l’opinion/monde civique) et le sens de l’être
en projetant le récit hors du texte pour le considérer comme une pratique ou
action réflexive dans le monde social. Si le journaliste est un narrateur qui
joue le rôle de traducteur et de porte-parole des êtres de papier qu’il met en
scène, en installant et sanctionnant les actions décrites dans des rapports de
grandeurs particuliers et produisant alors l’identité médiatique des candidats à
l’élection présidentielle de 2007, il est aussi un acteur qui construit le phénomène
de peopolisation, chaque récit devenant une réponse qui résout (ou dénonce)
les tensions induites par l’hétérogénéité des êtres en présence et justifie ce
phénomène. La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda
politique, signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements quant à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le
définir et de l’inscrire dans l’espace public français.
Au travers de ces quatre hypothèses, nous définissons une recherche autour d’un
phénomène narratif et social – la peopolisation – et des moyens théoriques et
méthodologiques pour l’investir. Mais cette étude repose parallèlement sur un intérêt
particulier quant à l’espace de production de notre corpus : la presse people. En 2005,
quand débutait cette recherche, une moyenne de trois millions huit cent quarante-neuf mille
22
exemplaires de cette presse était diffusée chaque semaine . L’aporie du savoir quant au
phénomène de peopolisation était amplifiée par celle à propos d’une presse très lue en
France mais considérée comme illégitime dans l’espace politique et scientifique. Il apparut
donc nécessaire de nous pencher sérieusement sur le phénomène de peopolisation et
23
de l’observer dans son rapport à un genre de presse largement méconnu . Dans cet
intérêt double, nous avons fait le choix de considérer la peopolisation sous l’angle de

22
Ce chiffre prend en compte les neufs titres de presse people sélectionnés pour cette étude : Paris-Match, VSD, Closer, Voici,
Public, Point de Vue, Gala, France-Dimanche et Ici-Paris. Ce chiffre subit une lègre baisse en 2009 avec une moyenne de 3600000
exemplaires. Cependant, il faut noter que cette presse en pleine expansion a vu la naissance de nombreux titres tels que Oops !,
Psst !, Célebrité magazine, Yep !, Envy, qu’il faut alors ajouter à la diffusion moyenne de 2009. Ces chiffres ont été établi grâce aux
données de l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias [en ligne: http://www.ojd.com/public/]
23
Notons que notre intérêt pour ce type de presse est aussi celui de nombreux chercheurs en France. Nous pouvons citer Annik
Dubied et toute l’équipe du projet « Information-people » de l’université de Genève mais aussi Jamil Dakhlia, Virginie Spies, Marc
Lits, etc., autant de chercheurs qui ont largement participé, depuis le début de notre recherche, à la (re)connaissance scientifique
de ce genre médiatique en France.

15

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24
la médiatisation des hommes politiques dans la presse people et donc d’observer les
journalistes définir et construire ce phénomène.
A partir de ces quatre hypothèses et de notre intérêt empirique, la toile de notre
recherche est tissée de sept chapitres et d’une conclusion.
Cet écrit met notre interdisciplinarité à l’épreuve de sa compatibilité et sa pertinence,
tout en le rattachant à notre objet et à son corpus, pour réfléchir les notions d’action, de récit,
d’énonciation, de mouvement et d’espace et pour opérer idéellement un dédoublement de
l’énonciateur comme un narrateur et un acteur (Chap. I et II). La méthode interdisciplinaire
saisit, alors, les espaces d’émergence de notre corpus : la campagne présidentielle,
l’espace médiatique, l’espace de notoriété et la presse people – pour considérer la définition
25
de l’identité médiatique et la sélection de notre corpus (Chap. III). Ce corpus est multiple .
Il est composé des récits issus de la presse people à propos d’au moins un candidat à
l’élection présidentielle, parus entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007 mais aussi
des portraits parus dans la presse quotidienne nationale lors de la campagne présidentielle
officielle. Il est élargi aux récits issus de la presse people et de la presse quotidienne
nationale à propos de trois événements politiques et peoples post-campagne et de 1395
26
Unes de presse people parus après la clôture de notre premier corpus, c'est-à-dire après
le 14 mai 2007. La prise en compte de cette multiplicité renvoie à notre volonté de considérer
non seulement la peopolisation lors de la campagne présidentielle dans la presse people,
mais aussi de la dépasser dans sa temporalité et dans son genre en considérant une
presse « plus » sérieuse. L’élaboration d’un répertoire des termes dévoile l’organisation
sémantique du corpus issu de la campagne présidentielle et révèle les tensions inhérentes
à l’hétérogénéité contenue dans notre objet (Chap. IV). Cette hétérogénéité est, par la suite,
considérée sous l’angle des lignes éditoriales de la presse people, élucidant la manière dont
chaque porte-parole porte la parole de la campagne présidentielle et de ses personnages
(Chap. V). Mais cette hétérogénéité est aussi celle contenue dans l’identité médiatique de
chacun des candidats à l’élection présidentielle (Chap. VI). L’analyse de la traduction de
la parole des personnages politique et d’un évènement politique et people, par la presse
people et la presse quotidienne nationale, poursuit la visée explicative de la matérialisation
du mélange des mondes dans des règles de construction et d’organisation spécifiques
des récits médiatiques et considère le potentiel évènementiel de l’information-people. Mais
c’est une analyse quantitative des Unes parues à la suite de la campagne électorale qui
signe l’observation de la temporalité du phénomène de peopolisation (Chap. VII). Enfin,
notre conclusion reprend les fils de ces chapitres pour retisser leurs analyses et leurs
réflexions en envisageant chaque récit comme le résultat d’une traduction du phénomène
de peopolisation qui le performe. Elle ouvre, ainsi, notre travail à la considération de la
performance de peopolisation – pratique, critique ou confirmante – ce qui permet, au
moment où se clôt cette recherche, de la définir et de considérer sa forme et sa place dans
l’espace public français.

24
Nous élargissons le corpus de presse people par un corpus de presse quotidienne nationale dans une volonté de comparaison.
25
L’explicitation des techniques de composition de notre corpus se trouve en Annexes. A. avant la liste des titres, numéros
et articles qui le composent.
26
1395 Unes issues de neuf titres de presse people – Paris-Match, VSD, Closer, Voici, Public, Point de Vue, Gala, France-
Dimanche et Ici-Paris – sur 155 semaines.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

Chap. I. Possibilité et pertinence d’une


approche interdisciplinaire pour penser
la peopolisation.

Si nous avons évoqué des emprunts de la part de la sociologie pragmatique à la sémiotique


greimassienne, leur compatibilité ne peut tenir à cela. Une question s’impose alors :
comment faire de la sémiotique narrative tout en faisant de la sociologie ? Cette question
sera le fil directeur de nos deux premiers chapitres, investissant la compatibilité d’une
approche comme sa pertinence. Avant de nous attarder en profondeur sur ces deux pôles
théoriques, comprenons la définition de la sociologie selon Latour pour apporter un premier
point de compatibilité.
« Il ne s’agit pas de société. Le social est une peau de chagrin, l’ultime misère
des assistantes et des cas du même nom. Le social, c’est ce qui reste quand
on a tout partagé entre puissants : ce qui n’est ni économique, ni technique, ni
juridique, ni etc. Allez-vous accrocher toutes les forces avec du social ? Mais cela
s’effondrerait comme une mayonnaise qui n’a pas pris. La « société » est encore
trop homogène avec ses humains, ses acteurs, ses groupes et ses stratégies
pour rendre compte du pullulement, de l’impureté et de l’immoralité des alliances.
Scolie : si l’on disait de la sociologie qu’elle est la science des associations,
comme son nom l’indique, et non celle du social, comme on le fit au 19e siècle,
27
j’aimerais à nouveau me dire sociologue. »
Pour Latour, il faut passer d’une science des faits sociaux à une science des associations.
Ce que le scientifique fait dans son laboratoire en réorganisant et manipulant des objets
scientifiques pour en construire de nouveaux, le sociologue doit le comprendre et le
résoudre. Latour propose, en effet, de redéfinir, le social comme de l’« association », dont les
formes sont multiples et variées. Du fait que le social se compose d’humains et d’éléments
non-humains (outils, instruments, objets), au lieu d’étudier « la société », il faut élaborer une
analyse qui examine non seulement les liens existant entre les personnes, mais aussi les
personnes et les choses : il faut donc analyser les associations. Ainsi, Latour se distingue
de la sociologie des faits sociaux – qu’il nomme social n°1 – en la condamnant à ne faire
qu’« imposer un ordre, limiter le spectre des entités acceptables, enseigner aux
28
acteurs ce qu’ils sont ou ajouter de la réflexivité à leur pratique aveugle » . Dans
son acception de ce qu’est la sociologie, il préconise donc d’abandonner l’explication des
activités par ce qui se cache derrière et au contraire de considérer qu’il n’y figure rien et
de comprendre l’activité en suivant les acteurs eux-mêmes. Ainsi, nous comprenons que la
sociologie pragmatique comme la sémiotique greimassienne investissent toutes deux une
connaissance de second degré et consistent en un « découpage de découpage » ; le premier
étant celui du chercheur, le second celui du narrateur ou de l’acteur en situation. Partant,
nous pouvons postuler que le récit médiatique figure comme un lieu où les acteurs créent
27
LATOUR, B., Microbes : Guerre et Paix, suivi de Irréductions , Paris : Métailié, 1984, Art. 3-4-7.
28
LATOUR, 2007, op. cit. p. 18

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des associations, se définissent, font et défont des regroupements, règlent les incertitudes
face à une activité, une identité ou un lieu.

I. 1. L’action en sémiotique narrative et sociologie


pragmatique
A la question précédemment posée : « Comment faire de la sémiotique narrative tout en
faisant de la sociologie ? » , nous avons apporté un premier élément grâce à la définition
latourienne de la sociologie. Pourtant, il semble que nous ne pouvons nous contenter de
cela pour prouver la possibilité et la pertinence de notre approche interdisciplinaire.
L’action est au cœur de ces pôles théoriques. Or c’est à travers cette notion et son
explication dans chacune de ces approches que nous allons appréhender la possibilité de
l’interdisciplinarité. Dans ce travail, l’action est une notion complexe qui recouvre différentes
variables et éléments de compréhension ; elle mérite une attention particulière à la fois
dans sa continuité et dans sa discrétion. Nous allons, ainsi, nous attacher à présenter
sept principes, que nous nommerons de compatibilité, afin de saisir l’importance d’une telle
notion et de poser ce qui constituera l’arrière-plan théorique d’une étude à la frontière de la
sociologie pragmatique et de la sémiotique greimassienne.

I. 1. 1. L’actant
Greimas explique l’organisation narrative du récit à partir de deux niveaux (immanent/
profond et de manifestation/superficiel), mais aussi à partir de deux composantes
(syntaxique et morphologique). La composante morphologique investit les unités
sémantiques du texte alors que la composante syntaxique révèle la structure même du récit
à la fois à travers son modèle constitutionnel (au niveau profond) et son modèle actantiel
(au niveau de surface). Ce dernier modèle est justement ce qui nous intéresse ici en ce
qu’il permet l’identification des actants du récit. Greimas a fondé sa définition de l’actant
en se distanciant du personnage proposé par Propp. Ce dernier analyse l’organisation du
29
conte à partir d’un inventaire des fonctions des personnages . C’est par la réduction de cet
inventaire que Greimas repense les concepts pour qu’ils dévoilent l’organisation de textes
autres que le

29
PROPP, V., Morphologie du conte (Edition originale russe 1928) , Paris : Seuil, 1970.

18

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

[Figure 1 : Présentation des actants]


conte. Le concept d’actant est né de ce travail. Il se comprend donc comme un
personnage non seulement défini par sa fonction et sa sphère d’action, mais aussi par
les relations qu’il entretient avec les autres. Plus encore, l’actant est détaché du contexte
discursif et devient une unité syntaxique abstraite qui prend part d’une quelconque façon
à l’acte, à « ce qui fait être ». C’est « en quelque sorte une fonction vide qui peut être
30
remplie de manière très variée dans le contexte discursif » qui la manifestera .
Dans la notion de personnage, Greimas soulève, par ailleurs, la confusion entre les
termes d’acteur et d’actant qu’il distingue en précisant qu’ « un actant peut être manifesté
dans le discours par plusieurs acteurs [et que] l’inverse est également possible,
31
un seul acteur peut être le syncrétisme de plusieurs actant » , la manifestation
32
discursive permettant le passage de l’actant à l’acteur . L’acteur se définit donc comme
« le lieu de convergence et d’investissement des deux composantes, syntaxique et
33
morphologique » .
Parallèlement, la notion d’actant, permet d’appréhender non seulement les êtres
humains, comme le personnage de la sémiotique littéraire, mais aussi les animaux, les
choses et les concepts. Cette notion d’actant permet à Greimas de considérer l’action à partir
des actants considérés comme des classes actantielles et répartis en trois axes, comme
l’encart ci-dessus le précise.
Du côté de la sociologie pragmatique, on notera l’introduction que proposent Boltanski
et Thévenot dans l’ouvrage De la justification. Les économies de la grandeur . Cette
30
DE GEEST, D., « La sémiotique narrative de A. J. Greimas », Image and Narrative , 5, 2003, p. 3.
31
GREIMAS, 1983, op.cit. p. 49.
32
Nous utiliserons pourtant le terme de « personnage » dans nos analyses pour désigner un actant incarné sans pour autant
parler d’acteur, dont la résonnance sociologique forte, perturbait notre propos. Cependant, nous gardons toujours à l’esprit la définition
de Greimas : le personnage n’est pas forcément humain ou individuel.
33
GREIMAS, A. & COURTES, J., Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris : Hachette, 1993, p. 8.

19

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introduction pose, dès la première phrase, l’idée de la notion d’actant, même si celle-ci n’est
pas encore dite comme telle:
« Les lecteurs de cet ouvrage pourront ressentir une certaine gêne à ne pas
rencontrer dans les pages qui suivent les êtres qui nous sont familiers. Point
de groupes, de classes sociales, d’ouvriers, de jeunes, de femmes, d’électeurs,
etc., auxquels nous ont habitués aussi bien les sciences sociales que les
nombreuses données chiffrées qui circulent aujourd’hui sur la société. Point
encore de ces personnes sans qualités que l’économie nomme des individus
et qui servent de support à des connaissances et à des préférences. Point non
plus de ces personnages grandeur nature que les formes les plus littéraires de
la sociologie, de l’histoire ou de l’anthropologie transportent dans l’espace du
savoir scientifique, au travers de témoignages souvent très semblables à ceux
que recueillent les journalistes ou que mettent en scène les romanciers. Pauvre
en groupe, en individus ou en personnages, cet ouvrage regorge en revanche
d’une multitude d’êtres qui, tantôt êtres humains tantôt choses, n’apparaissent
jamais sans que soit qualifiés en même temps l’état dans lequel ils interviennent.
C’est la relation entre ces états-personnes et ces états-choses, constitutive de ce
34
que nous appellerons plus loin une situation, qui fait l’objet de ce livre. »
Ce paragraphe, le premier de l’ouvrage, s’affranchit de toute construction préalable d’un
portrait sociologique opératoire et tente d’appréhender, non plus un individu ou un groupe,
mais des êtres. Latour fut le premier sociologue de style pragmatique à recourir à la
notion d’actant jugeant le terme d’acteur, habituellement utilisé dans sa discipline, trop
35
anthropomorphique . Il emprunte cette notion à Greimas et la définit pour une partie avec
les mots mêmes du sémioticien. C’est en 1990 que Boltanski reprend, à sa suite, la notion
d’actant et réintègre ainsi les figures du collectif, souvent délaissée selon lui, pour en faire
36
des entités à part entière .
Cependant, plus que l’ouverture vers le non-humain, le concept d’actant est, par là
même, repris dans son abstraction. En reprenant la dernière phrase de la citation faite
plus haut, on peut remarquer l’émergence du concept d’ « état ». Les propriétés ne sont
plus attachées en permanence à l’être mais se révèlent dans le cours de l’action, dans la
réalisation de l’épreuve. La notion d’actant permet donc à Boltanski et Thévenot de qualifier
37
le sujet de l’action sans pour autant déterminer son statut et son identité : les personnes
38
ne sont justement personne en dehors de leurs actions .

34
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 11.
35
LATOUR, 1984, op. cit . p.22.
36
BOLTANSKI, L., L'amour et la justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l'action, Paris : Métaillé, 1990, p. 266.
37
Le terme de « personne », emprunté à Strawson par les sociologues de style pragmatique, désigne, sans aucune
connotation psychologique, les gens engagés dans l’action avant qu’ils ne soient dotés de compétences cognitives ou morales et
qu’ils deviennent des « agents ». (STRAWSON, P., Les individus, Paris : Seuil, 1973.)
38
Cette considération fut la cible de nombreuses critiques décrivant un excès pragmatique et refusant l’incertitude et l’instabilité
sous-tendues par la notion d’état et l’argument de non-attachement. Dans La condition fœtale (BOLTANSKI, L., La condition fœtale,
Paris : Gallimard, 2004), Boltanski revient alors sur sa position et concède une identité personnelle fixe aux personnes, identité qui se
manifeste par des désignateurs rigides tels que le nom et qui nous permet de les identifier et les ré-identifier quant elles passent d’un
monde à l’autre. Nous verrons par la suite que cette critique et cette correction ne mettent pas en péril nos considérations.

20

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

« De fait, en recourant au concept d’actant, on évite de surcroît d’assigner aux


acteurs des rôles, statuts ou fonctions tout comme on refuse de les inscrire dans
une position sociale, une structure de classe ou une quelconque hiérarchie de
39
classe. »
La notion d’actant valide, pour l’instant, une certaine compatibilité entre analyse narrative
et sociologie pragmatique. D’un pôle à l’autre, les êtres (humains ou non-humains) sont
appréhendables au prisme d’un discours particulier, d’une action de qualification opérée par
d’autres personnes ou par eux-mêmes.

I. 1. 2. L’axiologie
La sociologie pragmatique se déploie, entre autres, avec le « Groupe de Sociologie Politique
et Morale ». Le nom de ce groupe et, plus particulièrement, le terme « moral » qui y figure,
permet de s’interroger sur la place de l’axiologie dans ses préoccupations et, toujours dans
notre logique de recherche de compatibilité, dans celles de la sémiotique greimassienne.
Nous employons, ici, le terme d’axiologie dans le sens que Greimas lui donne, c'est-à-dire
comme le mode d’existence paradigmatique des valeurs (Greimas/Courtés 1979 p. 26), et
non comme une branche de la philosophie.
Forts de cette précaution terminologique et des considérations précédentes sur la
40
notion d’actant, considérons l’extrait d’un article portant sur le mariage de Nicolas et Carla
Sarkozy : « Il [Nicolas Sarkozy] a toujours eu beaucoup de considération pour elle
[Cécilia Attias ex-Sarkozy] et tenait à ce qu’elle apprenne la nouvelle avant la presse
[4 jours avant le mariage ]. Un contrat de mariage a été signé entre les époux, préparé
comme Closer vous l’avait annoncé il y a quelques semaines, par l’avocat de la
41
chanteuse [Carla Bruni-Sarkozy], venu exprès de Suisse. » Dans cet extrait , nous
repérons les actants de narration : sujet, objet et Destinateur, manifestés dans le récit, entre
autres, par les acteurs : Cécilia Attias, le mariage, Nicolas Sarkozy. Mais, nous pouvons
aussi remarquer les traces (explicites) de l’énonciation par les termes « Closer » ou
« vous ». Si nous nous attardons quelques instants sur l’axiologie de cet extrait, nous
remarquons que le narrateur informe l’action (faire-savoir) du destinateur (Nicolas Sarkozy)
par les modalités axiologiques que ce Destinateur attribue au sujet (Cécilia Attias) et à l’anti-
sujet (la presse) par rapport à l’objet (la nouvelle du mariage). Sur l’échelle des valeurs,
42
Cécilia Attias est portée par une grandeur plus forte que la presse. Pourtant, cet
ordre est sanctionné négativement par le narrateur qui indique que la presse (l’anti-sujet) le
savait et l’avait annoncé bien avant que Cécilia Attias (le sujet) ne l’apprenne : le narrateur
contredit ainsi la valeur que le Destinateur donne à son action. Dans le vocabulaire de Louis
43
Hébert , nous parlerons d’évaluations d’assomption et de référence. La première révèle
le classement des valeurs qui justifie le faire et ordonne l’être des actants de narration,
39
NACHI, 2006, op. cit. p. 52.
40
Closer 139.
41
Nous nous servons de cet extrait pour servir une présentation théorique de l’axiologie dans la sémiotique narrative et non
en vue d’une analyse exhaustive et complète : certains raccourcis ont donc été fait par soucis d’éviter des explications qui viendront
dans la suite de cet écrit.
42
Le terme de grandeur est un terme issu de la sociologie pragmatique. Il est un principe d’évaluation qui « définit la qualité
des êtres qui se révèle dans des épreuves dont la mise en œuvre repose sur la qualification » (Nachi 2006 p. 62)
43
HEBERT, L., « L’analyse thymique », HEBERT, L. (dir.), Signo, 2006, [en ligne : http://www.signosemio.com]

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la seconde permet au narrateur de sanctionner les actants de narration et d’infirmer ou


confirmer l’évaluation d’assomption : le narrateur, dans ce cas là, devient le juge de la
conformité des actions par rapport à l’axiologie de référence engagée par le Destinateur
du schéma narratif.
Dans notre étude, le corpus est un ensemble de récits médiatiques dont la prétention
est de rendre compte d’évènements, de faits et de portraits a priori extérieurs au récit.
Pourtant, on ne peut ignorer le rapport du sujet de l’énonciation aux signes qu’il choisit
d’utiliser. Les valeurs, que les actants de narration investissent ou dont ils se voient investis
dans le récit, sont avant tout des valeurs que le narrateur décide de signifier pour les
mettre en perspective avec les siennes. Si nous revenons à ce que nous formulions comme
un « découpage de découpage », on comprend que l’axiologie, avant d’être comprise et
investie par le chercheur pour dévoiler le sens, investit le premier niveau de découpage, qui
est, du côté de la sémiotique narrative, celui du narrateur, même si le récit donne l’illusion
que les actants de narration détiennent leurs valeurs propres. Si nous reprenons notre
exemple, on remarque que Nicolas Sarkozy détient un système de valeurs différent de celui
du narrateur, en d’autres termes que l’évaluation d’assomption diffère de celle de référence.
Or, le narrateur conclut en contredisant la valeur que Nicolas Sarkozy avait investie dans son
faire ; il le met ainsi en échec. Pourtant, cet échec reste illusoire puisque c’est le narrateur
qui a investit Nicolas Sarkozy d’une telle échelle de valeur bien que le lecteur puisse avoir
l’illusion que ce n’est pas le cas.
« Pour faire parler d’autres forces, il suffit de les disposer devant celui à qui l’on
parle de sorte qu’il croit déchiffrer ce qu’elles disent et non pas écouter ce que
44
vous prétendez qu’elles disent. »
Du côté de la sociologie pragmatique, le premier niveau est celui de l’acteur, qui, dans
des scènes ou des discours particuliers, mobilise des échelles de valeurs pour justifier ses
actions, qualifier les êtres qui l’entourent et finalement « peupler le monde pertinent
45
» . Dans cette logique, Nachi présente le projet de Boltanski et Thévenot comme une
« contribution originale visant à poser, à nouveaux frais, les bases d’une sociologie
46
morale » . En investissant les épreuves de qualification, d’engagement, de jugement, de
critique et de justice telles qu’elles sont accomplies par les acteurs en situation, le chercheur
ouvre alors son étude à une dimension normative. Boltanski développe un exemple dans
47
L’amour et la justice comme compétences . Il y décrit une situation a priori
simple : le déroulement d’un repas avec un nombre important de convives. Dans cette
situation se pose la question de l’ordre du service. Qui seront les premiers servis et qui
seront les derniers, le nombre de convives empêchant une relative simultanéité ? Boltanski
propose alors trois possibilités : un service régi par un ordre spatial, un service ordonné
par l’âge des convives ou un service selon les positions hiérarchiques. Ces trois possibilités
ne se veulent pas exhaustives (on pourrait y rajouter, par exemple, le service dans un
ordre genré) mais prouvent la pluralité des registres d’accord qui peut exister dans une
scène ordinaire. De cet exemple, Boltanski déduit que « pour que la scène se déroule
harmonieusement, sans litige ni scandale, il faut que les participants soient d’accord
sur la grandeur relative des personnes mise en valeur par l’ordre du service. Or,
cet accord sur l’ordre des grandeurs suppose un accord plus fondamental sur un
44
LATOUR, 1984. op. cit. p. 219.
45
DODIER, N., « Agir dans plusieurs mondes », Critique , 529-530, Paris : Ed. De Minuit, 1991, p. 438.
46
NACHI, 2006, op. cit. p. 21.
47
BOLTANSKI, 1990, op. cit. p. 78-84.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

principe d’équivalence par rapport auquel peut-être établie la grandeur relative des
48
êtres en présence » . L’accord sur un principe d’équivalence nécessite une définition
commune de ce qui fait la valeur des choses et des personnes et donc un agencement juste
et justifiable. Le sociologue cherche donc les motifs moraux sur lesquels les acteurs pris
dans la situation s’entendent ou se disputent, pour enfin mettre à jour une architecture qui
permet de comprendre comment les personnes passent d’une circonstance particulière à
une action, et ce, en adéquation avec la situation. Or, ce sont les motifs moraux et les valeurs
investies dans les êtres qui font exister l’action, objet de cette sociologie pragmatique, ou qui
font exister le récit, objet de la sémiotique greimassienne. Le troisième principe, qui définit
la notion d’épreuve, va nous permettre d’étendre cette considération.

I. 1. 3. L’épreuve
La notion d’épreuve est présente dans la sociologie pragmatique comme dans la sémiotique
greimassienne. Cependant, ses emplois revêtent des caractéristiques très différentes. Si,
dans le vocabulaire greimassien, l’épreuve est un changement d’état particulier, elle est une
possibilité de changement d’état dans celui de Boltanski et Thévenot. Cette notion dévoile
donc, dès ses premières évocations, un lien étroit avec une vision syntagmatique de l’action.
Selon Boltanski et Thévenot, l’épreuve englobe, à la fois, les opérations de qualification
et de détermination des êtres et celles de négociations et de formations d’accord entre
les personnes. Imaginons deux enfants qui souhaitent s’échanger des billes : toutes les
opérations par lesquelles ils vont passer, avant de rendre effectif l’échange, constituent
l’épreuve : opération de qualification des valeurs des différentes billes, formation d’un accord
sur ces valeurs, opération de détermination d’un échange juste, la réalisation de cette
épreuve pouvant être ponctuée par des disputes, dénonciations, etc. L’épreuve investit
donc ce « moment d’incertitude et d’indétermination au cours duquel se révèlent,
49
dans le flux de l’action, les forces en présence » suivi par des opérations d’accord
(légitime ou forcé) sur les qualifications et attributions des états des êtres, réglant alors le
moment d’incertitude. La notion d’épreuve rompt donc définitivement avec une conception
déterministe de l’action, qu’elle soit fondée sur la toute-puissance des structures ou sur
la domination des normes intériorisées : elle sous-tend l’idée d’« un acteur libre de
ses mouvements, capable d’ajuster son action aux situations et, par conséquent
50
d’avoir une prise sur le monde dans lequel il s’enracine » . Finalement, l’épreuve
consiste en ce moment où se construit la situation en attribuant aux êtres et aux choses
des états et des valeurs. Ces opérations de qualifications et d’accords permettront plus loin
la réalisation et la définition de l’action. L’épreuve prend donc sens dans sa relation avec
l’action mais demande au préalable d’interroger la dimension cognitive qu’elle sous-tend.
En effet, pour dépasser le moment d’incertitude, le sujet doit détenir une certaine capacité
cognitive, c'est-à-dire mobiliser des équipements mentaux spécifiques et mettre en place
un système de valeurs. Une question s’impose ici : retrouvons-nous une telle considération
dans les théories greimassiennes, c'est-à-dire une propriété cognitive qualifiant le détenteur
du système axiologique ?
L’organisation syntaxique du récit est définie, entre autres, à partir de la dichotomie
pragmatique/cognitif. Cette dichotomie permet de distinguer deux types d’acteur : l’acteur
48
Ibid. p. 79.
49
NACHI, 2006. op. cit. p. 57.
50
Ibid. p. 56.

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cognitif et l’acteur pragmatique. Or, c’est justement l’acteur cognitif qui nous intéresse ici, en
tant qu’il est celui capable d’éprouver. Cette dichotomie n’intervient pas comme une nouvelle
variable qui distinguerait, au niveau profond, les actants, mais se saisit dans la convergence
du modèle actantiel et du modèle constitutionnel, c'est-à-dire lorsque les actants sont
manifestés et rattachés à un faire et un être particuliers. L’acteur cognitif est présenté comme
le détenteur du système axiologique du récit ; la dimension cognitive ne changeant pas
l’action mais la valeur de l’action. Il agit sur le mode du croire et/ou du savoir. A l’inverse,
l’acteur pragmatique agit sur l’effectivité d’une conjonction ou d’une disjonction. Le faire des
deux enfants souhaitant s’échanger des billes investit la dimension cognitive du récit lorsqu’il
s’agit d’établir un système de valeurs des objets concernés, puis la dimension pragmatique
par la réalisation de l’échange (c'est-à-dire leurs conjonctions et leurs disjonctions avec les
billes). Dans cet exemple, les enfants sont dotés d’un savoir ou d’un croire (sur la valeur des
objets et des sujets), il y a donc syncrétisme entre le sujet pragmatique et le sujet cognitif. Si
ces deux mêmes enfants avaient demandé l’avis d’un de leurs parents quant à la justesse
de l’échange et donc quant aux valeurs investies dans l’objet, ce parent aurait eu le rôle
d’informateur, les enfants étant alors privés de leur compétence cognitive et n’étant plus
maîtres de l’épreuve. L’informateur est un sujet cognitif autonome ; il modifie uniquement
les valeurs descriptives de l’objet. Si celui-ci influait, de plus, sur les valeurs modales de
l’action, nous parlerions alors d’un Destinateur, c'est-à-dire celui qui fait faire et qui fait être.
Dans la structure narrative, nous pouvons trouver deux types de destinateur qui suivent le
dédoublement de l’énoncé, opéré par Joseph Courtés: l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé
(qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée (qui est la façon de présenter ce narré)
51
. Ainsi, dans le récit, il y a le destinateur pris dans l’énonciation-énoncée et celui pris dans
52
l’énoncé-énoncé. Dans cette logique, le producteur du discours est un destinateur . Ce
destinateur, présupposé logiquement par l’énoncé, peut déléguer une partie du système
53
axiologique à un Destinateur qu’il installe dans le récit, cette configuration permettra alors
54
au chercheur de confronter évaluation d’assomption et évaluation de référence . Au sein
du schéma narratif, le Destinateur constitue une instance actantielle ; il communique au
Destinataire-sujet non seulement les éléments de la compétence modale, mais aussi les
valeurs en jeu. Parce que le Destinateur intervient dans la dimension cognitive du fait qu’il
fait-faire (ou être) et que le Destinataire-sujet fait (ou est), agissant alors sur la dimension
pragmatique, leur communication est asymétrique et se rapproche de celle existant entre
un sujet et un objet. Le Destinateur peut investir le schéma narratif à deux moments. Il
peut être à l’origine de la performance (Destinateur-manipulateur) mais peut aussi produire
une sanction, portant un jugement épistémique sur la performance et rétribuant le sujet
(Destinateur-judicateur).
51
COURTES, J., Analyse sémiotique du discours : de l'énoncé à l'énonciation, Paris : Hachette supérieur, 1991, p. 246.
52
Si la présence de ce destinateur est implicite, nous parlerons d’énonciateur, si elle est explicite (reconnaissable dans le récit
par un « je », un « ici » ou un « maintenant »), nous traiterons alors d’un narrateur, tandis que si elle est simulée (avec l’utilisation
du dialogue, par exemple), nous serons en présence d’un interlocuteur. Cette répartition est valable de la même façon pour celui
qui reçoit le discours, dénommé alors, respectivement, énonciataire, narrataire ou interlocutaire. Cependant, si dans un soucis de
distinction entre celui qui produit et celui qui reçoit, nous les catégorisons rapidement comme cela, il est important de souligner que
le destinateur et le destinataire sont tous deux producteurs de discours : « la lecture étant un acte de langage (un acte de signifier)
au même titre que la production du discours proprement dite » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 125).
53
Désignant un actant de narration, le terme Destinateur sera écrit avec une majuscule tandis que la présence de la minuscule
le signifiera comme actant de communication. Cette distinction typographique (instaurée par Greimas) permet de saisir immédiatement
de quel type de destinateur nous traitons.
54
HEBERT, 2006. op. cit.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

La définition de l’épreuve rejoint donc directement le principe précédent sur l’axiologie.


Subsiste cependant la question de l’humain et du non-humain. Si, pour la sociologie
pragmatique, l’acteur éprouvant est toujours un individu physique ou moral, ce n’est pas
toujours le cas dans la sémiotique narrative. Le producteur du discours peut déléguer une
partie (ou l’intégralité) du système axiologique autant à un humain qu’à un non-humain.
N’importe quel être peut faire preuve de capacités cognitives dans les récits tant que
l’énonciateur lui attribue telle compétence, peu importe que cette capacité soit effective dans
la réalité (dans les fables de Jean De La Fontaine, les acteurs cognitifs sont, par exemple,
des animaux). Le Destinateur peut donc être manifesté par n’importe quelle représentation
figurative ou non-figurative du moment où l’énonciateur la définit comme ayant une fonction
55
de manipulation ou de sanction et détenant un savoir ou un « croire » .
Ainsi, l’épreuve, telle qu’elle est définie par la sociologie pragmatique, questionne la
dichotomie pragmatique/cognitif et met en avant une compétence et un faire cognitif que
nous retrouvons, dans la sémiotique greimassienne, sous les traits de certains acteurs.
Lorsqu’ils détiennent une partie du système axiologique, ceux-ci manipulent les valeurs
investies dans les objets, valeurs servant de référent interne au faire pragmatique.
Cela étant précisé, nous revenons sur les notions de compétence et de performance,
pour analyser le lien entre le concept d’épreuve et celui de l’action.

I. 1. 4. Compétence et Performance

[Figure : L'action comme continu.]


Dans Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage , Greimas
et Courtés montrent que les définitions qu’ils font des notions de compétence et de
performance sont directement inspirées de celles établies par Noam Chomsky (1971) mais
56
dont ils exposent cependant les limites face à un enjeu narratif . En effet, si Chomsky
pense la compétence et la performance linguistique, Greimas et Courtés indiquent que cette
considération est un cas particulier d’un phénomène plus large, ce qui les conduit à infléchir

55
Dans notre corpus, nous verrons que la presse people attribue ce rôle à des objets, tels que les astres, la forme du visage
ou la forme de l’écriture.
56
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 52-55 et 270-272.

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57
la définition que fait Chomsky . Pour ce dernier, la compétence est une connaissance
intuitive de la langue, c’est un système de règles intériorisées qui permet alors aux sujets
parlant d’engendrer (produire ou recevoir) un nombre infini de phrases. Ce concept révèle
un savoir mais rejette toute référence à son utilisation, car celle-ci relève, à son sens,
du faire et donc de la performance. Or, pour Greimas et Courtés, « la compétence est
58
un savoir-faire, elle est ce quelque chose qui rend possible le faire » . Ils ouvrent
ainsi les frontières de la définition chomskyenne de performance pour y insérer sa relation
à la compétence. En intégrant les règles d’usage comme relevant de la compétence, ils
permettent à sa dénomination générique d’être rapprochée de la problématique de l’action.
Cet élargissement du prisme refuse la dichotomie fondatrice des notions de compétence et
59
de performance et les dévoile dans une logique de présuppositions . Greimas et Courtés
différencient alors la compétence modale de la compétence sémantique et la performance
dont l’objet est l’acquisition des valeurs modales de celle caractérisée par l’acquisition et la
production des valeurs descriptives, ce sur quoi nous reviendrons dans l’étude du prochain
principe. Plus loin, leur travail de relecture des théories chomskyennes et leur intérêt tourné
vers le récit les conduit à envisager une performance dite narrative qui s’identifie par le
syncrétisme du sujet de faire et du sujet d’état, c’est-à-dire quand les deux rôles syntaxiques
de S1 (sujet de faire) et de S2 (sujet d’état) sont pris en charge par un même acteur.
Dans l’ouvrage qu’il consacre à la sociologie pragmatique, Nachi retrace l’origine
des concepts utilisés par Boltanski et Thévenot dont il attribue l’inspiration de celui de
compétence à Chomsky. Ces auteurs introduisent les mêmes nuances que Greimas en
établissant une acception plus large de la compétence, allant au-delà de la compétence
60
linguistique :
« L’identification suppose une compétence parce qu’elle ne peut être réduite
à la projection hors de soi d’une intentionnalité. Elle ne dépend pas de la pure
subjectivité du sujet, qui ne constitue pas le sens de la scène par le regard
qu’il porte sur elle. Comment les personnes pourraient-elles se mettre dans
la disposition requise et orienter leur regard dans le sens voulu, comment
pourraient-elles même viser un ordre parmi la multiplicité chaotique des
rapprochements possibles si elles n’étaient pas guidées par des principes de
cohérence, présents non seulement en elles-mêmes, sous la forme de schèmes
mentaux, mais aussi dans la disposition des êtres à portée, objets, personnes,
61
dispositifs pré-agencés, etc. ? »
Ainsi, plus que la compétence linguistique définie par Chomsky, Boltanski et Thévenot
apportent à la définition générique le cas particulier de la compétence morale ; une
compétence qui ne se réduit pas au sens moral mais qui comprend la capacité à
« reconnaître la nature de la situation et de mettre en œuvre le principe de justice qui

57
CHOMSKY, N., Aspect de la théorie syntaxique , Paris : Seuil. 1971.
58
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 53.
59
La présupposition est ici, unilatérale. Voir figure 2. « Le faire performateur du sujet implique au préalable une compétence
du faire » (GREIMAS, 1983, op. cit. p. 53.)
60
D’ailleurs, Nachi reproduit, dans un encart, la présentation et les critiques que Greimas et Courtès font de la perspective
chomskyenne dans Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, 1993.
61
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.181-182.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

62
lui correspond » . Construite sur des contraintes conventionnelles, liée à un savoir tacite,
mais aussi psychologique et contextuel, la compétence est toujours pensée à partir de sa
mise en œuvre et du faire qui la présuppose.

I. 1. 5. Du programme narratif à l’action


La sociologie pragmatique est avant tout une sociologie de l’action, elle prétend
rendre compte des conduites humaines en insistant sur les différentes logiques d’action
empruntées par les acteurs. Parallèlement, la sémiotique narrative analyse des actions
narrées pour, enfin, « reconnaître les stéréotypes des activités humaines et de
63
construire des modèles typologiques et syntagmatiques qui en rendent compte » .
L’action est donc au cœur des deux théories exposées ici. Or, dans chacun de ces courants,
il s’agit à la fois d’un terme intégré et intégrateur, c'est-à-dire que l’action est à la fois pensée
comme englobante et englobée, ce qui rend sa définition complexe.

[Figure : Les 2 formes du Programme Narratif (PN)]


Comme évoqué plus haut, la notion d’actant permet d’appréhender des déterminations
qui ne sont pas attachées en permanence à l’être. Dans cette logique, Boltanski et
Thévenot ont pu introduire le concept d’ « état » qu’ils définissent comme une propriété
qui se révèle dans la réalisation de l’épreuve. Leur modèle suppose que les êtres
soient susceptibles d’occuper tous les états dans une situation. Nous retrouvons, dans la
sémiotique greimassienne, et ce de manière centrale, la question de transformation d’états,
le discours narratif étant lui-même défini comme « une suite d’états, précédés ou suivis
62
Ibid. p. 183.
63
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 8.

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64 65
de transformations » . Or la représentation de la relation entre états et transformation
est rendue possible par le programme narratif (PN) qui est un enchaînement réglé
subsumant un sujet d’état en relation de conjonction (ou de disjonction) avec un objet et un
sujet de faire en relation avec une performance qu’il réalise. La jonction avec l’objet concerne
un sujet d’état, qui subit la transformation, alors que le processus de transformation,
constituant le faire et rendant compte de ce qui se passe lors du passage d’un état à un
autre, se réfère à un sujet de faire. Prenons pour exemple la phrase « Un passant se fait
dérober son portefeuille» : le sujet d’état est le passant qui est disjoint de son portefeuille.
Le sujet de faire est le voleur. A l’inverse, si nous focalisons cette histoire sur le voleur, la
phrase devient « Un homme dérobe le portefeuille d’un passant ». Le voleur est, ici, à la
fois sujet de faire (il vole) et sujet d’état (il est conjoint au portefeuille), le passant prend
alors la fonction d’anti-sujet. Dans le premier cas, le sujet d’état et le sujet de faire sont
représentés par deux acteurs différents. Dans le second, il y a syncrétisme entre sujet de
faire et sujet d’état, nous sommes ainsi dans la configuration de ce que Greimas désigne
comme performance.
Le programme narratif se comprend donc comme la confrontation d’une transformation
et des états entre lesquels se dessine le passage. Or, le PN peut investir différentes natures :
il peut représenter une compétence ou une performance. Dans la logique de présupposition
qui fonde les définitions de ces deux termes, il nous faut considérer que si le PN dévoile
une performance, il est possible que celui-ci présuppose un autre PN qui mettrait alors
en scène la compétence. Dans cette configuration, nous serions face à un programme
narratif dit complexe, constitué d’un PN de base (performance) et d’un ou de plusieurs
PN d’usage (compétences) ; le PN d’usage étant nécessaire à la réalisation du PN de
66
base . La qualification du PN peut différer selon deux critères essentiels : celui de la
valeur investie (valeur modales ou descriptives) et de la nature des sujets d’état et de faire
(manifestés par deux acteurs différents ou par un seul). Lorsqu’il y a syncrétisme du sujet
d’état et du sujet de faire et que la valeur investie est descriptive, nous sommes dans le cas
d’une performance. Les autres possibilités révèlent une compétence. Or, c’est justement
l’ensemble des réalisations définissant les PN d’usages qui constitue l’épreuve, au sens que
Boltanski et Thévenot lui donnent, et qui sont des points de passage obligé à la réalisation de
67
la performance, réglant les moments d’incertitudes préalables . Les PN d’usages peuvent
donc investir l’acquisition ou l’attribution de valeurs modales (pouvoir, savoir, devoir, vouloir)
et l’attribution de valeurs descriptives.
Finalement, l’action intègre à la fois la compétence et le faire qu’elle questionne et
entraîne ; elle est l’ensemble des suites d’état et de transformations qui s’enchaînent sur
la base de la relation entre un sujet et un objet et de sa transformation. Cependant, si
sa manifestation (ou sa contextualisation) est évidente dans les études de la sociologie
pragmatique, il est important de souligner que, dans le cadre de la sémiotique narrative,
64
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 134.
65
Nous préciserons plus tard la définition du terme « transformation ». Pour l’instant, nous le comprendrons simplement comme
le passage d’un état à un autre.
66
Si une performance présuppose une compétence, la présupposition est unilatérale et n’est donc pas valide dans l’autre
sens : une compétence ne suppose pas une performance. La présupposition n’est pas toujours manifestée dans le récit. En effet, tout
PN « performance » n’est pas obligatoirement pris dans un PN complexe : car, pour que cela soit le cas, il faut que la compétence
présupposée soit installée dans le récit comme une réalisation (c'est-à-dire représentable par un programme narratif) et non pas
simplement comme un état.
67
Les PN d’usage constituent l’épreuve mais pas seulement, comme nous le verrons dans la suite de cet écrit.

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le programme narratif (complexe ou simple) doit être converti pour représenter l’action ; il
doit être « habillé, le sujet y étant représenté par un acteur et le faire converti en
68
procès », c'est-à-dire qu’il doit être manifesté .

I. 1. 6. Le parcours narratif et le schéma narratif pour penser l’action.


L’action n’est pas simplement un terme intégrateur, elle est aussi un terme intégré. Si l’on
suit les théories greimassiennes, nous pouvons comprendre que celle-ci se trouve englobée
dans deux ensembles différents mais dérivés l’un de l’autre : le parcours narratif et le schéma
narratif.
69
Le parcours narratif est une suite hypotaxique de programmes narratifs simples
ou complexes, focalisée sur un actant. Il met en scène différents programmes narratifs
en les ordonnant selon un enchainement logique où chaque PN est présupposé par un
autre PN présupposant. Par ailleurs, nous pouvons comprendre le schéma narratif comme
une structure dans laquelle peut être resituée l’action. Ce schéma se construit à travers
le caractère polémique d’un récit et suppose une direction. Si le voleur est conjoint du
portefeuille, le passant est implicitement disjoint de ce même portefeuille. Deux parcours
narratifs se construisent parallèlement mais dans des directions opposées : celui du sujet
et de l’anti-sujet. On comprend ici le lien entre parcours narratif et schéma narratif. En
effet, le second est une structure de niveau supérieur qui permet de confronter et de lier
différents parcours narratifs pour finalement ordonner le récit. Plus loin, il permet d’englober
et de distinguer trois éléments : les parcours narratifs du sujet et de l’anti-sujet mais
aussi le parcours narratif du Destinateur-manipulateur et celui du Destinateur-judicateur.
En effet, « le parcours narratif du sujet, qui semble constituer le noyau du schéma
narratif, est encadré des deux cotés par une instance transcendante où siège le
Destinateur, chargé de manipuler et de sanctionner le sujet (…), considéré alors
70
comme destinataire » .
Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, l’action peut être représentée par
le programme narratif en tant que celui-ci montre un procès ordonnant compétence et
performance. Ici, nous retrouvons l’action comme terme intégrateur.
Parallèlement, l’action peut être représentée dans le schéma narratif en tant que celui-
ci la place dans une relation de présupposition entre la sanction et la manipulation. La
manipulation, en sémiotique, n’a pas de connotation négative ou positive : elle fait-faire en
influençant un pouvoir-faire ou un vouloir-faire. La manipulation est le fait d’un Destinateur-
manipulateur (ou Destinateur-initial) qui exerce sa manipulation sur le Destinataire-sujet.
A l’autre bout du schéma, nous retrouvons la sanction, terme qui a remplacé « l’épreuve
glorifiante » de Propp afin d’éviter le caractère positif d’une telle expression et donc la
confusion. Cette sanction peut être pragmatique et/ou cognitive et plus loin, positive ou
négative ; elle est le fait d’un Destinateur-judicateur (ou Destinateur-final). Pour qu’il y
ait sanction ou manipulation, il ne doit pas y avoir de syncrétisme entre sujet de faire
et sujet d’état autrement nous nous trouverions face à une performance comme dans le
cas de l’orgueil ou de l’auto-motivation. Nous comprenons, avec le schéma narratif, que

68
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 56. (Nous retrouvons ici ce que nous avons dit plus tôt sur le récit et l’action
qui y est installé comme procès).
69
Une relation hypotaxique installe un rapport de présupposition unilatérale entre deux éléments.
70
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 246.

29

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l’action, bien que liée à la sanction et la manipulation, s’arrête quand commencent ces deux
composantes. Ainsi, ici, nous considérons l’action comme terme intégré.

[Figure : L'action chez Greimas : continu et discrétion.]


Après avoir pensé le schéma narratif et le parcours narratif, il nous faut comprendre
que cette troisième structure, celle du parcours narratif, traverse le schéma ci-dessus et
appréhende l’action à la fois dans sa continuité et sa discrétion. En se focalisant sur un
actant (le sujet, l’anti-sujet, le Destinateur, etc.), cette structure met en scène l’action mais
la dépasse par là même en considérant la manipulation et la sanction. Finalement, n’est-ce
pas autour de cette troisième structure que nous retrouvons la sociologie pragmatique ? En
effet, ces sociologues suivent les acteurs dans le cours de l’action… Ne déploient-ils pas
plusieurs parcours narratifs pour finalement définir l’action telle qu’elle se fait ? Que ce soit
le travail de Callon qui suit trois scientifiques dans leur constitution d’un savoir scientifique
71
sur la coquille Saint-Jacques , celui de Thévenot qui s’intéresse aux différents régimes de
coordination qu’une personne peut mobiliser pour définir son action ou celui de Boltanski
qui analyse les discours des femmes ayant eu recours à l’avortement pour comprendre la
question de l’engendrement, on comprend que l’action est saisie dans la confrontation de
différents récits de l’action où chaque acteur dresse son propre parcours narratif et celui
des autres êtres engagés dans l’action.
Mais comment considérer et traduire les intérêts de Greimas sur la sanction et la
manipulation dans l’approche de la sociologie pragmatique ? C’est dans l’étude de notre
dernier principe, la clôture de l’action, que nous pourrons résoudre cette question et achever
de mettre en évidence la compatibilité des approches sémiotique et sociologique que nous
mobilisons.

71
CALLON, M., «Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins
pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. », Année Sociologique, 26, 1986. p. 169-208.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

I. 1. 7. De la clôture du récit à la logique de parcours et de


déplacement.
72
Le récit doit être considéré comme un « système de signes clos sur lui-même » .
Si l’on revient aux schémas sur l’action précédemment exposés, on se rend compte que
le récit ne peut être pensé que dans sa clôture car son organisation est recomposée
par présuppositions : la sanction présuppose l’action qui présuppose la manipulation. Au
sein même de l’action, on remarque que la performance présuppose la compétence. La
succession des étapes y est interprétée à partir d’un ordre logique à rebours.
« Le sens du récit est dans l'arrangement même des éléments ; le sens consiste
dans le pouvoir du tout d'intégrer des sous-unités; inversement, le sens d'un
élément est sa capacité à entrer en relation avec d'autres éléments et avec le
tout de l'œuvre; ces postulats ensemble définissent la clôture du récit, la tâche
de l'analyse structurale consistera alors à procéder à la segmentation (aspect
horizontal), puis à établir les divers niveaux d'intégration des parties dans le tout
73
(aspect hiérarchique). »
Or, c’est précisément par cette considération que Dodier commence son article intitulé
« Représenter ses actions » en indiquant que chaque parole, texte ou inscription sur une
action par l’acteur instaure une rupture dans le déroulement de l’action, ce qui la clôt en tant
qu’elle n’est plus ouverte sur l’avenir. La sociologie pragmatique appréhende ainsi l’action
dans la manière où l’acteur la représente, la construit, la signifie, c'est-à-dire au moment où il
74
la clôt, la met en intrigue et donc la configure en récit . Dans son dernier ouvrage, Thévenot
suit la même logique et dévoile que la définition de l’action est sans cesse renégociée en son
cours et que sa définition finale est liée à l’épreuve de son accomplissement, dans son échec
75
ou sa réussite . Il prend l’exemple de sa fille qui renégocie une randonnée en montagne en
une simple contemplation de la vue, car prise de vertige, elle redescendra en téléphérique à
76
peine arrivée en haut par le même moyen de transport . On comprend ici que l’identification
de l’action ne peut se saisir que dans la clôture de celle-ci : le jugement de l’acteur sur son
action étant partie prenante de l’action. Les sociologues de style pragmatique s’intéressent
aux acteurs jugeant leurs propres actions. Il y a, dans l’exemple de Thévenot, syncrétisme
entre sujet et destinateur, ce qui nous empêche de considérer cela comme une sanction
dans l’approche narrative : nous restons dans le cas d’une performance. Cependant, on
entrevoit que le jugement de l’acteur sur son action est pris dans une référence à un cadre
plus large, ici la circonstance, voire le vertige. Finalement, c’est la « façon dont la réalité
est sélectionnée et mise en forme en sorte qu’elle soit qualifiée pour le jugement
77
» qui importe ici, mais cette réalité qu’elle soit circonstancielle, institutionnelle ou morale
investit la fonction de Destinateur en tant qu’elle influence un pouvoir-faire ou un vouloir-
faire et/ou sanctionne l’action ou l’être de l’action.

72
LITS, M., Du récit au récit médiatique, Bruxelles : Ed. De Boeck, 2008, p. 56.
73
RICŒUR, P., Temps et récit. Tome I: L'intrigue et le récit historique, Paris : Le Seuil, 1983, p. 192.
74
DODIER, 1990. op. cit. p.115.
75
THEVENOT, 2006. op. cit . p. 100.
76
Ibid. p. 99-101.
77
THEVENOT, 2006. op. cit . p. 180.

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Enfin, la compatibilité entre sociologie pragmatique et sémiotique greimassienne que


nous avons cherché à éprouver tout au long de ce propos prend son sens dans la
considération du parcours narratif. En effet, à la compatibilité prouvée mais réduite,
symbolisée par les emprunts ou des considérations méthodologiques, vient s’ajouter celle
de la considération d’un parcours narratif où ce qui est appréhendé par le chercheur est
l’être sémiotique de l’actant, c'est-à-dire son statut, et sa position, qui n’est pas seulement
caractérisé par le dernier PN réalisé ou par la dernière valeur modale acquise mais par
l’ensemble du parcours effectué par cet actant.
L’épreuve, disions-nous, investit ce « moment d’incertitude et d’indétermination au
78
cours duquel se révèlent, dans le flux de l’action, les forces en présence » suivi
par des opérations d’accord sur les qualifications et attributions des états des êtres, réglant
alors le moment d’incertitude. Nous avons depuis appréhendé le fait que, autant du côté
de la sociologie pragmatique que de celui de la sémiotique narrative, l’axiologie est un
principe inéluctable qui permet de révéler les valeurs et les êtres moraux qui construisent
l’action. Enfin, dans l’étude des structures narratives du récit (programme narratif, schéma
narratif et parcours narratif), nous avons pu resituer l’action à la fois comme un continu et
comme une unité discrète. Cette appréhension de l’action nous a amenés à penser à la
fois la performance et la compétence qui la composent et la sanction et la manipulation
qui la ferment et la construisent. Or c’est dans ces deux dernières composantes que nous
retrouvons le concept d’axiologie et ce qu’il sous-tend. Et c’est avec celui-ci que nous
conclurons notre définition de l’épreuve. En effet, parce que l’épreuve est la possibilité d’un
changement d’état, elle est la compétence qui ordonne un pouvoir-faire et un savoir-faire.
Nous proposons ainsi le schéma récapitulatif suivant.

78
NACHI, 2006. op. cit. p. 57.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

79
Figure : L'action : continu et discrétion .
Pour que ce changement d’état soit possible, l’épreuve est aussi le moment de
qualification et de détermination des êtres et des états, ce qui passe à la fois par la
manipulation et la sanction qui construisent, conditionnent et dans sa continuité et dans sa
discrétion. Elle rejoint directement la structure du parcours narratif mise à jour par Greimas
dans sa manière de traverser l’action, mais pourtant elle se situe à un niveau plus spécifique
en tant qu’elle ne prend pas en compte la performance (qu’elle définit par la suite dans une
logique à rebours) et à un niveau plus large car elle n’est pas focalisée sur un actant mais
sur l’action.
L’action est donc au cœur de la sociologie pragmatique et de la sémiotique narrative.
Sa définition est construite au fil des ces pages avec le souci de saisir et d’intégrer
tous les éléments nécessaires à sa compréhension dans notre logique interdisciplinaire,
de l’éprouver au travers des deux approches théoriques que nous mobilisons pour
cette recherche. Exercice abstrait et pourtant primordial parce qu’il pose les principaux
points constitutifs de ces deux courants et de notre recherche, mais aussi parce qu’il
nous a permis de tracer la compatibilité entre sociologie pragmatique et sémiotique
greimassienne. Pourtant, ce premier chapitre qui pense la pertinence et la possibilité de
notre interdisciplinaire pour l’étude de la peopolisation ne peut se clore ici. Le fil que nous
avons commencé à dérouler pour aborder le processus de peopolisation doit justement
être rapproché de notre objet. Si nous nous apprêtons à resserrer nos considérations
autour de la peopolisation, l’exercice de reconstitution de la démarche des auteurs mobilisés
et d’explicitation de la manière dont ils posent les fondements de leurs approches et
dont nous nous les réapproprions, s’étendra à de nouveaux éléments qui interrogeront la
pertinence d’une telle considération interdisciplinaire au regard de notre objet et investiront
les critiques et le renouvellement de la sémiotique narrative, proposés par Greimas et
d’autres théoriciens.

I. 2. Le récit de la peopolisation : entre action et


narration
L’introduction de ce travail a permis de dresser un rapide inventaire de l’intérêt de
l’interdisciplinarité pour considérer, dans un deuxième temps, l’action telle qu’elle est pensée
en sociologie pragmatique et sémiotique narrative et telle que nous pouvons l’intégrer
à notre démarche interdisciplinaire. Notre propos s’attachera désormais à comprendre
comment le passage allant de l’une à l’autre référence théorique est non seulement possible
mais invite, par là même, à considérer différemment la peopolisation, objet de notre étude.
En effet, nous avons pu entrevoir que le lien entre action et récit est important dans ces deux
courants théoriques. Il semble désormais nécessaire d’interroger la spécificité de notre objet
d’étude. Par notre problématique et notre corpus, nous nous intéressons aux récits issus
de la presse écrite qui mettent en scène la vie privée des hommes politiques, des récits qui
organisent et contribuent à la peopolisation du politique. La peopolisation se pose donc à la
frontière de l’action et de la narration : la désintrication du rapport entre énonciation, action
et récit semble donc être un travail que nous devons accomplir.
79
Ce schéma est le nôtre, né de la volonté de récapituler notre propos sur l’action comme terme intégré
et intégrateur, et ce dans la convergence de la sociologie pragmatique et de la sémiotique greimassienne.

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I. 2. 1. La peopolisation en train de se faire.


Le processus de peopolisation est au cœur de notre étude. Pourtant, nous refusons, à ce
stade de notre propos, de le définir précisément même s’il pourrait paraître contradictoire
de sans cesse le signer tout en refusant de le définir. Ce terme va pourtant largement
accompagner notre propos autant méthodologique qu’empirique et théorique : il est l’objet
de la recherche et le point de départ de notre écrit : nous partons ainsi de l’intuition d’un
objet en tension qui, au fil de la recherche, sera investi, défini et précisé. Cette position
s’inscrit dans une hypothèse de départ construite à partir des premières investigations de
80
notre corpus et des résultats d’une précédente recherche :
La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda politique,
signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements quant à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le
définir et de l’inscrire dans l’espace public français.
Mais parallèlement, cette position s’articule aux approches théoriques mobilisées,
sociologie pragmatique et sémiotique narrative, qui rejettent toutes deux la considération de
données qui ne seraient pas fournies par l’acteur ou le narrateur. Ainsi, avant d’appréhender
ce qu’implique la considération de la peopolisation, il nous faut comprendre l’implicite de
cette approche nous obligeant à ne considérer l’action qu’en train de se faire et en évacuant
toute dimension exogène de son explication.

I.2.1.1. L’immanence et la dialectique continu/discontinu


« Hors du texte, point de salut ! » En quelques mots, Greimas signe l’un des principes
fondateur de la sémiotique du discontinu : celui de l’immanence. Ce principe confine
les textes dans leurs logiques internes et les empêche d’accéder à une quelconque
détermination exogène.
Greimas distingue deux niveaux de représentations et d’analyses : un niveau de
manifestation soumis aux exigences spécifiques du langage choisi et un niveau immanent
où la narrativité se trouve située et organisée antérieurement à sa manifestation. Parce
que les structures narratives sont antérieures aux structures linguistiques du récit, il faut
comprendre son organisation comme une entité autonome, comme un tout de signification.
Or le projet de Greimas est justement destiné à explorer la narrativité comme un principe
organisateur de tout discours et libérée des formes linguistiques. Nul besoin, alors, de
situer l’univers sémantique de la manifestation (ordre culturel ou personnel) ; la signification
est contenue dans le texte et seulement dans le texte. Si le principe d’immanence ainsi
développé par Greimas se comprend facilement dans des interrogations autour d’un
discours, qu’en est-il des questions relatives à l’action de la sociologie pragmatique ?
L’originalité de la sociologie pragmatique et le tournant qu’elle amorce dès les années
1980 consistent en la transformation de la qualification de l’objet sociologique. L’action
n’est plus investie comme l’exécution d’un programme préexistant et intériorisé que seul le
sociologue saurait mettre à jour : l’intérêt consiste désormais à voir chaque action comme
un évènement particulier où l’acteur adopte une posture réflexive, cherchant à justifier
son faire ; le sociologue ne détenant pas une intelligibilité supérieure à celle de l’acteur.
L’émergence de la sociologie pragmatique doit ainsi se penser comme le passage d’une
80
GOEPFERT, E-M., « La médiatisation de la vie privée des hommes politiques.Une analyse de cas : La réconciliation de Cécilia et
Nicolas Sarkozy dans la presse écrite française. », Mémoire de Master 2, Sciences de l’information et de la communication, Université
Lyon 2, [En ligne : http://memsic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/33/49/43/PDF/mem_00000603.pdf ]

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

81
sociologie critique à une sociologie de la critique . Dodier, souhaitant présenter l’objet de
82
la sociologie pragmatique, opère une comparaison entre trois types de sociologues : le
premier, sociologue des champs, étudie la biographie de l’acteur, l’identifiant à partir de
catégories sociologiques, puis dévoile un portrait opératoire qui lui permet de dégager les
traits pertinents de l’action. Le second, sociologue des organisations, investit préalablement
les structures hiérarchique, fonctionnelle et relationnelle dans lesquelles se meut l’acteur,
pour enfin comprendre ses stratégies et ses jeux d’action au sein même de ces structures.
Enfin, le sociologue pragmatique ne vise aucune détermination exogène ; point de variable
explicative inconsciente et/ou extérieure à l’action. A partir des ressources utilisées par
l’acteur, il cherche à décrire l’action en train de se faire, l’acteur n’étant personne en dehors
de son action. Ce sociologue sacrifie les dimensions exogènes pour être attentif à la suite de
séquences, éprouvant différentes opérations de qualification, de critique et de justification
et définissant la situation. La sociologie pragmatique est donc construite dans une logique
immanente, c'est-à-dire à partir de principes explicatifs contenus dans l’action même ou
dans le discours de l’acteur sur l’action.
« Le contexte est comme l'éther des physiciens, c'est une hypothèse
83
superflue. »
Nous comprenons, ici, qu’autant du côté de la sociologie pragmatique que de la sémiotique
narrative, les êtres qui peuplent notre recherche ne peuvent être définis a priori. Mais qu’en
est-il de la peopolisation, ce tout qui englobe, construit et meut les êtres de cette étude ?
Le principe d’immanence répond à cela en posant la dialectique continu/discontinu. En
effet, il nous permet de penser un tout de signification dans lequel sont investies des unités
discrètes qui permettent de définir les déterminations de la peopolisation. Le discours (ou
l’action) est un continu présupposé qu’on ne saurait considérer sans investir l’univers du
84
discret qui le construit ; telle est la détermination de l’objet d’étude. Pourtant, parler de
continu et de discret pour identifier un objet, invite à se poser la question des frontières : où
commence et où s’arrête cet objet ? Faut-il appréhender un article d’une rubrique comme un
objet autonome, un tout de signification, ou, au contraire, le comprendre dans cet ensemble
qu’est la rubrique, voire même le numéro de la revue, et dont finalement l’article ne serait
qu’un élément constituant ? Faut-il considérer un changement d’état comme un tout de
signification ou le re-situer avec l’épreuve dans l’action et le concevoir finalement comme
une unité discrète permettant de signifier ce qui le subsume ? Cette question n’a de réponse
qu’au regard de la problématique du chercheur et de son renoncement du substantiel au
profit du relationnel. Ce qui est continu à un niveau ne l’est plus à un autre. Ainsi, (1) l’objet
d’étude – c'est-à-dire la peopolisation – est saisi selon une logique immanente : (2) il se
conçoit comme un continu présupposé, (3) constitué d’unités discrètes qu’il subsume (4)
sur lesquelles nous nous proposons de travailler (5) pour finalement accéder à l’intelligibilité
du continu.
Pour définir la peopolisation, il nous faut donc étudier et définir les unités qui la
composent. Pourtant, toujours dans cette logique immanente qui nie l’explication d’un objet
par des qualités exogènes, il faut comprendre que nous nous abstenons d’établir a priori
81
BENATOUÏL, T., « Critique et Pragmatique en sociologie. Quelques principes de lecture. », Annales HSS , 2, 1999, p.
281-317.
82
DODIER, 1991, op. cit. p. 436-441.
83
LATOUR, B., « Petite Philosophie de l’énonciation », Texto !, 2002, [en ligne : http://www.revue-texto.net/index.php?
id=596]
84
Rappelons que l’action est à la fois intégrée et intégrante : Cf. Figure n°4, Chap. I. 1. 6.

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quelles sont ces unités, leurs places et leurs fonctions. Notre ambition est de mettre à jour
celles mobilisées par le narrateur et finalement, de suivre les acteurs en train de construire
cette définition.

I.2.1.2. La peopolisation comme controverse


Ainsi, à ce stade de la recherche et de l’écrit, nous appréhendons la peopolisation a minima,
nous nous contentons de son caractère sous-déterminé et de la saisir par rapport à ce qui
est en tension dans sa définition.
« L’action doit rester une surprise, une médiation, un évènement. C’est pour cette
raison qu’il nous faut commencer (…) par le caractère sous-déterminé de l’action,
par les incertitudes et les controverses portant sur « qui » agit lorsque « nous »
85
agissons. »
Jamil Dakhlia définit la peopolisation selon trois phénomènes principaux qu’elle recouvre
« souvent confondus car entremêlés : l’association entre élus et gens célèbres (les
peoples), soit que les premiers imitent les seconds, soit que, en sens inverse, des
stars s’impliquent en politique, aux côtés de tel ou tel candidat, ou pour leur propre
compte ; mais aussi l’exposition, volontaire ou non, des responsables politiques dans
la presse échotières (magazines people) ; la conformation, enfin, des autres médias
aux canons de cette même presse échotière, par un traitement de l’actualité politique
86
fondé sur la vedettisation et le dévoilement de l’intimité » . Cette tripartition se
retrouve dans la définition commune donnée par wikipédia :
« La peopolisation peut désigner : La médiatisation, voulue ou non, de la vie
privée d'une personnalité extérieure aux personnalités du monde du spectacle.
On parle ainsi de la « peopolisation du politique » avec la multiplication dans
la presse écrite et les médias d'information en général de sujets mettant en
avant la personnalité et la vie privée des hommes politiques. Selon la BBC,
« les critiques reprochent à la politique française de se pipoliser, en d'autres
termes de devenir obsédée par l'image médiatique des responsables politiques
plutôt que par le contenu des programmes politiques »; L'utilisation à des
fins médiatiques de l'image de personnalités célèbres par des associations,
des entreprises ou des hommes politiques. En France, suite au soutien public
apporté par les chanteurs Johnny Hallyday et Doc Gyneco, en août 2006, à
Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2007, le quotidien Libération
décrivait une « peopolisation de la campagne électorale » du président de l'UMP ;
La tendance des médias généralistes à traiter de l'actualité des personnalités du
show business et à aborder certains aspects de leur vie privée, au même titre que
87
la presse spécialisée. »
85
LATOUR, 2007. op. cit. p. 68.
86
DAKHLIA, J., Politique People , Rosny : Bréal, 2008 (b), p. 7.
87
Extrait de l’article « peoplisation ». Wikipedia – 25/07/09 [http://fr.wikipedia.org/wiki/Peoplisation]. Cet article est
particulièrement repris sur Internet pour définir la peopolisation, puisque celle-ci ne détient pas de définition, théorique,
officielle et légitimée. Il semble assez évident que l’article dans son intégralité, par sa complétude et ses références
théoriques, est le produit d’un universitaire ou, du moins, d’une personne qui en a la formation. En 2009, Jamil Dakhlia
et moi-même avons discuté de la qualité du texte et de sa paternité mystérieuse (c’est en même temps un des principes

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

Pour l’instant, nous avons fait le choix d’extraire la définition minimale et les éléments en
tension. La peopolisation semble, ainsi, se construire dans la confrontation tout autant que
dans la convergence d’éléments hétérogènes tels que : « vie privée », « spectacle »,
« politique », « gens célèbres », « élus », « peoples », « stars », « candidat »,
« presse échotières », « magazines people », « autres médias », « actualité politique »,
« personnalité des hommes politiques », « image médiatique », « responsables
politiques », « médias », « personnalités célèbres », « médias généralistes »,
88
« presse spécialisée » . Par ailleurs, cette définition est divisée en trois sous-définitions
qui, sans se contredire, montrent des versions différentes de ce même terme. Nous
retiendrons l’hétérogénéité des êtres qui la construisent et la difficulté de qualifier leur
cohabitation. On peut saisir la tension inhérente à un tel continu composé d’unités tantôt
contradictoires, tantôt compatibles. On retrouve, ici, les intérêts de Bruno Latour et son
concept de controverse, en tant que c’est par celle-ci que se résolvent les incertitudes.
Saisir la peopolisation à partir de ce concept nous permet donc de relier les étapes et les
acteurs qui construisent le processus et de comprendre la définition de la peopolisation à
partir du consensus trouvé dans la presse écrite pour résoudre les tensions induites par
l’hétérogénéité des êtres en présence.
La controverse, du latin « controversia » : choc, signifie, selon Le Petit Robert 2009 ,
une discussion argumentée et suivie sur une question polémique. Elle suppose une attitude
critique qui vise à une discussion vive ou agressive. Au regard de ce qu’en dit Latour, cette
notion nous invite à considérer la peopolisation à partir de ce qu’elle met en tension et la
manière dont les acteurs engagent un débat à propos d’options et de formes d’existence et
enfin, au travers de l’accord, si celui-ci est trouvé, qui émerge de ce débat pour stabiliser
89
l’association qu’ils discutaient . Plus loin, la controverse est pensée par le sociologue
comme performante par les acteurs qui y participent : on lui attribue une effectivité, une
performativité : on la définit comme une action. Cet emprunt à Latour ouvre notre perspective
vers la performativité d’un discours réglant une incertitude. En effet, en considérant la
peopolisation comme une controverse, on saisit les récits à son propos comme détenant un
pouvoir performatif de structuration du monde et de la société. Si ces récits s’installent, sont
90
reconnus et repris pour définir le phénomène, ils résolvent justement la controverse . Ainsi,
avec la notion de controverse, nous retrouvons les interrogations qui émergeaient dans
l’introduction autour du rapport entre récit, énonciation et action : trois éléments sur lesquels
nous allons nous attarder pour finalement saisir l’enjeu méthodologique de notre étude.

I. 2. 2. Le récit de la peopolisation
Greimas définit le récit comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant
91
des personnages qui accomplissent des actions » . Or la narrativité d’un texte tient
justement au fait qu’elle décrit une action, c'est-à-dire la transformation d’états rapportée à
des sujets. Nous pouvons nous rendre compte, dès les premières évocations de la définition
caractéristiques de ce site). Présentement, son auteur reste inconnu, cependant nous jugeons que ses reprises dans
l’espace public et sa complétude en font une définition importante, que nous nous devions de prendre en compte dans
cette recherche.
88
Ces termes sont issus des deux définitions sans distinction.
89
LATOUR, 2007, op. cit. p. 76-84.
90
MONDADA, L., « La construction discursive des objets de savoir dans l’écriture de la science. », Réseaux , 71 1995, p. 57.
91
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.

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du récit, de son lien fort avec le concept d’action. Mais, dans un souci de clarté, essayons
pour l’instant de ne traiter que de la peopolisation comme récit. Le récit est avant tout une
histoire racontée, à l’écrit, à l’oral ou par l’image. Nous retrouvons la distinction opérée par
Gérard Genette entre récit, histoire et narration en tant que le premier est le discours, oral ou
écrit, qui raconte le second, c'est-à-dire l’ensemble des évènements racontés et le dernier,
92
l’acte narratif producteur, l’acte réel ou fictif, qui produit le premier . Dans cette perspective
et dans celle de Greimas, le récit (discours) est signifié par une histoire (une représentation
d’évènements comportant des sujets qui accomplissent des actions) narrativisée (style
énonciatif partant d’une situation initiale vers une situation finale). Ainsi, le récit consiste-t-
il en un type de discours déterminé par son contenu et sa forme, la distinction entre récit
et discours comme deux classes autonomes étant reniée. Dans son ouvrage Du récit au
récit médiatique , Marc Lits limite cette position en la jugeant peut-être trop facile.
« Une position confortable consisterait donc à dire que récit est synonyme
de discours, de texte, ou d’énoncé, comme Genette s’y autorise, mais cela
93
ressemble trop à une échappatoire. »
Pourtant, au regard de ce que nous venons de dire, il nous semble que cela reste à nuancer.
En effet, il n’est pas un synonyme mais un niveau inférieur. Greimas va plus loin dans cette
distinction en attribuant au discours, le niveau de l’énonciation et au récit, le niveau du narré,
94
de l’énoncé . Plus tard, dans l’ouvrage de Lits, nous trouvons la définition que celui-ci fait
des traits minimaux du récit :
« Un récit comprend une situation minimale, une phase de transformation
centrale et une situation finale, et il met en scène un renversement de l’effet des
actions d’un personnage (indispensable dans tout récit). Il agence des éléments
hétérogènes selon une causalité propre. Il peut se résumer par un thème. Il est
guidé par l’attente d’une conclusion qui propose aussi un point de vue sur les
95
évènements. Enfin, il n’existe que lorsqu’il est lu par quelqu’un. »
96
Il reprend, dans cette définition, les éléments mis à jour par Annick Dubied dans sa lecture
de Temps et Récits de Ricœur. Or cela ne semble pas contredire la thèse de Greimas ou
de Genette que la citation dénonçait plus haut. Il y ajoute cependant la réception comme
étant une part importante de ce qui fait le récit. C’est dans la lecture que se réalise le récit
selon Ricœur et selon Lits à sa suite, ce que Greimas remet en cause en indiquant que la
lecture, si elle est un acte important, n’opère pas de changement quant au texte lui-même :
«Les lectures possibles peuvent en effet être en nombre infini, mais ces
variations relèvent uniquement de la performance des lecteurs sans pour autant
97
détruire ou déstructurer le texte. »
Arrêtons-nous quelque peu sur cette distinction entre Ricœur et Greimas. Cette
confrontation nous semble importante car elle fut le fruit d’une longue réflexion dans les
92
GENETTE, G., Discours du Récit, Paris : Edition du Seuil, 2007, (Ce volume regroupe « Discours du Récit » publié initialement
dans Figure III (1972) et Nouveau discours du récit (1983)), p. 297.
93
LITS, 2008. op. cit. p. 73.
94
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 248.
95
LITS, 2008, op. cit. p. 84-85.
96
DUBIED, A., « Le récit médiatique. Un objet complexe en quête de définition. », Communication, 19, 1999.
97
GREIMAS, A., Essais de sémiotique poétique , Paris : Larousse, 1972, p. 18.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

œuvres de ces deux théoriciens. Pour Greimas, le sens est l'aboutissement du parcours
génératif et est donc un déjà-là, inscrit dans des structures a priori de la signification.
Pour Ricœur, le sens ne se construit pas au niveau du système langagier mais dans la
référence et la communication et finalement, dans la compréhension de soi-même comme
98
un autre . Le muthos , concept repris par Ricœur à Aristote, désigne le quoi de
la représentation, son objet, et nous aide ainsi à considérer l’acte de raconter comme
une mise en ordre du réel. Il présente le caractère d’un discours signifiant irréductible à
la compréhension méthodique et réflexive des signes. Il est l’activité organisatrice qui va
de la précompréhension, de la préfiguration de l’action vers sa refiguration par la lecture.
Cette considération nous amène à comprendre que, chez Ricœur, la narrativité ne peut se
saisir à un autre niveau que celui de la manifestation. Or la sémiotique greimassienne est
un parcours allant du niveau immanent au niveau de surface et installe, plus loin, le récit
comme ce parcours. Pour Ricœur, le muthos – la mise en intrigue – relève du niveau de la
99
manifestation et serait antérieure au parcours . Si Ricœur admet la possibilité d'une lecture
achronique (logique, sémiotique), supposant un niveau autonome d'analyse des textes, il
n'en soutient pas moins que ceux-ci ne sauraient prendre sens que par le jeu entre un
temps « agi et vécu » et un « temps de la lecture ». Car, pour le philosophe, la médiation du
récit entre niveau profond et niveau de surface n’est pas seulement logique mais avant tout
historique. Or, l’irréductibilité temporelle du récit constitue un résidu insaisissable au niveau
profond. La « rencontre improbable », pour reprendre l’expression de Louis Panier, entre
100
Ricœur et Greimas, semble se confirmer plus que jamais .
Avant de poursuivre notre réflexion sur la distinction entre Ricœur et Greimas,
retrouvons quelques instants nos intérêts pour notre approche à la frontière de la sociologie
pragmatique et de la sémiotique greimassienne. Le récit est aussi objet d’étude de la
sociologie pragmatique. En effet, dans un article de 1990, Dodier présente son travail
en s’attribuant, entre autres, une attitude herméneutique dans le sens où il s’intéresse
aux discours des personnes sur leurs propres actes, sur leurs intentions, leurs raisons,
les circonstances et les motifs qu’ils imputent à eux-mêmes et aux êtres engagés dans
101
l’action . Dans la même logique, Boltanski s’intéresse aux « récits que les personnes
livrent de leur vie, quand, la mettant en intrigue – pour reprendre la formulation
de Paul Ricœur – elles s’interrogent sur les intentions et les motifs qui ont été
102
les leurs dans l’action » . Plus qu’un simple discours, ces sociologues s’intéressent
aux paroles, textes ou inscriptions où l’acteur instaure une rupture dans le déroulement
de l’action et la configure en récit, où l’acteur crée des associations entre des entités
103
hétérogènes et met en intrigue des transformations . Le récit, dans les ouvrages de style
pragmatique, n’est que très peu théorisé. Tantôt formalisé comme une mise en intrigue
de l’action qui se retrouve close au moment de sa narration, tantôt dévoilé comme un
énoncé consistant en une opération de traduction, c'est-à-dire en l’établissement d’une mise
en relation d’éléments hétérogènes impliquant toujours une transformation, le concept de

98
RICŒUR, P., Du texte à l'action. Essais d'herméneutique II, Paris : Le Seuil, 1986, p. 31.
99
RICŒUR, P., Temps et récit. Tome II : La configuration dans le récit de fiction, Paris : Le Seuil, 1984, p. 85.
100
PANIER, 2008, op. cit. p. 305.
101
DODIER, 1990, op. cit. p. 117.
102
BOLTANSKI, L., La condition fœtale : une sociologie de l’engendrement et de l’avortement, Paris : Gallimard, 2004, p. 17.
103
LATOUR, 2007, op. cit. p. 69 et 157.

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104
récit, peu rationnalisé mais souvent évoqué, est inspiré des ouvrages de Ricœur . Or,
la conception du récit chez Ricœur est-elle compatible avec nos intérêts greimassiens ?
Comment appréhender l’emprunt fait à Ricœur par la sociologie pragmatique ? Comment
comprendre que les sociologues de style pragmatique adoptent le concept de mise-en-
intrigue « pour reconnaitre aux acteurs une compétence légitime à rendre compte
105
de leurs actions » ? L’enjeu ne porte-t-il pas sur la conditionnalité de la narrativité ? La
narrativité déduite de Propp est-elle présupposée comme le soutient Greimas ou comme
l’affirme Ricœur, présupposante, c’est-à-dire tributaire d’une « intelligence narrative »,
laquelle doit être portée au crédit du sujet ? Finalement, ce qui est sous-tendu, c’est
une critique du principe d’immanence que nous avons présenté plus haut. L’énonciation
peut-elle être appréhendée dans le texte et uniquement dans le texte ? L’attention portée
prioritairement au système langagier n’empêche-t-il pas de saisir la communication dans
son caractère multimodal, dans son aller-retour constant entre émetteur et récepteur ?
Refuser toute dimension exogène au texte n’amène-t-il pas à postuler d’une interprétation
unique ? Un détour par la notion d’énonciation en sémiotique greimassienne et les critiques
qui lui ont été opposées semble nécessaire pour répondre à ces interrogations.

I. 2. 3. De l’énonciation à l’action
Nous nous intéressons aux récits de la peopolisation, c'est-à-dire aux discours qui mettent
en scène une histoire, soit une représentation d’évènements (ayant trait pour une partie
ou dans leur intégralité à un aspect de la sphère privée) comportant des acteurs (dont au
moins un est candidat à l’élection présidentielle française de 2007) qui accomplissent des
actions ; une histoire narrativisée identifiable par un style énonciatif partant d’une situation
initiale vers une situation finale, guidé ainsi par l’attente d’une conclusion et proposant un
point de vue sur les évènements.
Greimas définit deux types d’actants à l’intérieur du récit : l’actant de communication
et l’actant de narration. L’actant de narration peut investir la fonction de sujet, d’objet, de
Destinateur, etc. et est inscrit dans le schéma narratif du récit. Dans les récits étudiés, au
moins un des actants de narration est incarné par un candidat à l’élection présidentielle
de 2007, variable de sélection de notre corpus. Cet actant se distingue de celui de
communication qui participe à la réalisation du récit, c’est un actant de second degré
ayant pour fonction d’être le narrateur, l’énonciateur, le narrataire, etc. Il est celui qui
produit ou celui à qui s’adresse la communication. Deux types d’actants cohabitent donc
dans le récit, les actants de communication n’étant pas en dehors. En effet, l’énonciation
est une « instance proprement linguistique ou, plus largement, sémiotique, qui
est présupposée par l’énoncé et dont les traces sont repérables dans les discours
106
examinés » . L’existence de ces traces amène Courtés à repréciser ces concepts :
l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé (qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée
(qui est la façon de présenter ce narré). Ainsi, la conception sémiotique de l’énonciation
n’envisage cette dernière que dans son rapport à l’énoncé.

104
F. Dosse dévoile que la sociologie de style pragmatique fait écho à l’œuvre de Ricœur. Cf. DOSSE, F., Paul Ricœur. Le
sens d’une vie, Paris : La Découverte, 1997.
105
CORCUFF, P., « Figures de l’individualité, de Marx aux sociologies contemporaines », EspacesTemps.net, 2005, [en ligne :
http://espacestemps.net/document1390.html]
106
COURTES, 1991, op. cit. p. 246.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

« Les acteurs en chair et en os, qu’ils soient écrivains, peintres, ou musiciens, ne


seront pas pris comme source du discours. (…) L’énonciateur et l’énonciataire
ne sont donc pas des sujets biographiques ou empiriques : ce ne sont que des
107
fonctions ou des structurations instantielles logiques. »
La question de l’énonciation est une problématique en sémiotique qui a connu et connaît
de nombreuses critiques ; on lui reproche de ne pas véritablement prendre en compte les
sujets de l’énonciation, qu’ils soient du côté de la production ou de celui de la réception et
du contexte.
« L’accent mis sur la structure textuelle occulte l’inscription de ces récits
dans des systèmes de pouvoir, ce que prend en compte l’analyse de type
idéologique ou sociologique. Et à l’autre bout de la chaine, l’usager, le récepteur-
consommateur est totalement négligé. Il n’y aucune place, dans ce mode
d’appréhension de l’objet textuel pour l’analyse des usages que font les
108
récepteurs des discours. » « Si les conditions de l’activité interprétative
sont toutes inscrites sous forme de « simulacres » dans l’objectivité textuelle,
alors il n’y a pas à proprement parler d’activités interprétatives, mais simple
reconnaissance de formes et de processus programmés dans la manifestation
(…) Le simulacre de l’interprétation (…) rend compte, dans ce cas, d’une activité
109
sans sujet et qui porterait sur un objet sans existence, ou non identifiable. »
Le passage de l’analyse des énoncés à celles des rapports entre ces énoncés et leur
instance productrice semble être ainsi un des points sensibles de la sémiotique de l’action.
Ne considérant l’énonciation que par les traces qu’elle laisse dans le discours narratif qu’elle
produit, la sémiotique structuraliste réduirait la compétence sémiotique, celle-ci l’isolant aux
confins des systèmes langagiers.
Nous retrouvons, ici, le débat qui opposa Ricœur et Greimas et plus loin, notre
considération de la manière dont est pensé le récit en sociologie pragmatique. En effet,
en juin 1980 au Centre Protestant d’Etudes et de Documentation, un débat est né entre
ces deux théoriciens et s’est poursuivi au travers de leurs écrits et d’autres rencontres.
Leurs différences résident sur plusieurs points que nous nous abstiendrons de tous
citer pour ne retenir que ceux qui nous semblent importants dans notre recherche. Le
premier, rapidement évoqué, relève de ce qui est contenu dans la mise-en-intrigue, concept
largement repris par les sociologues de style pragmatique : celle-ci consiste en l’explication
de ce qui a toujours été compris, en l’art de raconter, c'est-à-dire qu’elle intervient comme
une description d’un savoir déjà rationnalisé, déjà appréhendé.
« Imiter ou représenter l’action, c’est d’abord pré-comprendre ce qu’il en est de
l’agir humain, de sa sémantique, de sa symbolique, de sa temporalité. C’est sur
cette précompréhension, commune au poète et à son lecteur, que s’enlève la
110
mise en intrigue et, avec elle, la mimétique textuelle et littéraire. »

107
ABLALI, 2003, op. cit. p. 145.
108
LITS, 2008, op. cit. p. 70-71.
109
FONTANILLE, J., « Sémiotique du discours : bilan et perspectives », Horizon sémiologie , 2007, p. 8, [en ligne : http://
semiologie.net/doc/article/semio_discours_fontanille.pdf]
110
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 125.

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Elle ne peut être confondue avec la mise-en-discours, c'est-à-dire « le processus


imaginaire de la production du texte [ou] comment à partir d’un magma de sens, par
articulations successives, apparaissent, disons, les choses les plus nuancées, les
111
plus compliquées, les plus raffinées, qui émergent à la surface du texte. »
Le temps, pour Ricœur, est l’élément catalyseur de toute réflexion sur le récit. Il le
conçoit selon une typologie mettant en scène trois niveaux du temps : ce qu’il désigne
112
comme les trois niveaux de la mimésis . La mimesis I se fonde sur une reconnaissance
du « réseau conceptuel qui distingue structurellement le domaine de l’action de celui
113
du mouvement physique », c’est-à-dire sur une précompréhension du monde .
L’action est racontée parce qu’elle est déjà articulée dans des signes, des règles, des
normes. La mimesis II correspond au stade de la fiction, du comme si , que Ricœur appelle
configuration . Mais le récit ne prend pleinement son sens que dans la mimesis III qui «
114
marque l’intersection du monde du texte et du monde de l’auditeur ou du lecteur » .
Finalement, on passe d’une explication du récit avec Ricœur à une modélisation d’un
objet de connaissance, qui n’est pas le récit mais les systèmes de signification à l’œuvre
dans le récit avec Greimas.
« Il importe (…) de montrer que le texte dans la sémiotique greimassienne
est abordé dans une visée explicative visant à dégager la structure, c'est-à-
dire les relations internes de la signification, alors que la démarche de Ricœur
est marquée par son aspect interprétatif qui ouvre le texte sur le monde et la
115
référence. »
A ce stade de l’écrit, une interrogation semble désormais inévitable : quelle possibilité pour
les sociologues de style pragmatique d’opérer des emprunts à la fois à Ricœur et à la
fois à Greimas ? Nous tenterons de résoudre cette question en précisant deux points. Le
premier reprend le principe d’immanence. En effet, la sémiotique a choisi la voie de la
116
« référenciation interne » et cherche ainsi à reconstruire le sens dans le texte et seulement
dans le texte alors que Ricœur fait appel à une référentialisation externe en portant attention
aux données extralinguistiques et aux conditions de production et de réception. Or, un des
principes de la sociologie pragmatique est la remise en question du grand partage des
savoirs : cette sociologie refuse de donner un statut supérieur aux opérations cognitives
scientifiques face aux opérations cognitives ordinaires, ce qui constitue le passage d’une
117
sociologie critique à une sociologie de la critique, avions-nous précisé plus tôt . L’action
se saisit dans ce qu’en dit l’acteur, le sociologue pragmatique ne faisant pas appel à des
données exogènes qui constitueraient des variables mises à jour par le chercheur et non
par l’acteur.

111
Greimas lors de son débat avec Ricœur, au CPED de l’association ALEF, en juin 1980. Cité dans : PANIER, 2008, op. cit. p. 312.
112
Nous reviendrons dans quelques pages plus précisément sur la mimesis II.
113
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 109.
114
Ibid. p. 109.
115
ABLALI, 2008, op. cit. p. 288.
116
BERTRAND, D., L'espace et le sens, Amsterdam : Hadês-Benjamins, Actes Sémiotiques, 1985.
117
Voir Chap. I. 3.1.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

« Il n’est pas permis d’affirmer : « Personne n’en fait mention, j’ai aucune preuve,
mais je sais qu’il y a un acteur caché à l’œuvre dans les coulisses. » Cela, c’est
118
de la théorie du complot, pas de la théorie sociale. »
Ce point nous renvoie au second qui pense la possibilité d’utiliser à la fois le concept d’actant
et de mise-en-intrigue. Rappelons-nous que la sémiotique narrative dévoile un système
langagier qui va de la structure profonde à la structure de surface ; le concept d’actant
suit cette logique car il est cette fonction vide au niveau profond que l’acteur incarnera au
niveau de surface. La sociologie pragmatique emprunte cette notion afin non seulement de
déshumaniser l’acteur de la sociologie, mais aussi de s’autoriser à ne considérer que la
119
personne n’est justement personne en dehors de son action pour finalement « rompre
120
avec l’influence de ce qu’on pourrait appeler la sociologie figurative » . On retiendra
d’ailleurs une note de bas de page dans « Le grand Léviathan s’apprivoise-t-il ? » sur
l’emprunt fait à Greimas :
« Le mot acteur doit être pris dans sa signification sémiotique donnée par
Greimas, A. Selon lui, l’acteur correspond à toute unité discursive investie par
121
des rôles qui peuvent être multiples et évolutifs. »
Or, ce que Ricœur met en doute avec l’élaboration de la notion de mise en intrigue, c’est
le contrôle des structures de surface par les structures profondes. Louis Panier décrit cette
critique comme celle d’un théoricien qui n’est justement pas sémioticien car finalement la
critique « suggère un renversement du parcours et de ses niveaux laissant entendre
que les éléments dits de surface, c'est-à-dire la composante discursive, devraient
122
correspondre à ce qu’il [Ricœur] pose lui-même comme mise-en-intrigue » .
« Tout le dynamisme de la mise en intrigue se trouve reporté sur des opérations
logico-sémantiques et sur la syntagmatisation des énoncés narratifs en
programmes, en performances et en suites de performances. Ce n’est donc pas
un hasard si le terme d’intrigue n’apparaît pas dans le vocabulaire raisonné de
la sémiotique narrative. A vrai dire, il ne pouvait y trouver place car il relève de
123
l’intelligence narrative. »
L’incompatibilité entre la notion d’actant et la notion de mise en intrigue semble se
confirmer par l’inversion des parcours. La dynamique du récit relève pour Ricœur d’un acte
d’agencement au niveau de la manifestation, logique que Greimas et sa notion d’actant
renversent. La double mobilisation de la notion d’actant et de celle de « mise-en-intrigue »
constitue donc une certaine contradiction.
Intéressons-nous quelques instants à l’utilisation du concept de mise en intrigue, tel
qu’il est utilisé en sociologie pragmatique. Il faut noter tout d’abord qu’aucun ouvrage
important de Latour ne fait référence à Ricœur alors que Greimas est présent dans chacune

118
LATOUR, 2007, op. cit. p. 77.
119
BENATOUIL, 1999, op. cit. p.297. (Voir Chap. I.3.1.)
120
LATOUR, 2007, op. cit. p. 78.
121
LATOUR, B. & CALLON, M., « Le grand Léviathan s’apprivoise-t-il ? », AKRICH, M., et al. Sociologie de la traduction.
Textes fondateurs , Paris : Presses de l’Ecole des Mines de Paris, 2006, p.11-32.
122
PANIER, 2008, op. cit. p.314.
123
RICŒUR, 1984, op. cit. p. 80.

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124
des bibliographies . C’est finalement chez Boltanski et Thévenot que nous retrouvons la
référence à Ricœur. Le second invoque essentiellement l’influence du philosophe quant
125
à la théorie de l’action . C’est donc du côté de Boltanski que nous retrouvons cette
notion. Celui-ci l’explique comme la façon dont « les acteurs élaborent des discours
126
sur l'action » . Ainsi, elle permet le passage « d’une sociologie critique à une
sociologie de la critique, c’est-à-dire une sociologie qui reconnaît aux acteurs une
compétence légitime à rendre raison de leurs actions, à leur donner sens », ce qui
« constitue à cet égard un « tournant narratif » : on cesse de penser, au sens péjoratif
du terme, que les acteurs « se racontent des histoires », entendues comme des
rationalisations illusoires des motifs de leurs comportements, pour s’intéresser aux
vertus heuristiques de la « mise en récit » et « mise en intrigues » de leurs actions
127
» . La mise-en-intrigue telle que l’entend Boltanski est donc le résultat de la compétence
accordée aux acteurs, c’est-à-dire « l’équipement mental dont disposent les personnes
pour exercer leur jugement, coordonner leurs actions pour pouvoir s’ajuster aux
situations ou mener des opérations de critique ou de justification », une notion fondée
128
sur la définition chomskyenne que Nachi explicite avec les mots mêmes de Greimas .
Nous comprenons donc que les points de divergence entre Greimas et Ricœur sont ignorés
au profit d’une compétence accordée à l’acteur pour narrer son action.
« Nous ne savons pas décrire simplement une affaire ni même une épreuve. Si
des acteurs prétendent pouvoir le faire, regardons comment ils construisent
leur récit. La seule démarche cohérente avec nos axiomes et nos définitions
consiste à partir d’une épreuve, à regarder quels sont les personnes, les choses,
les relations, les états, les transformations qui s’y manifestent et à suivre, le cas
échéant, l’engagement d’un ou plusieurs êtres définis dans cette épreuve, dans
129
une autre épreuve et ainsi de suite. »
La tension implicite réside finalement dans l’intention de dire. Par son immanentisme, la
sémiotique greimassienne privilégie le code à l’émetteur. Greimas libère l’énonciation de
la conscience du sujet et parle alors d’ « intentionnalité » comme un acte qui n’est pas
130
obligatoirement volontaire et conscient . De son côté, Ricœur investit l’intention de dire
131
de l’auteur :
« L’analyse structurale nous invite à comprendre que l’intention ou la visée du
texte n’est pas à titre primordial l’intention présumée de l’auteur, le vécu de
124
Cette affirmation est justifiée par une investigation bibliographique et référentielle des ouvrages suivants : Microbes.
Guerre et Paix suivi de Irréductions (1984), La vie de Laboratoire (1988), La sciences en action (1989), Nous n’avons
jamais été modernes (1997), L’espoir de Pandore (2001), Un monde pluriel mais commun (2003), Changer de société,
refaire de la sociologie (2007).
125
RICŒUR, 1986, op. cit. p.168-176.
126
BOLTANSKI, 1990, op. cit. p. 56.
127
TRUC, G., « Une désillusion narrative ? De Bourdieu à Ricœur en sociologie », Tracés . Revue de Sciences humaines
, 8, 2005, [en ligne : http://traces.revues.org/index2173.html)].
128
NACHI, 2006, op. cit. p. 43.
129
Ibid. p. 75.
130
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 190.
131
Paul Ricœur définit l’intention comme « la visée d’une conscience en direction de quelque chose à faire par moi » (RICŒUR,
P., Soi-même comme un autre, Paris : Le Seuil, 1990, p. 86.)

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

l’écrivain dans lequel on pourrait se transporter, mais ce que veut le texte, ce


132
qu’il veut dire, pour qui obéit son injonction. »
Pourtant, si le terme « intention » est largement présent en sociologie pragmatique, on se
rend compte que celui-ci ne concerne pas l’intention d’énonciation, élément de divergence
entre Ricœur et Greimas : il concerne les actants de narration pour reprendre la typologie
mise à jour par ce dernier. Or, sur la question de l’intention de l’acteur (ou de l’agent dans le
vocabulaire de Ricœur), nous voyons un point de convergence entre les deux théoriciens.
Autant pour Greimas que pour Ricœur, le sujet doit vouloir pour agir ; la modalité volitive
étant une première étape, virtuelle, de l’agir. Pourtant, très vite, ce point de convergence va
entrainer des points de divergences. Le sujet pour Ricœur ne peut être qu’humain. Alors
que pour Greimas, comme nous l’avons vu précédemment, le sujet peut être incarné par
des êtres humains, des animaux, des objets ou des concepts. Nous ne pouvons nous
empêcher de répéter que c’est justement sur cette modalité que la sociologie pragmatique
133
a jugé pertinent le concept greimassien d’actant et l’a repris à son compte . Par ailleurs,
nous disions plus tôt que le vouloir ou le désir était la première étape dans la construction
de l’action, point commun entre Ricœur et Greimas. Ils divergent sur l’élément restant
pour considérer l’actant ou l’agent. Pour le premier, c’est finalement l’intention de faire qui
actualisera l’agir.
« L’action est ce qui fait arriver. Entre arriver et faire-arriver, il y a un fossé
logique, comme le confirme le rapport des deux termes de l’opposition à l’idée
de vérité : ce qui arrive est l’objet d’une observation, donc un énoncé constatif
qui peut être vrai ou faux ; ce que l’on fait arriver n’est ni vrai ni faux, mais rend
vrai ou faux l’assertion d’une certaine occurrence, à savoir l’action une fois faite.
Comme l’exprime le français : l’action faite est devenue un fait ; mais le rendre
vrai est l’œuvre du faire. De cette opposition, résulte que la force logique d’une
action ne peut être dérivée d’aucun ensemble de constatations portant sur des
134
évènements et sur leurs propriétés. »
Pour Greimas, l’action comme terme intégré est constituée de la compétence et de la
performance, soit le faire. Une fois encore, il nous semble que la sociologie pragmatique
rejoint les considérations greimassiennes.
« Les personnes ne sont pas considérées uniquement à partir de leurs
135
compétences mais aussi à partir des performances de leurs actions. (…) La
sociologie pragmatique suppose l’existence de compétences s’incarnant dans
des actions et paroles. Les personnes sont dès lors considérées à la lumière de
136
ce qu’elles font et disent. »
Finalement, il apparait que c’est la considération ricœurienne d’une précompréhension de
l’action qui semble persister en sociologie de style pragmatique. En 1989, dans le débat
qui l’oppose à Ricœur, Greimas reconnait les limites de son approche théorique :
132
RICŒUR, 1986, op. cit. p. 156.
133
Voir Chap. I. 2. 1.
134
RICŒUR, 1990, op. cit. p. 79.
135
Nous avons par ailleurs dévoilé que le terme de « compétence » comme de « performance » en sociologie
pragmatique est dit d’inspiration chomskyenne et défini dans les mots-mêmes de Greimas.
136
NACHI, 2006, op. cit. p.53.

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Médias, politique et vie privée

« On est forcé de reconnaître que le discours, ça bouge, qu’il y a des forces


qui ne s’expliquent pas entièrement par les modalités, qu’il y a autre chose. Et
c’est donc là le problème (…). D’où l’idée que derrière les structures les plus
élémentaires — articulables —, de la signification (carré sémiotique), il y a un
horizon ontique dont nous autres sémioticiens ne pouvons rien dire, parce
qu’avec les instruments sémiotiques on n’est pas capable d’en dire quelque
137
chose. »
Et c’est dans cette logique que Greimas a opéré un tournant dans son approche, avec
l’ouvrage La sémiotique des passions , et a ainsi « frayé son propre chemin dans les
138
voies sinueuses des passions et des « préconditions de la signification ». » , une
dernière expression que Fontanille et Greimas utilisent pour désigner cet état originel qui
s’opère antérieurement à l’action contenu dans le texte.
« Il convient d’imaginer un pallier de « pressentiments » où se trouveraient,
139
intimement liés l’un à l’autre, le sujet pour le monde et le monde pour le sujet. »
Les préconditions de la signification consistent donc en un lieu imaginaire qui ne pourra être
saisi que dans l’analyse du discontinu. Ce n’est donc pas une considération alternative de
la signification que Greimas et Fontanille proposent ici, mais une approche complémentaire
pour l’objet sémiotique. Ils ajoutent un niveau sous-jacent au niveau sémio-narratif où
s’éprouvent des phénomènes tensifs et aspectuels. Plus qu’une étude ontologique des
préconditions de la signification, ce qui préoccupe la sémiotique c’est la manière dont
apparait la signification, c’est-à-dire comment s’organise la conversion du sensible en
140
intelligible .
Ainsi, dans ce réaménagement de la sémiotique narrative, le résidu en suspens de
l’emprunt à Ricœur par la sociologie de style pragmatique prouve la compatibilité des
intérêts des sociologues avec une sémiotique greimassienne.

I. 2. 4. Analyser la peopolisation comme narration et action


En tant que procès, la peopolisation est à la fois narration et action. Elle est narration en tant
qu’elle associe des éléments hétérogènes qu’elle ordonne dans la description d’une action
particulière qui met en scène des personnages et qui part d’une situation initiale vers une
situation finale. Pourtant, son étude ne peut se limiter à la description immanente des actions
discursivisées, car par l’acte d’énonciation, la peopolisation est action en tant que telle. Cette
dernière discussion va nous permettre de remonter le fil que nous venons de dérouler afin
d’appréhender ce que nous annoncions dans l’introduction, c'est-à-dire la désintrication du
rapport étroit entre récit, énonciation et action, pour enfin saisir la spécificité de notre objet
d’étude et la pertinence d’une approche interdisciplinaire.
L’énonciateur des récits que nous étudions est porteur d’une double fonction. Il est le
narrateur en tant qu’il produit par l’acte d’énonciation un discours représentant une action et
les acteurs qui y sont engagés. Dans le récit, il produit des associations, il trace et retrace les
frontières qui délimitent un groupe, il mobilise des acteurs et des objets qu’il choisit de mettre
137
GREIMAS, A., « Débat du 23 mai 1989 entre A. J. Greimas et P. Ricœur », HENAULT, A., (dir.), 1994, op. cit. p. 203.
138
ABLALI, 2003, op. cit. p. 170.
139
GREIMAS & FONTANILLE, 1991, op. cit. p. 25.
140
FONTANILLE, J., Sémiotique du visible, des mondes de lumière, Paris : Presses universitaires de France, 1995, p. 22.

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Chap. I. Possibilité et pertinence d’une approche interdisciplinaire pour penser la peopolisation.

en place dans le récit et dans l’action discursivisée et arrête, pour un temps, la définition de
la peopolisation en lui donnant une forme d’existence particulière : il est le destinateur en
tant qu’il fait-faire. Ainsi, le narrateur engage et définit des acteurs dans la controverse et leur
donne une visibilité, il « définit ce qu’ils sont, ce qu’ils devraient être ou ce qu’ils ont
141
été » . En comprenant le narrateur des récits comme celui qui énonce la peopolisation,
nous nous intéressons à la structure du texte, à ce qu’il fait agir, ce qu’il fait être. Ici, le
récit est le lieu dans lequel se constitue (et se manifeste) la peopolisation mettant en scène
des associations et des transformations constitutives de la peopolisation et finalement,
présentant une forme d’existence particulière de celle-ci. La sémiotique greimassienne du
discontinu dans son immanentisme révèle ainsi sa pertinence pour saisir les associations
et plus loin, la dynamique conflictuelle de la peopolisation et ainsi considérer ce qu’elle
met en tension et la manière dont les acteurs engagent un débat à propos d’options et
de formes d’existence. Dans cette logique, nos analyses s’intéresseront aux récits, en tant
qu’ils créent des associations, font et défont des regroupements, règlent les incertitudes
face à une activité ou une identité.
Mais la peopolisation est aussi une action. C’est une action symbolique : elle consiste
justement en l’énonciation et n’existe que dans le discours. En produisant un récit sur une
action à la frontière du privé et du public concernant un homme politique, l’énonciateur fait
la peopolisation. La peopolisation est un objet particulier qui renverse le principe austinien
devenant ainsi : Quand faire, c’est dire. Nous retrouvons ici l’idée de performativité de
l’organisation des récits évoquée par Michel De Certeau dans L’invention du quotidien .
« Dans cette organisation, le récit a un rôle décisif. Certes, il « décrit ». Mais
toute description est plus qu’une fixation, c’est un « acte culturellement
142
créateur ». Elle a même pouvoir distributif et force performative. »
Ainsi, et enfin, dans cette recherche, il nous faut comprendre que les récits médiatiques
sont des points de passage de la peopolisation: ils définissent les contours de celle-ci et
la construisent dans une forme d’existence particulière en faisant agir les acteurs engagés
dans la peopolisation et en mettant en scène l’action de la peopolisation comme dislocale,
c'est-à-dire fragmentée. Par exemple, un récit sur la mobilisation de Thomas Hollande dans
la campagne de sa mère, Ségolène Royal, présente une forme d’existence particulière de la
peopolisation. Le récit met en scène une « action de papier », une action discursivisée mais
qui n’est pas le continu que nous souhaitons rendre intelligible. Ce récit, toujours dans notre
exemple, est une prise qui nous permettra de saisir le travail d’association et de définition
opéré par le narrateur. Or un des reproches adressés à la sémiotique est de chercher dans
le texte et son système langagier la cohérence des actions mises en discours, ce qui était
réducteur selon les critiques. Si nous opérons cela, nous le dépassons en voulant considérer
la peopolisation à travers les associations et les traductions de fragments de la peopolisation
tels qu’ils sont signifiés dans les récits et finalement, en considérant l’énonciateur comme
un acteur de la peopolisation et non comme un simple narrateur. Dans cette logique, nous
comprenons que les récits sont eux-mêmes des fragments de l’action de la peopolisation et
que l’acte d’énonciation doit être compris dans un continu plus large qu’est la peopolisation
mais aussi dans la résolution de la controverse. L’énonciateur devient ainsi un acteur en
donnant une forme et une consistance à la peopolisation, en proposant sa propre théorie
sur celle-ci, en dévoilant une de ses formes d’existence et ses effets et en s’engageant dans
la critique d’autres formes et d’autres théories.

141
LATOUR, 2007, op. cit. p. 48.
142
DE CERTEAU, M., L’invention du quotidien. Arts de faire , Paris : Folio essais, 1990, p. 181.

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« Plus précisément, cette démarche [sémiotique greimassienne] consisterait à


traiter les récits comme les lieux dans lesquels se constitue (et se manifeste)
la définition des problèmes, l’identification des acteurs chargés d’élaborer un
programme de résolution, et la désignation des acteurs dotés des compétences
nécessaires pour le mener à bien. Pour aller vite, ce mode d’analyse reviendrait
à considérer que les récits contribuent de manière décisive à l’orientation des
controverses, notamment parce qu’ils imposent un schéma narratif dans la
perspective duquel la définition des problèmes et des programmes susceptibles
143
de les résoudre paraît infalsifiable. »
Etudier les récits médiatiques pour comprendre la peopolisation nous permet de « laisser
144
les acteurs (…) faire le travail de composition du social à notre place » et donc
de saisir la peopolisation en train de se faire. Cette compréhension de l’énonciateur
comme acteur nous permettra alors, dans la conclusion de notre thèse, de proposer une
lecture continue de nos analyses pour déplacer notre échelle d’observation et ainsi de
défocaliser notre regard du récit vers l’ensemble des récits comme autant de prises qui
nous permettront non seulement de définir la peopolisation mais surtout d’embrasser son
évolution et son installation ou non dans l’espace public français. Ainsi, notre prisme de
réflexion se déplacera de la considération d’« actions de papier », objet de la sémiotique
greimassienne, jusqu’à l’action de la peopolisation en tant que telle.
Nous considèrerons ainsi la peopolisation au travers de la logique continu-discontinu.
Ce qui est continu à un niveau ne l’est plus à un autre. Chaque récit sera considéré comme
un continu afin de signifier les associations, les actions de papier et les qualifications des
êtres qui peuplent la peopolisation et des formes d’existence de celle-ci. Mais chaque récit
sera considéré comme une unité discrète de la peopolisation, comme à la fois une prise
de ce qu’elle est et fait mais aussi comme un acte qui permet de l’installer dans l’opinion
publique française. Notre objet d’étude consiste donc bien en une action en tant que telle,
constituée de fragments d’action – les récits – sur lesquels nous travaillerons de manière
immanente afin de rendre intelligible ce continu qu’est la peopolisation. La peopolisation est
donc un phénomène, à la fois, narratif et social. Nous avons fait le choix de nous focaliser
sur des récits médiatiques issus de la presse écrite française ; les narrateurs des récits
qui performent la peopolisation, dans notre étude, sont donc les journalistes, les hommes
145
politiques n’étant que des êtres de papier .

143
TERZI, C. & BOVET, A., « La composante narrative des controverses politiques et médiatiques », Réseaux 4, 132, 2005,
p. 111-132.
144
LATOUR, 2007, op. cit. p. 46.
145
Un horizon de recherche s’ouvre ici, cette étude pouvant être continuée en considérant non plus les discours des journalistes
mais les discours des hommes politiques qui seraient alors les acteurs de la peopolisation.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

Chap. II. Le mouvement et l’espace dans


le récit

« Dans l’Athènes d’aujourd’hui, les transports en commun s’appellent


metaphorai. Pour aller au travail ou rentrer à la maison, on prend une
« métaphore » – un bus ou un train. Les récits pourraient également porter
ce beau nom : chaque jour, ils traversent, ils organisent des lieux ; ils les
sélectionnent et les relient ensemble ; ils en font des phrases et des itinéraires.
146
Ce sont des parcours d’espaces. »
La dialectique « discret-continu » nous a permis de considérer le récit, sa structure et son
contenu. Une autre dialectique structurera ce chapitre et, à l’instar de la précédente, notre
recherche : celle du « mouvement » et de l’« espace ».
Le phénomène de peopolisation est en train de se faire : il est un mouvement, ce qui
empêche de le définir a priori et nous amène à l’observer au moment où les acteurs créent
des associations, résolvent ou dénoncent l’hétérogénéité d’un tel objet et où ils « se frayent
un chemin à travers les choses qu’ils ont dû ajouter aux compétences sociales de
147
base afin de rendre plus durable des interactions constamment fluctuantes » . Par
ailleurs, la définition a minima de ce phénomène en train de se faire contient l’hétérogénéité
des êtres qui la construisent et la difficulté de qualifier leur cohabitation. Elle postule alors la
pluralité des modes d’engagement que l’être de papier éprouve dans son existence narrative
et la dynamique du rapport entre cet être et les différents environnements dans lesquels
il circule.
« L’un des travers dont nous cherchons à nous garder dans ce livre consiste
à rapporter à des lieux distincts les modes d’engagement que nous cherchons
à différencier. C’est ainsi qu’est souvent conçu un rapport à deux termes entre
public et privé, selon une topographie séparant les places ouvertes à la visibilité
de celles qui resteraient soustraites au regard d’un public. La division spatiale
des modes d’engagement nous intéresse, mais on ne peut l’aborder qu’en ayant
pris soin au préalable de concevoir ces modes d’engagement autrement qu’en
termes d’espaces. C’est pourquoi nous avons suivi une démarche attentive aux
148
activités plutôt qu’aux frontières séparant des lieux. »
Prendre le parti du mouvement plutôt que des espaces s’avère salvateur pour considérer
un phénomène en train de se faire, lors d’un moment d’incertitude dans lequel les êtres sont
manifestés précisément au prisme de leurs déplacements.
Le mouvement est multiple dans notre objet : il est celui du phénomène en cours et celui
contenu dans le phénomène. Mais il est aussi celui du récit et du chercheur. L’investigation
des récits qui ordonnent et organisent la peopolisation nécessite de mettre à jour les règles
146
DE CERTEAU, 1990, op. cit. p. 170.
147
LATOUR, 2007, op. cit. p. 99.
148
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 25.

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et le dispositif susceptibles d’engendrer des récits mettant en scène l’homme politique à


la fois comme personne publique et personne privée. Mais par ailleurs, la confusion privé/
public dans laquelle se meut le phénomène de peopolisation nous oblige à les définir et à les
délimiter dans les déplacements et transformations opérés par l’énonciateur. La dialectique
« mouvement – espace » se défait ainsi de l’impossible localisation d’un phénomène en train
de se faire pour revenir à un processus produisant ses propres espaces pour s’y installer.
En outre, plus qu’une simple investigation d’éléments théoriques opératoires pour notre
objet de recherche, cette dialectique nous aidera à penser la méthode par les notions de
paradigmes et de syntagmes.
Ce chapitre pose ainsi deux questions pour envisager un moyen de passer de
l’incertitude du phénomène de la peopolisation à son élucidation :
En quoi la sociologie pragmatique nous permet de comprendre ce phénomène
par la dialectique « mouvement » et « espace » et d’appréhender le récit dans son
mouvement et dans sa construction ? Pourquoi la tension privé/public ne suffit-
elle pas pour saisir le traitement médiatique d’un sujet qui interroge justement la
frontière et le mouvement ?

II. 1. Du mouvement dans le récit

II. 1. 1. La narrativité comme mouvement


Le premier mouvement présent dans notre étude se repère dans la structure même du
récit. Le récit n’est pas une « simple concaténation de phrases [dont] le sens qu’il
véhicule n’est dû qu’à des enchainements plus ou moins hasardeux » mais « un
tout de signification, une acte de langage sensé et comportant sa propre organisation
149
» . Or, cette organisation présupposée par une compétence narrative permet de penser
la relation entre les niveaux du récit. La narrativité, au sens de Greimas et Courtés, doit être
comprise ici, en son sens large, c'est-à-dire non pas comme relevant uniquement de l’ordre
du narré mais comme prise aussi au niveau des structures discursives. La narrativité est le
150
principe organisateur de tout discours .
Nous avons, jusqu’à présent, pensé les conditions de la narrativité et expliqué plusieurs
aspects de l’organisation narrative en discontinu, c'est-à-dire présenté les structures
narratives (ou mieux sémio-narratives) au travers de ses deux niveaux dans notre partie sur
l’action, puis évoqué les structures discursives dans notre propos sur le récit et l’énonciation.
Il est temps désormais de les saisir comme un tout de signification pour interroger la
narrativité comme mouvement.

149
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 248.
150
Ibid. p. 249.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

[Figure : Le Parcours Génératif]


151
Ce tableau nous montre les deux niveaux de l’organisation du récit . Les structures
sémio-narratives révèlent le niveau le plus abstrait du récit, c’est-à-dire les structures
sémiotiques les plus profondes. Ces dernières régissent les structures discursives qui sont,
quant à elles, chargées de la mise en discours et relèvent de l’instance d’énonciation. Le
parcours génératif de la signification est donc cette représentation qui permet de disposer
les résultats de l'analyse, des plus simples aux plus complexes, et surtout des plus abstraits
aux plus concrets. Il permet de saisir le processus d’engendrement du discours. Les deux
niveaux du parcours génératif sont respectivement présupposé et présupposant, et le
passage de l'un à l'autre est appelé une conversion. La notion de « parcours » souligne
l’aspect dynamique de la démarche.
« Le terme de parcours (…) implique non seulement une disposition linéaire et
ordonnée des éléments entre lesquels il s’effectue mais aussi une perspective
dynamique suggérant une progression d’un point à un autre, grâce à des
152
instances intermédiaires. »
Le mouvement de la narrativité intervient dans un déplacement de l’abstrait vers le concret.
Ainsi, l’approche générative de Greimas dévoile un objet sémiotique par son mode de
production. Ce qu’il faut entendre ici, c’est que l’organisation de l’objet sémiotique doit être
interprétée, en premier lieu, en faisant abstraction de son contenu visant à rendre compte de
l’univers des possibles ; l’interprétation sémantique ne venant que dans un second temps.

151
Nous pouvons considérer ce qui pourrait constituer un troisième niveau : la textualisation, qui correspond à la mise en texte.
Nous nous éloignons de la question de la narrativité car, « en tant que représentations sémantiques, le texte est indifférent aux
modes de manifestations sémiotiques qui lui sont logiquement ultérieurs. Ainsi, par exemple, le texte d’une bande dessinées
revêtira la forme soit de légende soit de vignettes » ( GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 391) . « Il semble donc que pour
Greimas le texte soit en même temps le tout (l’objet sémiotique construit en fonction de la pertinence qu’on se donne dans le projet
descriptif) et sa part (la manifestation expressive concrète, la fin de la génération du sens, le résultat d’un mariage entre le plan de
l’expression et le plan du contenu). » (MARRONE, G., « L'invention du texte », Nouveaux Actes Sémiotiques , 2008, [en ligne : http://
revues.unilim.fr/nas/document.php?id=2636]). Nous sommes ici à l’orée du parcours génératif car la manifestation expressive d’un
énoncé est une sorte d’état final de la progressive génération du sens sans être l’aboutissement du parcours génératif, la textualisation
pouvant intervenir à tout moment dans le parcours allant de l’abstrait vers le concret.
152
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 269.

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« Concevoir la théorie sémiotique sous la forme d’un parcours consiste alors


à l’imaginer comme un cheminement marqué de jalons, certes, mais surtout
comme un écoulement coagulant du sens, comme son épaississement continuel,
partant du flou originel et potentiel, pour aboutir, à travers sa virtualisation et son
actualisation, jusqu’au stade de la réalisation, en passant par des préconditions
153
épistémologiques aux manifestations discursives. »
Le parcours génératif connut deux temps dans son élaboration. Le premier, à ses débuts,
lui donnait avant tout une visée explicative ; le second, avec l’ouvrage Sémiotique
des passions , s’attacha plus à l’enrichissement de sens que le parcours montrait au
fil de son déroulement. Greimas et Fontanille s’attachèrent alors en 1991 à introduire la
« senteur » du discours au niveau discursif. Ils ajoutent pour cela un troisième niveau, celui
des préconditions. Le parcours génératif perd alors sa linéarité et devient triangulaire. Le
passage d’un niveau à un autre, désignée comme conversion, ne s’opère plus qu’entre le
niveau sémio-narratif et celui des préconditions. De son coté, le niveau discursif « n’invente
plus rien », il ne fait plus que « convoquer par des opérations spécifiques de la mise en
154
discours ce que les deux autres instances auraient engendrés » . Ainsi, la sémiotique
renouvelée cherche à « imaginer comment le réel émouvant « sensibilisé » prend forme
155
et sens, valeur et directionnalité dans l’expérience perceptive du vécu quotidien » .
Pourtant, sans en ignorer certains apports, notre recherche revient aux actions de papier,
elle investit moins la problématique de l’énonciation que celle de la narration, l’énonciation
étant interrogée dans un second temps comme une action, une action en cours : quand
faire, c’est dire .
Le mouvement de la narrativité est donc double : il est celui du chercheur qui va
pouvoir mettre à jour les règles permettant d’engendrer des discours mais aussi analyser et
comparer différents énoncés sur un même sujet et considérer les différentes figurativisations
et discursivisations. Mais il est aussi celui du narrateur qui choisit un possible de mise en
scène au niveau discursif. Nous verrons que ce premier mouvement nous permettra plus
loin de considérer celui contenu dans la narration, mais avant, notre réflexion se poursuit
afin de saisir en quoi la sociologie pragmatique enrichit notre considération sémiotique des
récits médiatiques et plus précisément, la question du mouvement dans le récit.

II. 1. 2. Le mouvement en sociologie pragmatique.


II.1.2.1. Penser le processus de traduction.
156
« Dire, c’est dire autrement. Autrement dit, c’est traduire »
Rapidement défini pour considérer le récit, le processus de traduction est une considération
importante dans la sociologie de l’acteur-réseau et de la sociologie de la traduction, comme
le prouve l’appellation de cette dernière. C’est donc plus spécifiquement du coté de Latour
et Callon que cette notion va être interrogée. La première étape de cette considération
repose sur un article de Callon qui fonde, pour une partie, la sociologie désignée comme
« sociologie de la traduction » que l’on attribue à Callon et Latour. Cet article interroge « la
153
GREIMAS, A., « Introduction », GREIMAS & FONTANILLE, 1991, op. cit.
154
GREIMAS & FONTANILLE, 1991, op. cit. p. 76.
155
HENAULT, 1994, op. cit. p. 7.
156
LATOUR, 1984, op. cit. p.202.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

constitution progressive, au long des années 70, d’un savoir « scientifique » sur les
157
coquilles Saint-Jacques » .
Le point de départ fixé par Callon dans cette étude est le voyage de trois chercheurs du
Centre National d’Exploitation des Océans au Japon au cours duquel ils observent la culture
158
intensive des coquilles Saint-Jacques .A cet élément, il ajoute la méconnaissance des
mécanismes de croissance de ce mollusque en France et une activité de pêche intensive sur
les côtes bretonnes. Le point d’arrivée de l’étude (dix ans plus tard) investit trois éléments :
l’existence d’un groupe social uni autour de la culture de la coquille Saint-Jacques mais
aussi celle d’une communauté de spécialistes dans l’étude et la promotion de la coquille
Saint-Jacques et enfin, des connaissances scientifiques stables sur ce mollusque. De ce
bref résumé, nous retenons une question centrale : Comment décrire le passage du point
de départ au point d’arrivée ? L’auteur va donc chercher par quel processus s’agrègent
différents éléments qui donnent naissance et constituent un problème qui va concerner aussi
bien la communauté de spécialistes, les marins pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc et les
159
coquilles Saint-Jacques de cette même baie. Ce passage est précisément ce que Callon
désigne comme le processus de traduction : c'est-à-dire, le processus par lequel les acteurs
(individuel et collectif, humain et non-humains) travaillent à traduire leurs langages, leurs
problèmes, leurs identités ou leurs intérêts dans ceux des autres : processus qui construit
160
et déconstruit, stabilise et déstabilise le monde . La traduction est donc ce qui englobe
toutes les opérations et les interactions par lesquels les acteurs (ici, les trois chercheurs
revenant du Japon) définissent, déplacent et détournent celles d’autres acteurs. Elle doit
se comprendre comme la transformation, dans le langage de l’acteur qui fait, de ce que
les autres sont, disent et veulent. La traduction est le déplacement des entités dans des
lieux qu’elles n’auraient pu atteindre par elles-mêmes. Ce processus, en tant qu’il établit un
lien entre des activités hétérogènes et rend le réseau intelligible, met en place une figure
que nous jugeons essentielle dans nos considérations : celle du porte-parole. Callon le
définit comme une entité qui parle « au nom des autres », qui donne sens et qui commente.
Nous pouvons entendre ce terme de « porte-parole » en deux sens. C’est d’abord celui
qui supporte la parole, qui condense la parole de tous ceux qu’il représente en un seul
corps ; mais c’est aussi celui qui porte la parole en tant qu’il la déplace, la mène dans
161
d’autres lieux où elle ne pourrait aller sans cet intermédiaire . Si nous reprenons l’exemple
exploité par Callon, nous pouvons comprendre que les trois chercheurs revenus du Japon
sont les porte-parole à la fois de la coquille Saint-Jacques, des marins-pêcheurs mais aussi
de la communauté de spécialistes et traduisent ainsi leurs identités, leurs intérêts et leurs
activités.
La sociologie de la traduction est fondée sur un double rejet : celui des considérations
classiques de l’épistémologie des sciences et celui des modèles de l’innovation : cela
157
CALLON, 1986, op. cit. p. 169-208.
158
Ce point de départ intervient comme un point de méthode qui consiste à suivre un acteur en particulier tout au long de son
implication dans le processus de construction d’un savoir : Callon a, ici, fait le choix de suivre les trois chercheurs revenus du Japon.
159
Callon et Latour refusent la tradition sociologique qui nie le rôle des objets pour la raison qu’ils ne seraient pas doués
d’intentionnalité ou d’intelligence. Pour eux, « toute chose qui vient modifier une situation donnée en y introduisant une
différence devient un acteur » (LATOUR, 2007, op. cit. p. 103) L’objet est donc un acteur au même titre qu’un humain, même si
la relation entre humain et non-humain n’est pas symétrique.
160
CORCUFF, P., Les Nouvelles Sociologies - Entre le collectif et l'individuel, Paris : Armand Colin, collection "128", 2007,
e
2 édition refondée, p. 65.
161
Nous reviendrons particulièrement sur cette double fonction du porte-parole dans la seconde partie de ce chapitre.

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a amené les auteurs à formuler une nouvelle conception, autant méthodologique que
théorique, selon laquelle la science est socialement construite ; c'est-à-dire à comprendre
la dimension pragmatique qui unit les scientifiques à la science et donc à étudier comment
les scientifiques font la science. Finalement l’étude du processus de traduction saisi par
Callon dans l’exemple de l’évolution du savoir sur la coquille Saint-Jacques, est construite
sur un point de départ, un point d’arrivée et l’identification d’un porte-parole, choisis par le
chercheur. Elle s’inscrit dans une volonté de suivre des acteurs au moment « où ils se
frayent un chemin à travers les choses qu’ils ont dû ajouter aux compétences sociales
162
de base afin de rendre plus durable des interactions constamment fluctuantes » .
Ainsi, nous pouvons considérer le journaliste comme un porte-parole en tant qu’il traduit
les entités hétérogènes et donc qu’il porte et transporte leurs paroles et leurs actions mais
aussi qu’il crée des associations. Le porte-parole trace et retrace les frontières des actions
et des identités et finalement rend intelligible le réseau, au sens d’organisation rassemblant
des humains et non-humains qui agissent les uns sur les autres. En rendant intelligible le
réseau, le porte-parole agit sur la controverse, résout les incertitudes et doit être compris
comme un acteur. Mais parallèlement, parce qu’il porte la parole des autres, les définit
et les signifie, il donne une prise à ce qui est contenu dans la controverse. On retrouve
ainsi la double fonction acteur et narrateur. Pourtant, la notion de traduction nous apporte
un nouvel élément : le mouvement. Parce que finalement la traduction désigne moins la
présentation de l’hétérogénéité que le processus qui consiste à relier des éléments et des
enjeux hétérogènes.

II.1.2.2. Traduire la circulation entre des espaces de signification


Considérer notre étude comme un découpage du découpage nous a permis de considérer
163
une double fonction du narrateur du récit : acteur et énonciateur de la peopolisation .
Reprenons donc le fil de cette réflexion au regard de cette dernière notion ici exposée,
mais toujours avec cette volonté, somme toute contradictoire, de ne vouloir considérer
la peopolisation que dans un caractère indéterminé. Nous nous contenterons ainsi de
garder à l’esprit la définition provisoire et approximative de la peopolisation qui est de la
concevoir comme un processus symbolique qui met en scène une hétérogénéité d’êtres qui
la construisent, et l’incertitude et la tension pour qualifier leur cohabitation. Pourtant, dans
la nécessité de la sélection d’un corpus, il nous a fallu désigner certains des êtres qui la
peuplaient : le narrateur du récit médiatique est le premier ; l’homme politique, candidat à
l’élection présidentielle de 2007, est le second, variable incontournable pour considérer la
peopolisation. Le choix enfin d’étudier les récits médiatiques intervient comme le choix du
chercheur, à l’instar de Callon et sa décision de suivre les trois scientifiques revenus du
Japon dans la construction d’un savoir sur la coquille Saint-Jacques. En nous concentrant
sur les récits médiatiques dans la presse écrite française, le découpage du découpage
est devenu notre découpage de celui opéré par l’énonciateur des récits médiatiques – le
journaliste –, à la fois, narrateur et acteur de la peopolisation. Dans notre corpus, l’homme
politique ne pourra être considéré que comme un actant incarné dans le récit. Il n’est jamais
164
le destinateur du récit ; c’est le journaliste qui détient ce rôle, il est alors son porte-parole .
162
LATOUR, 2007, op. cit. p. 99.
163
Cf. Chapitre I. 3. 4.
164
Dans la notion de porte-parole, la question de l’institution nous paraît fondamentale. Et pourtant, nous prenons le parti, ici, de
l’ignorer. Cette posture tient deux réflexions en son creux. La première relève de la mise en abîme du monde de l’opinion (que nous
investirons au chap. III). La seconde dépend de notre approche par l’incertitude de ce qu’il en est de ce qu’il est : en découvrant la

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

En tant que porte-parole, l’énonciateur des récits travaille à traduire les langages, les
problèmes, les identités ou les intérêts dans ceux des candidats à l’élection présidentielle
et des autres êtres engagés dans l’action décrite mais aussi à construire et déconstruire
ce qu’est la peopolisation. Le second déplacement est là. Il est le processus de traduction.
Ce processus n’est saisissable que dans son résultat, chaque récit intervenant comme le
résultat d’une traduction. Et pourtant, dans un changement de l’échelle d’observation, c'est-
à-dire non plus dans la logique interne du récit mais dans une perspective plus globale,
nous pourrons envisager le continu à partir d’un même titre de presse ou, plus loin, dans
un même type de presse, et ainsi observer le mouvement qu’est la traduction, en observant
ces différents résultats dans le temps, au travers de différents récits. C’est donc toujours
dans une logique immanente que nous le saisirons : même si le continu n’est plus un simple
récit mais un ensemble de récits, nous n’appréhenderons aucune qualité extérieure à ceux-
ci. L’investigation portera donc sur la manière dont le narrateur d’un récit ou de plusieurs
issus d’un même titre de presse ou d’un même type de presse ont porté et transporté
165
la parole, les actions et les identités . Cette investigation ne pourra être opérée que
dans la comparaison, le mouvement ne pouvant être appréhendé, à ce niveau, que dans
la différence. Finalement, le changement d’échelle d’observation permettra de saisir les
différences qui se maintiennent ou non dans l’extension du continu et donc le changement
des niveaux de continu et de discrétion.
« L’implicite d’un énoncé est éclairé par d’autres qui convergent vers la
même position, ceux-ci tendant à expliciter le sens de certains mots, ou les
présupposés concernant certains maillons de jugement, qui n’avaient pas été
développés dans le premier énoncé. L’implicite d’un énoncé est également
clarifié par les énoncés antagonistes. Ceux-ci font notamment apparaître
le fragment limité du monde que le premier a pris en comparaison, ou sa
focalisation (…). On trouve là une manière d’aborder le fameux problème de
l’incomplétude des explicitations attachées à chaque énoncé. Il est possible en
effet de dépasser cette incomplétude en identifiant progressivement l’espace
formé par l’ensemble des énoncés portant dans une arène, sur une question
saillante. (…) Cette herméneutique des opérations est donc, en même temps,
166
l’identification d’un espace de prises de positions. »
Le deuxième mouvement est celui opéré par le narrateur, appréhendable dans une variation
des échelles d’analyse, qui constitue le troisième mouvement, celui du chercheur, pour
interroger le corpus.

II.1.2.3. L’homme nomade


Le processus de traduction rejoint directement la considération d’un de nos postulats
sociologiques que nous avions évoqué au début de notre écrit. Celui-ci, disions-nous, nous
invite à appréhender la pluralité des modes d’engagement que l’homme politique éprouve

peopolisation en train de se faire, l’institution se découvrira dans les formes de ce phénomène. En effet, nous reviendrons en conclusion
sur l’institution et son identification comme un résultat de notre observation, pour comprendre finalement, où est l’institution dans notre
objet et quel est le rapport de l’institution au journaliste comme porte-parole. (A noter que nous reprenons la définition de l’institution
telle qu’elle est pensée par Boltanski (2009) qui s’affranchit de la définition bourdieusienne, distinction dont nous rendrons compte.)
165
La conjugaison au passé souligne que nous ne pouvons observer que les résultats d’une traduction : les récits.
166
DODIER, N., « L’espace et le mouvement du sens critique », Annales. Histoire, Sciences sociales, 1,2005, p. 27.

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167
dans sa réalité quotidienne. Ici, c’est la théorie de l’ homme nomade qui nous intéresse
particulièrement, approche qui considère l’individu comme porteur d’une identité plurielle,
actualisée par la dynamique du rapport entre cet être et les différents environnements dans
lesquels il circule. Ce postulat théorique nous permet de penser la possibilité du narrateur
de faire circuler les actants, une fois figurativisés, dans différents lieux et de créer des
associations.
Dans l’ouvrage L’action au pluriel , Thévenot cherche à mettre en évidence la manière
dont une personne façonne son environnement, qui le façonne parallèlement. Il s’intéresse
168
ainsi « aux engagements qui donnent consistance à la personne » reniant le principe
qui « fixe la personne dans une détermination permanente en empêchant de suivre la
169
variation de ses engagements qu’il [lui] importe précisément d’analyser » . De ce
fait, il considère la personne comme un homme nomade , c'est-à-dire un « homme qui
circule sans attache d’un lieu à l’autre (…) dans le cours d’une vie tout en flexibilité
170
» .
On retrouve, ici, les intérêts de Bernard Lahire qui saisit l’individu comme porteur d'une
pluralité de dispositions, de façons de voir, de sentir et d'agir, constitutives des expériences
socialisatrices hétérogènes que les hommes vivent simultanément et successivement au
171
cours de leur vie ou dans des temps plus courts . Les fondements de l’identité plurielle
reposent sur des principes de socialisation différenciés (voire parfois contradictoires) dans
une pluralité de contextes sociaux. Ainsi, dans une journée, un même individu peut être,
successivement et/ou simultanément, père, employé, lecteur, fils, époux, consommateur,
etc. Pourtant, il existe une différence majeure entre les théories de ces deux sociologues.
De l’identité plurielle au nomadisme, il y a convergence mais aussi changement de focale.
A la fin de son dernier ouvrage, Thévenot se pose la question de savoir si la théorie de
l’homme pluriel de Lahire ne permettrait pas justement de réconcilier Bourdieu d’un coté, et
Boltanski et Thévenot de l’autre. En effet, Lahire se donne pour objectif de dépasser l’unicité
bourdieusienne de l’acteur. Car, si la notion d’individu, de son point de vue étymologique,
tend à se comprendre dans son indivisibilité, dans son unicité, il présente ce point justement
comme une illusion : « Tout se passe comme s’il y avait un profit symbolique et moral
(comme le rappellent les termes d’inconstance, de versatilité ou d’infidélité à soi
même) spécifique à se penser « identique » ou « fidèle » à soi-même en tout temps et
172
en tout lieu, quels que soient les évènements vécus et les épreuves traversées » .
L’illusion de l’unicité de soi cache donc une identité parcellée, une identité qu’il tente, par
là même, de saisir « sans avoir besoin de postuler une logique de la discontinuité
absolue en présupposant que ces contextes sont radicalement différents les uns des
autres, et que les acteurs sautent à chaque instant d’une interaction à l’autre, d’une
situation à l’autre, d’un univers social à l’autre, d’un domaine d’existence à l’autre
173
sans aucun sentiment de continuité » . Cette recherche de la continuité dans l’identité
plurielle est une critique adressée à l’encontre de la théorie des Economies de la Grandeur
167
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 23-53.
168
THEVENOT, 2006, op. cit. p.30.
169
Ibid. p.46.
170
Ibid. p.23.
171
Lahire entend disposition au sens de présence « déterminante » du passé incorporé au cœur du présent.
172
LAHIRE, B., L'Homme pluriel: les ressorts de l'action, Paris : Nathan, 1998, p. 35.
173
LAHIRE, 1998, op. cit. p. 36.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

de Boltanski et Thévenot. Lahire propose donc une forme de synthèse qui permettrait de
dépasser, à son sens, les limites de chacun des sociologues mobilisés ici. Mais finalement,
Thévenot constate que la théorie de l’homme pluriel réduit la différenciation des régimes au
processus de socialisation ; reproche partagé par Corcuff :
« La sociologie dispositionnelle de Lahire apparaît (…), plus ouverte aux
variations contextuelles, mais toujours dans la logique de l’activation d’un passé
174
incorporé « déterminant ». »
Partant, nous comprenons que Lahire dresse le portrait d’un homme pluriel ; de son coté,
Thévenot s’intéresse moins à une identité qu’aux dynamiques de déplacement au travers
de modes divers d’engagement. Considérer un homme nomade plutôt qu’un homme pluriel
invite à ne pas s’intéresser seulement aux « représentations de l’être humain et de
son identité » mais aussi à « ses capacité d’agir, ses façons d’éprouver le monde
en rapport avec ses interventions. L’engagement dans le monde est mouvementé.
Son mouvement affecte profondément l’appréhension de ce monde mais aussi celle
175
des personnes engagées » . A la logique d’un passé incorporé déterminant, largement
explicite dans la définition que fait Lahire de la disposition , s’oppose l’approche de
Thévenot qui ne veut pas rendre compte « d’un ordre établi ou reproduit, mais
176
d’une mise en ordre restant douteuse et problématique » . La théorie de l’homme
nomade n’est pas l’objet de son ouvrage mais un postulat pour considérer l’action comme
un engagement et fonder ainsi trois régimes d’engagement dans lesquelles une réalité
différente est expérimentée par l’acteur. Pourtant, ici, nous ne nous intéressons qu’à la
théorie de l’homme nomade parce qu’elle nous permet justement de considérer la pluralité
d’un individu dans ses déplacements avant de considérer les espaces qu’il traverse. Le
concept de nomade nous invite à considérer la mobilité « comme activité productive
177
et comme exploitation des ressources plus que comme simple déplacement » . Le
nomade n’est pas simple voyageur : il ne s’adapte pas aux lieux qu’il traverse mais les
façonne en même temps que ceux-ci le façonnent. La notion d’espace, pendant de celle de
mouvement, ne peut donc être saisie sans la compréhension de la coordination de l’acteur
et de son environnement.
« La division spatiale des modes d’engagement nous intéresse, mais on ne
peut l’aborder qu’en ayant pris soin au préalable de concevoir ces modes
d’engagement autrement qu’en termes d’espaces. C’est pourquoi nous avons
suivi une démarche attentive aux activités plutôt qu’aux frontières séparant des
178
lieux. »
A ce stade de notre propos, nous retiendrons, dans l’approche de Thévenot, cette invitation
à nous attarder sur les déplacements, le mouvement, pour penser, par la suite, les espaces
de significations. Et c’est là notre quatrième mouvement.

II. 1. 3. Le mouvement dans la narration.

174
CORCUFF, 2005, op. cit. [en ligne]
175
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 23.
176
Ibid. p. 12.
177
JOSEPH, I., « Le nomade, la gare et la maison vue de toutes parts », Communications, 73-1, 2002, p. 151.
178
THEVENOT, 2006, op. cit. p. 25.

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Le mouvement dans le récit est donc de quatre ordres : le mouvement de la narrativité,


le mouvement de la traduction, le mouvement du chercheur qui varie les échelles
d’observation et le mouvement dans la narration. Ce dernier mouvement est celui des
acteurs du récit qui circulent dans des espaces de signification, il est un mouvement de
papier.

II.1.3.1. Quelle place pour le mouvement dans la narration greimassienne ?


Pour Greimas, le mouvement est absent de la narration. En effet, celui-ci oppose « énoncés
d’état » et « énoncés de faire », les premiers étant statiques et dévoilant des positions, les
179
seconds des passages allant de l’un à l’autre. Le mouvement constituerait le passage
avec une directionnalité, ce qui n’est pas le cas des énoncés de faire dans la sémiotique
greimassienne. Cette question réinstalle parallèlement la question du temps dans le récit,
car en privilégiant la structure à l’histoire, la sémiotique du discontinu dégage des contraintes
achroniques qui rendent difficile l’appréhension du mouvement, débat que Ricœur avait
lancé dans les années 80 et que nous avons rapidement évoqué. En effet, la conception
de la mimesis II réalise une opération de configuration, médiatrice par trois aspects.
L’intrigue « fait médiation entre des événements ou des incidents individuels et une
histoire », elle installe une succession de la configuration : l’un est suivi par l’autre,
180
l’un est la cause de l’autre . Puis, elle « compose l’ensemble des facteurs aussi
hétérogènes que les circonstances, les caractères avec leurs projets et leurs motifs,
des interactions impliquant coopération ou hostilité, aide ou empêchement enfin des
181
hasards » . Enfin, elle effectue une synthèse de l’hétérogène, c’est-à-dire qu’elle forme
une synthèse dans un continu intelligible. La consécution donne la directionnalité nécessaire
au mouvement. Pourtant, nous avons vu que, pour Greimas, la logique organisationnelle
du récit fonctionne à rebours et à partir de présuppositions. Peut-on alors interroger un
mouvement, c'est-à-dire un déplacement avec une directionnalité, dans la narration telle
qu’elle est entendue par Greimas ? C’est au niveau des structures discursives et plus
précisément de la syntaxe discursive que nous résolvons cette question.
Retrouvons les notions de « temporalisation », de « spatialisation » et
d’ « actorialisation », sous-composantes de la discursivisation, qui apparaissent dans le
schéma du parcours génératif. La temporalisation « consiste, comme son nom l’indique,
à produire l’effet de sens « temporalité » et à transformer ainsi une organisation
182
narrative en histoire », elle est composée par trois éléments . La programmation
temporelle convertit la logique des présuppositions en une logique de consécutions, c'est-
à-dire qu’elle est un effet de la mise-en-discours donnant ainsi un « ordre temporel et
183
pseudo-causal des évènements » . La localisation temporelle construit un système
de références qui permet de situer les différents programmes narratifs les uns par rapport
184
aux autres . Enfin, l’aspectualisation convertit les fonctions narratives, achroniques au
179
L’utilisation du conditionnel est motivé par la propre utilisation de ce temps par Greimas quand celui-ci parle du mouvement, un
temps conditionné par le fait que cela reste au statut de piste de réflexion : « Ce n’est qu’une possibilité d’analyse : rares sont
les recherches effectuées dans cette perspective » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 215)
180
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 102.
181
RICŒUR, 1986, op. cit. p. 21-22.
182
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 388.
183
Ibid. p. 388.
184
Ibid. p. 216.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

niveau sémio-narratif, en procès. Dans la même logique, la spatialisation inclut deux


éléments. Les procédures de localisation spatiale permettent d’installer dans l’énoncé « une
organisation spatiale (…) qui sert de cadre pour l’inscription des programmes et de
185
leurs enchainements » . La spatialisalisation comporte, par ailleurs, des procédures
de programmation spatiale qui permettent « une disposition linéaire des espaces
partiels (…) conforme à la programmation temporelles des programmes narratifs
186
» . L’actorialisation permet quant à elle, par la réunion des éléments des composantes
sémantiques et syntaxiques, d’instituer les acteurs du discours par la réunion d’un rôle
actantiel et d’un rôle thématique. Ces trois sous-composantes sont liées les unes aux
autres et nous permettent de comprendre que, pour le sémioticien, la consécution n’est
pas la logique organisatrice mais un effet illusoire de l’énoncé, elle est créée par une
procédure de projection, appelée débrayage , d’un système de références qui permettra
187
de « localiser les différents programmes narratifs les uns par rapport aux autres » .
Ainsi, le mouvement n’est appréhendable que dans les structures discursives lorsque les
actants sont incarnés, que l’énoncé est figurativisé et que des références spatio-temporelles
sont installées dans le récit par l’instance d’énonciation. C’est donc uniquement au niveau
discursif que nous saisirons le mouvement dans la narration. L’articulation et les relations
entre les différentes figures instituent plus loin le parcours figuratif du récit

II.1.3.2. Le mouvement dans la narration en schéma

185
Ibid. p. 358.
186
Ibid. p. 358.
187
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 81.

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[Figure : Le mouvement de narration]


Avant de nous attarder plus en détail sur l’espace et la façon dont nous
188
l’appréhenderons dans cette étude, nous allons suivre une schématisation du mouvement
qui nous permettra plus loin de définir la peopolisation par ses tenants et aboutissants.
Ces schémas investissent le mouvement dans la narration comme des passages entre
deux états, deux espaces, deux intervalles temporels et représentent donc des énoncés de
189
faire . Le Figure n°7 est une vue d’ensemble du mouvement tel que nous l’appréhenderons
190
dans la narration . Nous allons le décomposer pour ensuite saisir dans sa totalité et ses
enjeux méthodologiques.
Dans le mouvement, nous distinguons deux éléments : la transposition (changement
de position) et la transformation (changement de forme).
La transposition désigne le passage d’une position première à une position seconde.
Ce déplacement peut être spatial (passer d’un lieu à un autre), temporel (passer d’un âge
à un autre), idéel (passer d’une opinion à une autre), actoriel (passer d’un rôle à un autre),
institutionnel (passer d’un statut à un autre), etc.
La transposition est le mouvement/déplacement qui prend place entre une position
première (point de départ) et position seconde (point d’arrivée).

[Figure 8 : La transposition]
Par exemple, nous pouvons considérer la campagne électorale comme le passage d’un
statut de candidat à un statut d’élu. La position première serait la déclaration de candidature,
la position seconde serait l’élection : la transposition interviendrait comme le chemin que le
candidat effectue jusqu’à l’élection, soit la campagne. Si la position première lui impose une
188
Tous les schémas sont les nôtres. Ils sont élaborés avec la volonté d’être le plus clair possible.
189
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 214.
190
Ce schéma sera réinvesti théoriquement lors de notre prochain chapitre et mis en application lors du chapitre VI.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

direction a priori (candidature donc campagne), la position seconde n’a aucune influence sur
ce chemin, si ce n’est qu’elle y met fin. Mais que le candidat soit élu ou pas ne conditionne
pas la campagne. Cependant, le fait de ne pas connaître la position seconde lors de la
transposition n’est pas un élément commun à toutes les transpositions, certaines peuvent
se faire en connaissant à l’avance le résultat de la position seconde, tel que la préparation
d’un mariage. La position première est la demande en mariage : on accède au statut
de fiancé. La position seconde est le mariage : on accède au statut de marié. L’individu
connaît à l’avance la position à laquelle il va accéder et agit en conséquence lors de la
transposition (enterrement de vie de garçon par exemple). Cependant ces deux exemples
témoignent d’une transposition dont la fin est programmée (on connaît le lieu temporel
où la transposition prendra fin). Ainsi, pour résumer, nous sommes face à deux types de
transposition : une transposition avec fin programmée dont on connaît à l’avance la fin,
c’est à dire quand la position seconde interviendra (même si le l’état de la position seconde
est incertain) et une transposition dite « a posteriori », c'est-à-dire qu’elle n’a pas de fin
programmée ; il est donc difficile de pouvoir la saisir quand elle est en cours. Cette dernière
est donc saisie a posteriori quand la position seconde a été éprouvée et qu’il est donc
possible de reconstituer la transposition. Par ailleurs, nous sommes face à deux types de
transposition avec fin programmée : la transposition spéculative avec laquelle on se dirige
vers une position incertaine (le cas d’une campagne électorale, d’une scolarité, etc.) et une
transposition déterminée, c'est-à-dire qu’on se dirige vers une position connue (le cas de
la préparation d’un mariage).
De son côté, la transformation est la phase qui comprend à la fois la nouvelle position,
la forme précédant cette nouvelle position et la forme suivant la nouvelle position.

[Figure 9 : La transformation]
Il faut nécessairement un changement de position significatif pour qu’il y ait
transformation. L’élection peut être considérée comme une transformation en tant qu’elle
prend en considération la nouvelle position « élection », le statut précédent « candidat » et
le statut suivant « élu ». Cela nous permet de rendre compte de la transformation, c'est-
à-dire du changement de rôle et/ou de costume du candidat en élu et donc de la variation
de son identité consécutive de ce changement de forme/rôle. Pour résumer et rapporter
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cela de façon plus proche à nos considérations, la transposition figure comme le passage
d’un espace à un autre, alors que la transformation intervient comme le changement d’état
d’un sujet. Cette distinction rejoint celle formulée par Latour quand il établit un point de
divergence entre transport et traduction. Le transport véhicule « une force qui resterait
191
tout du long semblable à elle-même » . Sa forme ne change pas : nous sommes dans
le cas d’une transposition. De son coté, la traduction révèle une connexion qui met en scène
des transformations.
Saisir le mouvement dans la narration à partir de cette dichotomie « transformation »
et « transposition » interroge par ailleurs les deuxième et troisième mouvements que nous
avons évoqués plus haut. En effet, le mouvement dans la narration est un mouvement
de papier, signifié par le narrateur et par le chercheur : cette conception schématique du
mouvement reste soumise aux variations d’échelles de contextes du chercheur et donc à sa
subjectivité, mais aussi de celle du narrateur : c’est un découpage d’un découpage. Le fait
de choisir, en position première, la déclaration de candidature intervient comme un angle
de vue, une position qui tend alors à définir la construction de l’objet. La position première
aurait pu être l’entrée en politique ou la décision personnelle de l’homme politique d’être
candidat, etc. Le narrateur dans son récit choisit un point de départ comme le chercheur
en sélectionnant tel ou tel récit. L’intérêt de mobilisation de la notion d’échelle est donc
double ici. Elle permet de considérer notre propre travail et notre propre pouvoir sur l’objet
de recherche mais elle est surtout l’un des objets de notre recherche. Nous cherchons,
192
en effet, à « mesurer (…) le travail de mesure lui-même » en étudiant finalement
l’activité de qualification et de définition du narrateur devenant ainsi un acteur et plus loin,
en restituant les changements d’échelles qu’il opère.

II. 1. 4. La coupure dans le mouvement


La coupure est un événement qui créé de la discontinuité et, à ce titre, instaure du
changement. L’indétermination propre à l’action humaine, décrite par Hannah Arendt, dans
La condition de l’homme moderne , fait de la rupture l’annonce d’un futur incertain que
193
le passage par la notion d’étape symbolise . L’étape est ce lieu de règlement de ce qui
fait problème, pose question, met à l’épreuve et, en même temps, joint une ligne de vie,
lui redonne sa cohérence. La coupure est donc, tout à la fois, un gond (une articulation) et
un gong (le gong pouvant être sonné au début et la fin de chaque reprise à la boxe). Pour
nous tenir à notre démarche interdisciplinaire, nous allons nous intéresser à la rupture, telle
qu’elle est pensée en sociologie de style pragmatique et en sémiotique greimassienne, pour
conclure sur notre considération du mouvement.
« Le mouvement est mouvement et opère comme mouvement, en tant qu'il est
en relation avec des choses qui en sont privées (…) Le mouvement doit être
194
rapporté à un corps immobile. »
Trois notions issues de la sociologie de style pragmatique permettent de considérer le
mouvement en le figeant pour un temps. C’est dans la rupture et dans la discontinuité que
le mouvement retrouve son dynamisme.
191
LATOUR, 2007, op. cit. p. 155.
192
LATOUR, 2007, op. cit. p. 271.
193
ARENDT, H., La condition de l’homme moderne, Paris : Calmann-Levy, 1994
194
GALILEE, Dialogues et lettres choisies . (Trad. P.H. Michel). Paris : Herman, 1966, p. 141.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

Le concept d’état apparaît dès la première phrase de De la justification. Les


économies de la grandeur pour signifier que les propriétés ne sont plus attachées en
permanence à l’être mais se révèlent dans le cours de l’action, dans la réalisation de
l’épreuve. Or précisément, l’épreuve constitue la possibilité d’un changement d’état. Elle
est donc l’expression d’un moment d’incertitude car « s’il n’y a pas d’incertitude, il
195
n’y a pas d’épreuve possible » . On comprend dès lors que le mouvement se saisit
dans la discontinuité, dans le changement et nécessite une incertitude quant au devenir
de l’état. Mais parallèlement, l’épreuve demande une certaine stabilité. « Dans un monde
196
totalement incertain, l’épreuve serait chaotique » . Le mouvement se saisit donc dans
le changement d’un état en un autre et nécessite un point de rupture dans l’action.
On retrouve ce point de rupture dans le mouvement de la narrativité et de la traduction
et que Callon désigne comme le point de passage obligé (PPO), c'est-à-dire un lieu ou
un énoncé incontournable dans la controverse. Callon découpe le processus de traduction
en quatre phases. Lorsqu’il étudie l’histoire de la coquille Saint-Jacques, il évoque une
première phase dite de problématisation. Elle consiste à définir précisément les acteurs
en présence. Il s’agit de figurer les actants. Une fois cela mis en place, se profilent des points
de passages obligés qui montrent à tous les actants l’intérêt de participer au programme
de recherche proposé. Dans ce cas précis, la question « Pecten Maximus se fixe-t-
197
il ? » est la question qui incite les êtres engagés à trouver une réponse en participant
activement. C’est un point de passage et, il est obligé, dans le sens où tous les individus qui
participent à la traduction passent forcément par ce dernier. Ensuite, il convient de suivre les
dispositifs d’ intéressement qui sont définis par l’auteur comme « l’ensemble des actions
par lesquelles une entité s’efforce d’imposer et de stabiliser l’identité des autres
198
acteurs qu’elle a définie par sa problématisation » . Il convient, ici, de capter l’attention
de tous les partenaires pour les intéresser uniquement au PPO et les détourner d’autres
intéressements éventuels, d’autres attaches qui les détourneraient du problème initial posé
par les chercheurs. Vient alors l’ enrôlement qui peut se définir comme l’aboutissement de
l’intéressement. L’auteur l’explique d’ailleurs ainsi : « l’enrôlement est un intéressement
199
réussi » . Dans cette phase, se définissent des rôles nouveaux pour les acteurs qui ont
été intéressés, des rôles redéfinis à l’aune de la situation. Les acteurs définissent en partie
et surtout acceptent implicitement leur rôle en s’y conformant. On pourrait avancer que nous
sommes là dans une phase de clarification des procédés, mais cela va plus loin avec le
dernier aspect, et non des moindres, qu’est la mobilisation des alliés .
Dans l’article « Les investissements de forme », Thévenot est à la recherche
d’un concept d’investissement susceptible de couvrir « la gamme la plus complète
200
des ressources de l’entreprise » , c'est-à-dire de pouvoir rendre compte de la
« variété d’êtres très étendue qui comprennent non seulement des catégories
cognitives ou des outils de classement mais également des êtres sociaux, coutumes,

195
NACHI, 2006, op. cit.p. 74.
196
Ibid. p. 64.
197
Pecten Maximus: nom latin des coquilles Saint-Jacques.
198
CALLON, 1986, op. cit. p. 185.
199
Ibid. p. 189.
200
THEVENOT, L., « Les investissements de forme », THEVENOT, L. (ed.), Conventions économiques , Paris : PUF, 1986,
p. 21-71.

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Médias, politique et vie privée

201
représentations sociales, personnes collectives » . Il définit, alors, ce concept
d’investissement de forme en tant qu’il sert à « l’établissement, coûteux, d’une relation
stable pour une certaine durée » d’une part, et à un accroissement de généralité
202
d’autre part, lorsqu’il « sert d’instrument d’équivalence » . Cette approche permet
de réduire la complexité (due à la variété et l’hétérogénéité de partenaires, de données
203
et d’intermédiaires) et à la rendre saisissable . Ainsi, il faut voir ici le travail des acteurs-
traducteurs pour substituer à des entités nombreuses et difficilement manipulable, un
ensemble d’intermédiaires qui permettra alors de rendre la complexité plus simple, plus
204
saisissable. Ce sont les investissements de formes qui faciliteront alors l’intéressement,
l’enrôlement et la mobilisation des alliés. Cette notion instaure une rupture dans la
controverse ou la traduction en tant qu’elle clôt pour un temps la discussion et sert
d’instrument pour la suite.
Que ces notions dévoilent des coupures dans le mouvement de la narration, de la
narrativité, de la traduction ou de celui du chercheur dans son découpage, on comprend
que le mouvement ne peut se saisir que dans la relation à une coupure, un temps où le
mouvement n’est plus et où nous pouvons observer une certaine stabilité, qu’elle soit au
début, un final ou un moment de clôture du mouvement.
« Si je lève la main de A en B, ce mouvement m'apparaît à la fois sous deux
aspects. Senti du dedans, c'est un acte simple, indivisible. Aperçu du dehors,
c'est le parcours d'une certaine courbe AB. Dans cette ligne je distinguerai
autant de positions que je voudrai, et la ligne elle-même pourra être définie
une certaine coordination, de ces positions entre elles. Mais les positions en
nombre infini, et l'ordre qui relie les positions les unes aux autres, sont sortis
automatiquement de l'acte indivisible par lequel ma main est allée de A en B.
Le mécanisme consisterait ici à ne voir que les positions. Le finalisme tiendrait
compte de leur ordre. Mais mécanisme et finalisme passeraient, l'un et l'autre, à
côté du mouvement, qui est la réalité même. En un certain sens, le mouvement
est plus que les positions et que leur ordre, car il suffit de se le donner, dans sa
simplicité indivisible, pour que l'infinité des positions successives ainsi que leur
ordre soient donnés du même coup, avec, en plus quelque chose qui n'est ni
ordre ni position mais qui est l'essentiel : la mobilité. Mais, en un autre sens, le
mouvement est moins que la série des positions avec l'ordre qui les relie ; car,
pour disposer des points dans un certain ordre, il faut d'abord se représenter
l'ordre et ensuite le réaliser avec des points, il faut un travail d'assemblage et il
faut de l'intelligence, au lieu que le mouvement simple de la main ne contient rien
de tout cela. Il n'est pas intelligent, au sens humain du mot, et ce n'est pas un
205
assemblage, car il n'est pas fait d'éléments. »
201
Ibid. p. 59.
202
Ibid. p. 28.
203
AMBLARD, H. et al., Les Nouvelles Approches Sociologiques des Organisations, (troisième édition augmentée),
Paris : Seuil, 2005, p. 160-161.
204
Cette notion peut être rattachée à la notion de « bien en soi » développée par Nicolas Dodier pour désigner une référence
indiscutable, c'est-à-dire la référence à un bien qui se vaut en tant que tel. Le bien en soi clôt, pour un temps, le mouvement du sens
critique et l’espace de la critique. (DODIER, 2005, op. cit. p. 22.)
205
BERGSON, H., L'évolution créatrice, (1ère éd. 1907), Paris : PUF, 1998, p 91-92.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

On retrouve, dans cette citation, trois éléments déjà évoqués, qui nous semblent importants
dans notre recherche : la référence à la directionnalité (à l’ordre), la référence aux positions
206
et à l’espace et enfin « l’intelligence » de penser l’assemblage . La directionnalité se trouve,
l’avons-nous dit au niveau discursif, il en va de même pour la considération des positions
qui devront être figurativisées pour se différencier. Nous retrouvons ici notre intérêt pour une
considération relationnelle du continu et du discret en tant que ce sont les unités discrètes
qui vont nous permettre de rendre intelligible le continu. C’est par le repérage des coupures
que nous pourrons saisir le mouvement.
« Une unité discrète se caractérise par une rupture de continuité par rapport
aux unités voisines ; elle peut, de ce fait, servir d’éléments constituant d’autres
207
unités, etc. »

II. 1. 5. A propos du mouvement.


La dialectique « mouvement-espace » est inhérente au sujet de notre recherche qui investit
non seulement l’identification des espaces de significations mais surtout les passages d’un
espace à un autre. Nous avons pu alors identifier quatre mouvements dans cette étude : le
mouvement de la narrativité, le mouvement de traduction, le mouvement du chercheur et le
mouvement dans la narration. Parallèlement, considérer le mouvement oblige à considérer
ses ruptures : c’est dans la rupture que le mouvement retrouve son dynamisme. Reprenons
désormais chacun de ces mouvements en lien avec ses ruptures.
Le premier mouvement est celui de la narrativité, il est au cœur de la structure du
récit, saisissable à partir du parcours génératif, défini par Greimas, comme la dynamique
productrice et organisatrice des discours. Dans la logique de la sémiotique greimassienne,
ce mouvement part du niveau le plus abstrait vers le niveau le plus concret. Ce niveau
de surface est le niveau discursif où les actants sont incarnés (actorialisation), où un effet
de sens dans le récit émerge (temporalisation) et où les programmes narratifs et leurs
enchainements sont inscrit dans une organisation spatiale (spatialisation). Les coupures
dans le mouvement de la narrativité sont investies par les niveaux de mise en discours : c’est
dans le chapitre IV de cet écrit que le mouvement de la narrativité trouvera son intérêt pour
notre objet d’étude avec la construction d’un répertoire. En effet, ce répertoire se construit
dans l’observation de chacun des termes de notre corpus autant au niveau sémio-narratif
que discursif, identifiant la structure sous-jacente à la mise en discours de ces termes dans
des phrases et des récits.
Le second mouvement est le mouvement de traduction, tel qu’il a été conceptualisé
par Callon et Latour : il englobe les opérations et les interactions par lesquels les acteurs
définissent, déplacent et détournent les paroles et les identités des autres acteurs. Chaque
récit est le fruit d’une traduction. Ainsi, dans notre recherche, le mouvement de la traduction
n’est envisagé qu’au travers de ces ruptures et donc de ses résultats. C’est dans la
comparaison des récits comme autant de ruptures dans le temps et dans l’espace qu’il va
nous être possible d’appréhender le dynamisme de la traduction.
Le troisième mouvement est celui du chercheur : celui-ci est multiple et intervient sur
tous les autres mouvements par la définition de ce qui est observé, du début et de la fin de
206
Nous partons, ici, du postulat que le mouvement dans le récit se distingue du mouvement simple de la main qu’illustre cette
citation : on lui octroie une certaine intelligence sans que celle-ci soit forcément douée d’intention mais au moins d’intentionnalité (voir
chap. 1-3 pour la distinction).
207
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 106.

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l’observation, du choix des traducteurs ou des objets traduits. Parallèlement le mouvement


du chercheur se tient dans la variation des échelles d’observations, à partir de laquelle le
mouvement de la traduction peut être envisagé. En dirigeant notre regard non plus sur un
récit comme un continu mais sur un ensemble de récits, chaque récit devient le résultat d’une
traduction nous permettant de retrouver le dynamisme d’un mouvement dont on ne peut
observer que les résultats. Nos changements de focales croisent différents ensembles et
orientent nos analyses vers plusieurs angles de notre corpus (les espaces de significations,
les candidats, les types de récits, les porte-parole, les thématiques, etc.)
Le quatrième mouvement est le mouvement de narration. C’est à partir de la théorie de
l’homme nomade que nous considérons les êtres comme le produit à la fois des espaces
qu’ils façonnent et de leurs mouvements. Au prisme des êtres de papiers sur lesquels se
focalise notre recherche, cette approche envisage les récits, au niveau discursif, dans une
convergence entre identité, déplacement et espace. Nous identifions deux mouvements
qui contiennent cette convergence : la transposition et la transformation. Le chapitre III
réfléchira ce mouvement à partir de la notion d’identité médiatique tandis que le chapitre
VI appliquera cette approche comme une méthode d’analyse pour découvrir notre corpus
et l’identité médiatique de chacun des douze candidats à l’élection présidentielle de 2007,
dans la presse people.
Prendre le parti du mouvement plutôt que des espaces ne peut faire, pour autant,
l’économie d’examiner les espaces. A l’image du nomadisme, cette posture invite à
considérer des espaces qui seraient le produit du mouvement, lui-même produit par les
espaces, évitant alors le piège de l’impossible localisation d’un objet en train de se faire pour
revenir à un processus produisant ses propres espaces pour s’y installer. Ainsi, prendre le
parti du mouvement plutôt que des espaces, c’est prendre le parti du mouvement plus
tôt que des espaces…

II. 2. L’espace dans le récit.


Dans les dernières lignes qui précédent, nous indiquons que notre posture ne se défait
pas des espaces pris et produits dans le mouvement : celui-ci ne peut se concevoir sans
l’espace. Il est temps désormais de réfléchir à l’espace sans perdre de vue l’intérêt pour un
espace dynamique défini et produit par les mouvements qui se produisent en son sein. Dans
cette logique, nous retenons la définition de l’espace que Michel de Certeau formule pour
208
considérer, précisément, l’espace dans sa tension avec le mouvement .
« L’espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par
209
l’ensemble des mouvements qui s’y déploient. »
Les espaces du privé et du public sont des éléments importants dans la définition du
phénomène de peopolisation. Pourtant, ils ne suffisent pas pour saisir cette controverse,
dont la définition et la consistance sont encore largement soumises aux fluctuations et aux
critiques. Se contenter d’observer les espaces impliquerait que nous avons affaire un objet
clos, défini, stable, constituant lui-même un objet de signification. Ainsi pouvons-nous dire
que le phénomène de peopolisation est un mouvement détecté comme allant-de-soi ou
non, qui s’analyse en termes de déplacement entre des espaces, en termes de jeu sur les
208
Nous reviendrons, dans les prochaines pages, sur cette définition et ses implications.
209
DE CERTEAU, 1990, op. cit. p.173.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

frontières. Le mouvement, saisi dans son rapport intrinsèque avec les espaces qu’il met en
tension, est de quatre ordres : le mouvement de la narrativité, le mouvement de la traduction,
le mouvement du chercheur qui varie les échelles d’observation et le mouvement dans la
narration. Or, nous retrouvons un découpage des espaces du même ordre, les espaces
que nous saisissons n’étant pas des espaces géographiques ou réels mais des espaces
socialement construits.
Avant de retrouver cette catégorisation et son rapport avec notre dédoublement de
l’énonciateur comme narrateur et acteur, il est essentiel de considérer l’irréductibilité
du phénomène qui tient dans l’hétérogénéité des êtres qui le construisent et dans la
difficulté de qualifier leur cohabitation : une hétérogénéité identifiable à partir de la
dialectique privé/public dont le dépassement est précisément l’espace d’émergence de la
peopolisation. Ainsi, nous partons de la définition des espaces public et privé pour suivre
leur transformation en espaces de signification opérants pour cette recherche.

II. 2. 1. De la dyade « privé – public » à la triade « domestique –


civique – opinion ».
« Le maintien des frontières devient d’autant plus artificiel, que les médias eux-
210
mêmes s’appliquent, avec brio, à en effacer le tracé. »

II.2.1.1. Espace privé et espace public.


ème
Selon Jürgen Habermas, l’espace public émerge de la naissance au 18 siècle d’une
sphère publique littéraire. Cette sphère se manifeste à travers les journaux, les salons,
les clubs et a pour enjeu la critique littéraire, picturale et musicale. C’est une sphère
dédiée au commentaire – à l’analyse – des œuvres d’art. La discussion qui la fonde est
indépendante du marché. Si les œuvres culturelles sont des biens de consommation, la
discussion qui s’effectue à leur propos est le fait de personnes privées rassemblées en
public. Or, parce que cette sphère est un lieu où le privé sort du privé, les personnes
qui y participent sont libérées du souci des nécessités économiques. La sphère publique
littéraire est donc le lieu d’expression des subjectivités détachées des impératifs des lois
211
du marché. Ainsi, logique de l’échange et égalité de nature des personnes permettent
ème
à l’espace public d’émerger au 18 siècle. Cette naissance est accompagnée, selon
Habermas, d’une nouvelle forme de publicité, comprise comme l’usage public de la raison,
non plus seulement accessible à l’Etat mais aussi et désormais aux personnes privées.
La sphère publique littéraire constitue finalement un lieu d’élaboration et d’expérimentation
d’une sociabilité démocratique, d’apprentissage du raisonnement politique et constitue ainsi
la base de l’émergence de l’espace public. Habermas donne à la discussion et à l’échange
communicationnel un rôle central dans le mode d’organisation politique d’une société.
L’espace public est fondé sur un savoir et des aspirations qui ont été élaborées dans le
milieu rationnel de la discussion collective ; il résulte d’un processus opéré par une société
210
DAHLGREN, P., « L’espace public et les médias : Une nouvelle ère. », Hermès, 13/14, 1994, p. 256.
211
Cette vision est contestée, entre autres, par Bernard Floris ou Nancy Fraser. Pour cette dernière, il y a illusion d’égalité dans
l’accès à la parole et à l’information (FRASER, N., “Rethinking the Public Sphere: A Contribution to a Critique of Actually Existing
Democracy”, CALHOUN, C. (Éd.), Habermas and the Public Sphere. Londres : Cambridge, p. 109-142). Pour le premier, « le public
des personnes privées est toujours le produit d’une médiation (institutionnelle ou communicationnelle)» (FLORIS, B., La
communication managériale, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 1996, p.124.)

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civile devenue consciente d’elle-même comme du présent historique et raisonnant sur lui.
Conceptualisé par Habermas, l’espace public renvoie à l’activité d’une élite ; il inclut des
cercles bourgeois et reste fondamentalement bourgeois. Il exclut, par ailleurs, ceux qui n’ont
212
pas la compétence de la critique littéraire ou politique . Caractérisé par les débats et les
écrits des hommes de lettres, l’espace public bourgeois atteint son apogée entre le début
ème ème
et le milieu du 19 siècle. Dans la seconde moitié du 19 siècle, l’industrialisation,
l’alphabétisation et les progrès de la presse populaire contribuent au déclin de l’espace
public bourgeois. L’opinion publique n’est plus alors le produit du discours rationnel. La
publicité prend un aspect manipulatoire et sert désormais à rendre public des intérêts
concurrents : elle perd son caractère heuristique. Sous l'influence d'un Etat interventionniste
et administratif, qui brouille les frontières entre domaine privé et domaine public et subvertit
le principe de publicité, l'espace public se transforme en un lieu de propagande politique où
les médias de masse créent une loyauté de masse. De fait, à la lumière de la description
idéelle par Habermas de l’espace public bourgeois, ce nouvel espace public apparait
comme une sphère amorphe dominée par des médias de masse qui relaient les intérêts
des systèmes étatiques et économiques.
Deux éléments nous semblent importants dans cette très rapide évocation de la
définition habermassienne de l’espace public. Le premier nous montre qu’il y a un jeu entre
espace public et espace privé qui oblige à considérer l’un pour appréhender l’autre. Le
second insiste sur l’évolution de ces espaces avec celle des médias et de la communication
dans notre société. Or, le phénomène que nous étudions est précisément le fruit de ce
changement. Ces deux éléments méritent donc de nous attarder sur quelques autres
définitions pour en extraire l’accord émergeant.
La séparation entre espace privé et espace public est donc une réalité historique
qui résulte d’un découpage, lui-même changeant, de l’activité humaine entre ces deux
213
espaces . Leurs définitions relèvent de questions liées aux mœurs et à la vie quotidienne
214
et sont changeantes et fluides . Hannah Arendt identifie deux temps dans l’évolution de la
sphère privée. Dans la Grèce antique, s’opposent le politique et le privé ; le premier étant
le domaine de l’action, le second de la parole. La sphère privée révèle alors une privation
qui tient de l’absence de l’autre. Pourtant, l’avènement du christianisme modifie l’espace
215
privé, qui passe du lieu où l’on se privait des autres au lieu où l’on se cache des autres :
il devient un lieu obscur. Enfin, l’apparition de la Cité entraine l’avènement du social qui
perturbe alors la distinction entre espace public et espace privé, entrainant le dépérissement

212
Le propos de l’historienne Arlette Farge est justement de remettre en cause cette vision élitiste. Dans l’introduction de son ouvrage
Dire et mal dire, elle annonce son intention : retrouver un objet réputé introuvable, l’opinion « folle, impulsive, inepte », c’est-à-dire
l’opinion populaire définie par Condorcet comme « celle de la partie du peuple la plus stupide et la plus misérable. » Elle explique
que, face aux écrits de l’élite, qui forme un espace critique lettré et douée de raison (la sphère publique bourgeoise), il existe une
sphère publique plébéienne. Arlette Farge étudie alors les chroniques, les journaux, lesmémoires, les procès verbaux de police, les
archives de la Bastille, etc. L’espace public n’est donc pas né uniquement de la sphère publique littéraire comme l’affirme Habermas
mais aussi de cette sphère publique plébéienne qu’Arlette Farge tente de retrouver et qui résonne, selon l’auteur, « deux siècles
plus tard comme un écho lointain des protestations de la rue, des prisons, des groupes et des individus ». (FARGE, A.,
ème
Dire et mal dire : l’opinion publique au 18 siècle, Paris :Seuil, 1998.)
213
PROST, A., « Frontières et espace du privé », ARIES, P. & DUBY, G. Histoire de la vie privée. Tome 5 : De la première
guerre mondiale à nos jours, Paris : Seuil, Coll. Points Histoire, 1999.
214
MEHL, D., La télévision de l’intimité, Paris : Seuil, Coll. Essai politique, 1996.
215
ARENDT, 1961, op. cit. p. 74

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

du public « devenu une fonction du privé et le privé la seule et unique préoccupation


216
commune » .
« La découverte moderne de l’intimité apparaît comme une évasion par rapport
au monde extérieur, un refuge cherché dans la subjectivité de l’individu autrefois
217
protégé, abrité par le domaine public. »
La sphère privée perdue serait donc remplacée par l’intime. Ce déplacement du privé
vers l’intime qui constituerait le seul résidu face aux évolutions sociales se retrouve chez
Dominique Mehl. En effet, Mehl repère un bouleversement dans les délimitations des
espaces privé et public dans les années soixante-dix, démarcation temporelle détectée,
par ailleurs, par Richard Sennett et Christopher Lasch. Mehl identifie les causes de ce
changement – la télévision comme instrument de communication de masse et la montée de
l’individualisme hédoniste – et la conséquence – la mise en scène de l’intimité –. Dans une
même acception, l’espace privé est, selon Norbert Elias, le lieu où « l’individu pouvait, tout
en restant soumis au contrôle de la loi, échapper jusqu’à un certain point au contrôle
218
de la société » . Mais sa publicisation produit un effacement de l’espace géographique,
d’un espace concrètement repérable. L’espace domestique comme lieu identifiable a perdu
sa valeur d’espace privé ; il devient une « idée mouvante dont les limites sont tracées
219
par chaque individu » , une construction théorique subjective de ce qui ne peut être
dit ou montré publiquement. Ainsi, la place publique devient un lieu d’exposition des états
220
d’âme et des difficultés psychologiques des acteurs , en d’autres termes, l’espace public
221
devient « l’espace d’échanges publics d’expériences privées » . Sennett décrit un
déclin de la vie publique qui s’efface alors au profit de l’affichage des sentiments intimes,
l’espace public prenant de plus en plus les formes de l’espace privé.
« Pour la première fois, il y a dans les cafés une grande quantité de gens qui se
222
reposent, boivent et lisent, etc. mais séparés par d’invisibles cloisons. »
Cette omniprésence de la vie privée dans l’espace public conduit, selon cet auteur, à une
tyrannie destructrice de l’esprit critique ; il dénonce finalement le retour des émotions et des
passions dans l’espace public. Cette nouvelle forme d’espace public installe la société dans
une société intimiste, incivile, qui perd le sens des intérêts de groupe et qui vide la vie sociale
223
de sa dimension politique . Suivant cette même perspective, Lasch dégage le fait que le
224
public se résorbe tandis que le privé se vide . Mehl défend un point de vue plus nuancé et
parle d’une reformulation de l’espace privé et d’un élargissement de l’espace public incluant
de nouvelles thématiques et de nouveaux enjeux. Finalement, face à ce nouvel agencement
de l’espace privé dû à son exposition sur la scène publique, nous pouvons nous demander

216
Ibid. p.80
217
Ibid. p. 81
218
ELIAS, N., La société de cour, Paris: Flammarion, 1995, p. 148.
219
MEHL, 1996, op. cit. p.155.
220
Ibid. p. 155.
221
FERRY, J-M., « Les transformations de la publicité politique », Hermès, 4, 1989, p. 22.
222
SENNETT, R., Les tyrannies de l’intimité . Paris. Seuil. 1979. p. 167.
223
SENNETT, 1979, op. cit. p. 152.
224
LASCH, C., Le complexe de Narcisse, Paris : Robert Laffont, 1980.

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Médias, politique et vie privée

s’il n’y aurait pas un effacement de cet espace dont le seul résidu constituerait l’intime,
élément alors défini selon le libre-arbitre de chacun.
En conclusion de ce rapide état des recherches, notons qu’il y a, pour tous ces
auteurs, une modification dans la définition de ces espaces, révélée, entre autres, par un
entrelacement empêchant une distinction stabilisée et universelle de ces deux espaces.
Dans les années 60-70, se dessine, selon ces auteurs, un double mouvement : celui
de la publicisation de l’espace privé et celui de la privatisation de l’espace public. Or la
peopolisation semble se construire dans le creux de ce double mouvement. Si pour l’instant,
nous nous refusons à définir ce phénomène, nous comprenons que la considération des
espaces public et privé est fondamentale tout autant que trop restrictive. Cette restriction se
comprend sous deux aspects. Le premier empêche de considérer un processus incertain
en termes d’espace : pour saisir ce phénomène médiatique en train de se faire, c’est le
mouvement entre les espaces qui nous intéresse ; un mouvement qui tend ainsi à modifier
les frontières des deux espaces définis ou, du moins, à en créer un troisième. Mais, par
ailleurs, les définitions des espaces privé et public ont montré des frontières changeantes et
soumises aux évolutions sociales : il y a une complexité du monde social que la dichotomie
privé/public ne semble pas pouvoir embrasser dans son jeu avec l’évolution des médias et
la culture de la communication qui en découle. Un propos de Louis Quéré permet d’étendre
nos considérations par la possibilité de re-penser l’espace public à l’aune de l’injonction
à la visibilité. Ce propos présente deux idées essentielles : l’espace public est, à la fois,
une sphère publique de libre expression, de communication et de discussion et une sphère
publique d’apparition et de représentation qui élèvent certains acteurs, actions, évènements
225
ou problèmes sociaux au rang du connu et du reconnu . L’apport de Quéré permet, alors,
de déplacer nos considérations d’une dyade à une triade, déplacement qui prend toute son
ampleur dans la théorie des mondes de Boltanski et Thévenot.

II.2.1.2. Saisir la cohérence des mondes.


Dans leur ouvrage De la justification, Boltanski et Thévenot présentent une typologie
modélisante de six mondes régis par des cohérences qui mettent au premier plan des
personnes, des objets, des représentations, des figures relationnelles, autant d’éléments
permettant de dévoiler la nature du monde ; chacun des mondes étant une manière de
226
définir la grandeur des personnes et des objets dans une société pluraliste et complexe .
Ces mondes n’ont d’existence que théorique ; ils sont des idéaux-types au sens wébérien.
En conséquence, aucune situation ne se place qu’exclusivement dans un monde. Le
concept de « monde » est fondamental dans la sociologie de Boltanski et Thévenot ; il
renvoie à un lieu contenant des objets et des dispositifs permettant de confronter à l’épreuve
de la réalité les principes de justices. Boltanski et Thévenot proposent une analyse poussée
de ces modèles et une multitude d’indicateurs permettant d’identifier la nature du monde
227
de l’objet étudié . Ces indicateurs renvoient à des éléments pouvant jouer le rôle dans
une argumentation de justification de la part de personnes en situations de controverses,
disputes, critiques, conflits, dénonciations, etc. Les auteurs invitent à l’élucidation du sens

225
QUERE, L., « L’espace public : de la théorie politique à la métathéorie sociologique », Quaderni , 18, 1992, p. 77.
226
On trouvera, dans Le nouvel esprit du capitalisme (BOLTANSKI & CHIAPELLO, 1999), une extension de cette typologie
avec l’apport d’un septième monde dit connexionniste, qui se serait installé ces trente dernières années avec le capitalisme et le
désarmement de la critique, nouveau monde organisé en réseau et fondé sur une logique par projets.
227
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.177-181.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

moral de ces personnes qui mettent à l’épreuve des principes de justices et des éléments
de ces principes qui leur semblent correspondre à la situation.
Le principe supérieur commun renvoie à une instance qui permet au monde
228
d’exister ; c’est « la condition sine qua non d’existence d’un monde » . Ce principe est
ce autour de quoi se réunissent des personnes dans un même monde ; il porte les valeurs
du monde, des accords et des conventions et « assure une qualification des êtres,
condition pour prendre la mesure des objets comme des sujets et déterminer la façon
229
dont ils importent, objectivement, et valent au-delà des contingences » . L’état de
grandeur permet d’identifier ce qui est grand et ce qui est petit dans le monde étudié.
En effet, face au principe supérieur commun , certaines actions et attitudes sont perçues
comme valorisées, donc grandes, et inversement pour ce qui est petit . Cependant,
il faut rappeler le principe d’immanence fondateur de cette sociologie : les personnes ne
sont justement personne en dehors de leurs actions ; l’ état de grandeur n’est donc pas
rattaché de manière permanente aux personnes mais se déploie selon « la façon dont
on exprime les autres, dont on les incarne, dont on les comprend ou encore dont on
230
les représente (autant de modalités qui dépendent du monde considéré) » . C’est
en fonction de l’accession à la dignité que l’individu deviendra grand . Agir en fonction
du principe de dignité implique une formule d’investissement , c'est-à-dire un prix à
payer. Puisque l’ état de grandeur n’est pas rattaché aux personnes, leur grandeur se
conçoit dans le sacrifice pour atteindre cette grandeur . Enfin, le rapport de grandeur
s’évalue en fonction des justifications énoncées par les personnes sur la nature de leurs
231
relations ; en d’autres termes sur ce qui motive leurs attitudes et actions face aux autres :
il établit un ordre dans les relations entre les êtres. Les répertoires permettent d’identifier
les objets et les sujets en place dans le monde. L’épreuve modèle , de son côté, est
une forme d’épreuve, de situations valorisées dans le monde en place. Elle se repère en
tant qu’elle touche la pureté de la cohérence du monde, des sujets et des objets. La figure
harmonieuse est un arrêt sur image (symbolique) du monde. Elle représente et caractérise
simultanément le monde et dévoile la forme de l’évidence en place dans celui-ci. Dans
ces figures harmonieuses se développe une forme de relation naturelle entre les
êtres ; une relation qui stimule l’interaction entre les êtres et qui s’appuie sur le principe
supérieur commun . Enfin, le mode d’expression du jugement est un indicateur par
lequel s’expriment les personnes émettant un avis sur ce qui se passe dans leur monde.
Pourtant, face à ces principes qui permettent de penser la cohérence de chacun
des mondes, nous ajouterons deux nouvelles considérations : celle de l’autorité et de la
domination d’un coté et celle de la question de la légitimité de l’autre. Nous nous tournons
vers Max Weber et son ouvrage Economie et Société pour comprendre les rapports de
domination au sein de chacun des mondes. La domination correspond à « la chance de
trouver des personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé
232
» ; elle est « liée à la présence actuelle d’un individu qui commande avec succès

228
NACHI, 2006, op. cit. p. 137.
229
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 177.
230
BOLTANSKI, & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 167.
231
AMBLARD, BERNOUX & al. 2005, op. cit. p. 85.
232 ère
WEBER, M., Economie et Société. T.1 : Les catégories de la sociologie, Paris : Pocket, 1995 [1 édition originale
1956], p. 95

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233
à d’autres » . Notre intérêt va être de saisir sur quoi repose les formes de domination
dans chacun des trois mondes que nous mobiliserons, et donc, plus loin, de comprendre
les principes autoritaires et la légitimité de cette autorité qui permet l’acceptation de la
domination.

II.2.1.3. Définitions des trois mondes.


Si Boltanski et Thévenot présentent une typologie de six mondes, nous n’en sélectionnons
que trois qui semblent pertinents dans notre étude : le monde domestique, le monde civique
234
et le monde de l’opinion . En effet, grâce à l’apport de Quéré dans une prise en compte
des espaces public et privé, nous déplaçons notre intérêt d’une dyade vers une triade pour
saisir, non seulement, la complexité d’un phénomène en train de se faire mais, aussi, un
monde social complexe que ce phénomène tend à modifier.
Dans le monde domestique, la figure de référence est la famille et ce qui prédomine
relève du registre de la tradition. L’accent est mis sur les relations entre les gens, des
relations qui s’organisent autour du respect de la hiérarchie (et surtout du père et de
l’ancêtre), sur la confiance et la permanence. La grandeur des êtres repose sur les relations
entretenues avec les autres, sur la position dans la hiérarchie, sur leur aisance, leur
autorité, leur responsabilité, leur bon sens, leur serviabilité et leur gentillesse. Dans le
monde domestique, les êtres ont des devoirs dirigés vers les autres pour apporter l’harmonie
au sein du foyer. Boltanski et Thévenot nous préviennent que « le monde domestique
ne se déploie pas seulement dans le cercle des relations familiales, surtout dans
la conception restreinte et détachée de toute référence à l’ordre politique qui est
aujourd’hui admis dans notre société. Il apparaît chaque fois que la recherche de ce
235
qui est juste met l’accent sur les relations personnelles entre les gens » . L’efficacité
domestique réside dans la capacité à suivre l’exemple des anciens. Ce monde dessine dont
une domination à caractère traditionnel qui repose « sur la croyance quotidienne en la
236
sainteté de traditions valables de tout temps » . La légitimité de celui qui détient le
pouvoir se fonde sur la tradition et le respect de cette tradition et donc sur la vertu de la
transmission des règles et des conventions établies.
Dans le monde de l’opinion, ce qui prime est l’opinion des autres ou du public. Ce
monde nous renvoie à la notion de charisme telle qu’elle est définie par Weber, c’est-à-dire
comme « la qualité extraordinaire d’un personnage, qui est, pour ainsi dire, doué de
forces ou de caractères surnaturels ou surhumains ou tout au moins en dehors de la
vie quotidienne, inaccessible au commun des mortels ; ou encore qui est considéré
237
comme envoyé par Dieu, et en conséquence considéré comme un chef » . Les
relations s’organisent autour de l’acte de persuader et se font principalement autour des
appareils de communication. La reconnaissance du détenteur du pouvoir par ceux qui sont
dominés est libre, « garantie par la confirmation née de l’abandon à la révélation, à

233
Ibid. p. 96
234
Nous éliminons trois mondes de la théorie de Boltanski et Thévenot : le monde inspiré, le monde industriel et le monde
marchand . Si ces trois mondes peuvent être occasionnellement mobilisés dans les récits médiatiques de notre corpus, ils ne dévoilent
pas la quiddité du phénomène de peopolisation (QUERE, 1989), point que nous approfondirons dans les prochaines pages.
235
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 206
236
WEBER, 1995, op. cit. p. 289.
237
WEBER, 1995, op. cit. p. 320.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

238
la vénération (…) à la confiance » . Etre réputé, connu, considéré, accéder au succès
ou au vedettariat, bénéficier d’un jugement positif de la part du plus grand nombre sont les
ressorts de l’action ; seule la consécration du public importe dans le monde de l’opinion. La
grandeur de chacun des êtres dépend de l’opinion que les autres en ont. La célébrité fait la
grandeur de l’être et la légitimité est médiatique et s’appuie sur la reconnaissance.
« Ce qui importe seulement, c’est de savoir comment la [la qualité du
détenteur du pouvoir] considèrent effectivement ceux qui sont dominés
239
charismatiquement, les adeptes. »
Les sujets en place dans ce monde sont les vedettes et leurs publics auxquels s’ajoutent
ce que nous désignerons comme « les magistrats chargés de faire valoir la grandeur
240
de renommée » , c'est-à-dire les professionnels des médias (journalistes, attachés de
presse, etc.). Le prix à payer pour accéder à la grandeur dans ce monde est le renoncement
au secret, à sa vie privée.
Le monde civique ne s’attache pas à des personnes humaines mais à des personnes
collectives qu’elles composent par leur réunion. L’intérêt collectif prime l’intérêt particulier.
Ce monde s’organise autour de la loi et des notions d’équité, de liberté et de solidarité
(le renoncement au particulier permet de dépasser les divisions qui séparent pour agir
collectivement). Ainsi, « celui qui obéit n’obéit que comme membre du groupe et
241
seulement au droit » n’obéit pas à la personne détentrice du pouvoir mais à des
règlements impersonnels. La grandeur d’un être dépend de la taille du collectif auquel il
appartient, de sa représentativité, de comment il se fait l’expression de la volonté générale
et, enfin, de son appartenance et de sa place dans l’espace public au sens où Habermas
l’entendait. Les sujets de ce monde sont les personnes collectives et leurs représentants,
c’est l’aspiration commune à l’union qui définit leur dignité à figurer dans l’espace du monde
civique. Les relations entre les êtres s’organisent autour de l’adhésion, de la délégation et
de l’association. Rationalité et légalité sont donc les caractères principaux des formes de
domination en place dans ce monde. Les lois ont figure d’évidence tandis que le verdict du
scrutin est sans appel.

238
Ibid . p. 321.
239
Ibid. p. 321.
240
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 224.
241
WEBER, 1995, op. cit. p. 291.

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[Tableau 2: Monde domestique, monde de l'opinion et monde civique]

II.2.1.4. Des espaces de signification a priori ?


«Il n’est pas d’œuvre, de création de l’esprit qui n’entre en rapport, de façon
ou d’autre, avec le monde de l’espace et ne cherche à s’y installer comme à
242
demeure. »
Les mondes présentés sont des idéaux-types ; ils sont des espaces que nous choisissons
de signifier pour saisir notre objet de recherche. Avant de comprendre leur intérêt et leur
opérationnalité dans notre étude, un petit détour par les implicites d’une telle catégorisation
s’impose. En tant qu’espaces de signification, ces espaces sont des lieux de production
du sens – des actions, des situations ou des dispositifs. Ils nous permettent d’observer
comment les narrateurs des récits médiatiques produisent du sens, justifient et ordonnent la
peopolisation et finalement, comment ce phénomène médiatique prend sens dans la presse

242
CASSIRER, E., La philosophie des formes symboliques, Tome 3, Paris : Les Editions de Minuit, 1988. p. 174.

74

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

243
écrite française . Dans la perspective d’une sociologie pragmatique, nous partons d’une
incertitude quant à ce qu’il en est de ce qu’il est et nous laissons les acteurs faire le travail
d’association et de définition. Notre devoir, nous dit Latour, « ne consiste pas à imposer
un ordre, à limiter le spectre des entités acceptables, à enseigner aux acteurs ce qu’ils
244
sont ou à ajouter de la réflexivité à leurs pratiques aveugles » . Il convient alors de
questionner ce que nous faisons de nos observations, de nos lectures, de nos analyses
des récits médiatiques. La typologie proposée par Boltanski et Thévenot, investie comme
une extension des espaces privé et public, suppose de postuler de mondes communs
dont les conventions générales sont stables et préexistantes aux situations observées. Ces
mondes sont des extensions des cités qui sont des modèles formels construits à partir
de textes majeurs de philosophie politique, considérés comme constitutifs de la tradition
propre à nos sociétés modernes. Les auteurs postulent donc d’une commune humanité
245
(contrainte d’égalité) et d’une hiérarchie situationnelle (contrainte d’ordre) . Il y a donc,
dans l’ouvrage De La Justification , un « cadre général comprenant une liste d’états
246
et de processus possibles » . Or, Latour et Callon affirment « l’impossibilité de
prendre appui sur de telles conventions. Les sciences et les techniques en train
de se faire exigeraient, pour être analysées et décrites de façon symétrique, un
principe d’irréductibilité, principe par nature contradictoire avec l’idée de l’existence
préalable de conventions communément admises sur ce qui compose le monde, sur
247
ce qui peut être valablement associé ou dissocié » . Ces mondes sont des catégories
fondamentales pour l’analyse de notre objet d’étude – la peopolisation ; et cela justifie
l’éviction des trois autres mondes théorisés par Boltanski et Thévenot. La sélection de
« nos » mondes est pensée dans un rapport concret avec l’objet mais ne postule en rien
de ce qu’il est ou de ce qu’il en est de ce qu’il est . « En proposant une typologie
des mondes et des cités, des objets et des arguments, le modèle est structuré par
les contraintes de la pensée typologique, qui oblige à se préoccuper du problème
248
des frontières et celui des relations entre les types » explique Philippe Juhem . Or
précisément, la peopolisation est un processus qui joue avec les frontières, les relations et
l’ordre entre ces mondes ; cela constitue le caractère irréductible de notre objet d’analyse.
Nous saisissons donc les trois mondes proposés par Boltanski et Thévenot comme des
espaces de description. Pourtant ne sommes-nous pas déjà dans un cadre explicatif ?
« « Mon Royaume pour un cadre explicatif » C’est très émouvant (…) L’ANT
[Actor Network Theory] est parfaitement inutile pour cela. Elle a pour principe
que ce sont les acteurs eux-mêmes qui font tout, même leurs propres théories,
leurs propres contextes, leurs propres métaphysiques et même leurs propres
249
ontologies… »
243
Il est important de souligner la dernière partie de la phrase « dans la presse écrite française » car cette étude ne considère pas
le phénomène de peopolisation dans son ensemble mais ne l’observe et ne l’appréhende que sous un angle, celui des énonciateurs
des récits, et que dans un type de médias particuliers, la presse écrite.
244
LATOUR, 2007, op. cit. p. 18.
245
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 52
246
CHATEAUREYNAUD, F., « Forces et faiblesses de la nouvelle anthropologie des sciences », Critique , 529-530, 1991, p.471.
247
Ibid. p. 465.
248
JUHEM, P., « Un nouveau paradigme sociologique ? A propos des Economies de la grandeur de Luc Boltanski et Laurent
Thévenot », Scalpel , 1, 1994, p. 89.
249
LATOUR, 2007, op. cit. p. 213.

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L’objectif de Latour est de rendre compte de la manière dont « la science en action »


apparait aux yeux d’un observateur poursuivant une visée explicative. Quéré explique une
telle posture comme l’objectivation d’une dynamique attribuée de l’extérieur et insiste sur la
nécessité d’accéder à la « dynamique interne du phénomène en tant, à la fois, qu’elle
est réalisée par les acteurs et qu’elle constitue le cadre effectif d’agencement de
250
leurs pratiques et de leurs discours » . Cette considération est reprise par Boltanski
251
dans son dernier ouvrage lorsque celui-ci revient justement sur la dialectique extériorité/
252
intériorité comme logique fondatrice des courants sociologiques . La description, selon cet
auteur, nécessite obligatoirement une extériorité ; il faut être en dehors du cadre pour pouvoir
saisir l’objet et le décrire. Il montre, plus loin, que les théories de la domination, comme la
théorie critique bourdieusienne, s’installent dans une extériorité complexe en investissant
un premier niveau, celui de la description, et un second niveau que nécessite le « jugement
253
sur la valeur de l’ordre social qui fait l’objet de la description » . Il revient alors sur la
théorie élaborée avec Thévenot en explicitant son enjeu : celui, « une fois reconnu que les
extériorités dont se réclament les sociologies critiques sont toujours incomplètement
extérieures, d’explorer la possibilité d’une intériorité complexe , comportant outre la
sortie du cadre et de sa critique, un troisième mouvement visant à intégrer ce que la
254
critique externe doit encore au cadre qu’elle critique » .
Partant, nous postulons un ordre interne au phénomène qui permet son identification et
sa reconnaissance. La peopolisation saisie comme une controverse nécessite de partir de
son caractère minimal, indéterminé, avons-nous expliqué. Pour cela, nous avons dégagé
des définitions existantes la part qui nous semblait irréductible dans ce phénomène :
l’hétérogénéité des êtres qui la construisent et la difficulté de qualifier leur cohabitation :
une hétérogénéité identifiable à partir de la dialectique privé/public, même si celle-ci semble
ne pas la considérer pleinement. Finalement, dans un deuxième temps, des définitions
des espaces privé et public, d’un état des lieux de la littérature existante sur ce sujet et
de l’adaptation de ces définitions à notre objet, nous avons étendu la dyade privé/public
à une triade de mondes domestique/civique/de l’opinion. Ces espaces de signification
correspondent alors à un principe de structuration interne de notre objet et permettent de le
reconnaitre, de l’identifier et de le différencier d’autres.
« Comment les personnes pourraient-elles se mettre dans la disposition requise
et orienter leur regard dans le sens voulu, comment pourraient-elles même viser
un ordre parmi la multiplicité chaotique des rapprochements possibles, si elles
n’étaient pas guidées par des principes de cohérence, présents non seulement
en elles-mêmes, sous des formes de schèmes mentaux, mais aussi dans la
disposition des êtres à portée, objets, personnes, dispositifs pré-agencés, etc. ?
255
»

250
QUERE, L., « Les boites noires de B. Latour ou le bien social dans la machine. », Réseaux , 36, 1989, p. 114.
251
BOLTANSKI, L ., De la critique, Précis de Sociologie de l’émancipation , Paris : Gallimard, 2009.
252
Nous retrouvons cette considération chez Boltanski. Cependant, il donne la paternité de cette réflexion dans une note de fin de
document à Cyril Lemieux ( Le devoir et la grâce, 2009) et non à Louis Quéré.
253
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 25.
254
Ibid . p. 50.
255
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 182.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

Quéré reprend à Garfinkel un concept qu’il réintroduit dans le débat et qui semble
particulièrement intéressant, car il nous permet de comprendre dans quelle perspective
nous utilisons les trois mondes élaborés par Boltanski et Thévenot et de quelle manière
nous nous éloignons justement de ces auteurs en n’en sélectionnant que trois sur les six
256
proposés . Ce concept est celui de quiddité , ce qui fait qu’un être est ce qu’il est.
Ces espaces dévoilent donc la quiddité du phénomène, c'est-à-dire ce qui fait que ce
phénomène est celui de la peopolisation et pas un autre. Nous les saisissons comme la
logique interne du phénomène qui permet aux acteurs de l’identifier et de produire des
définitions et des théories, même si nous ne nions pas que celui-ci soit justement structuré
contextuellement dans une société et un temps donné. Plus loin, ces espaces sont aussi ce
qui permet la constitution de notre corpus. L’enjeu empirique de notre recherche implique, en
effet, d’établir une définition minimale afin de pouvoir justement sélectionner puis analyser
les opérations de définitions et de production de sens quant à la peopolisation.
« L’ANT est une méthode, et une méthode essentiellement négative ; elle ne dit
257
rien sur la forme de ce qu’elle permet de décrire. »
Pourtant, il semble qu’elle nécessite un minimum de considérations de ce que nous allons
décrire pour justement pouvoir le décrire.
« Aussi, la véritable définition de la quiddité de chaque être est-elle celle qui
258
exprime sa nature, mais dans laquelle ne figure pas cet être lui-même. »
Finalement, nous postulons la quiddité du phénomène sans pour autant stipuler de son
eccéité (son être-là). Trois mondes incontournables sont présents, cependant c’est la
manière dont on fait tenir le tout qui nous intéresse : nous étudions la « colle » et la
composition du collage.

II. 2. 2. Des espaces dans les récits.


L’identification de trois espaces révélateurs de la quiddité du phénomène de peopolisation
nous amène donc à un questionnement sur leur opérationnalité dans notre étude et dans
notre corpus de récits médiatiques, mais plus encore, sur la place de l’espace dans le récit.
259
Or, selon De Certeau, le récit est fondateur d’espaces . Cette conception figure au cœur de
notre recherche. En prenant le parti des forces plutôt que des places, nous nous intéressons
non pas à des lieux mais à des espaces. La distinction repose précisément sur la prise en
considération du mouvement. De Certeau définit le lieu comme « l’ordre, quel qu’il soit,
selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistences (…) Un
lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il indique une indication
260
de stabilité » . Plus loin, il nous invite à comprendre que l’espace est un lieu pratiqué
qui n’aurait ni univocité ni stabilité. Notre objet n’est donc pas de décrire des lieux mais de
saisir comment dans leurs rapports avec les actants de narration et d’énonciation, ces lieux
deviennent des espaces « animés par l’ensemble des mouvements qui s’y déploient

256
QUERE, 1989, op. cit. p. 115.
257
LATOUR, 2007, op. cit. p. 207.
258
ARISTOTE, Métaphysique . T. 1, Paris : Librairies Philosophique J. Vrin, 1991, p. 246.
259
DE CERTEAU, 1990, op. cit . p. 182.
260
Ibid. p. 173.

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261
» . L’espace est donc affaire de négociation, d’interprétation et de traduction. L’espace
262
relève de l’action : « l’espace est un croisement de mobiles » . Plus loin, c’est la notion
de paradigme qui va nous permettre de déplacer notre considération de l’espace, comme
surface ou étendue, à une représentation idéelle dont relèvent les trois mondes.

II.2.2.1. Des mondes aux paradigmes


Greimas définit le récit comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant
263
des personnages qui accomplissent des actions » . La narrativité d’un texte tient
justement au fait qu’il décrit une action, c'est-à-dire la transformation d’états rapportée à
264
des sujets. Or la narrativisation consiste en la mise en place syntagmatique des valeurs .
265
La syntagmatique se définit comme « une hiérarchie relationnelle disposée
266
en niveaux de dérivation successif » , c'est-à-dire qu’elle établit « un réseau de
relation de type “et… et…” » , elle installe un procès. L’exemple, « Le Président de la
République » est un ensemble de deux syntagmes autonomes que l’axe syntagmatique
267
met en relation, « le président de l’UMP » en est un autre . La syntagmatique représente
268
la « coprésence de grandeurs à l’intérieur d’un énoncé » . Chaque syntagme
est obtenu par la segmentation de l’axe syntagmatique. Cette segmentation du discours
est à appréhender au niveau discursif ; elle permet de le découper en partie et dispose
successivement les unités textuelles. L’axe syntagmatique est épuisé lorsque les éléments
ultimes ne sont plus segmentables. L’analyse paradigmatique prend alors la relève. Ainsi,
l’axe paradigmatique représente, à l’inverse, des corrélations et fonctionne comme un
269
ensemble de disjonction logique de type « ou… ou… » . Les éléments ainsi reconnus
270
par ce principe de commutation entretiennent des relations d’opposition . Ainsi, pour
Saussure, le rapport syntagmatique fonctionne in praesentia , le rapport paradigmatique
271
in absentia . Cette dichotomie révèle précisément ce qui est en jeu dans ce chapitre
et dans notre étude.

261
Ibid. p. 173.
262
Ibid. p. 173.
263
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
264
GREIMAS, 1983, op. cit. p 27.
265
Le terme de hiérarchie est entendu par Greimas comme le principe d’organisation formelle permettant de penser la logique de
présupposition, considération qui est à distinguer de l’emploi de ce terme dans le sens commun à partir de la dialectique inférieur/
supérieur.
266
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 376.
267
Dans cet exemple simpliste, les deux syntagmes sont nominaux. Dans le cadre d’une phrase, se succèderont syntagmes
nominaux, syntagmes verbaux, adverbiaux, etc.
268
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 376.
269
Dans le cadre de notre exemple, on voit que « UMP » ou « République » sont deux alternatives, fonctionnant sur le mode «
ou… ou… ». L’axe paradigmatique nous permet de considérer, par exemple, un récit sur Ségolène qui peut être qualifiée de « mère
de quatre enfants » ou « candidate » ou « socialiste » ou « femme politique », etc. Les différentes alternatives représentent le choix
des possibles sur l’axe paradigmatique.
270
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 266-267.
271 ère
SAUSSURE, F., Cours de linguistique générale [1 ed. 1916], Paris : Payot, 1972, p. 171.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

L’article de Christian Vandendorpe, intitulé « Paradigme et syntagme. De quelques


272
idées vertes qui ont dormi furieusement » , semble particulièrement pertinent pour notre
réflexion. En effet, cet article revient sur l’état et l’évolution de la littérature sémiotique
quant aux notions de paradigme et syntagme mais surtout établit un rapprochement entre
paradigme, schéma et isotopie. Vandendorpe rappelle le caractère cognitif du paradigme
et fait un premier lien vers la théorie des schémas, apparue dans les années 1970
dans l’univers de la psychologie. Elle doit se comprendre à partir du principe que nos
connaissances sont regroupées dans des ensembles structurés et hiérarchisés : les
schémas. Cette théorie se préoccupe de comprendre comment les informations sont
organisées en mémoire et comment nous mobilisons des connaissances implicites pour
agir sur le monde. De ce rapprochement, deux éléments paraissent majeurs. Le premier
est la considération du paradigme comme construction théorique « visant à rendre
compte des effets de structuration observés dans le domaine cognitif aussi bien que
273
langagier » . Le second permet justement de revenir sur le concept de quiddité et sur
l’intériorité de l’objet observé, explorés avec Boltanski et Quéré. Ainsi l’axe paradigmatique,
fonctionnant sur le principe de commutation et in absentia , constitue un faisceau
d’éléments mobilisables pour signifier l’objet narré. La théorie des schémas permet à
Vandendorpe de concevoir le paradigme comme le pendant linguistique du schéma et
donc comme « l’interface entre la conscience individuelle et la société, au moyen de
274
laquelle les locuteurs réussissent à communiquer » . Concevoir l’axe paradigmatique
des récits décrivant et faisant la peopolisation réinvestit l’intériorité du phénomène, sa
quiddité, comme ce faisceau de sens et d’unités qui permet de le reconnaitre et donc de
communiquer à son propos. Cet axe fonctionne sur le principe de commutation, mais dans
une étude empirique, dans un objet particulier de description, ce faisceau de sens ne peut
être infini. Il nécessite une certaine entente entre les actants d’énonciation sur les possibles
de la commutation afin que l’objet décrit soit reconnu, identifié et donc que la communication
soit réussie. Nous commençons ici à saisir de quelle manière notre triade des mondes
domestique, civique et de l’opinion peut s’envisager comme ce faisceau de sens ; comme
cette dynamique interne du phénomène de peopolisation.
« Envisagé synchroniquement comme une totalité, il [le paradigme] doit
être pensé comme un « espace » où se trouvent colocalisées des valeurs
275
positionnelles. »
Vanderdorpe déplace ensuite sa réflexion de l’axe paradigmatique au paradigme pour
l’envisager comme une isotopie, principe qui rejoint nos considérations et que nous
développerons plus particulièrement dans le chapitre IV de cet écrit. Nous l’évoquons
dès maintenant car il nous permet de saisir chaque paradigme comme un espace de
signification. L’isotopie correspond, pour Greimas, à « la récurrence de catégories
276
sémiques que celles-ci soient thématiques ou figuratives » . Les isotopies
sémantiques, situées au niveau sémio-narratif du parcours génératif, sont abstraites. Elles
constituent la manifestation disséminée d’un thème. Plus encore, les isotopies révèlent une
272
VANDENDORPE, C.,« Paradigme et syntagme. De quelques idées vertes qui ont dormi furieusement », Revue québécoise
de linguistique théorique et appliquée , 1990, 9-3, p. 169-193.
273
VANDENDORPE, 1990, op. cit. p. 178.
274
Ibid. p. 178.
275
PETITOT, J. in GREIMAS, A. & COURTES, J., Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Vol. II,
Paris : Hachette, 1986, p. 161.
276
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 198.

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277
« grille de lecture qui rend homogène la surface du texte », nous dit Greimas .
Précisément, nous retrouvons les trois mondes comme révélateurs de la quiddité de
la peopolisation sous cet aspect : ils sont des espaces de signification, des isotopies
sémantiques, qui instituent une identification et une reconnaissance du phénomène de
peopolisation et, plus loin, ils permettent de saisir sa traduction et son interprétation par
le narrateur du récit. C’est donc au travers de la notion d’isotopie que l’opérationnalisation
des mondes se conçoit : des espaces considérés au prisme du mouvement qui se déploie
en leur sein ; un mouvement de disjonction sur l’axe paradigmatique et un mouvement
de conjonction quand les actions révèleront une coprésence de grandeurs sur l’axe
278
syntagmatique .

II.2.2.2. Les différents espaces dans le récit.


Ainsi, dans notre recherche, l’espace représente non seulement le lieu de traduction
d’un actant ou d’une action mais intervient aussi comme le résultat de la mise en place
syntagmatique de lieux différents. En effet, le porte-parole parle « au nom des autres », il
donne sens et commente. Dans notre étude, avons-nous dit, l’énonciateur prend la fonction
de porte-parole ; il traduit les entités hétérogènes et donc, porte et transporte leurs paroles
et leurs actions ; il crée des associations et donc, trace et retrace les frontières des actions et
des identités et, finalement, rend intelligible le réseau, au sens d’organisation rassemblant
des humains et non-humains qui agissent les uns sur les autres. Dans la sémiotique du
discontinu, Greimas distingue deux types d’espace, repérables au niveau discursif. Ces
espaces relèvent de la procédure de débrayage, inscrivant les programmes narratifs à
279
l’intérieur d’unités spatiales et temporelles données : les localisations spatio-temporelles .
Cette procédure de débrayage peut installer alors deux espaces : les espaces énoncifs et
les espaces énonciatifs. Les espaces énoncifs sont des espaces produits et consommés
par l’instance d’énonciation tandis que les espaces énonciatifs sont les espaces que
l’énonciateur fait produire et consommer par les actants de narration. En effet, Greimas
280
nous invite à considérer le sujet comme producteur et consommateur d’espaces . Ainsi, si
nous reprenons notre opération de dédoublement de l’énonciateur des récits médiatiques
de notre corpus, celui-ci, en tant que narrateur, fait produire et consommer des espaces
énonciatifs aux actants de narration. Ici, l’énonciateur est narrateur, l’homme politique et
tous les actants de narration devenant des nomades de papier. Mais, avons-nous dit plus tôt,
l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé (qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée (qui
est la façon de présenter ce narré). C’est dans cette seconde acception, que l’énonciateur
281
comme narrateur, produit et consomme un autre type d’espace : les espaces énoncifs .
277
Ibid. p. 199.
278
Cette réflexion sera appliquée à notre objet dans le chapitre IV. En isolant chacun des termes de notre corpus, nous considérerons
les trois modes comme trois isotopies sémantiques, trois grilles de lecture. Nous verrons, par exemple que le terme « camarade »
relève d’une ambigüité, il peut désigner un camarade d’école ou un camarade politique. L’isotopie sémantique du récit, constituée soit
du monde civique, soit du monde domestique, intervient alors comme une grille de lecture, qui permet de désambigüiser le terme et
de savoir de quel type de camarade il est question dans le récit. Nous reviendrons donc en détail sur cette réflexion et sa pertinence
pour notre objet.
279
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 214.
280
Ibid. p. 133.
281
L’ « ailleurs » de l’espace énoncif et l’ « ici » de l’espace énonciatif sont des positions spatiales zéros, « des points de départ
pour la mise en place de la catégorie topologique tridimensionnelle qui dégage les axes de l’horizontalité, de la verticalité
et de la prospectivité » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 215.)

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

Ainsi, quand François Bayrou est mis en scène dans son berceau béarnais, c’est le cas
d’un espace énonciatif :
« C’est dans cette grande bâtisse blanche, achetée en 1978, que le candidat vient
282
chercher la paix. La demeure se situe au cœur du village de Bordères »
Quand le narrateur se met lui-même en scène dans le berceau béarnais de François Bayrou,
c’est un espace énoncif.
283
« VSD s’est rendu à Bordères, Pyrénées-Atlantiques »
Le narrateur des récits est lui aussi nomade, au même titre que les narrataires du récit.
La notion de nomade dévoile un voyageur dont la mobilité produit les espaces qu’ils
284
traversent comme ceux-ci le façonnent . Le voyageur mis en scène par Thévenot rejoint
donc directement l’appréciation de l’espace par De Certeau, signifiée par sa pratique, sa
production et sa consommation.
Parallèlement, en rendant intelligible le réseau, le porte-parole agit sur la controverse,
résout les incertitudes et doit être compris comme un acteur. Mais, parce qu’il porte la parole
des autres, les définit et les signifie, il nous permet d’appréhender une version de ce qui
est contenu dans la controverse. Dans notre corpus de récits médiatiques se trouvent des
espaces qui « vont de soi », qui relèvent du monde naturel, comme l’exemple de Bordères
ci-dessus. Ce qualificatif « naturel » renvoie, pour Greimas, au « paraitre selon lequel
285
le monde se présente à l’homme comme un ensemble de données sensibles » .
Mais nous pouvons trouver par ailleurs, des espaces sans aucune autre prétention que de
relever de l’interprétation et de la représentation. Que ces espaces soient issus du monde
naturel ou du registre idéel, ils sont avant tout le fruit d’une traduction, d’une négociation et
d’une interprétation de l’énonciateur du récit médiatique qui les met en scène et les décrit.
Dans la sémiotique du discontinu, nous trouvons une troisième considération de l’espace,
l’« espace cognitif », que le sémioticien définit comme l’espace où sont situées les
286
relations cognitives entre les sujets et entre les sujets et les objets . Cet espace se situe
au niveau de représentations abstraites, liées entre elles par « un tissu de présupposés
287
et un réseau d’implications » .
« On peut dire (…) en prenant en considération le parcours génératif du discours,
que ces relations cognitives se trouvent, à un moment donné, spatialisées,
qu’elles constituent entre les différents sujets des espaces proxémiques qui ne
288
sont que des représentations spatiales, des espaces cognitifs. »
Il y a donc ici moins une conception spatiale qu’une conception idéelle de l’espace :
l’adjectif cognitif renvoie en sémiotique à « diverses formes d’articulation – production,
289
manipulation, organisation, réception, assomption – du savoir » . Notre propos
282
Gala 720.
283
VSD 1523.
284
Voir Chap. II. 1.
285
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 233.
286
Ibid. p. 41
287
ROUSSEAU, A. « Espace, référence, représentation. Réflexions que quelques conceptualisation de l’espace », Faits de
Langues, 1, 1993, p.158.
288
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 41.
289
Ibid. p. 40.

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sur le concept d’épreuve, dans le premier chapitre, s’était attardé sur la nécessité d’une
capacité cognitive d’un actant pour dépasser le moment d’incertitude. L’acteur cognitif,
comme détenteur du système axiologique du récit, agit, avons-nous dit, sur la valeur de
l’action, en mobilisant des équipements mentaux spécifiques et mettant en place un système
de valeurs. Depuis, la fonction de l’énonciateur du discours a été augmentée par notre
considération de celui-ci comme un acteur, performant la peopolisation. Le producteur du
discours est donc le narrateur, détenant une fonction de manipulation ou de sanction, un
savoir ou un « croire », et donc de manière plus générale, le système axiologique, dont il peut
déléguer une partie à un Destinateur installé dans le récit. Ainsi, que cette capacité cognitive
soit déléguée ou pas à un actant de narration, le producteur du récit comme narrateur
installe, au travers des espaces cognitifs, une relation entre l’énonciateur et l’énonciataire
caractérisée par un savoir généralisé sur les actions décrites ou un savoir partiel détenu par
l’énonciateur que celui-ci partage alors progressivement avec l’énonciataire.
« La confrontation des points de vue et, singulièrement, la topologie du savoir et
du croire s’insèrent dans une logique des ensembles où les espaces cognitifs –
290
disjoints, tangents, sécants, confondus – se distribuent et se négocient. »
Dans la réalisation de ce contrat entre l’énonciateur et l’énonciataire du récit, le producteur
du discours est aussi acteur de la peopolisation, car en diffusant son savoir et son croire
sur une action peopolisante, il performe la peopolisation. Il lui donne une forme et une
consistance, propose sa propre théorie sur celle-ci et dévoile une de ses formes d’existence
et ses effets, tout en s’engageant dans la critique d’autres formes et d’autres théories.
Chaque espace cognitif installé dans un récit est un point de vue, un discours argumenté,
persuasif, interprétatif.

II.2.2.3. Les espaces de cette étude.


Le nomade mis en scène par Thévenot n’est donc plus un acteur du monde social mais un
être de papier, qu’il soit actant de narration ou actant de communication. Ces nomades de
papier produisent, traduisent et consomment différents espaces : des espaces énonciatifs
ou énoncifs au niveau discursif et des espaces cognitifs au niveau sémio-narratif. Ces
espaces, idéels ou naturels, sont avant tout des mises en scène de la part de l’énonciateur
des récits qui, en les installant et les signifiant, performe la peopolisation et doit être
considéré au prisme de son action. L’espace comme lieu pratiqué est donc indissociable
du mouvement qu’il déploie et qui le signifie et le produit : nous retrouvons ici les différents
mouvements explorés au début de ce chapitre – mouvement dans la narration, mouvement
de la narrativité et mouvement de la traduction. La dichotomie « paradigme et syntagme »
renforce, par ailleurs, notre considération des espaces et des mouvements dans notre
étude. L’axe syntagmatique est avant tout le champ des mouvements dans la narration
– transformation et transposition – mais aussi de toutes les associations opérées par les
narrateurs des récits. L’axe paradigmatique est, quant à lui, l’expression du mouvement
in absentia , l’expression d’un mouvement implicite et antérieur de signification qui révèle
un univers, dont la finitude se comprend dans son rapport avec la quiddité du phénomène
étudié, de traits distinctifs potentiels que l’énonciateur choisit ou pas de mobiliser.
Partant, les mondes civique, domestique et de l’opinion figurent comme des espaces
d’interprétations des mouvements et des espaces. Ces trois mondes nous permettent
d’identifier les associations et les transformations-transpositions constitutives de la
peopolisation, opérées par le narrateur, et finalement, la manière dont celui-ci donne une

290
QUERE, H., « “Parlez-vous perroquet ?”. Notes sur le contractuel et le polémique », Actes sémiotiques, 30, 1984, p. 26.

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Chap. II. Le mouvement et l’espace dans le récit

forme d’existence particulière à la peopolisation. Du quatrième au septième chapitre, ces


mondes seront investis comme des catégories signifiantes, des isotopies sémantiques, pour
saisir comment chacun de ces trois mondes est identifiable dans notre corpus médiatique et,
plus loin, comment leur mélange est constitutif du phénomène de peopolisation et construit
l’identité médiatique des candidats à l’élection présidentielle de 2007. La conclusion
déplacera nos intérêts pour ces espaces, d’espaces de signification des êtres et actions
de papier à des espaces de signification pour l’action de construction et de définition du
phénomène de peopolisation. Nous verrons alors comment la mobilisation de ces espaces
de signification permet de saisir les différentes pratiques de la peopolisation et lui donne
une forme particulière.

II. 3. Le chercheur comme porte-parole


Plus qu’une récapitulation des éléments de ce chapitre, le présent propos est, lui-même,
le fruit d’un mouvement qui nous permet de concevoir les espaces : le mouvement de
la recherche pour saisir les espaces de celle-ci. Le dédoublement du narrateur comme
énonciateur et acteur nous a permis de concevoir les mouvements et les espaces dans
notre recherche. Pourtant, la logique interdisciplinaire est le fondement de notre posture
de chercheur et tient parallèlement cette dialectique d’un point de vue épistémologique.
Le chercheur est le porte-parole de sa recherche en tant qu’il supporte la parole de tout
ceux qu’il représente en un seul corps et en tant qu’il porte la parole, qu’il l’a déplace vers
des lieux vers lesquels elle n’aurait su aller sans cet intermédiaire. En tant que narratrice
de ma propre recherche, je débraye l’instance d’énonciation dans un « nous », une
première personne du pluriel qui se justifie parce qu’elle condense non seulement la
parole des auteurs que je mobilise, mais aussi celle des narrateurs des récits que j
’étudie, celle des êtres de papier qui peuplent mon corpus et enfin, celle de toutes les
personnes qui directement ou non, influent sur cette recherche. Parallèlement, ces paroles
que je condense en un « nous » dans le corps propre de cette recherche sont déplacées
vers des lieux qu’elles n’auraient peut-être pas connus. Ces espaces sont divers. Ils sont
disciplinaires ; les paroles traversent ou s’installent dans les espaces des sciences du
langage, de la sociologie et bien sûr des sciences de l’information et de la communication.
Ils sont formels et menés dans des lieux épistémologiques, théoriques, méthodologiques et
empiriques. Ils sont socialement ancrés dans une société donnée, un temps historique, une
inscription universitaire (discipline et laboratoire), une formation scolaire et enfin, dans une
actualité politique, médiatique et people… On comprend parallèlement que ces paroles que
je condense en un seul corps s’appréhendent sur l’axe paradigmatique car elles sont le fruit
d’un choix au sein de l’univers des possibles. Mais, plus loin, elles sont aussi saisissables sur
l’axe syntagmatique par les déplacements qu’elles subissent, par les associations, comme
des mises en co-présence, et par les transformations et transpositions qu’elles éprouvent
au fil de mes traductions, négociations et interprétations.
En conclusion de ce chapitre, il nous semble important de souligner que notre
approche pour saisir le phénomène de la peopolisation pourrait tout autant servir à
appréhender comment nous avons résolu l’incertitude quant à notre sujet de recherche
en traduisant, en empruntant, en déplaçant les paroles, comment nous avons fait agir
les auteurs scientifiques, les narrateurs, les êtres de papier de notre corpus… En tant
qu’énonciateurs de cette recherche, nous sommes aussi des acteurs parce que finalement

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cet écrit est avant tout un récit. Le chercheur est un acteur comme les autres ; il donne une
existence et une consistance particulière au phénomène qu’il interroge.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Chap. III. L’identité médiatique dans les


récits médiatiques

III. 1. Les espaces d’émergence des récits médiatiques


Les récits analysés dans notre étude sont des « discours narratif de caractère figuratif
(produits pendant la campagne présidentielle de 2007) comportant des personnages
(dont au moins un est un homme politique) qui accomplissent des actions (médiatisées
291
dans la presse people)» . Ces critères de sélection du corpus méritent d’être réfléchis
et présentés pour considérer le passage d’un objet à un corpus opératoire mais aussi
les contraintes et les formes de celui-ci pour notre recherche. Trois espaces contribuent
à façonner notre objet et son corpus, ils sont trois espaces d’émergence des récits
sélectionnés : la campagne présidentielle, les médias et l’espace idéel de la célébrité et de
la notoriété.

III. 1. 1. La campagne présidentielle comme temps fort de l’actualité


politique
Une campagne présidentielle est un moment fort dans l’actualité politique d’un pays et
292
mérite que nous nous y arrêtions . Elle est une séquence privilégiée de construction
de la réalité politique à laquelle les acteurs contribuent selon leurs ressources et leurs
intérêts. L’enjeu de ce moment consiste à contrôler symboliquement la définition collective
de la situation politique. Les candidats, leurs équipes, leurs militants et, finalement, tous les
individus participant à un débat politique et soutenant un candidat ou un parti, cherchent à
imposer leurs définitions et leurs points de vue grâce à des symboles qui sont autant des
mots que des images, des arguments, des discours, des petites phrases, des affiches, des
clips, etc. Une campagne présidentielle s’analyse donc, aussi, en termes de communication.
« Le métier de politique consiste à utiliser et à agencer en un ensemble
relativement cohérent une multitude de processus relevant de l’ordre de la
communication : diffusion massive d'images et de slogans, rituels et gestes
spectaculaires (dont on fournira l'interprétation au moment où on les réalise),
entretien de réseaux où circulent des appréciations et des jugements, publication
opportune de sondages favorables. En ce sens, la communication politique
ne cesse jamais, emprunte des voies détournées ... La connaissance pratique
de ce phénomène — qui n'exclut pas la connaissance théorique par une partie
des acteurs eux-mêmes — est une composante fondamentale du "métier
293
politique". »
291
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
292
Le sujet est cependant large et complexe, nous ne l’abordons, ici, que de manière succincte.
293
WEBER, M., Le métier et la vocation d'homme politique, Paris : UGE, 1963, p. 128.

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Nous pouvons distinguer deux types de communication politique. Le premier constitue


la communication en contexte d’exercice du pouvoir et rassemble la communication
gouvernementale, la communication présidentielle et la communication locale. Le second
relève essentiellement de la communication électorale, c’est-à-dire de la communication
de conquête du pouvoir. Il faut, par ailleurs, différencier deux types de communications au
sein de ces types de communication politique : la communication directe lors de meeting,
visites, etc., et la communication indirecte par la médiatisation des actions et discours. Dans
notre recherche, nous nous intéressons donc à une communication indirecte en contexte
de conquête du pouvoir. Parallèlement, la visibilité dépend de deux facteurs : l’agenda
et le situationnel. L’agenda du candidat influence la visibilité des hommes politiques car
il est enjeu de mise en visibilité pour les médias ; celui-ci oriente l’actualité, voire la fait.
Mais la visibilité peut être, par ailleurs, contextuelle : le candidat intervient, communique en
réponse à une crise, un évènement médiatique particulier. Ainsi, en contexte de conquête du
pouvoir, les candidats interprètent les demandes et attentes des citoyens, l’offre électorale
de leurs concurrents et les intègrent pour donner un contenu cohérent à leur communication
stratégique. Les médias, quant à eux, interprètent le traitement de l’information à la
fois l’ensemble des offres, l’ensemble des demandes et les conditions des ajustements
opérés. Du côté du public, les électeurs interprètent les messages électoraux qui leur sont
directement adressés par les candidats mais aussi les interprétations secondaires fournis
par les médias. Cette communication électorale doit donc se penser comme l’interaction
d’interprétations stratégiquement orientées de la situation politique. L’enjeu relève du
contrôle symbolique de la construction de la réalité et de la définition de la situation politique
en fonction desquelles les conduites électives s’orienteront.
Les campagnes électorales se sont modernisées sous l’influence de la médiatisation
de la vie politique et des techniques de communication. Les facteurs politiques restent
primordiaux dans les choix stratégiques ; mais les médias ont apporté de nouvelles
techniques et possibilités telles que les sondages, le marketing téléphonique ou par courrier,
la campagne télévisée et sur internet, et ce particulièrement depuis le référendum pour la
Constitution Européenne où ce dernier est devenu un support important de communication
politique des candidats et du public. La campagne électorale est devenue un temps de
technicisation et de rationalisation des techniques de communication qui s’accompagne
de la professionnalisation des conseillers en communication. Ces nouvelles techniques et
possibilités apportées ont, par ailleurs, fait évoluer la campagne électorale, désormais régie
294
par une « théâtralisation du pouvoir » . Elle est devenue un exercice de transfiguration
295
mystique mobilisant mythes, symboles et rites . Face aux sollicitations des médias
audiovisuels, et sous l’impulsion des conseillers en image, les hommes politiques ont peu
à peu adapté leurs discours, leur apparence, leur physique aux exigences audiovisuelles.
Ils acceptent de se prêter à des mises en image qui relèvent plus du « coup médiatique »
et de la séduction publicitaire, que de la solennité historiquement associée au pouvoir. Le
jeu politique dans son ensemble a été modifié par la montée en puissance des médias de
masse audiovisuels. Jean-Marie Cotteret montre que la vie politique française a désormais
deux légitimités : la légitimité élective qui règle, juridiquement et constitutionnellement, la
vie politique française, confère aux élus l’autorité et impose l’obéissance aux électeurs et
la légitimité cathodique qui confère aux plus visibles, ceux qui accèdent aux médias, une
296
autorité réelle, ce qui modifie le rapport autorité – obéissance .
294
BALANDIER, G., Le pouvoir sur scène, Paris : Balland, 1980, p. 14-20.
295
COULOMB-GULLY, M., La démocratie mise en scène : Télévision et élection, Paris : CNRS Éditions, 2001. p. 39-67.
296 ère
COTTERET, J-M., Gouverner c’est paraître [1 éd. 1991], Paris : PUF, 2002, p. 18.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

La sélection d’une telle période pour nos analyses implique différentes variables. La
première revient à ce que nous venons d’énoncer : elle est un moment fort dans l’actualité
politique, un temps de la communication politique où les enjeux sont évidents et la sanction
inéluctable. La seconde tient à sa temporalité délimitable et à une mobilisation réduite de
personnages. En 2007, il y avait douze candidats à l’élection présidentielle : cet état de
fait permet non seulement de définir qui seront les êtres peuplant cette étude et donc
de restreindre leur nombre, mais, parallèlement, cela permet de pouvoir considérer des
candidats aux visibilités variables et de ne pas se laisser enfermer dans une sélection de
personnages hautement médiatiques. De la même façon, la temporalité d’une campagne
présidentielle invite à clôturer le temps d’analyse mais permet par là même d’éviter la
construction d’une temporalité d’analyse qui conviendrait à l’objet ou à la problématique.
Ces variables sont indétachables de la question de la visibilité. Les médias de masse
constituent, en ce sens, des outils pour une campagne présidentielle car ils permettent de
répondre à l’injonction de visibilité désormais inéluctable dans notre société, c'est-à-dire
à « l’encouragement, la valorisation de l’exhibition d’activités et de productions multiples,
entraînent d’une part l’interdiction ou la mise à l’écart de l’opacité et de l’épaisseur pour le
297
plus grand nombre, d’autre part, à terme, un appauvrissement de l’imaginaire » .

III. 1. 2. Les médias comme moyens de visibilité et la question du


secret
La nature des médias est de dévoiler un objet ou un sujet sur la place publique, de le rendre
visible. Les médias de masse ont étendu l’angle de « ce qui peut-être vu ».
« Acteurs et évènements deviennent visibles en dehors des espaces immédiats
298
d’interaction. »
Avec le développement des médias de masse, le dispositif médiatique soumet désormais
les acteurs politiques au regard de tous, alors que ces derniers ne peuvent plus, sauf
299
exception, voir le public . En effet, les acteurs « parviennent à se rendre visibles et
à observer autrui non seulement dans la coprésence physique mais également par
300
l’intermédiaire de multiples médiations » , telles que la télévision, la presse écrite, la
radio et Internet.
La visibilité ne consiste pas seulement à être perceptible par les autres mais demande
en plus une identification.
« Les nobles s’autorisaient à se dévêtir devant les domestiques parce qu’en un
301
certain sens, ceux-ci étaient tout simplement absents. »

297
Extrait de l’appel à communication du colloque « Voir et être vu, l’injonction à la visibilité dans les sociétés contemporaines »,
Paris, 29-31 mai 2008, organisé par l’Association Internationale de Sociologie, de l’Association Internationale des Sociologues de
Langue Française, du réseau thématique « Sociologie clinique » et de l’Association Française de Sociologie.
298
VOIROL, O., « Visibilité et invisibilité : une introduction », Réseaux, 129-130, 2005, p.14.
299
Ibid. p. 73-75.
300
Ibid. p. 28.
301
HONNETH, A. « Invisibilité : sur l’épistémologie de la reconnaissance », Réseaux, 129-130, 2005, p. 42.

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Médias, politique et vie privée

La visibilité requiert de connaître ce que nous percevons, en cela, il faut entendre que nous
302
identifions ce que nous percevons .
« La visibilité désigne bien plus que la perceptibilité parce qu’elle implique une
303
capacité d’identification individuelle élémentaire. »
Comprendre le processus de peopolisation par le concept de visibilité revient à s’intéresser
à la « constitution du spectre de visibilité », c'est-à-dire se pencher sur les multiples
dispositifs médiatiques impliquant une compréhension des médias de communication
comme producteurs d’une intelligibilité, organisant l’attention du public et appelant sans
304
cesse des manières de voir et de reconnaitre ce qui est exposé .
« Les organisations médiatiques sont devenues les principales productrices de
visibilité médiatisée dans les sociétés contemporaines, ordonnant les manières
de voir sur la base de catégories d’appréciation et d’opérations d’identification
305
ancrées dans des pratiques institutionnelles et professionnelles spécifiques. »
Pourtant, l’injonction à la visibilité dans le métier du politique pose parallèlement la question
de l’invisible.
« L’invisible, c’est ce qui est dérobé à la vue, mystère et tabou. A l’opposé de la
306
visibilité, il y a l’opacité, le secret, le caché, le censuré, l’interdit. »
Le secret est au cœur de notre thèse : il est la formule d’investissement pour atteindre la
307
grandeur dans le monde de l’opinion, il est le propos de la presse people , il est ce qui
échappe dans une certaine mesure à l’espace public. Mais comment parler de secret et de
médias alors que le propre du secret est d’échapper à l’espace de communication ?
« Le secret peut se définir comme une information qui ne fait pas l’objet d’une
308
diffusion dans l’espace public. »
Le secret suppose des personnes qui possèdent une information et ne la laissent pas
connaître à d’autres. Le secret doit être connu au moins par un individu et caché à un autre.

302
L’espace public se constitue du visible mais ne peut se contenter de celui-ci en tant que le visible ne rend compte que de la
forme première de la reconnaissance. L’objet ou le sujet doit être mis sur la scène du visible et enfin reconnu pour appartenir à
l’espace public. Paul Ricœur définit la reconnaissance à partir de trois phases. La visibilité consiste en la première. Mais pour que
la reconnaissance soit complète, il faut ensuite se reconnaître soi-même, c'est-à-dire conjurer le risque de cette autre méprise qu'est
la méconnaissance de soi-même, laquelle consiste à se tromper soi-même, à se prendre pour ce que l'on n'est pas. « Il faut qu’il y
ait d’abord et fondamentalement un sujet capable de dire “ je ” pour faire l’épreuve de la confrontation avec l’autre. » (RICOEUR, P.,
« Les paradoxes de l’identité », L’information psychiatrique, 3, 1996, p. 203.). Le troisième moment du parcours que propose Ricœur,
est la reconnaissance mutuelle, la reconnaissance de l'autre dans son irréductible différence ; le risque n'étant plus ici celui de la
méprise, mais du mépris. Il faut que les acteurs se reconnaissent mutuellement et reconnaissent la manifestation de leurs attentes
face à l’autre. (RICOEUR, P., Parcours de la reconnaissance, Paris : Folio essais. 2004)
303
HONNETH, 2005, op. cit. p. 43.
304
VOIROL, 2005, op. cit. p. 20
305
Ibid. p. 20.
306
BARUS-MICHEL, J., « Une société sur écrans », Voir, être vu. L’injonction à la visibilité dans les sociétés
contemporaines, Actes du colloque, Tomes I, ESCP-EAP, Novembre 2009, p. 7.
307
Nous aborderons plus tard cette affirmation lors de la définition de la presse people.
308
LAMIZET, B., « Sémiotique du secret », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets, Paris : L’Harmattan, 2004, p. 11.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

309
Le secret doit se comprendre dans et par le conflit , c'est-à-dire qu’il est une information
dissimulée à quelqu’un dont on se protège et qui est un concurrent ou une menace s’il
connaissait cette information. Le secret puise son existence dans l’évaluation d’un risque
si l’autre venait à le connaître. Ainsi, comprenons le secret comme une information dont
le contenu est connu par au moins un individu qui estime que sa connaissance par un
autre individu constitue une menace ou un risque. A cela s’ajoute une autre variable : celle
de la dissimulation. Celui qui détient le secret doit user de stratégies afin de garder le
secret. Il se peut que l’existence même du secret soit inconnue des autres. Le silence suffit
donc à conserver le secret, cependant le détenteur du secret se place dans des stratégies
310
d’abstention telles que ne pas dire , ne pas trahir , ne pas laisser filtrer d’indices
, etc. Le secret place l’individu qui le détient dans une communication contrainte. Il est ce
qui est séparé de l’espace de communication et ce qui sépare les individus dans ce même
espace de communication.
Pour que nous puissions parler de secret, il faut que l’individu choisisse de
garder éloignées de l’espace public certaines informations dont il considère que leurs
connaissances par d’autres pourraient menacer sa dignité. Il use ainsi de stratégies de
dissimulation pour que ce qui est secret le reste. Boltanski et Thévenot présentent le monde
de l’opinion avec une formule d’investissement qu’est le renoncement au secret, en tant que
les informations d’ordre privé et jugées comme devant le rester par les grands de ce monde
sont exposées sur la scène publique. « Pour être connu, il faut accepter de tout révéler
311
sans rien cacher à son public » . Ainsi, pour atteindre l’état de grandeur dans le monde
de l’opinion, le sujet accepte de renoncer au secret. Une telle affirmation nous semble
contradictoire car on ne peut renoncer au secret ; le terme même de « secret » n’a plus de
valeur dans le cadre d’une information qu’on accepte de dévoiler. Ce qui varie profondément
dans la question du secret entre le grand du monde de l’opinion et l’anonyme, c’est que
la pression par rapport au secret est différente et que les stratégies de dissimulation et
les risques appréhendés n’auront pas la même importance. La menace de révélation par
autrui y est plus forte, cependant le secret ne reste pas impossible et le grand du monde
du renom n’y renonce pas pour autant. Appréhender, en tant que chercheur, la possibilité
d’un personnage public à avoir des secrets est impossible. Seul ce personnage, détenteur
de secrets, a la capacité de le dire mais cela reviendrait à dévoiler une partie de son secret
et donc à trahir une stratégie d’abstention inhérente au secret. Ainsi, nous comprenons
la formule d’investissement du monde de l’opinion comme une nécessaire transparence,
une transparence nullement incompatible avec la capacité des individus transparents de
conserver certains secrets.
Cette acception du secret comme invisible pose la question du contenu du secret.
L’espace privé est ce que l’individu décide de ne pas exposer sur la place publique, comme
ce que l’individu choisit de ne pas partager avec les autres individus.
« En l’absence de toute définition positive de la vie privée, comment ne pas tenter
de la définir par la négative ? La vie privée, c’est tout ce qui n’est la vie publique
312
des individus. »
309
HUYGHE, F-B, « Secret et conflit : De la ruse à l’infodominance », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets, Paris : L’Harmattan,
2004, p. 23-33.
310
Ibid. p. 29.
311
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991. op. cit. p. 226
312
BADINTER, R., « Le droit au respect de la vie privée », JCP (jurisclasseur périodique), 1968, p. 2136.

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Médias, politique et vie privée

Pouvons-nous penser que ce qui n’est pas public relève du secret et donc que le secret
et le privé se confondent et ce, plus particulièrement, à l’aune de la publicisation de la vie
privée où celle-ci tend à relever uniquement de l’intimité ? Un secret peut contenir un aspect
de la vie privée. Cependant, la notion de secret protège bien d’autres éléments que ceux
d’une vie privée. Parallèlement, le contenu de la vie privée diffère en fonction de ce que
l’individu s’est plus ou moins exposé à montrer. La vie privée est ce qui n’est pas exposé
publiquement. Pourtant, elle n’est pas pour autant dissimulée à partir de stratégies et son
dévoilement ne sera pas obligatoirement vécu comme une menace. Si la différence entre
vie privée et secret reste très difficilement appréhendable, elle réside principalement dans
la différenciation entre abstention et dissimulation, entre non-dit et caché. Cette question
s’avère particulièrement importante dans notre considération de la presse people qui se
définit dans une activité de la révélation des secrets.

III. 1. 3. Visibilité, notoriété et médias.


La campagne présidentielle est un moment-clef dans la vie politique : elle consiste en une
séquence privilégiée de construction de la réalité politique qui s’organise en termes de
communication. Parallèlement, avec le développement des médias, un nouveau spectre
de visibilité s’est constitué autour des hommes politiques et de leur communication. Les
médias de masse rendent visibles des sphères d’actions auparavant dissimulées et créent
un univers d’images et de flux d’informations difficiles à contrôler. Cette nouvelle visibilité
amène les leaders politiques à être exposés de façon plus large. Cette visibilité médiatisée
leur a permis de se présenter non plus seulement comme des dirigeants politiques mais
aussi comme des humains et, ainsi, de révéler certains aspects de leur être ou de leur vie
personnelle. Ils ont ainsi acquis « la capacité de se présenter eux-mêmes en tant qu’un
313
des nôtres » .
Notre propos porte sur une nouvelle forme de visibilité des hommes politiques : leur
médiatisation dans la presse people. Notre inscription disciplinaire, le choix du sujet, de
l’objet et du corpus situent notre propos dans une analyse de la communication et du
monde de l’opinion. Pourtant, au sein de cet objet médiatique et dans l’investigation de
ce phénomène médiatique, trois mondes figurent comme des univers signifiants au cœur
des récits. Mais l’un d’eux contient, parallèlement, le support et l’acte d’énonciation de ces
récits : c’est le monde de l’opinion. Il y a une mise en abîme de ce monde dans notre
étude. En effet, le monde de l’opinion peut revêtir la forme d’un actant ou d’une action de
narration, d’un espace énoncif ou énonciatif, etc. Le monde de l’opinion peut donc être
un espace de signification au sein même d’un récit qui, par exemple, met en scène des
fans, des stars, des journalistes, une scène, des photographes, des flashs. Parallèlement, le
phénomène de peopolisation est un objet de discours dont le mode d’existence est discursif,
ce phénomène est purement médiatique : en ce sens, l’énonciateur en tant qu’acteur,
performe la peopolisation, elle n’existe que dans et par le discours médiatisé : ici, c’est
l’incarnation du monde de l’opinion dans l’espace de la traduction. Mais, le monde de
l’opinion est aussi repérable dans l’espace de la narrativité en tant qu’il est le fondement
de la relation entre le destinateur et la destinataire du récit et organise ainsi les récits
314
dans une logique de monstration, de révélation . Enfin, le monde de l’opinion est ce qui
définit notre étude, par le choix de l’objet, le choix du corpus et donc de ses supports,
nos questionnements et notre prisme de lecture : l’espace de la recherche est défini, entre
313
THOMPSON, 2005, op. cit. p. 72.
314
Nous reviendrons sur les logiques du récit people dans quelques pages.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

autres, à partir de ce monde. Ainsi, le monde de l’opinion est transversal aux différents
niveaux de notre étude.
Cette mise en abîme du monde de l’opinion suppose de questionner le rapport au réel
et à la notoriété des êtres qui peuplent notre recherche. En effet, le monde de l’opinion
est omniprésent dans cette étude : les êtres de notre étude sont des sujets de ce monde.
Or, dans le monde de l’opinion, nous avons affaire à trois types de sujets : les grands
représentés par les personnes renommées, les petits que sont les fans ou les supporters
315
et enfin, les « magistrats chargé de faire valoir la grandeur de renommée » . Parce
que notre thèse s’intéresse aux récits dans une perspective immanente, les actants de
narrations sont forcément les grands du monde de l’opinion, ils sont mis en scène parce
316
que notoires et sont notoires parce que mis en scène . Les fans et les magistrats chargés
de faire valoir la grandeur de la renommée peuvent aussi être actants de narration, mais,
nous le verrons, ils sont toujours mobilisés en relation avec le grand du monde de l’opinion
qu’ils mettent en valeur et à qui ils octroient une grandeur par leur présence, soulignant alors
317
« le caractère non essentialiste et purement relationnel de la grandeur de renom » .
Mais, les fans et les magistrats chargés de faire valoir la grandeur de renom incarnent, par
ailleurs, et ce majoritairement, les actants de communication, destinateur et destinataire
du récit. Le caractère relationnel de la grandeur de renom institue, en outre, la légitimité
du journaliste à être le porte-parole des grands et des petits du monde de l’opinion. Le
journaliste est dans le monde de l’opinion, ce qui fonde sa légitimité. Par là, il est chargé
de déplacer des objets et des sujets du monde domestique et civique dans le monde de
l’opinion et les représente ; il leur octroie une consistance et une dignité à figurer dans ce
monde. Il est une entité particulière du monde de l’opinion car non pris dans les rapports de
grandeur en tant qu’il les construit. Il est celui qui supporte la parole, qui condense la parole
des grands et des petits du monde de l’opinion qu’il représente en un seul corps ; mais il est
aussi celui qui porte la parole en tant qu’il la déplace, la mène dans le monde de l’opinion,
où elle ne pourrait aller sans son intermédiaire : le monde de l’opinion figure comme le lieu
de convergence des trois mondes pris dans notre étude. Il est le lieu de convergence des
trois mondes, et non des deux autres mondes. Ici, se tient la mise en abîme. Le monde
de l’opinion est soumis à différentes incarnations à différents niveaux de la recherche et
du récit. Au niveau de surface, il dispose du même statut que les deux autres mondes, il
est une alternative parmi les autres sur l’axe paradigmatique, un espace de signification
comme les autres. Le journaliste détient sa légitimité de porte-parole par son être dans le
monde de l’opinion ; sa légitimité à représenter des êtres et des objets du monde civique et
domestique est contenue dans la mise en abîme du monde de l’opinion, dans la définition
du support et de l’être médiatique des discours.
Le monde de l’opinion intervient dans cette recherche comme l’univers a priori de
notre objet dont nous ne pouvons ignorer le caractère déterminant. Sa représentation et
sa mobilisation révèlent une référence à la notoriété et à la référentialisation externe des
êtres de papiers que nous investirons dans une troisième partie de ce chapitre, consacrée
à l’identité médiatique. Cette double mobilisation du monde de l’opinion intervient, entre
autres, dans le choix de notre corpus : un corpus double. Nous avons fait le choix de
considérer les récits médiatiques issus de la presse écrite française. Pour cela, nous
considérons plusieurs types de corpus. Un premier, principal, est constitué d’articles de la
presse people ; les suivants constitueront une possibilité de relativisation de notre premier
315
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.224.
316
Nous apporterons une nuance à cette réflexion lors des prochaines pages sur la définition de la presse people.
317
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p.223.

91

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Médias, politique et vie privée

corpus en empêchant l’injonction people de guider la description des identités médiatiques.


Pourtant, avant d’en expliquer la sélection et la transformation en un corpus opérant pour
notre problématique et notre objet, un détour sur la définition de la presse people comme
espace de production de notre corpus principal semble incontournable.

III. 2. Le récit dans la presse people.


La presse people est une presse magazine à parution hebdomadaire, une « publication
périodique s’adressant au grand public, illustrée et imprimée sur un papier de qualité,
318 ème
vendue en kiosque ou par abonnement » . Ce genre n’est, au début du 19
siècle, que la vulgarisation de l’encyclopédie ; c’est en 1843, avec L’Illustration qu’il
intègre l’actualité. A la fin de ce même siècle, il participe à l’expansion de l’image et
à l’épanouissement d’un nouveau journalisme de reportage et d’enquête. Les guerres
mondiales marquent alors son âge d’or ; la presse magazine permet aux lecteurs de voir la
guerre. Plusieurs titres de notre corpus naissent à cette période. Pourtant, c’est seulement
à partir des années 50-60 qu’émerge la presse magazine telle que nous la connaissons
aujourd’hui avec le déploiement des informations dans des rubriques, la segmentation des
319
publics et l’arrivée de la publicité . La presse magazine people suit cette histoire mais aussi
celle de la « culture tabloïd », née dans la seconde moitié des années 80 aux Etats-Unis,
et permettant l’émergence de nouvelles formes d’accès à l’information pour les couches
320
socialement et économiquement défavorisées , et de celle, en France dans les années
90, du récit people, coïncidant avec l’émergence des téléréalités, et donc d’une culture de
l’intimité et du voyeurisme. Pour définir la presse people, nous nous réfèrerons à la littérature
scientifique et nous élargirons la définition au regard de certaines observations opérées lors
321
de cette étude . Cette définition de la presse people se décline en trois catégories qui
permettent de la reconnaître et de la distinguer des autres types de presse. Ces catégories
constituent, par ailleurs, des variables pour distinguer différents types de presse people
dans notre corpus et réfléchir au cas particulier que constitue le magazine Public . Ainsi,
le temps de ce propos sur la définition de la presse people, nous quittons notre intérêt pour
le phénomène de peopolisation et pour les hommes politiques.

III. 2. 1. Révélation et secrets.


Selon Dakhlia, « le propre de la presse people est d’être une presse du secret , dans le
sens où elle est censée divulguer tous les aspects de la vie privée des gens célèbres

318
CHARON, J-M., « La presse magazine. Un média à part entière ? », Réseaux, 105, 2001, p.56.
319
FEYEL, G., « Naissance, constitution progressive et épanouissement d’un genre de presse aux limites floues : le magazine »,
Réseaux, 105, 2001, p.22-47.
320
GLYNN, K., Tabloid Culture: Trash Taste, Popular Power and the Transformation of American Television, Duke University Press,
2000.
321
Nous nous servirons plus particulièrement, ici, de l’analyse quantitative de 155 Unes parues entre le 14 mai 2007 et le 30 avril
2010 pour chacun des neufs titres figurant dans notre corpus, soit un total de 1395 Unes. Nous reviendrons à la fin de ce chapitre
sur la constitution de ce corpus.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

322
y compris les plus cachés » . Les notions de divulgation et de révélation sous-tendent
donc non seulement un jeu entre le caché et le montré mais plus loin, entre le vrai et le faux.
En effet, à partir d’une rhétorique du secret et de la révélation, la presse people légitime son
propos par la compétence de devoir-montrer . Cette dimension déictive s’organise autour
du carré véridictoire proposé par Greimas. Celui-ci met en exergue non pas la problématique
de la vérité qui obligerait le recours à un référent externe mais la question de la véridiction,
323
c'est-à-dire la prétention à la vérité inscrite à l’intérieur même du discours . Ce carré se
compose de quatre modalités : le vrai (être + paraître), l’illusoire ou le mensonge (non-
324
être + paraître), le faux (non-être + non-paraître) et le secret (être + non-paraître) . Le
discours de la presse people s’appuie sur un mouvement qui part du secret vers le vrai ;
il fait apparaître l’être et nie le non-être de ses informations. Ainsi, le discours de cette
presse se trouve crédibilisé et légitimé dans l’exercice même de son énonciation. Pourtant,
la révélation de secret comme dynamique constitutive de ce type de presse nous invite à
saisir la façon dont elle construit une connivence et un contrat de lecture entre l’énonciateur
et l’énonciataire, à partir de ce que nous nommons « illusion de visualisation ». En effet,
la presse people investit une temporalité plus longue que d’autres médias du fait de sa
parution hebdomadaire. Le lecteur peut déjà connaître l’information lorsque les différents
titres de presse people la saisissent. Cependant, les énonciateurs des récits créent l’illusion
de visualisation, c'est-à-dire l’illusion de rendre visible à l’esprit du lecteur quelque chose
qui était alors invisible. Cette technique investit la rhétorique du secret et de la révélation et
transforme une information connue en nouveauté. Mais la rhétorique du secret peut être,
325
par ailleurs, conjointe à une rhétorique du scoop avec le terme « exclusif » et ses
dérivés. La fonction révélatrice du discours de la presse people amène l’énonciateur des
récits médiatiques à feindre de découvrir la réalité en même temps que le destinataire afin
de créer une connivence avec son lecteur.
L’illusion de visualisation et la promesse de révélation d’un secret par l’énonciateur sont
renforcées par les publications judiciaires en Une , autre outil de légitimation de leur propos.
« La presse people (…) affiche sur ses couvertures, contrainte mais pas si forcée
que cela, les jugements la condamnant et qui lui servent d’étendard. (…) Les
326
rapports avec l’institution judiciaire participent de son économie. »
Ces publications judiciaires prouvent au lecteur que le journal a été condamné pour
327
révélation et non pour diffamation .
« L’action en justice porte moins sur l’idée d’une réalité tronquée, manipulée que
sur le fait que la photo n’était pas autorisée : s’il est question de droit à l’image et
322
DAKHLIA, J., « Formes et secrets de la presse people : les faux reflets de l’authentique », WUILLEME, T. (dir.) Autour des secrets,
Paris : L’Harmattan, 2004, p. 155.
323
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 417.
324
Ibid. p. 419.
325
Comme ce fut le cas en Une de France Dimanche 3206, Ici Paris 3266 et Closer 139, lors de la médiatisation du mariage
de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni . Closer insista doublement en se qualifiant de « Numéro inratable », VSD 1589 de la même
façon désigna son édition comme « Un numéro exceptionnel ». Nous reprendrons cette problématique de la mise en visibilité dans
la presse people lors de l’analyse du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, Chap. VII.
326
PIERRAT, E., « Les médias et le droit à l’image », Médiamorphoses, 8, 2003, p.94.
327
Les Unes judiciaires mettent toujours en scène des condamnations pour atteinte à la vie privée et au droit à l’image et non pour
calomnies, ce qui tend à renforcer l’aspect véridictoire des informations pouvant être trouvées dans cette presse.

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de respect de la vie privée, c’est que la photo vole bel et bien des espaces-temps
328
irréfutables. »
Nous retrouvons la modalité positive de l’être dans le carré véridictoire, ce qui tend à
souligner la dynamique des informations révélées dans leur rapport à la vérité. Ces Unes
judiciaires nous amènent à aborder un élément essentiel dans la définition de la presse
people : son rapport avec les questions juridiques de droit à l’image et de protection de la
vie privée.
ème
Le droit à l’image est né au milieu du XIX siècle.
« Avant la Révolution française, l’idée de personne et de sphère privée était
difficilement compréhensible, seule la collectivité humaine dans son ensemble
revêtait un sens. Les valeurs individualistes de la Révolution bourgeoise ont
329
constitué le terreau qui a permis de révéler une autre facette de la personne. »
330
L’affaire Rachel permet cette émergence . Un journaliste détenait une photographie de
331
la tragédienne Rachel, étendue sur son lit de mort et souhaitait alors la publier . La
famille de la tragédienne tenta d’empêcher ce qu’elle considérait comme une atteinte au
droit de l’image et sa sœur saisit le Tribunal Civil de la Seine. Le jugement rendu le 16
juin 1858 définit un nouveau droit de la personne, celui de protéger son image et donc la
possibilité de s’opposer à la publication et à la reproduction de son image. Jusqu’en 1970,
332
la législation imposa cependant de prouver la faute et le préjudice causé . La loi du 17
juillet 1970, tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, introduit
dans le Code Civil, article 9, l’idée suivante : « Chacun a droit au respect de sa vie
privée. Les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire
toutes mesures telles que séquestres, saisies et autres, propre à empêcher ou à
faire cesser une atteinte à la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être
333
ordonnées en référé. » . Cette nouvelle loi fut votée peu de temps après l’accès au
pouvoir de George Pompidou, récente victime de la presse à sensation. Celui-ci avait été
affecté par des rumeurs dans l’affaire Marcovic, nom de l’ancien garde du corps d’Alain
Delon, découvert mort dans une décharge publique, en octobre 1968. La rumeur avait alors
relayé que celui-ci vendait des photographies compromettantes de personnalités prenant
part à des soirées libertines. Le nom de Claude Pompidou avait été prononcé dans la presse
334
et des photographies truquées circulèrent dans l’espace public . Depuis 1970, la seule
constatation de l’atteinte à l’image et à la vie privée d’une personne qui n’a pas donné son
autorisation, ouvre droit à réparation mais aussi à des sanctions pénales mentionnées par
335
l’article 226-1 du code pénal .
328
MARION, P., « Petite phénoménologie de la photo people », Communication, 27, 1, 2009, p. 164.
329
MOULLA, M., « Vie privée et droit à l’image des personnes », [en ligne : http://www.avocats-publishing .com/Vie-
privee-et-droit-a-l-image-des,142]
330
BERTRAND, A., Droit à la vie privée et droit à l’image. Paris : Ed. Litec, 1999.
331
Situation quasi analogue réitérée un siècle et demi plus tard par la publication de la photo de François Mitterrand sur son lit de mort.
332
DU CREST, A., « Mon image est à moi et a un prix !», L’Histoire, 294, Janvier 2005, p.22.
333
SENAT, Note de synthèse : la protection de la vie privée face aux médias, [en ligne : http://www.senat.fr/lc/lc33/lc330.html#toc2]
334
DELPORTE, C., « Quand la peopolisation des hommes politiques a-t-elle commencé ? », Temps et Médias, 10, 2008, p. 42.
335
Cette législation française amène les titres de presse people à concevoir les coûts de condamnation en fonction des bénéfices
supposés d’un numéro. Ce calcul privilégie, en parallèle, une mise en visibilité plus importante de peoples et stars américaines, peu

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Ainsi, en France, la protection de la vie privée est garantie par un texte législatif ; il fixe
un droit de la personne à protéger sa vie privée. Cependant, il n'y aucune définition légale de
ce qu’est la vie privée. C'est la jurisprudence qui est chargée de dire ce qui est protégé. En
1858, il y eut une séparation idéelle et juridique de la personne par rapport à la masse : on lui
reconnut une dimension intime qu’elle pouvait protéger. L’isolement de cette dimension ne
pouvait être réalisé que dans un second temps ; « il fallait que le concept de droit à la vie
privée soit bien délimité et corresponde à une réalité sociologique, à une demande
336
des individus » . La jurisprudence est venue augmenter cette considération : elle inclut
ainsi le domicile, l'image, la voix, le fait d'être enceinte, l'état de santé, la vie sentimentale,
la correspondance (y compris sur le lieu de travail). Un évènement public peut lui-même
relever d’un évènement privé comme l’a affirmé le Tribunal de Grand Instance de Nanterre
suite à la plainte de Mylène Farmer pour des photographies la représentant à l’enterrement
337
de son frère . Par ailleurs, le fait que la personne ait elle-même révélé des faits n'autorise
pas la redivulgation de certains de ces faits (droit à l'oubli). La redivulgation est soumise à
autorisation spéciale, sauf lorsque la publication des faits ne vise pas à nuire et obéit à un
intérêt légitime. De là apparaît la tension inhérente entre droit à l’image et à la vie privée et
liberté de l’information. Ces deux aspects sont interdépendants : chaque loi ou jurisprudence
naît d’une affaire mettant en scène une personne célèbre et une publication dans la presse.
« De façon générale, le droit à l’image se trouve concurrencé par la liberté de
l’information, en particulier quand il s’agit d’illustrer des articles de presse qui
concernent des faits d’actualité. Aujourd’hui, il revient à la Cour de cassation de
338
concilier ce droit avec le droit à l’image. »
« Le propre de la presse people est d’être une presse du secret, dans le sens où elle
est censée divulguer tous les aspects de la vie privée des gens célèbres y compris
339
les plus cachés » , disions-nous au début de ce propos. Pourtant, la notion de secret est
complexe à définir. Cette activité de la presse people comme constitutive de l’énonciation
du récit dévoile deux types de réponse : une divulgation du secret et une mise au secret de
faits qui ne le sont pas permettant alors la révélation. Tout le fonctionnement de la presse
people s’organise autour des logiques de révélation et secret ; un fonctionnement que cette
340
presse expose pour légitimer son propos et son activité . Que ce soit dans l’exploitation
d’une rhétorique autour du caché et du montré, dans l’explicitation de sa mise en discours
qui part du secret vers la révélation ou des enjeux juridiques de ce journalisme, le processus
de révélation des secrets des gens célèbres tend à voiler le processus de manipulation de
la réalité, ce qui tend à renforcer la crédibilité de cette presse : la machinerie fait oublier
le machiniste .

III. 2. 2. De l’ordinaire à l’extraordinaire

enclins à porter plainte contre un titre français, et conduit à l’émergence de personnages peu médiatisés dans d’autres presses comme
les « starlettes » ou acteurs et actrices de séries télévisés peu ou pas encore diffusées en France.
336
MOULLA, op. cit. [en ligne]
337
TGI Nanterre - 14 mars 2000 – Légipresse, 2000, 141-1.
338
DU CREST, 2005, op. cit. p.23.
339
DAKHLIA, 2004, op. cit. p. 155.
340
Nous reviendrons, plus tard, sur la prétention à la vérité comme élément révélateur des logiques du récit people.

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La deuxième variable d’identification du récit people repose sur un jeu entre ordinaire et
extraordinaire. La presse people met en scène des personnages plus que des actions. Elle
« personnifie tout, [elle] doit toujours passer par le prisme d’une personnalité, d’un
341
personnage, d’un individu » . Un jeu entre les caractères – ordinaire et extraordinaire –,
comme des qualités désignant les êtres de papier et les actants de communication, institue
la légitimité et la consistance de ces êtres mis en scène dans les récits et définit la place
de l’expert, les contrats d’identification qui sont proposés aux destinataires et les propriétés
des grandeurs nécessaires pour la médiatisation des êtres et actions de papier.
Le concept « ordinaire » renvoie, selon Le petit Robert , à une « qualité qui ne
dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n'a aucun caractère spécial », qui
s’oppose donc à « extraordinaire » comme étant ce « qui étonne, suscite la surprise ou
342
l'admiration par sa rareté, sa singularité » . La tension entre ces deux termes distingue
les qualités des êtres de papier et des destinataires des récits : elle est un jeu entre le petit
et le grand du monde de l’opinion.
343
« Etre petit dans la logique de l’opinion, c’est être banal. »
Il y a les êtres de papier, ceux dont on parle dans la presse people, des êtres visibles,
connus et reconnus et il y a les destinataires des récits, les lecteurs, inconnus et invisibles.
La presse people présente des êtres jugés assez extraordinaires pour mériter d’être mis en
scène dans les récits médiatiques mais aussi devenant extraordinaires parce qu’ils sont,
justement, visibles, connus et reconnus du fait de leur médiatisation. Mais le caractère
heuristique des notions « ordinaire » et « extraordinaire » ne se contente pas de distinguer
le personnage people du lecteur à partir de la médiatisation du premier et de l’invisibilité
du second. Cette dichotomie met en perspective l’identité même des êtres de papier de la
344
presse people ; ils sont des êtres mixtes, « des entités à double-face » :
« Les nouveaux olympiens sont à la fois aimantés sur l’imaginaire et sur le
réel, à la fois idéaux inimitables et modèles imitables ; leur double nature est
analogue à la double nature théologique du héros-dieu de la religion chrétienne :
olympiennes et olympiens sont surhumains dans le rôle qu’ils incarnent,
humains dans l’existence privée qu’ils vivent. La presse de masse, en même
temps qu’elle investit les olympiens d’un rôle mythologique plonge dans leur vie
345
privée pour en extraire la substance humaine qui permet leur identification. »
Les personnages de la presse people sont donc, à la fois, ordinaires et extraordinaires.
Cette double identité est mise en scène dans la presse people, au travers de différentes
stratégies de présentation et de re-présentation. Leur caractère extraordinaire les projette
346
dans un « au- delà ou en-dehors des contingences communes » ; ces personnages
347
sont caractérisés par un statut social qui les rend inaccessibles .

341
DUFRESNE, D., « Entretien : Pourquoi vouloir être reconnu ? », Mediamorphoses, 8, 2003, p. 32
342
Le Petit Robert 2010.
343
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 230.
344
DUBIED, A., « L’information-people. Entre rhétorique du cas particulier et récits de l’intimité », Communication, 27, 1, 2009, p. 55.
345
MORIN, E., L’esprit du temps. Essai sur la culture de masse, Paris : Ed. Grasset, 1962, p. 123.
346
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55
347
DAKHLIA, 2008 (b), op.cit. p. 33.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

« Les célébrités sont racontées comme étant des créatures hors du commun
348
évoluant sur des tapis rouges. »
La mise en lumière de ce caractère extraordinaire crée une rupture franche entre ceux qui
apparaissent dans cette presse et ceux qui la lisent, ce qui « souligne la disparité des
conditions de vie entre les célébrités et le commun des mortels : « Pendant que vous
ramez, les stars, elles, sont à la plage » rappelle, par exemple, Public aux usagers
349
du métro parisien, durant l’été 2006 » . Sous cet aspect s’établit un mouvement de
projection du lecteur comme une mise en parenthèse de sa propre vie dans une logique
d’évasion et de divertissement. C’est le processus par lequel « l’individu rejette sur le
personnage ou sur l’objet des traits et des pulsions qu’il porte en lui, selon un
350
principe analogue à la catharsis aristotélicienne » . Pour reprendre l’expression
d’Eric Macé, il y a « un syncrétisme original sous la forme de mythes proposant une
résolution des tensions offertes par les contradictions de la vie sociale et de ses
351
représentations » . La presse people articule ainsi imaginaire et réel, en activant ce que
Marc Lits désigne comme la libido dominandi : ce qui « permet de vivre par procuration
352
l’existence qu’on rêve de connaître » .
Cependant, les personnages people sont aussi présentés comme ordinaires : on les
rattache à leur humanité comme à leur banalité : ils sont « des parents ordinaires, des
353
amoureux déçus et des individus faisant leur course au supermarché » . La rubrique
« Ils sont comme nous » de Public met, ainsi, en scène des personnes célèbres au
supermarché, s’occupant de leurs enfants ou en train de manger. Mais plus loin, cette ré-
ordinarisation peut se révéler agressive si elle devient une monstration des défauts, des
travers et des malheurs des stars. La rubrique « VDM people » de Public illustre
354 355
particulièrement cela . Conçue en partenariat avec le site Internet viedemerde.fr , la
rubrique narre chaque semaine, des histoires personnelles, difficilement vérifiables. Dans
le numéro 343, nous pouvions lire la VDM de Jessica Simpson : « Aujourd’hui, lors d’un
rendez-vous d’affaire, confinée dans une pièce avec cinq ou six personnes, je n’ai
pas réussi à me retenir et j’ai pété très bruyamment alors qu’il n’y avait pas un bruit.
Au lieu de m’aider, ma mère, présente à la réunion, me l’a fait remarquer devant tout le

348
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55.
349
DAKHLIA, J. « Du populaire au populisme ? Idéologie et négociation des valeurs dans la presse people française »,
Communication, 27, 1, 2009, p. 72
350
DAKHLIA, J. « L'image en échos : formes et contenus du récit people », Réseaux, 132, 2005, p. 80.
351
MACÉ, É., « Sociologie de la culture de masse : avatars du social et vertigo de la méthode », Cahiers internationaux de sociologie,
CXII, 2002, p.45-72.
352
LITS, M., « La construction du personnage dans la presse people », Communication, 27, 1, 2009, p. 132.
353
DUBIED, 2009, op. cit. p. 55
354
Public présente cette rubrique sur son site Internet : « Et si les people racontaient eux aussi leur VDM (Vie de Merde) ça
donnerait quoi ? Petites et grosses gaffes, journées noires : les people ont eux aussi leur mot à dire! Alors, envie de rire du malheur
des autres ? Dans ce dossier, retrouvez toutes les VDM people ! »
355
Présentation du site « Le site contient des petites anecdotes du quotidien qui pourraient nous arriver à tous. Ces histoires,
proposées par les visiteurs du site, ont la particularité de commencer par "Aujourd'hui" et de se terminer par "VDM", les initiales de
VieDeMerde. VDM est un grand défouloir qui se veut drôle et amusant à lire, tous les jours. Vous ne vous sentirez plus jamais seul(e)
dans vos petits malheurs. » Slogan du site : « Ma vie c’est de la merde et je vous emmerde ! »

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Médias, politique et vie privée

356
monde… Je suis Jessica Simpson. VDM » . Ici, plus qu’un processus rendant ordinaires
les personnages peoples, il y a un rabaissement de ceux-ci, qui permet non seulement
aux lecteurs de s’identifier mais aussi de se consoler. Cette mise en scène des êtres de
papier de la presse people active la libido sciendi , comme tendance voyeuriste à laquelle
le lecteur cède en pénétrant, « quasiment par effraction, dans la chambre à coucher
357
de ses vedettes préférées, pour les surprendre dans leur intimité » et, plus loin, la
358
libido sentiendi reposant essentiellement sur un jeu entre eros et thanathos . Cette
mixité dans la présentation des personnages people dévoile un double mouvement comme
contrat de lecture : celui de la projection et de l’identification.
Pourtant, le jeu sur l’ordinaire et l’extraordinaire permet de repérer un mouvement
inverse, celui de l’extraordinarisation de l’ordinaire. En effet, certains titres de presse people
rendent visibles des anonymes. Closer consacre quatre à six pages, chaque semaine,
à la médiatisation de récits de personnes « ordinaires », dans la rubrique « C’est leurs
histoires… », France Dimanche fait de même avec la rubrique « Français vous êtes
formidables ! » . L’extraordinarisation de l’ordinaire peut aller plus loin. Les personnes
anonymes et ordinaires peuvent devenir juges et experts des histoires des personnages
people. La rubrique « C’est aussi leur histoire » de Closer invite une personne ordinaire
à endosser ce rôle et commenter la vie privée d’une célébrité. Dans son numéro 152,
lorsque Closer évoque la relation longue-distance de Garou et Lorie, Ophélie, 30 ans,
témoigne, dans un encart sur la même page : « Nous aussi quand nous habitions loin
de l’autre, nos retrouvailles étaient torrides ». Dans le numéro 153, un article met
en scène le mariage de Jeanne-Marie Martin, fille de Cecilia Albeniz ex-Sarkozy ; Boi-
Thi, 30 ans, commente : « Choisir son beau-père comme témoin est un geste lourd
de sens. Jeanne-Marie doit bien s’entendre avec Richard Attias (…) Comme pour
Jeanne-Marie, ma famille recomposée a été de la fête. ». Cette extraordinarisation de
l’ordinaire renforce, par ailleurs, l’ordinarisation de l’extraordinaire en fonction du caractère
relationnel de la grandeur de renom. Les personnes célèbres, dans leurs vies privées, sont
des personnes ordinaires : une personne ordinaire – anonyme cette fois – peut donc les
comprendre et les analyser.
L’axe ordinaire-extraordinaire entraine, enfin, une dernière réflexion sur le
fonctionnement et la définition de la presse people. Une figure nouvelle de la notoriété
se construit sur cet axe. La médiatisation et la visibilité rendent une personne ordinaire
extraordinaire et, parce que cette personne est extraordinaire, la presse people la médiatise
et la rend visible : « toute médiatisation people n’est autre que l’évaluation d’une
359
performance de célébrité » . Cette performance se saisit et se mesure précisément à
la capacité à se montrer ordinaire, par une mise en scène récurrente de l’extimité. Ainsi,
la presse people surinvestit la célébrité, c’est-à-dire qu’elle redouble l’intérêt « accordé
à des individus n’ayant aucun talent professionnel particulier, avant tout célèbres…
360
pour leur célébrité » . La réputation et la reconnaissance sont les critères de grandeur
dans le monde de l’opinion ; selon Boltanski et Thévenot, cette variable est exacerbée dans
la presse people. La raison suprême de cette notoriété consiste en la notoriété : c’est donc
une grandeur autopoïétique des êtres de papier de la presse people. Cette idéologie de
356
Public 343 du 05/02/2010.
357
LITS, 2009, op. cit. p. 131.
358
Ibid. p. 132.
359
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 74.
360
Ibid. p. 74.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

la célébrité implique deux conséquences en creux. La première est qu’une telle idéologie
octroie à cette presse un grand pouvoir de faire et défaire les réputations. La seconde repose
sur la construction d’une connivence entre le narrateur et le lecteur sur le savoir à propos
des êtres de papier. Les personnages people mis en scène ne sont que peu présentés :
le destinataire les connaît puisqu’ils sont médiatisés dans une presse où il faut être connu
pour être médiatisé. La logique autopoïétique s’étend donc au contrat de lecture, ancré dans
un accord tacite entre le lecteur et le narrateur : on vous parle de personnes connues,
vous les connaissez, point besoin de vous les présenter . Cette connivence crée une
complicité entre l’énonciateur et l’énonciataire ; le lecteur peu habitué des personnages
people peut, au contraire, se sentir très vite dépassé par ces visages et ces noms qu’il ne
connaît pas ou peu et qu’on ne présente pas.

III. 2. 3. Le récit people.


III.2.3.1. Les logiques du récit people
Au-delà de la révélation des secrets et du jeu entre ordinaire et extraordinaire, la presse
people se comprend et se définit dans son genre discursif particulier : le récit. Nous partons
de la recherche d’Annik Dubied sur l’information-people pour élargir la définition de ce type
de presse au fonctionnement de son discours et donc aux logiques du récit people.
361
« Comme son cousin le fait-divers » , le récit people est un récit hybride, partagé
entre information et divertissement. Il joue alors sur deux prétentions : celle de la vérité et
362
de l’hédonisme . La première modalité constitutive de cette hybridité rejoint ce que nous
363
avons dit plus tôt : elle est la focalisation sur un personnage . Si Greimas définit le récit
comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant des personnages qui
364
accomplissent des actions » , le récit people insiste sur l’individualisation de l’action. Il
se focalise sur ce qui caractérise le personnage dans son intériorité et dans son intimité. Il
se concentre sur les intérêts, les désirs et les attributs psychologiques du personnage dans
son action ou à la suite de son action. Et pourtant, Annik Dubied remarque que ces récits
365
sont rarement des récits sur soi mais des récits construits de l’extérieur dont l’enjeu réside
366
dans l’attribution des « bons » attributs psychologiques par rapport à l’action narrativisée.
Il y a ici une construction narratogénique du personnage : il est rendu photogénique pour
367
le récit , afin de maintenir l’identification et la projection du lecteur et de renforcer la
consistance dynamique de l’identité médiatique des personnages de la presse people.
« Le people est (…) une excellente « pâte à récit », parce qu’il se concentre par
nature sur des intérêts humains incarnés dans d’extraordinaires personnages
368
ordinaires. La dynamique de ces histoires est quasi-assurée. »
361
DUBIED, 2009, op. cit. p. 62.
362
MORIN, 1962, op. cit. p. 147.
363
DUBIED, A. « Quand le fait divers rencontre la politique-people », Temps et Médias, 10, printemps 2008 (a), p. 149-150.
364
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 307.
365
DUBIED, 2009, op. cit. p. 59.
366
DUBIED, 2008 (a), op. cit. p. 149.
367
Ibid.p. 150.
368
DUBIED, 2009, op. cit. p. 61.

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Cette attribution de l’extérieur de considérations intérieures relève précisément d’une


particularité de ce type de presse et renforce son intrusion dans le champ du divertissement,
en s’éloignant ainsi de la prétention à la vérité.
« Les personnages se voient souvent attribuer des traits psychologiques, voire
des pensées ; et même si le récit journalistique ou les sources s’appuient sur des
actes ou des témoignages pour ce faire, les figures ainsi dessinées fonctionnent
369
sur un mode imaginaire fictionnel. »
Cette narration d’éléments difficilement accessibles au narrateur invite alors à repenser
la problématique de la révélation et du secret. Cette divulgation de l’intériorité des
personnages consiste moins en une révélation, l’être de ce qui est révélé étant fictionnel et
s’approchant plus dangereusement du non-être que d’une fictionnalisation d’un imaginaire.
Pourtant, l’effet de fiction joue le rôle de révélateur, il décrit ce qui est caché et semble
renforcer, paradoxalement, l’axe véridictoire du récit. Ici réside la deuxième modalité de
370
l’hybridité du récit people : la « propension à la transgression » . La transgression
est double : elle est à la fois la monstration d’une transgression du personnage, comme
« une rupture dans le cours normal des choses », mais aussi la monstration même
dans sa nature, en tant que ce sont « des fragments d’intimité arrachés (…) ou des
371
fragments dont on mime le vol » . La première investit l’action narrativisée et donc
l’objet de l’énonciation ; la seconde consiste en l’activité d’énonciation. Pourtant, pour cette
seconde monstration, nous choisissons de garder le terme de « révélation » plutôt que
de « transgression » pour nuancer l’aspect négatif de ce dernier terme. Enfin, la dernière
modalité dévoilant les logiques du récit people investit la configuration temporelle de ce
récit. Si le récit cherche à mettre en scène un évènement réel, le temps du récit diffère
du temps référentiel par sa feuilletonnisation et sa configuration en termes de construction
du suspens, révélant sa progression « sous la conduite d’une attente qui est aussi
372
une attente du rebondissement » . « Ce thème projectif correspond idéalement à
l’hédonisme du présent » et « dissout (…) passé et futur dans le présent d’intensité
373
heureuse » . Cette précision demande de revenir sur notre distinction entre Greimas
374
et Ricœur . Pour Ricœur, le temps est l’élément catalyseur de toute réflexion sur le
récit. Celui-ci s’appréhende à partir de la pré-compréhension du monde qu’il s’apprête à
configurer dans le temps du récit. A ces deux temps (ou mimésis, dans le vocabulaire
ricoeurien) vient s’ajouter un troisième, celui qui « marque l’intersection du monde du
375
texte et du monde de l’auditeur ou du lecteur » . Cette remarque relève de « la
mise en intrigue » opérée dans le récit, une mise en intrigue éloignée des perspectives
greimassiennes que nous soutenons dans cette recherche, car la préoccupation de la
sémiotique du discontinu est plutôt de considérer « la mise en discours », c’est-à-dire de
dégager la structure du récit, les relations internes de la signification. Ainsi, la modalité de
configuration temporelle pour caractériser le récit people demande de penser ce dernier
dans sa référentialisation externe, soit au travers de la référence au monde qu’il décrit, une
369
DUBIED, 2008 (a), op. cit. p. 149.
370
DUBIED, 2008 (a), op. cit, p. 147-149.
371
Ibid.p. 148.
372
Ibid.p. 151.
373
MORIN, 1962, op. cit. p. 147.
374
Cf. Chap. I-3-2 et I-3-3.
375
RICŒUR, 1983, op. cit. p. 109.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

376
injonction qui ne convient pas à notre problématique et notre approche théorique . Pour
cette raison, sans pour autant ignorer cette dernière modalité des logiques du récit people,
nous faisons le choix de ne pas la considérer dans le cadre de notre analyse.

III.2.3.2. La place de la photographie dans le récit.


Le récit people se construit donc dans la convergence d’informations et de divertissement.
Sa prétention véridictoire est mise à mal par sa fictionnalisation et les effets de fiction
que celle-ci sous-tend. Cette hybridité rejoint directement le fonctionnement du fait-divers.
Cependant, la place de la photographie dans le récit investit une nouvelle particularité de ce
type de presse et de récit mais cristallise, par ailleurs, le jeu sur l’ordinaire et l’extra-ordinaire
comme son rapport à la révélation et au secret. La photographie people revêt différents
377
rôles. Le premier est d’attester et fonctionne comme un « certificat de présence » :
elle a valeur de preuve de la réalité et authentifie le récit, ce qui est raconté : « « cela
378
a été » est un « c’est ça » » . La testimonialité entraine ainsi immédiatement la
crédibilisation et l’authentification. Mais parallèlement, cette testimonialité s’accompagne
379
d’une documentarité : « elle fait document » . Cette documentarité permettra alors,
plus loin, la reconnaissance par intericonicité. En effet, si la photographie d’une personne
publique nous amène à affirmer : « Oui, c’est bien lui, je le reconnais » , nous ne pouvons
ignorer que cette reconnaissance se réalise moins dans un rapport au réel que dans un
rapport à une autre image médiatique de ce personnage qui nous a permis de l’identifier
380
et donc de le reconnaître dans cette nouvelle photographie . Ces rôles sont des enjeux
de l’image que nous retrouvons dans toute problématique sur la photographie médiatique.
Pourtant, elles sont exacerbées dans la presse people, l’image figurant comme un élément
primordial. L’image détient, en effet, une fonction épiphanique qui permet d’annoncer la
381
nouvelle avant le texte et, parallèlement, révèle son « surinvestissement ontologique
».
« Vivant par et pour la célébrité, les personnalités doivent, dans le processus de
construction de leur image – au sens lipmannien du terme – composer avec un
récit people centré sur l’image en tant que représentation iconique, à travers de
382
très nombreux clichés posés ou volés. »
Nous trouvons deux types de photographies dans la presse people : la photo « volée »
et la photo convenue. La première répond à l’injonction de révélation, dynamique de ce
type de presse : elle se caractérise par son contenu et une rhétorique iconique du flagrant
délit. Le contenu de la photo volée, c’est-à-dire ce qu’elle montre, utilise différents éléments
signifiant le vol, tels que des visages hagards et non-maquillés, des personnages en plein
action, ce qui suppose qu’ils n’ont pas conscience d’être pris en photo. Ici, l’effet « lunettes
383
de soleil » rentre, parallèlement, en jeu et tend à donner l’illusion que le people se cache .
376
Cette distinction et l’approche que nous soutenons ont été investies en profondeur lors de notre premier chapitre.
377
BARTHES, R., La chambre claire, Paris : Le Seuil, 1980, p. 135.
378
Ibid. p. 135.
379
MARION, 2009, op. cit. p. 162.
380
Ibid. p. 161.
381
DAKHLIA, 2005, op. cit. p. 81.
382
Ibid. p. 75.
383
MARION, 2009, op. cit. p. 172-174.

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Médias, politique et vie privée

384
Enfin, la rhétorique iconique du flagrant délit est par le flou, les effets bougés, la vue en
plongée qui renvoie à l’imaginaire de la caméra de surveillance, la présence d’obstacles,
autant de preuves que cette photographie surprend le réel. Cette rhétorique est amplifiée
par l’utilisation du cadre rond qui « évoque souvent la forme de la lentille d’un puissant
téléobjectif (…) Associée à un montré flou, où le personnage a peine à se détacher
d’une profondeur de champ écrasée, cette forme ronde renvoie (…) à l’imaginaire
385
voyeuriste de la lorgnette et du trou de serrure » . Ces bruits visuels permettent
d’attester que ce qui est montré était caché et soulignent, parallèlement, la performance
du photographe et la difficulté d’atteindre ce caché. La presse people joue, ainsi, sur l’effet
de scoop en insistant sur le facteur de transgression et d’interdit pour attiser la curiosité
du lecteur et authentifier la véracité de ce qu’elle montre. Le personnage people est alors
renvoyé à son statut de personne ordinaire dont la visibilité semble sincère, non-apprêtée et
non-contrôlée. A l’opposé, nous trouvons la photographie convenue dont l’exemple parfait
est la pose les yeux dans les yeux. Cette photographie est alors le fruit de négociation entre
le photographe et le sujet photographié. Le personnage people est un être extraordinaire qui
négocie ses apparitions. Une telle photographie est une invitation pour le spectateur à
regarder et reconnaître le personnage. Elle a force de proximisation entre le spectateur
386
et le personnage célèbre . Enfin, que la photographie soit volée ou convenue, celle-ci
peut servir à une dernière utilisation dans la presse people, ce que Marion nomme « l’effet
bourrelet ». En effet, les photographies peuvent servir à une dé-célébration du personnage
people en révélant « la célébrité dans ses tracas « petit-bourgeois » : grossir (…), se
387
rider, vieillir » , etc. à l’aide, entre autres, de gros plans et effets zoom sur des détails
physiques ou matériels que le spectateur n’aurait pas forcément remarqués.
« Les photos servent (…) à matérialiser dans l’empreinte photographique ces
mouvements d’ascenseur dans les deux sens : elles peuvent cristalliser un
parcours vers le haut de l’échelle des gratifications, ou vers le bas, ou quelque
388
part entre les deux. »
La photographie, comme le récit, s’organisent donc sur le jeu de la révélation et du secret
comme sur l’axe heuristique de l’ordinaire et de l’extraordinaire. Or, de la même manière
que nous concluions notre propos sur la révélation et le secret, il nous semble important de
souligner que le jeu entre le caché et le montré, tel qu’il est mobilisé dans la photographie
people fait oublier la manipulation de la réalité par l’image. La machinerie fait oublier le
machiniste , précisions-nous plus tôt. Cette dimension se retrouve dans la photographie
people qui tend à crédibiliser le contenu de la photo dans les dichotomies « ordinaire –
extraordinaire » et « caché – montré » par la performance révélatrice du photographe,
389
la captation et monstration du réel étant signifiée comme exceptionnelles . Ainsi, la
photographie a moins une fonction d’illustration qu’elle n’est, elle-même, un moteur narratif :
390
elle est le vecteur de déclenchement et le lieu de déploiement du récit .

384
Ibid. p. 163-165 et 169-170.
385
Ibid. p. 169-170.
386
Ibid. p. 168.
387
Ibid. p. 175.
388
Ibid. MARION, 2009, op. cit. p. 176.
389
MARION, 2009, op. cit. p. 165.
390
Ibid. p. 161.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

III. 2. 4. Présentation des titres de presse people


Ces variables constitutives du fonctionnement de la presse people peuvent être identifiées
comme des modalités de distinction entre les différents titres français présents dans notre
corpus. Elles servent à définir chaque titre de presse et à les regrouper en sous-catégories.
Parce que notre travail porte sur la période de la campagne présidentielle de 2007, nous ne
sélectionnons que les titres de presse people existants alors et ignorons les titres Oops ,
Psst Célébrité Magazine et Yep !, nés en 2008 pour le premier, en 2009 pour les suivants
et en 2010 pour le dernier.
France Dimanche , Ici Paris et Point de vue naissent en 1945. Les deux premiers
proposent « une information romancée [et] trouvent [leurs] sujets parmi les vedettes
391
du spectacle et dans le monde du crime » . Ils offrent une vision du monde pessimiste
qui accorde « une place non négligeable à la maladie, à la mort et à l’insécurité,
392
en accord avec une cible plutôt âgée » . Point de Vue , de son coté, cultive «
l’art de la révérence envers les familles aristocratiques, mais aussi à l’égard des
artistes, vedettes et hommes d’affaires qui grossissent les rangs d’une nouvelle
noblesse d’image. Il initie le lecteur aux rites du Gotha en même temps qu’à l’art ou
393
au patrimoine » . Cette différence met en lumière la question de l’identité mixte des
personnages people. Point de Vue tend à les mettre en scène dans leur grandeur et
leur caractère extraordinaire et cette logique amène ce journal à ne sélectionner que des
personnages dont le caractère extraordinaire est construit dans un monde autre que celui
du monde de l’opinion. A l’opposé, France Dimanche et Ici Paris médiatisent des
personnages dans leurs malheurs et leurs souffrances. D’après l’analyse des Unes parues
entre le 14 mai 2007 et le 30 avril 2010, 86% des titres principaux pour Ici Paris et 87,8%
pour France Dimanche mettent en scènes des ruptures, des morts, des accidents, et
plus généralement des drames. Cette vision pessimiste de l’actualité people invite le lecteur
à considérer avant tout ce personnage médiatisé comme un individu ordinaire, qui pleure
et qui souffre comme lui. Il y a donc ordinarisation des personnages people renforcée,
par ailleurs, par des effets de fiction : le narrateur décrit les ressentis et les pensées du
personnage. Ainsi, plus qu’une intrusion dans sa vie privée, ces titres nous proposent une
intrusion dans son esprit ou son intimité.
En 1987, Prisma Presse lance Voici. Si, à son lancement, le magazine féminin
peine à s’imposer, son repositionnement dans le créneau du scandale en 1992 bouleverse
le marché de la presse magazine en imposant un nouveau genre dans l’espace public
français : celui de la « presse de paparazzi ». Il introduit la question de la révélation
agressive à l’aide de photographies volées et d’indiscrétions révélées sur les stars. C’est le
passage de la mise au secret vers la révélation des secrets. En effet, France Dimanche
, Ici Paris et Point de vue
participent à une mise au secret d’informations par des effets de fiction ; ils révèlent
peu d’informations cachées par les stars comme en témoignent les faibles pourcentages de
Unes judiciaires : 0,6% pour France Dimanche , 3,2% pour Ici Paris et 1,3% pour Point
394
de Vue contre 22,6% pour Voici . Le ton de Voici est ironique ; le contrat de lecture
relève de la dé-célébration et du voyeurisme. Un tel traitement de l’information se retrouve
391
FEYEL, 2001, op. cit. p. 43.
392
DAKHLIA, 2005, op. cit. p. 82.
393
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 69.
394
Nous reviendrons sur ce procédé rhétorique lors de nos analyses.

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Médias, politique et vie privée

chez Closer , titre qui détient la seconde place pour les Unes judiciaires après Voici avec
12%. Mais Closer est né en 2005. Plus tôt, 1993 voit la création du magazine Gala par
le même groupe que Voici , Prisma Presse. Il porte le sous-titre « L’actualité des gens
célèbres ». Ce magazine poursuit la vocation initiatique de Point de Vue mais « indique,
395
quant à lui, le chemin vers un Idéal confondu avec le corps sublimé de la star » , ce
qui renvoie vers son auto-désignation, à la fois, comme magazine people et féminin. Public
396
naît en 2003 et adopte un « ton badin et exclamatif » . Il s’adresse à un public plus
jeune, repérable avec son utilisation des « codes-couleurs, la plasticité des cadres et
les rapports image-texte évoquent autant la bande- dessinée que les magazines de
397
fans pour adolescents » . Closer émerge, quant à lui, dans l’espace public français
en 2005. Il rejoint directement Voici sur sa ligne éditoriale bien qu’il adopte un ton moins
moqueur ; il le dépassera d’ailleurs en 2008 et continuera son ascension en 2009 avec une
moyenne de diffusion de 505 967 exemplaires par semaine contre 443 132 pour Voici ;
Closer devient alors le second magazine people le plus diffusé après Paris Match .

395
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 69.
396
Ibid. p. 70.
397
DAKHLIA, 2009, op. cit. p. 70.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

[Tableau : Diffusion de la presse people en 2008 et 2009]


En 1938, Match , magazine sportif, est racheté à L’intransigeant et transformé en
magazine d’actualité, directement inspiré de Life . C’est en 1949 qu’il devient Paris-Match
et supplante tous les autres titres de la presse illustrée avec un lectorat massif, refusant
ainsi un engagement trop affirmé. En 1968, face à la concurrence de la télévision, il lance
398
une rubrique « people » . En 2008, le slogan qui incarnait le magazine depuis 1976 « Le
poids des mots, le choc des photos » est transformé en « La vie est une histoire vraie
». Ce nouveau slogan insiste donc sur une narration de tranche de vie ; l’ordinaire devenant
le garant de vérité.
« Cette campagne est pour nous l’occasion d’expliquer notre regard sur la vie.
Dans un monde qui est déshumanisé, qui parle en chiffres, ou l’information est
très souvent une abstraction, Paris-Match veut être un repère. Nous voulons

398
FEYEL, 2001, op. cit, p.37-38.

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regarder le monde à travers l’être humain, sans avoir peur de nos émotions.
399
Notre journalisme est fondamentalement du côté des gens. »
La ligne éditoriale renouvelée s’affirme ainsi « du côté des gens ». Le parallèle avec
la rubrique people du magazine, intitulée « les gens », nous amène à penser une
officialisation d’un traitement people généralisé. Pourtant, il est discutable que ce magazine
soit classé dans une telle catégorie, tout comme VSD . VSD, né en 1977, est le sigle de
« vendredi-samedi-dimanche » ; son slogan est « Le premier hebdo d’information
du week-end ». En 1995, les propriétaires du magazine déposent le bilan et VSD cesse
de paraître jusqu’à ce que Prisma Presse le rachète, un an plus tard, en mars 1996 ; VSD
reparait, dans les kiosques, en juin de la même année.
« Qu’est-ce que VSD ? Curieux, anticonformiste, sans tabou, moderne, défricheur
de sujets, un fournisseur et un metteur en scène d’infos inédites. Plus d’infos,
plus de photos, plus de rubriques, plus de coulisses et de décryptages, et plus
d’émotions, VSD s’organise en deux grandes parties indissociables l’une de
l’autre : “Les coulisses de l’actualité” et “Le meilleur des week-ends”. Depuis sa
création en 1977, l’information et le plaisir sont dans les gênes du magazine. Ces
valeurs clefs répondent aux nécessités d’aujourd’hui : être informés et s’évader !
VSD propose des enquêtes approfondies, un balayage pointu et sélectif de
l’actualité agrémenté d’une partie culture et tendances. Les sujets sont classés
par genre journalistique. La rubrique, “Les Indiscrets de VSD” regroupe toute
400
l’actualité de la semaine. »
Nous retrouvons certains éléments cités dans la définition de la presse people : le jeu de
la révélation et du secret avec les mots « coulisses », « tabous » et « indiscrets »,
l’expression « coulisses de l’actualité » servant même à résumer la ligne éditoriale du
traitement de l’information et la rubrique « les indiscrets de VSD » celle de l’actualité.
L’évocation du traitement par l’émotion et le contrat de lecture s’organisent explicitement
autour de l’information et de l’évasion et semble remplir les critères de catégorisation de ce
titre dans le genre « presse people ». Dakhlia refuse cependant de considérer Paris Match
401
et VSD comme des titres people et parle de picture magazines ; ces magazines sont
402
classés, par ailleurs, dans la rubrique « Actualités générales » par l’OJD . Jean François
403
Dortier les catégorise, lui, comme relevant de la presse people , tout comme Philippe
404
Marion, dans un article daté de 2005 . Nous prenons également le parti de les considérer
comme des titres de presse people, les résultats des différentes analyses éprouveront cette
identification, comme les premiers éléments d’appartenance au genre qui ont émergé de
leur présentation.

399
Olivier Royant, rédacteur en chef de Paris-Match, dans un communiqué de presse du 22 janvier 2008, [en ligne : http://
www.lagardere.com/centre-presse/communiques-de-presse/communiques-de-presse-122.html& idpress=3458]
400
Présentation de VSD par son propriétaire Prisma Presse, [en ligne : http://www.prisma-presse.com/contenu_editorial/
pages/magazines/mag/vsd.php]
401
DAKHLIA, 2005, op. cit. p. 77.
402
Marque déposée, à laquelle ne correspond plus aucune appellation officielle développée. Nous reprendrons donc la fonction que
celui-ci se donne sur le site : Association pour le contrôle de la diffusion des médias.
403
DORTIER, J-F., « La presse people de Closer au... Canard enchaîné », Sciences humaines, 204, 2009, p. 16.
404
MARION, P., « De la presse people au populaire médiatique », Hermès, 42, 2005, p. 120.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

III. 2. 5. Le traitement journalistique dans la presse people.


L’importance du personnage dans la presse people confronte deux
dichotomies : « personnage versus évènement » d’une part, et « personnage versus
collectif » d’autre part. Une étude quantitative des 155 Unes de chacun des titres de
notre corpus, parues entre le 14 mai 2007 et le 30 avril 2010 montre que le récit people
est de manière très large centré sur des personnages. L’observation des Unes qui ne
sont, justement, pas consacrées à un personnage se révèle heuristique pour considérer
l’attachement de Paris-Match et VSD au genre people et distinguer des types de presse
405
people .

III.2.5.1. Personnage et évènement : la question de l’évènement-people.


406
Paris Match consacre sept Unes et VSD trois à un évènement plutôt qu’à ses (ou son)
407
personnages . Ces Unes mettent en scène un fait social construit à partir du matériel des
dépêches et transformé en évènement par les médias en étant dit, raconté, représenté et
408
donc façonné . Les Unes restantes sont consacrées à des personnages issus du monde
du spectacle, médiatique ou politique. L’évènement comme objet de médiatisation et de
narration est donc présent dans ces titres, contrairement aux autres journaux de notre
corpus dont la mise en personnage semble constante. Ce constat nous amène à réfléchir la
notion d’évènement et ses implications médiatiques intrinsèques mais, par ailleurs, à poser
la question de l’évènement people. Les évènements repérés dans ces deux titres sont des
évènements sociaux prenant place dans un magazine people. Dans quelle mesure existe-t-
il un évènement people ? Peut-on considérer et sous quelles conditions qu’une information
people puissent devenir évènement ?
Isabelle Garcin-Marrou rend compte du processus de transformation d’une information
en évènement : la configuration de l’évènementialité d’une information passe par
l’attribution d’un sens, d’une valeur ou d’une importance significative de cette information.
L’évènementialisation d’une information se définit donc moins dans son intelligibilité que
409
la charge symbolique que les médias instaurent en son sein . L’évènement est constitué
par un non-savoir radical ; le discours vrai est impossible, selon Jean-François Tétu :
« Si l’évènement crée une fêlure, ouvre une faille de la représentation et, dans cette
410
mesure, laisse interdit, il est aussi ce qui tout simplement va faire parler » : une
405
Nous avons retenu toutes les Unes dont le titre central ne mettait pas en scène explicitement un ou des personnages par
l’énonciation d’un ou plusieurs noms propres.
406
Paris Match 3047 du 11/10/07 sur la victoire de l’équipe de France de Rugby : « Que la force soit avec eux » Paris Match 3051
du 08/11/07 : « La dérive de l’Arche de Zoé » Paris Match 3091 du 14/08/08 : « JO : Une cérémonie à couper le souffle » Paris Match
3133 du 04/06/09 : « Vol AF447. Rio-Paris. La douleur. » Paris Match 3166 du 21/10/10 : « Haiti au cœur du malheur » Paris Match
3172 du 04/03/10 : « Tempête meurtrière. La France ravagée » Paris Match 3178 du 15/04/10 : « Après la tempête. La détresse des
sinistrés : Leurs maisons seront rasées » VSD 1658 du 04/06/09 : « Le crash a brisé leur vie » VSD 1659 du 10/06/09 : « Nos avions
sont-ils sûrs ? » VSD 1678 du 21/10/09 : « Dans l’enfer de la mode. L’enquête qui dérange. Anorexie, chantage, harcèlement. »
407
Cette dichotomie « évènement versus personnage » reste à nuancer, ces Unes sont souvent illustrées par les photos de victimes
permettant l’identification du lecteur. Seules deux Unes de Paris-Match sont « sans visage » et montrent, pour le n°3172, une photo
vue du ciel des dégâts de la tempête et, pour le n°3091, une photo de la cérémonie d’ouverture des JO.
408
VERON, E., Construire l’évènement. L’évènement et l’accident de Three Mile Island. Paris : Ed. de Minuit. 1981.
409
GARCIN-MARROU, I., « L’Événement dans l’information sur l’Irlande du Nord », Réseaux, 76, 1996. p. 47-60.
410
TETU, J-F., « De l’événement aux affaires », Médias et culture, Hors-série n°2, 2008, p. 22.

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Médias, politique et vie privée

multitude de discours comble la brèche en installant des suspensions et des intelligibilités


de l’évènement et en faisant « émerger des symboles qui (…) peuvent induire des
lectures différentes de ce qui s’est produit. Ceci occasionne des « décalages »
411
d’interprétation » . L’information-people peut-elle accéder au statut d’évènement par
ses seules propriétés ? Dans la littérature scientifique, le concept d’évènement-people
est formalisé par Dubied : l’évènement people est médiatisé ; il se focalise sur un ou
des personnages, dont l’une, au moins, est une célébrité, traité(s) dans le cadre de sa
(leurs) vie privée et mobilisé(s) « à partir d’un ou plusieurs attributs spécifiques
au personnage-people ». Enfin l’évènement people doit mettre en scène « un
fragment de la vie de la célébrité dans un fragment du monde-people spécifique
412
» . Cécile Rais le définit comme « un évènement médiatique mettant en scène
une ou des célébrités le plus souvent dans le cadre de leur vie privée, et qui
possède des caractéristiques spécifiques dans le traitement journalistique (tels que
413
la personnalisation de l’information ou le sensationnalisme, etc.) » . Les évènements
people traités dans cette étude sont des évènements médiatisés, par ailleurs, dans la presse
quotidienne nationale. De la même manière, dans « Une femme au gouvernement : un
feuilleton électoral entre politique et people », les auteurs « relève [nt] à ce propos un
cas exemplaire d’enchevêtrement du politique et du people dû aux tensions entre
un agenda politique, qui fournit une « pré-configuration » à l’intrigue médiatique,
et un agenda médiatique, qui mélange des informations d’ordre politique avec
des incursions dans la vie privée, ce qui s’apparente clairement à la définition de
414
l’événement-people » . Une fois encore, nous sommes face au cas d’un évènement
médiatisé à la fois dans la presse people et dans la presse dite sérieuse. Une réflexion est ici
nécessaire. Un évènement-people ne peut se réaliser ou se construire dans le confinement
du traitement journalistique people. Si la médiatisation, la personnalisation, la négociation
de normes sociales et l’installation d’un décor sont autant de propriétés de l’évènement et
de celles de l’information-people, la question du bouleversement de l’ordre et l’aporie du
savoir semblent faire défaut à cette dernière.
« L’évènement est une rupture qui conduirait à ruiner l’ordre et l’équilibre sur
415
lequel [la société] est fondée »
Ainsi, pour qu’une information-people devienne évènement-people, elle nécessite une
narration et un investissement hors de son lieu de déploiement typique, c'est-à-dire hors du
monde-people. Les différents auteurs mobilisant la notion d’évènement-people traitent d’un
évènement-people mais ces informations-people devenues évènements ont été projetés
hors du monde-people et vers les mondes politique, juridique et social pour les affaires
416 417
Stern et Sarkozy et Doris Leuthard , signifié, entre autres, par une médiatisation dans

411
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit.p. 55.
412
DUBIED, A., « Les récits de faits divers et les récits people », Médias et culture, Hors-série n°2, 2008 (b), p. 38.
413
RAIS, C., « Presse et évènement people, une subjectivité qui s’affiche », Recherches en communication, 26, 2007, p. 226.
414
REVAZ, F., PAHUD, S. & BARONI, R., « Une femme au gouvernement : un feuilleton électoral entre politique et people »,
Communication, 27, 1, 2009. p. 159.
415
TETU, 2008, op. cit. p. 22.
416
DUBIED, A., « Le récit de l'affaire Stern dans la presse suisse-romande: fragmentation, cimentages narratifs et tissages
intertextuels », Nos récits, 2008 (c). & DUBIED, 2008 (b), op. cit.
417
REVAZ, PAHUD & BARONI, 2009, op. cit. p. 139-159.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

la presse dite sérieuse et par la propriété particulière du traitement de ces évènements


418
qui l’inscrive « sur une mémoire sociale, politique et historique » .
L’évènement nait d’une médiatisation pas d’un fait : « Ce n’est pas la réalité
419
du phénomène mais son apparence qui fait l’évènement » . Il se construit dans
l’attribution médiatique de sa propre valeur évènementielle, dans la lecture des symboles
420
liés à l’évènement et dans la mise en relation de ces symboles avec la mémoire historique .
Une information people peut devenir évènement sous certaines conditions, nous l’avons
dit. Une information people déjà évenementialisée dans d’autres lieux fait-elle toujours
évènement ? L’apparence de l’évènement interroge finalement ici sa permanence en tant
qu’évènement. On voit ici qu’une comparaison entre presse dite sérieuse et presse people
est incontournable pour penser l’évènementialisation d’une information-people, objet de
l’analyse dans le chapitre VII de cet écrit. A ce stade et sans répondre à une telle réflexion,
nous formulons deux hypothèses :
La spécificité de VSD et Paris-Match, et le refus de certains auteurs de les
considérer comme relevant de la presse people, repose sur leur potentiel
d’évènementialisation. La presse people, focalisée sur des personnages qu’elle
confine dans les mondes domestique et de l’opinion et légitimée par le caractère
révélatoire de sa ligne éditoriale l’empêchant de réfléchir un « non-savoir
radical », réduit au minimum le potentiel évènementiel de certaines informations-
people.

III.2.5.2. Les informations « immortelles ».


Dans notre observation des Unes non consacrées à un ou des personnages, nous repérons
une deuxième dichotomie heuristique « personne versus collectif ». Trois Unes sont
consacrées à un évènement dans VSD , onze autres ne focalisent le récit ni autour d’un
ou plusieurs personnages identifiables ni autour d’un évènement mais autour d’un collectif.
Cette observation nous conduit à vérifier si un tel traitement se retrouve dans les autres
titres.

418
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 49.
419
TETU, 2008, op. cit. p. 16.
420
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 56.

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Tableau 4 : Les Unes collectives


Ces Unes se définissent par le traitement collectif d’une thématique. Deux types de
collectifs sont traités : le collectif global (les stars ou les gens célèbres) et les collectifs
restreints (les héritiers/enfants de stars, les hommes politiques, les candidats d’une
émission TV, les sportifs, etc.). Public consacre plus de 45% de ces Unes à un collectif alors
que Closer arrive en seconde position avec 23%, Paris-Match et France-Dimanche
n’ont aucune Une collective. Ces Unes ne relèvent pas d’évènement mais dressent une
liste de célébrités concernées par la thématique abordée. Ces thématiques peuvent être
regroupées en quatre catégories. La première relève du rapport au corps et à l’apparence.
Nous trouvons alors des Unes consacrées à la question du poids, à la chirurgie esthétique,
aux complexes physiques, etc. La seconde se consacre à la vie quotidienne des stars et
leurs vies professionnelles (à travers la question, pour cette dernière, de leurs salaires et,
plus généralement de leurs rapports à la célébrité). La troisième est consacrée à la question
de la sexualité et de la vie amoureuse des stars. Enfin, la dernière, consacrée à une émission
télévisée, Secret Story majoritairement, sans être focalisée sur un des personnages, met
en scène l’ensemble des candidats. Ces Unes sont particulièrement intéressantes car elles
relèvent de la logique de mise en scène et situent le lecteur par rapport aux stars. Par le
traitement collectif d’une thématique, elles posent des éléments constitutifs et relatifs à la
célébrité, instaurant alors une distinction entre la personne célèbre et le lecteur. Pourtant,
plus qu’une distinction, elles imposent une relation entre ces deux sujets du monde de
l’opinion, révélatrice de leur ligne éditoriale.
Ces Unes questionnent la pratique journalistique dans sa répétition et son innovation,
421
imposée par les logiques marchandes .
« Cela engendre l’imitation, la copie et la recopie comme principe d’action
et comme autre figure de l’actualité. Il faut se dépêcher de recopier, comme
un élève pris par le temps ou son incurie à la fin d’une épreuve. Faute de
possibilité d’invention, parce que le temps manque toujours, et que, du fait de
la concurrence, le scoop est improbable, il n’y a que deux solutions : la fabrique
421
BOURDIEU, P., « L'emprise du journalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 101-102, mars 1994, p. 5.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

du scoop ou du faux scoop (PPDA interviewant F. Castro), procédé hautement


méprisé, comme si la fabrique persistante d’événements (sports en particulier) ne
422
relevait pas de la même logique de construction ; ou la copie, le mimétisme… »
Benoit Grevisse et Denis Ruellan proposent, dans l’article « Pratiques journalistiques et
423
commémoration », une typologie des traitements journalistiques . Ils différencient scoop,
424
routine, prévision et marronnier . Le scoop désigne une « information exclusive qu’un
journaliste est seul à médiatiser », la reprise par les autres médias se faisant dans
un second temps. La routine concerne les informations dites « chaudes » reprises dans
différents médias en fonction de l’actualité. La prévision dévoile des informations dites
« froides », c'est-à-dire un traitement prévu mais qui attend un moment indéterminé pour
prendre la valeur d’une information « chaude ». Enfin, le marronnier est le traitement
d’un évènement à date régulière. Les Unes collectives relèvent d’informations « froides »,
publiées sans avoir attendu qu’elles deviennent d’actualité ou du moins de saison.
Leurs caractéristiques conviennent à la définition du marronnier mais leurs publications
irrégulières et anachroniques empêchent de les catégoriser comme tel. Ainsi, les régimes,
habituellement traités comme des marronniers dans la presse, à la fin du printemps et
au début de l’été, sont mobilisés de façon aléatoire par ces magazines. Par ailleurs, les
personnages de ces titres sont autant français qu’américains ; des articles comme « Au
425
soleil, les stars s’éclatent » peuvent alors paraître lors de période de froid en France,
comme cet exemple publié dans la semaine du 18 au 24 février 2008. L’irrégularité et
l’anachronisme de ces informations, augmentées de leur non-pertinence face à l’actualité
people et de leur traitement collectif, dévoilent des informations « froides » qui ne sont
426
pas conservées au « frigo » parce que précisément leur actualité est atemporelle.
427
Nous empruntons ici le terme d’ « immortelles » à Pierre Veilletet , pour désigner ces
428
informations qui sont hors de l’actualité tout en l’étant continuellement . Avant, de revenir
en détail sur le rapport star/lecteur construites dans les informations immortelles, nous
proposons une analyse des structures et rhétorique iconique des Unes Peoples, pour enfin,
conclure notre présentation de la presse people par la présentation de trois logiques de
mise en scène opérées par cette presse.

III. 2. 6. Structures et rhétorique iconique des Unes People

422
TETU, J-F., « Les médias et le temps», VITALIS, A., TETU, J.-F. & al. (dir.), Médias, temporalités et démocratie, Rennes :
Editions Apogée, 2000, p. 104.
423
GREVISSE, B. & RUELLAN, D., « Pratiques journalistiques et commémoration : Éléments de lecture du récit des festivités
d’anniversaire du débarquement de Normandie », Recherches en Communication, 3, 1995, p. 89.
424
Une cinquième catégorie figure dans cet article : la commémoration. Pourtant, nous ne l’envisagerons pas, en tant qu’elle n’est
pas pertinente face à notre corpus.
425
Public 293.
426
Jargon journalistique pour désigner le lieu où sont gardées les informations « froides » dans l’attente qu’elles prennent la prennent
la valeur d’informations « chaudes ».
427
VEILLETET, P., « Silence, on bronze… Marronniers et immortelles », Médias, 5, juin 2005.
428
Nous reprendrons en détail cette atemporalité de l’immortelle dans le chapitre 4, en mobilisant les « immortelles » de campagne,
un oxymore qui nous permettra alors de penser le rapport particulier de la presse people à l’actualité.

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[Figure 11 : Exemple de Une mosaïque]

[Figure 10: Exemples de Une "semi-mosaïque"]


Avec les titres Voici et Gala, Prisma Presse aura imposé « un style nouveau, une
429
manière originale de conduire le récit à partir de l’image » , que les autres magazines
suivront dans les années 90 et qui ordonne cette presse dans une logique de lecture
zapping, décomposant les informations et créant une véritable interdépendance entre le
texte et l’image. La logique de la lecture zapping est une nouvelle variable de distinction.
En effet, la structuration des Unes répond à la structuration du contrat de lecture. Nous
distinguons trois types de Une : la « Une Mosaïque », la « Une semi-mosaïque » et la « Une
mono-picturale ».

429
DAKHLIA, J. 2005. op. cit. p. 79.

112

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

La Une mosaïque suit pleinement la logique de la lecture zapping. Une multitude de


photographies la composent avec une faible hiérarchisation de l’information par la taille et la
place des photos. Cette structure est particulièrement utilisée par Voici , France Dimanche
, Ici Paris , Public et Closer . Les Unes que nous désignons comme semi-mosaïque
placent de façon importante et évidente une information comme étant le cœur du numéro,
la photographie illustrant cette information s’étend sur toute la page et devient ainsi l’arrière
plan d’autres informations. Quelques petites photographies sont ajoutées sur les bords afin
de présenter les autres informations présentes. C’est le cas des Unes de VSD , Gala et
Point de Vue .
Enfin, le dernier type de Une est exploité par Paris-Match . Il se compose d’une
seule image. D’autres informations sont présentées mais sont seulement énoncées et non
illustrées. Il nous faut noter que Paris-Match peut adopter ponctuellement une structure
semi-mosaïque mais utilise majoritairement la structure mono-picturale. Parallèlement,
l’interdépendance entre l’image et la photo est niée dans ces deux derniers types de Une,
les informations pouvant apparaître sans illustration, fait très rare pour les Unes mosaïques.

[Figure 12 : Exemple de Une mono-picturale]

113

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[Figure 13 : Exemples de Unes à l'esthétique


"ronde" de Point de Vue avant le 28 janvier 2009.]
La séparation heuristique entre photographie convenue et « volée » suit cette
distinction puisque nous repérons cette dernière de manière majoritaire sur les Unes
mosaïque. Ici, deux éléments rentrent en jeu : les cadres ronds et la rhétorique de la
photographie « volée ». Les cadres ronds sont absents des Unes de VSD , Paris-Match et
430
Gala . Pour Point de Vue , notre étude souligne un cas particulier dans leur utilisation.
En effet, depuis le 28 janvier 2009, plus aucun cadre rond n’apparaît en Une, alors que
jusqu’à cette date, les cadres ronds servaient à toutes les photographies sur la Une semi-
mosaïque de Point de Vue . Comme ces cadres ne semblaient pas insister sur le caractère
de révélation, nous interprétons cette utilisation systématique du rond comme relevant plus
d’une esthétique (symbolisée, par ailleurs, par le logo) que d’une rhétorique du flagrant délit
ou du vol. De la même façon, Public est le magazine qui exploite de la manière la plus
forte les cadres ronds ; pourtant, les photos qui y figurent sont autant des photographies
convenues que volées. Il apparaît dès lors que ces cadres participent à une esthétique
« pop » du journal, c’est-à-dire jeune et dynamique. Finalement, ce sont Closer et Voici
qui utilisent le cadre rond comme rhétorique pour signifier la ligne éditoriale d’une presse du
secret. Ici Paris et France Dimanche le font également mais dans une moindre mesure.

III. 2. 7. Les différentes logiques de mise en scène.


Personnification, jeu sur l’extraordinaire et l’ordinaire, rhétorique du secret et de la révélation
sont donc autant d’éléments qui se révèlent dans le visuel, le récit et de manière
plus général, dans les lignes éditoriales. Leur convergence identifie un genre mais leur
divergence permet d’établir différentes catégories au sein du genre people et d’établir une
typologie des logiques de mise en scène du people.

III.2.7.1. Le « mode mimétique haut »


430
Du moins sur notre corpus de 155 Unes.

114

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

431
Le « mode mimétique haut » insiste sur le caractère extraordinaire des personnages
people, celui-ci justifiant leur visibilité et leur monstration dans ces magazines. Si le
caractère ordinaire de la vie des peoples est énoncé, ceux-ci restent sur un piédestal :
le lecteur lève les yeux pour les regarder. Les Unes immortelles rendent compte de cette
extraordinarisation des personnages people. Elles glorifient le caractère extraordinaire de
leur vie amoureuse : « Comment elles sont surmontées leur chagrin d’amour… »
432
ou « Ses femmes qui ont su pardonner l’infidélité » ou démontrent le caractère
exceptionnel de leurs statuts : « Ce que gagnent vraiment les stars de cinéma », « Ce
que gagnent vraiment les politiques », « Fils et filles de… Les héritiers raflent la
mise… », « Quels avenir pour les bébés de stars ? », « Cette jeunesse dorée qui
433
ne connaît pas la crise » . Dans leurs rapports au corps, les informations immortelles
définissent la beauté et le glamour par les personnages people : « Spécial Mode : Les
434
reines du style » ou « Spécial fesses : ferme et sexy ! » . La ligne éditoriale s’organise
ainsi autour de la libido dominandi et, donc, autour d’une offre d’évasion et de projection.
La photographie convenue est le mode de monstration iconique dominant célébrant la
célébrité et installant, par là même, la dignité des personnages people au travers de leur
starification. Dans cette logique, les Unes judiciaires sont rares. Nous retrouvons là Paris
Match , VSD , Gala et Point de Vue ; les deux premiers se concentrant majoritairement
sur des personnages issus du monde politique et médiatique, Gala sur ceux du monde du
spectacle ou inspiré pour reprendre la typologie de Boltanski et Thévenot, et Point de vue
435
, sur les têtes couronnées, aristocrates et personnages du Gotha .

III.2.7.2. Le « mode mimétique bas »

431
FRYE, N., Anatomy of criticism: Four essays, [1ère éd. 1971], Princeton: Princeton University Press, 1990. La classification du «
mode mimétique haut » et du « mode mimétique bas » est reprise dans DAKHLIA, 2005, op.cit. p.82.
432
Gala 741 et 903.
433
VSD 1604, VSD 1622, Point de Vue 3142, Gala 948, VSD 1653.
434
Point de Vue 3162, Gala 791.
435
Pourtant, nous verrons, plus tard, que le phénomène de peopolisation tend justement à annuler de plus en plus cette distinction
par les personnages mis en scène.

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[Figure 14 : Voici 1080, un exemple de voyeurisme agressif.]

[Figure 15 : France-Dimanche 3232, un exemple de voyeurisme fictif.]


A l’inverse, le « mode mimétique bas » tend à rabaisser le personnage people au
niveau de son lecteur. La célébration passe par l’ordinarisation. Le lecteur s’identifie et se
console. Le récit se concentre sur le caractère voyeuriste qu’il propose au travers d’une

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

rhétorique forte de la révélation, du secret et du flagrant délit. Deux types de voyeurismes


se confrontent alors. Voici et Closer développent des récits au voyeurisme dit agressif,
signifié par un fort taux de Unes judiciaires et par une rhétorique du flagrant délit focalisée
sur la performance du photographe à montrer le caché. En Une du numéro 1080, Voici
montre, ainsi, Laurence Ferrari et son nouvel amant derrière une vitre, le reflet insistant
sur la difficulté de la monstration et amplifiant l’activité de révélation. Le second type
de voyeurisme sera considéré comme fictif, révélé par des effets de fiction insistant sur
l’intériorité des peoples, c'est-à-dire leurs pensées, leurs sentiments, leurs doutes, leurs
peurs... Ainsi, France Dimanche et Ici Paris , réunis autour d’une ligne éditoriale
pessimiste et d’évènements dramatiques et visant un lectorat plus âgé, se concentrent
moins sur la performance du photographe que sur la monstration du personnage dans son
intériorité prouvant une visibilité sincère, non-apprêtée et non-contrôlée en focalisant son
attention sur des visages hagards, non-maquillé et détournant le regard, comme le montre
la Une du numéro 3232 de France-Dimanche. Le mode mimétique bas s’étend donc à la
libido sciendi , installant un désir voyeuriste, et à la libido sentiendi, en construisant
436
un jeu entre eros et thanathos , et proposant un contrat de lecture de consolation et
d’identification. Les Unes immortelles insiste sur le rabaissement du people au niveau du
lecteur. Closer consacre vingt-sept Unes immortelles au rapport au corps et au look pour
dévoiler des physiques ordinaires. Mais plus encore, nous constatons une « diabolisation »
des critères de beauté encensés par le « mode mimétique haut » et incarnés par les
personnages people avec une très forte médiatisation du problème de l’ultra-maigreur, un
rejet des régimes et un encensement des kilos en trop et des rondeurs.
« 100 stars et leurs poids » « 50 stars et leurs poids » « Poids : ces stars qui
vont trop loin » « Ultra-maigreur : toutes les stars sont touchées » « Ultra-
maigreur : ces stars qui pourraient mourir » « Ultra-maigreur : encore de
nouvelles victimes » « Ultra-maigreur : elles font mal à leur corps » « Ultra-
maigreur : elles n’arrivent pas à s’en sortir » « 20, 30, 40 ans… Plus d’âge pour
l’ultra-maigreur » « Maigrir au risque de mourir » « Un régime ? Non merci ! »
« On a de la cellulite ? Et alors ? Les stars assument ! » « Plus rondes mais plus
437
heureuses » « Ils ne sont pas parfaits et c’est tant mieux ! »
Cette glorification du corps ordinaire rabaisse donc le people au niveau de son lecteur, voire
console le lecteur en lui montrant les problèmes que la célébrité entraine, ici, celui de l’ultra-
maigreur. Plus loin, c’est dans la catégorie de la vie quotidienne et professionnelle, que
Voici confronte sa ligne éditoriale avec celle du « mode mimétique haut » en particulier
avec l’évocation de l’argent et des salaires: « La crise ? Connaît pas ! Au soleil, il
claque un max ! », « Pour eux, c’est déjà l’été ! » ou « Comment ils claquent leurs
438
millions ? » . Comme pour VSD , il y a distinction du lecteur et du people, du grand et du
petit du monde de l’opinion mais cette distinction est construite par Voici sur la figure de
l’indécence. Le caractère extraordinaire des peoples est donc abordé sur un ton ironique et
désapprobateur par Voici et Closer . Enfin, le « mode mimétique bas » est exploité par
Closer et France-Dimanche par un mouvement inverse et parallèle : l’extraordinarisation
de l’ordinaire. Ils mettent en scène des personnes anonymes, des lecteurs, et leurs octroient
ainsi la compétence d’être (comme) les personnages célèbres.
436
LITS, 2009, op. cit. p. 132.
437
Closer 125, Closer 247, Closer 145, Closer 155, Closer 170, Closer 181, Closer 189, Closer 199, Closer 203,
Closer 251, Closer 196, Closer 204, Closer 255, Closer 193.
438
Voici 1104, Voici 1156, Voici 1169.

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III.2.7.3. Public , une monstration contradictoire.

[Figure 16 : Exemples de Unes "contradictoires" dans Public.]


Public est à la charnière de ces deux logiques de mise en visibilité en adoptant le
« mode mimétique haut » dans son visuel et le « mode mimétique bas » dans le récit. Il
rejoint la ligne éditoriale de France Dimanche et Ici Paris avec de très nombreux effets
de fiction sur l’intériorité des personnages people dans leurs rapports à leurs corps, à la
mode ou dans leurs relations amoureuses, des sujets plus futiles, justifié par un lectorat
jeune. Mais, ces effets de fiction sont absents de la rhétorique iconique avec l’utilisation
de photographies convenues. La particularité de ce titre va plus loin car elle relève d’une
inadéquation très fréquente entre la photographie et le récit qui questionne alors le rapport
entre le récit et l’image telle que nous l’avons définie plus haut. Les exemples ci-dessous
dévoilent des photographies de couples enlacés pour illustrer leurs ruptures mais aussi, des
visages souriant, sereins, apprêtés alors que les récits mettent en scène une agression et
une tumeur au cerveau.
Dans « Rhétorique de l’image publicitaire », Barthes explique texte la fonction de
complémentarité du texte, qui permet d’arrêter la chaine flottante du sens et/ou de compléter
439
les carences expressives de l’image . Laurence Bardin interroge cette complémentarité :
« Qu’est-ce qui prouve, dans le rapport texte/image, que c’est toujours le texte
440
qui joue le rôle de mode d’emploi ? » . Bardin dédouble alors les fonctions de
relais et d’ancrage proposées par Barthes et postule que, dans certains cas, c’est l’image
qui vient fixer le sens du texte et donc que le message iconique peut avoir fonction de
441
relais et d’ancrage . Sans nous attarder sur le débat, nous retenons la question de
complémentarité. Un enjeu fondamental de l’image réside dans son rapport au texte.
Comment penser alors son non-rapport ou sa contradiction ? De la fonction authentifiante
à la fonction de documentarité de la « photo-preuve » ou la « photo-illustration » jusqu’à
442
la « photo-source » comme lieu de déploiement du récit, il n’y a point de place à la
contradiction du récit par l’image. Pourtant, par l’utilisation de ces photographies, Public
439
BARTHES, R., Rhétorique de l’image, Communication, 4, 1964, p. 43-45.
440
BARDIN, L., « Le texte et l’image », Communication et Langages, 26, 1975, p. 102.
441
Martine Joly rejoint cette considération en parlant de réciprocité de ces fonctions (JOLY, M., Dictionnaire de l’image, Paris :
Vuibert, 2008, art. « texte ».)
442
GERVEREAU, L., « Une image ne parle pas », Image et Politique, Actes du colloque des Rencontres Internationales de
la photographie - Arles 1977, Arles : Edition Actes Sud, 1978, p. 48.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

nie le « cela a été » et le « c’est ça ». Il y a frustration du désir de voir, mais aussi


du récit et de l’action narrativisée. S’il est fréquent de trouver, dans la presse, des
photographies uniquement illustratives, c'est-à-dire des photographies de personnages ou
de lieux sans rapport direct avec la performance ou l’évènement raconté, la figuration ne
nie pas l’évènement.
« Rares sont les utilisations de photo en contrepoint, en décalage avec le texte.
Rares sont les échanges entre une construction particulière de l’image non
redondante ou amplificatrice et l’écrit ou la parole adjacents (…) l’image est
443
souvent pré-programmée. »

[Figure 17 : Public 282 et Public 279.]


C’est la question de la photo-document qui nous semble apporter une première
réponse. La photo a une fonction de documentarité en tant qu’elle fait document, disions-
nous plus tôt. Ici, les photos ne semblent pas pouvoir faire document, mais sont déjà
documents, c'est-à-dire qu’elles ne rendent pas compte de l’évènement mais lui préexistent.
Dans cette logique, nous identifions deux fonctions d’une photographie ancienne pour
illustrer un évènement présent. La première est qu’elle permet de garantir la célébrité, non
pas dans la visibilité de l’évènement présent mais dans la preuve qu’il y a eu médiatisation
antérieure : il y a constitution de la reconnaissance par intericonicité.
La seconde fonction de la photo-document nous amène à penser l’illustration comme
un garant de vérité, non pas comme preuve de la réalité énoncée mais comme authentifiant
444
une réalité passée. Ainsi, dans le n°282 mettant en scène la rupture de Matthias et Alice ,
nous trouvons des photos mettant en scène le couple heureux ; les mêmes photos parues
trois semaines plus tôt, dans le n°279, pour authentifier leur couple. Nous remarquons, dans
le numéro mettant en scène leur rupture, deux éléments intéressants : le premier réside
dans la légende : « Il y a trois semaines, Matthias et Alice roucoulaient en Afrique du
Sud plus in love que jamais, nous assurant dur comme fer qu’ils formaient un vrai
couple. Oui mais à leur retour Matthias décide de rompre. Vrai couple ou business
couple ? Il faut croire que l’amour à la télé a du mal à survivre à la réalité » et posant
alors la question d’une possible manipulation. Le second est le titre chevauchant les quatre
443
Ibid. p. 56-57.
444
Couple formé lors de Secret Story n°2.

119

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photos déjà parues trois semaines plus tôt : « Pourtant, on y avait cru autant qu’eux ». On
445
retrouve, par ailleurs, dans le numéro 328 sur la rupture de Jonathan et Sabrina , le même
type de titre sur une photo les mettant en scène heureux : « Et pourtant ils y avaient cru…
». Ainsi, les photographies authentifient, non pas l’actualité mais un précédent discours
pour finalement certifier la crédibilité du discours du magazine. La photo-document passe
donc d’une preuve de « cela a été » à une authentification ou remise en cause du « cela
avait été », confirmant la légitimité de l’énonciateur à énoncer mais faisant perdre, en même
temps, la fonction épiphanique attribué à la photographie people.
Cependant, cette fonction de la photo-document se retrouve uniquement à propos de
certains personnages. L’idéologie de la célébrité amène à rendre visible des personnes
visibles et ainsi, un surinvestissement de la célébrité, c’est-à-dire un redoublement de
l’intérêt « accordé à des individus n’ayant aucun talent professionnel particulier,
446
avant tout célèbres… pour leur célébrité » . Ce surinvestissement de la célébrité
amène une suspicion de manipulation, par ces peoples, de leurs actualités et donc de
leur célébrité, comme le montre la polémique sur Léo, un ancien candidat de la télé-
447
réalité, qui aurait organisé avec le magazine Voici une fausse tentative de suicide
, dénoncée par le paparazzi Jean Claude Elfassi. Ainsi, la photo-document, authentifiant
un discours précédent, permet de désarmer une possible suspicion de la part des lecteurs
et manipulation de la part des peoples et de maintenir une crédibilité d’énonciation. Cette
réflexion n’explique pas, pour autant, toutes les photographies en contradiction avec le récit.
Les sourires et les visages heureux d’une part, et l’utilisation de photos convenues d’autre
part, restent dominants dans les Unes de Public . Cette vision dynamique et optimiste
renvoie à son lectorat jeune et aux personnages rendus visibles dans ce magazine : les
peoples issus de la télé-réalité, les peoples américains comme Paris Hilton et Nicole Richie,
et les stars de séries télévisées américaines. Majoritairement, les personnages de Public
sont jeunes et peu connus du grand public, mis en scène dans l’ordinaire de leurs vies
privées en même temps que leur extraordinarisation se construit.
Une dernière piste d’interprétation relevée dans Le Journal Quotidien nous semble
pertinente.
« Avec la photographie, l’acteur de l’évènement devient son propre énonciateur
et le lecteur a l’illusion merveilleuse de le voir. La mutation ne porte donc pas sur
448
le contenu mais sur l’énonciation même du contenu. »
Ainsi, que la photo-document contradictoire vienne authentifier un « cela avait été » ou
prouver la notoriété du personnage, elle déplace l’instance d’énonciation du narrateur du
journal au personnage people qui sourit au lecteur et qui s’apprête à partager une tranche
de vie avec lui. Dans cette logique, Lucie, qui vient d’être opérée d’une tumeur du cerveau
ou Rihanna qui vient de se faire agresser, ne souriraient pas par rapport à l’action mise en
scène dans le récit, mais souriraient au lecteur devenu leur interlocuteur. La floraison de
Unes souriantes et heureuses malgré des récits mettant en scène des drames se justifierait
par un déplacement de ce qu’elles illustrent : moins l’action narrativisée que l’instance
d’énonciation.

445
Couple formé lors de Secret Story n°3.
446
DAKHLIA, J. 2009, op. cit. p. 74.
447
Voici 1171.
448
MOUILLAUD, M. & TETU, J-F., Le journal quotidien, Lyon : PUL, 1989, p. 97.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Les Unes immortelles renforcent la spécificité de ce magazine dans sa logique de mise


en scène. Public détient le plus fort pourcentage de Unes immortelles (45%). 47% de ces
Unes relèvent du rapport au corps et au look.
« Spécial cuisses : régimes et chirurgies de star » « Spécial sourires de stars »
« Spécial cellulite : les trucs des stars pour ne pas en avoir » « Régime : toutes
les astuces de star » « Une peau de star cet été » « Régimes de stars : tous
leurs petits secrets » « Spécial fesses : tous les trucs de stars » « Spécial
cellulites : les astuces de stars pour l’éviter » « Spécial seins : les beaux, les
petits, les refaits, les vilains… » « Ce que font les stars : botox, collagène et
autres injections… » « Spécial poids : comment elles cachent leurs kilos ! »
449
« Spécial cellulite : comment lui faire la peau ? »
Comme pour les autres titres, il y a distinction du groupe « les stars » de celui des lecteurs,
mais ces récits ont la particularité de mettre en scène des conseils et finalement des
possibilités d’imitations pour le lecteur. Public prescrit ainsi, sur la base de différenciation
ordinaire-extraordinaire, une vision de la beauté à travers le corps et l’apparence des stars
comme dans Gala et Point de Vue . Il invite le lecteur à construire une idéalisation des
personnages people tout en lui offrant la possibilité de croire qu’il peut devenir comme eux
et donc les imiter. Ce contrat de lecture se poursuit dans la rubrique « Mode » et dans les
sous-rubriques « tendances », « shopping » et « beauté » où le magazine décryptent les
looks des personnages people et propose aux lecteurs des modèles à bas prix pour leur
ressembler. Dans la sous-rubrique « beauté », ce sont des méthodes de maquillage ou de
coiffure qui permettent l’imitation.
Public se construit ainsi autant dans le mode mimétique haut que le mode mimétique
bas : il place les personnages peoples sur un piédestal mais donne, parallèlement et
paradoxalement, les clefs aux lecteurs pour que celui-ci se hisse au niveau du personnage
people. Ce paradoxe se nuance dans l’identification de ces personnages : jeunes, célèbres
450
parce que célèbres et, pour la plupart, éphémères .
Dans ces pages, nous avons laissé de côté l’objet de notre étude – la peopolisation
– et ses personnages – les hommes politiques – pour définir l’espace de production des
récits de notre corpus principal. La définition du genre people, au travers de ces logiques
et du fonctionnement de ses récits, et la présentation de chacun des neuf titres présents
dans notre recherche nous ont permis de dévoiler l’identité de ce genre. Mais au travers
de leurs divergences, ce sont différentes logiques de mises en visibilité, de rapports à leurs
personnages et à leurs lecteurs qui sont apparus, découvrant de nombreuses hypothèses
pour l’analyse de notre corpus principal. Ce corpus est composé de récits issus de ces
neuf titres de presse people. La sélection de ces titres relève d’un choix simple : ils étaient
les hebdomadaires relevant du genre people, existant lors de la période de la campagne
présidentielle de 2007. Dans chacun de ces titres, nous avons sélectionné les récits mettant
en scène au moins un candidat à l’élection présidentielle et défini la période d’investigation
451 452
entre le 17 novembre 2006 et le 13 mai 2007 . Ainsi, notre corpus principal est composé
453
de 71 numéros différents et 96 articles, tous titres confondus .

449
Public 241 , Public 244, Public 246, Public 249, Public 257, Public 278, Public 288, Public 300, Public 305, Public
326, Public 331, Public 354.
450
Nous reviendrons sur la particularité de Public dans le chap. VII, montrant que celui-ci résiste à la politisation de ces récits.
451
Cette date correspond au lendemain de l’investiture de Ségolène Royal à la candidature.

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III. 3. L’identité dans le récit


Les espaces d’émergence des récits médiatiques sont multiples. La période de la campagne
présidentielle, moment fort dans l’actualité politique et de communication politique, délimite
les récits dans leur temporalité et par les personnages qu’ils mettent en scène en ignorant
l’injonction people inhérente à notre objet d’étude. Les médias constituent le lieu a priori
de notre étude ; le monde de l’opinion est alors projeté dans une mise en abîme multiple.
Le monde de l’opinion est le lieu, l’acteur et le narrateur de notre recherche. Parallèlement,
comme espace de production des récits de notre corpus principal, la presse people est une
presse qui joue avec les objets, les sujets et les grandeurs du monde de l’opinion en niant
ou exagérant leurs propriétés et en se constituant dans le creux de ses frontières au travers
du secret, de la révélation et de la célébrité. Ces lieux du récit engagent l’identité des êtres
de papier vers une incarnation particulière : celle du re-nom.
Le récit met en scène des actions et des personnages de papier. Le récit médiatique
installe des actions et des personnages de papier dans un rapport plus explicite à la réalité.
La visée des médias n’est-elle pas de rendre visible des évènements et des acteurs de
la vie réelle ? La question de l’identité, et plus particulièrement de l’identité médiatique,
questionne le rapport entre fiction et réalité et donc, un potentiel détachement des êtres de
papier par rapport aux êtres réels qu’ils représentent ? Le principe d’immanence sera donc
à nouveau investi, sous le prisme de son rapport avec les médias et de l’ancrage des récits
médiatiques dans le réel ou du moins dans leurs recherches de véridiction et de témoignage.

III. 3. 1. L’incarnation de l’acteur en sémiotique.


Notre étude est peuplée d’êtres de papier. Les récits les présentent et les mettent en scène :
454
ils sont le « lieu de fabrication et de diffusion de l’identité » de ces êtres . Comment
considérer l’individuation et l’identification des êtres à partir des théories greimassiennes
qui structurent notre travail ?
Dans la sémiotique du discontinu, l’acteur se comprend comme « le lieu
de convergence et d’investissement des deux composantes, syntaxique et
455
morphologique » ; il est investi à la fois d’un rôle thématique et d’un rôle actantiel et ne
peut se saisir qu’au niveau de surface. Le rôle actantiel se définit en fonction de la position de
l’actant à l’intérieur du parcours narratif et de l’investissement modal qu’il prend en charge.
L’acteur est donc déterminé par un contenu modal (dans la composante morphologique)
456
et une position dans le programme narratif (dans la composante syntaxique) . Mais
parallèlement, le passage de l’actant à l’acteur se réalise par la représentation sous la
457
forme actantielle d’un thème ou d’un parcours thématique : ici, c’est le rôle thématique .
Plus clairement, nous pouvons comprendre que l’incarnation d’un actant en acteur est un
glissement du niveau le plus abstrait jusqu’à la manifestation discursive. Son positionnement
452
Cette date nous permet de considérer les récits sur la victoire de Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007, parus la semaine suivant
le verdict du scrutin du second tour.
453
La liste de ces articles et des numéros et titres dont ils sont issus figurent en Annexes. A.
454
COLLOVALD, A., « Identités Stratégiques », Actes de la recherche en sciences sociales, 73-1,1988, p. 40.
455
GREIMAS & COURTES, 1993, op.cit. p. 8.
456
GREIMAS & COURTES, 1993, op.cit. p. 4.
457
Ibid.p. 393

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

dans un parcours narratif et son investissement modal le hisse au niveau sémio-narratif de


surface, mais c’est finalement son investissement dans un rôle thématique qui va glisser
cette incarnation jusqu’au niveau discursif et qui va permettre alors sa pleine réalisation.
L’acteur peut donc être défini comme « le point de rencontre et de croisement des
structures narratives où des programmes narratifs mettent en rapport des rôles
actantiels, avec les structures discursives où des parcours figuratifs sont réductibles
458
à des rôles thématiques » , incarnant à la fois un modus operandi et un modus
essendi . En d’autres termes, l’incarnation de l’acteur ne peut se saisir qu’au travers du
459
parcours génératif que nous avons présenté plus haut . Au niveau sémio-narratif profond,
on conçoit les structures élémentaires des relations et des opérations qui sont converties
dans les formes syntaxiques et sémantiques de la narrativité au niveau sémio-narratif de
surface : on y trouve alors les schémas narratifs, les rôles actantiels et les structures
modales. Pourtant, c’est au niveau discursif que l’incarnation de l’acteur s’opère avec son
460
investissement sur un plan thématique et figuratif .
461
Suivons l’exemple de Ségolène Royal dans l’article « Le style Ségolène » dans lequel
nous trouvons deux programmes narratifs.

PN 1 : Séduire
PN 2 : Se battre

Attachons-nous au second PN, quelques instants. Ségolène Royal est instituée comme
un acteur dans le récit car dotée d’un rôle actantiel et d’un rôle thématique.

[Tableau 5 : L'incarnation d'un acteur - Ségolène Royal dans Gala 671]


Dans le PN 2, nous repérons le parcours figuratif du combat. Nous pouvons réduire ce
parcours figuratif à un rôle thématique qui constitue comme un condensé, un résumé de
tout le parcours : ce rôle est donc celui de la combattante.
Parallèlement, au niveau discursif, nous retrouvons trois sous-composantes, déjà
abordées dans notre second chapitre : la spatialisation, la temporalisation et l’actorialisation.
Ces trois éléments – acteur, temps et espace – sont susceptibles de donner l’impression
d’une référence hors du texte, en projetant dans le monde la figure qu’elle est susceptible
458
GROUPE D’ENTREVERNES, Analyse sémiotique des textes, Lyon : PUL, 1979. p. 99.
459
Cf. Chap. II. 1.1.
460
Nous reviendrons en détail sur la thématisation et la figurativisation au début de notre prochain chapitre.
461
« Le style Ségolène », Gala 671, paru le 10/05/2006.

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462
de représenter . Par l’actorialisation, au niveau discursif, l’actant se voit octroyer un
contenu sémantique propre qui le fait apparaitre comme une figure autonome de l’univers
sémiotique : c’est le processus d’individuation selon Greimas. L’acteur se comprend donc
comme la réunion de propriétés structurelles d’ordre syntaxique et sémantique : il est défini
par un ensemble de traits relatifs à son être et à son faire qui permettent de le distinguer
des autres acteurs. Cependant, pour le sémioticien, le processus d’individuation se saisit
à un moment donné dans le parcours génératif, il n’est pas constant tout au long du
récit. Dans le même article de Gala , on remarque que Ségolène Royal, sujet opérateur
du PN 1, est doté du rôle thématique de la femme séduisante, au travers du contenu
sémantique : « la ménagère raisonnable », « Ségolène en conquérante coquette »,
« La belle des champs », « La rayonnante », etc. Ainsi, le processus d’individuation
fait apparaitre Ségolène Royal dans un premier temps comme une femme séduisante et,
dans un second temps, comme une combattante : l’individuation de Ségolène Royale oscille
donc entre deux rôles thématiques. Elle est un « effet de sens reflétant une structure
discriminatoire sous-jacente », construite en fonction des autres acteurs présents dans
463
le même programme narratif relatif . L’individuation consiste donc, selon Greimas, en
un processus qui rend compte de l’unicité de l’acteur mais non de sa permanence ou
de sa cohérence. C’est le principe d’identité qui permet de le reconnaitre tout au long du
discours malgré les transformations actantielles et thématiques que celui-ci peut subir. Si
nous reviendrons plus tard sur la distinction entre individuation et identité chez Greimas, il
nous faut avant cela, comprendre comment se construit l’unicité de l’acteur dans le récit et
penser son rapport avec le nom propre et la dénomination.

III. 3. 2. Quelle identité pour des êtres de papier ?


Une fois encore, une comparaison entre les réflexions de Lits et celles de Greimas, guidera
notre réflexion, consacrée ici à l’identité. Chacun investit un concept, celui de personnage
pour le premier et celui d’acteur pour le second. Une réflexion autour des différences et des
similarités nous aidera à saisir l’identité des êtres de papier de notre étude.
Lits commence sa définition du personnage par ce qu’il n’est pas, c'est-à-dire qu’il n’est
pas une personne réelle, il n’est pas un actant (car incarné et donc au niveau discursif)
464
et il n’est pas un humain (il peut être incarné aussi par un non-humain) . Partant, et à
cet instant de la définition du personnage, nous pouvons appréhender le personnage de
Lits et l’acteur de Greimas comme deux termes différents représentant une même idée.
Cependant, très vite, la similitude s’arrête là. Plus loin, Lits considère le personnage à partir
de propriétés récurrentes : le nom qui lui permet d’accéder à la vie, les attributs qui le
caractérisent et qui vont lui permettre d’être différencié des autres, « de le situer et de le
reconnaitre de page en page » et un mode d’affirmation (son inscription dans des paroles
465
et des actions) . On voit que, chez Lits, le personnage accède, par ces trois critères, non
seulement à l’individualité mais aussi, à l’identité, ce que Greimas refuse. Il nous semble que
cette distinction tient à la place accordée à la référence dans leurs considérations. L’identité

462
PANIER, L., « Discours, cohérence, énonciation : une approche de sémiotique discursive », CALAS, Frédéric (dir.),
Cohérence et Discours, Paris : PUPS, 2006, p. 109.
463
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 186.
464
LITS, 2008, op. cit. p. 137.
465
Ibid. p. 138.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

de l’être de papier doit-elle être pensée avec le monde référentiel auquel elle renvoie ou
doit-on ne la considérer uniquement constituée par lui et sur lui ?

III.3.2.1. La question de la dénomination


La question de la dénomination et du nom constitue un des éléments de désaccord entre
Lits et Greimas. Pour le premier, le nom est condition d’accès à la vie. Alors que du côté
de la sémiotique narrative, « le nom ne constitue pas la condition sine qua non de
466
son existence » , l’acteur peut exister au travers d’un rôle thématique, comme ce fut le
cas, dans la presse quotidienne nationale, en juin 2006, lors de la première réconciliation
de Nicolas et Cécilia Sarkozy, d’Anne Fulda qui n’était jamais désignée par son nom
propre mais uniquement par son rôle thématique « la maitresse » ou « l’amie ». Nous
comprenons que, chez Greimas, l’onomastique, science du nom propre, est un complément
467
de l’actorialisation mais qu’elle n’est pas nécessaire . Rappelons-nous qu’autant du côté
de la sociologie pragmatique que de la sémiotique du discontinu, la personne n’est personne
en dehors de son action ou du récit qui la met en scène. Pourtant, nous avions précisé,
dans une note de bas de page, que, face aux critiques, Boltanski avait concédé, dans La
condition fœtale , une identité fixe aux personnes à travers leur nom propre pour permettre
leur reconnaissance quand elles passent d’un monde à un autre.
« On considère qu’il s’agit bien des mêmes personnes mais saisies sous des
qualifications ou dans des états différents, et alors il faut s’interroger sur la façon
dont s’établit cette ipséité (ce qui fait qu’un être est lui-même et non un autre)
468
minimale absolument nécessaire à la cohérence du modèle. »
La rigidité accordée à l’identité d’un être de papier par le nom propre révèle un
questionnement épistémologique quant à l’investissement sémantique qu’on lui donne. Or,
ème
deux écoles de pensées s’affrontent depuis la fin du 19 siècle quant à cela. La première
largement inspirée des travaux de John Stuart Mill dévoile le nom propre comme une
marque distinctive particularisante mais vide de sens, c’est « un pur désignateur qui ne
469
nous dit rien de l’objet auquel il permet de faire référence » . Le nom est une simple
marque qui distingue un objet des autres mais sans dire pourquoi celui-ci est différent. La
seconde école, avec Michel Bréal, fondateur de la sémantique, fait du nom propre une
marque distinctive propre, celui-ci étant le mot « le plus significatif car le plus individuel
470
de tous » .
Dans les années 1970, le débat est réinvesti par Saul Kripke à partir du concept de
« rigidité ». Kripke introduit ce concept et dévoile le nom propre comme un désignateur
rigide, c’est-à-dire comme une dénomination dont la dénotation ne varie jamais, elle désigne
471
toujours le même objet et renvoie au monde réel . A contrario, le désignateur accidentel
est une expression dont la dénotation varie selon le monde de référence : elle renvoie à
différents objets possibles. Si nous reprenons l’exemple d’Anne Fulda, nous comprenons
466
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 7.
467
Ibid. p. 261.
468
BOLTANSKI, 2004. op. cit. p. 84.
469
MILL, J., Système de logique déductive et inductive, [Ed. originale anglaise : 1843], Paris: Alcan, 1896, p. 35.
470
BREAL, M., Essai de sémantique, Paris : Hachette, 1897, p. 198.
471
KRIPKE, S., La logique des noms propres, [Conférences prononcées en 1970 et publiée, pour la première fois en langue
anglaise en 1980], Paris : Minuit, 1982.

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que la désignation « Anne Fulda » dénote un individu mais ne connote rien. A l’inverse,
l’utilisation du rôle thématique « la maitresse » ou « l’amie » appelle l’investissement
dans un monde de référence ; il peut désigner différents objets selon le monde possible
désigné. Le nom de cette dernière n’étant pas cité dans les articles, c’est au travers
d’un processus de référentialisation que nous sommes capables de dire « c’est Anne
Fulda ! » ; référentialisation opérée à l’aide d’autres récits médiatiques qui auraient pu la
citer et lui assigner parallèlement le même rôle thématique. Un lecteur, n’ayant pas cette
connaissance, pourrait assigner une autre personne à ce rôle thématique, voire laisser ce
rôle vide de personnalisation. C’est justement sur cet argument de possible que Kripke
472
construit son concept de « rigidité ». Une description définie , c'est-à-dire une désignation
par le rôle thématique, ne peut être rigide car sa dénotation reste incertaine, ce qui n’est
pas le cas pour le nom propre qui n’est pas soumis au changement de monde de référence
et qui ne dépend pas de la permanence des rôles. Ainsi, « un nom propre fonctionne
comme désignateur rigide, précisément en ce qu’il n’est pas réductible à un ensemble
473
quelconque de descriptions définies qui le caractérisent » . Parallèlement, c’est
justement sur la question de permanence que réside le deuxième principe de considération
de la rigidité : une description définie est affectée par des variations non seulement sur
l’axe de l’actorialisation mais aussi dans la lecture qui peut en être faite, et plus loin, dans
le monde réel à laquelle elle renvoie ou que le lecteur croit qu’elle renvoie. Dès lors, une
description définie peut servir à représenter un individu ou un objet mais ne peut désigner
ce même individu ou objet de manière permanente ou invariante.
« Par cette forme tout fait singulière de nomination que constitue le nom propre
se trouve instituée une identité sociale constante et durable qui garantit l’identité
de l’individu biologique dans tous les champs possibles où il intervient en tant
qu’agent, c’est-à-dire dans toutes ses histoires de vie possibles. (…) Le nom
propre est l’attestation visible de l’identité de son porteur à travers les temps et
les espaces sociaux, le fondement de l’unité de ses manifestations successives
et de la possibilité socialement reconnue de totaliser ces manifestations dans
des enregistrements officiels, curriculum vitae, cursus honorum, casier judiciaire,
nécrologie ou biographie, qui constituent la vie en totalité finie par le verdict
porté sur un bilan provisoire ou définitif. Désignateur rigide, le nom propre est
la forme par excellence d’imposition arbitraire qu’opèrent les rites d’institution :
la nomination et la classification introduisent des divisions tranchées absolues,
indifférentes aux particularités circonstancielles et aux accidents individuels
dans le flou et le flux des réalités biologiques et sociales. Ainsi, s’explique que
le nom propre ne puisse pas décrire des propriétés et qu’il ne véhicule aucune
information sur ce il nomme du fait que ce qu’il désigne n’est jamais qu’une
rhapsodie composite et disparate de propriétés biologiques et sociales en
changement constant, toutes les descriptions seraient valables seulement dans
474
les limites d’un stade ou d’un espace. »

472
L’expression « description définie » est introduite par Russel pour désigner une expression qui peut, sans modification
de sa signification, être paraphrasée comme « l’objet x qui détient la propriété p » (RUSSEL, B., Logic and knowledge, Londres :
Allen and Unwin, 1958)
473
MOLINO, J., « Le nom propre dans la langue », Langages, 16, 66, 1982, p. 14.
474
BOURDIEU, P., « L'illusion biographique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1986, 62-63, p. 70.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Dans cette perspective, Boltanski concède une identité fixe aux personnes. Le nom propre
ne véhicule qu’une seule information : celle d’un corps propre. Finalement, le nom propre
permet la singularisation qui permet elle-même la pluralisation des mondes, selon Boltanski.
« Sans cette singularisation, il serait en effet impossible de reconnaitre que
c’est le même humain qui agit ici en tant qu’homme, là en tant que guerrier, là
en tant qu’appartenant à telle ou telle lignée, etc. (…) On s’étonnerait que tel
être ne participe pas au festin, sans reconnaitre qu’il ne peut le faire ayant été
tué, quelques heures auparavant, quelques mètres plus loin, dans une situation
475
différente où il se serait manifesté sous un autre rapport. »
La nécessité de l’ipséité minimale (ce qui fait qu’un être est lui-même et non un autre)
semble claire. Pourtant, cette nécessité se maintient-elle quand on ne traite que d’êtres de
papier ? Plus loin, dans un récit, la reconnaissance d’un même individu porteur de deux
rôles différents à deux moments du récit importe-t-elle ? N’existe-t-elle que dans et par le
nom propre ?

III.3.2.2. L’identité des acteurs dans les récits : entre personne réelle et être
de papier.
Si Boltanski revient quelque peu sur l’identité fluctuante et plurielle des êtres qu’il étudie,
476
c’est par le concept de « désignateur rigide » de Kripke qu’il accorde une fixité à l’identité .
Le nom propre ne sert donc qu’à instituer la reconnaissance d’un corps propre à deux êtres
qui par leurs désignations et leurs rôles auraient pu passer pour deux individus ou objets
distincts.
« La façon dont la vie sociale façonne la condition humaine consiste dans un
va-et-vient constant entre la généralisation et la singularisation : l’appartenance
d’être à l’humanité est reconnue ; ils sont rapprochés dans des classes
d’équivalence, selon des traits, explicites ou implicites, susceptibles de faire
surgir entre eux des ressemblances telles que, saisis sous un certain rapport, ils
puissent être considérés comme relativement substituables ; mais ils sont aussi,
et par la même opération, singularisés, de sorte que chacun d’eux, en tant qu’il
477
est lui-même, ne puisse être remplacé par aucun autre. »
Nous voyons ici précisément l’enjeu du propos de Boltanski : la potentialité de chacun à
être un individu singularisé dans le monde social. Pourtant, le monde social n’est point notre
objet d’investigation. L’unicité de chaque être dans le récit est le résultat de l’individuation.
Si l’individuation est ce qui le fait un, elle n’est pas ce qui lui donne une cohérence ou une
permanence. Elle est induite par des attributs relatifs à son être et son faire et permet de
l’incarner au travers de la réunion, à un moment donné du parcours génératif, de propriétés
structurelle d’ordre syntaxique et sémantique. L’identité, de l’autre côté, « sert à désigner
le principe de permanence qui permet à l’individu de rester « le même », de « persister
478
dans son être » tout au long de son existence narrative » . Existence dans le monde
social pour Boltanski et existence narrative pour Greimas : la différence n’est pas moindre.
Or, si le nom propre est inhérent à la vie sociale, il ne « constitue pas la condition sine
475
BOLTANSKI, 2004, op. cit. p. 63.
476
Ibid. p. 58.
477
Ibid. p. 58.
478
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 178.

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479
qua non » de l’existence narrative d’un acteur. Mais alors, si le nom ne sert pas à signifier
l’unicité et la persistance de l’être, qu’est-ce qui le permet ? Nous nous rendons compte avec
l’exemple d’Anne Fulda que le nom propre peut ne pas être cité. Est-ce pour autant que
l’acteur désigné comme la « maitresse » ou l’ « amie » ne peut être doté d’une identité ou
persister dans son être ? Avant d’appréhender les différentes procédures par lesquelles il est
possible de reconnaître un acteur à tous les instants de son existence narrative, attardons-
nous sur la fonction du nom-propre dans le récit.
L’onomastique consiste, dans la sémiotique du discontinu, en une sous-composante
de l’actorialisation ; elle permet d’ancrer le texte dans le réel et constitue un simulacre
d’un référent externe. Elle renvoie au monde naturel, c’est-à-dire au « paraître selon
lequel l’univers se présente à l’homme comme un ensemble de qualités sensibles,
doté d’une certaine organisation qui le fait parfois désigner comme le monde du
480
sens commun » . Le monde naturel est « une structure discursive car il est
481
l’énoncé construit par le sujet humain et déchiffrable par lui » . Pour Greimas, plus
que d’octroyer une identité fixe à l’acteur, le nom l’ancre dans un temps historique et dans
le réel.
« Censée conférer au texte le degré souhaitable de la reproduction du réel, la
composante onomastique permet un ancrage historique visant à constituer le
482
simulacre d’un référent externe et à produire l’effet de sens « réalité ». »
Ainsi, chaque individu dans le monde social est porteur d’un nom propre, ce qui permet à
Boltanski de lui reconnaître un corps propre et de réfléchir sa singularité dans le monde
social pour penser, plus loin, la pluralisation des mondes qu’un même individu va ou peut
traverser. Pourtant, l’évidence et l’inéluctabilité du nom propre dans le récit n’est pas.
« L’individuation d’un acteur est souvent marquée par l’attribution d’un nom propre
483
» mais son absence ne nie pas son unicité et son individualité, et celle-ci n’intervient
qu’au niveau discursif. L’acteur du récit, comme le personnage décrit par Lits, sont avant
tout des effets du réel, une illusion anthropomorphique, n’ayant d’existence que dans le
monde fictionnel.
« Le personnage permet d’ancrer le texte dans le réel, parce qu’il est le pilier de
484
l’illusion réaliste, ce qui va favoriser l’investissement du lecteur. »
Le nom sert une prétention de véridiction et de reproduction du réel plus qu’il n’est une
condition d’individualité ou d’identité. Nous approchons une question essentielle pour notre
réflexion : si le nom propre sert la confirmation d’une réalité, comment le considérer quand
il est un nom à notoriété ?

III.3.2.3. Le nom propre à notoriété dans les récits : une désignation du


monde de l’opinion ?

479
Ibid. p. 7.
480
Ibid .p.233.
481
Ibid. p. 233.
482
Ibid. p. 261.
483
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 7.
484
LITS, 2008, op. cit. p. 139.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Louis Hébert différencie nom spécialisé et nom à notoriété. Les noms spécialisés
« contiennent en inhérence seulement des sèmes macrogénériques : /humain/ et /
sexe masculin/ pour « Guy ». Les noms à notoriété possèdent en inhérence, à l’instar
de bien des noms communs, les quatre types de sèmes : « Achille », lorsqu’il désigne
le héros, contient des sèmes 1) macrogénériques (/humain/, /sexe masculin/), 2)
mésogénérique (/mythologie/), 3) microgénérique (/héros grec/) et 4) spécifiques (/le
485
plus brave/, etc.) » . Sans nous attarder sur la définition du sème et la typologie mise
à jour par Hébert, nous retiendrons que le nom à notoriété détient un plus grand nombre
486
de référents . Or, du fait de notre corpus constitué uniquement de récits médiatiques, ne
sommes-nous pas face à des acteurs dont les noms sont à notoriété ? Comment considérer
et interpréter les noms propres à notoriété dans notre recherche ?
Le nom propre à notoriété sert à la reconnaissance plus qu’à l’établissement d’une
identité ou individualité dans les récits : reconnaissance de la réalité dans le discours,
reconnaissance de l’être dans sa notoriété. « Il est peu discutable que les présidents
487
Bush ou Sarkozy existent et ont une vie dans la réalité » : énoncer leur nom propre
dans un récit médiatique invite le lecteur à saisir le récit dans son rapport à la réalité et à
investir le récit d’une fonction de témoignage ou de compte-rendu. Le carré véridictoire nous
permet de saisir cet effet de sens de réalité : l’être de Sarkozy dans la réalité ne peut être nié,
son être dans le discours devient alors vrai et se positionne sur l’axe de la vérité (paraître
+ être). Le nom propre sert la simulation d’un ancrage dans la réalité et la prétention de
véridiction des récits médiatiques.

[Figure 18 : Le carré véridictoire]

485
HÉBERT, L., « Fondements théoriques de la sémantique du nom propre. », LÉONARD, M. & NARDOUT-LAFARGE, É. (éd.),
Le texte et le nom, Montréal : XYZ, 1996, p. 42.
486
Nous reviendrons, plus tard dans cet écrit, sur la terminologie morphologique avec, entre autres, le terme « sème ».
487
LITS, 2008, op. cit. p. 144.

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Pourtant, la notoriété des noms propres de notre corpus sert, par ailleurs, à la
reconnaissance de la célébrité. « Il est peu discutable que les présidents Bush ou
488
Sarkozy existent et ont une vie dans la réalité » : cela est peu discutable parce que,
justement, ces personnages sont célèbres. La reconnaissance de l’être dans sa notoriété
retrouve le lien étroit entre visibilité et célébrité. Le nom propre à notoriété tel qu’il peut être
énoncé dans les récits médiatiques se construit dans un double rapport à la visibilité. Est
visible celui dont on parle et dont le nom propre produit un effet de « réalité » mais, est
aussi visible le nom propre en tant qu’il prend place dans un récit médiatique. Il y a donc
à la fois confirmation de la notoriété de l’individu porteur du nom propre et construction de
cette notoriété en rendant son nom visible. « L’individuation d’un acteur est souvent
489
marquée par l’attribution d’un nom propre » ; ce marqueur devient marque quand
il s’agit du nom propre à notoriété. Ici, nous retrouvons le répertoire des objets issus du
monde de l’opinion.
490
« Il est recommandé pour se faire connaître de posséder un nom. »
La grandeur de ce monde consiste en la réputation, la notoriété et la renommée.
Ce dernier terme nous semble particulièrement intéressant, en tant qu’il est construit,
étymologiquement, sur l’idée d’être nommé une nouvelle fois, le « re-» indiquant la
répétition. Le nom et son utilisation multiple font la re-nommée ou le re-nom. Le nom propre
491
intervient donc comme un objet du monde de l’opinion .
Cependant, l’idéologie de la célébrité dans la presse people retourne la fonction du
nom propre. En raison de la grandeur autopoïétique des êtres de papier de la presse people
– la célébrité est construite sur la célébrité –, la mention du nom propre comme lieu de
confirmation et d’investissement de la re-nommée devient inutile. La logique autopoïétique
est étendue au contrat de lecture, ordonné sur un accord tacite entre le lecteur et le
narrateur : on vous parle de personnes connues, vous les connaissez, point besoin de
vous les présenter . Ainsi, l’évidence de la célébrité peut, à son paroxysme, effacer le nom
propre. Par exemple, Ici-Paris 3279 titrait, en Une, « Cécilia : la nouvelle vie ». Le nom
« Cécilia » ne nous renseigne que sur deux sèmes macrogénériques /humain/ et /sexe
492
féminin / , mais ne nous dit pas a priori de quelle « Cécilia » nous parlons. L’absence
de nom de famille et de photographie démontre que la célébrité de Cécilia Sarkozy est telle
que tous les lecteurs savent qu’il s’agit d’elle. Le nom propre dans son absence devient
preuve de célébrité. Cette particularité de la presse people renforce, par ailleurs, notre prise
en compte du nom propre ; il est un marqueur d’une individuation tendant à devenir marque,
objet du monde de l’opinion, mais ne constitue pas une condition obligatoire de l’existence
narrative.

III. 3. 3. Construction de l’identité médiatique.


Le récit people détient une logique de personnification dont le lien fort au nom propre
nous a permis de penser la distinction entre identité et individuation dans les théories
488
LITS, 2008, op. cit. p. 144.
489
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 7.
490
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 225.
491
Pourtant, nous nuancerons ce propos dans le prochain chapitre à partir de l’analyse des termes révélateurs de l’incarnation des
êtres de papier dans les récits de notre corpus, et ce, au travers des réflexions proposées par Kantorowicz (1989) et Marin (1981).
492
HÉBERT, 1996, op. cit. p. 42.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

greimassiennes. Nous poursuivons notre parcours réflexif vers l’un des intérêts de nos
analyses, l’identité médiatique, et retrouvons une interrogation abandonnée plus tôt : si le
nom ne sert pas à signifier l’unicité et la persistance de l’être, qu’est-ce qui le permet ?
493
L’identité médiatique est la représentation médiatique de l’identité d’une personne
réelle mise en scène dans les récits. L’identité est à la personne ce que l’identité médiatique
est à l’être de papier. L’identité médiatique est donc à considérer comme le résultat
d’une traduction produite par un ou des porte-parole, c’est-à-dire, dans une perspective
immanente, comme le résultat d’une énonciation. L’identité, à laquelle nous nous référons,
est donc exclusivement linguistique : elle est révélée par l’identification d’objets ou d’acteurs
tout autant linguistiques mis en scène par des énonciateurs dans des énoncés.
Dans le second chapitre, nous avons évoqué rapidement la considération d’un individu
porteur d’une identité plurielle pour présenter la théorie de l’homme nomade de Thévenot.
A ce stade de notre argumentation, nous retenions la possibilité de saisir la pluralité d’un
individu dans ses déplacements avant de considérer les espaces qu’il traverse. Il est temps
de comprendre comment notre propos sur le mouvement et les espaces, fédère notre
définition de l’identité médiatique ; une identité produite par et dans les récits médiatiques.
Le mouvement dans le récit est de quatre ordres, avions-nous développé : le mouvement
de la narrativité, le mouvement de la traduction, le mouvement du chercheur qui varie les
échelles d’observation et le mouvement dans la narration. Ici, ce sont les mouvements
de la narration et de la traduction qui vont plus particulièrement nous intéresser pour
saisir l’identité médiatique. Parce que nous saisissons la re-présentation médiatique des
candidats, et ce, à partir d’un support unique, les médias, nous ne pouvons prétendre saisir
l’identité mais seulement une identité traduite et narrée.

493
Nous faisons le choix de ne pas nous attarder sur la notion d’identité autrement que par les auteurs mobilisés dans
cette recherche. Celle-ci étant très complexe, d’ailleurs souvent abordée comme une notion « boite-noire », elle mériterait une
investigation théorique et pluridisciplinaire approfondie, tâche que nous ne considérons pas comme nécessaire pour notre propos et
notre compréhension de l’identité médiatique.

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[Figure 19 : Le mouvement de narration]


Le mouvement de narration se situe au niveau des structures discursives lorsque
les actants sont incarnés, que l’énoncé est figurativisé et que des références spatio-
temporelles sont installées dans le récit par l’instance d’énonciation. C’est le mouvement
de papier dont on peut distinguer deux types : la transposition (passage d’une position
première à une position seconde) et la transformation (changement d’état). La transposition
n’indique pas un changement de figures, contrairement à la transformation qui l’illustre.
Ainsi, quand Ségolène Royal passe de la figure de la femme séduisante à celle de la
combattante, deux actorialisations sont repérables dans le récit : le passage de l’une à
l’autre constituant la transformation. L’actorialisation, comme la réunion d’un rôle actantiel
et d’un rôle thématique, révèlent alors l’unicité de l’acteur. Si nous reprenons notre schéma
illustrant les mouvements de narration, nous comprenons que chaque variation sur l’axe des
ordonnées indique une nouvelle actorialisation de l’être de papier. Ces variations verticales
signifient que l’acteur se voit attribuer au moins un nouveau rôle actantiel ou rôle thématique.
Ainsi, ces variations n’ont pas d’influence sur le principe d’individuation : celui-ci consiste en
la capacité de considérer un acteur comme unique sans pour autant stipuler d’une continuité
ou d’une cohérence. Intervient alors l’identité comme ce qui permet de le reconnaitre tout
au long du discours malgré les transformations actantielles et thématiques que celui-ci peut
subir.
« C’est au concept d’identité que l’on se réfère lorsqu’on fait état de la
permanence d’un actant malgré les transformations de ses modes d’existences
494
ou des rôles actantiels qu’il assume. »
494
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 178.

132

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

« Le principe de permanence qui permet à l’individu de rester le « même » et de


495
« persister dans son être » tout au long de son existence narrative » renvoie donc
directement aux mouvements et aux espaces de narration. Le schéma ci-dessus peut donc
être refiguré, cette fois-ci dans sa continuité, pour saisir l’identité médiatique. Attardons-
nous sur le détail de ce nouveau schéma pour en comprendre sa construction.

[Figure 20 : L'identité médiatique.]


L’axe des ordonnées correspond à l’ensemble des attributions identitaires qui sont
potentiellement mobilisable, pour un même sujet, par une instance de production : il
correspond finalement à différents modes d’existence d’un objet ou d’un sujet. Il est l’axe
paradigmatique. L’axe des abscisses illustre l’existence narrative d’un objet ou d’un sujet. Il
est l’axe syntagmatique. Nous retrouvons, par ailleurs, les segments horizontaux avec des
variations verticales qui nous avaient permis d’illustrer notre propos sur la transposition et
la transformation. Mais c’est dans la continuité et la discontinuité que l’identité médiatique
se révèle. Greimas relève trois procédures qui nous permettent de reconnaître un acteur
au fil de son existence narrative. La première est l’anaphorisation, c'est-à-dire la procédure
par laquelle l’énonciateur peut établir et maintenir l’isotopie discursive, au sein même de
496
l’énoncé . L’anaphore est une relation sur l’axe syntagmatique, elle consiste à relier deux
termes, deux phrases, deux paragraphes et de leur donner une cohérence.

495
Ibid. p. 178.
496
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 15.

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« L’identité mise en œuvre par la reconnaissance ou l’identification est relation


anaphorique formelle entre deux termes, dont l’un est présent ou actuel, et dont
497
l’autre est absent, ailleurs ou passé. »
Dans notre schéma, l’anaphorisation met en relation deux segments horizontaux qui se
succèdent bien que leurs positions sur l’axe vertical soient différentes. Elle est la procédure
de référentialisation entre deux modes d’existence d’un même objet à l’intérieur d’un même
énoncé et, donc, ce qui permet leur reconnaissance comme relevant du même objet ou
acteur. L’anaphorisation rend compte de l’identité narrative d’un être de papier dans un
énoncé. La seconde procédure de reconnaissance passe par l’emploi des déictiques qui
permettent de se référer un objet du monde naturel et plus particulièrement, à l’instance
d’énonciation qui va situer les êtres et les actions de papiers à partir de son espace énoncif.
Pour le sémioticien, le déictique simule avant tout une référentialisation externe car, au final,
c’est une référence qui doit se comprendre dans le rapport entre l’énoncé et l’énonciation
qui le met en place. Enfin la dernière procédure est celle de l’intertextualité qui se déploie à
498
partir d’un système de corrélations formelles entre différents énoncés .
Pour résumer, l’anaphorisation permet la reconnaissance au sein d’un même énoncé,
l’emploi de déictiques entre l’énoncé et l’énonciation et l’intertextualisation entre différents
énoncés. Pourtant, l’énonciateur n’est pas simple narrateur dans notre étude, tout comme le
récit n’est pas simple énoncé : un autre mouvement vient s’intercaler dans notre réflexion :
celui de la traduction. L’énonciateur est aussi acteur. En tant que porte-parole, il supporte
et porte les identités des êtres de papier. L’investigation de l’identité des êtres de papier au
sein d’un même énoncé, telle qu’elle peut être débrayée par la procédure d’anaphorisation,
ne suffit pas à saisir l’identité médiatique. Cette analyse doit être élargie non seulement
à son rapport avec l’instance d’énonciation, mais aussi aux autres énoncés portant sur le
même être. En considérant l’énonciateur comme un traducteur, l’identité devient le résultat
d’une traduction dans laquelle cohabitent ce qui a été énoncé et ce qu’il ne l’a pas été
mais qui aurait pu l’être. En tant qu’acteur, l’énonciateur opère un découpage de ce qui doit
ou pas être signifié. Nous ne pouvons considérer ce découpage sans justement prendre
conscience qu’il en est un : il donne une forme et une consistance à l’identité de l’être
de papier. Le schéma ci-dessus sera mis en application dans le chapitre VI. Pour chaque
candidat, nous illustrerons chaque identité dévoilée par les procédures d’anaphorisation
au sein d’un énoncé, ce qui permettra, sur un graphique, de considérer, simultanément,
toutes les identités dévoilées pour ce candidat dans notre corpus. En identifiant les rôles
thématiques et les rôles figuratifs qu’il incarne dans chaque énoncé, et en les alignant
sur l’axe paradigmatique – l’axe des ordonnées –, nous verrons apparaître les différentes
traductions de cet être. Tandis que l’axe syntagmatique nous permettra de concevoir son
existence au sein du récit, mais aussi, comment les différents rôles sont ordonnés entre
eux. Ainsi, Ségolène Royal pourra être décrite, dans certains énoncés, comme une femme
blessée et sensible, dans d’autres comme une femme autoritaire et indépendante. Ces
quatre rôles participent à son identité médiatique, même s’ils ne sont pas toujours mis
en scène. Parallèlement, les différentes existences narratives de Ségolène Royal en tant
que femme indépendante pourront montrer que, dans un énoncé, elle passe du statut de
femme blessée à celui de femme indépendante, tandis qu’un autre soulignera le mouvement
inverse. Ainsi, nous concevrons son identité médiatique comme le résultat de l’ensemble
des identités, mais aussi des identités entre elles (intertextualité) et dans leur rapport
aux instances d’énonciation (déictiques). L’identité médiatique contient donc toutes les
497
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 15.
498
Ibid. p. 194.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

variations possibles, dans l’identification de l’être de papier, mises en scènes dans notre
corpus.

III. 4. Construction d’un corpus people.


L’identité médiatique dans les récits médiatiques dévoile différents éléments ou enjeux de
notre recherche à l’origine de la sélection et de la transformation de notre objet en ce
corpus opérant. Cette recherche existe dans la convergence et la confrontation de trois lieux
d’émergence des récits : la campagne présidentielle de 2007, la presse people et la presse
quotidienne nationale. Le croisement de ces trois espaces produit des corpus multiples
pensés dans la tension du dédoublement de l’énonciateur comme narrateur et énonciateur,
la personnification des récits, de la notoriété et du potentiel people des personnages
politiques. Mais à ces critères s’ajoutent encore l’inévitable compréhension d’une période et
d’un phénomène dans leur clôture et donc par ce qu’ils ne sont pas ou plus, ce qui nécessite
la prise en compte de l’évènement-people, de la quiddité du phénomène de peopolisation à
partir des trois mondes et, enfin, de la construction de l’identité médiatique des candidats et
l’exploration des lignes éditoriales. Le mouvement de la recherche est là : il est la variation
des échelles d’analyse, la sélection des focales empiriques, le découpage dans le choix des
récits et la tension entre épistémologie, théorie, méthodologie et empirie.
Notre corpus principal s’intéresse, nous l’avons dit, à la médiatisation des candidats à
l’élection présidentielle de 2007, dans la presse people. Notre hypothèse principale guide
le mouvement de la recherche en son sein :
La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda politique,
signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements par rapport à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de
le définir et de l’inscrire dans l’espace public français.
Cette hypothèse investit trois fils directeurs : la construction de l’identité médiatique des
candidats, l’identification des lignes éditoriales par rapport aux hommes politiques et à
leur médiatisation et la définition du phénomène de peopolisation durant cette période
et au travers de cette presse. Deux types d’analyse explorent ce corpus : une analyse
sémantique et une analyse narrative. La première, réalisée au travers du logiciel Lexico
499
, isole tous les termes présents dans les récits people pour identifier les répertoires
des trois mondes relevant de la quiddité du phénomène de la peopolisation et relever les
isotopies sémantiques et sémiologiques. Dans un second temps, l’investigation des termes
ou expressions complexes, significatives de la confusion des mondes, réfléchit les éléments
à la croisée des mondes ; éléments révélateurs des tensions (incarnation – relations –
communication et actualité) qui se découvrent dans l’analyse narrative. Cette analyse ne
pourra combler nos ambitions explicatives du phénomène de peopolisation mais rendra
compte de son hétérogénéité dans les récits et dressera finalement un portrait sémantique
de notre corpus (Chapitre IV). La seconde analyse, dite narrative, portera sur les récits
dans leur génération, autant dans leurs composantes syntaxique que morphologique. Notre
logique qui suit le mouvement plutôt (plus tôt) que les espaces investit les mouvements de
narration pour dégager ses espaces et ainsi distinguer les différentes identités médiatiques

499
Lexico 3 : outil de statistiques textuelles a été réalisé par l’équipe universitaire SYLED-CLA2T, Université Paris 3 Sorbonne
nouvelle.

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des personnages (Chapitre VI) et les différentes lignes éditoriales dans la médiatisation
des hommes politiques (Chapitre V). Mais dans ce même chapitre, l’observation d’un type
particulier de récits – les « immortelles » de campagne – revient sur nos questionnements
sur l’actualité et l’évènement.
Ce corpus est élargi à d’autres récits, soit issus de la presse quotidienne nationale,
soit pris dans une autre période, afin de dépasser l’injonction people de cette presse
mais aussi, afin de penser le phénomène de peopolisation dans sa continuité comme
dans sa clôture. Quatre corpus secondaires viennent étendre nos observations et nos
analyses. La sélection des récits dans la presse quotidienne nationale suit cette volonté
de neutraliser l’injonction people du corpus principal en restant fidèle à notre objet et
notre problématique, pour comprendre comment le people prend place dans cette presse.
Cette attitude contradictoire, née dans la recherche de complétude, répond à une difficulté
empirique : trouver l’information-people sans la forcer en n’observant que le genre people.
Parallèlement, la presse quotidienne nationale ne figurant que comme une extension de
nos intérêts, c'est-à-dire comme le dépassement et la clôture de la presse people, oblige
à relativiser la volonté d’exhaustivité par une sélection réduite de récits. Procéder à un
découpage de deux types de corpus dans la presse quotidienne nationale est apparu
comme la seule solution viable pour notre étude : un corpus qui ne postule pas du traitement
people et un corpus qui le postule pour voir justement comment et si celui-ci est réalisé.
Pour le premier, l’exercice de sélection s’est avéré complexe : pour procéder d’une
comparaison, il fallait précisément trouver des points communs, mais en évitant de forcer
le caractère people du traitement. Parallèlement, nous souhaitions conserver l’exhaustivité
apportée par la campagne présidentielle avec douze candidats à potentiel médiatique
et people variable. Nous nous sommes alors tournés vers les portraits réalisés par les
500
journaux Le Monde , Libération , La Croix et Le Figaro . L’observation de
ces portraits nous permet de confronter l’identité médiatique de chacun des candidats telle
qu’elle est construite dans le genre people à ces récits personnifiés, fondé sur une logique
501
d’ « unification du moi » , logique qui permet la comparaison (Chapitre VI) .
Pour le second découpage, celui qui postule du traitement people pour voir justement
comment et si celui-ci est réalisé, nous sélectionnons des récits sur des informations-people
identifiées au préalable : le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en février 2008,
l’accouchement de Rachida Dati, le 2 janvier 2009 et enfin, les rumeurs d’infidélités de
502
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, en mars-avril 2010 . L’objectif de l’étude de ce corpus
est d’identifier les différences de traitement entre presse people et presse quotidienne
503
nationale , mais aussi, parallèlement et en sélectionnant des informations post-campagne,
d’observer une possible évolution de la médiatisation des hommes politiques par rapport
à notre corpus principal. Ces informations-people sont, par ailleurs, considérées dans
504
leur évènementialisation ou leur potentiel événementiel dans les deux types de presse
(Chapitre VII).

500
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.
501
BOURDIEU, 1986, op. cit. p. 70.
502
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.
503
Nous focalisons notre attention sur les journaux : Le Monde, Libération, La Croix, L’Humanité et Le Figaro.
504
Voir la liste des articles retenus en Annexes. A.

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Chap. III. L’identité médiatique dans les récits médiatiques

Un troisième corpus secondaire opère, un autre changement de focale. Ce corpus


505 506
envisage les Unes parues entre le 14 mai 2007 et le 30 avril 2010 des neuf titres de
507
presse people figurant dans notre corpus principal. Il comptabilise 155 Unes par titre
et donc un total de 1395 Unes. Il a été conçu à partir de plusieurs variables : la visibilité
des personnages politiques dans la presse people, la catégorisation des personnages
politiques dans leur médiatisation par la presse people, la distinction de différents titres
de presse people dans leur mobilisation des personnages politiques et la politisation des
508
Unes de presse people . Les observations de ces Unes ont été transformées en données
509
quantitatives compilées grâce au logiciel Modalisa et interviennent à la fin de ce travail
(Chapitre VII). Enfin, un dernier corpus vient questionner l’installation du phénomène de
peopolisation dans l’espace public français et retrouve nos intérêts sémantiques pour
les répertoires significatifs des trois mondes et leurs confusions : il est constitué des
néologismes qui ont émergés dans la presse écrite française (Chapitre IV).
Ces corpus sont saisis dans une perspective immanente, comme des énoncés et
permettent de considérer les mouvements et les espaces de narration et de narrativité pour
appréhender les différentes identités médiatiques des candidats et les différentes lignes
éditoriales – dans leur continuité, en identifiant deux genres : presse people et presse
quotidienne nationale, et dans leur discontinuité, en dévoilant les différences de traitement
au sein d’un même genre ou les évolutions. Plus loin, le dédoublement du narrateur comme
énonciateur et acteur nous amène à considérer la manière dont les énonciateurs devenus
acteurs font et questionnent la peopolisation. C’est vers un dernier cadre d’analyse, à peine
introduit jusqu’alors, que nous nous tournons alors, celui développé par Boltanski dans
510
son dernier ouvrage : De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation . Dans
cet ouvrage, Boltanski revient sur sa pensée et son évolution, avec le projet d’articuler
sociologie critique bourdieusienne et sociologie pragmatique. Partant, il renouvelle la
boite à outil de la sociologie en distinguant réalité et monde et en réinstallant la
question de l’institution. Il propose alors une typologie de registres pratiques et réflexifs
résolvant l’incertitude dans la critique et l’accord. Ainsi, en conclusion, nous retournons vers
l’incertitude radicale, avancée au début de notre propos, mais élargie à nos analyses et
nous procéderons à une dernière analyse pour penser l’installation et la construction du
phénomène de peopolisation pour, enfin, contourner « l’horizon indépassable du texte
», tout en ne considérant que lui (Conclusion).

505
Cette date correspond au lendemain de la clôture de notre corpus principal.
506
Date où il nous a fallu le clore pour des questions de faisabilité.
507
Ce qui correspond aux 155 semaines de la période envisagée.
508
Ce corpus nous a permis, par ailleurs, de dégager des éléments fondateurs pour la définition du genre people et leurs
divergences, présentés plus tôt dans ce chapitre.
509
Modalisa, développé par P. Chappot est diffusé par la société Kynos et sert aux enquêtes de tous types par la création,
la codification et l’analyse de questionnaires et d’entretiens.
510
BOLTANSKI, L., De la critique : précis de sociologie de l’émancipation, Paris : Gallimard, 2009.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et


confusion des mondes.

IV. 1. Des paradigmes aux mondes


Les trois mondes constituent, dans notre recherche, des espaces de significations
permettant l’identification et la reconnaissance du phénomène de peopolisation. L’axe
paradigmatique des récits décrit et fait la peopolisation en réinvestissant l’intériorité du
phénomène, sa quiddité, comme ce faisceau de sens et d’unités qui permet de le reconnaitre
et donc de communiquer à son propos. Cependant, au prisme d’une étude empirique,
d’un objet particulier de description, ce faisceau n’est pas infini. Il nécessite une certaine
entente, entre les actants d’énonciation, sur les possibles de la commutation afin que
l’objet décrit soit reconnu, identifié et donc que la communication soit réussie. Dans notre
second chapitre, notre propos sur les espaces procéda d’un déplacement idéel des mondes
aux paradigmes. L’axe paradigmatique fonctionne sur le principe de commutation et in
absentia ; il constitue un faisceau d’éléments mobilisables pour signifier l’objet narré. Les
trois mondes révélateurs de notre objets d’étude sont des espaces de signification, des
alternatives sur l’axe paradigmatique ; ils instituent une identification et une reconnaissance
du phénomène de peopolisation et, plus loin, ils permettent de saisir sa traduction et son
interprétation par le narrateur du récit. Désormais, et suite à notre investigation empirique,
ce déplacement s’inverse pour s’opérer des paradigmes aux mondes.
L’identité médiatique constitue la réunion des axes syntagmatique et paradigmatique.
Avant de s’attarder sur cette réunion, ce chapitre se consacre à l’axe paradigmatique.
Mais, parce que l’identité médiatique est le résumé de l’ensemble des identités dont les
procédures d’anaphorisation rendent compte dans chacun des énoncés de notre corpus
mais aussi dans le rapport qu’elles entretiennent entre elles et avec l’instance d’énonciation,
notre observation de l’axe paradigmatique sera transversale à l’ensemble des énoncés qui
composent notre corpus sur la campagne présidentielle. Dans notre approche, fondée sur
la sémiotique du discontinu dont le parcours génératif part du niveau le plus abstrait de la
structure sémio-narrative vers le plus concret des structures discursives, les mondes sont
saisis comme des unités minimales de la composante morphologique pour considérer leur
manifestation dans les récits. L’investigation de ces unités minimales dresse un « portrait »
de notre corpus à partir de ses termes et offre la possibilité d’élaborer un répertoire des
récits dans leurs confrontations à trois isotopies sémantiques révélatrices de la quiddité de
notre objet d’étude.

IV. 1. 1. Du sème à l’isotopie.


La terminologie de Greimas, identifiant et explorant la composante morphologique des
discours, sert à saisir les enjeux de notre objet d’étude. Elle invite, par ailleurs, à l’investir en
sociologie pragmatique pour comprendre dans quelle mesure et à quel niveau elle trouve
son pendant chez Boltanski et Thévenot.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

Le sème, pour le sémioticien, est l’unité minimale de base sémantique. Il se définit dans
la relation aux autres sèmes, sa dépendance insiste sur une définition dans l’écart. Cet écart
se construit par rapport à trois modalités : la contradiction, la contrariété et l’implication. Ces
trois modalités correspondent aux relations constitutives du carré sémiotique. Ainsi, si nous
reprenons le carré véridictoire qui est avant tout un carré sémiotique, on comprend que l’être
contredit le paraître, contrarie le non-être et implique le non-paraître. Ces trois modalités
relationnelles déterminent le sème et le rendent opératoire. Le sème est donc une unité
minimale non atomique et non autonome. Pourtant, ce caractère minimal doit être relativisé
selon le sémioticien. Si l’analyse, dont l’objectif serait d’embrasser un minimalisme absolu
dans l’identification des sèmes primitifs d’une langue, semble imaginable, à défaut tout
champ d’investigation plus restreint ferait perdre l’opérativité de cette catégorie sémantique
qu’est le sème. Ainsi, Greimas insiste sur un caractère minimal lui-même relationnel, c'est-
à-dire fondé sur le champ d’investigation qui le fait exister.
« Le caractère minimal du sème (qui, ne l’oublions pas, est une entité construite)
511
est donc relatif et repose sur le critère de la pertinence de la description. »
Cette précision a son importance dans notre recherche ; le caractère minimal des sèmes
tient à notre prisme d’observation et au découpage de notre corpus. L’ordre de notre objet
établit son caractère minimal ; non pas celui absolu de la langue, mais celui restreint, fondé
dans son intériorité.
Deux types de sème cohabitent dans le discours : le sème nucléaire et le classème.
Ces deux sèmes sont constitutifs, au niveau de la manifestation, du sémème. Le sémème
512
est le sens particulier, l’acception d’un mot . Ce mot pouvant être compris comme le
lexème, c'est-à-dire comme un signifiant pouvant contenir différents signifiés une fois inscrit
dans l’énoncé. Le lexème « livre » comporte différents sémèmes reconnaissables dans les
phrases : « elle feuillette un livre », « elle livre un témoignage poignant », « ça coûte
une livre », « il y a trois livres de farine », etc. Le lexème est le résultat de tous ces
sémèmes, il est le produit de l’histoire d’une langue comme de son usage. C’est une unité
qui, grâce à sa couverture par un formant unique, peut donner naissance – une fois inscrite
dans l’énoncé – à une ou plusieurs unités de contenu appelées sémèmes. Le sémème,
on le voit, est donc le sens particulier d’un lexème ; il n’est saisissable qu’au niveau de la
manifestation, il émerge dans le déploiement du lexème sur l’axe syntagmatique permettant
513
de saisir son sens et d’arrêter précisément la chaine flottante du sens ou des sémèmes .
Pourtant, il y a deux types de sèmes ; deux types constitutifs de la réalisation du
sémème au niveau de la manifestation. Le sémème se compose dans la réunion d’une
figure sémique et d’une base classématique.

Sémème = figure sémique + base classématique.

La figure sémique correspond, au niveau de la manifestation, aux sèmes nucléaires


tandis que la base classématique au débrayement des sèmes contextuels ou classèmes.
La figure sémique c’est le noyau, ce que le sémème possède en propre, sa partie invariable.
La base classématique relève du mot en contexte.

511
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit . p.333.
512
Ibid. p.334.
513
Nous ne citons pas toujours l’origine de ces définitions, omniprésentes et transversales à l’œuvre de Greimas. Pourtant,
nos définitions ne sont que des traductions, que nous tentons de proposer le plus fidèlement, de sa théorie et de ses notions.

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Médias, politique et vie privée

« Nous le savons déjà, les figures n’apparaissent jamais isolées les unes des
autres (…) Ces sèmes [contextuels] n’appartiennent pas au noyau stable des
figures. Mais en se révélant dans et par le contexte, ils indiquent l’appartenance
des figures à une classe plus générale définissant un ensemble de contextes
514
possibles. »
Dans notre recherche, nous considérons les trois mondes comme des classèmes ou sèmes
contextuels, c’est-à-dire ceux qui sont récurrents et repérables comme des faisceaux de
sens. Le classème existe, à la fois, au niveau syntagmatique, parce qu’il se repère et
se définit dans la récurrence et, donc, in praesentia , mais aussi, et surtout, au niveau
paradigmatique, en tant qu’il est une unité sémantique fondée, in absentia , sur ce qu’elle
contredit, contrarie ou implique. Concevoir l’axe paradigmatique des récits décrivant et
faisant la peopolisation réinvestit l’intériorité du phénomène, comme ce faisceau de sens
et d’unités qui permet de le reconnaitre et donc de communiquer à son propos. Chacun
des trois mondes devient alors une unité minimale de la quiddité de la peopolisation, un
minimalisme non pas absolu mais fondé précisément dans et par notre objet. En tant
que sème contextuel ou classème, les trois mondes sont au niveau profond du parcours
génératif. Au niveau de surface, ce sème contextuel devient une base classématique,
permettant alors la réalisation d’un sémème au niveau discursif.
Observons le lexème « public » et accordons-nous à comprendre deux des sémèmes
qu’il contient : il peut désigner un groupe de destinataires d’un discours politique (les
électeurs), ou un groupe de destinataires d’un discours médiatique (l’audience). La figure
sémique comme cette partie invariable est, ici, « groupe de destinataires ». La base
classématique varie : monde civique ou monde de l’opinion.

Electeurs = « groupe de destinataires » + monde civique.


Audience = « groupe de destinataires » + monde de l’opinion.

Dans cette logique, on voit émerger, dans notre corpus, deux types de sémèmes autour
du lexème « famille ». La figure sémique est un « groupe de personnes ayant des traits
communs ». La base classématique, constituée de sèmes contextuels, va permettre de
signifier des sens différents. La première base classématique est le monde domestique :
ce qui nous renvoie vers la famille comme un groupe de personnes partageant des traits
communs en fonction de la filiation, d’une relation maritale, du biologique ou d’une même
domiciliation.
« Au début des années soixante, après de nombreux déménagements au gré
des affectations du militaire, la famille se fixe à Chamagne, un village des
Vosges, fief paternel. » « Dans la famille, les tâches ménagères se répartissent
515
équitablement. »
La seconde relève de la base classématique : monde civique, et renvoie à la « famille
politique » comme ce groupe de personnes partageant convictions politiques et adhérant
à un même parti.
« Nicolas Sarkozy à l’inverse, est entré dans la famille gaulliste, qu’il n’a jamais
quittée. » « La famille est donc à nouveau réunie mais l’UMP ironise sur une

514
GROUPE D’ENTREVERNES, 1979, op. cit. p. 121.
515
VSD 1548, Gala 717.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

candidate qui « fait du neuf avec du vieux», et veut croire que le retour des
516
éléphants déplaira à l’opinion. »
Nous comprenons que chaque monde, comme espace de signification, est un sème
contextuel à partir duquel vont se réaliser, au niveau de manifestation, des parcours
sémémiques. Mais plus loin, la distinction entre sémème et lexème « libère l’analyse
sémantique des contraintes du signe et permet de retrouver, sous des couvertures
517
lexématiques différentes, des contenus sémémiques similaires ou comparables » .
Ainsi, dans notre corpus, nous pourrons considérer des lexèmes différents mais relevant
d’un même sémème, ce qui nous permettra de penser alors la synonymie.
Enfin, aux côtés du sème, unité minimale au niveau profond nous permettant
d’appréhender les traits fédérateurs des récits sur la peopolisation à son débrayage et du
sémème au niveau discursif, le concept d’isotopie élargit notre réflexion, rendant compte
non plus des unités élémentaires de signification mais de l’homogénéité du discours pour
l’énonciataire.
L’isotopie peut être définie comme un plan commun qui rend possible la cohérence
d’un propos. Aux deux types de sèmes précédemment identifiés correspondent deux types
d’isotopies. L’isotopie sémantique correspond à la redondance, au niveau discursif des
classèmes ou sèmes contextuels ; l’isotopie sémiologique est assurée par la permanence
et la répétition de sèmes nucléaires.
La figure « famille » nous aide à comprendre le phénomène d’isotopie. La figure
sémique : « groupe de personne ayant des traits commun » est composée de plusieurs
sèmes nucléaires : /relationnel/ + /ressemblance/. On a vu que celle-ci, selon sa mise en
contexte, peut aussi bien figurer, dans un article, comme la famille politique ou comme la
famille biologique ou maritale. La redondance du classème met à jour l’isotopie sémantique.
Ainsi, dans un énoncé, les termes « mère », « foyer », « éducation », « frères »,
« cuisine » installent le classème /monde domestique/, sa redondance institue l’isotopie
sémantique et amène le lecteur à comprendre que le terme « famille » est celui pris dans
le /monde domestique/. A l’inverse, l’enchainement des termes « parti », « politique »,
« conviction », « programme », « mentor » dévoile une redondance du classème /monde
civique/, la « famille » est celle du /monde civique/. L’isotopie sémantique permet donc de
désambiguïser l’énoncé.
« Les figures n’apparaissent jamais isolées (sinon dans le dictionnaire). Elles
518
sont toujours mises en contexte et rapportées les unes aux autres. »
Si, plus loin, dans l’article, on peut lire « Ses proches le soutiennent », le destinataire
du récit saura si ces « proches » sont des collaborateurs ou des membres de la famille,
tels qu’enfants, conjoint, etc., selon l’isotopie sémantique détectée par la redondance. Ainsi,
519
l’isotopie est une « grille de lecture qui rend homogène la surface du texte » .
Dans notre posture de recherche fondée sur l’incertitude, nous postulons de la quiddité
du phénomène de peopolisation afin de pouvoir le reconnaître et composer notre corpus
d’investigation. Ce postulat nous amène à envisager trois classèmes comme révélateur de
notre objet. Cependant, nous restons dans l’incertitude quant à leurs mobilisations et à la
516
Gala 722, VSD 1540.
517
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit . p.335.
518
GROUPE D’ENTREVERNES, 1979, op. cit.p. 121.
519
GREIMAS & COURTES, 1993. op. cit. p. 199.

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manière dont ils sont mobilisés. Mais chaque classème, dans sa répétition et sa permanence
au sein d’un récit, établit une isotopie, c'est-à-dire une homogénéité. Ainsi, avant de voir
comment l’hétérogénéité s’organise et construit le phénomène de peopolisation, nous nous
intéressons à l’homogénéité que chacun de ces espaces signifiants peut apporter, c’est-à-
dire la possibilité que chacun a de réfréner une incertitude anarchique des figures. Chacun
des mondes, comme isotopie sémantique, dresse une sorte de plan homogène (= isotopie)
possible, établissant un sens particulier à l’intérieur du récit : c’est sous cette acception que
nous isolons chacun des lexèmes de notre corpus afin de concevoir leurs différents parcours
sémémiques et donc de les catégoriser dans chacun des mondes retenus.

IV. 1. 2. Le répertoire : un portrait de notre corpus.


Nous avons cité et exploré l’ouvrage De la Justification. Les économies de la grandeurs
à maintes reprises. Il est intéressant de noter que cet ouvrage est paru, dans une première
version, sous le titre Les économies de la grandeur dans Les Cahiers du Centre
520
d’Etudes de l’Emploi . La deuxième version que nous mobilisons a effacé un élément
pertinent pour notre étude : les annexes. Ces annexes dressent six répertoires de nature
construit à partir des ouvrages de référence sur lesquels a été basée la typologie des six
521
mondes . Ces annexes sont particulièrement utiles car elles relèvent d’un de nos objectifs
empiriques : isoler les termes issus de notre corpus pour établir un répertoire révélant les
trois mondes de notre étude comme espace de signification.

IV.1.2.1. La construction d’un répertoire.


Le logiciel Lexico est un outil de statistiques textuelles grâce auquel nous pouvons isoler
chacun des termes présents dans notre corpus. Nous sélectionnons le corpus principal
et un corpus secondaire constitué des portraits des candidats dans la presse quotidienne
nationale. Deux raisons justifient cette sélection. Les autres corpus, constitués de récits
à propos d’un évènement, se focalisent sur certaines actions narrativisées ; ils déploient
alors des figures sémiques dont la sur-représentabilité influence les termes trouvés. Or nous
souhaitons obtenir un ensemble de termes le plus vaste possible sans que l’hétérogénéité
ne soit contrainte. La seconde constitue un critère de faisabilité. La presse quotidienne
nationale est archivée par des bases de données, telles que Factiva ou Europresse , il est
alors facile d’obtenir les articles en version .txt, format compatible avec le logiciel Lexico . A
l’inverse, la presse people, comme genre peu légitime dans l’espace scientifique ou l’espace
522
public français, n’est trouvable qu’en version papier ou version image . Afin de pouvoir
exporter les récits issus de la presse people dans le logiciel Lexico , nous avons numérisé
chacun des titres, puis utilisé un logiciel de reconnaissance textuelle afin de convertir ces
images en version texte. Pourtant, la structure éclatée et le nombre important d’images,
constituant souvent le fond de l’énoncé, ont rendu le travail difficile, souvent impossible,

520
BOLTANSKI, L. & THEVENOT, L., « Les Economies de la grandeur », Cahiers du centre d’études de l’emploi , 31, Paris :
PUF, 1987.
521
Ibid., p. 295-353.
522
Le site relay.fr permet d’acheter cette presse en format numérique, lisible uniquement à partir d’un logiciel de messagerie presse-
livre. Ce logiciel protège le document : l’impression et la capture d’image sont les seuls moyens de transfert ou de transformation
du document.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

523
nous obligeant à retaper les textes . Cette opérationnalisation du corpus concerne notre
corpus principal de presse people composé de 71 numéros différents et 96 articles, tous
titres confondus. Ces articles souvent de plusieurs pages déploient ainsi notre corpus
principal sur 377 pages de presse people. Cette opérationnalisation concerne, par ailleurs,
524
les portraits de la presse quotidienne nationale .
525
Nous obtenons ainsi 388 pages de texte . Chacun des récits est séparé des autres
526
à partir de deux critères : titre de presse et numéro . Par ailleurs, le logiciel Lexico
différenciant un même terme selon s’il est écrit avec une majuscule ou pas, nous avons
supprimé toutes les majuscules. L’importation des récits sous ce format dans le logiciel
Lexico nous amena, par la suite, à identifier les délimitateurs permettant de séparer les
527
termes entre eux .

.,:;!?/_-\"'’()[]{}§$%

Le logiciel nous a proposé 15287 formes différentes dans lesquelles nous avons
supprimé tous les chiffres, délimitateurs et critères d’identification (date, titre, numéro).
Nous obtenons, alors 14825 formes différentes. Le logiciel permet de retrouver le contexte
de chacune des occurrences de chacune de ces formes, comme le montre cette capture
d’écran où apparait le contexte des occurrences des formes : famille, familles, familiales,
528
familial, familiale , c'est-à-dire toutes les phrases de notre corpus où apparaissent ce terme
et ses dérivés.

523
Cela était toujours le cas, lorsque le fond de l’énoncé n’était pas de couleur claire et unie, ce qui est très courant dans la mise
en page de la presse people.
524
Les portraits s’étendent sur 70 pages en version txt. La liste des articles, classés selon les corpus, figure en Annexes. A.
525
En version .txt, soit sans mise en forme et en « Courrier new » caractère 10. Précisons, par ailleurs, que toutes les
légendes des photos ont été prises en compte.
526
Pour la presse quotidienne nationale, le numéro correspond à la date de parution sous forme « 070425 » (pour le 25
avril 2007).
527
L’espace fait partie des délimitateurs, nous le soulignons ici, celui-ci ne pouvant être représenté sous une forme de caractère.
528
Ces contextes peuvent être regroupés selon les titres ou les numéros. Si, plus tard, nous utiliserons cette option pour
vérifier des hypothèses empiriques quant à certains titres, cette possibilité de regroupement n’a ici pas de pertinence.

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Figure 21 : Exemple de mise en contexte des formes dans le logiciel Lexico .


Nous observons le contexte de chacune des formes trouvées dans notre corpus pour
voir si cette forme est prise dans une base classématique révélatrice de la quiddité de notre
objet d’étude. L’identification à partir de ces trois bases classématiques n’est pas valable
pour tous les termes ou formes trouvées dans notre corpus. Nous ne sélectionnons que
ceux qui relèvent de la nature d’un monde ou d’un mélange entre les mondes. L’effacement
de certains termes peut ainsi relever d’une neutralité par rapport à notre intérêt ou d’une
faible manifestation dans le corpus qui empêche leur classification. Une telle observation
permet ainsi la construction d’un répertoire au prisme des trois mondes. Ce répertoire,
529
figurant en annexes , est constitué de 1130 groupes de formes. Notre intérêt est moins de
considérer la définition des termes que leur manifestation dans les récits de notre corpus.
L’identification de la base classématique des termes n’est valable qu’au creux des récits
observés, à partir du contexte de mise en discours. Ainsi, certaines classifications peuvent
apparaître surprenantes si l’on considère le terme détaché de tout contexte, mais c’est leur
manifestation dans notre corpus qui autorise l’appartenance identifiée. C’est le cas des
couleurs qui sont moins saisies comme telles que comme des symboles d’un parti politique,
530
impliquant alors leur qualification à partir de la base classématique /monde civique/ .
Le répertoire ainsi élaboré est proposé sous la forme d’un dictionnaire ; les termes
étant classés par ordre alphabétique. A côté du terme se trouve un code permettant de
considérer sa classification, puis suivent alors un ou plusieurs exemples de manifestation
de ce terme dans

529
Voir Annexes. B. 1. « Répertoire des mondes»
530
C’est aussi le cas du terme « gommer », comme nous le verrons dans les prochaines pages.

144

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

[Figure 22 : Exemple d'un terme de plusieurs natures.]


notre corpus. Dans le répertoire, nous ne listons pas toutes les formes possibles du
terme et nous regroupons généralement ses différentes formes : son féminin ou masculin,
son pluriel, son adjectif, son verbe, son participe passé, son adverbe, etc. En effet, les
dérivés d’un terme suivent majoritairement la même logique de manifestation. Pourtant,
cette majorité n’en fait pas une généralité. L’exemple du terme « famille » tient dans
l’identification de deux bases classématique : c’est le cas aussi pour son pluriel. Mais lorsque
nous considérons son adjectif « familial » et ses dérivés, nous observons que celui-ci n’est
jamais signifié à partir de la base classématique du /monde civique/. La forme « familial »
se distingue donc de celle de « famille » en ne révélant qu’une seule nature, à l’inverse de
la seconde. Ces deux formes sont donc différenciées dans notre répertoire.

IV.1.2.2. Les termes simples.


Ainsi, trois isotopies (/monde domestique/, /monde civique/ et /monde de l’opinion/)
focalisent notre regard et notre analyse des termes issus de notre corpus. Le codage que
531
nous utilisons dans notre répertoire est repris, pour une large part, à Boltanski et Thévenot
et mérite une explicitation pour permettre sa lecture.
Nous attribuons, à chacune des isotopies, un chiffre.

1 = /Monde civique/ 2 = /
Monde de l’opinion/ 3 = /
Monde domestique/

Certains termes sont dit « simples ». Ils sont la conjonction d’une base classématique
et d’une figure nucléaire. L’analyse revient à saisir le monde dans lequel le terme est pris :
aucune tension entre les mondes n’est comprise au creux de ce terme.

531
BOLTANSKI & THEVENOT, 1987, op. cit., p. 295-353.

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[Figure 23 : Exemple d'un terme simple]


Un seul chiffre à la suite d’un terme montre que celui-ci n’est mobilisé qu’à partir
d’une des trois bases classématiques qui nous intéressent, le chiffre identifiant la base
classématique sur laquelle repose le terme. Dans l’exemple ci-contre, le terme « fashion »
révèle la nature du monde de l’opinion et d’aucun autre monde. Seul le chiffre 2 est accolé
à ce terme.
D’autres termes sont complexes, c’est-à-dire pris dans une pluralité de mondes. Notre
posture tournée vers le mouvement plutôt que les espaces oblige à ne pas simplement
considérer cette pluralité comme une cohabitation ambiguë : l’analyse s’intéresse alors à
l’identification des mouvements au cœur même des termes, à partir de leur contexte de
discursivisation.
« Loin que ce soit l’être qui illustre la relation, c’est la relation qui illumine
532
l’être. »
Trois types de complexité apparaissent. La première consiste moins en une tension entre les
mondes qu’une ambiguïté. Certains termes sont soumis à différentes définitions, révélant
différentes bases classématiques, mais sans que ces bases ne se confrontent. La virgule
entre deux chiffres signifie l’ambiguïté de l’être ou de la relation qui peuvent être commune
à plusieurs mondes. C’est le cas de l’exemple « famille » utilisé précédemment. On l’a vu,
deux bases classématiques différentes émergent de notre corpus pour signifier ce « groupe
de personne ayant des traits commun », composé des sèmes nucléaires : /relationnel/
+ /ressemblance/. La base classématique du /monde domestique/ permet de considérer
la famille biologique et maritale, tandis que celle du /monde civique/, la famille politique.
Ce terme apparaît dans notre répertoire avec les chiffres du monde civique et du monde
domestique séparés par une virgule. Le /monde domestique/ et le /monde civique/ tiennent
tous deux ce terme à partir d’une double manifestation, mais ces deux mondes ne se
rencontrent pas au sein même d’une occurrence du terme. Il y a pluralité mais il n’y a
pas mouvement : nous classons alors ce type de terme dans les termes dits simples : la
complexité n’étant que de l’ordre de la pluralité.

IV.1.2.3. Le mouvement dans les termes.


Les autres termes révèlent, à l’inverse, une tension entre au moins deux mondes. Or « la
533
tension entre plusieurs mondes est ce qui caractérise les situations critiques » .
Cette tension peut être résolue par une forme de compromis ou conservée dans une forme
de dénonciation. Il y a donc du mouvement au creux de ces termes, que celui-ci investisse
une critique maintenue ou une critique apaisée. L’identification du mouvement consiste à
532
BACHELARD, G., Le nouvel esprit scientifique , Paris : PUF, 1958, p. 144.
533
NACHI, 2006, op. cit. p. 147.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

repérer quel monde est l’objet de la critique et quel monde est celui qui dénonce la validité
de l’épreuve, de l’objet ou de l’état des êtres ou entre quels mondes un équilibre a été trouvé
pour former un accord autour de l’hétérogénéité.

[Figure 24 : Exemple d'un termedénonciation]


Le premier mouvement consiste en une dénonciation. La cohabitation d’au moins deux
mondes au sein d’un terme crée une situation critique par rapport au principe supérieur
commun d’un des mondes concernés. Cette situation critique nie le principe sur lequel
repose l’un des mondes suite à « la présence, dans la situation (…), d’êtres ne relevant
534
pas du monde dans lequel l’épreuve doit être agencée pour être valable » . La barre
oblique entre deux chiffres marque, ainsi, une dénonciation entre deux mondes. Le terme
« connivence » est soumis à cette relation entre deux mondes. En effet, celui-ci est
manifesté, dans nos récits, comme une situation critique fondée sur une relation du monde
domestique dans le monde civique. Le premier chiffre indique le monde qui est dénoncé – ici,
le monde domestique –, le second (après la barre oblique) celui d’où émerge la dénonciation
– le monde civique –. Le rejet du particularisme du monde civique est suspendu dans le
terme « connivence » par le dévoilement de lien de dépendances personnelles, niant le
mode d’évaluation des êtres du monde civique fondé sur l’intérêt général.
Pourtant, certaines situations critiques peuvent trouver un accord : le différend est
535
alors suspendu . C’est la figure du compromis comme « principe capable de rendre
compatibles des jugements s’appuyant sur des objets relevant de mondes différents.
Il vise un bien commun qui dépasserait les deux formes de grandeur confrontées en
536
les comprenant toutes les deux » .

[Figure 25 : Exemple d'un termecompromis.]


Le tiret entre deux chiffres indique la forme de compromis entre les mondes désignés.
C’est le cas du terme « écharpe ». En effet, celui-ci est toujours mobilisé comme le signe
534
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 267.
535
Nous reviendrons sur la figure du compromis en conclusion. Pour l’instant, cette définition, convient à notre propos.
536
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 338.

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ostentatoire d’un statut institutionnel : c’est l’écharpe du maire. Ainsi, l’écharpe est un objet
de communication qui instaure la visibilité et appelle à la reconnaissance : nous sommes
alors dans le monde de l’opinion. Mais, par ailleurs, le signifié de cet objet de communication
renvoie au monde civique et au statut de celui qui porte l’écharpe. Le terme n’a donc
pas deux significations dépendant de deux bases classématiques différentes, mais un seul
signifié pris dans un compromis entre les deux bases classématiques. Le terme se manifeste
comme un compromis entre monde civique et monde de l’opinion.
Enfin, dans notre corpus, nous trouvons plusieurs chiffres séparés par des signes
différents, ce qui renvoie à des mouvements complexes, dénonciation d’un compromis,
dénonciation au nom d’un compromis, etc.

Dénonciation au nom d’un compromis = 1-(2/3) Dénonciation


d’un compromis = (1-2)/3 Compromis à partir d’une dénonciation
= (1/2)-3 Compromis à partir d’un autre compromis = 1-(2-3)
Dénonciation par ou d’une autre dénonciation = 1/(2/3) ou (1/2)/3

[Figure 26 : Exemple d'un termecomplexe]


Observons le terme « gommer » qui est un exemple d’un mouvement complexe. Celui-ci
apparaît, dans notre corpus, pour désigner la disjonction d’une disjonction avec la visibilité.
Ce mouvement contient un autre terme de notre répertoire, celui de « carrière » ou de
537
« trajectoire » . « Gommer » consiste en la disjonction entre un évènement particulier
dans le parcours d’un candidat et la visibilité. Or cet évènement particulier relève d’une
dénonciation du monde domestique depuis le monde civique ; il décrit un dispositif qui
concevrait un parcours individuel et particulier d’un représentant de parti et dénonce alors
le particularisme du monde domestique dans le monde civique où celui-ci n’a pas sa place.
Cet exemple souligne bien, en outre, le rapport étroit de notre répertoire à notre
corpus. Si le terme « gommer » peut revêtir bien d’autres significations et dévoiler d’autres
mouvements à priori, il n’est utilisé, dans notre corpus, que dans le mouvement identifié.
Enfin, cette suite de chiffres et de signes peut aussi révéler plusieurs natures ou
relations, la virgule servant alors à séparer une dénonciation d’un compromis ou d’une seule
nature. La virgule est révélatrice de multiples manifestations dans notre corpus, soit relative
à une synonymie, soit à des détournements des termes.
Ce répertoire est finalement l’occasion d’identifier la nature des mondes mais aussi
ce qui est en jeu dans le mélange des mondes. Ainsi, en plus de dresser un portrait
sémantique, à la croisée des mondes, de notre corpus, il illustre notre posture focalisée sur
le mouvement, construisant des univers sémantiques dans leur rapport les uns aux autres.
Mais, plus encore, une fois les différents mouvements et natures contenus dans les termes
537
Nous reviendrons, en détail, sur ces figures sémique dans les prochaines pages.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

appréhendés, le repérage de ces termes complexes permet celui des figures sémiques,
prises justement dans des dénonciations et des compromis. La focale de notre observation
est, une fois encore, déplacée. Dans notre corpus, la plupart des termes complexes peuvent
être regroupés en fonction de la figure sémique dont ils dépendent. Comprenons, le
mouvement tel qu’il est identifié dans notre étude, repose sur trois bases classématiques qui
se confrontent ou s’arrangent. Pourtant, la base classématique ne peut se concevoir sans
la figure sémique du terme, sans son invariable. Le repérage de ces invariables indiquent
que quatre figures sémiques dans notre recherche sont majoritairement soumise à un
mouvement de leur bases classématiques : l’incarnation, la communication, le relationnel
et celles transversales et relatives à la question de l’actualité. Ces quatre figures sémiques
dévoilent des objets, des qualifications et des épreuves, qui empêchent un être de rester
dans un monde ou d’ « être à son affaire », c'est-à-dire être dans une situation sans
être distrait. Ces quatre figures sémiques révèlent une tension entre les mondes et vont
occuper désormais notre propos.

IV. 2. Termes complexes : la confusion des mondes


Le répertoire élaboré dans l’isolement de chacun des termes de notre corpus se fonde sur
trois isotopies sémantiques, conçues à partir de l’élucidation de la base classématique des
termes. Certains termes ne sont pas attribuables à un seul monde mais construits dans
leur multitude ou leur tension : ce sont les termes complexes. La complexité d’un terme
est de deux types : soit elle révèle un mouvement au sein de celui-ci rendant compte de
figure de compromis ou de dénonciation, soit elle révèle différentes définitions du terme
dépendant de la base classématique dans lequel il est installé. D’un côté, nous avons des
termes-transaction, de l’autre, nous trouvons des termes-mosaïque. L’observation de ces
deux types de termes permet alors de saisir la confusion des mondes et de découvrir des
thèmes et des figures, opérateurs de conjonction ou de disjonction entre les mondes eux-
mêmes.
Ce répertoire est un « point de passage » dans notre méthode ; il découvre des variables
du mélange et du caractère hybride des mondes, des variables qui permettront, dans les
prochains chapitres, de comprendre comment la campagne présidentielle et ses êtres de
papier sont narrativisés dans le genre people. Enfin, ces variables dévoileront des points
de divergences entre les titres et les identités médiatiques des candidats. Ainsi, parce que
les résultats de ce chapitre seront réinvestis dans les prochains comme des axiomes pour
notre analyse narrative, nous les évoquons, ici, sans véritablement les investir dans notre
objet d’étude.

IV. 2. 1. L’/incarnation/ des êtres de papier à la croisée des mondes.


L’isotopie de l’incarnation est la première variable révélée par les termes complexes. Elle
est ce qui permet l’identification des êtres et renvoie à la question du corps. Chacun des
trois mondes définit l’incarnation de ces êtres en fonction d’un principe supérieur commun.
Dans le monde domestique, la question de la génération, de la tradition et de la hiérarchie,
distingue les êtres entre eux. L’âge, le sexe, la place dans la famille et l’appréciation, par
les grands de ce monde, au regard du respect de la tradition, organisent les êtres dans un
rapport de grandeur : la grandeur est relationnelle.

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538
[Figure 27 : L'incarnation dans le monde domestique ]
Ainsi, quand Ségolène Royal est installée dans un programme narratif comme la mère
de quatre enfants, c’est son être du monde domestique qui est manifesté, effaçant son être
du monde civique ou du monde de l’opinion. Ces figures se construisent à la fois en fonction
des autres êtres en présence dans les récits, construisant la grandeur relationnelle, mais
aussi à partir de cérémonies typiques du monde domestique, que l’on retrouve dans notre
répertoire avec les termes « mariage », « séparation », « divorce », « union »,
« fiançailles », « naissance », « remariage » , « décès ».
Dans le monde civique, les êtres sont incarnés comme représentant d’un collectif,
la manifestation d’une telle incarnation passe donc par le statut de l’être énoncé ou
par son appartenance à un collectif. Le « frontiste » est désigné, par exemple, par son
adhésion au Front National. C’est le caractère collectif qui prime, la singularité ne peut
539
exister qu’idéellement dans la représentativité. « Un magistrat n’a pas de corps » :
le monde civique est donc basé sur le mode de la représentation au sens symbolique.
Le corps, entendu comme partie matérielle d’un être animé, n’existe pas. C’est l’espace
d’indistinction des sujets. Seule l’énonciation par le statut ou le collectif permet cette
incarnation représentative, comme si seuls comptaient la fonction, le parti représenté
et l’adhésion des citoyens. L’incarnation du monde civique prend aussi en compte les
catégories socioprofessionnelles des citoyens, souvent mobilisé, dans le monde civique,
comme un segment de la population, un segment de l’électorat, découvrant des groupes
homogènes pour les prévisions de vote et les attentes.
L’incarnation, dans ce monde, n’est manifestée que par des descriptions définies ou
accidentelles, pour reprendre la terminologie de Russel et de Kripke. Ces termes servent

538
Tous ces termes sont issus du répertoire élaboré à partir de notre corpus.
539
BOLTANSKI & THEVENOT, 1987, op. cit., p. 295-353.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

à représenter un individu ou un objet à partir de propriétés collectives mais ne peuvent


540
désigner ce même individu ou objet de manière permanente ou invariante .

541
[Figure 28 : L'incarnation dans le monde civique ]
La mise en abîme du monde de l’opinion questionne la possibilité d’une manifestation
pure du monde civique. La mise en visibilité des êtres qui incarnent ces fonctions est
inhérente aux lieux de production de nos récits. Elle les installe dans un processus de
reconnaissance au creux du mouvement d’intertextualité et des déictiques. Par ailleurs, le
genre people, objet de nos analyses, se fonde sur une logique autopoïétique de la visibilité et
de la célébrité. Ainsi, rares sont les désignations uniquement prises dans le monde civique.
Elles sont souvent accolées à un nom propre, soit directement, soit dans un mouvement
syntagmatique. Or le nom est une identité particulière qui distingue les individus entre eux,
les projetant hors du monde civique.
« Un nom propre fonctionne comme désignateur rigide, précisément en ce qu’il
n’est pas réductible à un ensemble quelconque de descriptions définies qui le
542
caractérisent. »
Peut-on s’autoriser pour autant à considérer la cohabitation d’un nom et d’une fonction
politique comme une forme de compromis entre monde civique et monde de l’opinion ?
« Elle s’est ensuite rendue en Israël afin de s’entretenir avec le premier ministre
543
Ehoud Olmert»
Cet énoncé décrit un dispositif d’êtres et d’objets pris dans le monde civique et qui ne semble
pas souffrir de tensions avec un autre monde. Pourtant, le nom propre du premier ministre
est énoncé. Dans quelle mesure la personnification de la fonction peut-elle restée dans le
monde civique ? C’est l’ouvrage de Kantorowicz qui permet une réponse. Cet auteur étudie
la fiction des « Deux Corps du Roi » dans une trame complexe de théologie politique à
l’époque médiéviste. Sans ignorer le travail d’historien de cette œuvre, nous ne retenons
que les principes qu’il décèle à propos de la double incarnation du roi. Selon Kantorowicz,
540
Cf. Chap. III.3.2.1.
541
Tous ces termes sont issus du répertoire élaboré à partir de notre corpus.
542
MOLINO, J., « Le nom propre dans la langue », Langages, 16-66, 1982, p. 14.
543
VSD 1528

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le roi possèderait deux corps : un naturel et mortel, l’autre immortel, surnaturel, incarnant
le royaume et le peuple. Le roi ne serait que « la juxtaposition étrange d’un corps en
544
décomposition et d’une dignité immortelle » .
« Son corps naturel, considéré en lui-même est un corps mortel, sujet à toutes
les infirmités qui surviennent par Nature ou Accident, à la faiblesse de l’enfance
ou de la vieillesse, et aux déficiences semblables à celle qui arrivent aux corps
naturels des autres genres. Mais son corps politique est un Corps qui ne peut-
être vu ni touché, consistant en une société politique et un gouvernement, et
constitué pour la direction du peuple et la gestion du bien public, et ce corps est
entièrement dépourvu d’enfance, de vieillesse et de toutes les autres faiblesses
545
et défauts naturels auxquels est exposé le Corps naturel. »
De cette distinction émerge celle produite, dans notre étude, entre monde domestique et
monde civique, imposant alors de considérer le roi à partir d’une « contradiction entre
546
le caractère transitoire de la chair » et de la génération, telle qu’elle s’impose dans
le monde domestique, et « la splendeur immortelle d’une dignité que cette chair est
547
censée représentée » , renvoyant, ici, à l’espace d’indistinction qu’est le monde civique.
Mais à cela, nous ajoutons une troisième voie, issue du travail de Louis Marin sur la
représentation, c’est-à-dire le portrait du roi.
« Le portrait imite le roi comme le roi imite le portrait et dans ce jeu de double
imitation, finalement, le réel a disparu (…) Le roi n'est qu'un portrait, mais c'est
un portrait qui fait croire. C'est là le fondement parfaitement arbitraire de la
548
légitimité royale. »
Selon Marin, il y aurait un « corps sacramentel sémiotique » qui permettrait l’échange
entre le corps politique et le corps physique.
« Représentation et pouvoir sont de même nature. Que dit-on lorsque l’on dit
pouvoir ? Pouvoir, c’est d’abord être en état d’exercer une action sur quelque
chose ou quelqu’un ; non pas agir ou faire, mais en avoir la puissance, avoir
cette force de faire ou d’agir. Puissance, le pouvoir est également et de surcroît
valorisation de cette puissance comme contrainte obligatoire, génératrice de
devoirs comme loi. En ce sens, pouvoir, c’est instituer comme loi la puissance
elle-même conçue comme possibilité et capacité de force. Et c’est ici que la
représentation joue son rôle en ce qu’elle est à la fois le moyen de la puissance
et sa fondation. Le dispositif représentatif opère la transformation de la force en
puissance, de la force en pouvoir, et cela deux fois, d’une part en modalisant la
force en puissance et d’autre part en valorisant la puissance en état légitime et
549
obligatoire, en la justifiant. »
544
KANTOROWICZ, E., Les deux corps du roi [ed. originale 1957], Paris : Gallimard, 1989, p. 314.
545
Ibid. p. 21.
546
Ibid . p. 313.
547
Ibid . p. 313.
548
CAZENAVE, J. & MARIN, L., « Imaginaire et pouvoir », LE GOFF & al. (dir.), Histoire et Imaginaire , Paris : Ed. Poiesis,
1986, p. 44.
549
MARIN, L., Le portrait du roi, Paris : Ed. Minuit, 1981, p. 11.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

Les images, qu’elles soient écrites ou figuratives, sont des signes de la réalité royale.
« La représentation comme pouvoir, le pouvoir comme représentation sont l’un
et l’autre un sacrement dans l’image et un « monument » dans le langage, où,
échangeant leurs effets, le regard ébloui et la lecture admirative consomment
le corps éclatant du monarque, l’un en récitant son histoire dans son portrait,
l’autre en contemplant une de ses perfections dans le récit qui en éternise la
550
manifestation. »
Ainsi, selon la logique de Kantorowicz et de Marin, le roi est une image, ou plutôt la
réunion de deux images, l’image d’un corps naturel et l’image d’un corps politique. C’est au
cœur de la contradiction de ces corps que notre propos sur l’incarnation s’inscrit puisque,
551
en son sein « s’est caché un problème de continuité » . Cette continuité est repérable,
dans notre répertoire, au travers des termes « actuel », « ancien », « successeur » et
« prédécesseur ». Ces termes sont issus à la fois du monde domestique, avec son intérêt
particulier à la génération, et du monde civique, en insistant sur le caractère éphémère
des personnes et sur la persistance des offices. Dans notre étude, le répertoire permet
de distinguer des qualifications de chacun de ces corps, mais nous ne pouvons ignorer
qu’ils sont justement des mots manifestés dans des portraits du roi, ou plutôt des candidats,
à la fois, être domestique, être renommé et être politique. Le portrait médiatique unifie la
personne, amplifiant la confusion entre l’office (corps politique) et son titulaire.
A l’incarnation domestique fondée sur la place dans la famille, entre autres, à partir
de l’âge et du sexe et de l’état relationnel en contexte de l’être de papier et à celle du
corps idéel de représentation construite sur le collectif et l’adhésion, s’ajoute celle du
monde de l’opinion, à partir de la reconnaissance. Les grands sont les reconnus, les petits,
ceux qui reconnaissent. Un troisième type d’êtres cohabite dans le monde de l’opinion :
ils sont ceux qui permettent la reconnaissance : les magistrats chargés de faire valoir la
notoriété. Dans notre corpus, ce sont les « chroniqueurs », « journalistes », « observateurs »,
« photographes », les « publicitaires », les « reporters » mais aussi les « médias », la
« radio », la « télévision », les « hebdomadaires », « magazines », etc. Si nous avons
ignoré, dans le répertoire tous les noms propres, nous ne pouvons ignorer que ceux-ci
sont des termes révélateurs de la nature du monde de l’opinion, installant l’être désigné
dans un rapport à la visibilité et à la reconnaissance. Le nom propre est donc le premier
terme permettant l’incarnation dans le monde de l’opinion. Et pourtant, si l’absence de
tout autre renseignement sur cette incarnation installe la reconnaissance de manière forte,
552
comme si seul le nom suffisait à la re-nommée , sa présence, au milieu d’objets du monde
domestique ou civique, n’oblige pas son déplacement dans le monde de l’opinion : il ne peut
être qu’un signe de pouvoir. C’est donc l’observation du contexte discursif de l’incarnation
qui nous permettra de considérer si un mouvement vers le monde de l’opinion trouve
553
place .

550
Ibid, p. 13.
551
KANTOROWICZ, 1989, op. cit. p. 200.
552
Dans le précédent chapitre, cette question fut investie en profondeur, soulignant que la grandeur autopoiétique de ce monde
explose par l’effacement du patronyme, le prénom étant suffisant à la renommée.
553
Cette posture permet d’ailleurs de considérer les termes « mitterandien », « chiraquien » et « sarkozyste » comme des
termes fondés sur la base classématique /monde civique/.

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554
[Figure 29 : L'incarnation dans le monde de l'opinion ]
Cette séparation des incarnations est à l’origine de nombreux termes complexes qui
puisent leur ambiguïté dans l’illusion de l’unicité de soi, dans la recherche d’une cohérence
entre les différentes incarnations d’un personnage. Sans aller plus loin dans la réflexion, à
ce stade du propos, le parcours de l’ambition et de ses objets se révèle dans le mélange des
mondes, comme soumise à l’ambigüité d’incarnations multiples. Ainsi, nous repérons une
dénonciation du monde civique par le monde de l’opinion au travers des termes suivants.

Ambition, Ascension, Carrière, Autorité, CV, Propulser

Parallèlement, les métaphores guerrières ou sportives, qui servent à manifester


la campagne présidentielle et ses êtres, amplifient cette ambigüité de l’incarnation en
focalisant la compétence des gouvernants sur le corps physique et sur les aptitudes viriles,
sportives ou combattantes à faire et endurer la campagne, effaçant le corps idéel du
représentant du collectif. Certains termes sont mobilisés comme le compromis entre les
incarnations permettant à l’être de papier de passer d’une incarnation à l’autre tout en
maintenant l’illusion de son unicité. C’est le cas de « bottes », « endosser », « habit
», « masque » « stature » et bien sûr, « incarner » et l’expression « corps et âme ».
Ces termes contiennent le mouvement en permettant aux êtres de papiers de multiplier les
incarnations ou de passer de l’une à l’autre tout en fondant une procédure d’anaphorisation
invitant le destinataire du récit à reconnaître que c’est le même être manifesté dans cette
multitude d’incarnation. Le compromis est, donc, tenu, à la fois, dans l’énoncé-énoncé et
l’énonciation-énoncée.

IV. 2. 2. Quand les êtres de papier communiquent.


Dans le récit, deux types d’actants cohabitent, les actants de narration et les actants de
communication. Pourtant, les premiers peuvent être, par là même, débrayés dans un faire
de communication dont le récit rend compte. De nombreux termes relatifs au discours et à
la communication, dans son sens large, sont présents. Or, ces termes apparaissent souvent
comme pris dans un mélange des mondes révélant l’ambiguïté contenue par l’acte de porter
554
Tous ces termes sont issus du répertoire élaboré à partir de notre corpus.

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la parole des mondes tout en faisant porter la parole de ces mondes par des êtres issus de
ces mondes. La confusion de celui qui dit et qui fait dire révèle la confusion entre les espaces
significatifs de notre recherche, soumise à une mise en abîme du monde de l’opinion.
Les verbes de citations ou de communication semblent a priori contraints par le monde
de l’opinion ; celui-ci n’est plus seulement l’accès à la renommée des personnages, mais
aussi celui d’objets ou d’idées.
« A la racine du réel, il y a – il ne peut y avoir – que le verbe (non pas des faits
555
sous les mots, mais des mots sous les faits). »
Si nous reviendrons plus précisément sur le jeu des citations et des objets de celles-ci dans
le chapitre suivant, ici, nous nous intéressons à l’isotopie de la /communication/ comme
révélatrice des espaces dans lesquels sont installés les discours rapportés ou le faire du
discours. La plupart des termes fondés sur le principe de communication sont pris dans le
monde de l’opinion. C’est le cas des verbes suivants :

Afficher, annoncer, clamer, commenter, communiquer, convaincre, déclarer, démontrer,


dévoiler, diffuser, exhiber, exposer, influencer, manipuler, mentionner, montrer, persuader,
proclamer, révéler, signaler

Pourtant, d’autres verbes de communication sont construits dans notre corpus sur
plusieurs mondes. Les premiers sont révélateurs d’un compromis entre monde de l’opinion
556
et monde civique tenue par l’ambiguïté du terme « public » inhérente à ces deux mondes .
Les verbes de communication, soumis à l’ambition de « toucher l’opinion publique », c’est-à-
dire « l’enrôlement pour une cause dans le monde civique et la captation des regards
557
dans le monde de l’opinion » , sont donc le fruit d’un compromis.

Alerter, Appeler, Défendre, Dénoncer, Haranguer, Préconiser, Prêcher

Des objets ou des outils de communication contiennent ce même compromis entre


monde de l’opinion et monde civique.

Affiche, Appel, Meeting, Pamphlet, Polémique, Tract, Sondage, Pédagogie,

Mais le mélange de ces deux mondes peut être l’occasion, par ailleurs, d’une
dénonciation, quand la captation des regards du monde de l’opinion n’est plus utilisée pour
une juste cause.

Démagogie, Populisme, Propagande, Prosélytisme

Du côté du monde domestique, de nombreux termes pour signifier la communication


n’atteignent pas le monde de l’opinion, du moment où cette communication est confinée
dans une cercle restreint, limité et privé.

555
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 130.
556
Une ambiguïté à l’origine, par ailleurs, de notre déplacement de la dyade espace privé/espace public à la triade monde
domestique/monde de l’opinion/monde civique.
557
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 386.

155

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Anecdote, aparté, confidence, compliment, discussion (si restreinte), murmures, papoter,


secret.

A l’inverse, lorsque ces paroles privées sont publicisées et donc découvertes par tous,
font places des compromis établis sur la révélation consentie, et des dénonciations, fondées
sur la révélation provoquée.

Compromis Affleurer, Blog, officialiser, confession, percevoir, raconter,


témoigner Dénonciation du monde domestique par le monde de l’opinion
Caché, démasquer, décrypter, officieux, polichinelle Dénonciation du
monde de l’opinion par le monde domestique Cajolerie, indiscret, rumeur

Enfin, ce sont les termes d’Affaire et de Scandale qui se révèlent particulièrement


intéressants, au prisme de cette isotopie, dévoilant un mélange pris dans les trois mondes.
Le scandale tient de la révélation de liens entre des personnes, des relations confondues
tant dans le monde civique que le monde domestique. Le scandale consiste donc en la
dénonciation par le monde de l’opinion d’une dénonciation du monde domestique par le
monde civique : (3/1)/2. L’Affaire est sa continuité, elle prend forme au moment où les
dénonciateur sont détachés de l’objet de dénonciation, au moment où l’opinion publique
(ou ses porte-parole) devient elle-même la dénonciatrice. Nous comprenons que l’opinion
publique, comme compromis entre monde de l’opinion et monde civique (1-2), dénonce la
dénonciation du monde domestique par le monde civique (3/1). L’Affaire est donc formulable
comme (3/1)/(2-1). Si nous nous arrêtons là quant à ces deux termes et leurs mouvements,
l’analyse, dans le chapitre VII, des récits médiatiques à propos des rumeurs d’infidélités
entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, survenues en avril 2010, reviendra sur ces concepts
pour saisir l’itinéraire d’une rumeur devenue Affaire, découvrant alors les jeux entre ces
différents médiats au creux des espaces de signification de notre objet d’étude.

IV. 2. 3. L’isotopie du /relationnel/


Autre isotopie qui apparaît essentielle dans notre étude, l’isotopie du /relationnel/, qui
envisage les êtres dans leur dépendance et indépendance les uns aux autres. Ici, semble
s’imposer un axe heuristique pour notre analyse narrative : l’axe individu VS collectif.
Ce thème se déploie, dans le monde civique, en interrogeant la place de l’individu au
sein du collectif. Or, c’est l’adhésion à un collectif, la taille et l’importance de celui-ci qui fait
la grandeur des êtres : le monde civique se construit ainsi dans un rejet du particularisme.
Différents termes prouvent l’importance de l’appartenance au collectif et s’appuient sur des
dénonciations du monde domestique depuis le monde civique : autant de termes favorisant
l’individu au détriment du collectif.

Affranchir, Déchirer, Dissension, Dissidence, Divergence, Diviser, Indépendance,


Individualiste, Isoler, Retirer, Rivalité, Seul, Trahir

Mais cette même dénonciation peut revêtir une autre thématique : celle de la
composition du collectif.

Accointance, Adouber, Arrangement, Connivence, Népotisme, Parachuter, Propulser

156

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

Ici, le collectif n’est plus dénoncé comme un ensemble de particuliers niant l’intérêt
commun, mais par les liens domestiques qui unissent les membres du collectif, injectant le
collectif dans une forme de coalition déviante fondée sur le monde domestique. Le collectif
du monde civique se révèle par le collectif du monde domestique. Or si le terme de famille
se manifeste dans notre corpus selon ces deux natures, cette dernière dénonciation rejette
la confusion de ces deux familles en une seule, laissant les relations du monde domestique
dans celui-ci.

Adorer, Affection, Affinité, Aimer, Amabilité, Amitié, Amour, Apprécier, Attachement, Attendrir,
Attentif, Bienveillance, Câlins, Chérir, Confiance, Convivialité, Courtoisie, Dévouer, Embrasser,
Enfanter, Epauler, Eprouver, Fusionner, Humilier, Jalousie, Méfiance, Réconcilier, Renier,
Respecter

Certains termes apparaissent pourtant comme des compromis entre ces deux mondes
ou comme révélateur d’une double nature ou ambiguïté. La figure du « père spirituel »
ou du « mentor » renvoie précisément à cette compatibilité entre les deux mondes. De la
même manière, l’épreuve de collecte des 500 signatures pour être investi comme candidat
à l’élection présidentielle s’impose sémantiquement par le monde domestique avec la figure
du « parrainage ». Le monde domestique trouve alors un reflet dans le monde civique du
moment où il se crée sur une relation du monde domestique mais entre des êtres du monde
du monde civique. Par ailleurs, ces deux mondes se retrouvent dans leur rapport au temps
ou plutôt, à la persistance. L’univers analogique de la transmission se définit sur une double
nature entre ces deux mondes et ouvre des points de passage.
A l’inverse, on constate que les dénonciations entre monde civique et monde de
l’opinion sont plus rares. Dans l’ouvrage De la justification. Les économies de la
grandeur , aucune dénonciation depuis le monde domestique vers le monde civique,
n’est évoquée. Seule l’interdiction des sondages en période électorale est le résultat d’une
dénonciation depuis le monde civique vers le monde de l’opinion.
« L’opinion dans le monde du renom et dans le monde civique, diffère :
le suffrage qui, dans le monde civique, se sert de l’opinion d’individus
indépendants pour donner une expression de la volonté générale attachée au
collectif en tant que tel, s’oppose à l’opinion publique constituée comme la
558
convergence des adhésions de personnes soumises à l’influence des autres. »
Dans cette logique, nous retrouvons cette dénonciation, dans notre corpus, dans les termes
« Influencer », « Stratégie », « Gourou » et « Doctrine ». Cette dénonciation nous
renvoie vers la question du soutien. Celui-ci est pris dans le monde civique comme ce qui
rompt l’isolement par l’adhésion et le rassemblement tandis qu’il instaure l’harmonie au sein
du foyer et de la famille dans le monde domestique. Ces deux mondes se rejoignent sur le
rejet de l’égoïsme : le soutien y figure alors comme un aspect fondamental. Cependant, le
soutien, dans le monde de l’opinion, est l’évidence même de la grandeur. Il n’est pas pris en
compte comme fédérateur du collectif ou de la famille mais est ramené à l’intérêt particulier
des grands êtres. Ainsi, le soutien peut être, dans nos récits, à l’origine d’un compromis
si le monde de l’opinion est l’espace de l’épreuve. A l’inverse, il peut être l’occasion d’une
dénonciation quand il est un faire du monde domestique ou du monde civique, nous amenant
à le formuler comme : (1,3)-2 ou 2/(1,3), dans notre répertoire. Cette différence trouve, nous
le verrons, toute sa valeur dans la presse people qui déplace la grandeur des candidats

558
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 317.

157

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à l’élection présidentielle vers la célébrité, transformant alors une dénonciation a priori en


compromis.

IV. 2. 4. La question de l’actualité


Le concept d’actualité apparaît sous différentes acceptions dans notre étude et mérite un
intérêt particulier. L’actualité ne dit que rarement ce qui se cache en son sein et comment
la presse s’en saisit pour en faire son objet de discours. Il semble aller de soi que toute
information qui parait dans les médias relève de l’actualité. Le sens commun ne dit-il pas
que « regarder le journal télévisé » consiste à « regarder les actualités » ?
« Dans l'actualité, le rapport au temps est étrange puisque l'actualité est validée
pour la durée de vie de son support, et non par une quelconque référence à un
559
temps propre du monde vécu. »
Pourtant, l’actualité est produite dans un espace énoncif et énonciatif, entre un énonciateur
et son énonciataire et entre l’information et « l’horizon d’attente du même lecteur
560
» . Tétu nie le caractère extérieur de l’actualité, elle est produite dans le rapport entre
l’énonciateur et le lecteur, elle est liée à son support.
« L'actualité, donc, en somme, ne vise pas un temps particulier, mais une forme
de co-présence du journaliste et du lecteur-spectateur, à l'occasion de quelque
561
chose. »

[Figure 30 : L'actualité dans le corpus]


Dans notre corpus médiatique, le terme d’actualité n’apparait pas. En revanche, son
adjectif nous renvoie vers un terme qui relève de plusieurs natures : c’est un terme-
mosaïque pris, à la fois, dans le monde civique et le monde de l’opinion. Cet adjectif
revêt deux acceptions dans notre corpus et nous permet de saisir l’actualité de manière
particulière.

559
TETU, J-F., « L’actualité et l’impasse du temps », Sciences de l'information et de la communication, Textes essentiels,
Paris : Larousse, 1993, p.721.
560
Ibid, p. 720.
561
Ibid , p.721.

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

[Figure 31 : L'actualité de l'incarnation]


L’actualité de l’incarnation est une première variable. Elle est révélatrice du monde
civique à partir d’une incarnation éphémère d’une fonction. Cette incarnation est exogène au
discours du journal et renvoie à un univers analogique en rapport avec l’être dans sa relation
au pouvoir ou à l’autorité. Nous retrouvons, ici, notre propos sur les corps du roi. En effet,
cette conception de l’actualité caractérise les personnages de notre étude – les candidats à
l’élection présidentielle – et la logique personnifiée du genre people. Comme si, finalement,
l’actualité naissait dans la convergence du corps naturel du roi et de sa représentation dans
le portrait. Deux questions quant à la construction de l’actualité de notre corpus s’imposent :
est-ce la période de la campagne présidentielle ou sont-ce les récits sur les personnages qui
font l’actualité? L’actualité est-elle construite dans un rapport à l’évènement, à ce qui se
562
passe, ou aux personnages, déplaçant l’actualité de ce qui survient à ce qui est ?
La seconde manifestation de l’actualité au travers de son adjectif, nous renvoie vers un
mode de reconnaissance du monde de l’opinion. L’actualité, sous ce prisme, n’a rien à faire
de ce qui se passe mais se construit sur la logique autopoïétique de la célébrité dans le
monde de l’opinion. Ici, l’actualité n’a aucune mémoire ; elle a la fragilité de son éphémérité.
Cette seconde acception relève moins d’un présent que d’une période, une période qui n’a
aucune continuité avec celle qui la précède ou qui la suivra.
« Le monde de l’opinion accorde peu de prix à la mémoire. Il ne connaît même
pas cette forme de mémoire des épreuves passées que constitue la permanence
de l’argent au-delà du moment où il a été transféré dans l’épreuve. Les célébrités
563
peuvent être oubliées du jour au lendemain. »
Cette manifestation particulière de la thématique de l’actualité interroge le traitement
journalistique de la campagne présidentielle par la presse people, comme si elle se détachait
de l’actualité de ce qui se passe pour considérer l’actualité des personnages et des objets
de célébrité. Le répertoire, nous permet, ici, d’appréhender une relation singulière entre

562
Nous reprendrons ce questionnement dans le prochain chapitre en considérant deux manifestations de la campagne
présidentielle, dans notre corpus, comme contexte et comme période.
563
BOLTANSKI, L. & THEVENOT, L., 1991, op. cit. p. 223.

159

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les récits de la presse people et l’actualité ; relation qui sera examinée dans les chapitres
suivants.

[Figure 32 : L'actualité comme tendance]

IV. 2. 5. Des néologismes à la croisée des mondes


Face à cette considération sémantique de notre corpus, un questionnement quant à des
néologismes surgit à la fois dans l’épreuve de la méthode sémantique mais aussi autour
de notre réflexion sur l’hétérogénéité des êtres et des objets en présence dans la quiddité
de notre objet. Et si des néologismes politiques se révélaient à la croisée des mondes
et dévoilaient une consistance de la peopolisation? Nous quittons pour un temps notre
corpus de presse people et la période de la campagne présidentielle pour envisager
un dépassement à partir de termes produits autour de cette période. S’intéresser aux
néologismes qui ont émergé dans les médias est difficile car il est complexe de dresser
une liste exhaustive de ces termes. Mais, pour rester aux confins de notre réflexion, nous
choisissons de confronter cette question à des néologismes dits personnifiés, relatifs à une
personne. Parce que ce corpus est secondaire, nous faisons le choix de nous concentrer
exclusivement sur les néologismes concernant la personne qu’est Nicolas Sarkozy, pour
tenter de comprendre à quel aspect de son identité ils renvoient. Ici, la période de la
campagne présidentielle est dépassée; le personnage s’impose, donc, par son élection et
sa forte visibilité.
564
Pour trouver ces néologismes, nous nous sommes aidés du travail de Jean Véronis .
Ce chercheur a pu élaborer, à partir d’un outil qu’il a créé et du moteur de recherche Exalead
et de sa fonction « recherche par expression régulière » , une liste de 560 termes qui
apparaissent sur Internet avec le préfixe « Sarko ». Nous avons, ensuite, rentré chacun de
565
ces termes dans la base de données Factiva afin de voir ceux qui étaient utilisés dans
la presse écrite francophone. Nous avons sélectionné les néologismes qui apparaissaient
au moins dans trois titres de presse différents. Par ailleurs, nous avons éliminés différents
564
VERONIS, J., « Lexique : Sarkosyl et autres sarkotrucs », 2007,[en ligne : http://aixtal.blogspot.com/2007/ 09/ lexique-
sarkosyl-et-autres-sarkotrucs.html]
565
Base de presse nationale et internationale proposant l'accès aux articles de près de 10 000 sources (dépêches d'agence
de presse, journaux, magazines, transcriptions de chaînes de télévision) dans 22 langues en provenance de 118 pays : http://
global.factiva.com

160

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

566
termes, soit parce que ceux-ci n’avaient pas de rapport direct avec Nicolas Sarkozy , soit
567
parce qu’ils n’apparaissaient que dans le cadre de citations, directes ou indirectes , soit
568
parce qu’ils relevaient d’appellation . Enfin, nous avons fait le choix de ne pas retenir
les termes « sarkozysme » et « sarkozyste(s) », néologismes importants mais dont
l’analyse ne nous semblait pas pertinente dans le cadre de notre questionnement autour de
l’hétérogénéité des êtres et des objets. A cela, nous avons rajouté les termes rencontrés
dans nos autres corpus ou au travers de lectures diverses de la presse, dont tous concernent
Nicolas Sarkozy mais dont certains ne sont pas construits sur le préfixe « sarko- » tels que
« omniprésident » ou « président bling-bling » .
Au final, nous trouvons vingt néologismes et leurs dérivés (pluriel, adjectif, adverbe,
etc.). Nous allons désormais nous attacher à définir chacun de ces néologismes en
569
fonction des utilisations que les narrateurs de la presse écrite francophones en font .
Par ailleurs, en les définissant, nous catégoriserons les signifiés de ces termes selon
les isotopies sémantiques révélatrices de la quiddité du phénomène de peopolisation.
La plupart de ces néologismes sont polysémiques et révèlent un mélange de plusieurs
isotopies sémantiques. Tous les néologismes de ce corpus sont construits sur l’identité du
président de la République (ou du candidat à l’élection présidentielle ou du ministre de
l’Intérieur selon la période de mobilisation). Sans reprendre notre propos sur la place du
nom comme qualification de l’incarnation, nous partons du postulat que le préfixe « sarko- »
peut être soit issu du monde de l’opinion, soit une représentation du corps politique, sans
rapport au corps naturel du personnage, renvoyant alors à la base classématique /monde
civique/, comme il peut être l’image du corps naturel, sans rapport au corps politique que
ce corps naturel incarne.

[Tableau 6 : Catégorisation des néologismes]


566
Tels que « Sarkoth », personnage de science fiction ou « Sarkoïdose » , terme allemand pour désigner la maladie
« sarcoïdose »
567
Nous avons, par exemple, exclu le terme « sarkofan » car il n’apparaissait, dans la presse écrite, que dans le cadre
de citation directe de personnes se déclarant « sarkofan » ou le terme « s arkome » défini par le Progrès, le 20 mars 2009,
comme « la tumeur politique qui se développe aux dépens du tissu social » mais qui n’était mobilisé dans la presse que dans
des citations de slogans.
568
Nous avons éliminé, entre autres, les termes « Sarkophage » , nom d’un journal et d’un blogueur et « sarkostique » ,
nom d’un blog influent dans la blogosphère antisarkozyste.
569
Nous citerons alors certains exemples de la mobilisation de ces néologismes de la presse francophone. Ces citations sont
représentatives mais non exhaustives.

161

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La différence entre néologismes repose alors sur le mélange ou non des mondes entre
570
eux .
La première catégorie dévoile les néologismes pris exclusivement dans le monde
civique, elle révèle des termes qui restent en accord avec la cohérence et la grandeur de
ce monde. Ces néologismes manifestent alors Nicolas Sarkozy comme « à son affaire ».
Nous y retrouvons le terme d’ « hyperprésident » qui se dit d’un président qui agit sur
tous les fronts. C’est la version adulte et politique de l’enfant hyperactif. Parce que la
référence principale de ce terme est centrée sur l’action et parce que nous le différencions
des termes d’« égoprésident » et d’« omniprésident », nous plaçons ce néologisme
dans cette première catégorie qui concerne uniquement le /monde civique/. Le terme d’
« égoprésident » est une réponse au « je » omniprésent dans les discours du président ;
le « je » comme judicateur subjectif renvoie alors ce néologisme à la catégorie /monde
civique/ + /monde domestique/ et se construit sur la dénonciation du particularisme par le
monde civique. Le néologisme « omniprésident » se dit d’un président dont la visibilité est
exacerbée. En communication politique, si l’on distingue communication gouvernementale
et présidentielle, ce n’est plus le cas pour un « omniprésident ». Cette définition nous
oblige alors à la comprendre comme une dénonciation du /monde civique/ vers le /monde de
l’opinion/. Chacun de ces trois termes nous permet déjà d’appréhender trois des catégories
signifiantes pour l’étude des néologismes. A cela, nous verrons qu’une quatrième viendra
se juxtaposer : celle qui mélange non plus deux des trois mondes mais les trois. C’est le
cas du néologisme « sarkocratie » qui fut particulièrement mobilisé dans la presse en
2007 après l’élection de Nicolas Sarkozy et en 2009 lors de la polémique Jean Sarkozy/
EPAD. Ce terme revient à caractériser le gouvernement de l’ « omniprésident », un
accaparement de la quasi-totalité des médias, la manipulation de l'information et une
conception clanique et élitiste de la politique. C’est donc dans son rapport direct avec les
médias et la visibilité que nous plaçons ce terme dans l’isotopie /monde de l’opinion/. Mais
la conception clanique renvoie à une autorité traditionnelle et une légitimité subjective, ce
qui le place aussi dans celle du /monde domestique/. La figure est complexe. La relation
entre monde domestique et monde de l’opinion est équivoque, elle n’est pas le résultat d’un
compromis ou d’une dénonciation mais d’une cohabitation ambiguë. Ce terme se déploie
donc dans la dénonciation par le monde civique de chacun des deux autres mondes mais
aussi de leur cohabitation.
Le terme de « sarkoland » se révèle plus complexe car il est soumis à une utilisation
polysémique dans la presse francophone. En effet, il peut désigner trois types d’espace. La
première définition trouvée dans la presse renvoie ce terme à un espace géographique clos
et défini institutionnellement : les Hauts de Seine.
« Le « Sarkoland » est un pays où il fait bon vivre politiquement. Autrefois plus
connu des explorateurs, assez audacieux pour franchir le périphérique extérieur,
sous le nom de « Pasqualand », cet Ouest du haut d'en bas tire l'essentiel de
ses richesses de l'exploitation à ciel ouvert de millions de mètres carrés de
bureaux. Et il fait l'envie des conquérants du suffrage universel. Une légende, la
trébuchante légende des chiffres, attribuait à ce département un PIB comparable
à celui de la Belgique (…) Et voilà qu'en Sarkoland (…) le premier ministre et
le premier de ses ministres tenaient meeting. Un bon petit meeting des familles
UMP, sur l'air enchanteur de la réforme, des réformes, de la défense et illustration
570
Un répertoire des néologismes avec l’identification des espaces et des mouvements producteurs de ces termes se trouvent
à en Annexes. B. 2. « Répertoire des néologismes ».

162

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

des réformes et sauvetages divers entrepris par une majorité d'autant plus
héroïque que plus nombreuse. Normal ! Si eux ne défendaient pas la réforme, qui
571
le ferait ? »
Mais ce néologisme désigne, par là même, l’espace où Nicolas Sarkozy exerce son
omniprésence dans les médias et un système clanique et élitiste. Nous ne sommes plus
face à un espace géographique défini mais à un espace idéel.
« On a connu l'Etat-RPR, l'Etat-UMP, nous voilà aux portes du Sarkoland. Car ce
ne sont pas les beaux projets électoraux qui détermineront le pouvoir. C'est le
système que met en place le leader de la droite: un réseau d'amis, de notables,
de relais connectés entre eux, basés sur les coups de main croisés. Ainsi, le
Sarkoland domestique déjà les médias. » « "Les "Ch'tis", l'anti-Sarkoland, l'anti-
572
bling-bling" »
Pour ces deux définitions qui désignent finalement un espace géographique ou idéel où se
pratique la « sarkocratie », nous comprenons que ce terme doit être placé dans le mélange
des trois isotopies sémantiques. Pourtant, la dernière définition investit ce terme comme
573
l’espace où Nicolas Sarkozy est populaire , d’où sa présence aussi dans la catégorie /
monde civique/ et uniquement celle-ci. Le « sarkoland » est donc le lieu d’exercice de la
« sarkocratie ». Le « sarkoland » retrouve donc la même figure complexe.
A ces deux termes, vient s’ajouter un troisième qui rejoint leurs logiques
définitionnelles : la « sarkozie » révèle le réseau relationnel construit autour de Nicolas
Sarkozy. Ce réseau médiatique et politique est manifesté comme clanique par la presse
francophone, et rejoint donc la catégorisation des deux autres néologismes dans le mélange
des trois isotopies /monde domestique/, /monde civique/ et /monde de l’opinion/ mais
investit une nouvelle figure. La situation de compromis entre monde de l’opinion et monde
civique représentant ce réseau politique et médiatique dénonce le monde domestique par
la conception clanique du réseau.
« Hortefeux est resté dans son sillage : il en est le plus fidèle conseiller,
messager, confident et, surtout, le principal organisateur de ses réseaux, le
maître d'œuvre de la sarkozie. » « L'usage du prénom se répand (…) Voilà qui
prouve combien on est «cool», «copain», et combien on s'affranchit aisément des
marques de la hiérarchie et des différences de classe. En tout cas, ce nouveau
code est, pour le moment, réservé à la sarkozie. » « Avant que la Sarkozie,
président en tête, ne s'entiche de ce ministre qui connaît l'éducation nationale
comme sa poche. Deux galaxies situées à des années-lumière ont donc fusionné.
Erudition contre bling-bling, province tranquille contre Neuilly, politique à la papa
574
contre manières de bandit. »

571
Le Monde du 12/06/03.
572
L’Hebdo du 26/04/07, Libération du 31/12/08.
573
Par exemple, Le Parisien désigne, le 24 avril 2007, l’ensemble des régions où Sarkozy est arrivé en tête comme « Sarkoland ».
574
Le Monde du 02/10/2004, Le Figaro du 02/12/2004, Le Monde du 04/09/2008.

163

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Notre corpus comprend également vers les néologismes « sarkophobie » et « sarkophilie


575
» . Le premier désigne plus la crainte ou le rejet que la peur de Nicolas Sarkozy tandis
que le second désigne l’amour pour le président de la République.
« Le tabloïd allemand Bild, un brin sarkophobe » « Christian Jacob, chiraquien
peu suspect de sarkophilie aiguë » « La communauté juive de France est-elle
576
sarkophile ? »
Ces termes ne semblent pas renvoyer à d’autres mondes que celui du monde civique,
catégories dans laquelle nous les plaçons donc, contrairement aux néologismes «
sarkomania » et « sarkolatrie ». Le premier est construit sur le suffixe manie , du grec
mania : folie. C’est donc la folie qui règne autour de Nicolas Sarkozy. En 2002, uniquement
utilisé par Le Monde , ce néologisme désigne alors la folie de Sarkozy à vouloir devenir la
coqueluche des médias ; il est alors un premier symptôme de l’ « omniprésidence ». Mais
c’est en 2004 que le terme est repris par plusieurs titres francophones pour désigner la folie
non plus de Nicolas Sarkozy mais des citoyens ou des médias à son sujet. Ce néologisme
dévoile un phénomène collectif révélateur de la domination charismatique qui repose sur la
soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire
577
d’une personne selon Weber . On voit que le corps politique est effacé pour ne laisser
place qu’au monde de l’opinion et à la révélation du charisme d’une personne.
« La " sarkomania " enflamme les collectionneurs sur eBay. Des préservatifs
et tongs estampillés " UMP Nicolas Sarkozy " (de 3€ à 7€), des aquarelles et
gouaches à l'effigie du nouveau président (dont une peinture de Kiki Picasso
adjugée 310 €), des autographes certifiés " authentiques (…), etc. Des centaines
d'objets spéculant sur la popularité du nouveau président sont proposées sur le
site d'enchères eBay. » « La sarkomania commence: celui qui menait jusque-
là un parcours somme toute traditionnel réussit à quitter la classe politique pour
s'installer dans l'opinion publique. Les élus sont honnis, lui devient un people,
bientôt une star. » « La France est certainement la seule démocratie à connaître
une telle omniprésence médiatique de son chef d’Etat. Impossible d’échapper à
cette Sarkomania qui tourne au Sarkogavage des oies télé-hypnotisées. » « Les
Français vont chercher sur TV5 Monde de quoi échapper à la « sarkomania» qui
a envahi leur petit écran. » « Sursauté en découvrant le mannequin illustrant une
série de mode pour hommes dans le Madame Figaro du 13 octobre. Le fameux
« cheveux longs, idées courtes » n'a manifestement plus cours dans la bonne
bourgeoisie puisque le modèle arbore une chevelure longue et dorée, tel un sosie
de... Pierre et Jean, les fils aînés de qui vous savez ! Où va donc se nicher la
578
Sarkomania... »
Le second néologisme « sarkolatrie » construit sur le suffixe du latin latria , lui-même
du grec ancien λατρεία , latreia , révèle l’adoration pour Nicolas Sarkozy. Mais si la
« sarkomania » est le fait du public et des médias, la « sarkolatrie » est celle de
575
Comme pour la plupart des termes qui suivront, notre recherche sur Factiva comprend aussi leurs dérivés: ici, sarkophobes,
sarkophobe, sarkophiles, sarkophile .
576
Le Monde du 08/11/2008, Le Figaro du 20/09/2007, Libération du 10/04/2007.
577
WEBER, 1995, op. cit. p. 289.
578
Le Monde du 31/05/07, L’Express du 23/08/07, La tribune de Genève du 21/09/07 , Le Matin du 07/10/07, Stratégies
du 18/10/07

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

personnalités politiques ou médiatiques. Elle concerne un particulier contrairement à la


« sarkomania », phénomène collectif. L’idolâtrie consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu.
C’est l’opinion du petit, du fan, qui fait la grandeur de l’idole, de la vedette. Une fois encore,
ce néologisme tient dans le monde de l’opinion.
« Bernard Laporte est un « ministre sarkolâtre » » « Pascal Sevran est un
« chiraquien devenu sarkolâtre » « Nadine Morano est « sarkolâtre ou sarko-
579
barge » »
Dans la même acception, « sarkoverdose » désigne une dose excessive de médiatisation
de ce personnage. Aux côtés de ces trois termes révélés dans la pureté du monde de
l’opinion, se trouvent les termes « sarkoshow », et « président bling bling » qui
dévoilent un mélange du /monde civique/ et du /monde de l’opinion/. Le premier désigne la
spectacularisation de la communication de Nicolas Sarkozy et tient d’un compromis entre
monde civique et monde de l’opinion mis à jour par Boltanski et Thévenot : « cette visée de
compromis depuis le monde civique se remarque particulièrement dans le cas des
campagnes (dispositif commun au monde de l’opinion –campagne de presse – et au
monde civique – campagne électorale) où, pour créer un climat favorable à l’adhésion,
il est fait appel à des instruments étrangers au civisme, à des thèmes mobilisateurs
580
évalués au degré auquel ils sont accrocheurs et attirent l’attention » .
« Au bord de la Sarkoverdose ? Hier soir encore, le chef de l'Etat s'est invité en
581
prime time dans les JT des deux principales chaînes de télévision »
Enfin, « président bling-bling » est à différencier de « gauche caviar ». L’expression
« Bling bling », habituellement utilisée pour désigner l’attirail de bijoux brillants et
bruyants des rappeurs américains, concerne, depuis 2007, le président de la République
et est largement mobilisée dans la presse francophone avec les symboles de la Rolex,
des lunettes Ray Ban, soirées au Fouquet’s, vacances sur un yacht et photos dans les
magazines people. Le néologisme sert donc aux narrateurs des récits médiatiques à
dévoiler Nicolas Sarkozy et son entourage comme le reflet d’une France riche, assumée et
« tape à l’œil ». Le corps spectacle devient l’incarnation du politique et dévoile une figure
de dénonciation.
Dans notre tour d’horizon des néologismes construit à partir de l’identité médiatique
de Nicolas Sarkozy, nous trouvons ensuite « sarkozette », « sarkoboy » et
« sarkocompatible » pour qualifier des personnes dans leurs rapports au président de la
République. Le premier trouve sa place dans la première catégorie, c’est-à-dire uniquement
dans le monde civique, quand il désigne une mesure politique de Nicolas Sarkozy comme
le déblocage de l’épargne salariale en 2004 ou la prime à la casse en 2008. Mais, il sert
aussi largement à signifier les femmes politiques qui gravitent dans l’entourage de Nicolas
Sarkozy, néologisme qui fait alors référence à la beauté et au personnage de Cosette, dans
Les Misérables , des références autant aux /monde civique/, /monde de l’opinion/ et /monde
domestique/
« Toutes sont fines, intelligentes et - pour ne rien gâcher - des plus
photogéniques. Les journalistes de l'Hexagone, qui savent combien leur
président aime s'entourer de splendides créatures, les ont surnommées "les
sarkozettes". » « Si elle est plus sarkozette que Cosette, si elle possède la grâce
579
Libération du 23/01/08, Aujourd’hui en France du 10/05/08 , Aujourd’hui en France du 21/12/08.
580
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 391.
581
Libération du 21/09/07

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de ceux qui ont eu une enfance heureuse, Rama Yade vit encore comme une
blessure le fait d'être passée «de la condition d'expatriée à celle d'immigrée »
« Fadela Amara, l'ancienne élue socialiste, la liberté guidant les cités, tombée
de Cosette en Sarkozette. Fadela Amara, l'anti-communautariste, la franc-tireuse,
582
partie jouer les triplettes de Belleville avec Rachida Dati et Rama Yade. »
Le néologisme « sarkoboy », quant à lui, désigne un membre de l’équipe de Nicolas
Sarkozy. « Boy » désigne un jeune garçon en anglais mais en français désigne aussi un
serviteur ou un domestique. Dans tous les cas que la référence soit celle de l’enfant ou du
serviteur, ces références sont en lien avec l’autorité traditionnelle du monde domestique,
que l’on retrouve dans la composition de ce groupe fait d’amis, de frères ou de fidèles.
« Parce que c'était lui, parce que c'était eux, les sarkoboys ne ressemblent pas
aux scouts habituels de l'UMP » « À 43 ans, l'ex-conseiller parlementaire de
Nicolas Sarkozy entre à l'Assemblée. Frédéric Lefebvre est l'un des plus anciens
de la bande des « Sarkoboys » : il a lié son destin à celui du maire de Neuilly
en 1993, en intégrant sous son autorité le ministère délégué au Budget. » «Les
sarkoboys (…) Tous formaient une équipe hétéroclite dans laquelle se mêlaient
amis, copains, « frères », fidèles de la première heure, pour qui la loyauté à
583
l'égard de Nicolas Sarkozy tenait lieu de pensée politique. »
Enfin, l’adjectif « sarkocompatible » sert à qualifier une personne ou une idée qui
partage des principes moraux et politiques avec Nicolas Sarkozy, comme Carla Bruni qui est
« sarkocompatible » selon Le Matin du 14 juin 2008 car pragmatique et calculatrice. C’est
le cas aussi de l’explication proposée par Antoine Flahault, directeur de l’École des hautes
études en santé publique, au sujet du rejet du vaccin par les Français : « syndrome d’enfants
gâtés, effet de mai 68 » ; explication « sarkocompatible », selon l’Humanité du 16 janvier
2010. Plus loin, le néologisme « sarkophrénie », jeu de mot avec la schizophrénie qui
désigne l’esprit coupé, nous inviterait à comprendre que le président est lui-même gouverné
par un esprit instable. Libération , le 2 novembre 2009, le définit comme le « désir éperdu
de transparence qui entre en collision avec une aversion viscérale à l’égard de tous
les contre-pouvoirs (justice, Parlement, presse) ». C’est donc un lien très fort au subjectif
qui est sous-tendu d’où sa catégorisation comme une dénonciation entre monde civique et
monde domestique.
Le terme de « sarkoïsation » est cité dans la presse écrite francophone, entre
autres, pour reprendre l’expression « sarkoïsation des esprits » de Lilian Thuram en
2005 et l’expression « sarkoïsation de la société » de Jack Lang en 2006. Mais nous
sommes alors toujours dans le cas de citations. Pourtant, ce terme est repris par ailleurs, par
différents narrateurs à leur compte pour désigner une omniprésence de Nicolas Sarkozy ou
pour traiter d’une personnalisation du pouvoir au travers des expressions : « Sarkoïsation
de la presse » ( L’Express 27/10/06), « Sarkoïsation de l’UMP » ( Le Figaro 16/09/06)
pour désigner le fait qu’il n’y a plus de place pour d’autres personnalités dans ce parti,
« Sarkoïsation du PS » pour dire finalement que « le chef prend le pas sur le collectif
» ( Les Echos 29/08/08) mais nous trouvons aussi « processus de sarkoïsation » défini
comme « personnalisation du pouvoir » dans Libération , le 13 août 2005. Enfin, les
trois derniers néologismes trouvés dans la presse écrite francophone révèlent un univers
signifiant uniquement civique. La « sarkologie » ou en d’autres termes l’expertise dans la
582
Courrier International du 17/04/08, Le Point du 21/06/07, Libération du 23/08/07.
583
Le Nouvel Observateur du 12/04/07, Le Figaro du 25/07/0 , Le Point du 25/10/07

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Chap. IV. Hétérogénéité sémantique et confusion des mondes.

politique sarkozyste, est un terme neutre, neutralité difficilement repérable avec les termes
« sarkonnerie » ou « sarkommence », ce dernier étant un titre de Libération , le 3
juin 2005 après le remaniement du gouvernement par Jacques Chirac, et repris pendant la
campagne pour désigner le début de l’ère de Nicolas Sarkozy.
On ne peut ignorer la prédestination purement phonétique du nom de Sarkozy. La
troncation est caractéristique de la langue parlée et populaire. Or, le langage populaire a
créé une série d’apocopes en -o , un diminutif en -o étant alors favorable au néologisme.
Pourtant, ce fut le cas pour Ségolène Royal dont le diminutif « Ségo » répond à la même
prédestination phonétique. Or, seulement 250 termes (contre 560 pour Nicolas Sarkozy)
ont été trouvés par Véronis sur Internet dont un nombre important correspond à des
584
pseudonymes issus de la blogosphère . Il y a donc une prédestination phonétique que
nous ne pouvons nier mais aussi l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
La plupart des termes que nous venons de présenter sont des mots-valises, c’est-à-dire
des néologismes formés par la fusion d'au moins deux autres mots existants dans la langue.
Le mot-valise implique une troncation et un amalgame des éléments qui restent. « Les mots
valises sont surmotivés : ils concentrent sur un seul signifiant plusieurs signifiés présentés
585
comme amalgamés » . C’est justement la question de l’amalgame qui est importante
ici et qui rejoint précisément notre considération. Les termes dans les trois dernières
colonnes du tableau (Tableau n°6) sont construits sur un amalgame d’au moins deux
des mondes, deux isotopies sémantiques, et constituent une réunion d’univers signifiants
conflictuels. Pris dans la dialectique homogénéisation et hétérogénéisation, ils révèlent alors
un mouvement en leur sein. Pourtant, force est de constater que ces termes sont souvent
pris dans un mouvement de dénonciation qui pose alors la question de la consistance de la
peopolisation. Nous reviendrons sur la question des néologismes, en conclusion, pour les
penser comme un durcissement de l’existence sémantique du phénomène, nous permettant
alors de concevoir sa définition et l’état actuel du processus.

IV. 3. Conclusion
Sans avoir analysé les récits médiatiques de notre corpus, l’analyse sémantique de
l’hétérogénéité et la construction d’un répertoire à la croisée des mondes dessinent des
variables révélatrices de l’hybridité du phénomène de peopolisation.
Chacun des termes fixe la nature d’un des mondes investigués ou la tension de
plusieurs mondes, les dévoilant, à la fois, par ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas. Le
mouvement et les espaces sont donc au creux de termes que le narrateur choisit d’énoncer.
Dans la dialectique continu-discret, le continu est le corpus, cet ensemble de récits
sélectionnés à propos d’un homme politique, parus lors de la campagne présidentielle ; le
discret figure comme chacun des termes manifestés dans ces récits. Le répertoire, élaboré
à partir de la dialectique mouvement-espace, esquisse non seulement un « portrait » de
notre corpus ; il présente ses espaces, ses êtres et ses objets, mais il forme, par ailleurs,
un « portrait » de chacun des mondes. Plus encore, le répertoire dresse un « portrait »

584
VERONIS, J., « Lexique: Ségobidules », 2007,[en ligne : http://aixtal.blogspot.com/2007/09/lexique-sarkosyl-et-autres-
sarkotrucs.html]
585
SABLAYROLLES, J-F., « La double motivation de certains néologismes. », Faits de langues, 1, 1993, p. 224.

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sémantique du phénomène de peopolisation. Le répertoire révèle l’ordre et le désordre qu’il


contient en son sein.
S’il figure dans notre répertoire, le terme « peopolisation » est le seul dont nous n’avons
pas identifié l’ordre ou le mouvement, qu’il soit fondé sur une cohabitation ou sur une
tension, résolue ou non. Ce terme est énoncé à trois reprises dans notre corpus.
« Mais une élection n’aura jamais autant mobilisé les personnalités. Pipolisation
des politiques, politisation des pipoles. » « Comment réagiriez-vous à un
duel Sarko-Ségo ? Patrick Sébastien : je serais bien emmerdé ! Ce qui me
dérange, c’est la fameuse peoplisation des politiques. Mais pas parce qu’ils
deviennent des vedettes surtout parce que je me demande où ils trouvent le
temps de travailler » « Ils sont du gibier de psychanalyste. Ils se complaisent
dans les confessions, introspections, contritions, expositions, peoplisation,
transgressions et victimisation. Ils ne distinguent pas bien entre vie publique et
586
vie privée »
Nous retrouvons, dans ces trois manifestations, une cohabitation des trois mondes : monde
civique, monde domestique et monde de l’opinion, avec une mise en parallèle avec les
personnages people dans la premier extrait, avec les vedettes dans le second, et enfin,
avec de nombreux processus qui émergent de la confusion entre monde privé et monde
public. L’hétérogénéité transparait dans la mobilisation du terme, empêchant de le définir ici.
L’incertitude quant à ce qu’il en est de ce qu’il est ne peut être dénouée à ce stade de notre
propos. Si le répertoire révèle les premières variables qui fondent l’ordre et le désordre du
phénomène de peopolisation, une analyse narrative réinvestissant les axiomes découverts
dévoile un phénomène médiatique en train de se faire et une tension linguistique en train de
se défaire. La première étape de cette analyse narrative s’attache donc, dans le prochain
chapitre, à interroger la traduction de la campagne présidentielle et de ses êtres, dans la
presse people, afin de découvrir les différentes postures éditoriales.

586
Public 196, Closer 78, Closer 85.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

Chap. V. Les discours de campagne des


porte-paroles

V. 1. Quand la presse people porte la parole d’une


campagne présidentielle et de ses personnages
Le porte-parole parle « au nom des autres ». Il supporte la parole, c’est-à-dire condense la
parole de tous ceux qu’il représente en un seul corps ; mais c’est aussi celui qui porte la
parole en tant qu’il la déplace, la mène dans d’autres lieux, où elle ne pourrait aller sans
cet intermédiaire. La presse people est un genre qui joue le rôle, en continu, de porte-
parole, mais qui présente, en discontinu, un ensemble de narrateurs comme autant de porte-
587
parole produisant et consommant des espaces . Chaque narrateur traduit les êtres et les
actions hétérogènes qu’il met en scène ; en portant et transportant leurs paroles, il crée des
associations, trace et retrace les frontières des actions et des identités et rend intelligible
588
le réseau .
Dans le chapitre précédent, la construction d’un répertoire permet un portrait
sémantique de notre corpus au prisme des trois mondes, espaces signifiants de notre
recherche. Désormais, c’est dans la distinction des titres de presse people comme des
porte-parole que se révèlent les récits, tout comme les mouvements, les espaces et les
êtres contenus en leur sein. L’énonciateur est un narrateur ; il fait produire et consommer
des espaces énonciatifs aux actants de narration, mais installé lui-même dans le récit,
comme instance d’énonciation, il produit et consomme un autre type d’espace : les espaces
589
énoncifs . Ces espaces se révèlent donc dans le mouvement opéré par le porte-parole.
Ce mouvement est multiple, il est celui de dire ou de taire des paroles, celui de privilégier
la parole d’un être de papier plutôt qu’un autre, et s’opère, enfin, dans le déplacement des
paroles vers différents espaces et lieux de signification. Dans ce chapitre, notre intérêt porte
donc sur les paroles portées par les porte-parole, sur l’identification des êtres traduits et des
espaces dans lesquels leurs paroles sont déplacées.
L’identité des personnages, les logiques de révélation et de mise au secret, le jeu
sur l’ordinaire et l’extraordinaire, l’invitation à la projection ou à l’identification, les logiques
de monstration visuelle et narrative, sont autant de critères qui nous ont permis d’établir
une distinction entre les titres peoples. Ces éléments réinvestis au prisme de la campagne
présidentielle et de ses personnages vont nous permettre d’appréhender des logiques de
mise en scène de cette campagne dans le genre people. Mais avant cela, posons deux
questions à propos de la mise en scène de la campagne électorale :

587
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 133.
588
Nous utilisons le terme de réseau au sens d’organisation rassemblant des humains et non-humains agissant les uns sur les autres.
589
L’ « ailleurs » de l’espace énoncif et l’ « ici » de l’espace énonciatif sont des positions spatiales zéros, « des points
de départ pour la mise en place de la catégorie topologique tridimensionnelle qui dégage les axes de l’horizontalité, de la
verticalité et de la prospectivité » (GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 215.)

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Qui sont les personnages qui peuplent les récits mettant en scène au moins
un candidat à l’élection présidentielle ? Comment l’espace qu’est la campagne
présidentielle est manifestée dans sa mise en scène people ?

V. 1. 1. Les personnages des récits.


Nous repérons différents types de personnages dans les récits de notre corpus : leur place
et leur importance permet de saisir, dans un premier temps, différentes postures dans la
couverture de la campagne présidentielle par la presse people. Déployons ces catégories,
évoquées dans le chapitre précédent à partir de l’isotopie de l’/incarnation/, pour considérer
leur croisement et la possibilité d’un personnage d’appartenir à plusieurs d’entre elles.
Il y a les peoples, personnages typique de la presse qui nous préoccupe. A ce stade,
nous considérons ces personnages comme distincts des hommes politiques. Nous verrons,
cependant, que ces derniers peuvent cependant accéder au statut de people. Ici, les
peoples sont des personnages issus du monde de l’opinion et restent dans son confinement,
590
« en ce qu’ils se distinguent, sont visibles, célèbres, reconnus, réputés » . Dans la
presse people, les grands sont des personnages jugés « dignes d’intérêt » en fonction de
leur notoriété et de leur potentiel narratif. Virginie Spies identifie trois types de personnages
peoples :
« Ce sont les animateurs d’émissions et les personnes dont la notoriété nait à
la télévision par des programmes spécifiques (…). Ces personnes au succès
nouveau constituent une bonne partie du « fond de commerce » du magazine
people Public dont le lectorat est jeune et féminin. Enfin, la troisième catégorie
est constituée des acteurs et chanteurs qui occupent une grande place dans les
591
médias. »
Le people n’est donc pas le plus grand du monde de l’opinion, il est grand dans la presse
people car il répond aux injonctions de celle-ci : les critères de grandeur peuvent osciller
entre les différents titres du genre. Par ailleurs, dans le monde de l’opinion, à côté des
grands, se tiennent « les magistrats chargés de faire valoir la grandeur de renommée ».
Ici, ce sont les médias, énonciateurs qui peuvent eux-mêmes se débrayer dans les récits.
Mais cela correspond aussi à leurs concurrents, installés dans le récit, auxquels le narrateur
592
peut se solidariser ou desquels il peut s’affranchir. L’énonciation-énoncée installe, par
là même, les petits du monde de l’opinion, les lecteurs – les destinateurs du récit –.
Le narrateur peut leur octroyer un faire pour l’état de grandeur en les désignant comme
« l’opinion », « l’audience » ou le « public ».
Dans les récits de notre corpus, nous trouvons, par ailleurs, des personnages issus du
monde domestique : ils sont les membres de la famille, les amis, et les proches de manière
générale, dont la visibilité n’est investie qu’au prisme de leurs relations personnelles avec un
candidat. A l’inverse, ce sont les relations professionnelles, dans le confinement du monde

590
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991 , op. cit . p. 224.
591
SPIES, V., Télévision, Presse People : les marchands de bonheur, Bruxelles : De Boeck, 2008, p. 131.
592
Rappelons que pour Courtès, l’énoncé englobe l’énoncé-énoncé (qui correspond au narré) et l’énonciation-énoncée (qui est la
façon de présenter ce narré)

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

civique, qui permettent d’identifier un autre type de personnages : les acteurs politiques. Ils
593
sont les militants, les membres d’un parti, les acteurs institutionnels, les gouvernants , etc.
Certains personnages appartiennent à plusieurs de ces catégories, le narrateur peut
choisir de les mettre en scène dans cette multitude comme dans un seul monde.

Exemples de personnages à multiples catégories. Domestique – Civique : Thomas


Hollande, François Hollande, Cécilia Sarkozy, Marine Le Pen, Brice Hortefeux, Pierre Charon,
etc. Civique – Opinion : Nicolas Hulot, David Douillet, etc. Domestique – Opinion: Christian
Clavier, Johnny Hallyday, Doc Gyneco, etc.

Enfin, il y a les candidats à l’élection présidentielle. La présence d’au moins l’un d’eux
dans le récit constitue un des critères de sélection de ce corpus. Si leur identification dans
le monde civique justifie notre investigation, celle-ci n’est pas obligatoirement signifiée par
les narrateurs des récits. Ces personnages peuvent être mobilisés exclusivement dans un
594
monde, comme déplacés d’un monde à l’autre au sein d’un même récit . Leur identité
narrative relève de leur identification par le narrateur et du mouvement par lesquelles cette
identification peut fluctuer. Si, la prédominance de certains de leurs rôles et des espaces
que le narrateur leur fait produire et consommer se révèle pertinente pour comparer les titres
de presse people, leur place dans le récit confronte deux types de presse people. Parce
que la présence d’au moins un des candidats justifie la construction de notre corpus, leur
omniprésence n’en fait pas toujours les personnages principaux.
En effet, lors de la campagne présidentielle entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai
2007, certains titres ne leur accordent pas un état de grandeur suffisamment légitime
pour être visibles sans intermédiaire. Le politique n’est pas people. La médiatisation des
595
candidats est opérée dans ce cas à partir d’un personnage que nous désignerons comme
« un intermédiaire médiatisant ». L’intermédiaire médiatisant, ici, peut être incarné à la fois
par un être humain identifiable comme unique, mais aussi par un collectif ou un objet. Aucun
récit ne met en scène un candidat, dans Voici et Public, sans la présence conjointe d’un
people ou du collectif « les peoples ». L’homme politique n’est pas signifié comme assez
« digne d’intérêt » pour être mobilisé seul dans ces deux hebdomadaires.
L’identité de ces intermédiaires médiatisants se comprend à partir de l’état de grandeur
de celui-ci dans le titre sélectionné, mais aussi de l’existence d’un lien mobilisable entre
le people et le politique et, enfin, de l’existence d’un élément ou d’une thématique actuels
permettant justement de soumettre ce rapport à l’actualité. Ainsi, les personnages people
incarnant le plus fréquemment ce rôle d’intermédiaire connaissent une actualité people et
une relation avec l’homme politique offrant la possibilité de servir de point de passage pour
la mise en scène du politique. C’est le cas, par exemple, de Philippe Torreton qui, lors de la
médiatisation de sa rupture avec Claire Chazal, devient l’intermédiaire pour la mise en scène
de Ségolène Royal. La présence de cet intermédiaire médiatisant, son identification comme
celles de tous les autres personnages, en fonction du rôle attribué et des mondes que le
593
Ici, nous retrouvons les « descriptions définies » en rapport au collectif, typiques du monde civique.
594
Nous soulignons qu’un changement d’espace de mise en scène du candidat n’oblige pas un changement de rôle : ici réside
notre distinction entre deux types de mouvement de narration : la transformation et la transposition. Voir chapitre II.1.3.2.
595
Si nous utilisons le terme de personnage, nous n’oublions pas la limite posée par Greimas à ce terme qui institue une
confusion autour d’un actant humain et unique, notre utilisation du terme de personnage reprend la définition de l’acteur de Greimas,
c'est-à-dire un actant incarné au niveau discursif, comme désignant non seulement un être humain mais aussi les animaux, les choses
et les concepts ou un collectif.

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narrateur leur fait traverser et consommer, ouvre ainsi des pistes pour notre considération
de la presse people comme porte-parole. Mais la campagne présidentielle, comme espace
producteur de discours, intervient, par ailleurs, comme un axe heuristique pour cette même
investigation et dévoile d’autre intermédiaires-médiatisant servant la visibilité des hommes
politiques dans cette presse.

V. 1. 2. La campagne présidentielle : une période et un contexte.


La campagne présidentielle est un temps fort de l’actualité politique : c’est un espace
d’émergence des récits de notre corpus. Cette considération est double et ordonne, par
ailleurs, une nouvelle distinction entre les magazines peoples.
596
La campagne présidentielle est un espace extérieur aux médias , dans lequel
s’organisent des pratiques et des discours politiques stratégiquement orientées vers la
clôture de cette période : le verdict du scrutin. Face à cet espace, la presse produit et rend
compte de ces pratiques et de ces discours : elle traite, à la fois, de l’ensemble des offres,
de l’ensemble des demandes et des conditions d’ajustements opérés. Les narrateurs des
récits relayent et produisent une information quant à un fait, un évènement, un discours
survenu lors de la campagne. Ici, la campagne présidentielle est un contexte d’émergence
de pratiques ou de discours ; elle relève de la procédure de débrayage et est inscrite dans les
programmes narratifs à partir d’unités spatiales et temporelles récentes – des localisations
597
spatio-temporelles – créant l’illusion aux destinateurs et destinataires du récit de partager
l’évènement ensemble, de partager le présent.
La campagne présidentielle est, par là même, un espace producteur de récit : elle
crée l’occasion pour un narrateur de se saisir d’un évènement, d’un concept, d’un objet
ou d’un personnage. Bien que le discours ne soit jamais totalement détaché des pratiques
et des discours des hommes politiques survenus lors de la campagne, ceux-ci, dans ce
cas particulier, ne tiennent pas le propos. Le présent est installé dans les déictiques entre
l’énonciateur et l’énonciataire. L’actualité est la campagne présidentielle comme période,
peu importe que le récit soit produit au début ou à la fin de cette période : l’ensemble
de la période fait l’actualité du récit. Les localisations spatio-temporelles, inhérentes à la
campagne présidentielle comme contexte d’émergence d’actions et de discours, ne sont
plus inévitables. Cette actualité est donc moins celle d’un présent que d’une configuration
dicible dans le présent.
Cette double considération de la campagne présidentielle comme espace se construit
autour de la notion d’actualité. Le concept d’immortelle dévoile une information en dehors de
598
l’actualité tout en l’étant continuellement . La période de la campagne présidentielle nie ce
concept en niant la continuité de l’actualité d’une information. Il ne peut exister d’« immortelle
de campagne », oxymore qui serait pris, à la fois, dans un détachement de l’actualité tout en
étant contraint par une période actuelle. Et pourtant, dans notre corpus, de multiples récits
résultant de cette période qu’est la campagne présidentielle visent moins à définir ce qui
s’y passe que ce qu’il en est. C’est le cas, entre autres, des récits de l’enfance et du passé
des candidats. Ces récits ne se construisent sur aucun évènement, aucune rupture dans
le cours de la campagne, ils sont construits sur elle et par elle, pris dans l’actualité de sa
période mais détachée de l’actualité de ses évènements. Par exemple, trois récits consacrés
596
Du moins, elle a une réalité autre que celle médiatique bien qu’une des fins soit aussi la médiatisation.
597
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 214.
598
Cf. Chap. III-2-5-2.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

à l’enfance de Ségolène Royal paraissent, dans le magazine VSD , le 22 novembre 2006,


599
le 21 mars 2007 et le 25 avril 2007 . Ces dates de parution importent peu tant qu’elles se
tiennent dans la période de la campagne présidentielle pour conserver leur légitimité.
Finalement, dans l’« immortelle de campagne », nous retrouvons différents critères des
catégories de traitements journalistiques : Il y a la prévisibilité des informations dites froides
maintenues au « frigo », mais ces informations, selon Ruellan et Grevisse, « prendront,
600
à un moment indéterminé, la valeur d’informations chaudes » . Or, dans le cas des
récits qui nous intéressent, ils n’atteindront que la tiédeur d’une période et non la chaleur
d’un évènement. Plus loin, le lien aux personnages de la campagne semble renvoyer au
portrait journalistique, mais si tous permettent de conjoindre des attributs psychologiques
aux personnages, certains sont très éloignés du type descriptif, passéiste et biographique
du portrait. Il y a aussi la périodicité du marronnier, mais à la différence de celui-ci, ces
informations ne traitent pas de l’évènement qui revient mais des personnages qui le peuplent
et qui, eux, sont changeants. Enfin, le début et la fin de leur légitimité empêchent de les
considérer comme des immortelles, malgré une actualité constante dans une période de
601
plusieurs mois . Les critères de prévisibilité, individualisation, périodicité et limitation dans
le temps répondent chacun à un type de traitement journalistique, mais s’arrêtent trop
tôt pour que l’un soit considéré comme pertinent. Dans cette impossibilité de définition,
nous choisissons de garder l’oxymore « immortelle de campagne » tout en insistant sur le
caractère limité de l’immortalité de ces informations.
A ce propos, deux analyses doivent s’articuler. La première, qui sera investie dans les
prochaines pages, s’attardera sur le fonctionnement de ces « immortelles de campagne »
pour comprendre ce qu’elles nous disent sur les identités médiatiques des candidats et
finalement, comment, dans leurs énonciations, le narrateur porte la parole des êtres de
papier. La seconde nous renverra vers un traitement de la campagne distinct au sein de
la presse people. Certains titres se servent des « immortelles de campagne » comme d’un
« intermédiaire médiatisant ». Si celles-ci ne procèdent pas toujours d’un traitement collectif
des candidats, c’est généralement le cas, et toujours dans Ici-Paris , Voici , Public et
Point de Vue . Ces quatre titres ne mettent jamais en scène un candidat comme personnage
principal d’un récit, celui-ci est mobilisé soit au travers d’un personnage people, soit au
travers d’une « immortelle de campagne » soumise à un traitement collectif des candidats :
602
l’ « intermédiaire médiatisant » devenant alors le collectif des candidats . Enfin, c’est la
mobilisation de la campagne comme espace qui pose une dernière distinction puisque
seuls VSD , Paris-Match , Gala et Closer , se saisissent de la campagne comme
contexte d’émergence de pratiques et de discours des hommes politiques, survenus lors
de la campagne ; tous les autres ignorant ce qui s’y passe pour ne mettre en scène que
ce qu’il en est.

599
VSD 1526, VSD 1543, VSD 1548.
600
GREVISSE, B. & RUELLAN, D., « Pratiques journalistiques et commémoration : Éléments de lecture du récit des festivités
d’anniversaire du débarquement de Normandie », Recherches en Communication, 3, 1995. p. 89.
601
Soulignons que cette période de la campagne présidentielle, peut être divisée en deux périodes ; le scrutin du premier tour
consiste en une rupture qui opère une réduction dans le nombre des personnages.
602
Seul Closer met en scène Ségolène Royal dans une « immortelle » hors campagne. L’ « intermédiaire médiatisant » est
le collectif des stars, dans lequel Ségolène Royal est classée. Nous reviendrons sur cet article lors de l’analyse de Closer comme
porte-parole.

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V. 2. Les « immortelles de campagne »


Les « immortelles de campagne » sont, dans notre corpus, des portraits à partir d’un
thème (l’enfance, le signe astrologique, les traits du visage, etc.) ou des mises en
scènes de l’entourage des candidats, un entourage domestique ou people. Elles sont
propices à l’attribution d’un nombre important d’attributs psychologiques et relèvent d’un
traitement journalistique particulier. Elles sont appréhendables à partir de l’étude de leur
fonctionnement, leur contrat de lecture et la manière dont les narrateurs jouent, en leur sein,
avec l’identité médiatique des candidats.

V. 2. 1. Quand la presse people se fait astrologue ou psychologue…


V.2.1.1. Les récits d’astrologie, de morphopsychologie ou graphologie.
Certains titres de notre corpus proposent à leurs lecteurs de les aider dans leurs choix
électoraux grâce à des analyses astrologiques, morphopsychologiques ou graphologiques
des candidats. Ces articles sont plus descriptifs et argumentatifs que narratifs. Ils se servent
d’un parcours figuratif particulier pour installer des thèmes et des valeurs en jonction avec
les candidats. Trois parcours figuratifs apparaissent : les astres, l’écriture et le visage. Ces
trois parcours permettent au narrateur de présenter les êtres de papier dans leurs intériorités
et de leur octroyer de nombreux attributs psychologiques. Deux réflexions soulèvent la
particularité de ce traitement des êtres de papier : l’installation d’un contrat de lecture et
l’identité actualisée des candidats à l’élection présidentielle de 2007.
Plusieurs énonciateurs prennent place dans ces récits. La presse people ne se fait pas
astrologue ou psychologue seule ; elle a besoin d’un tiers pour construire son discours et
le légitimer. Plusieurs voix et plusieurs stratégies d’énonciation entrent alors en scène avec
deux objectifs communs : détenir et légitimer un savoir-faire pour enfin, faire-savoir et
aider le destinataire à faire son choix.
Il y a deux types de paroles dans ces récits dont les places varient selon la stratégie
d’énonciation. La parole du journal et celle de l’expert se croisent. Quand le magazine
déploie dans son propre discours une floraison de citations de l’expert, il s’approprie
ce discours, le commente, le déplace : il est le narrateur. C’est le cas des articles de
Gala. Le discours de l’expert est rapporté par un énonciateur secondaire : le narrateur
du magazine. Se côtoient alors deux stratégies. Des bribes du discours primaire (toujours
entre guillemets) sont proposées, faisant du contenu de la citation l’objet du discours. Mais
il y a aussi une conversion du discours de l’expert en objet du discours du journaliste avec
des réappropriations de ce discours primaire, à l’aide d’assertions telles que « explique
Martine Boulart » ou « poursuit Laurence Rateau ». Selon Mouillaud et Tétu, l’objet est
renversé : ce n’est plus le contenu de la citation, celui-ci est suspendu, mais la citation en
tant que telle qui est l’objet du discours. Selon ces auteurs, ces deux positions de l’objet ne
peuvent cohabiter dans un même discours.
« En vertu du fait qu’un énoncé ne peut avoir qu’une seule deixis, il ne peut y
603
avoir qu’une seule position d’objets »
Dans Gala 723, nous trouvons des citations isolées et d’autres converties en dire. Mais, le
contenu de la citation nous semble figurer comme objet du discours. Cela est appréhendable

603
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 134.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

entre autres, à partir de l’utilisation de l’indicatif, l’effacement des guillemets pour certaines
descriptions et l’explicitation de l’objet du discours.
« Marie-George Buffet a la physionomie d’une femme de terrain, ancrée dans la
réalité. » (Sans guillemets) « La bouche serrée d’Arlette Laguiller est la marque
distinctive des gens qui ne parlent pas à tort et à travers. » (Sans guillemets)
« Sarkozy, Royal… dévoilés par la morphopsychologie. » « Notre expert les
a démasqués. » « Les candidats ont tous leurs petits secrets ? Grâce à la
604
morphopsychologie, ils ne peuvent plus les cacher. »
Dans d’autres récits, l’expert est lui-même le narrateur du récit. Ainsi dans VSD , l’expert
détient la parole. La présence d’un « je » est, cependant, confrontée à celle d’un « nous » et
d’un « il » dans la titraille. Le magazine est alors le Destinateur-manipulateur et l’adjuvant :
il confère à l’expert un pouvoir-dire en lui donnant un support et en le présentant dans la
titraille – il fait dire et l’aide à le dire.
« C’est à la lumière de ces connaissances que j’ai décrypté la carte du ciel des
candidats, déclarés ou non, à l’Élysée. » (Dans le texte) « Notre astrologue, qui
rédige en ce moment un livre, « Le pouvoir du ciel », décrypte ce que les étoiles
605
réservent aux principaux prétendants à l’Elysée » (en sous titre du dossier)
Il y a dissociation de la parole de l’expert et de la parole du magazine.
« Le journal, en tant que reproducteur du discours, est dans une position
ambiguë par rapport à leurs énonciateurs. Dans la mesure où il est une
« chambre d’échos », il est tributaire des voix qu’il reproduit (du coup, lui-même
est sans voix) mais il est maître du statut qu’il leur assigne, c’est-à dire de leur
606
pouvoir d’assertion sur le réel. »
Dans la confrontation de ce « je » et de ce « il » réside une « concurrence dont le réel
607
est l’enjeu » . La fin de cette concurrence, pour VSD, se situe en dernière page du
dossier sur le thème astral des candidats où figure un article d’un journaliste de VSD intitulé
« Retour sur terre » et commençant par : « Loin des conjonctions astrales… ». Si
le jeu de mots entre « terre » et « astre » est évident, le « retour sur terre » renvoie,
indéniablement, au réel, sanctionnant le discours précédent sur les astres. Le magazine a
été le destinateur-manipulateur et l’adjuvant du dire de l’expert et conclut le dossier comme
un destinateur-judicateur, en se distanciant du discours qu’il a permis de mettre en scène.
La tension entre les deux voix du discours est moins évidente dans les articles d’ Ici-
Paris et de Paris-Match . Le sous-titre du premier montre que nous sommes en présence
de deux énonciateurs : « Grâce à la graphologue Josiane Borgazzi, découvrez avant le
deuxième tour de la présidentielle leurs principaux traits de caractère, leur tempérament et
leur personnalité. », mais l’identification des instances d’énonciation s’arrête là. En effet,
dans le récit qui suit, aucune citation ne permet de différencier les deux instances, aucune
signature ne permet de savoir qui parle. Il y a amalgame des deux voix que l’on retrouve
chez Paris-Match avec une signature double : celle de l’expert et celle du journaliste. La
forme du récit ne permet pas, pour autant, de différencier ces deux voix : une fois encore,
c’est la titraille qui le permet : « On ne peut prévoir le choix des urnes mais Françoise Hardy
604
Gala 723.
605
VSD 1531.
606
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit. p. 134.
607
Ibid. p. 134.

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a vu leurs forces et leurs faiblesses. » et la légende d’une photo de l’expert : « « L’astrologie


608
est une science humaine » assure Françoise Hardy, passionnée depuis ses 18 ans » .
Quelles que soient la stratégie d’énonciation et la place donnée aux deux énonciateurs
et à leurs paroles, la question de la légitimation de ces discours s’impose.
« Produire le réel et produire le vrai sont les deux grandes stratégies dont
609
dispose le locuteur pour imposer son discours. »
L’expert est l’astrologue ou le psychologue invité pour son savoir-faire à produire une
analyse. Sa présentation au travers de son nom propre et de son statut permet une première
légitimation du discours par sa dissociation avec le narrateur de la presse people.
« Grâce à la graphologue Josiane Borgazzi » « Analysés par Laurence Rateau,
610
graphologue »
La présence de l’expert légitime l’énonciation mais, dans un parcours parallèle, le récit
légitime l’expert en le renvoyant à un univers scientifique ou par l’évocation de sa
bibliographie en note de bas d’article.
« Notre astrologue, qui rédige en ce moment un livre, « Le pouvoir du ciel » »
« Martine Boulart, ancienne élève du docteur Corman et présidente de la société
611
française de morphopsychologie »
Mais l’appartenance de l’expert à un univers scientifique déploie, par ailleurs, dans certains
612
cas, une légitimation de la science même qui offre cette analyse.
« Même si Colbert l’a écartée de l’Académie des sciences en 1666, l’astrologie
a fait des progrès depuis les travaux de Gauquelin du CNRS, qui ont mis en
valeur la notion de planète dominante » « L’astrologie est une science humaine »
« Cette approche de l’humain, mise au point par le psychiatre Louis Corman
au début du siècle dernier, est avant tout un art basé sur l’observation des
caractéristiques du visage. Le bâti osseux révèle ainsi la quantité d’énergie dont
ils disposent, les yeux, le nez et la bouche, la qualité de leurs échanges avec le
monde extérieur, les hémifaces (moitiés du visage) droite et gauche, le sens de
leur évolution, le modelé (l’enveloppe de chair), leur degré de socialisation et
de maturité (…) Pour de nombreux spécialistes, cette technique d’analyse est
complémentaire de la Process Communication Management (PCM), une charte
établie par le psychologue américain Taibi Kahler mettant en évidence six types
de personnalité en fonction du mode de perception du monde de l’individu et de
613
ses croyances. »

608
Celui-ci figure comme un cas intéressant : il est le seul à ne pas installer un expert scientifique ou publiant comme instance
d’énonciation. Françoise Hardy, « passionnée depuis ses 18 ans », remplit ce rôle : people plutôt que scientifique.
609
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit . p. 147.
610
Ici-Paris 3226, Gala 725.
611
VSD 1531, Gala 723
612
Nous éviterons le débat sur la qualification de l’astrologie, la morphopsychologie ou la graphologie comme science : nous nous
intéressons à la manière dont ces récits les construisent comme science et ignorerons la justesse ou la pertinence de cette légitimation.
613
VSD 1531, Paris-Match 3007, Gala 723.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

Légitimation de l’expert et légitimation de la science poursuivent leur chemin, dans les


articles sur l’astrologie, désamorçant les critiques et les doutes quant à de telles analyses.
VSD choisit, dans cette optique, de désarmer la critique en critiquant d’autres techniques
d’analyse : la psychanalyse et les sondages.
« Faire de l’astrologie, c’est voyager dans les mots, les concepts. C’est décoder
en partant du plus grand au plus petit. Tout est symbole, comme le décrivait
Carl Gustav Jung. La psychanalyse n’est pas une science. L’astrologie, non
plus. Ce n’est pas grave... » « Loin des conjonctions astrales, les états-majors
des candidats, putatifs ou déclarés, préfèrent, pour le moment encore, croire à
d’autres augures : les instituts de sondages, dont ils savent pourtant qu’ils se
614
trompent régulièrement depuis une vingtaine d’années. »
Paris-Match , de son côté, oppose deux types d’astrologie et invite le lecteur à déplacer
ses doutes vers « l’astrologie simpliste » pour blanchir l’astrologie qu’il propose :
615
« l’astrologie sérieuse » .
Légitimation de la parole, légitimation de l’expert et légitimation de la science
contribuent ainsi à la construction de la compétence du savoir-faire et à l’établissement
d’un contrat de lecture consistant à partager un savoir avec le lecteur. Comme nous l’avons
évoqué plus tôt, l’objectif explicite de ces articles est de proposer une lecture psychologique
ou astrologique des candidats. Mais cet objectif est pris dans une volonté de dépasser
l’évident ou l’affiché pour apporter une analyse qui raconte les candidats mieux qu’ils ne le
font ou ne veulent le faire : le principe de révélation est éprouvé.
« Angoisses, blessures, ils n’ont pas tout dit » « Décryptés par notre
graphologue, les candidats se révèlent bien différents de l’image qu’ils aimeraient
donnés » « Quelle est la véritable personnalité de celui ou celle qui va bientôt
diriger la France ? (…) Qui sont vraiment Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ? »
616

Finalement, l’objet du discours est moins de rendre compte d’un discours premier que de
décrypter la personnalité des candidats pour enfin résoudre l’indécision des lecteurs.
« On ne peut prévoir le choix des urnes mais Françoise Hardy a vu leurs
forces et leurs faiblesses. » « C’est à la lumière de ces connaissances que j’ai
décrypté la carte du ciel des candidats, déclarés ou non, à l’Élysée. » « Grâce
à la graphologue, Josiane Borgazzi, découvrez avant le deuxième tour de la
présidentielle leurs principaux traits de caractère, leur tempérament et leur
personnalité. Après, ce sera à vous de juger. » « Les candidats ont tous leurs
petits secrets ? Grâce à la morphopsychologie, ils ne peuvent plus les cacher.
Vitrine ouverte sur l’intériorité des individus, leurs émotions et les forces
inconscientes qui les structurent. Angoisses, blessures, ils n’ont pas tout dit. »
« Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal démasqué par leur écriture. Décryptés par
notre graphologue, les candidats se révèlent bien différents de l’image qu‘ils
617
aimeraient donner. »
614
VSD 1531
615
Paris-Match 3007
616
Gala 723, Gala 725, Ici-Paris 3226.
617
Paris-Match 3007, VSD 1531, Ici-Paris 3226, Gala 723, Gala 725

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Le contenu du discours premier (celui de l’expert) figure comme l’objet du récit, cela nous
amène à saisir le contrat de lecture proposé dans ces articles.

Le contrat de lecture PN d’usage Expert (Destinateur Informé) U


savoir-faire → Narrateur U savoir PN de base Narrateur (Destinateur
618
informé) U savoir → Narrateur U faire-savoir PN visé Lecteur
(Destinataire non-informé) U savoir → Electeur U décision

La particularité de ces articles s’installe donc d’une part dans les stratégies
d’énonciation mais surtout dans l’explicitation de ces stratégies. Greimas définit le récit
comme tout « discours narratif de caractère figuratif comportant des personnages
619
qui accomplissent des actions » . L’objet du discours étant le contenu des citations,
les actants de narration sont les candidats à l’élection présidentielle de 2007. Ces êtres
de papier sont conjoints ou disjoints de valeurs : ils sont sujets d’état mais jamais de faire.
Les sujets de faire, ce sont les astres, la forme de l’écriture ou du visage, des sujets de
faire qui ne sont pas sujets de la performance mais Destinateur : ils font faire, ils réalisent
la jonction entre le candidat et une compétence : « la compétence est un savoir-faire,
620
elle est ce quelque chose qui rend possible le faire » . Ainsi, les astres ou la forme
du visage ou de l’écriture créent la possibilité d’une action : mais cette action n’est jamais
réalisée dans ces récits. Or, le discours narratif se définit comme « une suite d’états,
621
précédés ou suivis de transformations » . La représentation de la relation entre états et
transformation est rendue possible par le programme narratif (PN) comme un enchaînement
réglé subsumant un sujet d’état en relation de conjonction (ou de disjonction) avec un objet
et un sujet de faire en relation avec une performance qu’il réalise. La transformation est
absente et aucune performance n’est mise en scène dans ces récits. Ce sont donc des récits
avortés ou embryonnaires ne dépassant jamais la situation initiale. Si certains verbes factifs
sont présents, ils sont soit déclinés au futur ou au conditionnel prouvant la non-réalisation
des actions, soit relatifs au Destinateur.
« Le chef de l’UMP aurait, quant à lui, accompli un gros travail sur lui-même pour
s’imposer à la tête de ses troupes. » « Elle gagnera certainement plus de sièges
de député à l’Assemblée en 2007. » « La dominante Mars-Pluton fait d’elle une
622
femme de pouvoir capable d’une fermeté inébranlable »
Le récit people se focalise sur ce qui caractérise le personnage dans son intériorité et dans
son intimité ; il se concentre sur les intérêts, les désirs et les attributs psychologiques du
personnage dans son action ou à la suite de son action. Les astres, la forme de l’écriture
623
ou du visage permettent de dévoiler l’intériorité des candidats de l’extérieur , sans enjeu
de pertinence par rapport à une action narrativisée.
« Les personnages se voient souvent attribuer des traits psychologiques, voire
des pensées ; et même si le récit journalistique ou les sources s’appuient sur des

619
GREIMAS & COURTES, 1993, op. cit. p. 307.
620
Ibid. p. 53.
621
Ibid . p. 134.
622
Gala 723, VSD 1531, Paris-Match 3007
623
DUBIED, 2009, op. cit. p. 59.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

actes ou des témoignages pour ce faire, les figures ainsi dessinées fonctionnent
624
sur un mode imaginaire fictionnel. »
On retrouve, ainsi, une des particularités du récit people, bien que ce récit ne soit réalisé
complètement du fait de l’absence de performance. Par ailleurs, cela crée la jonction avec
une multitude de valeurs, sans rapports les unes avec les autres. Les valeurs s’enchaînent
produisant une liste des attributs psychologiques intérieurs des candidats.
Mais, par ailleurs, le jeu entre les deux énonciateurs – expert et journaliste – est élargie
à un troisième énonciateur : les astres, les traits du visage ou l’écriture. Ils incarnent un
destinateur du récit dont on restitue la parole: ils disent ce qui est ou ce qui va arriver.
« Ce que révèle leur visage » « Des petites lignes en disent parfois plus que
tous les longs discours ! » « La conjonction de la Lune natale en Poissons (…)
indique une forte aspiration à faire cavalier seul, autrement dit à émerger de son
groupe d’appartenance en s’en affranchissant radicalement » « Son écriture
625
vibrante est révélatrice d’un esprit vif »
Ce premier discours, celui des astres, de l’écriture ou de la morphologie, est un effet de
fiction qui légitime le discours de l’expert et du journaliste. En octroyant un dire à ces objets,
on leur attribue un rôle de source (au sens journalistique du terme) authentifiant ce qui est
dit ; l’expert ou le journaliste devenant alors les traducteurs et les porte-parole et non pas
les producteurs d’un discours qui pourrait être soumis aux critiques. Plus loin, les astres
détiennent un autre rôle : ils sont sujets de faire et donc disent ce qui est, ce qui va arriver
mais, par ailleurs, font que ca est et que ca arrive. Ils ont un rôle prophétique : ils sont
Destinateur et destinateur.
« Ce qui devrait être un obstacle, c’est son Jupiter. Il y a opposition avec
la Balance, signe de Marianne. On voit mal comment il pourrait y avoir un
consensus national assez fort pour aller au-delà du premier tour. Cela n’empêche
nullement de faire un score honorable mais pas au point de rafler la mise. »
« Mais les transits de Jupiter sont bons, sur le thème d’Olivier Besancenot. Il
arrivera, malgré tout, à obtenir des satisfactions personnelles dans tel ou tel
626
combat contre l’injustice et les inégalités. »
L’énoncé prophétique renforce la virtualisation du récit : en projetant la performance au futur
et/ou au conditionnel, celle-ci ne peut être effective dans cet énoncé et le récit ne peut se
réaliser.

V.2.1.2. Le poids du passé et de l’enfance.


« Parler d'histoire de vie, c'est présupposer au moins, et ce n'est pas rien,
que la vie est une histoire et qu'une vie est inséparablement l'ensemble des
événements d'une existence individuelle conçue comme une histoire et le récit
de cette histoire. C'est bien ce que dit le sens commun, c'est-à-dire le langage
ordinaire, qui décrit la vie comme un chemin, une route, une carrière, avec ses
carrefours (Hercule entre le vice et la vertu), ou comme un cheminement, c'est-
à-dire un trajet, une course, un cursus, un passage, un voyage, un parcours
624
DUBIED, 2008 (a), op. cit. p. 149.
625
Gala 723, Gala 725, Paris-Match 3007, Ici-Paris 3226.
626
VSD 1531 (x2)

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orienté, un déplacement linéaire, unidirectionnel (la « mobilité » ), comportant


un commencement (« un début dans la vie »), des étapes, et une fin, au double
sens, de terme et de but (« il fera son chemin » signifie il réussira, il fera une belle
627
carrière), une fin de l'histoire. »
La presse people peut se faire psychologue, par ailleurs, au travers d’un passé et
de témoignages sur des histoires individuelles qui permettent l’émergence de récits
biographiques. La presse people choisit de reconstruire le contexte, la « surface sociale
» sur laquelle agit l'individu pour finalement lui attribuer certains traits psychologiques.
Plusieurs articles de notre corpus se consacrent au passé des candidats :

VSD 1526 « Ségolène Royal : L’enfance d’un chef » VSD 1543 « Le berceau des
candidats » VSD 1548 « Ségo/Sarko : Deux destins forgés par leurs fractures de jeunesse
Paris-Match 3008 « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » Paris-Match 3011 « Une baby-
sitter nommée Marie-Ségolène » Paris-Match 3015 « Bayrou, Royal, Sarkozy, ils marchent
vers leur destin. Retour aux sources. » Paris-Match 3017 « Et maintenant s’ouvre le temps
des prétendants » Paris-Match 3024 « Tout a commencé comme ça » Paris-Match 3025
« Nicolas Sarkozy : l’heure de la victoire » Closer 91 « Quand j’ai vu Ségolène Royal à la
télé, j’ai réalisé que je l’avais eu comme jeune fille au pair » Gala 722 « Mon père, mon
drame… »

628
Ces récits proposent un portrait d’un ou de plusieurs candidats à partir de données et
de témoignages sur le passé des candidats. Ces récits sont investis à partir d’une période
629 630 631
précise , d’un lieu , d’une relation particulière ou relèvent, plus généralement, de la
632
période antérieure à la candidature . Par l’attribution de traits psychologiques relatifs à
des évènements du passé, un double mouvement est opéré : le passé explique le présent,
le présent dénoue le passé. En ce sens, ces récits sont les lieux de construction de «
l’illusion biographique », c'est-à-dire comme si la vie constituait « un tout, un ensemble
cohérent et orienté, qui peut et doit être appréhendé comme expression unitaire d’une
633
« intention » subjective et objective d’un projet. » . Ces récits manifestent à de
nombreuses reprises l’illusion biographique par des phrases qui combinent passé, présent
et futur.
« Un petit entrainement facile, sans doute, sur ces petites proies faciles, avant de
s’attaquer, plus tard, aux éléphants du parti… » « Il n’est pas encore à l’Elysée
mais sur le trottoir d’en face. Il lui reste à traverser la rue » « L’actuel compagnon
de celle-ci ne l’était pas encore en 1978 » « Gros plan sur l’itinéraire d’une
gamine des Vosges, aujourd’hui prétendante à l’Elysée » « Elle a 34 ans et déjà
une envie féroce d’affronter le suffrage populaire » « Trente-six ans plus tard, la
627
BOURDIEU, 1986, op. cit. p. 69.
628
Notons que ces récits ne concernent que cinq candidats : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, Jean-Marie
Le Pen et José Bové.
629
Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, Closer 91.
630
VSD 1543
631
Gala 722
632
VSD 1526, VSD 1548, Paris-Match 3008, Paris-Match 3017, Paris-Match 3024, Paris-Match 3025.
633
Bourdieu, 1986, op. cit. p. 69.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

sage adolescente a fait du chemin. En mai prochain, elle sera peut-être appelée
634
aux plus hautes fonctions de l’Etat français. »
Ces énoncés sont construits sur la dichotomie avant/après et installent, sur l’axe
syntagmatique, une logique de consécution, alors qu’ils reposent précisément sur un
principe de présupposition. C’est le présent qui justifie l’énonciation du passé, mais, au
niveau sémio-narratif, c’est le passé qui justifie le présent. Le premier mouvement signe la
présence d’une isotopie du souvenir ou de la mémoire avec une déclinaison des verbes :
635
se rappeler et se souvenir, et de leurs variantes (56 occurrences ). Il permet d’établir
certains évènements comme significatifs a posteriori. Chaque évènement cité considère
un trait psychologique du candidat dans son fondement ou sa persistance. L’exemple de
l’entrée de Ségolène Royal, en 1968, au lycée privé d’Epinal, est mobilisé dans quatre récits.
Cet évènement permet alors la conjonction entre Ségolène Royal et son avenir.
« Ses proches perçoivent que « c’est à partir de son entrée à Notre-Dame
que Ségolène a pris son destin en main » » « C’est à partir de son entrée à
»
l’institution Notre-Dame, à Epinal, que Ségolène a pris son destin en main
« L’enfant voit vite dans l’école un moyen d’échapper à l’austérité de la vie
familiale. Ce sera le cas en 1968 où elle intègre l’Institution Notre-Dame d’Epinal »
« Très vite, elle comprend que la seule issue possible est l'école. En 1968, à 15
ans, elle entre à l'institution Notre-Dame, à Épinal (88). » « Ses proches racontent
que c'est à partir de son arrivée dans ce lycée privé pour filles, tenu par des
636
religieuses, « qu'elle a pris son destin en main »
Cet exemple montre que des évènements choisis par les narrateurs servent de points de
rupture dans l’existence narrative d’un personnage afin d’épaissir son identité. Chaque
nouvelle position marque une coupure, créé de la discontinuité et, à ce titre, instaure
du changement. Or, comme nous l’avons dit plus tôt, c’est dans la rupture et dans
la discontinuité que le mouvement retrouve son dynamisme. Ici réside l’enjeu de ces
évènements définis par les narrateurs comme significatifs : ils marquent l’articulation entre
deux positions pour leur donner une cohérence et les insérer dans une dynamique, dans
une trajectoire de vie. Les évènements permettent de conjoindre le candidat avec un objet,
cet objet est lui-même investi d’une valeur, cette valeur sert alors de point de liaison et
d’explication d’une identité unifiée et cohérente. Les évènements et les valeurs peuvent
varier selon les énoncés, mais permettent finalement de dessiner un portrait psychologique
des candidats. Le parcours thématique de la souffrance, commun aux quatre candidats
principaux, rend compte de ce principe.
« Nicolas Sarkozy. Ses blessures secrètes. On a du mal à l’imaginer en petit
garçon mélancolique et délaissé, qui souffre du divorce de ses parents et de
l’incompréhension des autres. » « Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la
séparation et du divorce de ses parents. A la fois affectivement et socialement,
Il a souffert de l’absence de son père à la maison. » « Selon un proche de la
famille, Ségolène, ses frères et sœurs souffrent » « Ses souvenirs douloureux
d’ « orphelin de la guerre ». » « Il souffre de grandir sans son père » « II y a

634
Paris-Match 3008, Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, VSD 1526, VSD 1543, Closer 91.
635
Cf. Annexes. E. 2. « Concordances »
636
VSD 1526 (x3), VSD 1548 (x2)

181

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d’abord ceux qui, très jeunes, ont perdu leur père et en ont conçu une détresse
637
absolue. »
Le divorce de ses parents (pour Nicolas Sarkozy) ou le décès de leur père (pour François
Bayrou et Jean-Marie Le Pen) sont autant d’évènements qui créent une rupture et opèrent
une conjonction entre le candidat et la souffrance. Cette souffrance est alors investie par
les narrateurs, différemment selon les candidats, et permet l’attribution de nombreux traits
psychologiques.

[Tableau 7 : Extrait du tableau « Traits psychologiques des candidats]


Pour François Bayrou et Jean-Marie Le Pen, la souffrance est causée par le décès
du père : leur mort est une absence non-négociable et involontaire, cette absence est
638
alors le foyer de la douleur mais surtout de la force et de l’hommage . Ici, le passé sert
à expliquer l’attachement aux racines, aux origines. Parallèlement, le présent dénoue le
passé, en constituant une « revanche sur la vie », un baume sur la douleur. Le rapport
de Nicolas Sarkozy à son passé est différent et lui octroie la figure d’un homme blessé et
torturé de manière plus forte que ses adversaires. Nicolas Sarkozy n’est pas seulement
conjoint de tristesse ou souffrance mais aussi d’humiliations, de solitudes : l’absence du
père n’étant pas involontaire mais de l’ordre de l’abandon. De cela, la figure d’un homme
dépendant de ses proches avec un fort besoin d’être entouré et d’être aimé se dessine,
637
Paris-Match 3008, VSD 1526, VSD 1543, VSD 1548, Gala 722
638
Nous reviendrons sur ces parcours dans l’identité médiatique de ces deux candidats.

182

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

une figure qui se retrouve dans l’analyse graphologique de Gala et astrologique de


639
Paris-Match . Sa souffrance passée n’est donc pas transformée en force comme pour
François Bayrou et Jean-Marie Le Pen : elle constitue ses faiblesses et nie certaines
compétences, contrairement à Ségolène Royal. Aucun évènement précis ne conjoint la
candidate socialiste à la souffrance : cet état est posé en postulat sans être amené par un
programme narratif d’usage comme c’est le cas pour les autres candidats. Les évènements,
points de rupture dans la trajectoire de Ségolène Royal, sont des coupures avec cet ordre
établi, opérant alors une disjonction entre celle-ci et la souffrance. Les événements signifiés
par les narrateurs octroient à la candidate des traits psychologiques qui confrontent et nient
sa position de victime : ce sont la détermination, l’indépendance, l’individualisme et l’autorité.
Ces portraits focalisés sur l’enfance ou le passé des candidats sont exemplaires. Il
y a une nature transitive de ces portraits permettant à l’individu d’incarner des valeurs
susceptibles de séduire les (é)lecteurs et de construire une certaine compétence à la
fonction de chef de l’Etat. Les traits psychologiques déploient alors des imaginaires
collectifs, celui de la République, de la gauche, de la droite, etc. Ces imaginaires sont
renforcés par de nombreuses références à la mémoire collective, permettant de placer la
trajectoire individuelle du candidat dans une trajectoire collective : celle de la France. Le
candidat, dans son parcours individuel s’intègre dans ce « quelque chose qui est quelque
chose de plus et quelque chose d’autre que la réunion d’une multitude d’individus
640
isolée » : « la société » . Par ailleurs, cette trajectoire collective invite les lecteurs à se
reconnaître dans les parcours individuels.
« Le portrait nous regarde et nous suit des yeux : il nous renvoie notre regard, et
641
parfois notre reflet. »
La définition de la reconnaissance par Ricœur se saisit à partir de trois phases : la visibilité,
642
se reconnaître soi-même et reconnaître l’autre . La médiatisation du passé des candidats
permet la première étape, la deuxième passe dans la reconnaissance du lecteur dans le
parcours du candidat pour enfin que le lecteur reconnaisse le candidat.
« Mai-68 avait fait souffler un vent de liberté, la pilule est arrivée. Pour la
génération de Nicolas Sarkozy, les choses sont devenues plus faciles et il en
a beaucoup profité. » « Ce premier job lui a surtout fait découvrir le goût de la
liberté et de l’indépendance. Pour elle comme pour la France, 1971 annonça
de profonds changements : cette année-là, 343 femmes célèbres ont signé
un manifeste en faveur de l’avortement, la destruction des Halles de Paris a
commencé, dans quelques mois, 6000 personnes iront à Millau manifester contre
l’extension du camp du Larzac… » « 1978-1980. Années «Voltaire»... Cabrel
chante « Je l'aime à mourir » et Renaud, « Dans mon H.L.M. ». L’U.R.S.S. a envahi
l'Afghanistan, Giscard règne, Mitterrand n'a pas encore pris le pouvoir -qui y
croirait après la déconfiture de la gauche aux législatives de 1978? » « Elle y écrit
sa devise: « La blouse en lambeaux, elle se destine à Sciences Po », y inscrit son
639
Ces traits psychologiques seront réinvestis dans les identités médiatiques des candidats au chapitre prochain. L’objectif, ici,
est moins de saisir comment le passé participe à l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy ou d’un autre candidat, que le fonctionnement
de l’« immortelle de campagne » focalisée sur le passé et l’enfance.
640 ère
ELIAS, N., La Société des Individus , [1 ed. 1939], Paris : Fayard, 1991, p. 41.
641
WRONA, A., « Usages médiatiques du portrait », Communication et langages , 152, 2007, p. 35.
642
Cf. Chap. III-1-2. Note de bas de page n°302.

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expression favorite: « C’est génial! », et sa chanson fétiche, les Gypsie Girls. »


« Cette réflexion approfondie dans le monde des idées n’empêche pas ce lecteur
assidu de Claudel, de Péguy et de Gandhi de se saisir de la révolte de 1968 pour
643
faire ses premiers pas politiques. »
Quand la presse people se fait psychologue au travers d’un récit rétrospectif sur le parcours
individuel du candidat, elle propose un récit de vie mais parallèlement construit une identité
des candidats qui intègre une série de valeurs, permettant ainsi aux lecteurs de reconnaître
le candidat dans sa compétence à gouverner et à le représenter.

V. 2. 2. Etre soutenu dans l’épreuve.


Mais quand la presse people se saisit des candidats à l’élection présidentielle, elle se saisit
aussi de ceux qui l’entourent, autant dans le monde domestique que dans le monde de
l’opinion et permet d’opérer des hiérarchies de grandeur entre les différents candidats.
L’état de grandeur dans le monde domestique se construit dans la bienveillance et
l’appréciation, les hommes politiques y demeurent dans leurs relations à leurs proches
et leur famille. Mais, l’état de grandeur dans le monde de l’opinion est aussi fondé sur
la renommée et la réputation, être grand dans ce monde tient de l’entourage peuplé de
vedettes et de personnages célèbres. La mise en scène des proches issus du monde
domestique ou du monde de l’opinion permet d’octroyer aux candidats différents attributs
identitaires. Les « immortelles de campagne » dans la presse people investissent donc des
récits dévoilant l’entourage des candidats comme soutien dans l’épreuve de la campagne
électorale.

V.2.2.1. Le soutien des peoples.


Quand la presse people met en scène la campagne présidentielle de 2007 ou ses candidats,
elle n’oublie pas pour autant ses personnages typiques : les peoples. La campagne devient
alors le lieu pour envisager le soutien des peoples pour un candidat ou un parti. Les peoples
servent non seulement à légitimer la présence des candidats dans ce type de presse mais
aussi à construire une certaine identité de ces personnages politiques par leur intermédiaire,
au travers de leur être ou de leur dire. Le soutien des peoples donne à la presse people la
possibilité de souligner la renommée des candidats à l’élection présidentielle : ils sont objet
de légitimation de la mise en scène des politiques. Le personnage people devient la caution
de la grandeur de l’homme politique. Six récits de notre corpus comptabilisent ou identifient
les soutiens issus du monde de l’opinion.

VSD 1541 « Les stars et la politique, la guerre des étoiles » Voici


1009 « Le grand n’importe quoi ! » Ici-Paris 3221 « Pour qui votent
les peoples ? » Voici 1014 « Votez People ! » Public 196 « Pour
qui votent les pipoles ? » Paris-Match 3016 : « Présidentielle : les
peoples dans la campagne »

Le parcours thématique du soutien est développé, dans ces énoncés, à partir de termes
comme « favori », « admirateur », « partisan », « appui », « supporter », « soutien
» et « soutenir », « compter sur », « fidèle », « préférence ». Le soutien correspond
à un objet du monde de l’opinion, il tient en son creux la grandeur des candidats à la fois
643
Paris-Match 3008, Paris-Match 3011, Paris-Match 3015, VSD 1526, VSD 1543

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

dans le monde civique et le monde de l’opinion. La popularité d’un homme politique est
un compromis entre monde de l’opinion, monde civique et monde domestique : elle est
révélatrice de la renommée, de l’aptitude à être élu et de l’appréciation de ces hommes
644
politiques. Ici, elle est déplacée du monde de l’opinion (ou domestique ) vers le monde
civique.
« Si elle a aucune star derrière elle, elle demeure d’une fidélité à toute épreuve
aux idées qu’elle a toujours défendue » « Le candidat du Front National n’a peut-
être pas de people à ses côtés, mais la précédente élection nous a appris que ce
n’était pas pour autant un candidat à prendre à la légère » « Et même si certains
candidats n’ont pas de people pour les soutenir, rien ne vous interdit de voter
645
pour eux »
Ainsi, ne pas être soutenu par des peoples justifie la petitesse des candidats et donc la
petitesse de leur candidature. Bien que ces énoncés négatifs installent un pouvoir-faire
malgré un non-soutien, la sanction du narrateur se construit sur la compétence à avoir un
entourage people comme compétence à pouvoir-être élu. Ces récits investissent deux
postures : la construction d’une hiérarchisation des candidats selon leur popularité people
et, par ailleurs, l’installation d’une compétence de pouvoir-faire autant dans le monde de
l’opinion que dans le monde civique. La hiérarchisation est amplifiée par la mise en scène
des candidats au niveau de la structure de la page : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et
François Bayrou ont une place importante et centrale dans Ici-Paris . Public leur dédie
chacun une page, accordant un encart pour les autres : « Et aussi » ; cet encart est
intitulé « Les autres candidats ne manquent pas de soutien » dans Voici 1014,
tandis que le numéro 1009 du même titre et Paris-Match ne s’intéressent qu’aux trois grands
candidats, VSD uniquement à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
La mise en scène des soutiens people offre, en outre, un contrat de lecture fondé sur
le faire-savoir.
« La présidentielle, c’est dimanche… Vous ne savez toujours pas à qui donner
votre voix ? Pas de Panique : pour faire votre choix, il vous suffit de suivre le
646
programme des stars ! »
Le personnage people devient la caution d’un vote, permettant à la fois de présenter les
candidats au travers des peoples qui les soutiennent et de déplacer, pour les lecteurs, le
non-savoir du monde civique vers un savoir du monde de l’opinion. Si le lecteur connaît
mal les candidats, il connaît bien les personnages people et peut alors juger les premiers
au travers des seconds. Les peoples deviennent, par là même, les experts sanctionnant
les hommes politiques. Le contrat de lecture développe une logique d’identification par
intermédiaire. Nous retrouvons le soutien à partir de la figure du compromis, tel que formulé
dans notre répertoire : 3-2.
L’identification se déplace du monde de l’opinion avec l’assimilation d’un attribut du
people qui sera rapporté à soi vers le monde civique projetant le vote du people au sien.
Cependant, VSD adopte une posture particulière en interrogeant le pouvoir-faire-savoir
des peoples.

644
Dans le cas de Nicolas Sarkozy.
645
Ici-Paris 3221 (x2), Voici 1014.
646
Voici 1014.

185

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Médias, politique et vie privée

« A en croire les sondeurs, le soutien actif de personnalité du showbiz aux


hommes politiques ne leur ferait pas gagner de voix. »
Dans Paris-Match et VSD, à la différence des autres énoncés, ce ne sont pas les peoples
qui sont sujet de faire, mais ce sont les politiques : le soutien de peoples est signifié comme
une stratégie dans le monde de l’opinion pour le monde civique et permet au narrateur
de dénoncer une telle pratique. VSD rend compte d’un sondage qui inverse la logique
d’identification pour appréhender l’influence de l’image d’un homme politique sur l’image
d’un people qui le soutient. Tandis que si le titre de Paris-Match installe les peoples comme
sujets de faire et de dire : « stars et personnalités ont laissé deviner leurs sympathies en
participants à des meetings ou par des déclarations publiques », son récit se construit sur un
mouvement qui va du paraître à l’être, dénonçant et sanctionnant négativement les acteurs
politiques qui se défendent de « vouloir épingler les artistes comme des papillons à un
tableau de chasse ». Il y a donc dénonciation du monde de l’opinion par le monde civique
(2/3) alors que, dans les autres titres, nous sommes face à une figure du compromis entre
ces deux mondes permettant la reconnaissance par procuration.
Le monde domestique est très peu présent dans ces articles et apparaît sous deux
logiques. La première concerne Nicolas Sarkozy, son entourage people étant signifié
comme amalgamé avec son entourage domestique, les peoples autour de Nicolas Sarkozy
647
sont « ses copains de toujours » , des « amis people de longue date », « dont il était
648
le témoin de mariage en juillet dernier » . La seconde installe le monde domestique,
dans ces énoncés, comme ce qui comble le manque de soutien people.
« Cousin proche de Marie-George Buffet, il représente le parti des travailleurs. Si
aucun people n’a déclaré le soutenir, il a l’appui de sa commune qui lui a décerné
la médaille d’argent du courage » « Il n’a pas de célébrité à ses cotés. Mais à 39
ans, ce juriste (…) peut assurément compter sur l’appui de sa femme et de ses
649
deux fils. »
Le monde domestique devient, en revanche, l’objet des récits consacrés à l’entourage
familial et amical.

V.2.2.2. Le soutien des proches.


La famille est l’une des figures modèles du monde domestique. L’influence de celle-ci dans
la campagne préoccupe particulièrement la presse people, comme si le soutien des proches
permettait l’accès à l’état de grandeur dans le monde civique. De nombreux récits mettent
en scène des membres de la famille d’un candidat, tantôt aux côtés de l’homme politiques,
tantôt comme sujet principal du récit. Ici, nous nous intéresserons aux récits focalisés sur
les rapports au sein d’un couple ou au sein d’une filiation, que le traitement soit collectif ou
tourné vers un candidat. Mais parce que notre propos se consacre aux « immortelles de
campagne », nous excluons tout récit répondant à une actualité récente, à ce qui se passe
lors de la campagne : nous ignorons les récits : « Ségolène Royal et François Hollande :
Un couple dans la tempête » et « Ségolène et François. Mais comment gèrent-ils leur
650 651
couple ? » qui suivent l’affichage de « quelques divergences sur le terrain » et la

647
VSD 1541
648
Public 196
649
Ici-Paris 3221.
650
VSD 1535, Gala 711.

186

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

déclaration d’Arnaud de Montebourg sur le compagnon de Ségolène Royal et celui intitulé


« Cécilia : un atout charme pour Sarkozy » qui la met en scène lors de l’investiture de
652
Nicolas Sarkozy .

Paris-Match 3014 « Quel couple à l’Elysée ? » Paris-Match 3016 « Babeth et François


Bayrou : A deux tout est possible » VSD 1544 « Duel de premières dames » Point de Vue
3059 « Trois hommes et un destin » Gala 713« Nicolas et Cécilia Sarkozy : leur pacte
intime. Cinq clefs pour comprendre leur couple » Gala 716 « Fils et filles de politiques : ont-ils
attrapés le virus ? » Public 185 « Et si on votait pour son fils ? »

L’analyse de ces sept articles dégage des éléments heuristiques pour l’identité
médiatique de chacun des candidats. Si les récits sur le passé ont permis, au travers de
la figure du père et de l’enfance, d’appréhender comment se dévoilait un grand nombre
d’attributs identitaires, la mise en scène des conjoints et des enfants découvre le lien
familial comme investissement propice à l’accès au poste de président de la République.
Les proches des candidats incarnent des adjuvants et des opposants pour l’obtention de
compétences actualisantes à l’élection.
Les cinq premiers récits s’intéressent aux conjoints des candidats. La présentation du
couple installe une compétence de l’épouse (ou du compagnon) à vouloir-être première-
653
dame et, par là même, débraye une certaine identité de l’homme politique dans son être
dans le monde domestique. VSD focalise son récit sur Elisabeth Bayrou et Cécilia Sarkozy
comme les deux prétendantes au statut de première-dame bien que François Hollande soit
évoqué dans un premier énoncé de l’article. Ce duel Sarkozy/Bayrou pose la question du
pouvoir-être de la première-dame.
Le pouvoir-être dépend, sous un premier abord, de la présidentiabilité du conjoint,
débrayant les premières dames dans une hiérarchie de grandeur du monde civique
par l’intermédiaire de leur époux/compagne. Cependant, si la présidentiabilité révélait la
hiérarchie entre les potentielles futures premières-dame, François Hollande devrait figurer
dans ce duel ou du moins changer le duo en trio. Or le genre semble constituer un critère
fondamental dans la compétence de pouvoir-être « première-dame ». Le non-être-
femme de François Hollande semble compliquer l’identification de celui-ci dans ce rôle,
un non-être-femme évoqué dans Paris-Match , VSD et Point de Vue , mais aussi
654
dans Public au travers de la voix de Thomas Hollande . La sanction négative est franche
pour Paris-Match .
« Peu probable, en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, que
le premier secrétaire du PS (52 ans) se transforme en « premier-monsieur » à
655
l’Elysée. Il a d’ailleurs annoncé qu’il n’y habiterait pas. »

651
VSD 1535.
652
VSD 1534.
653
Nous utiliserons l’expression « première-dame » autant pour les hommes que pour les femmes, sans nier la connotation
forte de cette expression. L’attribution genrée de ce rôle dévoile précisément un de nos intérêts.
654
Public nie le rôle de chef de famille, voire la masculinité, de François Hollande et lui attribue celui de femme au foyer ;
nous reviendrons sur ce récit au chap. VI-3-1-2
655
Paris-Match 3014.

187

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Médias, politique et vie privée

Point de Vue renvoie François Hollande au rôle de prince Consort dans un parcours
656
polémique où Ségolène Royal « débat de l’avenir de la planète » . Dans cette même
logique, VSD installe trois énoncés dans le même article, un premier général sur les
premières-dames potentielles et passées, un autre consacré à Cécilia Sarkozy et un dernier
sur Elizabeth Bayrou. François Hollande apparaît dans le premier : « Dimanche 6 mai, les
Français n’auront pas seulement élu un nouveau chef de l’état, ils permettront aussi à
son épouse ou à son concubin, dans le cas de Ségolène Royal, de devenir « première
dame » . ». Le titre de cet énoncé – « Une femme à l’Elysée » – justifie la simple évocation
de François Hollande et l’absence d’un énoncé qui lui serait consacré dans le reste de
l’article. Le genre de ce dernier l’empêche d’accéder à la possibilité d’être « première-
dame ». Cette évaluation de référence est souligné en conclusion lors de la justification
d’un ne-pas-pouvoir-être-président pour George Clémenceau dû à son veuvage : « Ses
adversaire grincèrent : « Il est veuf et, à l’Elysée, il faut une femme . » Ce n’est pas
François Hollande qui dira le contraire. ».
Par ailleurs, la première-dame est investie du devoir de supporter son conjoint. Ce
rôle contient une hiérarchie de grandeur du monde domestique dévoilant toute une série
de stéréotypes genrés. Idéalement, la première-dame « joue son rôle d’épouse et de
collaboratrice », « dans l’ombre », elle est « le premier soutien », elle rend « son
657
époux plus proche, plus sympathique, plus humain » , elle « adoucit l’image
658
du candidat » , elle est « simple mais élégante » , « présente mais discrète »,
659
« intelligente à condition de ne pas le montrer » . Le rôle de première-dame investit un
compromis entre les trois mondes mais c’est un compromis qui reste confiné dans le monde
domestique. Le devoir de la première-dame est un investissement fondé sur la serviabilité
660
et « le rejet de tout égoïsme » établissant un rapport de grandeur entre le candidat
661
et la première-dame autour de la subordination et de l’honneur . Boltanski et Thévenot
définissent le monde domestique comme un monde établi sur les relations personnelles
entre les êtres. La grandeur se fonde dans une « chaine de dépendances personnelles
662
» , c'est-à-dire que les états de grandeurs se définissent toujours dans la comparaison de
plus grand que … ou plus petit que … La première-dame, qui ne doit son statut qu’à son
663
conjoint, figure donc comme plus petite que le candidat auquel elle se dévoue . Mais
dans cette chaine de dépendance se construit, par ailleurs, la figure de l’être supérieur :
le candidat.
De la même manière, Gala procède à une comparaison entre différents candidats
à partir de leurs enfants. Ici, l’être-entouré est déplacé vers l’être-admiré et l’être-imité. La
forme d’évidence du monde domestique tient de l’exemplarité : donner l’exemple et suivre
664
l’exemple. Thomas Hollande, Marine Le Pen, Marine Ronzani et Agnès Bayrou sont
656
Point de Vue 3059.
657
Paris-Match 3014
658
Gala 713.
659
VSD 1544
660
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 214.
661
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 215.
662
Ibid. p. 206.
663
Le cas de François Hollande sera investi en détail lors de l’investigation de l’identité médiatique de Ségolène Royal.
664
Marine Ronzani est la fille de Dominique Voynet.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

présenté dans cette succession filiale d’engagement et de politisation, ils suivent l’exemple,
« comblent les espérances des parents » prennent « la relève », partagent « le combat
» du père ou de la mère. C’est, d’ailleurs, le thème d’un combat partagé qui rapproche
Ségolène Royal et Thomas Hollande dans Public . Finalement, si la performance met en
scène les fils et filles de politiques qui suivent l’exemple, intrinsèquement le père ou la mère
incarnent l’exemple.
« Etant donné l’importance primordiale accordée à la hiérarchie, l’harmonie
naturelle du monde [domestique] se manifeste particulièrement dans les figures
qui présentent un suite ordonnée d’êtres dans la diversité de leurs états de
grandeur. C’est le cas de la succession des génération (les enfants sont le reflet
665
de leurs parents). »
Du conjoint aux enfants, les récits de soutien instituent le candidat à l’élection présidentielle
dans une supériorité inhérente au monde domestique et à cette figure hiérarchique que
constitue la famille. Le soutien devient la preuve de l’harmonie dans l’ordre établi entre les
êtres.
« L’accomplissement de ces devoirs est ce qui fait l’agrément de la « vie
en commun », ce qui « rend la vie agréable », ce qui permet aux relations
666
individuelles d’être harmonieuses. »
Les rumeurs sur l’absence de Cécilia Sarkozy lors de la campagne présidentielle répondent
précisément à cette injonction à l’harmonie dans le monde domestique déplacée dans le
monde civique, comme si la mésentente du couple niait le rôle de chef de famille de Nicolas
Sarkozy, et donc, sa compétence à pouvoir-être chef de l’Etat. De la même manière, la
compétence de parentalité est déplacée, comme nous le verrons, vers le monde civique
dans de nombreux récits. La transposition du rôle de père ou de mère dans le monde
domestique définit la compétence à pouvoir-être le père ou la mère des Français.
Quel que soit le parcours thématique investi par les « immortelles de campagne »,
celles-ci découvrent des éléments heuristiques pour saisir l’identité médiatique des
candidats. Mais, par ailleurs, elles installent des hiérarchies de grandeurs et des
compétences dans le monde domestique et le monde de l’opinion signifiées comme
révélatrices de hiérarchies et de compétences dans le monde civique. Les différentes
variables qui ont émergé de ce propos seront reprises, dans le chapitre suivant, dans une
investigation focalisée sur chacun des candidats à l’élection présidentielle. Mais, avant de
découvrir les identités médiatiques des candidats, considérons les différents porte-parole.

V. 3. La presse people comme porte-parole

V. 3. 1. La presse people faiblement médiatisante.


Quatre titres de notre corpus médiatisent très faiblement les candidats à l’élection
présidentielle. Dans chacun de ces titres, les hommes politiques n’accèdent pas à la
grandeur requise pour leur visibilité. Le personnage people se définit comme le personnage
mis en scène dans la presse qui lui est consacrée. Tous les grands du monde de l’opinion
665
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 218-219.
666
Ibid. p. 215.

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ne sont pas des peoples. Chaque titre construit une définition du personnage people en
fonction de sa ligne éditoriale et de ses récits. A travers l’analyse de chacun des titres
comme porte-parole de la campagne, la définition du personnage people prend forme, en
particulier au travers des différences opérées entre les hebdomadaires du genre. La presse
people faiblement médiatisante refuse de faire accéder les hommes politiques à ce statut.
Si le silence à leur propos n’est jamais total, le mouvement de mise en discours permet
de saisir qui sont ces personnages, héros de leurs récits, et comment la mobilisation des
hommes politiques répond à cette définition de leur personnage typique.

V.3.1.1. Point de Vue et France-Dimanche : les silencieux.


Point de Vue et France-Dimanche se distinguent par leur silence sur la campagne
présidentielle et autour des candidats. Seul le nom de Ségolène Royal apparaît dans Point
de Vue entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007. Il est énoncé dans le cadre d’un
667
article collectif sur les princes consorts . Cet énoncé relève d’une fiction mettant en scène
la rencontre de François Hollande, Bill Clinton et le Prince Philip, trois hommes renvoyés
au statut de « premier-homme ». Le narrateur de l’hebdomadaire est celui de la titraille
tandis que celui du récit est un expert, un journaliste-politique invité.
« Ségolène Royal et Hilary Clinton élue, François Hollande et Bill Clinton
deviennent premier homme, comme le prince d’Edimbourg depuis soixante ans.
Tandis que leurs femmes débattent de l’avenir de la planète, que complotent les
668
princes consorts. »
Le titre renvoie Ségolène Royal à un état supérieur par rapport à François Hollande. Si
nous ne pouvions ignorer cet énoncé, sa particularité fictionnelle et son unicité empêchent
toute conclusion sur le traitement de la campagne par Point de Vue , en dehors du constat
du silence. Rappelons que cet hebdomadaire est celui des têtes couronnés et du ghotta ;
les candidats à l’élection présidentielle n’accèdent pas à un statut qui leur permet d’être
mobilisés dans ce titre.
France-Dimanche , de son côté, s’intéresse aux personnages de Nicolas et Ségolène
dans la rubrique « Français, vous êtes formidable ! » dédiée à des personnes ordinaires
669
et anonymes . Le rubriquage de cette mise en scène est évident quand on identifie
les « Nicolas et Ségolène » mis en scène : ils sont des boulangers en Meurthe-et-
Moselle. L’article, intitulé « Nicolas et Ségolène : la politique, c’est pas leur gagne-
pain », s’organise dans la mise en parallèle de deux parcours narratifs, celui du couple de
boulangers et celui des deux candidats à l’élection présidentielle.
« Ils ne se sont pas connus sur les bancs de l’ENA mais, à la maternelle »
« Depuis quelques temps, on ne parle que de Ségolène et Nicolas … A la
télévision et dans les journaux, ils sont partout… Mais alors qu’on les croyait
ennemis, on découvre que ces deux là s’aiment à la folie depuis maintenant huit
ans ! »
Dans la première partie du récit, l’homonymie permet le parallélisme entre deux parcours
narratifs, celui des boulangers et celui des candidats. Mais la seconde partie confronte ces
deux parcours narratifs en créant un point de contact élaboré autour de la compétence à
faire de la politique : ici réside la performance principale du récit. Mais ce point de contact
667
Point de Vue 3059.
668
Point de Vue 3059.
669
France-Dimanche 3160.

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incarne précisément un point de divergence sanctionnant l’impossible réunion des deux


parcours narratifs parallèles. Les boulangers sont, à la fois, sujet de faire et d’état pour leur
disjonction avec la politique et incarnent, par là même, les destinateurs-judicateurs quant
au parcours parallèle de leurs homonymes.
« On ne veut pas prendre parti, ni pour la gauche, ni pour la droite, dit Ségolène,
23 ans. De toute façon, la politique ne nous intéresse pas. » « Nicolas et
Ségolène se sentent si peu concernés par ces élections qu’ils ne sont même
pas inscrit sur les listes électorales » « Cerise sur le gâteau, ils ne sont même
pas inscrits sur les listes électorales » « « Le dimanche, nous sommes obligés
de travailler, donc ça aurait été compliqué pour nous de voter » se défend
Ségolène » « Et pendant que les deux candidats se disputent le siège de
président de la République, leurs homonymes, eux, s’occupent paisiblement
de leur affaire » « Moi, le jour des résultats, je serai au lit à 20 heures, conclut
Nicolas, les gens me dirons bien le lendemain qui est le nouveau président »
La performance principale du récit débraye, ainsi, les deux boulangers dans un vouloir-ne-
pas-faire . Le désintérêt et le non-engagement politique sert donc le seul récit mettant en
scène les deux candidats à l’élection présidentielle dans France-Dimanche . La sanction
positive du narrateur quant à ce désintérêt : « C’est vrai qu’on ne peut pas être au four
et au moulin » sert-elle de justification pour le silence quant à la campagne présidentielle
de l’hebdomadaire ?
Les postures de France-Dimanche et de Point de Vue ignorent les candidats à
l’élection présidentielle ; elles les narrent une seule fois pour chaque hebdomadaire au
détour de leurs personnages typiques, les comparant à une reine ou à des boulangers,
comme si le statut et l’activité de ces hommes politiques ne justifiaient pas leur mise en
scène dans ces titres.

V.3.1.2. Ici-Paris et Public : l’énonciation par intermédiaire.


Ici-Paris , met en scène les candidats à l’élection présidentielle dans deux articles parus
entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007. Ces deux articles sont des « immortelles de
campagnes » :

Ici-Paris 3221 : « Pour qui votent les people ? » Ici-Paris 3226 : « Ségolène
Royal, Nicolas Sarkozy : ce que révèlent leur écriture »

La campagne présidentielle peut être divisée en deux sous-périodes. Dans la première


sous-période, il y a douze candidats, dans la seconde deux. Le verdict du scrutin du premier
tour constitue une rupture, réduit le nombre des personnages et opère une transformation
de ce qu’il en est. Ici-Paris rend compte du collectif des candidats dans sa complétude à
l’aide d’une immortelle de campagne pour chacune de ces sous-périodes de campagne.
Ce collectif consiste en l’intermédiaire médiatisant, comme si en dehors de son groupe
d’appartenance, l’homme politique ne pouvait avoir d’existence dans cet hebdomadaire.
Mais plus encore, Ici-Paris transfère le rôle de faire-savoir à un tiers : aux peoples, dans
le premier article, à une graphologue, dans le second. La mobilisation des candidats à
l’élection présidentielle se dessine dans un vouloir-ne-pas-faire, un refus de focaliser son
récit sur un candidat plutôt qu’un autre, un refus de mettre en scène les candidats comme
sujet de faire et un refus de dire qui s’installe dans le compromis de faire-dire. Le silence
d’Ici-Paris intervient donc dans une tension entre dire et ne-pas-dire : il dit en tant qu’il met en

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scène les candidats mais ne dit pas en tant qu’il délègue le rôle de destinateur aux peoples
ou à la graphologue.
Dans le premier récit, les sanctions à propos des candidats sont débrayées dans des
citations des peoples et dans une prise de distance du narrateur.
« De son côté, Massimo Gargia a déclaré au nouvel observateur: « dans mon
milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance » tout en ajoutant « Sarko, pour nous,
est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy est un grand
playboy, et ça, c’est très positif, nous, on adore » « Le troisième homme a lui
aussi ses partisans. Patrick Sébastien, notamment, a déclaré dans le parisien:
« lors de nos discussions, j’ai senti un homme qui partage mes valeurs ».
« J’aime ce mec », a confié, de son côté, Vincent Lindon dans Paris-Match. »
« Philippe Torreton a déclaré au sujet de la candidate de gauche : « je suis
environnementaliste. Elle est la seule à prendre en compte les bouleversements
670
de la société à venir. En plus, elle est en de justice quête et de solidarité ». »
L’objet du discours d’Ici-Paris est le discours du people : l’hebdomadaire s’installe comme
énonciateur du discours rapporté, suspendant le contenu du discours du personnage
people. Le narrateur s’attribue le rôle d’énumérer la liste des soutiens pour chaque candidat.
« Ils sont nombreux à le rejoindre ! Doc Gyneco, David Douillet, Arthur, Steevy
Boulay, Didier Barbelivien, Claude Brasseur, Pascal Sevran, Jean-Marie Bigard,
Alain Prost, Philippe Candeloro, David Hallyday, Jean d’Ormesson, Henri
Leconte, Alain Delon, Michel Sardou, Pierre Palmade, Johnny et Laëticia
Hallyday, Cathy et David Guetta, Faudel, Jean Reno, Christian Clavier, Enrico
Macias, Yves Rénier…. » « Ségolène Royal est également soutenue par Jamel
Debbouze, André Dussollier, Cali, Juliette Binoche, Lambert Wilson, Diam’s,
Geneviève de Fontenay, Yvan Le Bolloch, Arielle Dombasle, Bernard-Henri Levy,
Guy Bedos, Carole Bouquet, Jacques Audiard, Michel Piccoli, Pierre Arditi,
Mazarine Pingeot, Daniel Prévost, Sylvie Testud, Samuel Benchétrit, Patrice
Chereau, Christine Angot, Elsa Zylberstein, Juliette Gréco, Agnès B, Nicolas Rey,
Erika Orsenna… » « Le candidat est également soutenu par Jean-Christophe
Rufin, Titouan Lamazou, Jean-Marie Cavada, Jean-François Kahn, François
671
Berléand et Richard Bohringer. »
Dans ce récit, le réel est l’engagement des peoples qui sont sujets de faire et de dire. « Le
672
flux parolier conserve son statut » d’extériorité par rapport au discours du narrateur.
Dans le second récit, si la titraille installe un expert comme énonciateur du récit,
l’absence de guillemets ou de signature empêche de déceler l’identité du narrateur, installant
une confusion entre l’énonciation d’Ici-Paris et celle de l’expert. Seule la titraille est
identifiable, comme celle étant de l’hebdomadaire, par le débrayage de l’expert comme un
tiers.
« Quelle est la véritable personnalité de celui ou celle qui va bientôt diriger
la France ? Qui sont vraiment Nicolas Sarkozy et Ségolène royal, les deux

670
Ici-Paris 3221.
671
Ici-Paris 3221.
672
MOUILLAUD & TETU, 1989, op. cit . p. 131.

192

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

prétendants à la présidence de la république ? Grâce à la graphologue, Josiane


Borgazzi, découvrez avant le deuxième tour de la présidentielle leurs principaux
traits de caractère, leur tempérament et leur personnalité. Après, ce sera à vous
673
de juger »

[Figure 33 : Mise en forme des citations dans Public.]


La sanction est, ici, explicitement déplacée vers l’expert comme vers le lecteur au
travers d’un programme narratif visé. Le narrateur du récit incarne celui qui pose les
questions sans y répondre. La posture silencieuse d’ Ici-Paris se réalise au travers d’une
délégation du savoir-dire et du vouloir-dire, que l’on retrouve dans la couverture de la
campagne par le magazine Public .
Trois articles de Public se consacrent à un candidat à l’élection présidentielle. Mais
la consécration n’est pas celle des hommes politiques, leur traitement est toujours opéré
par intermédiaire, par l’intermédiaire du collectif des peoples dans : « Pour qui votent les
674
pipoles ? » , par l’intermédiaire de Doc Gyneco dans « Chez Sarko, je dîne, je bois
675
mais je ne fume pas ! » et par l’intermédiaire de Thomas Hollande dans « Et si on votait
673
Ici-Paris 3226.
674
Public 196.
675
Public 193.

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676
pour son fils ? » . Si les candidats apparaissent dans cet hebdomadaire, c’est toujours
677
dans une mise en scène à partir d’un personnage plus légitime à être médiatisé. Ces
personnages sont à la fois Destinateurs, destinateurs et sujets de performances. Ils sont
destinateurs des récits et figurent comme les experts ou les témoins habilités par un savoir-
dire. La médiatisation par intermédiaire déplace le savoir-faire et le faire-savoir du narrateur
de Public au narrateur-people à qui est consacré le récit. Cette posture est repérable
par la mise en forme mosaïque des énoncés où le dire des peoples est mis en avant par
une focalisation sur des citations isolées de l’énoncé. La structure dynamique et éclatée
de cet hebdomadaire mélange ainsi énoncé du narrateur et citations des peoples avec
de multiples illustrations, présentant soit le people-énonciateur, soit l’objet de la citation.
678
La textualisation intervient ici comme une manifestation expressive de l’énoncé . Si la
présence des peoples semble évidente dans ce titre, la mise en scène de Thomas Hollande
l’est moins du fait d’une célébrité et une visibilité moindre. Pourtant, Public légitime sa
médiatisation par un portrait qui l’installe, à la fois, dans un être comme les autres et le
renvoie à son ordinarité tout en le dévoilant différents des autres, justifiant la médiatisation
par son extraordinarité.
« Il a 21 ans, écoute 50 cent et Shakira, et habite toujours chez ses parents.
Thomas est un garçon comme les autres ou presque. » « Pourtant au départ,
Thomas n’avais rien d’un militant. « Au lycée, j’étais juste un mec normal qui
allait au judo, avait des copines et regardait le foot à la télé. ». Le 6 mai 2007, en
tous cas, il deviendra peut-être le fils de la première présidente de la république
679
française. Trop cool ! »
Ce portrait permet l’identification du lecteur au fils de Ségolène Royal, devenant un facteur
d’attrait pour les lecteurs à cette candidate : « Thomas Hollande, 21 ans, est l’atout
charme de sa mère… Ségolène ». La renommée ne constitue pas le seul critère d’accès
à Public . Thomas Hollande est moins connu et visible que sa mère : il est plus petit que
Ségolène Royal dans le monde de l’opinion. Pourtant, c’est à travers lui que la médiatisation
de la candidate est opérée bien que la visibilité du fils dépende de celle de la mère, comme
si l’âge et l’activité de la candidate n’en faisait pas une personne « digne d’intérêt » pour
les lecteurs de ce magazine.
« Pour les magazines Closer et Public, la jeunesse est un critère essentiel. Rares
680
sont les peoples qui dépassent 35-40 ans. »
Le monde de l’opinion subit donc une réorganisation qui favorise, de manière dominante,
les candidats de la téléréalité : « Ce sont des personnages attachants autour desquels
les rédacteurs se comportent comme des artisans qui tricotent des vies de jeunes,
681
dans un univers jeune, à destination d’un lectorat jeune » . La jeunesse de Thomas
Hollande contient ainsi un critère justifiant sa médiatisation et permettant l’identification des
lecteurs. Le monde civique est donc déplacée dans le monde domestique et de l’opinion.

676
Public 185.
677
Collectif ou particulier.
678
Cf. Note de bas de page n°144, Chap. II. 1. 1.
679
Public 185.
680
SPIES, 2008, op. cit. p. 141.
681
SPIES, 2008, op. cit. p. 141.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

Ce déplacement est renforcé par les sanctions du narrateur de Public autour des
citations qui interrogent la crédibilité des propos.
« Le doc n’a pas mâché ses mots pour expliquer son engagement politique (…) Il
n’a pas hésité à tailler un costard à la gauche et aux peoples qui la soutiennent »
« Le rappeur a avancé qu’il obtiendrait sans doute un poste au gouvernement
si le candidat de l’UMP venait à être élu! Le doc au pouvoir, on attend de le voir
pour y croire... » « Quant à Roger Hanin, il a expliqué à Marc-Olivier Fogiel sur le
plateau de T’empêches tout le monde de dormir: « je voterai Nicolas Sarkozy au
second tour parce que je pense qu’il aura une politique de gauche ». Chacun ses
682
raisons. »
C’est moins la sanction porté sur le candidat qui est remise en cause, ici, que le destinateur-
manipulateur du propos : la logique de l’identification politique de Nicolas Sarkozy, par Roger
Hanin, ou l’objet visé, jugé peu crédible, pour Doc Gyneco. L’objet du discours est le discours
du personnage people, la sanction porte alors sur le savoir-dire plus que sur le contenu
même de la citation.
Le silence de cette presse faiblement médiatisante n’est donc pas absolu mais passe
par un jeu avec des intermédiaires. Ceux-ci sont, au niveau sémio-narratif, les personnages
typiques de chacun de ces titres au travers desquels la présence d’un homme politique
trouve sa légitimité. Mais l’intermédiaire peut, par là même, investir le collectif des candidats
au travers d’une mise en scène de la campagne quant à ce qu’il en est. Enfin, ces
intermédiaires sont aussi des intermédiaires au niveau de l’énonciation ; le narrateur-
journaliste délègue le discours à ses actants de narration ou à un autre énonciateur. Voici,
procède, lui aussi, à une médiatisation par intermédiaire, pourtant, contrairement aux quatre
titres investigués ici, il conserve un savoir-dire et un vouloir-dire quant aux candidats mis
en scène.

V. 3. 2. Voici et Closer : La focalisation idéologique sur un


personnage.
Voici et Closer appartiennent à la catégorie du mode mimétique bas. L’analyse révèle
une prise de position évidente de la part de ces deux porte-parole, à la fois, dans le choix
des paroles et des êtres traduits, comme dans le mouvement de traduction.

V.3.2.1. Voici : une posture moqueuse et insolente.


Dans sa logique du mode mimétique bas, Voici installe ses personnages au niveau des
lecteurs et ce mouvement du haut vers le bas est ordonné à partir d’une rhétorique
humoristique, dont l’implicite permet de discerner un positionnement politique.
L’humour consiste en une énonciation non-sérieuse mais polyphonique car il porte deux
points de vue : l’humoristique explicite et le sérieux implicite.
« L’interprétation serait alors le produit d’un raisonnement du type : « Si X a cru
683
bon de dire Y, (humoristiquement) c’est qu’il pensait (sérieusement) Z ». »

682
Public 193 (x2), Public 196.
683
CHABROL, C., « Humour et Médias. Définitions, genres et cultures », Questions de communication , 10, 2006, p. 10.

195

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Médias, politique et vie privée

L’humour relève d’un jeu « sur la polysémie des mots qui permet de construire deux ou
684
plusieurs niveaux de lecture » . L’ironie en est une des marques les plus présentes dans
le magazine Voici, mais elle n’est pas la seule. On y retrouve, par ailleurs, l’humour par
le jeu sémantique au travers d’énoncés insolites (définis par Charaudeau comme la mise
685
en relation d’univers étrangers l’un à l’autre mais dont le récit établit un rapport ) et de
nombreux jeux de mots.
« Comme Sophie de la Rochefoucauld (qui a joué dans Cordier, juge et flic
et dans PJ), vous pensez que les rôles de Sharon Stone devraient être mieux
partagés ? Votez Marie-George Buffet ! » « Comme Renaud, vous pensez
que le pastis transgénique est mauvais pour la santé ? Votez Dominique
Voynet ! » « Avec elle, les plus démunis auront le droit à un coup de pouce et
les chirurgiens esthétiques à un gros chèques. » « C’est lui [François Bayrou] le
nouvel ami de Patrick. Après le petit bonhomme en mousse évidemment. » « Elle
aimait son look bohème. Il adorait son look bourgeois. Mais depuis quelques
semaines, c’est leur amour qui a bobo » « Si la journaliste a renoncé au Soir 3,
c’est parce que son chéri est sur le point d’avoir une belle promo. Quelle femme
686
adroite ! »
De son côté, l’ironie est une figure de pensées et non de mots : elle mêle procédés
linguistiques et procédés discursifs, elle consiste « à faire entendre le contraire de ce
687
que l’on dit dans le moment même et par l’acte même où on le dit » . Robert Escarpit
met le paradoxe ironique au cœur même de tout processus humoristique, « par la mise en
contact soudaine du monde quotidien avec un monde délibérément réduit à l’absurde
688
» . Voici adopte très largement un ton ironique jouant sur la tension entre signifié et
signifiant. L’omniprésence de ce mode rhétorique dévoile plusieurs formes d’ironie dans
les récits de notre corpus principal, toutes ayant le même objectif : celui de moquer et de
dénoncer. L’antiphrase ironique est la forme la plus typique ; elle sert à dire l’inverse de ce qui
est signifié tout en amplifiant ce signifié par la ridiculisation de ce qui est dit : « L’énonciateur
dit quelque chose de contraire à ce qu’il pense (c’est l’antiphrase), mais en même
temps, il veut faire entendre ce qu’il pense. Il doit donc construire un destinataire
idéal qui puisse comprendre que ce qui est donné à entendre est l’inverse de ce qui
est dit. Pour ce faire, il fournit au destinataire des indices (ton, mimique, geste) lui
689
permettant d’opérer ce renversement ou cette conversion » .
« La délicatesse de ses [Pascal Sevran] propos sur la sexualité des Africains
lui a valu de soulever une polémique à l’échelle internationale » « Nicolas
Sarkozy n’a jamais mélangé vie privée et vie politique. Jamais ! » « Eux, un
couple improbable ? Sûrement pas ! Ce qui unit la femme de lettres et l’as de
690
l’obstétrique est infini… »
684
CHARAUDEAU, P., « Des catégories pour l’humour ? », Questions de communication , 10, 2006, p. 32.
685
Ibid. p.34.
686
Voici 1014 (x3), Voici 1009, Voici 1005, Voici 998
687
BERRENDONNER, A., Éléments de pragmatique linguistique, Paris : Éd. de Minuit, 1981, p. 216.
688
ESCARPIT, R., L’Humour, Paris : PUF, coll. Que sais-je, 1987, p. 115.
689
CHARAUDEAU, 2006, op. cit. p. 28.
690
Voici 1009, Voici 998, Voici 993.

196

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

L’hyperbole ironique permet l’exagération et ridiculise l’euphorie rhétorique.


« L’avenir de l’immensePascal Sevran dépendra du résultat de l’élection » « Ces
deux là sont comme Humphrey Bogart et Lauren Bacall, comme le jambon et la
purée : définitivement faits l’un pour l’autre » « Y aurait-il du Malraux dans ce
valet de cœur ? Sans aucun doute. » « L’onctueux Alain Duhamel sait se lâcher
grave… mais seulement en petit comité… Tenez, il y a trois mois, cette grande
signature de France 2 était l’invité de la section UDF des étudiants de Sciences-
Po Paris. Autant dire un ramassis de dangereux révolutionnaires ! N’écoutant que
son courage, Alain a poussé l’audace jusqu’à leur déclarer tout son admiration…
691
pour François Bayrou. »
Il y a, ici, ironie et non sarcasme, au sens où Charaudeau définit ces notions : la première
étant positive mais cachant une sanction négative, la seconde, au contraire est une
« hyperbolisation du négatif », un énoncé négatif pour exagérer une sanction négative.
Le ton ironique de Voici peut être inscrit pertinemment dans notre recherche car il tient,
en son creux, deux principes fondamentaux, objets de nos investigations. Le premier installe
l’instance d’énonciation dans une position particulière. L’énonciation est une « instance
proprement linguistique ou, plus largement, sémiotique, qui est présupposée par
692
l’énoncé et dont les traces sont repérables dans les discours examinés » . La
rhétorique ironique est une trace de cette instance d’énonciation dans l’énoncé : elle débraye
une sanction du narrateur sans pour autant débrayer le narrateur.
« L’ironie est avant tout une posture énonciative qui se traduit par un écart, un
693
décalage. »
Ainsi, l’ironie permet de débrayer une posture sans débrayer le sujet de l’énonciation.
Le « je », le « nous » ou « Voici » sont absents des récits au contraire d’un « vous »
omniprésent. Il y a débrayage de l’énonciataire mais non de l’énonciateur. Pourtant, celui-ci
est précisément maintenu par l’ironie et donc dans le débrayage de sa posture énonciative.
Cette posture révèle le deuxième principe : celle de la mise à jour d’un écart, d’un décalage,
et de sa dénonciation.
« Pour qu’il y ait de l’ironie, il faut qu’il y ait une désattente de l’horizon d’attente,
ce qui normalement atteint la cohérence du texte; cette désattente n’est jamais
gratuite, comme dans le comique, mais vise une dénonciation, notamment aux
dépens d’une cible ; cette dénonciation demande une double mise à distance,
à savoir d’un côté entre l’énonciateur et la cible de l’ironie, de l’autre entre
l’énonciateur et son dit. Ce dernier aspect concerne le jeu polyphonique entre le
694
sujet déictique (locuteur) et le sujet modal (énonciateur) qui critique la cible. »
Il y a une mise à distance qui ne vise pas le rire pour rire mais plutôt une dénonciation par
rapport à une cible qu’on veut critiquer et ridiculiser. Dans les extraits cités, nous retrouvons
les deux types d’évaluation élaborées par Louis Hébert : évaluation d’assomption et de

691
Voici 1009, Voici 993, Voici 1001, Voici 1009.
692
COURTES, 1991, op. cit. p. 246.
693
JAUSS H.-R., Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, 1978, p.6.
694
RAUS, R., « L’ironie à l’épreuve des textes : vers une définition empirique de cette notion », Bouquets pour Hélène :
Formes et représentations de l'ironie et de l'humour , 2007. [En ligne : http://publifarum.farum.it/ezine_articles.php?id=40]

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Médias, politique et vie privée

695
référence . Dans le cas du récit « Sois pas jaloux, Sarko ! » sur le couple Doc Gyneco et
696
Christine Angot , l’évaluation d’assomption consiste en une évidence : Ne-pas-pouvoir-
ne-pas-être ensemble, une évaluation dénoncée par le narrateur au travers d’hyperboles
et d’antiphrases ironiques, dénonçant une manipulation de la part de ces deux peoples :
« A Brives, puis à Paris, Christine et Bruno ont fièrement affiché leurs sentiments,
s’embrassant, se serrant l’un contre l’autre. Un vrai miracle, à l’heure où le disque de
l’un et le livre de l’autre peinent à trouver leur public. ». Cette dénonciation en permet
une autre : celle de la manipulation médiatique de l’amitié Nicolas Sarkozy/Doc Gynéco.
« Oublié le président de l’UMP ? Oui : désormais le rappeur mou est accro à la
romancière » « Aujourd’hui n’en déplaise au patron de l’UMP, c’est pour et par
697
l’amour que Christine et le Doc ont choisi d’exister. »
Voici dénonce ainsi la mise en scène d’un couple et d’une amitié en niant le ne-pas-
pouvoir-ne-pas-être ensemble:
« Elle a peur de ne plus trouver la force d’avancer, il se demande s’il reste des
bières dans le frigo. Eblouis par cette fascinante gémellité, ils ont décidé de ne
698
plus se quitter. »
Dans cet exemple et dans tous les récits de notre corpus, la dénonciation et l’ironie portent
sur les actants de narration et ne se font pas aux dépens du lecteur. Le destinataire, débrayé
par le « vous », ne constitue donc pas la victime mais le complice, « appelé à partager la
vision décalée du monde que propose l’énonciateur, ainsi que le jugement que celui-
ci porte sur la cible. Il est comme un témoin de l’acte humoristique, un destinataire-
699
témoin » . L’utilisation de l’humour chez le magazine Voici relève de stratégies de
séduction, créant une situation de connivence avec le lecteur.
Sous le prisme du dédoublement de l’énonciateur comme narrateur et acteur, la
particularité rhétorique de Voici déploie, dès lors, un chemin vers l’action critique de ce
700
magazine quant au phénomène de peopolisation , dénonçant « des visions normées
du monde en procédant à des dédoublements, des disjonctions, des discordances,
701
des dissociations dans l’ordre des choses » . A ce stade de notre propos, cependant,
nous limiterons notre réflexion sur le ton ironique et humoristique, dans le confinement de
l’énoncé, et donc dans la sanction des actions et êtres de papier.
Si chacun des candidats mis en scène subit le ton ironique de Voici, nous remarquons
que les identités médiatiques diffèrent et révèlent un ancrage politique du magazine.
Ségolène Royal est toujours mobilisée à partir d’un intermédiaire-médiatisant. Elle est mise
695
HEBERT, 2006, op. cit. [En ligne] : La première révèle le classement des valeurs qui justifie le faire et ordonne l’être des actants de
narration, la seconde permet au narrateur de sanctionner les actants de narration et d’infirmer ou confirmer l’évaluation d’assomption.
Le narrateur, dans ce cas là, devient le juge de la conformité des actions par rapport à l’axiologie de référence engagée par le
Destinateur du schéma narratif.
696
Voici 993.
697
Voici 993.
698
Voici 993.
699
CHARAUDEAU, 2006, op. cit.p. 23.
700
Le déplacement de notre considération du récit comme narration vers le récit comme action, en conclusion, reprendra cette
spécificité de ce magazine people dans la performance de la peopolisation.
701
CHARAUDEAU, 2006, op. cit.p. 24.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

en scène par Voici dans deux récits sur Philippe Torreton, puis dans un récit sur le vote
people à partir d’Emmanuelle Béart, et enfin une dernière fois, dans l’article « Le grand
n’importe quoi » au travers d’un récit sur Laurent Ruquier. Ségolène n’est donc jamais le
sujet d’une performance. Mais deux récits permettent de considérer une certaine identité de
702
Ségolène Royal, son être-de-gauche et son être-femme . Ce dernier est sanctionné
positivement par le narrateur : « Femme au pouvoir, France plein d’espoir » ; une
sanction renforcée par la comparaison à un autre people énoncé dans un ne-pas-vouloir-
faire pour les pauvres : « C’est pas Steevy qui aiderait les sans-papiers ! », un people
qui sert, à l’inverse, à médiatiser Nicolas Sarkozy : « Contrairement à Steevy, fan de
Sarko ».
Le candidat de l’UMP est mobilisé, dans Voici, dans sept récits de notre corpus.
Il est mis en scène à partir de récits à propos de Johnny Hallyday, Doc Gynéco, Marie
Drucker et François Baroin, Pascal Sevran, Steevy, Estelle Denis et Marc-Olivier Fogiel.
Toutes ces personnalités permettent au narrateur de construire une certaine image de
Nicolas Sarkozy. Ici, nous regroupons les jonctions repérables dans ces discours à propos
de Nicolas Sarkozy.

703
Nicolas Sarkozy U petite taille « Nicolas ? Un gars comme ça. Enfin à peu près grand
comme ça… » « A force de le voir avachi, on pensait qu’il n’était pas grand. Ce cliché prouve
le contraire : le Doc est un géant » (en légende d’une photo de Doc Gyneco au coté de
704
Nicolas Sarkozy) Nicolas Sarkozy ∩ solidarité « Pas la France des assistés, non
plus, mais l’autre qui turbine » « Bien sûr, il n’y aura plus ni hôpitaux, ni école gratuite,
mais tout le monde pourra partir à Saint-Barth (en jet pour les millionnaires, en trottinette
pour les ouvriers). » « Avec Jojo, fini l’impôt ! » « Pourquoi voter pour lui ? Parce que
l’idole des jeunes, qui s’est exilée en Suisse, déteste les impôts. Avec lui, ils seraient donc
supprimés ! Résultat, une France en mouvement où chacun peut profiter du bon argent qu’il
a gagné » « Hallyday vote Sarko ! » « Pas toujours remis de l’exil (façon bras d’honneur)
de Johnny Hallyday. Heureusement, des célébrités attachées au principe de solidarités
705
nationales résistent encore et toujours » Nicolas Sarkozy U manipulation/stratégie de
séduction « Grâce à son bon copain de Neuilly, Pascal a évité le chômage » « A France
2, on raconte (…) que l’encombrant personnage ne devrait son maintien qu’à son soutien au
candidat Nicolas Sarkozy (…) L’avenir de Pascal Sevran dépendra du résultat de l’élection
présidentielle. Pour le meilleur ou pour le pire, c’est selon. » « Nico a accepté de ranger son
habit de candidat pour revêtir celui d’homme comme les autres (dans les limites imposées par
ses conseillers en communication), jouant le jeu de la politique-spectacle. » « Sois pas jaloux,
706
Sarko ! » (À propos de la mise en visibilité de Doc Gyneco par Christine Angot)

La disjonction entre Nicolas Sarkozy et la solidarité comme la jonction entre la


manipulation et ce même candidat sont sanctionnées négativement par le magazine Voici
. Il y a donc une construction d’une image négative de Nicolas Sarkozy alors que Ségolène
Royal est dotée d’un pouvoir-faire , tout comme François Bayrou, mobilisé à partir des
personnalités : Patrick Sébastien et Alain Duhamel.
Ainsi, dans la comparaison entre les trois candidats à l’élection présidentielle mis en
scène, nous remarquons une focalisation plus importante sur Nicolas Sarkozy, mais toujours
dans des sanctions négatives du candidat. Une position politique du narrateur apparaît :
702
Voici 1005, Voici 1014.

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Médias, politique et vie privée

celle qui est de ne pas soutenir Nicolas Sarkozy et de produire une image négative du
candidat de l’UMP. Sous couvert d’insolences et de moqueries, se révèle donc un sérieux
implicite, attribuable à une ligne éditoriale engagée non pas dans la mise en avant ou le
soutien d’un programme ou d’une personnalité mais dans la critique d’un candidat : Nicolas
Sarkozy. Le seul autre candidat de droite mis en scène par Voici est Philippe De Villiers. Il
subit une sanction franche par le narrateur des récits :
« Comme Patrice Rio (footballeur un peu connu en 1982), vous avez peur des
707
barbus, votez Philippe De Villiers » .
Si cette sanction corrobore un ancrage à gauche, l’énoncé est trop court pour généraliser
et conclure sur une position politique à gauche. Mais la mise en scène de Nicolas Sarkozy
dévoile, pourtant, un engagement personnifié, ou, ici, un engagement à l’encontre d’une
personne. Intervient alors une hypothèse de recherche que nous investirons en conclusion :
Les lignes éditoriales repérées de gauche déploieraient une attitude critique face
au phénomène de peopolisation.
Voici , au travers de récits anti-sarkozystes rejoint-il les lignes éditoriales dites « de
gauche » dans sa construction de la peopolisation ?

V.3.2.2. Closer : pro-Royal ?


Dans notre corpus, sept numéros de Closer mettent en scène un candidat à l’élection
présidentielle. Or, un élément intéressant attire notre attention. Le nom de Ségolène Royal
708
apparaît trente et une fois alors que celui de Nicolas Sarkozy n’apparaît que deux fois .
Cette disparité est manifestée, en outre, par la photographie et le contexte d’évocation
de ces deux candidats. Dix-sept photographies de Ségolène Royal sont présentées par
Closer dans la période investie, dont quatre en Une, alors que l’image de Nicolas Sarkozy
n’apparaît pas. Ce dernier est évoqué dans une interview de Patrick Sébastien accordée
à l’hebdomadaire. Ségolène Royal, à l’inverse, se voit consacrer deux articles complets de
deux pages, un encart dans la rubrique « La semaine en images », un autre dans « l’œil
de Closer », un d’une demi-page, dans un article dédié à Philippe Torreton et Claire Chazal,
encart intitulé : « Les prises de position de Philippe Torreton vont-elles mettre Claire
en danger ? ». Enfin, Ségolène Royal est mise en scène, comme son adversaire, dans
l’interview de Patrick Sébastien et, une dernière fois, dans un dossier immortel : « Régimes,
Chirurgie, relooking : 50 stars transformées ». Dans cet article collectif, Closer lui
consacre deux photographies en Une, et une page complète, la première du dossier. Les
photographies de la candidate, en Une comme dans le dossier, sont largement plus grandes
que celles de toutes les autres stars. La présence de Ségolène Royal dans cette immortelle
permet de la qualifier comme grande dans le monde de l’opinion : elle est une star, au même
titre qu’Angelina Jolie, Loana ou Céline Dion.
L’écrasante visibilité de Ségolène Royal par rapport aux autres candidats questionne
l’ancrage politique de cet hebdomadaire. Différentes figures de la candidate socialiste se
709
dessinent. Elle y est une mère , un statut qui lui confère un savoir-faire particulier dans le
monde civique. En effet, celui-ci est un Destinateur-manipulateur qui permet la conjonction

707
Voici 1014.
708
Cf. Annexes E. 1. où figure un résumé des concordances des noms propres des candidats dans Closer, réalisé à partir du
logiciel Lexico.
709
Closer 84 et Closer 77

200

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

710 711
de Ségolène Royal avec le recul et l’humilité et la disjoint de la violence . Son « rôle
de mère », associé à celui de femme et de politique construit la figure de la femme
712
moderne, « une femme urbaine en campagne » . C’est une « femme qui réussit et
qui s’entretient », une des « grandes femmes modernes », « la femme la plus
observée, la plus présurée, détaillée et commentée de l’hexagone », une « femme
713
charismatique » . Une politique, une femme, une mère : trois définitions qui permettent
de produire une identité médiatique positive de Ségolène Royal, pour finalement lui octroyer
les compétences de savoir-être et de pouvoir-être chef de l’Etat. L’explicitation de
714
cette évaluation se trouve dans l’article consacré à Claire Chazal et Philippe Torreton .
Philippe Torreton est sujet de faire et d’état dans ce récit : il est celui qui produit sa propre
conjonction avec son engagement politique (PN d’usage) et disjonction avec Claire Chazal
(PN de base). Mais ce programme narratif complexe s’épaissit dans l’encart « Les prises de
position de Philippe Torreton vont-elles mettre Claire en danger? ». Philippe Torreton
apparaît, ici, comme destinateur-judicateur sanctionnant positivement Ségolène Royal (le
destinateur-manipulateur de la performance).

Ségolène Royal → Nous U art de vivre ensemble


Ségolène Royal → Nous U but

Ces deux programmes narratifs d’usage permettent le Programme Narratif de base de


cet encart, devenu d’usage dans l’article.

Ph. Torreton U engagement

En tant que destinateur-judicateur, Philippe Torreton produit une évaluation


d’assomption sur le Destinateur, Ségolène Royal, qu’il dote d’une compétence positive de
pouvoir et de savoir-faire. L’évaluation de référence du narrateur sanctionne positivement
l’engagement de Philippe Torreton et donc, indirectement, la compétence de Ségolène
Royal attribuée par l’acteur français.
Mais dans ces figures et ces sanctions, nous trouvons, à deux reprises, un parcours
parallèle, celui de l’homme : « une femme doit travailler plus dur qu’un homme et n’a
pas de temps à perdre », « il y a une façon féminine de faire de la politique »,
715
« les femmes feraient certainement moins la guerre que les hommes » . L’homme
qu’incarne Nicolas Sarkozy, mobilisé dans un seul article au travers de la parole de Patrick
716
Sébastien, subit justement la sanction négative de ce dernier . Il condamne les deux
candidats par leur vedettisation : « c’est la fameuse « peoplisation » des politiques
», mais s’attarde finalement sur Nicolas Sarkozy en lui octroyant une incompétence :
« Sarkozy, il est passé 4000 fois à la télé… mais il bosse quand ? Il est en promo tout
le temps ! ». Le cadre de l’interview empêche la mise en scène d’une sanction de la part du
710
Closer 84
711
Closer 77.
712
Closer 85.
713
Closer 77, Closer 86, Closer 84, Closer 77.
714
Closer 87
715
Closer 91 (x2), Closer 77.
716
Closer 78.

201

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narrateur. Il est impossible de considérer dans quelle mesure Closer s’associe au discours
de Patrick Sébastien. Pourtant, nous ne pouvons ignorer que cette sanction d’incompétence
est la seule visibilité du candidat UMP dans cet hebdomadaire entre le 17 novembre 2006
et le 14 mai 2007. La visibilité restreinte de Nicolas Sarkozy se confirme dans un vouloir-
ne-pas-faire du narrateur. L’actualité de Doc Gyneco, du couple Marie Drucker/François
Baroin ou de Johnny Hallyday justifie la visibilité de Nicolas Sarkozy dans les autres titres
de presse people. Pourtant, Closer choisit de ne pas saisir cette opportunité, refusant
de rendre visible le candidat. Lorsque Marie Drucker met sa carrière de journaliste entre
parenthèses le temps de la campagne, Closer motive ce choix en associant François
Baroin (son compagnon) et Jacques Chirac : « D’autant que son compagnon, très
proche de Jacques Chirac –dont on dit qu’il est le « fils spirituel » ! – devrait être plus
717
qu’impliqué dans la course aux élections. » . Sous ce même principe, dans Closer
87, un encart focalise l’attention sur la promotion du livre de Doc Gyneco : « Les grands
esprits se rencontrent. Sarkozy et moi, une amitié au service de la France. ». Mais,
ni le titre de ce livre ni le nom de celui à qui il est consacré ne sont énoncés. La distinction
entre invisibilité et non-visibilité contient-elle une intentionnalité en son creux ? Remarquons,
enfin, que cet hebdomadaire ne propose aucun article collectif sur les candidats. Or, ceux-
ci sont l’occasion de mettre en scène tous les candidats à l’élection présidentielle. Mais
Closer ne focalise son regard que vers Ségolène Royal.
Closer appartient au mode mimétique bas, un mode qui se caractérise, entre autres,
par le principe de médiatisation indirecte. Ce type de médiatisation, on l’a vu, n’est pas
complet car la candidate PS peut être médiatisée sans intermédiaires. Sa qualification
d’appartenance au collectif des stars rejoint cette logique. Ainsi, Closer est le seul
hebdomadaire du mode mimétique bas à juger digne d’intérêt un candidat en lui attribuant
un statut qui lui permet de figurer dans un récit comme personnage principal sans que le
narrateur n’ait recours à un « intermédiaire médiatisant ». Par ailleurs, la candidate est mise
718
en scène à partir de certaines de ses visites de campagne . Ici encore, Closer est le
seul titre du mode mimétique bas à se saisir d’un discours ou d’une pratique ordonnée par
un homme politique dans le cadre de la campagne présidentielle. Ainsi, en plus de définir
la campagne par ce qu’elle est, Closer met en scène ce qui s’y passe mais ce, toujours,
par et pour Ségolène Royal. De cette focalisation flagrante sur la candidate, des sanctions
positives sur son pouvoir-faire et pouvoir-être qui émergent de ces récits et enfin, de sa
qualification en tant que personnalité ayant accès à un état de grandeur lui permettant d’être
médiatisée sans intermédiaire et d’être le sujet principal des récits dans la campagne de par
ce qu’il en est et ce qui s’y passe, une conclusion semble s’imposer : Closer développe
une médiatisation pro-Royal.

V. 3. 3. Gala : la glorification de la simplicité et de l’élégance.


Si Closer est le seul titre du mode mimétique bas à se saisir de la campagne comme
contexte d’émergence de pratiques et de discours des hommes politiques dont il rend
compte et qui lui servent pour médiatiser un candidat sans le recours d’un « intermédiaire
médiatisant », c’est aussi le cas, dans le mode mimétique haut, de Gala , VSD et Paris-
Match . Pourtant, Closer et Gala se différencient de VSD et Paris-Match par la place
accordée au monde civique dans leurs récits.

717
Closer 79.
718
Closer 84 et Closer 85.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

Lors de la campagne présidentielle, Gala met en scène les candidats avec un intérêt
porté, à la fois, à l’intimité de l’homme politique et à son apparence. Parmi les douze articles
figurant dans notre corpus, deux sont consacrés à l’apparence, six sont des « immortelles
de campagne », deux focalisent leur attention sur un candidat, un à un couple et le dernier
à Nicolas Sarkozy élu. Gala est le seul à consacrer un article à un des petits candidats :
José Bové. Bien que les quatre candidats les plus importants tiennent une large part dans
ces articles, la place accordée aux petits reste proportionnellement importante.

Liste des candidats mobilisés dans les récits de Gala. Gala 703 « Nuit Glamour à
l’Elysée » : Nicolas Sarkozy Gala 711 « Qui est le plus riche ? Les candidats révèlent
leur patrimoine » : Tous sauf Olivier Besancenot, Gérard Schivardi et Frédéric Nihous Gala
711 « Ségolène et François » : Ségolène Royal Gala 713 « Cécilia et Nicolas Sarkozy -
leur pacte intime : cinq clés pour comprendre leur couple » : Nicolas Sarkozy Gala 714
« Royal look » : Ségolène Royal Gala 716 « Fils et filles de politiques : Ont-ils attrapés
le virus ? » : Dominique Voynet, François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-
Marie Le Pen Gala 717 « José Bové : son nid dans le Larzac » : José Bové Gala 718
« Salon de l’agriculture : à chacun sa campagne ! » : Jean-Marie Le Pen, François Bayrou,
Marie-George Buffet, Philippe de Villiers, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy Gala 720 «
François Bayrou. Mais pourquoi plait-il tant aux français ? » : François Bayrou Gala 722 «
Mon père, mon drame… » : Jean-Marie Le Pen, François Bayrou, Ségolène Royal, Nicolas
Sarkozy, José Bové Gala 723 « Ce que révèle leur visage » : Tous. Gala 725 « Nicolas
Sarkozy et Ségolène Royal démasqués par leur écriture » : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal
Gala 726 « Nicolas Sarkozy Président » : Nicolas Sarkozy

Cette présence des petits candidats s’explique en partie par le crédit accordé aux
personnages politiques ; leur grandeur suffit à leur reconnaissance par Gala qui n’a
pas besoin d’intermédiaire médiatisant. Ils sont les personnages principaux des récits.
Cependant, ce n’est pas l’acteur politique qui est mobilisé mais l’être issu du monde
domestique et du monde de l’opinion. Le seul récit consacré à une activité politique s’étend
719
sur la visite des candidats au salon de l’agriculture . Le narrateur se saisit de l’évènement
pour différencier deux types de compétences : le savoir-être et le vouloir-faire. La première
est l’apanage des personnages conjoints de sincérité ; c’est le cas, dans ce récit, de François
Bayrou et Jacques Chirac. La seconde est celle du parcours thématique de la manipulation.
« C’est l’histoire d’une bête des médias et d’un petit chevreau. Venu aux aurores
– pour copier son rival François Bayrou – Nicolas Sarkozy a également assisté à
720
la traite des vaches. »
Les récits de Gala contiennent presque toujours un parcours polémique pris entre
manipulation, sincérité et humilité. La simplicité dans le monde domestique et la sincérité
comme l’humilité dans le monde de l’opinion figurent, dans cet hebdomadaire, comme le
ferment du caractère extraordinaire. Ainsi, les récits sur François Bayrou et José Bové
insistent sur le savoir-être de ces deux candidats.
« Bayrou (prononcer « baillerou »), c’est l’homme qui prend son temps et qui a de
la terre à ses souliers » « Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial,
apprécie le calme de son tête-à-tête du week-end. ici, les repas se déroulent
toujours à la bonne franquette » « Sans doute le côté agrégé de lettres (…) et la
719
Gala 718
720
Gala 718

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Médias, politique et vie privée

simplicité apparente de sa vie familiale sont aussi de nature à rassurer. » « Sa


femme (…) reste discrète (…) et quand madame ne veille pas sur sa tribu de onze
petits-enfants, elle s’adonne à la méditation ou plonge avec délice dans la prose
de Rabelais. » « C’est une maison au sommet de la colline, on y parvient à pied,
au bout d’un sentier caillouteux, et celui qui habite là s’appelle José. Campé
bien droit dans de vieilles charentaises, pipe au bec, l’homme arbore un large
sourire. » « Tandis que le poêle à granulés de bois diffuse une bonne chaleur,
que Ghislaine mitonne un petit gratin à la tome de brebis, José se triture les
721
neurones pour sauver le monde. »
La sanction positive se tient dans une adéquation entre un être simple du monde
domestique qui devient un être sincère et humble dans le monde de l’opinion, trois attributs
psychologiques débrayés comme relatifs à l’être. Pour l’humilité et la sincérité, seul l’être
est de rigueur : si le candidat était le sujet de faire pour sa propre conjonction avec de tels
attributs, ceux-ci serait alors démentis comme relevant de l’ordre de la manipulation : On
ne fait pas l’humble ou le sincère, on l’est.
« Mais c’est ici et maintenant, dans son humble quotidien que notre guerrier
moustachu puise sa force » « Et si la force tranquille de cet éleveur de pur sang
était, finalement, le ticket gagnant ? » « Alors, Bayrou, candidat idéal ? (…)
jusqu’au bout, il en restera persuadé : « Dans cette campagne, les française
722
cherche l’autre. Et je suis l’autre. » (Fin de l’article)
Cette glorification de la simplicité et de la sincérité se retrouve, par ailleurs, dans une
référence à Astérix, dans les deux portraits.
« Les français raffolent de ces Astérix qui défient les légions romaines » (A
propos de François Bayrou) « Et pour cela, l’Astérix des Causses n’hésite pas à
723
retrousser ces manches » (A propos de José Bové)
Le savoir-être dans le monde domestique et dans le monde de l’opinion s’oppose donc
au vouloir-faire du monde de l’opinion, à la manipulation.
« Entre Nicolas et Cécilia d’une part, Ségolène et François d’autre part, François
et Babet offrent au pays l’image d’un couple apaisé » « Ce n’est pas lui qui irait
724
confesser aux médias ses déboires conjugaux. »
Ce parcours polémique entre ces candidats sincères et les autres est aussi présent
dans le récit sur le couple Sarkozy mais ce de manière originale : le couple Sarkozy
incarne successivement les manipulateurs et les êtres sincères. Il est le manipulateur dans
un premier parcours narratif mais leur conjonction avec la manipulation agit comme un
programme narratif d’usage pour la disjonction entre les deux personnages dans le monde
domestique. La rupture du couple sanctionne négativement ce premier parcours et, en
même temps, constitue la rupture du récit :

721
Gala 720 (x4), Gala 717.
722
Gala 717, Gala 720 (x2).
723
Gala 720, Gala 717.
724
Gala 720 (x2).

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

« Le Président de l’UMP consacre désormais plus de temps et d’attention à sa


famille » « Fini la langue de bois, Place à l’humilité des mots ! » « Le couple
725
Sarkozy s’expose différemment »
Cette rupture dans le cours du récit permet alors un second parcours où cette fois, le couple
est disjoint des médias et de l’ambition et conjoint dans le monde domestique, comme
si, finalement, le couple ne pouvait être réuni si chacun de ses membres l’étaient avec la
726
manipulation .
La simplicité dans le monde domestique est garante de la sincérité et de l’humilité dans
le monde de l’opinion. Ce déplacement légitime la focalisation de cet hebdomadaire sur la
vie privée et l’intimité des candidats à l’élection présidentielle et paradoxalement, insiste sur
le caractère extraordinaire des personnages.
727
« Le comble de la grandeur est l’exquise simplicité. »
L’extraordinarité des personnages de Gala atteint son paroxysme quand celle-ci est
construite sur l’humilité et la discrétion. Le piédestal se construit donc sur un mouvement.
La simplicité dans le monde domestique est déplacée vers une double figure dans le monde
de l’opinion : celle de la sincérité et l’humilité. L’investigation dans le monde domestique
permet la vérification de l’adéquation entre ce qui est dit et ce qui est fait, entre ce qui est
et ce qui parait.
« « Et dans la tempête et le bruit, la clarté reparaît grandie. » Le temps n’a
728
décidément aucune prise sur le génie de Victor Hugo »
Cependant, il est un faire dans le monde de l’opinion qui trouve grâce dans Gala, celui de
la beauté :
« Les adorateurs exigent d’elle [la star] simultanément la simplicité et la
729
magnificence. L’une ne va pas sans l’autre. »
Deux récits se concentrent sur la question de la beauté ou plutôt de la beauté fabriquée,
comme celle qui relève plus de l’apparat que du corps naturel.

Gala 703 « Nuit Glamour à l’Elysée »


Gala 714 « Royal look »

Fidèle à sa ligne éditoriale, Gala emprunte des principes de la presse féminine à


partir de la sublimation du corps et d’un intérêt porté à la mode. Dans le premier article,
l’hebdomadaire décrit la soirée de l’Elysée pour le roi du Cambodge et s’intéresse tout
particulièrement aux tenues de Cécilia Sarkozy et Bernadette Chirac. L’élégance de Cécilia
Sarkozy devient un critère de compétence à pouvoir-être première-dame. Cette élégance
devient celui de la compétence de pouvoir-être présidente pour Ségolène Royal dans le
second récit.

725
Gala 713.
726
Nous reviendrons plus précisément sur ce double parcours lors de l’analyse de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy (Chap.
VI), en soulignant une attitude ambigüe de la part de ce narrateur.
727
MORIN, E., Les stars, Paris : Galillée [édition illustrée], 1984, p. 72.
728
Gala 711, Gala 713
729
MORIN, 1984, op. cit. p. 72.

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Médias, politique et vie privée

« L’épouse du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, faisait très première dame


dans sa robe bleu nuit griffée Prada » « La Royal, comme la surnomment les
Italiens, reste l’indétrônable souveraine en matière d’élégance. Et contre cela,
les costumes Ralph Lauren et les chemises Eden Park de Nicolas Sarkozy ne
730
peuvent rien. Pour l’instant… »
Dans ce dernier récit, le narrateur devient l’adjuvant à la conjonction de Ségolène Royal et
de l’élégance puisque le récit est installé comme s’il s’adressait directement à la candidate
pour lui prodiguer « nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top
».
« Ségolène assure en manteau beige Gérard Darel. Mais pour une silhouette
urbaine printanière, pourquoi ne pas oser le trench ceinturé sur des leggings ? »
« En tailleur Paule Ka, Ségolène rassemble les foules. Mais si elle devient
présidente, une robe manteau griffée et quelques accessoires graphiques
731
s’imposent. »
Mais, de l’adjuvant pour la conjonction entre Ségolène Royal et l’élégance dans le
programme narratif de base, le narrateur devient le Destinateur pour le programme narratif
visé où Ségolène Royal est conjointe du statut de présidente.
« La star n’est pas seulement idéalisée par son rôle : elle est déjà, du moins
en puissance, idéalement belle. Elle n’est pas seulement magnifiée par son
personnage, elle le magnifie. Les deux supports mythiques, le héros imaginaire et
732
la beauté de l’actrice, s’interpénètrent et se conjugue. »
La grandeur selon Gala se définit donc dans un rapport étroit entre monde domestique
et monde de l’opinion. Si le premier doit apparaître comme simple et harmonieux pour être
sincère, il ne peut être trop exploité par le personnage lui-même au risque de passer de la
figure de l’homme sincère et humble au manipulateur. Mais cette monstration est cependant
nécessaire à la grandeur quand elle reste confinée dans le monde de l’opinion au travers
du corps qui est moins là pour cacher que pour instituer la grandeur. Le corps devient la
parure pour signifier le caractère extraordinaire, la grandeur dans le monde de l’opinion.
« La beauté archétype de la star retrouve le hiératisme du masque ; mais ce
masque est parfaitement adhérent, il s’est identifié au visage, confondu avec
733
lui. »
Ainsi, le monde de l’opinion se révèle négatif s’il influence ou se joue du monde
domestique, mais il est, en même temps, glorifié comme incarnation de l’extraordinarité
des personnages, comme si finalement la sincérité et l’humilité matérialisaient l’écart entre
séduction et manipulation.
Gala accorde aux candidats à l’élection présidentielle un statut légitime pour figurer
au cœur de ses récits, mais leur visibilité, si elle est issue originellement du monde civique,
est investie au prisme de son rapport au monde domestique. Gala se rapproche ainsi de
Closer en permettant aux hommes politiques d’être les personnages principaux de ces
récits mais ce exclusivement par le déplacement de leur identité dans le monde domestique
730
Gala 703, Gala 714.
731
Gala 714 (x2)
732
MORIN, 1984, op. cit. p. 52.
733
Ibid. p. 57.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

et le monde de l’opinion. Ces deux titres, parallèlement, se saisissent de faits survenus de la


campagne comme objet de leur traitement, la campagne ne figure pas simplement comme
période mais y est un contexte d’émergence de discours et de pratiques. Ce traitement est
amplifié dans les hebdomadaires VSD et Paris-Match .

V. 3. 4. VSD et Paris-Match: le politique et le people.


Les candidats à l’élection présidentielle apparaissent, dans les titres précédemment
analysés, au prisme de leur vie privée, de leur intériorité psychologique et affective, de leur
entourage peuplé d’être du monde de l’opinion et du monde domestique. VSD et Paris-
Match ouvrent une nouvelle manière de mobiliser ces candidats, dans notre corpus.

V.3.4.1. Du monde civique comme espace de mise en scène vers le récit


people.
Le monde civique constitue un espace important de mise en scène dans Paris-Match et
VSD , alors qu’il est très peu présent dans les autres titres.
« Les actions des gens sont pertinentes [dans le monde civique] lorsque,
participant d’un mouvement social, elles participent d‘une action collective qui
donnent sens aux conduites des individus et les justifie : « L’action […] n’est
pas simple addition des positions ou d’initiatives individuelles mais une action
734
collective ». »

Liste des récits de VSD et Paris-Match , installés dans le monde civique VSD 1527
« Jeux de mains à l’Elysée. » VSD 1528 « Ségolène Royal dans la poudrière du Proche-
Orient» VSD 1531 « François Bayrou. Interview du candidat de l’UDF » VSD 1533 « Nicolas
Sarkozy : « je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi, c’est d’être élu ». » VSD 1538 « Royal
rassure le PS » VSD 1540 « Ségolène Royal réunit toute la famille PS » VSD 1540 « La
guerre contre Bayrou continue » VSD 1542 « Sarko, Ségo, Bayrou : la guerre des trois. »
VSD 1547 « Secrets de campagne » VSD 1548 « Sarkozy/Royal : le sacre du second
tour… » VSD 1550 « Le jour de sa vie » VSD 1550 « Ma vigilance sera sans faille » VSD
1550 « Les trente jours que promet Sarkozy » Paris-Match 3003 « Sarkozy prend son envol. »
Paris-Match 3009 « Sarkozy : C’est Parti » Paris-Match 3012 « Ségolène y croit toujours
» Paris-Match 3013 « Ségolène Royal, la contre-attaque » Paris-Match 3013 « Du coté
de chez Sarko, à la mutualité, on croit plus que jamais que tout est possible » Paris-Match
3013 « Pendant ce temps-là, Bayrou grimpe… dans les sondages » Paris-Match 3018 :
« Présidentielle : Demandez le programme ! » Paris-Match 3019 : « Alors que Sarkozy quitte
la place Beauvau, Borloo choisit de le rejoindre… » Paris-Match 3022 : « Veillées d’armes »
Paris-Match 3023 : « Sarkozy l’émotion ! » Paris-Match 3023 : « Le temps des tractations
Paris-Match 3024 « Ségolène soulève les foules » Paris-Match 3024 « Sarkozy allume le feu
à Bercy » Paris-Match 3024 « Génération Sarko - Génération Ségo »

Le refus du particularisme du monde civique affronte la personnification du récit people.


Dans les récits, ce refus de particularisme exemplaire du monde civique est construit
autour d’une individualisation moindre ; le candidat n’est pas une personne privée, il est un
735
représentant du collectif, libéré alors de ses « intérêts égoïstes » pour œuvrer pour le
734
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 231-232.
735
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit.p. 232.

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Médias, politique et vie privée

bien commun. Ce modèle n’est jamais absolu mais il trouve prise dans un certain nombre
de récits, que nous identifions dans la comparaison aux récits personnifiés, typiquement
représentatif du genre people.
Dans ces récits, les mondes de l’opinion et domestique ne constituent pas des points
de passages obligé pour la présence des candidats à l’élection présidentielle, leur être
et leur action dans le monde civique suffisent à la mobilisation médiatique. Ces deux
derniers mondes viennent épaissir le récit mais ne sont pas son propos ou à son origine.
Chacun de ces récits, parallèlement, répond à la campagne présidentielle comme contexte
d’émergence de pratiques et de discours et met en scène une actualité récente des
personnages alors envisagés comme acteurs politiques. La campagne présidentielle est
signifiée comme un espace stratégique qui « oblige à analyser les actes et les paroles
736
destinés à persuader et séduire les différents électorats » . Ces différents articles
s’attachent à décrire et interpréter ces actes et ces paroles. Dans ce cadre, nous nous
éloignons du genre people et nous rapprochons de la presse dite « sérieuse ». Nous le
remarquons particulièrement dans une comparaison d’un article portant apparemment sur
le même objet.

VSD 1527 « Jeux de mains à l’Elysée. »


Gala 703 « Nuit Glamour à l’Elysée »

Ces deux récits décrivent le diner de gala, donné le 20 novembre 2006, par l’Elysée
en l’honneur du roi du Cambodge, Norodom Sihamoni. VSD se saisit de ce diner pour
décrire les relations tendues entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy : « Malgré les
apparences, la guerre des barons de la majorité fait rage. Chiraquiens et Villepinistes
n’ont pas renoncé à abattre le patron de l’UMP. ». Gala , de son côté, ne mobilise
le monde civique que pour l’identification des personnages ; le sujet principal est Cécilia
Sarkozy alors conjointe de l’élégance. Cette différence de couverture médiatique d’un même
évènement montre comment la parole peut être déplacée et signifiée très différemment
selon les espaces dans lesquels on la mène. Le monde civique est, pour VSD , l’espace
de signification.
Ainsi, dans Paris-Match et VSD , la visibilité des candidats à l’élection présidentielle
peut rester dans les confins du monde civique sans être négociée dans un mélange de ce
monde avec le monde domestique et/ou de l’opinion, comme c’est le cas pour les autres
de la presse people. Paris-Match explicite d’ailleurs la légitimité de ces acteurs politiques
à figurer au cœur de leurs récits dans une « immortelle de campagne » consacrée au vote
people :
« Les stars de la politique n’ont pas besoin du marchepied du show-biz pour
737
accéder au premier rôle »
Il y a, donc, du politique dans VSD et Paris-Match … mais, il y a aussi du people. En effet,
dans les articles cités précédemment comme relevant du monde civique, une analyse plus
fine montre que si l’objet semble a priori issu de ce monde, les performances s’en éloignent.
Il y a, en effet, celles qui, sous couvert de rendre compte d’un objet du monde civique,
mettent en scène des objets du monde domestique. C’est le cas, par exemple, des récits

736
CHARAUDEAU, P., Entre populisme et peopolisme : Comment Sarkozy a gagné !, Paris : Ed. Vuibert, 2008, p. 9.
737
Paris-Match 3016.

208

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

738
« Secrets de campagne » et « Sarkozy/Royal : le sacre du second tour… » .
Le premier s’attarde à conjoindre les candidats d’objets pour signifier la réussite de leur
campagne. Ainsi, les secrets de campagne de Ségolène Royal dévoilent le soutien de son
fils et sa visite dans le « berceau vosgien de son enfance ». De son côté François
Bayrou, « pour tenir (…) dit se shooter aux kiwis et à l’adrénaline et (…) relâche un
739
peu la tension quand il va diner avec ses proches » . Notre second exemple, s’il
annonce « un retour de la bipolarité », dévoile, dès son sous-titre, un traitement issu du
monde domestique : « Avec une participation de 84%, les Français ont consacrés les
740
candidats UMP et PS, deux personnalités opposées » . La bipolarité n’est pas celle
de deux partis, ni de deux programmes, mais celle de deux individualités débrayées dans
leurs intériorités, dans leur « for intérieur » comme VSD l’annonce, dans la titraille du récit
741
« Nicolas Sarkozy : « Je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi, c’est d’être élu ». » .
Mais ces récits a priori issus du monde civique peuvent se déployer, par ailleurs, dans
le monde de l’opinion. C’est le cas des articles de Paris-Match 3024 intitulés : « Ségolène
soulève les foules », « Sarkozy allume le feu à Bercy » et « Génération Sarko
- Génération Ségo ». Ces récits installent des épreuves modèles de ce monde au cours
desquelles la grandeur de la vedette devient évidente. Dans ces cérémonies de célébration
de la grandeur du monde de l’opinion, il y a les petits : les « sympathisants », les
« supporters », « l’enthousiasme d’une salle comble », les « grandes marées et
les vagues de passion », les « admiratifs », « les foules », « la foule humaine »,
« une armée de téléphones portables », augmentés par des personnages célèbres venus
soutenir le candidat : « des dizaines de vedettes », « les peoples », « les écrivains »,
« les intellectuels », « une foule de chanteurs »,
« des artistes de tous les styles, de la variété à la world culture, de la jeune
scène française à d’ex-yéyé », « des acteurs, des rock star, des saltimbanques »,
des « VIP », « l’impressionnant casting ». Ces récits s’attardent particulièrement sur
742
l’ambiance et l’atmosphère de la cérémonie décrite à l’aide d’objets typiques du monde de
l’opinion, tels que « les applaudissements », « des affiches (…) partout sa tête, partout
son prénom, écrit ou scandé » ou des « micros tendus et stylos en bataille » pour enfin
qualifier cette cérémonie de « grand show » où le candidat « soulève l’enthousiasme
743
» et « électrise les foules » . Ainsi, le monde civique s’efface dans la traduction de
l’évènement porté alors vers le monde de l’opinion. Le discours politique est ignoré au profit
de la cérémonie dans laquelle il prend place ; une cérémonie qui est moins désigné comme
un meeting que comme une célébration de la célébrité.
Enfin, si nous reprenons la comparaison des deux récits sur la soirée à l’Elysée en
l’honneur du roi du Cambodge, nous remarquons que la performance principale mise en
scène dans Gala , installant l’élégance de Cécilia Sarkozy comme un pouvoir-être
première-dame, est aussi présente dans VSD, même si elle ne tient pas le récit.

738
VSD 1547 et VSD 1548.
739
VSD 1547.
740
VSD 1548.
741
VSD 1533.
742
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 229.
743
Paris-Match 3024.

209

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Médias, politique et vie privée

«En reconnaissance ? Cécilia, ordinairement adepte du jean et des bottes, est


apparue sous les ors de l’Elysée dans une superbe robe Prada. Elle qui disait
« ne pas se voir en first lady » a fait forte impression » « L’épouse du ministre
de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, faisait très première dame dans sa robe bleu nuit
744
griffée Prada. »
Si de nombreux récits dans VSD et Paris-Match sont construits sur des discours et
des évènements survenus lors de la campagne présidentielle, la performance est déplacée
vers des performances ou des isotopies sémantiques qui instituent un mélange des mondes
plus qu’ils ne décrivent une actualité politique. Ces articles ne constituent pas l’intégralité
de ceux mettant en scène les candidats à l’élection présidentielle de 2007. A côté des récits
dits politiques, se trouvent des récits people qui contiennent les personnages et les logiques
identifiées plus tôt.

Liste des récits de VSD et Paris-Match, installés dans les mondes de l’opinion et
domestique. VSD 1526 « Ségolène Royal : L’enfance d’un chef » VSD 1529 « Femmes :
elles ont dominé 2006 » VSD 1530 « Johnny : les dessous de la polémique » VSD 1531 «
Le thème astral de la présidentielle 2007 » VSD 1534 « Le grand retour de Cécilia Sarkozy
» VSD 1535 « Le couple Royal/Hollande dans la tempête » VSD 1535 « Les gourous de
Ségolène Royal » VSD 1536 « La présidentielle est-elle téléguidée ? » VSD 1541 « Les stars
et la politique, la guerre des étoiles » VSD 1543 « Le berceau des candidats » VSD 1544
« Cécilia Sarkozy/Babette Bayrou : Duel de premières dames » VSD 1548 « Ségo/Sarko :
Deux destins forgés par leurs fractures de jeunesse » Paris-Match 3007 « Ségolène Royal et
Nicolas Sarkozy : les rivaux du zodiaque » Paris-Match 3007 « Les nouveaux habits de Jean-
Marie Le Pen » Paris-Match 3008 « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » Paris-Match 3011
« Une baby-sitter nommée Marie-Ségolène» Paris-Match 3014 « Quel couple à l’Elysée ? »
Paris-Match 3015 « ENA 1980, la promo Ségolène : un sacré millésime» Paris-Match 3016
« Présidentielle : les peoples dans la campagne » Paris-Match 3016 « Marielle de Sarnez :
la femme qui a fait Bayrou » Paris-Match 3017 « Bayrou, Sarkozy, Royal, ils marchent vers
leur destin. Retour aux sources » Paris-Match 3019 « Ségolène Royal en toute intimité »
Paris-Match 3020 « La campagne de ville en ville. Comment font les candidats pour tenir sur
la longueur ? » Paris-Match 3020 « Sarkozy, l’homme derrière le candidat.» Paris-Match
3021 « Babeth et François Bayrou : A deux tout est possible » Paris-Match 3021 « Revoilà
Cécilia » Paris-Match 3024 « Tout a commencé comme ça »

Certains de ces récits reposent sur un évènement survenu dans la période ; un


évènement non plus politique mais privé ou people, comme la déclaration d’Arnaud de
Montebourg sur le compagnon de Ségolène Royal qui occasionne un article : « Le couple
Royal/Hollande dans la tempête », ou comme le départ de Johnny Hallyday de France
qui joue le rôle d’intermédiaire pour la visibilité de Nicolas Sarkozy. D’autres retrouvent
les « immortelles de campagne » à propos de l’enfance ou du passé des candidats,
à propos des soutiens issus du monde domestique et du monde de l’opinion, et enfin,
des récits astrologiques. Ces récits construisent une identité médiatique des candidats au
travers d’effets de fiction dévoilant des aspects de leur intimité et de leur intériorité. Ils
permettent, alors, l’identification du lecteur par l’ordinarisation du personnage politique avec
des faiblesses, des défauts et des souffrances.
La représentation du monde civique et la référence à l’actualité sont deux critères qui
nous permettent de penser la particularité de Paris-Match et VSD dans le genre people.
744
VSD 1527, Gala 703.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

Pourtant, ces hebdomadaires poursuivent une ligne éditoriale portée vers les logiques
du récit people et déplacent principalement la parole des candidats vers les espaces
domestique et de l’opinion.

V.3.4.2. VSD ou la figure du combat.


Un parcours figuratif révèle la cohérence de la couverture de la campagne dans VSD :
celui du sport et de la guerre. Les figures du sport et de la guerre sont fortement liées à
l’acquisition des vertus viriles. La première met au premier plan l’endurance et la puissance
tandis que la seconde dévoile la résistance et la combativité comme compétences
nécessaires à la réussite de la campagne. Ces figures sont mobilisées doublement : le
candidat comme la campagne incarnent respectivement le guerrier et la guerre, le sportif
et l’épreuve sportive.
Notre intuition quant à une très forte exploitation de ces figures par VSD est confirmée
par une analyse quantitative réalisée avec Lexico. Pour cela, nous dressons une liste des
745
termes analogiques se rapportant à ces deux figures et organisons une répartition par
titre. Nous affinons alors le résultat en différenciant, par le contexte d’émergence du terme,
les mots ne relevant pas d’une utilisation métaphorique. Par exemple, nous excluons les
occurrences : « Basile Boli est chargé de rabattre des sportifs », « arrivé en France après
la seconde guerre mondiale », « la passion des chevaux de course » ou « les souvenirs
douloureux d’orphelin de guerre ». Quatre-vingt-seize occurrences sont alors repérées
dans cet hebdomadaire contre seulement vingt-trois occurrences pour Paris-Match qui est
746
le deuxième magazine a mobilisé le plus ces figures de la guerre et du sport . Cette
surreprésentation des figures sportives et guerrière dans la couverture de la campagne
présidentielle par VSD interroge sa constitution et l’ancrage politique de l’hebdomadaire. En
se servant de figures masculines, l’hebdomadaire pourrait empêcher une sanction positive
pour Ségolène Royal et les autres candidates.
Un premier récit sur les « secrets de campagne » s’attarde sur le parcours thématique
de la fatigue et de la résistance. Jean-Marie Le Pen est clairement installé dans une
compétence négative de ne-pas-pouvoir-faire.
747
« Le corps est fatigué à presque 79 ans »
Nicolas Sarkozy et François Bayou sont, au contraire doté de la compétence pour résister
et disjoint ainsi de la fatigue de la campagne.
« Le rythme de la campagne ne laisse pas de trace sur cet amateur de course
à pied. Il prévoit deux à trois meetings par semaine » « Dans la dernière ligne
droite, le candidat UDF ne change pas de méthode mais accélère le mouvement »
« Pour tenir durant cette campagne marathon, la candidat dit se shooter aux
748
kiwis et à l’adrénaline »
745
Nous sélectionnons les termes et leurs dérivés: combat, combattant, combativité, combattre, bataille, bataillon, battre,
battant, sprint, course, marathon, marathonien, embuscade, guerre, guerrier, couteau, munition, griffe, arme, blitzkrieg, boxe, boxeur,
encaisser, footing, athlète, cycliste, sport, sportif, finish, uppercut, swing, esquive, jab, attaque, résistance, coups, ennemi, affrontement
mais aussi quelques métaphores animalières utilisées dans le cadre du parcours figuratif de la guerre, telles que celles liées aux
termes: fauve et lion.
746
Cf. Annexes. E. 3.
747
VSD 1547
748
VSD 1547

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Médias, politique et vie privée

Ségolène Royal, de son côté, est décrite comme une « candidate qui joue la sérénité » mais
qui est conjointe parallèlement avec la fatigue, même si celle-ci est sanctionnée comme
moins forte.
749
« On la sent plus libre et paradoxalement moins fatiguée »

[Figure 34 : Carré sémiotique de la résistance]


La thématique de la résistance parcourt de nombreux récits dans cet hebdomadaire.
Elle est de deux ordres : la résistance physique et la résistance morale. Nicolas Sarkozy
est doté de la première.
« C’est comme un athlète ou un musicien qui s’est préparé durant des années, il
est prêt. » « Il entre dans le propos comme l’on boxe, uppercut, swing, esquive,
jab. » « Il est comme un coureur cycliste dans son couloir, concentré sur sa
performance personnelle sans se soucier des adversaires » « Un cycliste qui
roulerait en tandem avec son épouse » « Il est parti s’oxygéner en famille à la
montagne, conscient que la course à la présidentielle se jouera au finish » « Le
rythme de la campagne ne laisse pour l’instant pas de traces sur cet amateur de
750
course à pied »
De son côté, la compétence à résister de Ségolène Royal est morale.
« Entre sabre et goupillon, elle a usé de résistance silencieuse » « Elle ne se
plaignait jamais » « Elle encaisse et se ressource dans les cordes « « La
baisse dans les sondages et les attaques personnelles de la droite l’ont dopée »
« Ces coups, elle les a encaissés sans broncher, sans faiblir, sans flancher »
« Combien de coups a-t-elle reçus? Combien d’attaques a-t-elle subies? Il y a du
saint Sébastien chez cette femme-là. » « Il faut la voir debout, le dos bien droit,
le regard fier, la fille du colonel, il faut la voir marcher, altière, imperturbable pour
751
comprendre comment elle n’a rien lâché, jamais. »
Cette forme de résistance la place dans une position défensive contrairement à Nicolas
Sarkozy et François Bayrou qui sont des attaquants – des sujets de faire – dans le parcours
figuratif de la guerre ou du combat de la campagne présidentielle. Elle est cependant
désignée comme sujet opérateur de la guerre dans deux récits. Le premier, intitulé « Royal
rassure le PS », lui octroie un pouvoir-combattre en sanctionnant négativement l’évaluation
749
VSD 1547
750
VSD 1550 (x2), VSD 1533 (x3), VSD 1547
751
VSD 1526 (x2), VSD 1538 (x2), VSD 1550 (x3)

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

d’assomption des « éléphants » quant à son incompétence de ne pas pouvoir-se battre :


752
« Les éléphants s’étaient donc trompés » . Mais l’évaluation de référence du narrateur lui
octroyant ce pouvoir-faire la renvoie parallèlement à son être-femme.
« Pas de concours de beauté pour Ségolène Royal » « Tailleur rouge, poings
753
serrés »
Ainsi, VSD installe sa combativité dans la figure d’une « mère courage, chef du troupeau »
754
et celle d’une « lionne dangereuse quand on la blesse » . Cette sanction est, par
ailleurs, renforcée par l’identification de la cause de cette victoire dans le combat : le pacte
présidentiel. Or ce pacte la renvoie, une fois encore, à sa féminité et maternité : « elle vient
755
d’enfanter un pacte présidentiel à Villepinte » . Cette figure de la combattante est la même
dans le second récit « Un couple dans la tempête » la plaçant dans une compétence du
combat, mais ce, à propos de son compagnon :
« Malheur à qui touche au compagnon de Ségolène ! Arnaud Montebourg, porte
- parole, en a fait les frais » « Elle est indépendante de son compagnon, mais
756
malheur à celui qui l’attaque »
Dans cette logique, la figure du combat et de la guerre signifiant la campagne électorale est
déplacée dans le monde civique ; la campagne est un « combat de tous les instants », une
757
« guerre politique », une « bataille au corps à corps » , alors que la figure de la combattante
de Ségolène Royal est déplacée vers le monde domestique. L’inadéquation entre les
758
mondes corrobore la figure de la « madone » largement utilisée dans cet hebdomadaire .
Sans plus nous attarder sur l’identité médiatique de Ségolène Royal, nous retenons ces
deux figures centrales – la guerre et le sport - comme la cohérence dans le mouvement
des paroles que l’hebdomadaire porte et transporte entre des espaces hétérogènes. Ces
deux figures constituent le lien entre les espaces domestique et civique, comme une clef
pour comprendre les stratégies de bataille, définies dans une ambigüité entre le monde
domestique et le monde civique.

V.3.4.3. « Ensemble, tout devient possible » : La question de l’entourage


dans Paris-Match.
La question du soutien est commune aux trois mondes, elle relève de l’appréciation dans
le monde domestique, elle est synonyme de connaissance et de reconnaissance, dans le
monde de l’opinion, elle renvoie au collectif et la représentativité, dans le monde civique.
759
Le soutien est inhérent à l’état de grandeur de ces trois mondes . Paris-Match organise
ces différents récits au travers de cet objet permettant le déplacement d’un monde à l’autre
tout en maintenant l’identification du personnage, de la période et, ainsi, la cohérence des
752
VSD 1538
753
VSD 1538 (x2).
754
VSD 1538 (x2).
755
VSD 1538.
756
VSD 1535.
757
VSD 1550, VSD 1531, VSD 1538.
758
Il est d’ailleurs le seul à l’utiliser dans le genre people.
759
Nous avions d’ailleurs identifié deux mouvements possibles dans la question du soutien, lors du chapitre précédent, formulable
comme : (1,3)-2 ou 2/(1,3).

213

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Médias, politique et vie privée

discours. L’entourage constitue, dans l’ensemble des récits issus de cet hebdomadaire, à
la fois, un adjuvant et un destinateur pour la tenue de la campagne et la victoire, comme si
760
« ensemble, tout devient possible » . La question du soutien permet, par ailleurs, d’opérer
une distinction entre les différents candidats.
Le soutien est un adjuvant à la campagne présidentielle qui témoigne d’une sanction
positive d’usage quant au candidat. Il sert de preuve de ralliement et d’appréciation.
« Réunis autour d’un seul mot d’ordre pour « nous, c’est elle ». » « Un amiral, des
acteurs, des rock stars, des militants… Il faut de tout pour rassembler » « Tous
vibrent en écoutant Nicolas marteler : « Ensemble, c’est sans doute le mot le
plus important de cette campagne ». » « « Ensemble tout devient possible » dit
761
Nicolas Sarkozy. Le message est passé. » « A deux, tout est possible »
L’omniprésence de cette question repose, parallèlement, sur la présence hebdomadaire
d’un sondage d’intentions de vote dans la rubrique « Match de la semaine ». Le soutien est
exprimé, ici, par celui des électeurs.
« Sarkozy l’emporte face à Ségolène » « Sarkozy bat toujours Ségolène »
762
« Sarkozy bat largement Ségolène Royal » « Sarkozy toujours devant Royal »
Ainsi, chaque semaine Paris-Match publie un sondage permettant de construire la question
du soutien au travers des intentions de vote, mais ce soutien est aussi celui de l’entourage
familial et amical, des personnalités célèbres et des acteurs politiques dans les récits.
A l’instar des résultats des sondages, Paris-Match construit, au fil de ses récits, une
figure de Nicolas Sarkozy comme largement soutenu, un soutien beaucoup plus réduit
et incertain pour Ségolène Royal. Distinguons maintenant les différents soutiens et les
sanctions portées par le narrateur des récits à ces soutiens.
Dans le monde civique, deux types de soutiens semblent compter : le soutien du scrutin
et le soutien du collectif. Si le premier est décliné au travers des sondages et installe de
manière très explicite Nicolas Sarkozy dans un état de grandeur plus fort que Ségolène
Royal, il est, par là même, installé dans le récit et mis en intrigue. Ainsi, dans le numéro
3020, tandis que du côté de Nicolas Sarkozy, « quelques 40 000 militants et sympathisants
s’étaient déplacés. Seule la moitié est entrée », pour Ségolène Royal, « la salle est quasi
763
comble. Entre 12000 et 15000 personnes estime le service d’ordre militant. » . Dans
le numéro 3013, Ségolène Royal « a tenté de faire redécoller sa campagne, (…) mais
les sondages restent à la baisse » tandis que Nicolas Sarkozy « localise les adresses
764
des 80000 nouveaux soutiens qui vont prêter main forte au candidat » . Mais le soutien
dans le monde civique est aussi celui du collectif que le candidat représente : son parti
politique. Le parallélisme entre les parcours dévoile une même hiérarchie de grandeur entre
les candidats. Tandis que les acteurs politiques soutenant Nicolas Sarkozy, « des plus
convaincus aux plus pros, sont admiratifs devant la bête politique » et « tantôt attentifs,
765
tantôt transportés » , du côté de Ségolène Royal, « en apparence, la photo est respectée :
les ténors du PS sont au premier rang. », « tout le monde – ou presque – se lève », « devant
760
Un dérivé de ce slogan figure comme titre d’un article sur le couple Bayrou : “A deux, tout est possible”.
761
Paris-Match 3024 (x3), Paris-Match 3009, Paris-Match 3017.
762
Paris-Match 3009, Paris-Match 3011, Paris-Match 3013, Paris-Match 3020.
763
Paris-Match 3024.
764
Paris-Match 3013.
765
Paris-Match 3014

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

la foule en délire, les éléphants cachent leur joie » et « pendant ce temps, Lionel Jospin,
766
absent de Villepinte, fait ses courses à Paris » .
Dans le monde de l’opinion, le soutien est celui des personnalités extérieures au monde
civique mais dont la reconnaissance peut servir la reconnaissance du candidat. Pour le
candidat UMP, « les soutiens se ramassent à la pelle », « des dizaines de vedettes qui se
pressent dans sa loge (…) l’enthousiasme est tel que la plupart des VIP en oublient même
767
de se servir un rafraichissement au buffet » . Mais, cet entourage people est aussi présent
pour Ségolène Royal : il y a « une foule de chanteur, des artistes de tous les styles, de
la variété à la world culture, de la jeune scène française à d’ex-yéyé », « un ralliement
768
d’enthousiasme, valable autant pour les électeurs anonymes que pour les peoples » .
Enfin, c’est dans le monde domestique que s’exprime la dernière forme de soutien
permettant une fois encore de comparer les deux candidats principaux. L’entourage familial
et amical incarne un double rôle : il est à la fois adjuvant parce qu’il soutient mais aussi
parce qu’il est un lieu pour se ressourcer. C’est dans le numéro 3020, que le narrateur
explicite ce dernier rôle au travers de la mobilisation d’un expert, « le cardiologue Philippe
Douste-Blazy » sur la tenue d’une campagne : « Il faut se caler quelques plages avec des
amis intimes, pour ne pas se sentir emprisonné en permanence et s’échapper de temps en
temps ». Quatre acteurs issus du monde domestique soutiennent le candidat : le conjoint,
le couple, les enfants et la famille. Ces deux derniers sont toujours signifiés, pour les deux
candidats, comme des adjuvants
« Autour de lui, dans son bureau, les photos de ceux qui lui donnent envie
de gagner » « Fête de famille pour Thomas et son père. Le jeune homme est
très impliqué dans la campagne de sa mère » « Devant la foule en délire, les
éléphants cachent leur joie, mais la famille Hollande est aux anges » « La famille
est réunie. Au sens large. Les enfants, ses frères, sa mère. Après son discours,
Nicolas Sarkozy les a retrouvés avec ses amis, à l’écart des journalistes et des
769
photographes. »
La performance du couple et du conjoint dans son soutien est plus complexe. Le couple
Sarkozy est signifié à deux reprises comme sujet de faire pour l’élection et la campagne.
« Si le couple Sarkozy entre à l’Elysée » « Le couple formé par Cécilia et Nicolas
770
Sarkozy confirme sa suprématie pour entrer à l’Elysée en 2007 »
C’est sous ce même principe que le narrateur de Paris-Match installe Cécilia Sarkozy
771
comme un adjuvant pour la campagne de son époux, tout comme un soutien . Si le couple
Sarkozy et le rôle de Cécilia sont construits sur un principe de coopération et dépendance,
c’est la dissociation qui prime pour le couple Hollande-Royal.
« L’une a été ministre, l’autre pas. L’un est chaleureux et convivial, l’autre une
austère qui se marre moins » « Une femme qui aujourd’hui lui vole la vedette »
« Peu probable en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, le
766
Paris-Match 3013
767
Paris-Match 3014
768
Paris-Match 3014
769
Paris-Match 3020, Paris-Match 3013, Paris-Match 3009.
770
Paris-Match 3014.
771
Nous reviendront plus précisément sur le rôle de Cécilia Sarkozy lors de l’analyse de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.

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Médias, politique et vie privée

premier secrétaire du PS (52 ans) se transforme en « premier-monsieur » à


772
l’Elysée. Il a d’ailleurs annoncé qu’il n’y habiterait pas. »
François Hollande est déplacé du rôle d’adjuvant vers celui de victime ou d’opposant à
Ségolène Royal, sanctionnant une fois encore un soutien beaucoup plus faible pour la
candidate PS.
Le parcours thématique du soutien tient la cohérence de la traduction de la campagne
présidentielle par Paris-Match. Une fois investigué, ce parcours thématique permet de
sanctionner positivement Nicolas Sarkozy comme le candidat le plus entouré et le plus
773
soutenu . Mais, par ailleurs, en faisant du soutien un Destinateur pour les compétences
actualisantes de la réussite de la campagne présidentielle, Paris-Match devient lui-même
le soutien de Nicolas Sarkozy au travers de sa sanction dans le récit et au travers de son
slogan, « ensemble tout devient possible » qui apparaît à de nombreuses reprises comme
la sanction de la réussite de la campagne. Le thème du soutien, dans cet hebdomadaire,
est autopoïétique : le soutien crée le soutien qui crée le soutien…

V.3.4.4. Des titres peoples politisés…


Du parcours figuratif de la guerre et de l’épreuve sportive au parcours thématique du soutien,
Paris-Match et VSD permettent à la campagne présidentielle de se déployer dans l’espace
civique tout en ouvrant ses espaces de signification vers le monde de l’opinion et le monde
domestique.
Paris-Match présente une dernière particularité dans le déploiement du monde civique.
774
Une rubrique y est consacrée : « Match de la semaine » . Si nous avons fait le choix de ne
pas tenir compte des articles issus de cette rubrique dans notre corpus du fait de l’impossible
comparaison avec les autres titres, nous ne pouvons pas ne pas les considérer ici. Cette
rubrique tient chaque semaine deux pages de résultats de sondages sur les intentions
de votes des candidats, mais aussi une page consacrée au dessinateur Wolinski et enfin
quelques articles courts sur la campagne. Les articles dans cette rubrique sont eux-mêmes
soumis à un sous-rubriquage : « En coulisses », « Entendez-vous dans la campagne », « Si
j’étais président », « Infoquick », « La météo des candidats », « Vu sur le net ». Seule la
rubrique « En coulisses » permet un énoncé dépassant les quelques lignes, mais le titre
renvoie vers une sémantique de la révélation et du secret alors que les articles s’attachent
à considérer les relations et les rapports au sein des partis - le candidat n’y étant pas
toujours un acteur - un traitement qui corrobore notre analyse de Paris-Match comme porte-
parole. La météo des candidats comme les résultats du sondage répondent une fois encore
à l’intérêt prédominant pour la figure du soutien. « Entendez-vous dans la campagne » et
« Infoquick » rendent compte d’une floraison de citations ou de discours, pour la première,
et de faits, pour la seconde, survenus lors de la semaine. Finalement, cette rubrique nous
paraît intéressante : elle répond à notre catégorisation de Paris-Match dans le genre people
en installant la politique, ou le monde civique, dans une rubrique consacrée, à la fin du
magazine (toujours aux environs de la page 95), comme si finalement le reste ne relevait
772
Paris-Match 3015, Paris-Match 3014 (x2).
773
Cet hebdomadaire, construit, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, une identité médiatique particulière du
candidat de l’UMP, se distinguant des autres titres. Cette identité médiatique agence les différents entourages de Nicolas Sarkozy de
manière à prévenir les critiques, des critiques que nous retrouvons précisément dans les autres titres people. La sanction positive et
le soutien de ce magazine pour Nicolas Sarkozy se confirme d’autant plus.
774
Précisons que cette rubrique n’est pas exceptionnelle : elle fait partie de la structure de l’hebdomadaire même en dehors
de la période de la campagne présidentielle.

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Chap. V. Les discours de campagne des porte-paroles

pas de ce monde. Cette rubrique met en exergue la politisation de cette presse, tout en
confirmant son appartenance au genre people.
VSD et Paris-Match se construisent donc à la fois au travers des logiques du récit
people mais restent ouverts à un intérêt tourné vers le monde civique, vers l’activité politique
et ses acteurs. Il y a donc du people… mais il y a aussi du politique.

V. 4. Conclusion
La campagne présidentielle est un espace producteur de discours où la période construit
l’actualité par ce qu’il en est, en se détachant de ses actualités, c’est-à-dire de ce qui
s’y passe. Les récits, identifiés comme des « immortelles de campagne », s’éloignent
du présent pour rendre compte d’une configuration dicible dans le présent. Ils sont
un traitement particulier qui répond aux injonctions des logiques du récit people et qui
construit la propre identité de ce genre. Tous les titres de notre corpus racontent la
campagne présidentielle sous cet angle spécifique. Pourtant, l’exclusivité de ce traitement
dans certains titres, renforcée par une énonciation par intermédiaire-médiatisant, distingue
la grandeur attribuée aux personnages politiques ainsi que le vouloir-dire et le savoir-
dire du porte-parole. Ici-Paris, Point de Vue, France-Dimanche et Public contraignent la
médiatisation des candidats à l’élection présidentielle en leur sein à partir d’intermédiaires
auxquels ils délèguent la légitimité de l’énonciation et le savoir-dire. Voici, de son côté,
conserve son savoir-dire malgré une médiatisation par intermédiaire ; il produit une sanction
explicite des candidats, particulièrement négative pour Nicolas Sarkozy, dévoilant une
posture idéologique défavorable au candidat UMP.
Mais la campagne présidentielle est aussi un espace exogène à sa médiatisation,
dans lequel surviennent des pratiques et des discours et dans lequel se meuvent des
personnages. La presse people se saisit de la campagne comme un contexte d’émergence
d’actions qu’elle narrativise. C’est le cas de VSD, Paris-Match, Closer et Gala. Pourtant,
dans les hebdomadaires Closer et Gala, le monde civique est restreint à l’identification des
personnages et de la période. Les paroles des êtres de papier sont déplacées vers le monde
de l’opinion et le monde domestique. Gala et Closer encensent ainsi avant tout des traits
identitaires dans le confinement de ces deux mondes. Mais le choix de la parole portée,
presque exclusivement de Ségolène Royal, pour Closer, révèle une posture pro-Royal. A
l’inverse, si Gala traite presque équitablement des candidats, c’est par l’attribution de traits
identitaires et psychologiques qu’il différencie les personnages au travers d’une célébration
de la simplicité, de l’humilité, de la sincérité et du corps-spectacle, comme médiat esthétique
de l’identité et de la grandeur. Comme dans les autres titres, le monde civique est un
espace inaccessible sans un déplacement préalable par les mondes domestique et de
l’opinion. C’est précisément sur ce point que se noue la spécificité de Paris-Match et VSD.
La parole des êtres de papier atteint, dans ces deux hebdomadaires, le monde civique
sans l’intermédiaire des mondes domestique et de l’opinion : ils ne sont pas des points de
passages obligés pour que la traduction se déploie dans l’espace du politique. Pourtant,
les logiques du récit people restent omniprésentes dans ces deux titres et constituent leur
dynamique, révélatrice de leur appartenance au genre. La figure du combat et de l’épreuve
sportive pour VSD et le thème du soutien pour Paris-Match tiennent le déplacement des
paroles dans les différents mondes : ils sont la cohérence de l’hétérogénéité.

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En résumé, l’investigation des titres peoples comme porte-parole dévoile le mouvement


de traduction comme révélateur de l’identité de la campagne, du genre people et de
ses porte-parole. C’est dans la réunion de ces différents discours que nous analysons
l’identité médiatique de chacun des candidats, dans le chapitre suivant, en passant d’une
considération d’une multitude d’identités résultant de procédures d’anaphorisation qui
permettent de mettre à jour les distinctions à une continuité de ces identités considérées
dans leur ensemble, pour mettre en exergue leur consistance.
Avant cela, il est nécessaire de considérer un dernier résultat de l’analyse à laquelle
nous venons de procéder et qui semble, a priori, infirmer notre hypothèse principale
empirique :
La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda politique,
signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements par rapport à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de
le définir et de l’inscrire dans l’espace public français.
L’observation de la manière dont la presse people porte la parole de la campagne
présidentielle et de ses personnages révèle un silence et des stratégies d’énonciations niant
la légitimité des hommes politiques à être médiatisés dans le genre people. Notre chapitre
VII reviendra alors sur ces résultats à partir d’un questionnement qui portera son propos :
L’analyse de l’évolution de la médiatisation, à partir d’un corpus people post-
campagne, permet-il d’observer une réduction des disparités entre les titres
people dans leur médiatisation des personnages politiques et, par là, de
confirmer l’hypothèse de l’installation de la peopolisation lors de la période de la
campagne?

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Chap. VI. La construction de l’identité


médiatique des candidats

VI. 1. Différencier les candidats


L’identité médiatique est le produit de la traduction d’un ou plusieurs porte-parole, elle est le
résultat de plusieurs énonciations relatives à un actant. Chaque énoncé, conçu séparément,
dévoile une identité de cet actant comme résultat des procédures d’anaphorisation.
Celles-ci nous permettent de saisir la consistance d’un parcours au croisement d’un axe
paradigmatique, illustrant ses différents modes d’existence, et d’un axe syntagmatique,
775
figurant son existence narrative . L’ensemble de ces identités, dont la considération
s’élargit, alors, aux rapports qu’elles entretiennent entre elles et avec leur instance
d’énonciation, constitue l’identité médiatique. Cet élargissement fait l’identité non plus
seulement comme le produit d’une narration mais aussi comme le produit d’une traduction.
Le précédent chapitre opérait une investigation des différents porte-parole de notre étude
et de la manière dont ceux-ci portent la parole de la campagne présidentielle, de ses
personnages et de ses actions et ce, en portant, par là même, la parole de leurs propres
identités. Il a été possible d’opérer des rapprochements et des distinctions entre les
traductions dans le genre people. Désormais, nous déplaçons notre focale pour considérer
776
l’identité médiatique des candidats à l’élection présidentielle et la cohérence qui émerge
entre les différents titres pour chaque candidat. Si de nombreux éléments pertinents dans
la construction de ces identités sont apparus lors du précédent chapitre, les figures et les
compétences attribuées à chacun des candidats découvrent comment leur image et leur
identité se construisent et se manifestent dans le genre people. Au préalable nous reprenons
trois critères identitaires heuristiques pour définir et différencier les candidats : la grandeur,
le genre et le positionnement politique.

VI. 1. 1. La grandeur des candidats.


Douze candidats s’affrontent en 2007. Et pourtant, ces candidats ne sont pas tous
médiatisés de la même manière et avec la même ampleur. Cette médiatisation les renvoie
à leur grandeur, à la fois dans le monde de l’opinion et dans le monde civique. Le concept
de grandeur , repris à Boltanski et Thévenot, permet d’identifier ce qui est grand et ce qui
est petit dans le monde étudié. En effet, face au principe supérieur commun , certaines
actions et attitudes sont perçues comme valorisées donc grandes et inversement pour ce
777
qui est petit . La désignation par la grandeur se retrouve dans notre corpus.

775
Cette définition a été investie en détail lors du chapitre III.3.3.
776
Cette cohérence n’est pas absolue, des figures ou des compétences contradictoires apparaissent entre les différents récits
comme nous le verrons lors de notre investigation.
777
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 177.

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Médias, politique et vie privée

« Olivier Besancenot, le plus gros des petits » « Il y a pourtant de petits partis


qui portent de grandes idées et de grands partis qui sont paresseux » « Pourtant,
778
chez les petits, l’espoir demeure… »
Le principe du monde civique est celui du collectif fondé sur la forme de la représentation la
plus générale. L’état de petit se définit dans son isolement, son particularisme. Ainsi, dans
le monde civique, l’état de grandeur des candidats différencie petits et grands par rapport
à leur potentiel électif et représentatif. Dans le monde de l’opinion, est grand celui qui est
re-nommé et re-connu. La distinction entre les candidats dans le monde de l’opinion tient
ainsi dans le potentiel médiatique des candidats. Nous trouvons des petits et des grands
candidats et la grandeur d’un candidat dans le monde civique recouvre largement celle dans
779
le monde de l’opinion .
Nous distinguons quatre types de candidats en fonction de leur grandeur. Nous nous
servons avant tout de cette typologie pour considérer la traduction de la grandeur des
candidats dans notre corpus mais cette typologie n’est pas fermée : certains candidats
oscillent entre les grandeurs en fonction des énoncés ou des critères mobilisés. Un
premier critère de classement relève de l’attribution dans le monde civique de compétences
actualisantes positives, inhérentes à l’accession au second tour et au statut de président
de la République. Le second critère n’est pas contenu dans le récit mais se saisit dans
l’énonciation, par la mise en scène ou pas, du candidat ; mise en scène qui dévoile des
différences de visibilité.
Dans notre étude, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont incontestablement les
grands : ils sont présidentiables et sont les deux plus visibles. A leur suite, il y a les candidats
« moyens » : François Bayrou et Jean-Marie Le Pen. Leurs grandeurs sont moins évidentes
que celles de leurs prédécesseurs. François Bayrou accède, dans de nombreux récits, au
statut de grand et de présidentiable alors que Jean-Marie Le Pen n’est considéré que, dans
un seul récit, comme capable d’atteindre le second tour. Leur visibilité est moins forte que
celles de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal dans la période précédent le verdict du premier
tour, bien que celle de François Bayrou soit plus importante que celle de Jean-Marie Le Pen.
Puis, il y a les petits candidats : Olivier Besancenot, Marie-George Buffet, Arlette Laguiller,
Dominique Voynet, José Bové et Philippe de Villiers. Leur potentiel électif est nié, tout
comme celui d’arriver au second tour : leur visibilité suit cette incompétence et est restreinte.
Si, au regard des compétences installées dans les récits, il est tentant de classer Jean-
Marie Le Pen dans cette dernière catégorie, les « immortelles de campagne » interdisent
une telle identification. En effet, relevant souvent d’un traitement collectif, ces immortelles
produisent explicitement des groupes selon la grandeur accordée aux candidats. Or, Jean-
Marie Le Pen est souvent mis en scène aux côtés de François Bayrou, Ségolène Royal et
Nicolas Sarkozy, ce qui lui octroie une visibilité plus forte que les petits candidats. Autre cas
particulier, celui de José Bové : il est le seul petit candidat auquel un récit est consacré.
Pourtant, une fois encore l’importance de sa visibilité dans l’ensemble du genre people le
ramène au groupe des petits. Enfin, restent les « minuscules » - Frédéric Nihous et Gérard
Schivardi – dont la renommée et la visibilité sont encore plus faibles que celles des petits.
L’impossibilité d’accéder au second tour réunit les « minuscules » et les petits candidats.
778
VSD 1548, La Croix du 16/04/07, VSD 1536.
779
Pour Paris-Match , la petitesse des candidats influe, par ailleurs, sur le monde domestique. « C’est pour les petits candidats
que le rythme de la campagne est plus éprouvant, car elle est moins confortable. Tous se plaignent du manque de sommeil » (Paris-
Match 3020) Ainsi, Frédéric Nihous « se shoote au café (…) et doit « prendre sur soi » » tandis que Philippe de Villiers mange
« des bananes et des oranges ». La petitesse civique et de l’opinion devient une faiblesse du monde domestique.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

« Même si huit d’entre eux savent depuis longtemps, que leur aventure politique,
780
dans cette présidentielle, sera terminée avant que la nuit tombe »
Mais ce qui distingue les minuscules des petits, c’est l’impossibilité d’une influence. Gérard
Schivardi et Frédéric Nihous n’ont aucune compétence élective ni au premier ni au second
tour et, par ailleurs, ils ne sont dotés d’aucune compétence politique qui pèserait dans le
système ou dans la campagne, ce qui est le cas pour les petits :
« Elle gagnera plus de sièges de député à l’assemblée en 2007. Après la
présidentielle, les législatives s’enchainent » (au sujet de Dominique Voynet)
« Du coup, l’ensemble des petits partis (…) fait bloc derrière la championne
socialiste. (…) Comme ses camarades, le candidat de la LCR a appelé à « battre la
781
droite dans la rue et dans les urnes ». »
Cette distinction par la grandeur se révèle importante dans notre corpus étant donné
l’omniprésence des grands candidats. La presse people présente des êtres jugés assez
extraordinaires pour mériter d’être mis en scène dans les récits médiatiques, mais aussi
devenant extraordinaires parce qu’ils sont, justement, visibles, connus et reconnus, du fait
de leur médiatisation. La grandeur du monde de l’opinion est celle qui compte et qui figure
comme logique de médiatisation dans la presse people. Cette grandeur est autopoïétique
puisqu’elle surinvestit les grands candidats par rapport aux autres.

VI. 1. 2. Le genre des candidats.


Le monde civique est basé sur le mode de la représentation au sens symbolique. Le corps,
entendu comme partie matérielle d’un être animé, n’existe pas. C’est l’espace d’indistinction
des sujets. Ce monde ne s’attache pas à des personnes humaines mais à des personnes
collectives qu’elles composent par leur réunion. Une campagne présidentielle figure comme
l’épreuve typique du monde civique et le scrutin est le mode de jugement. Comment
interroger alors le masculin et le féminin dans des considérations tournées idéellement vers
le monde civique, espace de l’indistinction ? La question du genre des candidats impose de
considérer la campagne présidentielle non pas dans l’unicité d’un monde – monde civique –
mais dans la coprésence, dans la complexité d’un mélange de mondes – monde de l’opinion,
monde domestique et, bien sûr, monde civique. Nous retrouvons ici un des intérêts de notre
étude.
Si le genre est une construction sociale, il intervient, dans les récits, comme un rôle
thématique, c'est-à-dire comme une représentation, sous forme actantielle, d’un thème.
Interroger le genre dans la construction des identités médiatiques des candidats à l’élection
présidentielle revient à investir les traductions différenciées des identités sexuées des
candidats. Ces traductions portent à la fois la parole du candidat comme celle de son sexe,
permettant ou pas de l’instituer dans sa féminité ou virilité. Quatre femmes et huit hommes
sont candidats à l’élection présidentielle. Pourtant, l’être-homme ou l’être-femme, la virilité
ou la féminité, ne sont pas des rôles toujours exploités dans leur identité médiatique. Dans
notre corpus, la différenciation genrée des candidats se retrouve lors de trois parcours
782
thématiques : celui de l’incarnation, du relationnel et du combat . Le genre dans le parcours
780
Paris-Match 3023.
781
VSD 1531, VSD 1548.
782
Ces parcours ont tous été déjà évoqués dans les chapitres précédents, au travers de notre répertoire, de l’investigation
de VSD comme porte-parole et des « immortelles de campagne ».

221

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thématique de l’incarnation se définit dans la confrontation de deux corps : un corps-


spectacle, produit de déterminants artificiels, et un corps naturel, faits de déterminants
783
naturels tels que la taille, la carrure, l’âge et le sexe . Le premier se définit dans le
monde de l’opinion : le corps y est un objet de visibilité et un médiat de l’identité, tandis
que le second est rattaché au monde domestique, l’espace de l’être. Parallèlement, c’est
par l’installation des candidats dans le monde domestique que se découvre le genre dans
le parcours thématique du relationnel, dévoilant les candidats dans leurs relations à leur
conjoint, leurs enfants ou leurs parents. La grandeur est construite ainsi dans le monde
domestique où le sexe et l’âge dévoilent, entre autres, la légitimité et l’autorité, définies
comme respectivement subjective et traditionnelle. La symbolique de la féminité investit
plusieurs formes : les plus courantes sont celles de la mère, de l’épouse et de la faiblesse qui
la définissent comme plus petite que l’homme. La référence au couple, ou plus exactement
la compétence attribuée aux êtres du couple, conforte la figure féminine de dominée. Cette
référence dévoile une soumission imposée aux femmes quant à leur statut et rôle dans
784
le couple . Enfin, le parcours thématique du combat, et plus particulièrement la figure
de la guerre incarnée par la campagne présidentielle, instaure une différenciation genrée
des candidats dans leur capacité à faire la guerre ou à combattre, deux performances
785
qui ont valeur d’épreuve de la virilité , une figure qui redonne à l’espace public, au sens
habermassien du terme, son empreinte masculine.
Nous reviendrons sur ces manifestations du genre au travers de l’identité médiatique
de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy. Parmi les femmes candidates, Ségolène Royale
est très largement mobilisée tandis que les autres candidates ne le sont que très peu. Bien
que ce biais n’en soit pas un parce qu’il est un élément typique de ce type de presse,
nous ne pouvons faire l’économie de préciser que l’image de la femme politique dans la
presse people a été principalement incarnée par Ségolène Royal lors de cette campagne
présidentielle. Nous verrons, cependant, que le personnage de Cécilia Sarkozy, par sa
condition de femme et de potentielle première-dame, participe à l’image de la femme
politique.

VI. 1. 3. La position politique des candidats.


Chaque candidat est issu d’un parti politique dont l’ancrage politique semble
institutionnalisé. Pourtant, cet ancrage peut servir à justifier des actions mais aussi être
dénoncé. Nous nous cherchons ici non pas à savoir qui est de droite ou de gauche mais
à appréhender comment l’ancrage politique sert à l’identité médiatique des candidats à
l’élection présidentielle de 2007.
Il y a quatre façons d’être considéré selon l’axe gauche-droite.

783
Ces déterminants peuvent être artificiels après modifications chirurgicales, à l’exception de l’âge. Pourtant, nous partons
du postulat que ces déterminants sont naturels, et donc de naissance, pour les candidats.
784
FREEDMAN, J., Femmes politiques: mythes et symboles, Paris: L’Harmattan (Collection logiques politiques), 1997, p.150.
785
MOSSE, G., L’image de l’homme : L’invention de la virilité moderne, Paris : Editions Abbeville, 1997, p. 33.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

[Figure 35 : Carré sémiotique du positionnement politique]


Si la relation d’implication entre être à gauche et ne pas être à droite , d’une
part, et être à droite et ne pas être à gauche , d’autre part, tend à exprimer la même
position, la distinction dévoile des dynamiques d’identification heuristiques pour notre étude.
Observons deux articles parus dans Public n°196 et Ici Paris n°3221, portant le même
titre : « Pour qui votent les peoples ? », pour saisir les fondements de la position politique.
Ces titres dressent une liste des peoples selon le candidat pour qui ils déclarent vouloir
voter. Public légitime sa liste par de nombreuses procédures de véridictions, entre autres
par la référentialisation des citations choisies (date et lieu). Pourtant, cette floraison de noms
et de paroles cités, qui permettent de figurer les candidats, est avant tout choisie. Roger
786
Hanin, pour les hebdomadaires Public et Paris-Match , soutiendrait Nicolas Sarkozy,
alors qu’ Ici-Paris lui attribue un vote pour Marie-George Buffet. Cet écart flagrant insiste
sur la nécessité de considérer ces citations comme des paroles choisies pour signifier plus
qu’un état des votes extérieur à l’instance d’énonciation.
L’ancrage politique, tel qu’il est mobilisé dans ces articles, tient deux éléments en son
creux : l’identification de l’ancrage politique du candidat et l’ancrage politique du people
comme justification de son vote. Le choix de Jamel Debouzze et Elie Semoun pour Ségolène
787
Royal est justifié parce que ceux-ci ont « le cœur à gauche » : il y a identification de
Ségolène Royal et de ces deux peoples dans un être à gauche ; cette identification à
une même catégorie servant de logique pour identifier le vote. La logique peut apparaître
788
plus complexe au travers des discours de Doc Gyneco et de Patrick Sébastien : tous
deux expriment une nécessité à partir de la question financière et de leur statut, que nous
pouvons résumer comme : Ils sont des vedettes, les vedettes ont de l’argent, la droite
soutient les personnes qui ont de l’argent, ils doivent soutenir la droite . Cette situation
due à leur statut sert la désignation de l’engagement politique de Doc Gynéco. De son
coté, le devoir-être à droite de Patrick Sébastien est nié par un ne-pas-pouvoir-être
à droite, occasionnant un non-savoir et justifiant son soutien à François Bayrou comme
étant ni de droite ni de gauche. Ainsi, les déclarations de votes peuvent être justifiées dans
un parcours polémique, induisant ce que les candidats ne sont pas, par rapport à ce que
les peoples sont. Bénabar détient la compétence virtualisante de ne-pas-vouloir-voter
pour Nicolas Sarkozy et Renaud, celle actualisante de ne-pas-pouvoir-voter à droite :
Ségolène Royal devient la candidate qu’ils soutiennent par défaut. Remarquons cependant
que l’impossibilité de voter à droite de Renaud légitime un vote pour Ségolène Royal pour
786
Paris-Match 3016.
787
Public 196
788
Public 193 pour Doc Gyneco et Public 196 pour Patrick Sébastien.

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Public et un vote pour Dominique Voynet pour Ici-Paris . De son côté, Nicolas Sarkozy
789
n’est que très peu mobilisé dans notre corpus par son ancrage politique . Dans les deux
articles cités plus haut, le seul vote people pour Nicolas Sarkozy justifié selon son ancrage,
est attribué à Roger Hanin : « Je voterai Nicolas Sarkozy au second tour parce que
je pense qu’il aura une politique de gauche ». Ce n’est donc pas l’ancrage à droite de
Nicolas Sarkozy mais son ancrage à gauche qui justifie le vote. Mais, outre Roger Hanin,
de nombreuses célébrités sont déclarées comme soutiens de Nicolas Sarkozy : ils sont
des « fidèles », des « admirateurs », des « amis pipoles de longue date », autant
de désignations prises dans la confusion du monde domestique et de l’opinion en accord
avec les justifications des votes qui renvoient à la personne plus qu’au candidat, c’est-à-dire
ancré politiquement et représentant d’un parti. Ainsi, il est homme courageux, de confiance
et de changement dans Public . Ici-Paris assimile, par la parole de Massimo Gargia,
les peoples à Nicolas Sarkozy et ce du fait de son être dans le monde de l’opinion et dans
le monde domestique : « Dans mon milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance (…)
Sarko, pour nous, est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy
est un grand playboy, et ça c’est très positif, nous, on adore .». Nicolas Sarkozy n’est
jamais désigné explicitement selon son appartenance ou ancrage politique. C’est finalement
dans la comparaison des autres candidats par ce qu’ils ne sont pas que son affiliation est
repérable. La négation de l’ancrage politique est particulièrement mobilisée pour François
Bayrou : il n’est ni à gauche, ni à droite ; une identification par la négative révélatrice de son
identité médiatique que nous analyserons dans les prochaines pages.
L’intérêt, ici, était de saisir la position politique, mais aussi la question du genre et
de la grandeur, non pas comme des données exogènes mais comme des variables dans
le processus de traduction qui permet aux narrateurs des récits de produire une identité
médiatique pour chaque candidat, une identité médiatique, désormais objet de notre propos.

VI. 2. Les identités médiatiques des petits et moyens


candidats

VI. 2. 1. Les petits candidats.


Dans cette partie de notre propos, nous regroupons à la fois les candidats dits « petits »
et « minuscules ».
C’est dans leur état de grandeur que l’absence des deux premiers se justifie. Gérard
Schivardi et Frédéric Nihous ne sont cités et considérés que dans trois articles issus de la
presse people entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007 ; trois articles focalisés sur tous
les candidats de l’élection présidentielle de 2007.

Ici-Paris 3221 « Pour qui votent les people ? » VSD 1547 « Les secrets de campagne »
Paris-Match 3020 « Mais comment font-ils ? Voici les trucs qui permettent aux candidats de
tenir sur la longueur. »

Ces deux candidats sont toujours énoncés à partir de l’identification de leur parti, et
donc comme représentant d’un collectif.
789
Nous reviendrons sur ce point lors de l’investigation de l’identité médiatique de celui-ci.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

« Il représente le parti des travailleurs » « Leader du CPNT » « Soutenu par


le parti des travailleurs » « Représentant du parti chasse, pêche, nature et
traditions » « Soutenu par le parti des travailleurs » « Frédéric Nihous, de
790
Chasse-Pêche-Nature-Traditions »
Cette désignation dans le monde civique permet alors de justifier leur présence parmi les
autres candidats, mais le récit les renvoie, avant tout, au monde domestique. Ici-Paris
indique une disjonction entre chacun de ces candidats et les peoples et les conjoint alors
à leur famille :
« Cousin proche de Marie-George Buffet » « Il n’a pas de célébrités à ses côtés.
Mais à 39 ans, ce juriste de formation (…) peut assurément compter sur l’appui de
791
sa femme et ses deux fils »
Etant donné cette faible visibilité, il est difficile de re-construire une identité médiatique
de ces candidats. Le lecteur de cette presse n’a aucune piste pour identifier leur position
politique ou les reconnaître puisque, hormis ces trois titres , ils n’apparaissent pas dans
les autres titres, même dans des articles dont la prétention est de traiter des candidats à
l’élection présidentielle. Sans visibilité, il y a impossibilité d’accéder à la reconnaissance. La
conclusion d’un article de Voici sur l’engagement des peoples pour un homme politique
nous semble indiquer le rapport entre visibilité, reconnaissance et grandeur dans le monde
civique.
« Et même si certains candidats n’ont pas de people pour les soutenir, rien ne
792
vous interdit de voter pour eux… »
Le narrateur offre donc l’autorisation, ou plus précisément, nie l’interdiction de ne pas
pouvoir voter pour un inconnu, un candidat qu’on ne reconnaît pas et qui n’est pas
reconnu. Ce pouvoir-faire est pris dans une double négation : « rien n’interdit », qui
pose les frontières d’une non-naturalité de voter pour un inconnu plutôt que pour un re-
connu. Il y a, dans leur in-visibilité, la compétence de ne-pas-pouvoir-faire .
Les articles qui mettent en scène les petits candidats sont de façon dominante des
articles traitant de plusieurs candidats, exception faite d’un article de Gala consacré à José
793
Bové .

Ici-Paris 3221 : 12 candidats VSD 1547 : 12 candidats. Paris-Match


3020 : 12 candidats Public 196 : NS – SR – FB – JMLP – OB – AL –
JB. Gala 711 : NS – SR – FB – JMLP – MGB – PDV – DV – AL. Gala
716 : NS – SR – FB – JMLP – DV. Gala 718 : NS – SR – FB – JMLP –
MGB – PDV. Gala 723 : NS – SR – FB – JMLP – MGB – PDV – DV – AL
– JB – OB. Gala 722 : NS – SR – FB – JMLP – JB. VSD 1548 : NS –
SR – FB – JMLP – AL – MGB – OB. VSD 1531 : NS – SR – FB – JMLP –
MGB – DV – OB – PDV – AL. VSD 1536 : NS – SR – FB – JMLP – PDV
– MGB. Voici 1014 : NS – SR – FB – JMLP – DV – MGB – OB – PDV –
JB – AL

790
Ici-Paris 3221 (x2), VSD 1547 (x2) et Paris-Match (x2)
791
Ici-Paris 3221 (x2)
792
Voici 1014.
793
Gala 717.

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Un des quatre candidats les plus visibles apparait toujours dans les articles où sont mis
794
en scène les petits candidats . Ces douze articles sont pour la plupart des « immortelles de
campagne ». Ce sont des récits avortés, ne dépassant le stade de la situation initiale pour les
795
articles psychologiques ou astrologiques . Quand il s’agit du soutien des peoples, ce sont
des récits où le candidat est l’objet de conjonction, sa construction identitaire étant indirecte
796
et fondée sur des états . Enfin, ce sont des articles qui enchainent les candidats à partir
797
d’un thème (le patrimoine, les enfants, le salon de l’agriculture, les secrets de campagne ) ;
les actions narrativisées étant multiples et survolées. Gala est le titre qui, au travers de
nombreuses « immortelles de campagne », met le plus en scène ces petits candidats : six
articles sur douze ont pour êtres de papiers au moins un des petits candidats.
De ce traitement, il est difficile de définir une identité médiatique pour chaque petit
candidat, ceux-ci étant rarement le sujet d’un faire. Chaque petit candidat est doté de
différents modes d’existence développant l’axe paradigmatique de notre considération de
l’identité médiatique. Pourtant, ces articles empêchent une existence narrative épaisse et
peinent à développer l’identité médiatique sur son axe syntagmatique. Pour cela, nous
798 799
précisons nos schémas par des losanges qui représentent les attributs identitaires sans
800
que ceux-ci n’aient été installés dans une suite d’état et de transformations .

[Figure 36 : L'identité médiatique de Philippe De Villiers]


Philippe de Villiers est le plus petit des petits candidats. Bien qu’il apparaisse dans sept
801
récits de notre corpus , il n’y est mis en scène que comme sujet d’état conjoint avec un

794
Toujours à l’exception de l’article de Gala consacré à José Bové : Gala 717.
795
Gala 723, VSD 1531.
796
Ici-Paris 3221, Public 196, Voici 1014.
797
Gala 711, Gala 716, Gala 718, VSD 1547.
798
Cf. Chap. III. 3. 3. pour la définition de l’identité médiatique et l’explicitation des schémas appliqués ici.
799
Les « immortelles de campagnes » établissent une liste d’attributs psychologiques sans que ceux-ci ne soient débrayés
dans des enchainements permettant de concevoir l’axe syntagmatique.
800
L’axe syntagmatique révèle le sens du récit. Si les différents récits sont répartis sur cet axe, c’est dans un souci de visibilité,
leur position n’a pas de valeur, ici.
801
Il est mis en scène, en plus des titres apparaissant dans la figure n°36, dans Paris-Match 3020 et Ici-Paris 3221.Cependant,
le premier ne le mobilise que dans la performance de manger « des oranges et des bananes » et de se coucher tôt pour tenir lors

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seul objet. Seul Gala et VSD lui octroient deux attributs identitaires différents mais ce, au
travers d’une analyse graphologique et de son thème astral, laissant le récit, comme nous
l’avons précisé, à un stade initial et un statut embryonnaire. Cependant, de ces récits, un
élément de son identité médiatique émerge massivement : celui du parcours thématique
du refus et de la peur.
« Philippe De Villiers, lui aurait tendance à ne se sentir à l’aise que dans un milieu
choisi » « Philippe de Villiers aura défendu la France contre l’Europe » « La lune
noire est le symbole du refus, du non ! Non à la constitution européenne, non à
l’entrée de la Turquie » « Comme Patrice Rio (footballeur un peu connu en 1982),
802
vous avez peur des barbus ? Votez Philippe De Villiers. »

[Figure 37 : L'identité médiatique d'Olivier Besancenot]


L’identité médiatique d’Olivier Besancenot est construite à partir de trois grands axes :
son activité politique développée à partir de différents attributs identitaires tels que son
militantisme, son engagement, sa position anticapitaliste, son être à gauche et sa
grandeur, sa profession qui le renvoie implicitement à son ancrage à gauche et, enfin,
divers attributs psychologiques (rebelle, combattant, cérébral, torturé). Olivier Besancenot
est présenté majoritairement dans le monde civique, les attributs psychologiques qui lui sont
conjoints corroborent la figure de l’opposant et du révolutionnaire et la figure de militant issu
d’un petit parti devant se battre pour s’imposer.
« La LCR a acheté une laguna d’occasion conduite par les militants (…) pendant
que le candidat essaye de dormir. Le problème c’est que les meetings sont

de la campagne présidentielle, le second le conjoint de « Patrice Rio, ancien joueur emblématique du FC Nantes » sans dire
autre chose. La faible pertinence de ces éléments pour son identité médiatique fait disparaître ces titres de notre figure.
802
Gala 723, VSD 1547, VSD 1531, Voici 1014.

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organisés non pas en fonction de la proximité des villes mais en fonction de la


disponibilité des salles » « Mars, planète du combat gère ces deux signes. Voici
un tempérament bien trempé. Pas forcément étonnant qu’il aime la boxe française
ou le sport en général (…) Il arrivera malgré tout à obtenir des satisfactions
803
personnelles dans tel ou tel combat contre l’injustice et les inégalités »

[Figure 38 : L'identité médiatique de Marie-George Buffet]


De son côté, Marie-George Buffet est essentiellement renvoyée à son ancrage politique
et aux principes qui en découlent : la solidarité et le partage.
« Comme Sophie de la Rochefoucauld (qui a joué dans Cordier, juge et flic
et dans PJ), vous pensez que les rôles de Sharon Stone devraient être mieux
804
partagés ? Votez Marie-George Buffet ! »
Sa condition de femme est, de la même façon, invoquée comme moyen de son ancrage
politique et de son engagement.
« La féministe Marie-George Buffet estime que « toute femme est capable de
805
penser indépendamment de l’homme qu’elle aime ». »

803
Paris-Match 3020, VSD 1531.
804
Voici 1014.
805
VSD 1536.

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[Figure 39 : L'identité médiatique de Dominique Voynet]


Ainsi, comme pour Olivier Besancenot, les attributs psychologiques et les éléments
identitaires sont mobilisés pour définir son ancrage politique et comme preuve de son
engagement et de son militantisme.
A l’inverse de ses deux prédécesseurs de gauche, Dominique Voynet est incarnée à
partir de figures pouvant être contradictoires les unes aux autres. Gala l’installe dans
le monde domestique et lui octroie une dépendance à sa famille en parallèle de son
engagement et ses convictions forte d’écologiste tandis que le numéro 1531 de VSD la
figure comme une femme indépendante. Par ailleurs, dans VSD, sa grandeur négative –
elle est un petit candidat – est toujours signifiée comme Destinateur pour le maintien et la
confirmation de son ancrage politique et de son engagement pour l’écologie. Ce dernier est,
d’ailleurs, signifié dans chacun des articles qui la mettent en scène, justifiant sa conjonction
avec des objets issus autant du monde civique que du monde domestique.
« Autre refuge : l’île de Groix, où la candidate des Verts possède une maison de
pêcheur » « Cette enseignante de 28 ans a grandi selon les principes écolo d’une
806
mère totalement engagée »

806
Gala 711, Gala 716

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[Figure 40 : L'identité médiatique d’Arlette Laguiller]


Arlette Laguiller apparaît, elle, dans huit articles de notre corpus. Elle est
majoritairement mobilisée à partir du monde civique, révélé par son être-à-gauche, son être-
candidate, son militantisme et ses convictions politiques.
La campagne présidentielle de 2007 est la sixième (ou cinquième pour Ici-Paris ) et
la dernière de cette candidate. La presse people se saisit de ce fait pour rendre compte
de l’engagement et de l’historique de sa candidature en insistant particulièrement sur le
807
caractère ultime de cette campagne .
« Arlette Laguiller achève sa carrière par son score le plus bas. A 67 ans, la
candidate de Lutte ouvrière tire sa révérence mais refuse qu’on l’enterre »
« Après 47 ans de militantisme, la candidate de Lutte Ouvrière vient d’achever sa
sixième et dernière campagne » « La candidate de Lutte Ouvrière a annoncé que
ème
c’était la 5 et dernière fois qu’elle se présentait à l’élection présidentielle »
« Si c’est bien la dernière campagne d’Arlette, elle devrait en tous cas
partir la tête haute » « Ce sera son ultime meeting puisque c’est sa dernière
808
campagne »

807
Le récit de VSD 1531 est un récit astrologique qui n’est jamais réalisé, il ne peut donc être figuré sur l’axe syntagmatique.
Il apparaît pourtant, ici, dans la figure n°40 de l’identité médiatique d’Arlette Laguiller car il décline, à son sujet, dans un premier
paragraphe, un énoncé à propos de sa dernière campagne qui n’est pas pris dans la narration sur les astres mais qui sert à introduire
le thème astral de la candidate de Lutte Ouvrière.
808
VSD 1548 (x2), Ici-Paris 3221, VSD 1531, VSD 1547

230

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

809
Ainsi, la figure « incontournable du monde politique », de « l’éternelle candidate » ,
est construite autour de la fidélité et de la permanence autant dans le monde civique que
domestique. Modestie, absence d’apparat et fidélité en amitié corroborent son ancrage
politique et la persistance de son engagement.
« Elle voulait soutenir une femme. Et comme Arlette Laguiller était trop mal
habillée… » « La plus modeste c’est elle ! C’est simple, l’éternelle candidate ne
possède rien, à part sa voiture achetée en 2000. » « Arlette Laguiller vit dans
une HLM en Seine-Saint-Denis et n’est propriétaire de rien… hormis sa Clio. »
« Le visage d’Arlette Laguiller, redressé et plat de chaque côté, caractéristique
d’une femme réfléchie et déterminée, dont les convictions n’ont jamais varié.
Son nez, très serré, est le signe que, dans les relations affectives, elle n’ouvre
pas son cœur facilement - mais que son amitié, une fois acquise, sera sincère
et durable. » « Elle demeure d’un fidélité à toute épreuve aux idées qu’elle a
810
toujours défendue »

[Figure 41 : L'identité médiatique de José Bové]


Enfin, dernier des petits candidats investis, José Bové n’est pas le petit candidat le
plus médiatisé dans notre corpus. Pourtant, il est celui dont l’identité médiatique est la plus
épaisse. Gala participe largement à cette identité en lui octroyant une visibilité à laquelle
811
les autres petits candidats n’accèdent pas . En effet, si l’hebdomadaire lui consacre un
récit complet, il le cite, par ailleurs, dans une « immortelle de campagne » en lien au passé

809
VSD 1531, Gala 711
810
Voici 1014, Gala 711 (x2), Gala 723, Ici-Paris 3221.
811
Cette posture priviligiée de José Bové dans Gala corrobore la ligne éditoriale de l’hebdomadaire qui tend à encenser les
personnages simples et sincères, deux attributs identitaires que Gala octroie à José Bové et François Bayrou.

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812
et à l’enfance des candidats . José Bové est donc le seul petit candidat sur lequel le lecteur
connaît certaines informations relatives à son enfance et particulièrement aux rapports qu’il
entretient avec son père. A l’inverse, José Bové apparaît très peu dans VSD : il détient la
même visibilité dans cet hebdomadaire que les candidats « minuscules », les autres petits
apparaissant dans plusieurs récits issus de ce magazine.
Deux éléments de son identité médiatique détonnent. La première résulte d’une
floraison de surnoms pour désigner le candidat :
« L’ennemi de la malbouffe » « L’Attila des McDo » « José Le magnifique »
« L’Astérix des Causses » « Le guerrier moustachu » « Le Robin des bois du
813
Larzac »
Ces surnoms dévoilent un compromis entre particularisme et collectif, entre monde
domestique et monde civique : ils individualisent l’action politique. Mais ce compromis est
déplacé dans le monde de l’opinion. Le surnom engendre une re-nommée particulière
du candidat en effaçant son nom : il est la preuve de sa reconnaissance et la
produit simultanément. Les surnoms construisent, par là même, l’identité médiatique du
personnage dans le parcours figuratif du guerrier et du combattant en se référant à des
combattants issus de la culture populaire française tels que, Astérix, Robin des Bois ou
Attila. Mais ces surnoms sont aussi révélateurs d’une triple désignation de l’engagement
de José Bové : il est écologiste, antilibéral et révolutionnaire. Si ces engagements
n’apparaissent pas comme contradictoires, leur différenciation relève une confusion quant
à la position politique de ce dernier. Pour Public et Gala 723, son engagement politique
tient du combat et de la révolution sans pour autant l’installer dans un combat précis et
ancré politiquement : José Bové est celui qui « veut changer le système » et qui a « un
coté révolutionnaire, terrien et résistant (…) l’un des rares à se mouiller et à aller au
bout de ses idées », il est le « rebelle type, qui ne mesure pas toujours les risques
814
qu’il prend » . Pour Ici-Paris , il est le « candidat de la gauche antilibérale », pour
815
VSD , « l’altermondialiste » . Finalement, les deux récits de Gala qui construisent
une identité narrative de José Bové cumulent différentes désignations : il est le « leader
altermondialiste » d’un « combat écolo », auteur de « brûlots antilibéraux », qui veut
816
« la lutte finale », « pour sauver le monde » ou « le plus célèbre arracheur de
plants d’OGM en France » qui « s’est construit en opposition à l’autorité (…) comme
817
un gamin qui règle ses comptes » . L’attribut psychologique de la rébellion issu du
monde domestique est donc transposé vers le monde civique. Enfin, deux derniers éléments
issus du monde domestique participent à son identité médiatique. Gala 717 le conjoint à sa
compagne, qui joue le rôle d’adjuvant pour son combat.
« Tandis (…) que Ghislaine mitonne un petit gratin à la tome de brebis, José se
triture les neurones pour sauver le monde (…) c’est dans son humble quotidien
818
que notre guerrier moustachu puise sa force »
812
Gala 722.
813
Paris-Match 3020, Gala 717 (x4), Ici-Paris 3221.
814
Public 196 (x2), Gala 723.
815
Ici-Paris 3221, VSD 1547.
816
Gala 717.
817
Gala 722.
818
Gala 717.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Enfin, la moustache, objet du monde de l’opinion, puisque de l’ordre du paraître et du corps


artificiel, est déplacée vers le monde civique dans Voici . Cet hebdomadaire fait de la
moustache le symbole du personnage et l’objet du vote.
« Comme Anémone, vous aimez les moustachus (depuis qu’ils se sont rasés, elle
819
ne parle plus à Michel Blanc et Gérard Jugnot), votez José Bové. »
La moustache est ajoutée à la pipe et/ou à la figure du fumeur comme signifiant de l’identité
médiatique de José Bové.
« Campé bien droit dans de vieilles charentaises, pipe au bec, (…) l’Attila des
820
McDo a l’aura d’un père tranquille »
Ainsi, la confusion de sa position politique, les surnoms et la « sémiotisation du visage
821
de José Bové » par la moustache et la pipe, révèlent une identité construite sur
un compromis entre monde civique et monde domestique transposé dans le monde de
l’opinion, pour une reconnaissance et une visibilité qui suffisent à son ancrage et sa position
politique. Si des objets du monde domestique et du monde de l’opinion épaississent les
identités médiatiques des autres petits candidats, la transposition de ces objets s’observe
toujours dans un mouvement qui va du monde domestique ou de l’opinion vers le monde
civique, ce dernier contenant l’identité médiatique. Le chemin plus complexe de la figure
de José Bové rend compte d’un mélange des mondes comme dynamique productrice de
l’identité médiatique ; une complexité que l’on retrouve pour les moyens et grands candidats.

VI. 2. 2. Jean-Marie Le Pen.


Jean-Marie Le Pen est un candidat dit moyen selon l’ordre de grandeur du monde civique
et du monde de l’opinion. Il apparaît souvent au titre de cette grandeur au côté de
Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou. Pourtant, l’identité médiatique de
François Bayrou comme troisième homme focalise, par ailleurs, de nombreux récits sur une
présidentielle à trois, récits qui ignorent alors Jean-Marie Le Pen.
822
« Sarko, Ségo, Bayrou : la guerre des trois. »
Comme nous le verrons, François Bayrou oscille entre le statut de grand et de moyen
candidat, laissant la visibilité de Jean-Marie Le Pen derrière. Mais la grandeur de Jean-Marie
Le Pen est justifiée, par ailleurs, par son identité médiatique. Les trois figures dominantes,
dans notre corpus, dévoilent un homme fatigué, un homme violent ou agressif et un homme
blessé. Ces trois qualifications principales installent le candidat FN dans une impossibilité
d’être au second tour. C’est donc au prisme du monde de l’opinion que sa grandeur se
maintient quelque peu dans notre corpus. Sa mise en scène aux côté des trois autres grands
candidats lui attribue une grandeur supérieure à celles des petits candidats, bien qu’il les
rejoigne par son incompétence à faire dans le monde civique. Un seul récit lui accorde un
pouvoir-faire dans le monde civique et donc la possibilité d’atteindre le second tour, Mais
cette possibilité est déployée à partir du 21 avril 2002 et non pas dans un pouvoir-faire relatif

819
Voici 1014.
820
Gala 717.
821
OUARDI, S., « On nous a raconté l’anti-mondialisme, on nous a raconté José Bové… », Communication et langages , 152,
2007, p. 52.
822
VSD 1542.

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823
au candidat . Finalement, seuls des attributs du monde domestique sont adjuvants pour
une compétence dans le monde civique. Ils sont les blessures de l’enfance, la fatigue et
l’agressivité du candidat. Le premier construit sa volonté dans le monde civique et le renvoie
à un traditionalisme et un attachement à ses racines, à ses origines.
« A 14 ans, il devient pupille de la nation. Entrer en politique a été sa façon de
prendre sa revanche sur la vie » « Devenu pupille de la nation, le futur leader
du FN puise dans son nouveau statut sa fougue nationaliste » « Jean-Marie se
montre encore à la Toussaint, où il se recueille sur la sépulture de ses aïeux.
Aujourd’hui, Le Pen ne manque jamais d’exhiber sa fierté bretonne et ses
824
souvenirs douloureux d’ « orphelin de la guerre »

Figure 42: Identité médiatique de Jean-Marie Le Pen


Les autres attributs servent à assoir l’impossibilité du candidat à accéder au second
tour de l’élection présidentielle. Le parcours thématique de la violence et de l’agressivité
constitue un élément primordial dans l’identité médiatique du candidat. Il est une constante
825
sur l’axe syntagmatique de son identité . Il consiste en un comportement violent de l’enfant
Jean-Marie Le Pen dans le monde domestique.
« « Jean L’Pen » n’a pas laissé que des bons souvenirs. « Il n’arrêtait pas
d’embêter les filles, les malmenait parfois, c’était un garçon violent » (…) Les
hommes de la commune parlent eux plutôt d’un adolescent turbulent à la tête dur
826
(…) « Une sacrée teigne aussi, avec le coup de poing facile ». »
Dans le monde de l’opinion, l’insulte comme performance et des descriptions d’atmosphères
angoissantes pour l’interlocuteur face au candidat servent à épaissir l’image de l’homme
823
Ici-Paris 3221.
824
Gala 722 (x2), VSD 1543.
825
Cf. Figure n°42, page précédente.
826
VSD 1543

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

827
violent et agressif. Il est le « roi de l’insulte » avec une « langue acide » dont la « verve
lui a longtemps tenu de programme » ; il est « le diable » qui place ses interlocuteurs
sur « des charbons ardents » dans « l’appréhension » et « l’inquiétude », il est
« un géant massif et sanguin » accompagné de « deux dobermans qui semblent
rouler dans leurs yeux des envies de meurtre », de « deux molosses immobiles
828
(…) comme s’ils ne se résignaient pas à être frustrés de leur proie » . La violence de
829
Jean-Marie Le Pen, quand elle est signifiée comme auxiliant , intervient comme opposant
à son pouvoir-faire dans le monde civique et plus précisément, à son pouvoir-être au
second tour de la présidentielle.
Mais une compétence de savoir-faire vient contredire cette agressivité dans le monde
de l’opinion. Pourtant confinée dans ce monde, elle révèle un paraître qui ne nie pas, pour
autant, la figure de l’homme violent. Il « donne son meilleur profil », « son propos
830
s’arrondit » , et étoffe ainsi un paraître plus doux quoique compatible avec l’être agressif.
Jean-Marie Le Pen est rarement inscrit comme le Destinateur de ce paraître. Jany Le Pen
est le Destinateur informé. Son épouse, comme sujet du monde domestique, le conjoint
avec un savoir-faire du monde de l’opinion, mais celui reste aux confins de son monde et
n’atteint jamais le monde civique.
« Elle joue son rôle d’épouse et de collaboratrice avec tact. Peu à peu, elle
a métamorphosé le « menhir » en un septuagénaire d’apparence moderne.
Costume mieux coupé, cravate à la mode, nouvelles lunettes, il s’efforce, grâce à
elle, d’avoir le look d’un papy assagi » « Jany l’a aidé à choisir sa cravate rouge
et la pochette assortie, parfaite avec le costume crème, la chemise bleue et les
mocassins marrons » « La veille, il rêvait encore d’un 21 avril bis en choisissant
831
son costume avec sa femme Jany. »
Enfin, la fatigue est le résultat d’un état issu du monde domestique, celui d’un corps âgé. Le
monde domestique est l’espace de l’être. Le sexe et l’âge dévoilent, entre autres, la légitimité
832
et l’autorité, définies respectivement comme subjective et traditionnelle . Le corps y est
décrit à partir de déterminants naturels. L’âge de Jean-Marie Le Pen devient le foyer de sa
fatigue et l’opposant à son pouvoir-faire et à son pouvoir-être au second tour.
« Le corps est fatigué, à presque 79 ans » « Le vieux chef du FN » « Le doyen de
la campagne, Jean-Marie Le Pen, bientôt 78 ans, profite de ses insomnies pour
833
lire »
Mais la fatigue ajoutée à son échec le 22 avril 2007 devient alors l’adjuvant pour sa retraite
et pour sa résignation.
« Le Pen tire, bien malgré lui, sa révérence » « Avant de se résigner, peut-être,
à quitter le gouvernail du Paquebot.» « Pour Le Pen, ce soir, le champagne à un

827
VSD 1547.
828
Paris-Match 3007.
829
Le terme d’auxiliant est un terme neutre qui subsume, à la fois, l’adjuvant et l’opposant.
830
Paris-Match 3007
831
Paris-Match 3014, Paris-Match 3020, VSD 1548
832
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 213.
833
VSD 1547, VSD 1531, Paris-Match 3020.

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goût amer et le goût de l’adieu » « Fini de rugir, cette campagne est sans doute
834
pour lui « la der des ders » »
L’identité médiatique qui se dessine dans notre corpus de presse people dévoile un candidat
dont la visibilité construit une certaine grandeur dans le monde de l’opinion et le monde
civique, mais est contredite par sa mise en discours. Il est un homme fatigué et agressif,
trahi par son corps et son âge, qui le laissent dans une impossibilité d’action dans le monde
civique.

VI. 2. 3. François Bayrou


L’identité médiatique de François Bayrou, considérée au prisme de la tripartition des
mondes, se révèle particulièrement intéressante. Malgré un déploiement dans chacun
de ces trois mondes, au travers de leurs relations, états de grandeurs, formules
d’investissement ou formes de légitimité hétérogènes, voire contradictoires, l’identité
médiatique du candidat UDF figure comme un compromis idéal résolvant l’incompatibilité
des mondes, du moins, du point de vue du genre people. Ce compromis est construit
sur l’axe des contraires du carré véridictoire sanctionnant l’identité médiatique de François
Bayrou par un être affirmé et confirmé par les narrateurs des récits. Il n’y aurait pas trois
François Bayrou : l’homme, le candidat et le personnage médiatique ne serait qu’un seul et
même être cohérent, persistant, et fidèle à lui-même. Chacun des mondes installe, alors,
différentes figures ou compétences qui se transposent dans les autres mondes sans subir
de transformations.

VI.2.3.1. La simplicité d’un paysan passionné.


François Bayrou est un fils de paysan, lui-même devenu paysan dans le Béarn, terre de ses
origines ; ces traits de son identité sont omniprésents dans notre corpus. François Bayrou
comme sujet du monde domestique se révèle au travers de trois parcours thématiques
principaux : le parcours du terrien, celui de la passion et de la force et celui de la vie simple,
comme si une large part des récits répondaient à la question formulée par Paris-Match :
« Comment un enfant du Béarn, catholique, fils de paysan, devenu agrégé de lettres
classiques, enseignant, puis ministre, est aujourd’hui un présidentiable crédible dans
835
le trio de tête des candidats ? » .
Le parcours thématique du terrien se déploie à partir de trois figures : celle du paysan,
celle du travailleur et celle de l’ancrage rural. Ces figures consistent en une désignation qui
installe l’incarnation de François Bayrou dans le monde domestique.
« Le petit béarnais devenu grand » « L’enfant du pays a beau côtoyé les ors de
la République, il reste fondamentalement le fils de son père, un paysan érudit »
« Un petit paysan béarnais nommé François Bayrou » « Ce fils de paysan
836
béarnais »
De la figure du paysan découlent les deux figures suivantes dont la complémentarité est
rarement énoncée mais présupposée comme allant de soi. La terre incarne alors la preuve
comme la conséquence de cette figure du paysan mais construit, par ailleurs, celle du travail.

834
VSD 1548 (x2), Paris-Match 3020 (x2).
835
Paris-Match 3017
836
Gala 720, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2)

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

« C’est l’homme qui prend son temps et qui a de la terre sur les souliers » « Le
candidat chausse ses bottes pour aller retrouver ses vingt-et un pur-sang » « Le
fils de la terre sait creuser son sillon » « Comme tous les enfants de paysan,
837
François a toujours participé aux travaux agricoles. »

Figure 43 : Identité médiatique De François Bayrou


La figure du paysan et du travailleur se complète avec celle de la terre. Le travail agricole
devient, par là même, le symbole du travail manuel et du labeur, servant alors de point de
confrontation entre François Bayrou et les autres candidats, puisque ce premier est « le
838
seul candidat à avoir travaillé de ses mains » . La figure du paysan témoigne aussi de
l’attachement à ses racines incarné par son ancrage rural et par sa domiciliation.
« A 100 mètres de sa maison natale » « A maintenu un lien très fort avec son
Béarn natal. Il habite toujours son village de Bordères, à 100 m de la maison de
839
son enfance » « Candidat (…) fier de la terre qui l’a vu naitre »
Ces différentes figures du monde domestique permettent l’incarnation du candidat dans
ce même monde. Elles peuvent renforcer le programme narratif lui-même issu du monde
domestique ou opérer un mélange des mondes entre la désignation et la performance.

837
Gala 720, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2),
838
Gala 720, Paris-Match 3013.
839
Gala 720, Gala 722, Paris-Match 3021

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Médias, politique et vie privée

« Le Béarnais s’enflamme de voir la balle au centre, grappillant des voix sur les
840
ailes modérés de la socialiste et du libéral »
Dans cet exemple, la performance, l’objet de conjonction et les anti-sujets sont installés
à partir d’une sémantique du monde civique : seule la désignation de François Bayrou
comme « le Béarnais » franchit les frontières de ce monde vers le monde domestique.
Si, idéellement, la confrontation des deux mondes dans le parcours narratif produit une
transformation dans l’être de François Bayrou – il passe du statut de « béarnais » à celui de
« candidat » – cette transformation est signifiée comme « allant de soi » dans l’installation
du parcours, comme si, finalement, ces deux attributs étaient logiquement compatibles et
ne rendaient pas compte d’une transformation. Ce mouvement comme « allant de soi »
se repère, par ailleurs, lorsque ces figures sont des acteurs qui jouent le rôle d’adjuvant
ou de Destinateur. En tant qu’adjuvant, la figure est débrayée comme un « pouvoir-faire
individualisé » qui apporte son aide à un autre acteur (le candidat ou une autre figure) dans
la réalisation du faire pour la jonction entre un sujet et un objet. C’est le cas par exemple
841
du récit de Paris-Match 3013, identité n°5 dans le schéma ci-dessus. Le schéma le
montre, l’état « paysan et fils de paysan » et la figure du travail, augmentés d’autres attributs
identitaires, permettent la conjonction de François Bayrou à la popularité. Ici, ces figures
ont le rôle d’adjuvant ; mais elles peuvent intervenir, par ailleurs, comme Destinateur qui
font-faire et installent les éléments de la compétence mais aussi l’axiologie justifiant le faire.
L’exemple du récit VSD 1543, l’identité n°14, indique que la figure de l’ancrage rural institue
le pouvoir-faire et le vouloir-faire .
« A l’entendre, il devrait plutôt cette fougue –lui parle plutôt de caractère rebelle-
à ses origines béarnaises auxquelles il reste viscéralement attaché. Ce lien
indéfectible se traduit par une maitrise parfaite de la culture et de la langue.
D’ailleurs, une fois, devenu ministre de l’Education, l’agrégé de lettres classiques
842
a soutenu l’enseignement du béarnais dans son département »
L’ancrage rural intervient, dans ce récit, comme un Destinateur-manipulateur qui établit et
influe les valeurs descriptives et modales de l’action. Les figures du monde domestique
construisent donc un premier niveau de l’identité de François Bayrou que les narrateurs
des récits installent comme des positions dans un mouvement syntagmatique et
paradigmatique. Pourtant, avant d’investir ce mouvement par l’investigation des autres
espaces de signification, deux autres parcours thématiques, issus du monde domestique,
interviennent largement dans la construction de l’identité médiatique de François Bayrou. La
vie familiale du candidat UDF est déclinée en parallèle au parcours thématique du terrien.
« Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial, apprécie le calme
de son tête-à-tête du week-end. Ici les repas se déroulent toujours à la bonne
franquette » « Mais c’est le soir, surtout, qu’il relâche la pression, quand il va
diner avec ses proches » « Ici, la vaste cuisine occupe un rôle central. C’est dans
ce lieu que Babeth aime à recevoir les confidences de son mari qui lui demande
toujours des conseils » « La voie était toute tracée : la rusticité de la campagne,
une famille nombreuse, ses enfants d’abord, ses petits-enfants désormais, des
840
VSD 1542.
841
Comme indiquée plus tôt, chaque segment dans le schéma est une identité dévoilée par les procédures d’anaphorisation au
sein d’un énoncé : elle est le produit de l’existence narrative d’un sujet ou d’un objet sur l’axe syntagmatique et des différents modes
d’existence de ce même objet ou sujet sur l’axe paradigmatique. (Cf. Chap III.3. 3.)
842
VSD 1543

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

chiens, des poules » « Josiane Pasty, la voisine d’en face et femme d’agriculteur,
chez qui François Bayrou vient souvent manger un œuf à la coque » « Leur
famille est à la fois leur vraie raison d’être, leur plus grand bonheur et leur force
principale » « En guise de racines, six enfants et onze petits-enfants comme
843
autant de rameaux tournés vers l’avenir »
Ces deux parcours thématiques permettent alors de construire deux figures : celle d’une
vie simple et modeste et celle d’un homme apaisé et serein. Enfin, un dernier parcours
qui regroupe les précédents, dévoile de nouveaux attributs identitaires : ceux de la force
et du courage prouvés par les narrateurs par des performances cumulatives ou installés
explicitement comme tels dans les récits.
« Il reprend l’exploitation familiale… tout en passant une agrégation de lettres
classiques » « « Seul agriculteur conduisant son tracteur en téléphonant »
s’amuse Etienne Capdevielle » « A 23 ans, il a repris l’exploitation familiale en
même temps qu’il a assuré des cours de Français » « Qui dans sa jeunesse avait
vaincu l’adversité : la mort de son père, mais aussi un bégaiement tenace. La
prouesse avait épaté François Mitterrand : « Cela dénote une vraie force d’être »
844
avait confié l’ancien président »
Le monde domestique intervient, donc, comme espace de signification qui fournit de
nombreuses figures pour la construction de l’identité médiatique de François Bayrou.
Cependant, ces figures sont déplacées par les narrateurs des récits vers les mondes de
l’opinion et civique. Mais en portant et transportant leurs paroles, les narrateurs procèdent à
des transformations qui permettent au même être de passer d’une forme à l’autre, d’un état à
l’autre, d’un monde à l’autre. Pourtant, ces transformations sont minimales car elles tiennent
toujours en leur creux une cohérence et une persistance du personnage qu’est François
Bayrou. L’investigation des figures dans leur mouvement au prisme de leurs traversées
saisit ce mouvement de narration particulier à l’identité médiatique de François Bayrou.

VI.2.3.2. Un défaut communicationnel qui devient preuve de sincérité.

843
Gala 720, VSD 1547, VSD 1544 (x3), Paris-Match 3021 (x2)
844
Gala 722, Paris-Match 3017, Paris-Match 3013, Gala 720

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[Figure 44 : Carrés sémiotiques des compétences


actualisantes et virtualisantes dans le monde de l'opinion]
Le monde de l’opinion intervient dans l’identité médiatique de François Bayrou à partir
de compétences modales qui le distinguent des autres candidats et de figures qui, malgré
des rapports de grandeur et des relations naturelles hétérogènes, voire contradictoires,
répondent aux figures déployées dans le monde domestique.
La vie simple, familiale, rurale du fils de paysan est largement mise en récit dans
notre corpus. Sa médiatisation projette cette définition de la vie du candidat hors de son
monde d’origine pour la construire dans l’ordre du paraître et de l’apparence. Pourtant,
l’identification des destinateurs de communication, débrayés ou non dans le récit comme
des Destinateurs de la visibilité, empêche la projection et confine les parcours thématiques
du monde domestique dans celui-ci. En effet, les narrateurs des récits nient le déplacement
de ces parcours thématiques dans le monde de l’opinion, comme s’il y avait deux façons
d’être visibles : une visibilité stratégique et une visibilité qui va de soi. La première relève
d’une visibilité dont les Destinateurs sont les acteurs politiques alors que la seconde est celle
dont les Médias sont les Destinateurs. Si la première peut-être dénoncée par les narrateurs
des récits, la seconde va de soi ; l’identité du narrateur empêchant la critique de sa propre
activité. Ici, nous retrouvons la mise en abîme du monde de l’opinion, qui connaît deux
réalités dans notre corpus. La première est nécessaire comme support et essence des
récits. La seconde est mise en scène dans les récits et investie dans l’espace de narration.
Cette dernière, quand elle est néfaste, est débrayée comme celle opérée par les autres (les
autres médias et les personnages médiatiques). Or, dans les récits consacrés à François
Bayrou, cette seconde mise en scène du monde de l’opinion n’apparait pas ou, du moins,
elle n’est pas le faire du candidat.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

« Ce n’est pas lui qui irait confesser aux médias ses déboires conjugaux »
« François Berléand : « Je voterai pour François Bayrou le 22 avril, bien que
mon poulain ait le charisme d’une huitre ». » « A notre envoyée spéciale, elle
[Elizabeth Bayrou] confiait cependant : « s’il vous plait, dans votre reportage,
n’insistez pas trop sur le côté agriculteur » ; au sens de « bouseux » voulait-elle
845
dire »
Cette compétence virtualisante négative apparaît clairement quand elle se confronte à
celle des autres candidats. Ainsi, dans VSD 1543, le narrateur du récit sanctionne la
médiatisation stratégiquement orientée du « berceau des candidats » : « Comme si
le terroir devait être forcément un gage de probité, les hommes politiques aiment à
revendiquer leur ancrage rural »mais nie cette utilisation, quelques lignes plus loin, pour
François Bayrou : « les racines béarnaises de François Bayrou ne souffrent aucune
846
contestation » , installant l’ancrage rural du candidat sur le mode de l’être, dans le carré
véridictoire, et opposant ceux des autres candidats comme issus du mode du paraître. Dans
la même logique, Gala consacre un article à la visite des candidats au salon de l’agriculture :
847
« élection oblige, la classe politique s’est déplacée en troupeau cette année » .
Mais, François Bayrou, « il est vrai, fils d’agriculteur », est renvoyé à son identité dans
le monde domestique, niant une performance dans le monde de l’opinion ou de l’ordre du
paraître. Cette sanction du narrateur est renforcée par le programme narratif mettant en
scène Nicolas Sarkozy, « une bête des médias », venu « pour copier son rival François
Bayrou ». Enfin, dans une immortelle de campagne, Paris-Match, condamne l’utilisation
des peoples dans la campagne présidentielle en dénonçant explicitement la pratique.
« La photo de la double page précédente [montage qui met en scène les peoples
soutenant chacun des trois candidats principaux] doit, en toute logique, révulser
848
les trois principaux candidats »
Cette condamnation est augmentée d’une sémantique guerrière ou de chasse corroborant
la sanction négative : « épingler les artistes comme des papillons à un tableau de
chasse », « est aux manettes », « opération de charme », « mission dédiabolisation
», « pas ralliés mais désarmés », « les rabatteurs du sarkoshow ». Mais, une
fois encore, François Bayrou échappe à la sanction du narrateur : il n’est pas désigné
comme le Destinateur du soutien des peoples. Ce sont ces derniers qui ont « succombé
à la tentation Bayrou » ; leurs déclarations de soutien sont un « cri du cœur », une
« déclaration d’amour » ; ils « franchissent les barrages (…) pour avouer à François
[leur] penchant » et « tombent sous le charme ». Finalement, la citation de Jean-
Marie Cavada signe l’installation de la compétence négative construite sur un vouloir-ne
pas faire : « Nous n’avons aucun système de démarchage ». Dans cette logique, les
compétences négatives de François Bayrou dans le monde de l’opinion lui refusent le statut
de sujet de faire dans ce même monde. Mais cette condition de non-sujet de faire signe
la conjonction du candidat avec deux objets : la sincérité et la popularité.

845
Gala 720, Public 196, VSD 1544.
846
VSD 1543.
847
Gala 718.
848
Paris-Match 3016.

241

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Médias, politique et vie privée

[Figure 45 : Le carré véridictoire]


En n’étant pas sujet de faire dans le monde de l’opinion, il n’y pas de jeu entre l’être
et le paraître. L’être de François Bayrou dans le monde domestique est transposé comme
tel dans le monde de l’opinion et ne subit pas de changement de forme : Il parait ce qu’il
est et il est ce qu’il parait.
849
« « Il ne fait rien pour apparaître autrement que ce qu’il est, ca me rassure » »
L’être est transposé et persiste. Ce mouvement particulier entre monde domestique et
monde de l’opinion construit la figure de la sincérité. La sincérité est la vérité d’un être et se
place donc à la place de cette dernière dans le carré véridictoire.
« Tant pis si c’est passé de mode. Il n’a jamais craint de professer des opinions
à contre-courant » « Chacun a encore en tête la claque qu’il administre en avril
2002 (…) Si le geste n’était évidemment pas prémédité, il lui a sans doute évité
850
une bérézina électorale »
Mais cette sincérité est, par là même, signifiée comme l’adjuvant à sa popularité. Elle est
donc doublement sanctionnée positivement par les narrateurs des récits, une première fois
dans la sanction, en tant que telle, et une seconde fois dans le programme narratif dans
lequel elle est insérée.
« Sans doute, le côté agrégé de Lettres et la simplicité apparente de sa vie
familiale sont de nature à rassurer. Ce n’est pas lui qui irait confesser aux médias
ses déboires conjugaux (…) Entre Nicolas et Cécilia d’une part, Ségolène et
François d’autre part, François et Babeth offrent au pays l’image d’un couple
apaisé. (…) Alors Bayrou, candidat idéal ? » « Il n’y a pas de démagogie chez cet
homme, mais un réel désir de voir les choses sous un angle plus ouvert et plus
moderne » « Succomber (…) à la tentation Bayrou, qui contamine, il est vrai, les

849
Public 196.
850
Paris-Match 3017, Gala 720.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

peoples autant que le sondé de base. Le troisième homme engrange les soutiens
851
à la même cadence que les points dans les sondages »

VI.2.3.3. La vie politique rêvée.


Selon Marc Abélès, il y a, dans l’imaginaire collectif et dans les médias français, un culte
de la vie politique rêvée, c’est-à-dire une politique humaniste, désintéressée, éthique,
qui échappe à la logique des oppositions traditionnelles et qui sert avant tout l’intérêt
852
collectif . D’après Abélès, les médias ont tendance à encenser les personnages politiques
qui investissent cette vision de la politique. Durant la campagne, la presse people construit
une identité médiatique de François Bayrou en phase avec cette vision de la « vie politique
rêvée ». Plusieurs attributions identitaires permettent cette construction et clôturent, par là
même, le mouvement de cohérence et de persistance dans les fondements de l’identité
médiatique de François Bayrou.
Un premier pan de cette identité civique se définit en parallèle et en opposition des
deux grands candidats, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, et dessine à la fois son ancrage
politique et sa grandeur. François Bayrou est l’outsider, le troisième homme, mais il est aussi
l’alternative et l’opposant. La grandeur varie selon les désignations et le candidat oscille
entre les grandeurs selon les récits. En tant que troisième homme, il se tient dans un pouvoir-
faire mais à la limite du pouvoir-être : il est un candidat moyen qui a la possibilité d’être un
grand candidat. A l’inverse, sa position en tant qu’opposant ou alternative le projette dans
une grandeur plus forte. Ces deux figures se construisent à partir de son ancrage politique
qui consiste à n’être ni de droite, ni de gauche. Cette incarnation sur l’axe des subcontraires
853
du carré sémiotique des ancrages politiques l’installe à la fois comme un opposant et une
alternative à l’opposition gauche-droite traditionnelle de la politique française.
« Quand Paris-Match lui demande : « Ségolène ou Nicolas ? », Blakowski
répond : « Bayrou ! ». » « « Bayrou ne s’est pas fait récupérer, quand il n’était
pas d’accord avec la droite, il le disait. Quand il n’était pas d’accord avec la
gauche, il le disait, c’est quelqu’un de sincère. » » « Il est l’homme qui défie pêle-
mêle le CAC 40, TF1 et les grosses machine UMP et PS » « Jusqu’au bout, il en
restera persuadé : « dans cette campagne, les Français cherchent l’autre. Et je
suis l’autre » (conclusion du récit) « Incarner le vote rebelle contre le système
de la droite et de la gauche (…) Parier sur la saturation des Français à l’égard
du « Ségo-Sarko » « Pourquoi voter pour lui ? Parce [qu’il] est la preuve que
les vieux clivages sont dépassés » « Lui qui voulait dépasser le clivage droite-
854
gauche »
L’axe des subcontraires sur lequel est placé François Bayrou permet ainsi de lui octroyer
une nouvelle grandeur : celle d’un grand candidat, doté alors d’un pouvoir-faire et d’un
pouvoir-être . Mais plus encore, l’expression « ni l’un, ni l’autre » implique une réduction
855
du nombre de candidats, comme s’il y avait Bayrou, le « candidat antisystème » d’un
côté, et le système UMP-PS de l’autre : d’opposant, il devient alternative. La qualification de
851
Gala 720, VSD 1531, Paris-Match 3016.
852
ABELES, M., « De la communication en négatif : l’échec en politique », Le Temps des médias, 7, hiver 2006-2007, p. 154-155.
853
Cf. Figure n°35 dans la première partie de ce chapitre.
854
Public 196 (x2), Gala 720 (x2), VSD 1528, Voici 1014, Paris-Match 3023.
855
Paris-Match 3021.

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François Bayrou comme alternative est Destinatrice dans plusieurs récits, signifiée comme
ce qui octroie son pouvoir-faire et son pouvoir-être au second tour, comme le montre le
856
schéma avec les identités n°1, 2, 7, 8, 12 et 18 . Parallèlement, cet axe des subcontraires
permet le débrayement de la figure du rebelle qui rejoint alors le parcours thématique,
construit dans le monde domestique, de la force et du courage.
« Car, révèle l’ancien collègue Jacques Mérino (…) : « On sortait de Mai 68, le
vent soufflait à gauche, avec des syndicats forts. Lui était très rentre-dedans,
affirmant ses positions alors qu’il était pratiquement seul contre nous ». » « Seul
- ou presque - contre tous. Une façon d’être qui s‘est construite chez cet homme
en assumant ses différences. En les revendiquant même. » « Il ne veut pas
faire partie de l’establishment. Ni parisien, ni énarque, ni bourgeois. Et François
s’envole…. » « Le candidat UDF est un rebelle qui a besoin de s’opposer » « La
révolution civique dont rêve le candidat UDF » « Les Français raffolent de ces
857
Astérix qui défient les légions romaines »
Mais la vision de « la vie politique rêvée » n’est pas complète. Ainsi, deux mouvements
du monde domestique vers le monde civique participent à son élaboration dans l’identité
médiatique de François Bayrou. Ils tiennent dans les valeurs et le combat de François
Bayrou, corroborent et englobent toutes les figures jusqu’alors investies. Dans notre corpus,
le candidat incarne un homme de valeurs, ces valeurs sont déplacées du monde domestique
vers le monde civique les fondant sur une persistance qui installe son combat politique
858
comme « le combat de sa vie » . Sa conjonction à des valeurs, des idéaux, des
convictions et des croyances façonne une image humaniste, désintéressée et morale de
François Bayrou.
« Patrick Sébastien, notamment, a déclaré dans Le Parisien : « Lors de nos
discussions, j’ai senti un homme qui partage mes valeurs ». » « Elle est
évidemment à fond derrière François, par goût, mais aussi parce qu’elle a
réalisé que le combat de son père était le combat de sa vie » « Cette réflexion
approfondie dans le monde des idées n’empêche pas ce lecteur assidu de
Claudel et de Ghandi de se saisir de la révolte de 1968 pour faire ses premiers
pas politiques. (…) « C’est à ce moment là, je crois, qu’il a pris conscience
qu’il pouvait changer quelque chose. » » « Entre les cours, il fait le coup de
poing pour défendre les plus faibles » « Avec depuis, toujours une obsession :
« Changer le monde » » « Catholique et engagé. (…) Avec une attirance pour la
non-violence et Laura de Vasto –qu’il rencontre- Ghandi, Martin Luther King… Il
débat, il s’emporte contre Machiavel qui prône la séparation du politique et de la
morale, quand lui ne voit l’homme politique que comme un modèle, chantre de la
859 860
vertu. » « C’est l’incarnation d’une France tradi . »
En situant ces valeurs dans le monde domestique et en les transportant vers le monde
civique, les narrateurs des récits prouvent que le combat, l’opposition ou la rébellion de
856
Soit les récits issus de Gala 720, Voici 1014, Paris-Match 3016, Paris-Match 3021, VSD 1528, Public 196.
857
Paris-Match 3017, VSD 1543, Paris-Match 3013, Gala 723, Paris-Match 3021, Gala 720.
858
Gala 716.
859
Notons que ce terme apparaît abrégé dans l’hebdomadaire.
860
Ici-Paris 3221, Gala 716, VSD 1543, Paris-Match 3017 (x2), Gala 720.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

François Bayrou ne sont pas opportunistes et ne procèdent pas d’un intérêt particulier.
Le mouvement est étonnant. Paradoxalement, le monde domestique sert à justifier le
rejet du particularisme en démontrant la continuité tandis que le monde civique comme
finalité du déplacement soutient le renoncement au particularisme en définissant la formule
d’investissement par la solidarité et en faisant intervenir le combat sous la forme du collectif.
Ce mouvement évite, par ailleurs, le monde de l’opinion et refuse ainsi d’identifier le combat
à un désir de considération, battant en brèche le carriérisme et l’opportunisme.
« Qu’importe qu’il ait été quatre ans ministre, chef de parti depuis 1994, qu’il
soit député depuis vingt et un an. Il est l’homme qui défie le Cac 40, TF1 et les
861
grosses machine UMP et PS »
La « vie politique rêvée » de François Bayrou retrouve sa sincérité dans le monde de
l’opinion : il représente ce qu’il est, il est ce qu’il représente, il parait ce qu’il est, il est ce
qu’il parait, il est.
« L’ambiance est à l’image de sa campagne, simple et décontractée : des bises
aux amis, les derniers électeurs à convaincre en chemin, l’attente patiente dans la
862
file du bureau de vote »
La traduction de l’identité de François Bayrou dans la presse people résout le mélange des
mondes. L’hétérogénéité des mondes est rendue compatible sur l’axe des contraires du
carré véridictoire, sanctionnant l’identité médiatique de François Bayrou par un être affirmé
et confirmé par les narrateurs des récits. Comme si, quelque soit le monde dans lequel
François Bayrou se déploie, l’homme est toujours « vrai ».

VI. 3. L’identité médiatique de Ségolène Royal


Ségolène Royal apparaît dans quarante-six numéros de presse people différents. Mais, de
cette multitude, apparaît une identité médiatique unifiée, principalement focalisée autour
d’une contrariété, déjà évoqué plus tôt dans cet écrit : l’individu et le collectif. Un carré
sémiotique autour de l’axe sémantique de l’union et de la séparation dévoile les principales
figures qui participent à la construction de l’identité médiatique de Ségolène Royal.

861
Gala 720.
862
Paris-Match 3023.

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[Figure 46 : Le carré sémiotique de l'union et de la


séparation, fédérateur de l'identité médiatique de Ségolène Royal]
Ces figures renvoient à trois collectifs dans lesquels les narrateurs installent la
candidate du parti socialiste : sa famille biologique, sa famille politique et les Français.

VI. 3. 1. Ségolène dans le clan Royal/Hollande.


A la différence des autres candidats, la famille biologique de Ségolène Royal ne peut rester
confinées dans les mondes domestique et de l’opinion. L’engagement de son fils à ses côtés
et, surtout, la fonction politique de son conjoint François Hollande déplacent cette famille
biologique dans les trois mondes. Sa famille n’accède pas au monde civique ou au monde
de l’opinion seulement au travers de Ségolène Royal. Les points de passage sont multiples
et complexifient le mouvement. Dans le monde domestique, les états de grandeurs sont
relationnels : la position d’un être se définit en fonction des autres êtres. Dans la famille
Royal-Hollande, Ségolène est la mère et la conjointe ; dans la famille Royal, Marie-Ségolène
est la fille.

VI.3.1.1. Marie-Ségolène dans la famille Royal


La presse people accorde une large part de ses récits à l’enfance de Ségolène Royal et,
plus particulièrement au personnage du père, Jacques Royal.
Dans les récits le mettant en scène, le père de Ségolène Royal est un militaire autoritaire
et misogyne qui cantonne sa fille (et le reste de sa famille) dans la soumission et la passivité.
« Un père autoritaire, misogyne et réactionnaire » « Jacques Royal considéraient
que les femmes étaient là pour se marier et élever des gosses. Il regrettait même
qu’elles aient le droit de vote (…) ce père autoritaire d’une exigence sans limite »
« Un père militaire et autoritaire (…) considérait que les femmes étaient là pour
enfanter et faire le ménage (…) le parâtre impose sa loi » « Jacques Royal est
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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

un soldat perdu des guerres coloniales qui élève sa nichée comme des enfants
de troupes. En rang par deux à la messe du dimanche, la cravache n’est jamais
863
loin »
864
La mise en scène de cette figure du père comme un « Folcoche au masculin » permet
la conjonction de Ségolène Royal à la souffrance. Mais plusieurs évènements surviennent
dans les récits comme des points de rupture permettant la disjonction de Ségolène Royal et
de son père : son entrée au Lycée d’Epinal ou son entrée à Sciences Politiques. Les études
représentent alors la figure de l’échappatoire.
« Son frère, Antoine, se rebelle en claquant très tôt la porte du logis. Ségolène,
elle, choisit la voie des études. » « L’enfant voit vite, dans l’école, un moyen
d’échapper à l’austérité de la vie familiale » « Très vite, elle comprend que la
865
seule issue possible est l’école »
Marie-Ségolène est conjointe au courage, à la ténacité et à la détermination, mais aussi à
la rébellion. Ces attributs psychologiques sont renforcés au travers de la mise en scène de
la poursuite judiciaire pour la pension alimentaire de sa mère.
« Ségolène se range du côté de sa mère et l’encourage à initier une procédure
judiciaire afin d’obtenir une pension alimentaire » « Seule Ségolène est passée
à l’acte. A 19 ans, elle assigne son père en justice pour lui faire payer une
pension alimentaire à sa mère qui, lasse d’être humiliée, avait quitté le domicile
866
conjugal. »
L’ancrage politique de son père construit également sa figure de rebelle. Son être à gauche
est justifié par un ne pas pouvoir être à droite comme son père.
« Dans un clan militaire de droite, Ségolène ravissant petit canard, va nager
à gauche » « Dès 1992, Ségolène Royal explique le sens de son engagement
politique (…) « Pour moi, ce ne pouvait être que la gauche. La droite j’avais donné
867
(…) Pas de danger d’être attirée de ce côté là : ça me rappelait mon père ». »
« Sa fille entre en politique au PS puis, en 1978, intègre l’ENA où elle déplore le
machisme ambiant »
En s’affranchissant de l’autorité paternelle, la figure de la femme indépendante émerge.
Dans cette figure, telle qu’elle est construite dans les récits sur le passé de Ségolène
Royal et dans la relation à son père, nous retrouvons l’axe de la deixis positive sur le carré
sémiotique présenté plus tôt. La famille biologique, comme celle ascendante, relève d’une
disjonction procédant d’un isolement de la candidate face à cette partie de sa famille.
« Le « clan » Royal n’a revu « la peste », comme la surnommaient ses cousins,
qu’une seule fois (…) en juin 1981. » « Elle ne remettra plus jamais les pieds à
Chamagne » « A part lui, Paul, ingénieur géologue à Saint-Etienne, numéro six
des Royal est le seul pour l’heure à avoir rallié la cause ségoliste » « Ségolène

863
Gala 722, VSD 1548, VSD 1526, Paris-Match 3017
864
Paris-Match 3017,
865
Paris-Match 3017, VSD 1526, VSD 1548
866
VSD 1548, Gala 722
867
Paris-Match 3017, Gala 722.

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n’est retourné que deux fois à Chamagne, en 1981 et le 12 avril dernier » « Elle
868
fuit depuis 30 ans les réunions familiales »

VI.3.1.2. Le couple Ségolène Royal/François Hollande


La figure de l’indépendance, omniprésente dans les récits sur Ségolène Royal, participe à
la mise en scène du couple. Le cas du couple Hollande/Royal répond à une configuration
particulière. Si, pour les autres couples, seul le candidat tient une place dans le monde
civique, Ségolène Royal et François Hollande sont tous deux engagés politiquement.
« Situation inédite pour la République, la candidate à l’élection présidentielle est
la compagne du premier secrétaire de son propre parti ! Un cas de figure délicat,
869
qui commence à afficher ses limites. »
Il est le premier secrétaire du parti socialiste. Or, la conjonction de François Hollande à ce
statut institutionnel est Destinateur, dans les récits, pour un vouloir-faire et un pouvoir-
faire .
« François Hollande est à la manœuvre à la tête du PS, droit dans ses bottes
et bien décidé à défendre le projet socialiste tout en gérant la boutique.» « Le
premier secrétaire, qui se préparait depuis 2002, à être candidat à la présidence
870
de la République »
Cependant c’est Ségolène Royal, sa conjointe, qui est candidate à l’élection présidentielle.
La figure du couple est alors construite sur l’axe des subcontraires, comme n’étant ni
séparée, ni unie.
Une première manifestation de cet axe est produite par Paris-Match par la mise
871
en scène d’une « certaine idée du bonheur à la française » . Ici, c’est la non-union
officielle, c’est à dire le non-mariage entre François Hollande et Ségolène Royal, qui est
sous-entendue.
872
« Le couple n’est pas marié » « Sans la bague au doigt »
Une non-union que le narrateur justifie : « tout est allé très vite, pour eux, après l’ENA :
l’entrée en politique… les bébés… » en précisant alors que « deux enfants sur cinq
naissent hors mariage ».
La représentation de la non-union ne s’arrête pas au mariage mais se fixe sur
des parcours parallèles, opposant Ségolène Royal et François Hollande soit dans des
comparaisons, soit dans les rôles de sujet et anti-sujet.
« La comparaison est une opération d'identification partielle entre deux
objets. Deux objets de pensée sont comparés s'ils sont posés à la fois comme
873
identiques et différents. »

868
VSD 1526 (x2), Paris-Match 3017, VSD 1548, Gala 722.
869
Gala 711.
870
VSD 1535, Gala 711.
871
Paris-Match 3019.
872
Paris-Match 3019, Paris-Match 3014.
873
COHEN, J., « La comparaison poétique : essai de systématique », Langages, 12, 1968, p. 43.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Les comparaisons reposent, au préalable, sur l’identification du couple comme non-séparé


. Mais plus loin, la comparaison va permettre d’opposer les objets comparés, ici, les deux
personnes du couple, pour définir le couple à partir de l’état non-uni .
« Mais alors que son compagnon était une des stars de la promo, la
candidate a laissé des souvenirs plus contrastés à ses anciens camarades :
« insignifiante » (…) Lui rayonnait, elle pas du tout » « L’une a été ministre,
l’autre pas. L’un est un chaleureux et convivial, l’autre une austère qui se marre
874
moins » « Son côté nounours mal fagoté, elle qui est plutôt fashion-victime »
Pourtant, c’est la candidature de Ségolène Royal qui signe cette non-union, octroyant à
François Hollande le rôle d’anti-sujet dans les récits. Ségolène Royal est le sujet des
performances, elle est sujet de faire et d’état. La présence de verbes tels que « empêcher »,
« soustraire », « priver », « neutraliser », « voler », etc., souligne le faire de la candidate
et le rôle passif de son compagnon.
875
« Plus Ségolène s’envole, plus François s’enfonce. »
François Hollande est alors renvoyé, dans la structure narrative, à un rôle soumis au faire
876
et à l’être d’« une femme qui lui vole la vedette » . Ainsi, en se conjoignant au statut de
candidate à l’élection présidentielle, Ségolène Royal est conjointe à l’autorité. L’anti-sujet,
François Hollande, est alors disjoint, par répercussion, de cette autorité.
« Les uns et les autres doivent bien se mettre en tête que, désormais, c’est elle le
chef. » « Les propos du premier secrétaire neutralisés, Ségolène Royal a chargé
dans l’urgence Dominique Strauss-Kahn de travailler à une réforme de la fiscalité.
Une gifle pour Hollande » « Juste avant Noël, François décide dans son coin (…)
Mais le chef, ce n’est plus lui. Ségolène réplique vertement : « Il n’y aura pas de
fiscalité nouvelle qui décourage le travail et l’effort ». Et dans la foulée, ce qui ne
manque pas de sel, elle charge Dominique Strauss Kahn d’établir un diagnostic
sur ces questions. » « Elle reconnaît, par ailleurs, que « François aurait fait un
877
excellent candidat si les circonstances avaient été réunies ». »
La non-union relève alors d’un conflit d’intérêt soulevé par les narrateurs au sein du couple,
878
renvoyant François Hollande au statut de « conseiller comme les autres » au PS.
Mais, une dernière tension vient augmenter cette figure : celle des compétences de François
Hollande à être premier-monsieur.
« Ségolène Royal et Hilary Clinton élue, François Hollande et Bill Clinton
deviennent « premier homme » (…) Tandis que leurs femmes débattent de l’avenir
879
de la planète, que complotent les princes consorts ?»
Cette question, déjà abordée lors du chapitre précédent quant à l’être et au faire des
première-dames, soulève une incompétence de François Hollande à être premier-
monsieur . Son non-être-femme comme ses propres prétentions politiques le manifestent
874
Paris-Match 3015, Paris-Match 3014, Gala 711.
875
Gala 711.
876
Paris-Match 3015.
877
VSD 1535 (x2), Gala 711, Paris-Match 3019.
878
VSD 1535
879
Point de Vue 3059.

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dans un ne-pas-vouloir-faire et l’installent alors comme un opposant. Deux épreuves


se confrontent : celle de soutenir sa compagne en tant que conjoint, celle de soutenir la
candidate en tant que premier secrétaire.
« Peu probable en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, le premier
secrétaire du PS (52 ans) se transforme en « premier-monsieur » à l’Elysée. Il
a d’ailleurs annoncé qu’il n’y habiterait pas. » « La candidate socialiste et le
premier secrétaire du parti ont affichés certaines divergences. Sur le terrain,
les militants s’interrogent » « Une autre militante se demandait si François était
880
là. »
Ces deux épreuves se révèlent injustes parce que les personnes ne s’y sont pas toutes
engagées dans l’état approprié : François Hollande demeure habité par une autre grandeur
acquise. Il est habité par une grandeur du monde civique dans une épreuve du monde
domestique quant il ne supporte pas sa compagne. Il est habité par une grandeur
domestique dans une épreuve du monde civique quand il ne remplit pas sa fonction de
membre du parti socialiste en soutenant la candidate. Cette confusion des incarnations
produit une figure d’accusation désignée comme « préoccupation » par Boltanski et
Thévenot : « Les personnes sont accusées de se soucier des objets valables dans un
autre monde, au lieu d’être à ce qu’elles font dans le monde actuel. Encore occupées
par le souci d’autres grandeurs, elles ne sont pas dans l’état qui convient à l’épreuve
881
» .
Mais, plus encore, Gala montre que ce mélange est aussi néfaste à François Hollande
et le présente attristé, lésé et humilié par la situation qui l’oblige à être en retrait politiquement
par rapport à son épouse.
« Et si Ségolène installe ses valises à l’Elysée, qu’adviendra t-il de l’ambition du
numéro un du PS ? Un désir d’avenir avorté ? Il lui sera difficile d’accepter que
son horizon personnel soit obstrué par quelqu’un qu’il aime. (…) Ne resterait-il
pour lui qu’un rôle de première dame de France au masculin, façon pièces jaunes
882
de Bernadette Chirac. Pas suffisamment prestigieux et surtout très humiliant. »
Ainsi, cet agencement composite est sanctionné par les narrateurs par un sentiment
d’embarras et d’iniquité à la fois pour la candidate et pour son conjoint. Le faire de Ségolène
Royal prive son compagnon de sa virilité, conjoint son couple à des divergences et la prive,
par ailleurs, du soutien conjugal et de celui du premier secrétaire du PS, amplifiant sa
solitude dans l’épreuve mais aussi son statut de femme. La di-vision opérée entre les rôles
et la monstration des divergences entre les membres de ce couple tendent à confirmer le
statut de la femme selon la logique du monde domestique : une femme « censée » être
plus petite que l’homme.
Ainsi, dans l’analyse de ces deux collectifs, la famille biologique ascendante et le
couple, Ségolène Royal est présentée comme isolée. Pourtant, cette solitude se tempère
avec la figure de la mère de famille.

VI.3.1.3. La mère et le chef de famille

880
Paris-Match 3014, VSD 1535, Paris-Match 3024.
881
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991. op. cit. p. 272-273.
882
Gala 711.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Un dernier collectif issu du monde domestique participe à l’élaboration de l’identité


médiatique de Ségolène Royal : c’est la famille biologique descendante. Cette famille est
composée de ces enfants mais aussi de son conjoint, François Hollande. Notre analyse
a découvert jusqu’à présent la figure d’un couple fondée sur l’axe des subcontraires
déterminant François Hollande comme un opposant à Ségolène Royal. Cependant, celui-
ci, quand il est installé non plus dans le couple mais dans la famille biologique descendante,
devient un adjuvant, au nom de « la famille » ou du « clan ».
« Devant la foule en délire, (…) le clan Hollande est aux anges. Fête de famille
883
pour Thomas et son père François Hollande. »
Parallèlement, à l’instar de l’identité médiatique de François Bayrou, cette famille constitue
un point de ressource pour la candidate socialiste.
« Même si le portable sonne, si les messages lui arrivent, elle a oublié les bruits
de couloirs, les petites phrases assassines et le critiques : son programme n’est
pas clair, ses débats participatifs déstabilisent les poids lourds du parti… Sous
l’œil de la louve, elle n’en a cure. Seules ses filles comptent. » « Une parenthèse
pour prendre le temps de papoter avec ses filles » « Avant la grande course
présidentielle, la candidate socialiste s’octroie une escapade loin des lambris de
la République avec Clémence et Flora. « Ségolène Royal nous confie ses photos
884
préférées, celle qui lui rappelle sa famille quand la politique l’en éloigne »
L’isolement de Ségolène Royal se trouve donc nuancé par la présence du collectif de la
famille biologique descendante. Or, ce collectif la renvoie au statut de mère de famille ; une
figure profusément utilisée par la presse people, à la fois dans le monde domestique, mais
aussi comme métaphore pour le monde civique. Ici, nous nous restreignons à celle installée
dans le monde domestique. Ségolène Royal est mère de quatre enfants et cette référence
aux enfants, sujets typiques du monde domestique, et à la maternité, épreuve du monde
domestique, la renvoie à son corps de femme et la projette hors du monde civique, celui-ci
devenant même un opposant à sa maternité dans Paris-Match.
« A la naissance de Thomas, elle est âgée de 31 ans et est magistrate au tribunal
administratif de Paris. Huit ans plus tard, elle attend Flora quand elle se voit
proposer, par Pierre Bérégovoy, le ministère de l’environnement (…) Elevée dans
885
une famille de huit enfant, elle en a eu quatre, mais en aurait voulu davantage. »
Mais, réciproquement, la campagne présidentielle est un opposant à la sérénité de la famille
biologique de la candidate, même si cette nuisance est sanctionnée négativement par les
narrateurs des récits.
« Chaque jour, chaque heure, sont pour elle, des moments cruciaux dans sa
conquête de la magistrature suprême. Mais peu importe, toute candidate à la
présidence de la République qu’elle est, Ségolène Royal, ne renonce pas à son
rôle de mère (…) La maman de quatre enfants ne lâche pas sa petite famille »
« Je pense que mes enfants sont formidables, nous confie-t-elle, (…) il faut qu’ils
886
soient vraiment équilibrés pour rester sereins dans cette épreuve »
883
Paris-Match 3013.
884
Closer84 (x3), Paris-Match 3019.
885
Paris-Match 3019.
886
Closer 84, Paris-Match 3019.

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Si la famille en tant que collectif est un adjuvant pour la candidate dans la campagne
présidentielle, deux derniers éléments viennent nuancer l’union de ce collectif : le premier
repose sur la distinction entre les deux grands au sein de cette famille : le père et la mère.
« Mais qui gouverne réellement chez ces Clinton à la française ? » interroge Gala
887
. Dans la logique relationnelle du monde domestique, la mère est plus grande que les
enfants, mais le père est plus grand que la mère.
« Principe de cohésion de la famille, le père est, comme le patron, ou, autrefois,
le roi, celui qui élève les êtres par la dépendance dans laquelle il les tient et
qui ainsi les fait accéder à toute la grandeur à toute la grandeur qu’ils peuvent
888
atteindre selon le degré qu’ils occupent. »
Le déplacement de l’autorité sur la famille politique de François Hollande vers Ségolène
Royal rejoint un déplacement de l’autorité sur la famille biologique. Ségolène Royal est, à
la fois, le chef au PS et le chef de famille.
« Mon père s’occupe de la cuisine et des courses. Il adore aller au Carrefour
Porte d’Auteuil et au marché le dimanche. Quand j’étais ado, ma mère était plus
autoritaire que mon père… Lui cédait à nos caprices. Ma mère nous a inculqué
des valeurs fortes. » « Mais sur ce sujet comme sur bien d’autres, ce n’est pas
889
toujours lui qui décide »
Ici, on entrevoit que le supérieur, « toujours fait à l’image du père – dont l’état de
890
grandeur est le plus élevé parce qu’il est l’incarnation de la tradition » , est Ségolène
Royal, comme celle qui assure « la permanence et la continuité d’une tradition » et
891
« l’éducation » . François Hollande est donc démis, non seulement de ses fonctions de
chef au PS, que son statut de premier secrétaire lui octroie, mais aussi de son rôle de chef
de famille, que son genre implique. Ainsi, la soumission imposée aux femmes quant à leurs
892
statut et rôle dans la famille est celle de François Hollande. Ségolène Royal diminue la
supériorité de son conjoint en s’imposant comme supérieure à celui-ci dans le monde civique
et le monde domestique : elle le réduit au statut de dominé, statut qu’il ne devrait pas avoir en
tant qu’homme. Cette hiérarchie des grandeurs est confirmée par l’appréciation des petits du
monde domestique. Une citation de Thomas Hollande dans Gala 716 indique qu’il n’aurait
pas pris part à la campagne si son père avait été le candidat : « « Il est plus classique,
je n’aurais pas eu ma place dans cette campagne-là », explique t-il en octobre 2006.
». Dans Gala 711, on retrouve cette même appréciation hiérarchisée : « L’une arpente
les Deux-Sèvres, quand l’autre sillonne la Corrèze. Chacun sa vie, des journées de
quinze heures, des meetings, des réunions, des séjours à l’étranger. Et les quatre
enfants dans cette course contre la montre ? Ils sont à fond derrière maman. »
De plus, cet échange de grandeur est amplifié par un déplacement de la figure du
soutien. Nous l’avons démontré plus tôt, la première dame est investie du devoir de
supporter son conjoint. Le cas particulier du couple Hollande-Royal dévoile le premier-
monsieur comme nuisible. L’incarnation de ce rôle est alors déplacée vers son fils, Thomas
887
Gala 711.
888
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 211.
889
Public 185, Gala 711.
890
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 207-208.
891
Ibid. p. 216.
892
FREEDMAN, 1997, op. cit. p. 150.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Hollande, qui, de par son implication dans la campagne de sa mère, prend le rôle de
manipulateur actif et d’adjuvant. Notons, d’ailleurs, que, si plusieurs récits se consacrent à
Cécilia Sarkozy ou Elizabeth Bayrou, ce n’est pas le cas pour François Hollande. Thomas
Hollande est celui qui sert d’intermédiaire-médiatisant. Ce déplacement se retrouve dans les
récits, au travers de parcours parallèles entre Thomas Hollande et son père. Le premier est
largement mobilisé comme adjuvant, déplacé du monde domestique vers le monde civique.
Le second est, à l’inverse, confiné dans le monde civique et désigné comme le premier
secrétaire du parti, rarement comme un sujet de faire pour le soutien de la candidate.
« Accompagnée de son fils, Thomas, Ségolène arrive à Paris (…) Elle rejoint
François Hollande et ses compagnons du parti socialiste » « Ségolène
Royal, accompagnée de son fils, Thomas Hollande, fervent soutient de la
« ségosphère », a ponctué son circuit d’une visite à Chamagne, berceau de son
enfance. (…) Le parti socialiste par la voix de son premier secrétaire, François
Hollande, redoute un premier tour difficile. » « Avant le discours, les jeunes
soutiens de la candidate, emmenés par son fils Thomas Hollande, se chargent de
l’animation. A premier rang, le sérieux domine : Jack Lang, Laurent Fabius, Jean-
Pierre Chevènement, François Hollande, Christiane Taubira, Dominique Strauss-
893
Kahn et Martine Aubry. »
Dans cette logique, deux récits sont consacrés à Ségolène Royal, dans VSD 1535. Un
premier, intitulé « un couple dans la tempête », installe François Hollande comme
opposant. Le second, « Les gourous de Ségolène Royal » ignore son conjoint dans
l’énumération des conseillers proches de la candidate, mais accorde un encart à Thomas
Hollande.
Ainsi, seule la famille biologique descendante comme collectif et le personnage de
Thomas Hollande permettent de nuancer l’isolement de Ségolène Royal. Le parcours
thématique de l’indépendance et de l’isolement est construit dans un déplacement de la
grandeur de Ségolène Royal qui se défait de son état de petit, en tant que fille et en tant
que femme, pour accéder à la grandeur du monde domestique.

VI. 3. 2. Quand Marie-Ségolène est devenue Ségo, l’icône de la mode


894

La figure de la mère participe à nuancer l’isolement de Ségolène Royal. Cette figure la


renvoie à son genre et à son corps féminin. Au début de ce chapitre, nous envisagions
le genre comme critère de distinction entre les candidats. La manifestation du genre pour
Ségolène Royal s’avère essentielle. Elle s’institue dans le monde domestique au travers
du rôle de l’épouse et de la mère, elle se déplace, comme nous le verrons dans le monde
domestique, au travers des figures guerrières et sportives, et dans l’établissement des liens
au sein d’un parti mais aussi par rapport aux électeurs. Mais, cette manifestation est aussi
celle du monde de l’opinion, se fondant alors sur une association entre le corps-spectacle
et la féminité.

VI.3.2.1. La banalité et l’oubli comme déchéance du monde de l’opinion.

893
VSD 1548, VSD 1547, Paris-Match 3013.
894
Gala 714.

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La presse people repère une transformation du corps de Ségolène Royal. Il y eut le corps
de Marie-Ségolène et il y a le corps de « Ségo ». La transformation s’opère dans un
déplacement de l’utilisation du corps, dans un déplacement entre les grandeurs du monde
de l’opinion.
« Etre petit, dans la logique de l’opinion, c’est être banal (ne pas avoir été
débanalisé), (…) avoir une image floue, détériorée, estompée, perdue ; être oublié
895
caché, « rencontrer l’indifférence (…), en un mot disparaître ». »
La petitesse de Ségolène Royal est celle de Marie-Ségolène. Cette défaillance de grandeur
est repérable dans trois récits qui s’attardent sur le passé de Ségolène Royal, lors de son
896
séjour en Irlande et de ses études à l’ENA . Dans ce dernier, la petitesse est énoncée en
tant que telle dans le récit.
« Marie-Ségolène regarde. Discrète, en retrait » « Lui rayonnait, elle pas du tout »
« De Marie-Ségolène, on se souvient seulement… » « Le moins qu’on puisse
dire est qu’elle ne focalise pas alors l’attention. « Insignifiante » tranche lapidaire
897
un haut fonctionnaire de l’Education Nationale, Alain Perritaz »
Dans les récits sur son séjour en Irlande comme jeune fille au pair, la petitesse est
construite à partir des actants de communication : la famille irlandaise qui l’a accueillie et
l’hebdomadaire. Tous deux sont installés dans le récit par un vouloir-dire , mais cette
compétence virtualisante est empêchée par un manque de compétences actualisantes
marquée par un ne-pas-savoir-dire et donc un ne-pas-pouvoir-dire . De là, se construit
un récit élaboré sur un conditionnel et des négations.
« Aucun souvenir croustillant à rapporter » « La jeune fille n’a visiblement pas
abusé de la Guinness, la célèbre bière locale » « Elle a sûrement dû » « La jeune
Française a dû les accompagner. » « Aucun événement extravaguant à révéler »
Ségolène Royal était une jeune-fille « sage, élégante, attentionnée et d’humeur
898
égale » (…) Aucun détail croustillant »
Cette narration négative et conditionnelle se fonde sur un non-savoir dû à un non-souvenir.
« Il a fallu des semaines à Graziella, John et Peter pour faire le lien entre
Ségolène et la jeune-fille au pair de leur enfance» « Aucun des trois enfants
Roche ne se rappelle » « Finalement, les Roche ont conservé davantage de
souvenirs d’Armelle » « La plage est à 200m de là, mais personne n’a le souvenir
que Ségolène s’y soit baigné » « Mais la mémoire de la famille est indécise »
« Elle a dû voir mon frère, mais il se rappelle peu d’elle et refusera de vous
899
parler. Il y a là, peut-être, quelque-chose à creuser pour la presse du cœur »
Le non-savoir causé par un non-souvenir sous-tend un oubli et une indifférence, révélateurs
900
de la petitesse de Ségolène Royal, alors, dans le monde de l’opinion . Pourtant, c’est la
895
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 230.
896
Paris-Match 3011, Closer 91 et Paris-Match 3015.
897
Paris-Match 3015.
898
Closer 91 (x2), Paris-Match 3011 (x3)
899
Paris-Match 3011 (x6)
900
Cette petitesse est soulignée, en outre, par les descriptions du corps-spectacle : « Elle porte des jupes tristes et arbore des
grosses lunettes sévères» (Paris-Match 3024), « Elle portait des jupes plissées et des foulards » (Closer 91).

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

désormais grandeur de Ségolène Royal dans le monde de l’opinion qui justifie la mise en
scène de la petitesse, du banal et de l’indifférence de Marie-Ségolène alors.

VI.3.2.2. Le corps comme médiat


Cette désormais grandeur de la candidate relève, entre autres, d’une transformation du
corps-spectacle : « Mais pour que Marie-Ségolène, fille de militaire, devienne Ségo,
901
l’icône de mode, il a fallu bûcher » . Cette transformation s’opère par une préoccupation
du corps comme matériel de monstration ; une transformation repérée, en autres, par le
902
remodelage de son sourire et l’extension de son périmètre shopping .
« Le look, c'est le corps-spectacle ou, mieux, selon l'appréciation des new waves,
le corps-simulacre. C'est l'absolu de l'extériorité, le dehors du dehors, le défi
à l'intimité. En quoi, en pleine symbiose avec la civilisation des signifiants,
il proscrit d'un seul élan le sujet et le temps. Le look est une forme pure ne
résultant ni d'une volonté ni d'un sentiment, mais les inférant et les transformant
903
mécaniquement. »
Le changement de look de Ségolène Royal est un critère de grandeur dans le monde de
l’opinion pour le genre people : elle lui confère une légitimité à apparaître dans ce type de
presse.
« La beauté est une des sources de la starité. Le star-system ne se contente
pas de prospecter les beautés naturelles. Il a suscité et renouvelé un art du
maquillage, du costume, de l’allure, des manières, de la photographie, et
au besoin de la chirurgie, qui perfectionne, entretient ou même fabrique la
904
beauté. »
C’est d’ailleurs la seule parmi tous les candidats à apparaître dans une information
immortelle de la presse people au milieu des stars, l’affiliant à ce collectif. Or cet article
immortel se focalise sur le corps, et plus précisément sur les transformations du corps :
905
« Régimes, Chirurgie, relooking : 50 stars transformées » . Le corps de Ségolène
Royal permet son adhésion au collectif des stars. Les valeurs de la célébrité et du monde
906
de l’opinion sont faites corps . Gala n’hésite pas à rappeler qu’elle a été élue la sixième
907
femme la plus sexy du monde par le magazine FHM en juin 2006 .
Mais si son corps, comme médiat, l’institue comme personnage légitime dans le genre
people, il est, en outre, l’expression de sa féminité. Vêtements et autres accessoires
transforme le corps réel en corps idéal de mode : « le vêtement ne sert pas seulement à
908
se protéger, à s'embellir, mais aussi à échanger des informations » . Il la renvoie à
une apparence féminine, tout comme le sourire et son utilisation.
901
Gala 714
902
Gala 711.
903
ARON, J-P., « La tragédie de l'apparence à l'époque contemporaine », Communications, 46, 1987, p. 312.
904
MORIN,1984, op. cit. p. 54.
905
Closer 77.
906
BOURDIEU, P., Le Sens Pratique, Paris : Ed. de Minuit, 1980, p. 96.
907
Gala 714.
908
BAUDRILLARD, J., « Le système de la mode » (Entretien), France-Forum , 5 juin 1967, p. 65.

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« Tailleur rouge et poing serré » « Les premiers mètres, la démarche est un peu
raide mais sa robe est souple, blanche à liserés noirs » « Et elle, de son côté,
malgré ses hauts talons, ne voit rien de cette marée montante » « Ségolène
Royal a choisi une austère bichromie vestimentaire, un élégant noir et blanc »
« En tailleur Paule Ka, Ségolène rassemble les foules » « Ségo ose la veste en
cuir lors d’un débat participatif sur la jeunesse, à Grenoble » « Elle étrenne une
robe crème à surpiqures noires, avec un caraco gris à surpiqures blanches et des
909
escarpins noirs » « Ségolène Royal a préféré s’envoler pour le Chili et faire
une apparition ensoleillée et tout sourire sur les écrans » « La présidente de la
région Poitou-Charentes, qui distribue désormais des sourires à la Mona Lisa
avec prodigalité sous le zoom des caméras » « Déjà Nadine Morano enchaine les
plateaux télé pour clamer que Ségolène Royal s’est fait faire un sourire qu’elle
910
utilise en permanence »
Le sourire et le vêtement apparaissent ainsi comme des armes de séduction, mais d’une
séduction féminine, qui passe par le corps et la beauté, impliquant une mise en scène du
corps plutôt que d’autres objets dont ceux issus du monde civique. Dans le genre people,
une presse qui favorise les figures féminines et élégantes, le corps de Ségolène Royal
permet une sanction positive pour sa grandeur.
« Dans la course à l’Elysée, c’est elle la plus glamour ! » « La Royal reste
l’indétrônable souveraine en matière d’élégance. Et contre cela, les costumes
Ralph Lauren et les chemises Eden Park de Nicolas Sarkozy n’y pourront
rien » « Elle voulait soutenir une femme. Et comme Arlette Laguiller était trop
mal habillée… » « Ségolène Royal est plus charismatique que par le passé.
Elle donne l’image d’une femme qui réussit et qui s’entretient » « L’élue de la
911
mode »
L’apparence physique a une valeur performative en tant que signe de réussite et d’identité :
elle est à la fois masque et marque, permettant la reconnaissance mais aussi la projection et
l’identification des (é)lecteurs. Dans le numéro 714, Gala poursuit précisément ce contrat
de lecture en installant Ségolène Royal sur un piédestal, soulignant son élégance et son
attention à son apparence, mais, en même temps, le magazine liste les accessoires et
les vêtements, permettant à la lectrice de pouvoir imiter la star – ici Ségolène Royal – en
s’habillant de la même façon.
Le corps-spectacle incarne, par ailleurs, un faire séducteur. La séduction est au centre
du monde de l’opinion, elle permet d’atteindre l’état de grandeur. Mais, parce qu’elle renvoie,
ici, au corps et à l’apparat, elle n’est pas désignée comme un faire manipulateur. Se rendre
séduisante n’équivaut pas à séduire dans le genre people. La critique de la manipulation du
corps ne se retrouve qu’à deux reprises dans notre corpus, mais il est alors le dire d’acteurs
de narration issus du monde civique.
« Michèle Alliot-Marie lance une flèche contre cette candidate « qui change
d’idées aussi souvent que de jupe » » « Nadine Morano enchaine les plateaux

909
VSD 1538, Paris-Match 3024 (x2), VSD 1550, Gala 714 (x2), Paris-Match 3023.
910
VSD 1528, Gala 713, Paris-Match 3009.
911
Gala 714 (x2), Voici 1014, Closer 77, Closer 86.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

télé pour clamer que (…) ses argumentaires physiques et vestimentaires


912
cesseront bientôt de duper »
Aucune autre dénonciation n’est repérable. Ainsi, quand la séduction reste confinée dans
la logique du monde de l’opinion et émerge du corps-spectacle, elle est sanctionnée
positivement.
En résumé, dans la monstration de Ségolène Royal, apparaît un corps-spectacle qui
lui octroie une grandeur forte dans le monde de l’opinion et même un accès au collectif
des stars. Ségolène Royal est à la fois séparée des autres candidats mais unie aux
caractéristiques typiques du personnage people. Par là même, le corps, comme médiat de
l’identité et du genre, est un outil de distinction par rapport au collectif des hommes mais
un outil d’unification pour celui des femmes.

VI. 3. 3. La femme et la candidate dans le monde civique.


Le rapport au collectif apparaît essentiel dans l’élucidation de l’identité médiatique de
Ségolène Royal. Que ce collectif soit ses familles biologiques – ascendante ou descendante
–, son couple, le collectif des stars ou des femmes, la place de Ségolène Royal en leurs
seins détermine sa grandeur. Pourtant, les images de son indépendance et son isolement se
construisent par ailleurs, et surtout, dans ses relations avec le parti socialiste et les membres
de celui-ci.

VI.3.3.1. Ségolène Royal et le Parti Socialiste.

912
VSD 1550, Paris-Match 3009

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Médias, politique et vie privée

Dans la presse people faiblement médiatisante, lors des immortelles de campagne sur le
vote people, Ségolène Royal est amalgamée à son parti politique: elle y est désignée comme
913
« candidate de gauche » ou la « candidate PS » . Cette incarnation dans le monde
civique est renforcée, dans ces titres, par un effacement de la candidate comme objet du
soutien au profit du collectif qu’elle représente, justifiant de manière forte la mobilisation de
l’ancrage politique des peoples et de la candidate.
« L’important, c’est la rose… » « Le parti socialiste ne manque pas de
914
soutien »
Pourtant, cette confusion individu-collectif révélatrice des logiques du monde civique tend
à s’effacer dans les autres titres de notre corpus, devenant même une opposition, une
confrontation, entre le collectif et sa candidate et, donc, une tension entre monde civique
et monde domestique.
Deux figures cohabitent : la figure de l’indépendante et la figure de l’isolée. La première
est construite sur une performance : Ségolène Royal est à la fois sujet de faire et sujet d’état.
Elle participe à sa propre séparation des membres de son parti.
« Insoumise par principe. Détachée des éléphanteaux du parti, Ségolène Royal
tisse sa toile, à l’écart de la rue Solférino » « Elle y convoque quelques élus
au dernier moment et en écarte d’autres » « Ségolène répète qu’elle est une
« femme libre, otage d’aucun clan ». » « Dominique Strauss-Kahn, lui-même,
a eu le droit à très peu d’égard de la part de Ségolène Royal depuis le début
de la campagne» « Mais de même qu’elle fuit depuis trente ans les réunions
915
familiales, elle « évite comme la peste la famille socialiste ». »
La seconde figure s’organise majoritairement grâce à l’installation de sanctions des actions
de Ségolène Royal par les membres de son parti : les éléphants ont un rôle de Destinateurs-
judicateur produisant des évaluations d’assomption.
« Une sortie raillée par ses camarades » « Les éléphants du PS s’était donc
trompé. Pas de concours de beauté pour Ségolène Royal » « Les doutes
barris par nombre d’éléphants à propos d’une campagne participative jugée
laborieuse » « Il suffisait de voir le visage fermé de Laurent Fabius sur les
plateaux de télévision dimanche soir pour comprendre qu’il était loin d’être
« ségolénisé ». » « Pendant le discours, Jean-Pierre Chevènement reste de
916
marbre »
Cette séparation entre la candidate et le parti socialiste confirme alors l’impuissance de
François Hollande à être le chef du parti : le faire de celui-ci est sanctionné comme un échec.
« François Hollande tente de ménager les ténors du parti pour maintenir un
semblant d’harmonie » « La machisme ambiant laisse à penser que François
Hollande tire les ficelles et que Ségolène n’est qu’un gentille marionnette. Faux,
917
évidemment. »
913
Ici-Paris 3221, Public 196
914
Public 196, Ici-Paris 3221
915
VSD 1535 (x2), Paris-Match 3023 (x2), Gala 722,
916
VSD 1528, VSD 1538, Paris-Match 3023, VSD 1550, Paris-Match 3013.
917
VSD 1535, Gala 711.

258

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Deux types de sanctions des narrateurs permettent de renforcer la séparation de la


candidate d’avec son parti. La première consiste à nier les performances de ré-union en les
caractérisant comme temporaires ou par une impossibilité.
« La famille est donc à nouveau réunie. (…) Ils sont venus, ils sont tous là (…)
L’euphorie du moment passée (…) la mamma sera seule à nouveau. » « Ségolène
Royal a proclamé un cessez-le-feu dans la guerre des roses. (…) Elle avait
918
décroché son téléphone pour inviter Lionel Jospin. Trop tard sans doute »
La seconde déploie la ré-union sur le mode du paraître et donc conteste la vérité du
rassemblement.
« En apparence, la photo est respectée : les ténors du PS sont au premier rang. »
919
« Ségolène joue l’union sacrée »
Finalement, quelle que soit la manifestation de la séparation, au travers de la figure de
l’indépendante ou de celle de l’isolée et qu’elle soit le pendant d’une impossibilité de l’union
ou d’un mensonge, l’identité médiatique de Ségolène Royal est construite sur sa disjonction
d’avec le collectif qu’elle représente.

VI.3.3.2. La femme politique.


Mais cette séparation n’est pas totale. Certains récits mettent en scène les éléphants comme
des adjuvants pour la campagne présidentielle de la candidate, au travers du parcours
figuratif de la guerre et du combat.
« Elle qui laissait à François Hollande le soin de décocher des flèches à ses
920
adversaires »
Ainsi, dans le numéro 1542 de VSD , un récit intitulé « la guerre des trois » décline la figure
de la guerre et du combat, mais Ségolène Royal n’y figure jamais comme sujet de faire, pour
cela : « elle invoque tous les saints socialistes ». Les combattants du parti socialiste,
sujets de faire dans le récit, sont Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn.
« Le vote utile prôné dès le départ comme l’arme absolue est battu en brèche
par l’émergence du troisième homme. (…) DSK et Fabius se sont partagé les
rôles. L’un pour rompre le charme exercé par Bayrou sur les sociaux-démocrates.
921
L’autre pour réhabiliter le clivage droite-gauche »
Ici, nous retrouvons notre propos sur la figure de la guerre, telle qu’elle fut analysé pour
VSD . Ségolène Royal est installée, pour ce qui est de la performance guerrière, dans
une posture défensive, dont la résistance est morale et qui la renvoie à sa féminité et sa
maternité. Nous comprenons, alors, que, si la figure du combat et de la guerre, pour signifier
la campagne électorale, est déplacée dans le monde civique, la figure de la combattante
922
de Ségolène Royal est déplacée vers le monde domestique . L’inadéquation entre les
mondes se retrouve dans l’union de la candidate et du parti socialiste. Ségolène Royal
accède à une posture d’attaquante, à l’aide d’adjuvants masculins. Les hommes de son
entourage politique combattent à sa place et pour elle. Ainsi, la seule manifestation de
918
VSD 1540, VSD 1538
919
Paris-Match 3013, Gala 711.
920
Paris-Match 3020
921
VSD 1542.
922
Voir Chap. V-3-4-2.

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l’union de parti socialiste autour de la candidate renvoie Ségolène Royal à son statut de
femme dotée alors d’une résistance morale plutôt que physique. Or la résistance physique
est construite par une autre métaphore : celle, sportive, largement mobilisée pour Nicolas
Sarkozy et François Bayrou. La seule mise en scène de la figure sportive pour Ségolène
Royal la renvoie, une fois encore expressément, à sa féminité.
« Pour garder la taille fine et maintenir sa forme, Ségolène Royal s’est mise
au power-plate, une machine dernier cri (…) dans un très chic « Spa urbain »
situé à deux pas des Champs-Élysées avec des murs en ardoise, des salons de
923
massages et une piscine qui change de couleur. »
Sa condition de femme est ce qui la réunit avec son parti mais qui l’en distingue. Sa féminité
renvoie, par ailleurs, à sa maternité et permet la conjonction de Ségolène Royal à l’ensemble
des Français, aux électeurs.
« Une madone qui se veut mère de tous les Français, qui souffrent, qui doutent,
qui désespèrent » « Parce que c’est une femme et qu’elle pourrait gouverner
en mère » « Quand elle lance : « Je veux réaliser pour chaque enfant né ici
ce que j’ai voulu pour mes propres enfants », ses poings se serrent, sa voix
s’étranglent, les larmes ne sont pas loin. Le public chavire et applaudit à tout
rompre » « Elle est mère courage, le chef du troupeau (…) elle vient d’enfanter un
924
pacte présidentiel »
La figure de la mère, déplacée du monde domestique vers le monde civique, signe
le rassemblement. Cette figure installe Ségolène Royal dans des rapports apaisés,
bienveillants, qui contredisent les autres caractéristiques de son identité.

923
Paris-Match 3020.
924
VSD 1540, Closer 77, Paris-Match 3013, VSD 1538

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

[Figure 48 : Les attributs psychologiques de


Ségolène Royal, dans les immortelles de campagne]
De la mère à l’individualiste, l’identité médiatique de Ségolène Royal se construit dans
le paradoxe d’une double identité, impliquant une sensibilité et un dévouement mais aussi
indépendance, autorité et ambitions, repérables dans la liste d’attributs psychologiques
produite par les immortelles de campagne. Cette double identité est, pour Ségolène Royal,
le fruit d’un paradoxe au sein d’une seule et même identité médiatique.
Du côté de Nicolas Sarkozy, comme nous nous apprêtons à l’analyser, l’identité
médiatique est double, non pas comme le résultat d’un paradoxe, mais plutôt comme celui
de la cohabitation de deux postures éditoriales divergentes, qui empêchent de considérer
son identité médiatique comme cohérente dans le genre people.

VI. 4. Les identités médiatiques de Nicolas Sarkozy


L’identité médiatique est le résultat de l’ensemble des modes d’existence et des existences
narratives d’un même sujet au travers d’une multitude d’énoncés. L’identité médiatique se
construit moins dans la discontinuité que dans la consistance de la multitude. La dernière
identité médiatique analysée, celle de Nicolas Sarkozy, se construit dans une mise en scène
du candidat et de son entourage. Les récits déploient son identité à partir des relations
qu’il entretient avec ceux qui l’entourent. Idéellement, il y a trois types d’entourages :
les membres de sa famille et les amis sont issus du monde domestique, les peoples et
le public, comme une foule d’admirateurs, appartiennent au monde de l’opinion et les
acteurs politiques, électeurs, collaborateurs et membres de son parti sont issus du monde

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civique. Et pourtant, si le couple Hollande-Royal relève d’un agencement particulier dans


lesquels les êtres sont attachés, à la fois, aux mondes domestique et civique, l’entourage
de Nicolas Sarkozy complexifie, une fois encore, le mouvement. Ses amis sont des peoples
ou des membres de son parti. Ces derniers peuvent être par ailleurs installés dans le
monde de l’opinion comme des admirateurs ou des fans. De plus, le personnage de Cécilia
Sarkozy, défini au croisement des mondes, amplifie la confusion. Or, dans cet agencement
composite, les narrateurs participent à la construction d’identités parfois contradictoires,
obligeant à considérer la discontinuité dans la consistance. A l’inverse de ce qui se produit
pour ses adversaires, il n’émerge pas de cohérence entre les titres peoples dans la
construction identitaire de Nicolas Sarkozy. Au regard des mondes dans lesquels sont
déplacés les êtres qui peuplent son entourage, nous décelons deux types de mise en scène :
un premier s’attarde à démontrer « la monstruosité de l’agencement composite » ; le second
prévient les différends en installant les objets et les sujets dans une situation qui tient malgré
le déplacement dans d’autres mondes. Cette deuxième posture, principalement représentée
par Paris-Match, fait apparaître des traits psychologiques ou des actions absentes dans les
autres titres, tout en effaçant certains traits révélateurs de l’identité médiatique de Nicolas
Sarkozy pour les autres hebdomadaires.

VI. 4. 1. Les transports de grandeur ou de misère.


Deux parcours construisent les bases identitaires sur lesquelles s’affrontent deux postures
éditoriales et deux identités médiatiques du candidat de l’UMP. Ces deux parcours sont
spécifiquement rattachés à Nicolas Sarkozy, le premier relève de la figure sportive, déclinant
le personnage dans ses pratiques sportives mais aussi dans une compétence civique de
pouvoir-faire , tandis que le second est pris dans les récits sur le passé, permettant de
produire une certaine identité du candidat mais aussi un contrat de lecture de sa mise en
discours.

VI.4.1.1. Le sportif
« Depuis son plus jeune âge, Nicolas Sarkozy fait du sport. Coureur de fond
infatigable, cycliste passionné, le nouveau président est également ceinture
marron de judo et fin cavalier. « Le sport c’est ma vie » confiait-il, à la veille
du premier tour de l’élection, aux sportifs français, invités au QG parisien de
925
l’UMP. »
La « nature sportive » du candidat est profusément décrite dans notre corpus de presse
people. Elle est une pratique, révélatrice de son identité médiatique, mais elle est aussi une
compétence de pouvoir-faire du candidat. Dans le précédent chapitre, l’analyse de VSD
comme porte-parole a dévoilé deux parcours figuratifs pour la campagne présidentielle :
la guerre et de sport. Ces parcours figuratifs nécessitent alors un pouvoir-faire fondé sur
l’endurance, la résistance et l’attaque. Or la pratique sportive de Nicolas Sarkozy permet
aux narrateurs de lui attribuer cette compétence. La pratique sportive construit l’image
de la discipline et développe les qualités physiques et morales du sportif. La discipline
renseigne sur l’action et son Destinateur. Elle est une performance qui se déploie comme
un investissement, lieu du sacrifice et de la détermination.

925
Paris-Match 3025.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

« Pour le candidat UMP, la politique est un sport de haut-niveau. C’est pour cette
926
raison qu’il se plie aux mêmes contraintes que les grands sportifs »
La figure sportive offre, en outre, une vision saine de la compétition : « s’engager dans
une compétition sportive revient à se mesurer à autrui en suivant un règlement pour
927
se voir attribuer une place » . Le sport renvoie à un façonnage, par l’exercice physique,
d’un corps qui laisse transparaître la valeur morale.
« Le sport qu’il pratique sans relâche l’aide à avoir une approche musclée des
928
problèmes »
Mais, l’exercice physique est aussi l’épreuve de la force et de l’endurance.
« Jogging, tennis, foot… Il n’a jamais manqué de souffle ni d’endurance » « Et
le soir, en sortir de meeting et de bain de foule, le candidat UMP aime… courir »
« Le rythme de la campagne ne laisse pas de trace sur cet amateur de course à
929
pied. Il prévoit deux à trois meetings par semaine »
La pratique sportive pose le lien entre le corps et l’esprit, entre la moralité et les attributs
physiques : elle permet le pouvoir-faire dans la campagne présidentielle tout en débrayant
un certains nombres d’attributs psychologiques à Nicolas Sarkozy, façonnant alors sa
détermination et sa ténacité à vouloir-être président de la République. Ainsi, ce qui pourrait
rester dans le monde domestique – les footings, ne pas boire d’alcool, etc. – est déplacé,
par les narrateurs, dans le monde civique.
Le parcours figuratif du sport au travers de la métaphore de la campagne comme
un marathon, un sprint ou une compétition, construit un dispositif énonciatif qui déplace
les grandeurs de la force, de l’endurance et de la détermination. Si le transport de cette
grandeur semble aller-de-soi pour les narrateurs, il dévoile une situation d’iniquité entre
les candidats en fonction de leur sportivité ou de leur genre. Dans l’identité médiatique de
Ségolène Royal, la figure sportive n’est plus l’occasion d’un transport de grandeur, mais
930
consiste en un transport de misère qui la renvoie à son statut de sexe faible, lui octroyant
une incompétence dans la campagne présidentielle. Mais, ce parcours n’est jamais réfléchi :
son déplacement n’est alors pas l’objet de dénonciation ou de compromis. Dans la même
logique, ce parcours constitue une des forces manifestes de Nicolas Sarkozy, dans la presse
people.

VI.4.1.2. Les souffrances de l’enfance


L’existence de Nicolas Sarkozy commence, dans notre corpus, lors du divorce de ses
parents. La disjonction de celui-ci et de son père le conjoint à la souffrance et la solitude.
Mais, à la différence de François Bayrou et de Jean-Marie Le Pen, l’absence du père
de Nicolas Sarkozy est le résultat d’une performance dont le père, Pal Sarkozy, est non
seulement sujet de faire mais aussi Destinateur. Cette configuration étoffe la misère de
Nicolas Sarkozy, en y ajoutant la valeur de l’humiliation.

926
Paris-Match 3020
927
DURET, P. & TRABAL, P., Le sport et ses affaires , Paris, Métailié, 2001, p. 13.
928
Paris-Match 3025
929
Paris-Match 3025, Paris-Match 3020, VSD 1547.
930
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 271.

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« Pal Sarkozy, flamboyeur et dilettante, abandonnant femme et enfants, disparaît


un beau jour pour aller vivre sa vie » « A l’école, les enfants Sarkozy sont les
seuls enfants de divorcés » « Il souffre de grandir sans son père » « On a du mal
à l’imaginer en petit garçon mélancolique et délaissé qui souffre du divorce de
931
ses parents et de l’incompréhension des autres »
Sur l’axe syntagmatique de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy, la disjonction entre
Nicolas Sarkozy et Pal Sarkozy consiste en un programme narratif d’usage pour la
conjonction de Nicolas Sarkozy et de son grand-père, Benedict Mallah (cf. identités n°1, 8
et 21 sur la figure n° 50).
« Nicolas trouve l’autorité paternelle dont il a besoin chez Benedict Mallah, son
grand-père maternel, gaulliste convaincu » « C’est la seule figure masculine de
la famille. Le Dr Mallah parlait très peu mais savait se faire entendre de ses petits-
fils, les mettre au pas et leur inculquer de bons principes. Le jeudi, souvent, il
s’occupait de Nicolas et l’emmenait en promenade » « Il (…) évoque ses jeudis
932
après-midi passé à flâner avec son papi »
La présence de son grand-père est, alors, Destinateur-manipulateur pour ses convictions
et son entrée en politique.
« C’est là qu’il commencera à forger ses convictions, empreintes du gaullisme de
933
son grand-père »
Mais ce qui pourrait relever d’un point de rupture entre Nicolas Sarkozy et la solitude n’est
pas signifié comme tel dans les récits. Sa conjonction avec la souffrance, la solitude et
l’humiliation se maintient dans l’axe syntagmatique.
« Cette carence paternelle laisse chez Nicolas des cicatrices » « Nicolas Sarkozy,
à l’inverse, « est entré dans la famille gaulliste qu’il n’a jamais quittée ». Un clan
dans lequel, il n’aura de cesse de chercher la figure paternelle d’Achille Peretti à
934
Edouard Balladur en passant par Charles Pasqua et enfin, Jacques Chirac. »
Apparait alors le mouvement, désigné par Boltanski et Thévenot, comme un « transport
de misère ». Ce mouvement est une cause de discorde entre les mondes ; il se définit
comme la misère d’une personne dans un monde – ici, la souffrance et la solitude du monde
domestique – qui suit cette personne dans les autres mondes. Elle est un handicap qui
935
se déplace avec la personne dans les mondes qu’elle traverse . Or cette misère que les
narrateurs attribuent à l’absence du père se transforme en une dépendance et un besoin
d’être aimé et d’être entouré, valable autant dans le monde domestique, de l’opinion que
civique.
« Cet homme résolu et apparemment sûr de lui dépend au fond beaucoup trop du
soutien de ses intimes, sans lequel son moral risque de sombrer » « « Nicolas
Sarkozy n’est pas un solitaire, conclut-elle, il a besoin d’être entouré rassuré,

931
Gala 722, Paris-Match 3017, VSD 1548, Paris-Match 3008.
932
VSD 1548, Paris-Match 3008, Voici 1008.
933
VSD 1548
934
Paris-Match 3008, Gala 722
935
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 271.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

apprécié » » « Sa fragilité réside dans son affect. Il est un tendre qui a besoin
936
d’être aimé et de se ressourcer dans son îlot affectif : sa famille »
Ce transport de misère est ce qui structure l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy. Il est,
à la fois, un trait identitaire fondateur mais constitue en outre une base pour le contrat de
lecture proposé par les narrateurs des récits sur Nicolas Sarkozy. Il permet de le définir dans
sa relation avec ses proches. Comme pour les autres candidats, le soutien est un adjuvant
pour la campagne présidentielle mais fédère aussi son identité en le décrivant toujours au
prisme de ses relations.
Ces deux variables – le passé et la figure sportive – sont spécifiquement rattachées
à Nicolas Sarkozy. Pourtant, la construction de son identité médiatique focalisée sur son
entourage déplace les fondements de celle-ci vers ses proches. L’identité médiatique de
Nicolas Sarkozy est donc le résultat de certains traits particuliers spécifiques au candidat et
de l’ensemble des identités médiatiques des proches de celui-ci. Il nous faut, ainsi, quitter
un temps notre analyse spécifique de Nicolas Sarkozy pour envisager son épouse, afin de
saisir comment l’identité médiatique de cette dernière ordonne celle du candidat de l’UMP.

VI. 4. 2. Le personnage de Cécilia Sarkozy


A l’inverse de François Hollande et à l’instar d’Elizabeth Bayrou, Cécilia Sarkozy est jugée
suffisamment digne d’intérêt par le genre people pour détenir le rôle principal de certains
récits et constituer un intermédiaire-médiatisant pour la visibilité de Nicolas Sarkozy. Dans le
creux de ces récits et dans les rôles attribués à l’épouse du candidat se révèle une distinction
entre les titres de presse.

VSD 1527 (29/11/06) « Jeux de mains à l’Elysée. » Gala 703 (29/11/06) « Nuit Glamour à
l’Elysée » VSD 1533 (10/01/07) « Nicolas Sarkozy : je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi c’est
d’être élu » Paris-Match 3008 (11/01/07) « Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » VSD 1534
(17/01/07) « Le grand retour de Cécilia Sarkozy » Paris-Match 3009 (18/01/07) « Sarkozy :
C’est Parti » Gala 713 (07/02/07) « Cécilia et Nicolas Sarkozy - leur pacte intime : cinq clés
pour comprendre leur couple » Paris-Match 3014 (22/02/07) « Quel couple à l’Elysée ? »
VSD 1544 (28/03/07) « Cécilia Sarkozy/Babette Bayrou : Duel de premières dames »
Paris-Match 3020 (05/04/07) « Sarkozy, l’homme derrière le candidat. A J-17, il reçoit Paris-
Match pour parler de son livre-programme. Et de sa vraie personnalité » Paris-Match 3021
(12/04/07) « Revoilà Cécilia » Paris-Match 3023 (25/04/07) « Sarkozy : L’émotion » Paris-
Match 3024 (03/05/07) « Sarkozy allume le feu à Bercy » & « Tout a commencé comme ça »
Gala 726 (07/05/07) « Nicolas Sarkozy Président » VSD 1550 (09/05/07) « Le jour de sa
vie » Paris-Match 3025 (09/05/07) « Nicolas Sarkozy : l’heure de la victoire »

Cécilia Sarkozy apparaît dans dix-sept récits de notre corpus, ce qui est plus que tous
les petits candidats et presqu’autant que Jean-Marie Le Pen. Par ailleurs, la liste de ces
récits montre qu’elle n’apparaît que dans les trois titres du mode mimétique haut, les trois
937
titres les plus médiatisants : Gala , VSD et Paris-Match .

VI.4.2.1. Cécilia Sarkozy, la femme et l’épouse

936
Paris-Match 3007, Gala 725, Paris-Match 3008
937
Alors que François Hollande était mis en scène dans ces trois titres mais aussi dans Point de Vue , Closer et Public .

265

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Deux premiers éléments de l’identité médiatique de Cécilia Sarkozy sont pertinents dans le
cadre de notre étude : son être-femme et son être-épouse . Le premier reprend notre
propos sur Ségolène Royal : son être-femme se révèle au travers de la mise en scène du
corps-spectacle. Si le corps-spectacle de Ségolène Royal lui permet d’atteindre la grandeur
dans le monde de l’opinion et, plus précisément, le statut de star dans le genre people, c’est
aussi le cas pour Cécilia Sarkozy. Cela est repérable, dans le numéro 3021 de Paris-Match,
où celle-ci est mise en scène lors d’un dîner pour les ambassadeurs de l’Unesco, aux côtés
de Carole Bouquet, les Gypsie King, François Pinault ou la Reine Rania de Jordanie.

Figure 49 : Extraits de Paris-Match 3021 sur la mise en scène de Cécilia Sarkozy


Le récit, publié à droite de la rubrique « La vie parisienne » sur des célébrités lors de
soirées ou de gala, s’attarde alors longuement sur les invités et la tenue de Cécilia Sarkozy.
« Vêtue d’un robe fourreau fuchsia » « Cécilia est apparue, amincie, très en
938
beauté »
Mais, le corps-spectacle de Cécilia Sarkozy est, par ailleurs, destinateur pour la campagne
939
présidentielle de son époux. Il octroie un pouvoir-faire à Nicolas Sarkozy. Dans Gala
940
et VSD , la « robe Prada bleu nuit » de Cécilia Sarkozy « a fait forte impression
941 942
» et faisait « très première dame » ; elle est « plus first-lady que future
943
première-dame, époustouflante dans sa robe Prada bleu nuit » . Dans la description
et la mobilisation du corps-spectacle de Cécilia Sarkozy, comme de Ségolène Royal, la
célébration de l’élégance, découverte dans l’analyse de Gala au chapitre précédent, indique
un penchant du genre people à glorifier le corps-spectacle et le corps féminin. L’observation
938
Paris-Match 3021.
939
Gala 703 et 713
940
VSD 1527
941
VSD 1527
942
Gala 703
943
Gala 713.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

de l’intérêt accordé à ce corps, ajoutée à la forte visibilité de Cécilia Sarkozy dans la


presse people découvre une hypothèse que nous nous contenterons d’évoquer ici mais que
nous réinvestirons dans le chapitre suivant, à partir de nos analyses quantitatives sur la
médiatisation des politiques dans la presse people après la campagne :
En adéquation avec son lectorat féminin, la femme incarnerait le personnage
typique de la presse people.
La féminité de Cécilia Sarkozy est, ici, ce qui permet la visibilité de celle-ci mais aussi de
son époux ; elle agit pour celui-ci et remplit le rôle de destinateur. Pourtant, sa féminité est
aussi un adjuvant pour Nicolas Sarkozy : elle est un point commun entre Cécilia Sarkozy et
Ségolène Royal. La figure de la femme distingue les hommes des femmes mais réunit les
femmes entre elles. La féminité de l’épouse du candidat de l’UMP et celle de la candidate PS
permet leur réunion. Ainsi, le statut de femme de Cécilia Sarkozy est un point de passage
entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal et donc un adjuvant pour Nicolas Sarkozy, pour
atteindre son adversaire féminine. Cécilia Sarkozy est manifestée, dans ce sens, comme
« l’atout charme face à Ségolène Royal », « l’atout féminin pour humaniser et lisser
944
son image face à son adversaire Ségolène Royal » , elle « le conseille sur la manière
d’aborder son adversaire Ségolène Royal », elle « prépare aussi son époux à la
945
confrontation avec une femme » .
Mais Cécilia Sarkozy n’est pas simplement une femme, elle est la femme du candidat
de l’UMP et s’insère dans un couple. Le couple fut médiatisé en 2005 et 2006 suite à
des problèmes conjugaux occasionnant deux ruptures et deux réconciliations. Ce passé
conjugal, mis en scène dans notre corpus, organise la construction de l’identité médiatique
du couple sur l’axe sémantique de l’absence et de la présence. Ce parcours thématique est
omniprésent dans les récits qui traitent de Cécilia Sarkozy, une présence ou une absence
interrogée dans les trois mondes de notre étude.
Dans un premier temps, les narrateurs manifestent son absence ou sa présence dans le
monde domestique en questionnant l’être du couple. La figure de l’épouse se déploie dans
le monde domestique, renvoyant Cécilia Sarkozy au rôle de première-dame et de soutien,
un soutien plus fortement mobilisé pour le candidat de l’UMP, en cohérence avec l’image de
sa dépendance par rapport à ses proches et son besoin d’être entouré. Dans cette logique,
le couple est manifesté dans la proximité.
« Cécilia n’est jamais loin » « Cécilia ne le quitte pas des yeux » « Nicolas
Sarkozy n’a d’yeux que pour son épouse » « Au milieu de la nuit, il ne voit plus
que Cécilia » « Leur duo est plus fusionnel que jamais (…) monsieur passe la
946
tête plusieurs fois par jour pour lui dire qu’il l’aime »
Cette proximité incarne, par ailleurs, le résultat de la transformation que représente la
réconciliation entre les deux époux. Ils sont désormais conjoints l’un avec l’autre.
« Le président de l’UMP consacre désormais plus de temps et d’attention à sa
947
famille »
Pourtant, cette présence n’est pas totale : une non-présence est décrite dans le monde de
l’opinion, à partir de la non-exposition médiatique de Cécilia Sarkozy. La mise en scène de
944
VSD 1534 (x2)
945
VSD 1533 (x2)
946
Paris-Match 3020, Paris-Match 3009, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025, Gala 713.
947
Gala 713.

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sa non-exposition est commune à tous les titres ; mais les hebdomadaires se distinguent
à partir de l’identification du Destinateur.

VI.4.2.2. Cécilia Sarkozy, une première-dame adjuvante.


La première-dame est investie du devoir de supporter son conjoint. Ce devoir est un
investissement fondé sur la logique du monde domestique et, donc, sur la serviabilité et
948
« le rejet de tout égoïsme » établissant un rapport de grandeur entre le candidat et
949
la première-dame autour de la subordination et de l’honneur . La première-dame, qui ne
doit son statut qu’à son conjoint, figure comme plus petite que le candidat auquel elle
se dévoue. Cécilia Sarkozy, en tant qu’épouse d’un présidentiable et potentielle première-
dame, est investie d’un devoir-faire dans les mondes domestique et de l’opinion pour un
programme narratif visé dans le monde civique où son époux est sujet de faire : remporter
les élections. La première-dame est donc un adjuvant pour la réussite de la campagne. Ce
rôle de première-dame se retrouve particulièrement dans Paris-Match.
« La réussite de ce show énorme, c’est en grande partie grâce à elle, Cécilia. »
ème
« Il découvre amusé que, dans son bureau au 3 étage, Cécilia lui a
fait installer une lampe Kartelli identique à celle qui apparaissait dans la
vidéo internet des vœux de Ségolène Royal aux Français » « Cécilia a veillé
personnellement à la décoration du bureau de Nicolas » « Avec discrétion, elle a
veillé sur la campagne, depuis un bureau voisin du sien » « « Lui, il est ministre
de l’intérieur, elle, elle s’occupe de l’intérieur du ministère » commente leur ami
950
Didier Barbelivien »
Le faire de Cécilia Sarkozy la renvoie à des rôles spécifiquement féminins : décoratrice,
hôtesse, etc. Ce sont des programmes narratifs sanctionnés positivement par le narrateur
pour le programme narratif visé du monde civique. Elle « joue son rôle d’épouse et de
collaboratrice », « dans l’ombre », elle est « le premier soutien », elle rend « son
951
époux plus proche, plus sympathique, plus humain » : elle est une potentielle
952
première dame qui accomplit son rôle. Sa « presque invisibilité » dans le monde de
l’opinion est défendue par cet hebdomadaire : son absence est une réserve, c'est-à-dire
une non-présence médiatique mais une présence domestique.
« Elle accompagne rarement son mari dans ses déplacements. Elle ne s’assied
plus jamais au premier rang, et plus jamais, elle ne monte sur l’estrade. Elle a
décidé de se tenir un peu en retrait (…) Mais que l’on ne s’y trompe pas : elle
est le premier soutien de Nicolas Sarkozy » « Nicolas Sarkozy lui a fait signe
de monter sur scène, mais elle a préféré rester dans le public. Discrète. » « 20
heures, les chiffres sont tombés. Rue d’Enghien : Cécilia, radieuse, revient en
pleine lumière » « Elle n’est sortie de sa réserve qu’à la tombée de la nuit…
(…) Mais bientôt les Français vont la découvrir dans la voiture qui file vers la

948
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 214.
949
Ibid. p. 215.
950
Paris-Match 3009 (x2), Paris-Match 3014, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025
951
Paris-Match 3014
952
Paris-Match 3021

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

place de la Concorde (…) les Sarkozy préfère continuer la soirée au Fouquet’s en


953
amoureux »
L’observation de l’ensemble des énoncés de notre corpus indique que l’absence de Cécilia
Sarkozy sur le devant de la scène est soumise à des critiques. Paris-Match, bien qu’il
ne l’énonce pas, prévient les différends en justifiant l’absence de Cécilia Sarkozy et en
installant un Destinateur – la réserve – de cette absence, pris dans les logiques du monde
domestique. Cet hebdomadaire établit un dispositif qui permet les déplacements tout en
confinant le programme narratif d’usage au cœur du monde domestique, devançant les
954
critiques depuis d’autres mondes , telles qu’elles apparaissent dans VSD et Gala.

VI.4.2.3. Cécilia Sarkozy, le Destinateur-manipulateur.


Pour Gala et VSD, le rôle de Cécilia Sarkozy ne revêt pas la forme du simple soutien.
Dans ces récits, elle est désignée comme un Destinateur-manipulateur dont les actions et
les objets manipulés sont issus du monde civique. Il y a, dans ces magazines, un double
déplacement de l’identité médiatique de Cécilia Sarkozy. Le changement de son rôle et
de l’espace de signification de ses actions relève d’une transformation de son identité
médiatique.
Gala et VSD s’entendent avec Paris-Match sur la discrétion de Cécilia Sarkozy, mais
celle-ci n’est plus le fait d’une réserve mais dissimule une omniprésence influente.
« Discrète en public, elle a retrouvé tout l’amplitude de son rôle en coulisse »
« En coulisses, elle est omniprésente » « Discrète mais omniprésente » « Elle
955
passe dans l’ombre » « En filigrane de tout, elle n’est officielle de rien »
Dans Paris-Match, l’épouse du candidat est cantonnée à des rôles restreints de la femme
et de l’épouse, tandis que, dans les deux autres hebdomadaires, elle est à l’origine de
956
performances dans le monde civique, elle est le « chef d’orchestre » .
« Elle est très présente, intervient dans le choix de son entourage » « Cécilia est
omniprésente, quitte à faire le ménage dans son entourage » « Elle a aussi son
mot à dire sur l’entourage professionnel de son mari » « L’épouse du prétendant
a son mot à dire sur les grandes orientations politiques de sa campagne et sur
certains meetings » « Elle aurait ainsi un mot à dire sur les participants aux
957
réunions »
Elle est le Destinateur-manipulateur à l’origine de la conjonction de Nicolas Sarkozy avec
958 959 960 961
François de La Brosse , José Frèches , David Martinon , Rachida Dati et de son

953
Paris-Match 3014, Paris-Match 3009, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025.
954
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 281-284.
955
VSD 1534, Gala 713 (x2), VSD 1544 (x2)
956
Gala 713.
957
VSD 1533 (x2), VSD 1534, VSD 1544, Gala 713.
958
VSD 1533, VSD 1534, VSD 1544, Gala 713
959
VSD 1533, VSD 1534
960
VSD 1544
961
VSD 1534, VSD 1544

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962
maintien au ministère de l’Intérieur . Elle est aussi à l’origine de la disjonction entre son
époux et Brice Hortefeux, « avec qui Cécilia a toujours entretenu des relations en demi-
963
teinte » , « lourd de sens, quand on sait que, sans en être la cause directe, Brice Hortefeux,
964
a pesé dans le départ de Cécilia pour New York » .
En tant que Destinateur-manipulateur, elle est, par ailleurs, mise en scène à partir du
surnom « Le spectre », cité dans ces deux titres mais absent de Paris-Match.
« Comme le personnage de la BD, elle tire les ficelles sans qu’on ne la voit
965
jamais » « En référence à la superpatronne de James Bond »
Ainsi, l’écart entre l’épouse réservée qui choisit « la musique » et « la scénographie de
966
l’arrivée de son héros », qui accueille « chaque invité de marque » , et le « spectre »,
967
découvre l’écart entre l’homme soutenu de Paris-Match et le « candidat sous influence »
de VSD et Gala. La posture éditoriale de ces deux hebdomadaires renforce la dépendance
de Nicolas Sarkozy à l’égard de ses proches et, plus précisément, ici, à l’égard de sa femme :
968
« Nicolas Sarkozy voit en sa compagne une boussole » . Le transport de la souffrance le
construit alors comme un homme instable, fragile et imprévisible.
« Difficile de maîtriser sa nature impétueuse, ses élans irraisonnés, son affectivité
éruptive, son agressivité sous-jacente (…) Cet homme résolu et apparemment
sûr de lui dépend au fond beaucoup trop du soutien de ses intimes, sans lequel
son moral risque de sombrer. Bref, il est plus fragile, plus vulnérable qu’il n’y
paraît » « Son caractère est inégal et changeant, soumis à ses états d’âme et à
sa vive sensibilité, ce qui le rend susceptible et réactif » « Personnalité tiraillée
par des contradictions intérieures, l’homme est un impulsif, colérique et toujours
en mouvement, dont la sensibilité et l’intuition lui font percevoir avec acuité les
situations et les êtres… Cette sensibilité le fait parfois réagir trop vite. Il peut
alors manquer d’objectivité dans son jugement envers autrui et faire preuve
d’imprévisibilité » « Il est d’une nature inquiète, cachée derrière un tempérament
969
impulsif »

VI. 4. 3. Les deux identités médiatiques de Nicolas Sarkozy.


A l’instar de son épouse, Nicolas Sarkozy détient deux identités médiatiques, constitutives
de deux traductions différentes de son être et de son entourage. L’observation du
personnage de Cécilia Sarkozy tient en son creux l’identité médiatique de son époux, et
cette logique est maintenue pour le reste de son entourage. La parole de l’entourage de
Nicolas Sarkozy est traduite de deux manières différentes ; la divergence étant contenue
962
VSD 1544, Gala 713
963
VSD 1544
964
Gala 713
965
VSD 1544, Gala 713.
966
Paris-Match 3009
967
VSD 1544.
968
VSD 1534.
969
Paris-Match 3007, Ici-Paris 3226, Gala 725, Gala 723

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

principalement dans la traduction de l’agencement composite de l’entourage, révélant tantôt


des compromis, tantôt des dénonciations.
Observons la composition de cet entourage à l’aide de six exemples de mélanges.
Le tableau page suivante éprouve la confusion des mondes en leur donnant un sens,
en donnant plus de poids à un monde dans son mélange à un autre. Les mondes en
deixis positive sont donc ceux qui prédominent dans le mélange. Ainsi, quand le monde
domestique et le monde civique sont réunis, cela peut signifier l’attribution de fonctions
officielles à un membre de sa famille ou la relation amicale, voire familiale, entre le candidat
et un autre acteur politique. C’est donc moins la dissociation, comme pour Ségolène Royal,
que la composition dans l’union de son entourage qui révèle l’identité médiatique de Nicolas
Sarkozy. Par ailleurs, la nature des êtres ne se saisit pas dans une identité exogène. Les
personnes ne sont personne en dehors de leur action. C’est dans l’élucidation du dispositif
d’objets qui qualifient les situations que nous sommes en mesure de qualifier les êtres. Ainsi,
Brice Hortefeux, à la fois ami et collaborateur, n’incarne pas systématiquement un mélange
du monde domestique et du monde de l’opinion. L’exemple sélectionné dans notre tableau
souligne que c’est cette double qualification, dans le récit cité, qui autorise son identification
comme assemblage composite. Or l’assemblage et sa mise en scène sont les fondements
de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
[Tableau 8 : L'agencement composite de l'entourage de Nicolas Sarkozy]

271

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Deixis négative
Deixis Monde domestique Monde de l’opinion Monde civique
positive Monde « Tout à la joie « l’épouse du candidat « Depuis son retour
domestique de cette nouvelle a supervisé toute la dans « la firme »,
naissance, ils ont préparation du congrès l’ex-conseillère et
loué une maison de l’UMP, du choix chef de cabinet de
cet été là, en des musiques à la Sarkozy à l’UMP
Normandie, pour scénographie de [Cécilia Sarkozy] n’a
en profiter en l’arrivée de son héros » plus de responsabilité
970 971 972
amoureux » officielle »
Monde de « Le candidat de « De son côté, Massimo « Le ralliement de
l’opinion l’UMP bénéficie Gargia a déclaré au Basile Boli à l’UMP.
également du Nouvel Observateur : « Nicolas Sarkozy lui
soutien d’amis Sarko, pour nous [les a confié une mission
pipoles de longue peoples], est people. sur la diversité : «
date : (…) Jean Quand Cécilia est Charge à lui surtout
Reno (dont il parti, on a beaucoup de rabattre de
était le témoin de aimé. Sarkozy est nouveaux sportifs
973 un grand playboy, et vers notre candidat
mariage) » ça c’est très positif, » souffle un député. »
nous, on adore ». » 975
974

Monde « en écho, Brice « Des plus convaincus « Un diner de travail


civique Hortefeux, ami au plus pros, ils sont qui se prolongera
de trente ans de tous admiratifs devant jusqu’à plus d’une
Nicolas Sarkozy – et 977 heure du matin, avec
secrétaire général la bête politique » Jean-Louis Borloo, le
délégué de l’UMP » coprésident du parti
976 978
radical »
Tableau 8 : L'agencement composite de l'entourage de Nicolas Sarkozy

272

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Figure 50 : Identité médiatique de Nicolas Sarkozy

273

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VI.4.3.1. Le manipulateur
L’isotopie du /relationnel/ appréhende les êtres dans leur dépendance et indépendance
les uns aux autres : elle peut être l’occasion d’une dénonciation quant à l’agencement du
collectif si celui-ci relève de différentes natures. Le collectif est dénoncé par l’inadéquation
entre la nature des relations par rapport à la nature des êtres : une relation domestique pour
des êtres du monde civique ou de l’opinion, une relation de type vedette-fans pour des êtres
du monde civique, etc. Or, la confusion des natures dans l’entourage de Nicolas Sarkozy
favorise cette dénonciation dans la mise en scène des natures multiples.
979
Dans l’étude de l’ « immortelle de campagne » sur le soutien des peoples , l’amalgame
entre monde domestique et monde de l’opinion était apparu. En effet, dans de nombreux
titres de notre corpus, le soutien des peoples est présenté comme un soutien d’amis, et

979
Voir Chap. V.2.4.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

donc un soutien issu du monde domestique, relevant du même mouvement qu’une autre
« immortelle de campagne » : le soutien des proches.
« Outre ses fidèles les plus notoires, Johnny Halliday et Doc Gyneco, le candidat
de l’UMP bénéficie aussi du soutien d’amis de longue date » « Le temps des
copains. Nicolas Sarkozy recevait Johnny Halliday et Doc Gyneco à l’université
980
d’été de l’UMP »
Les narrateurs doublent la qualification de ses amis-peoples afin de souligner l’amalgame
entre des relations issues du monde domestique et de l’opinion. Apparaissent des énoncés,
qui soulignent que cet entourage, dans son ambigüité, n’est pas naturel et ne va pas de soi.
« Le congrès de l’UMP, c’est un peu comme un congrès médical : on y croise des
cardiologues, des gynécologues… » « Il intercale sur la même estrade politiques
981
et personnalités du show-biz »
La dualité de ces soutiens entraine une sanction de la part du narrateur. Cette sanction
identifie, dans un premier temps, le Destinateur de cette confusion : Nicolas Sarkozy.
« Un bien [les peoples] à acquérir coûte que coûte. Quitte à sortir les violons
du bal » « Des appuis très ciblés (…) Le chanteur Faudel l’a accompagné lors
982
de son meeting inaugural au Zénith le 18 mars. » [À propos des secrets de
campagne de Nicolas Sarkozy]
Dans cette logique, la sanction porte, à la fois, sur la composition de l’entourage mais par
ailleurs, sur le Destinateur à l’origine de cet amalgame de natures. Si le people peut servir
d’intermédiaire-médiatisant pour les énonciateurs, l’utilisation du people par le candidat, par
l’actant de narration, entraine une dénonciation. La sanction prend deux formes ; elle peut
être sémantique et glissée dans la description de l’entourage. Elle peut prendre, par ailleurs,
la forme d’une mise en scène de l’action du Destinateur portée en échec par le narrateur.
« Pas de people ni d’excentricité (…) le départ controversé de Johnny Halliday
pour la Suisse, les démêlés fiscaux de Doc Gyneco, les propos racistes de Pascal
Sevran, fans du patron de l’UMP, ont probablement jouée dans ce changement »
« A quatre mois de l’élection présidentielle, cet exil devient une Affaire d’Etat.
Et pour cause. Le candidat au départ est un ami de longue date de Nicolas
Sarkozy » « Le réseau d’artistes autour de Sarkozy s’écaille. Doc Gyneco a
700000 euros d’arriéré fiscal. Et les propos de Pascal Sevran – « la bite des noirs
est responsable de la famine en Afrique » dans son dernier livre- même s’il s’en
983
est excusé, crée un tollé. »
Il y a dénonciation de l’agencement composite de l’entourage, comme évoqué dans
le chapitre IV, à partir de termes issus de notre répertoire tels que « accointance »,
« connivence », etc.
« Grâce à son bon copain de Neuilly, Pascal a évité le chômage (…) « Carolis
voudrait bien le virer, explique-t-on en interne, mais c’est l’un des seuls chez
nous, sinon le seul, qui soit assez proche de Sarko ». Résultat des courses :
980
Public 196, VSD 1530.
981
Voici 1001, VSD 1541
982
VSD 1541, VSD 1547.
983
VSD 1533, VSD 1530 (x2).

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Médias, politique et vie privée

l’avenir de l’immense Pascal Sevran dépendra du résultat des élections


984
présidentielle »
985
Cette forme de critique souligne « la monstruosité de l’agencement composite » : la
coexistence d’objets disparates défait la situation et empêche sa réalisation dans chacun
des mondes dans lequel elle pourrait prendre place. Dès lors, la situation est déplacée de la
réunion vers sa monstruosité : « la permutation (entre les mondes) introduit une discordance
986
entre les grandeurs » . Nous retrouvons le même mouvement qui dénonçait l’influence de
Cécilia Sarkozy, être du monde domestique, sur l’entourage de collaborateurs de Nicolas
Sarkozy ou sur la campagne (objets du monde civique). En soulignant la monstruosité
de l’agencement composite et en identifiant le Destinateur de cet agencement comme le
candidat de l’UMP, les récits créent la figure du manipulateur.
« Nicolas tente de pacifier son image, multiplie les gestes pour rassurer son
camp (…) un revirement qui laisse sceptique » « C’est l’histoire d’une bête des
médias et d’un petit chevreau. Venu aux aurores pour copier son rival François
Bayrou » « La com, seconde nature. Nicolas Sarkozy soigne son profil jusqu’au
987
bout »
Mais plus loin, l’agencement confus de son entourage comme étant le fait du candidat,
rejoint un autre mélange : la mise en scène par Nicolas Sarkozy de sa vie privée.
« Nicolas Sarkozy n’a jamais mélangé vie privée et vie politique. Jamais ! » « Il
se répand en anecdotes sur l’humiliation que fut le divorce de ses parents (…)
jouant le jeu de la politique spectacle » « Ils [Cécilia et Nicolas Sarkozy] éclipsent
ministres et amis. Ils le sentent, ils le savent, ils en jouissent » « Ce n’est pas lui
988
qui irait confesser aux médias ses déboires conjugaux. »
Cet agencement confus entre les êtres et entre les mondes suscite des « situations
gênantes ». Ici-Paris le souligne en citant Massimo Gargia qui désigne Nicolas Sarkozy non
pas comme un homme politique mais comme un people :
« « Dans mon milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance (…) Sarko, pour nous,
est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy est un grand
989
playboy, et ça c’est très positif, nous, on adore ». »
La figure du manipulateur est commune à de nombreux titres de notre corpus : VSD, Voici
990
et Ici-Paris . De son côté, Gala adopte une attitude paradoxale. Si plusieurs des citations
ci-dessus sont issues de cet hebdomadaire et dénoncent la manipulation, il rejoint aussi
Paris-Match dans sa construction d’une identité médiatique de Nicolas Sarkozy fondée sur
la transparence et l’humilité.

VI.4.3.2. L’homme humble et le politique transparent.


984
Voici 1009
985
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit . p. 278.
986
Ibid. p. 279.
987
VSD 1533, Gala 718, VSD 1547.
988
Voici 998, Voici 1008, Gala 713, Gala 720.
989
Ici-Paris 3221.
990
Les silences de Closer, Point de Vue et France-Dimanche quant à ce candidat nous empêche de conclure sur leur posture.

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

A l’opposé de la figure du manipulateur, il y a l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy telle


qu’elle est construite par Paris-Match. Dans cet hebdomadaire, l’agencement composite de
l’entourage est dit mais n’est pas réfléchi. Les natures multiples de ses proches ne sont pas
questionnées : elles semblent aller-de-soi pour le narrateur.
« Pendant les vacances, Nicolas Sarkozy partage son amour du vélo avec
Michel Drucker » « Juste après s’être démaquillé, la candidat qui tient encore
sa serviette de toilette, partage un fou-rire avec Johnny Halliday et son épouse,
Laëticia » « Une partie de foot avec ses enfants et ses amis Bernard Laporte et
Denis Charvet » « Simone Veil, affectueuse, se penche pour serrer la main du
champion de la soirée » « Il y a les bravo des copains mais aussi l’hommage
991
politique et maternel de Simone Veil »
Dans cet hebdomadaire, le mélange des mondes dans la composition de l’entourage
retrouve la ligne éditoriale fondée sur la question du soutien et son mode de visibilité
qui l’identifie au mode mimétique haut. En ne réfléchissant pas l’entourage, Paris-Match
rend compte avant tout du soutien et invite à considérer le caractère extraordinaire du
candidat, entouré de personnalités connues et reconnues, elles-mêmes extraordinaires.
Cette posture déplace, de la même façon, la question de la mise en scène de sa vie privée
par le candidat. Mais, ici, la monstration publique d’objets ou d’épreuves issus du monde
domestique devient preuve d’humanité.
« Car il veut leur [les Français] parler, seul à seul. De l’homme qu’il est devenu,
de l’avenir qui doit être une promesse et des valeurs auxquelles il croit (…) Avec
nous, il a évoqué ses devoirs, mais aussi ses sentiments » « Mais « submergé
par l’émotion », le président de l’UMP s’est adressé aux Français sans emphase
pour leur expliquer qu’il avait changé » « Ce n’est plus l’homme politique qui
parle, mais l’homme tout entier. Et il ouvre son cœur. Il confie alors devant 80000
personnes qu’il a souffert, connu l’échec, le doute (…) Maintenant qu’il a changé,
qu’il est arrivé à l’âge de la maturité, Nicolas Sarkozy veut aussi exprimer sa
992
dimension spirituelle »
Ce n’est donc pas une identité médiatique fondée sur la manipulation mais, au contraire,
993
fondée sur la transparence et l’humilité qui est construite dans cet hebdomadaire .
994
« Humilité. (…) Le patron de l’UMP ne voulait pas trop en faire »
Cette figure de l’humilité et de l’humanité est aussi mobilisée par Gala.
« Quand le petit Louis, huit ans, déclare sur grand écran (…) « bonne chance,
mon papa », la France sourit » « Il est en pleine crise de couple quand, à
l’image d’une Hillary Clinton, très digne (…) il a, lui aussi, le courage de regarder

991
Paris-Match 3025, Paris-Match 3024, Paris-Match 3020, Paris-Match 3023 (x2)
992
Paris-Match 3020, Paris-Match 3009 (x2)
993
Seul récit de Paris-Match à réfléchir l’utilisation des personnages people dans la campagne présidentielle, le numéro 3016
confirme cette identité médiatique en désignant les collaborateurs de Nicolas Sarkozy comme les sujets de faire, laissant au candidat
le rôle d’objet de conjonction.
994
Paris-Match 3009

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les Français dans les yeux » « Finie la langue de bois, place à l’humilité des
995
mots »
Cet hebdomadaire est partagé entre une dénonciation depuis le monde civique, comme
nous avons pu le remarquer lors de l’élucidation de la première identité médiatique de
Nicolas Sarkozy, et une ligne éditoriale focalisée sur le monde domestique et le monde
de l’opinion, l’empêchant alors de traduire la parole du candidat pour et depuis le monde
civique. Il y a une posture ambiguë construite dans la tension de deux compétences
énonciatives dans le monde civique : vouloir-dire et ne pas pouvoir dire.
Ainsi, exception faite de la figure sportive, les identités médiatiques de Nicolas Sarkozy,
construites à partir de la question du soutien et de l’entourage, le définissent au prisme
des identités médiatiques de ceux qui l’entourent. Deux lignes éditoriales s’affrontent alors :
une première, majoritaire dans notre corpus, traduit l’entourage depuis le monde civique, en
dénonçant des influences et des jeux de paraître. La seconde, particulièrement représentée
par Paris-Match, mais aussi par Gala, mobilise des objets issus des mondes de l’opinion et
civique que pour les réinstaller dans le monde domestique où ceux-ci ne peuvent souffrir
de critiques, désamorçant alors les dénonciations possibles depuis les autres mondes.

VI. 5. Les portraits de la presse quotidienne nationale


En conclusion de ce chapitre, nous proposons un détour par les portraits des candidats
issus de la presse quotidienne nationale. L’intérêt est moins de dévoiler une identité
médiatique de chacun des candidats dans la presse dite « sérieuse » que de sélectionner
quelques récits comme des points de comparaisons pour appréhender en quoi et sur quelles
caractéristiques l’identité médiatique des candidats que nous venons d’observer dans le
genre people se retrouve dans la presse quotidienne nationale. Pourtant, toute comparaison
doit reposer au préalable sur l’identification d’un point commun. Pour cette raison, nous
limitons ce corpus à des portraits médiatiques réalisés dans La Croix, Le Monde, Le Figaro
996
et Libération . Le portrait est un genre journalistique focalisé sur un individu dans une
997
logique de « totalisation et d’unification du moi » . Nous retrouvons, dans le portrait,
les logiques du récit people – figuration individuelle, jeu avec l’anecdotique, illusion d’une
cohérence biographique, attributions de traits identitaires ou psychologiques –, mais aussi
celles des « immortelles de campagne », avec un détachement par rapport à l’actualité
998
comme ce qui survient mais en lien avec l’actualité comme ce qu’il en est .
Ces portraits effectuent un traitement comparatif (ou du moins en série) des candidats
dans la même édition ou répartie sur plusieurs jours. Seul La Croix s’est attaché à
proposer un portrait de chacun des douze candidats à l’élection présidentielle, Le Monde,
995
Gala 713.
996
L’Humanité figure comme l’un de journaux sur lequel portent nos investigations : il sera mobilisé dans le prochain chapitre.
Cependant, il n’a publié aucun portrait, nous empêchant de le considérer ici.
997
BOURDIEU, 1986, op. cit. p. 70.
998
Nous retrouvons ici la distinction entre deux mises en scène de la campagne présidentielle. La campagne comme contexte est
mobilisée à partir des faits et discours qui prennent place en son sein : c’est ce qui survient. La campagne comme période construit
l’actualité en constituant une configuration qui fait l’actualité, peu importe le moment dans la période : c’est ce qu’il en est. Cf. Chap.
V. 1. 2.

278

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

Le Figaro et Libération se consacrent aux deux finalistes. Notons que Le Figaro propose
999
un portrait croisé ; les deux candidats sont donc mis en scène dans le même récit .
Le résultat s’avère surprenant, déstabilisant notre hypothèse sur un traitement différencié.
Nous retrouvons dans ces récits la plupart des variables observées comme fédératrices de
l’identité médiatique des candidats dans le genre people. Il nous est, cependant, impossible
de parler d’identité médiatique, pour les candidats du premier tour, mobilisés dans un seul
récit. En effet, l’identité médiatique est le résultat de l’ensemble des identités débrayées
par les procédures d’anaphorisation dans chaque énoncé appartenant à un ensemble, que
nous concevons parallèlement dans les rapports que ces identités entretiennent entre elles
et avec l’instance d’énonciation.
Philippe de Villiers est avant tout décrit par ses propres mots, au travers de très
nombreuses citations, et en comparaison avec Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen,
signant un faible savoir-dire pour le narrateur. Gérard Schivardi et Frédéric Nihous, de leur
côté, sont construits à partir de l’identité d’un autre acteur politique, Daniel Gluckstein, pour
le premier, et Jean Saint-Josse, pour le second. Ces candidats sont principalement définis,
soit par leur petitesse, soit par un ne-pas-savoir-faire.
« Le petit maire de Mailhac tient son premier grand meeting » « Debout à la
tribune, il ne sait pas encore quoi faire de ses bras et se dandine d’une jambe sur
1000
l’autre »
Nous repérons le même mouvement, dans le portrait de Dominique Voynet, que celui
identifié plus tôt dans la presse people : la transposition de son engagement écologique
issu du monde civique vers le monde domestique. La nature figure comme un lieu de
ressource : « elle se réfugie dans les jardins de l’Institut d’Etudes Politiques ». Pourtant
c’est sa condition de femme qui organise le discours : sa petitesse est justifiée par son
apparat : « Elle récupère ses effets, enroule dans son sac la jupe qu’elle portera le soir pour
son meeting à la Mutualité à Paris : « Je n’ai pas d’habilleuse comme Ségolène Royal »,
sourit-elle. », et son engagement est confirmé par celui de sa fille et de son époux. Arlette
Laguiller est décrite de son côté comme dans le genre people, à partir de la permanence et
de la persistance du combat qui devient fidélité dans ses engagements et dans le monde
domestique. Ce portrait retient aussi la figure de la modestie et la thématique de la dernière
campagne. Si pour Olivier Besancenot, nous retrouvons la figure du combattant, autant
dans son engagement politique que dans programme narratif du petit candidat qui se bat
pour s’imposer, une nouvelle figure apparaît dans ce corpus : celle de la jeunesse.
« Besancenot, un jeune qui sait parler aux jeunes ? » « Olivier Besancenot,
le trotskisme à visage gamin » « Son visage poupin et son discours
1001
révolutionnaire »
Dans La Croix, l’identité de José Bové dépasse la confusion observée quant à son
engagement politique, tout en la maintenant à partir des parcours thématiques de la diversité
et du désordre. La pipe devient, d’ailleurs, une métaphore pour le désordre, une métaphore
pour investir un non-respect des règles par le candidat. C’est, finalement, le portrait de
Marie-George Buffet qui s’affranchit le plus de son identité médiatique dans le genre
people, installant la candidate dans un historique des luttes et des candidatures du parti
communiste, objets du monde civique.
999
Les récits sélectionnés sont listés à la fin de cet écrit.
1000
La Croix du 07/04/2007, La Croixdu 04/04/2007.
1001
La Croixdu 10/04/2007 (x3)

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L’identité de Jean-Marie Le Pen procède, dans La Croix, des mêmes attributs


identitaires, déplacements et compétences repérés dans la presse people. Il est un homme
fatigué et agressif, trahi par son corps et son âge qui le laisse dans une impossibilité d’action
dans le monde civique : telle est la position initiale du portrait. Mais, survient alors un vouloir-
1002
faire dans le monde de l’opinion pour donner une image « assagie », « adoucie » , un
parcours déjà présent dans les récits de notre corpus principal. Pourtant, ce programme
narratif subit la même sanction du narrateur par un ne-pas-pouvoir-faire : « mais cela n’a
pas suffit », installant cette performance dans le monde de l’opinion en posture d’échec et
renvoyant le candidat à la position initiale du portrait.
L’identité de François Bayrou relève, dans La Croix, d’un récit contradictoire, pris dans
les thématiques relevées dans son identité médiatique issue du genre people. Dans la
première partie du récit, le narrateur nie ce que la presse people démontre tout au long des
énoncés : la sincérité et l’incompétence dans le monde de l’opinion.
« Chaque fois, c’est le même scénario » « Contrairement aux apparences, rien
n’est laissé au hasard » « Le président de l’UDF, rompu à trente ans de vie
politique, est un pro de la communication » « Il connaît la force de l’image et
s’en sert comme d’une arme dans cette campagne » « Il sait se mettre dans la
lumière, choisir l’arrière-fond qui donne du sens et se prête complaisamment aux
1003
séances photos »
François Bayrou est décrit par un savoir-faire dans le monde de l’opinion qui dément
l’identité médiatique de celui-ci dans le genre people fondée sur la simplicité, la sincérité
et la « vie politique rêvée ». Le narrateur de La Croix rejette, dans cette même logique, la
figure du rebelle en l’installant dans l’ordre du paraître. Pourtant, dans la seconde partie du
récit, le narrateur lui reconnaît la simplicité, l’accessibilité et une spontanéité qui contraste
avec la figure du calculateur.
« Il cache mal sa mauvais humeur » « Il improvise comme toujours sans
note » « Il sait prendre le temps de l’écoute » « Il peut décider au pied levé
d’aller visiter une usine (…) ou de s’entretenir dans le train pendant plus d’une
demi-heure avec une jeune femme qui a arrêté de travailler pour élever sa fille
1004
handicapée »
Dans cette contradiction, se tient un paradoxe entre l’être et le paraître, entre la sincérité
et la manipulation. L’homme « vrai » de la presse people est déstabilisé mais n’est pas
désavoué pour autant.
Du côté de Ségolène Royal, et comme dans la presse people, les figures de
l’isolement et de l’indépendance tiennent les récits de la presse quotidienne nationale sur
la candidate. Ces figures se retrouvent sur l’axe individu-collectif du monde civique, dans
son affranchissement du parti socialiste.
« Même si elle porte les couleurs du deuxième parti de France, Ségolène
Royal semble ainsi battre la campagne avec seulement une poignée de fidèle »
« Méfiante vis-à-vis du PS qui le lui rend bien » « Mme Royal a démontré sa
capacité à encaisser les coups, qu’ils viennent de son adversaire, Nicolas
Sarkozy, ou de son propre camp » « Le chef, c’est elle » « Partie seule à la
1002
La Croixdu 11/04/2007.
1003
La Croix du 17/04/2007 (x5)
1004
La Croix du 17/04/2007 (x4)

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

conquête du pouvoir, sans courant, sans soutien de poids au début » « Méfiance


1005
des éléphants et de la cuisine socialisto-socialiste »
Nous retrouvons, par ailleurs, une tension entre cette indépendance et sa condition
féminine, ce, particulièrement, dans Le Figaro.
« Ségolène Royal n’est pas socialiste mais féministe » « La Sainte Vierge –
Ségolène Royal était encore en blanc immaculé dimanche soir – qui est pour
les catholiques la mère du Christ, incarne pour les psychanalystes la mère
1006
castratrice »
Pourtant, la concordance entre ces portraits et la presse people poursuit son chemin jusque
dans les mondes domestique et de l’opinion. Dans ce dernier, la description du corps
spectacle est très présente.
« On entend le bruit très bref d’un sèche-cheveux. Le coiffeur s’éclipse.
1007
Pimpante » « Toujours tirée à quatre épingles »
Au travers de ces deux citations, c’est moins une beauté naturelle qu’une beauté construite,
relative au corps spectacle qui est décrite. Le Monde produit un parcours particulier de ce
corps-spectacle de Ségolène Royal par la mise en scène de transformation vestimentaire
1008
« liée aux efforts de Ségolène Royal pour apparaître en phase avec son projet politique » .
Il déplace des objets du monde de l’opinion pour incarner des objets du monde civique.
« Les vêtements portés par la candidate ont sensiblement évolué. A la phase
« proche des gens » des tenues simples, féminines – jamais de pantalon-,
toujours adaptées (…) Dans une deuxième phase, Mme Royal a changé de style :
tailleur sobre, noir et blanc. Présidentielle. »
Ici, se tient une des particularités de la presse dite sérieuse : la presse people laissait
confinée la question de l’apparat au monde de l’opinion comme un investissement
incontournable pour la grandeur de ce monde, sanctionné positivement pour la candidate
PS. Le Monde déplace, ici, l’investissement pour la grandeur du monde de l’opinion vers
le monde civique.
Enfin, un dernier monde est mobilisé dans les portraits de Ségolène Royal, le monde
domestique. Nous retrouvons les mêmes figures et les mêmes parcours que dans le genre
people. Libération met en scène le couple et le fils de la candidate. Le narrateur installe la
figure du couple, de manière identique, c’est-à-dire sur l’axe des subcontraires comme non-
séparé et non-uni, et François Hollande dans le rôle de l’anti-sujet.
« Il n’a pas vu décoller la popularité de sa compagne, rencontrée à l’ENA et mère
de leurs quatre enfants (…) Si elle est vaincue, il songe déjà aux moyens de
1009
reprendre les rênes du parti »
Par ailleurs, le personnage de Thomas Hollande augmente cette analogie comme celui qui
incarne le rôle de premier-homme, déserté par François Hollande. Mais l’incompétence de
1005
La Croixdu 18/04/2007 (x2), Le Monde du 26/04/2007 (x3), Libération du 02/05/2007.
1006
Le Figaro du 24/04/2007 (x2)
1007
Le Monde du 26/04/2007, Libération du 02/05/2007
1008
GARCIN-MARROU, I., « Ségolène Royal ou le difficile accès au panthéon politique », Mots, les langages du politique, 90,
2007, p. 19.
1009
Libération du 02/05/2007

281

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ce dernier à avoir un rôle dans la campagne de sa compagne est amplifiée par la présence
de Julien Dray qui tient le rôle de premier conseiller, ce qui suscite, selon le narrateur, « le
ressentiment » du premier secrétaire. Libération construit, en outre, un programme narratif
inédit dans les hebdomadaires de presse people, le rôle de Thomas Hollande étant présenté
comme le résultat d’une stratégie de la candidate pour justement les détourner du couple.
« Entre Ségolène et François, il y a Thomas, 21 ans (…) Le voilà sous les
projecteurs (…) façon de détourner l’appétit des médias people pour le couple
1010
Royal-Hollande »
Enfin, émergent, des portraits de la presse quotidienne nationale, des récits sur l’enfance
de la candidate, objet de ressemblance entre les genres de presse inattendu. Toutes les
figures et les parcours thématiques y sont : la figure du père, « lieutenant colonel (…) la tête
1011
rasée, avec un monocle » , comme cette utilisation de l’enfance dans la recherche de
la cohérence et de l’unification du moi.
« Les années d’enfance forgent le caractère » « Leurs complexes d’hier, leurs
1012
faiblesse de jadis sont devenues des forces »
L’illusion biographique est également maintenue dans les portraits sur Nicolas Sarkozy, et,
ce, à l’instar de la presse people, à partir de l’attribut psychologique d’une soumission à
la dépendance et au besoin d’être aime et entouré, une variable présente dans les quatre
journaux investigués.
« Il ne cesse de prendre revanche sur l’enfant déclassé de divorcé qu’il fut,
résidait à Neuilly mais regardait avec envies ses copains emmener les filles
1013
dans la voiture de sport de papa » « Il cherche les marques d’une affection
jamais assez grande à ses yeux » « Tel qu’il est… Plus fragile qu’il n’y paraît ? »
« Qu’on ne s’y trompe pas : lui aussi, aime que beaucoup de gens l’aiment »
La figure de l’homme aux multiples entourages se construit, par ailleurs, aussi dans la presse
sérieuse.
« Nicolas Sarkozy, 52 ans, tisse sa toile sans relâche » « Ainsi, le candidat
de l’UMP, excelle-t-il à gérer des cercles nombreux et variés dans leur degré
d’importance, des égo sensibles et flattés par ses cajoleries. » « Christian
clavier, c’est l’ami de quinze ans » « Arnaud Lagardère est « son frère », Martin
1014
Bouygues, son ami. »
L’identité médiatique de Cécilia Sarkozy tend, de plus, ici aussi, à participer à l’identité
médiatique de son époux. La question de l’absence et de la présence de celle-ci lors de la
campagne organise les énoncés à son propos, insistant sur son influence sur des objets
du monde civique.
« L’épouse du candidat, 49 ans, n’a, semble t-il, rien perdu de son pouvoir, mais
l’exerce en parallèle » « Pour apaiser son épouse, Sarkozy a donc fait mine
de mettre en retrait des conseillers comme Brice Hortefeux ou des « peoples »
1010
Libération du 02/05/2007
1011
La Croixdu 18/04/2007.
1012
La Croixdu 18/04/2007, Le Figaro du 24/04/2007.
1013
Le Figaro du 24/04/2007, Le Mondedu 27/04/2007, La Croixdu 06/04/2007, Libération du 02/05/2007
1014
Libération du 02/05/2007 (x2), Le Figaro du 24/04/2007.

282

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Chap. VI. La construction de l’identité médiatique des candidats

comme Didier Barbelivien » « Nicolas Sarkozy a laissé son épouse, Cécilia,


recomposer en partie ses équipes. Placer auprès de lui ses fidèles (…) et mener
1015
une guerre sourde aux « copains de toujours »
Pourtant, il y a déplacement dans l’incarnation du Destinateur. Si dans VSD et Gala, Cécilia
Sarkozy est à la fois sujet de faire et Destinateur-manipulateur, dans la presse quotidienne
nationale, la figure d’un candidat sous influence est nuancée. Nicolas Sarkozy est celui
qui laisse-faire. Ainsi, en le débrayant comme un non-opposant, Libération et Le Monde
lui octroient une compétence de pouvoir-faire. Enfin, notons un parcours thématique très
peu saisi dans la presse people et qui tient les récits de La Croix et du Monde : celui du
changement. Seul Paris-Match se saisit de ce thème pour le sanctionner positivement et
en rendre compte, permettant alors au narrateur de conjoindre le candidat à l’humilité et à
la sérénité. A l’inverse de Paris-Match, les deux quotidiens sanctionnent négativement ce
changement en démontrant que la nervosité, l’empressement, l’inquiétude se maintiennent
et en identifiant, dans cette logique, que le changement n’est que de l’ordre de paraître et du
monde de l’opinion, rejoignant alors la dénonciation d’une figure du manipulateur construite
dans les autres titres de presse people.
De cette rapide comparaison, il apparaît que les ingrédients identitaires mobilisés, par
la presse people, pour chacun des candidats à l’élection présidentielle, sont présents dans
la presse quotidienne nationale : les mondes de l’opinion et domestique y figurent à la fois
comme des objets qui seront déplacés vers le monde civique mais qui sont manifestés
par ailleurs, en leur sein. Ces portraits sont des récits sur des individualités, pris dans une
logique de « totalisation et d’unification du moi » qui s’organisent à la croisée des mondes,
rendant compte d’une certaine adéquation avec le genre people. Mais, contrairement à
ce dernier, le portrait n’est qu’un récit particulier et occasionnel de la presse quotidienne
nationale. C’est dans le prochain chapitre, dans une comparaison entre ces deux types de
presse, à propos du traitement d’évènements plus spécifiques qu’apparaitra plus nettement
leur distinction.

1015
Libération du 02/05/2007, Le Mondedu 27/04/2007

283

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Chap. VII. Après la campagne…

Notre chapitre sur le discours des porte-parole a permis d’établir des distinctions entre les
manières de porter la parole de la campagne présidentielle et de ses personnages. Pourtant,
un silence de la part de certains titres ainsi que de nombreuses stratégies d’énonciation
déstabilisant la légitimité des hommes politiques à paraître dans ce type de presse, nous ont
laissé face à un questionnement quant à la confirmation ou infirmation de notre hypothèse
empirique principale apportant une nouvelle question :
L’analyse de l’évolution de la médiatisation, à partir d’un corpus people post-
campagne, permet-il d’observer une réduction des disparités entre les titres
people dans leur médiatisation des personnages politiques et, par là, de
confirmer l’hypothèse de l’installation de la peopolisation lors de la période de la
campagne?
Désormais, c’est dans sa clôture et son dépassement que nous cherchons à considérer la
période de la campagne présidentielle, pour appréhender si le processus de médiatisation
des hommes politiques dans la presse people s’est installé durant cette campagne ou s’il
continue son développement et son établissement après l’élection de Nicolas Sarkozy.
Par ce questionnement et dans la volonté de suivre le mouvement plutôt que les places,
l’observation de deux corpus secondaires dépasse la campagne présidentielle de 2007 pour
la reconsidérer sous le prisme de sa temporalité. Le premier de ces corpus est quantitatif :
il envisage les Unes de presse people parues entre le 14 mai 2007 (au lendemain de la
clôture de notre corpus principal) et le 30 avril 2010 (date où il nous a fallu le clore pour
des questions de faisabilité) : il comptabilise 155 Unes par titre (correspondant aux 155
semaines de la période envisagée) et donc un total de 1395 Unes. Les observations se
sont portées principalement sur la visibilité des personnages politiques et la politisation des
Unes de presse people. Un second corpus constitué d’« évènements-people » offre, avant
cela, une vision complémentaire par l’analyse qualitative de récits. Ce corpus permet de
considérer la différence de traitement entre presse people et presse quotidienne nationale
et de penser la possibilité de l’évènementialisation du récit people.

VII. 1. De l’information-people à l’évènement…

VII. 1. 1. La mort de Gregory Lemarchal : un « évènement-people ».


Pourquoi parler de la mort de Gregory Lemarchal dans une étude sur le phénomène de
peopolisation des hommes politiques ? Parce que, comme nous allons le voir, la mort du
jeune chanteur influence la visibilité du président de la République et révèle l’« évènement-
people » à son paroxysme.
Gregory Lemarchal est un jeune chanteur ayant participé et remporté la Star Academy
4. Dès le début de l’émission de télé-réalité à laquelle il participe et, plus particulièrement,
après sa victoire, il est l’un des personnages privilégiés de la presse people. Jeune chanteur
284

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Chap. VII. Après la campagne…

avec des rêves de gloire atteint d’une maladie génétique, la mucoviscidose, le personnage
oscille entre les figures de courage, de passion, de souffrance et de bonheur. Sa relation
amoureuse avec Karine, personnage d’une autre émission de télé-réalité, lui octroie une
omni-visibilité dans cette presse ; il devient alors le héros d’une saga en images. Mais, le 30
avril 2007, Gregory Lemarchal décède à l’âge de 23 ans. Il devient, à titre posthume, un des
personnages people les plus marquants de cette décennie. Closer révèle d’ailleurs, à partir
d’un sondage récent, que la mort de Gregory Lemarchal est considérée par ses lecteurs
1016
comme la disparition la plus marquante devant celle de Michael Jackson . Ainsi, pendant
plusieurs semaines, la presse people se focalise sur ce personnage désigné comme « le
petit prince » au destin brisé. Karine, son amie, et les membres de la famille Lemarchal
deviennent des personnages people dont le rôle d’intermédiaires perpétue la médiatisation
du disparu.
« De personnage people lorsqu’il est décédé, Gregory, est passé au statut de
personne à laquelle on voue un culte et que l’on envoie très vite au firmament des
1017
stars. »
Pourtant, ce qui nous intéresse ici est la médiatisation immédiate de son décès, car celui-ci
a lieu à la fin de la campagne présidentielle : Gregory Lemarchal décède le 30 avril 2007,
sa mort survient donc avant le scrutin du second tour. Pourtant, hormis Paris-Match et
1018
Public

1016
Closer 263(28/06/2010)
1017
SPIES, 2008, op.cit. p. 180.
1018
Pour Public , ce numéro sort deux jours avant sa parution habituelle pour un numéro spécial dont dix pages sont consacrées
à Gregory Lemarchal.

285

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[Figure 51 : Les Unes annonçant la mort de


Gregory Lemarchal et/ou la victoire de Nicolas Sarkozy]
qui paraissent le 3 mai, tous les autres hebdomadaires traitent l’information après la
victoire de Nicolas Sarkozy. L’élection de Nicolas Sarkozy disparaît-elle au profit de la mort
de Gregory Lemarchal ?
La distinction entre mode mimétique bas et mode mimétique haut se confirme dans
la mort de Gregory Lemarchal, « évènement people » phare de 2007. En effet, le mode
mimétique bas ne médiatise pas la victoire de Nicolas Sarkozy mais consacre ses Unes à
la mort du jeune chanteur. Du côté du mode mimétique haut, Gala fait apparaître la victoire
du nouveau président de la République en information secondaire, en haut et à droite de sa
Une. A l’inverse, Paris-Match et VSD placent en seconde position le décès de Gregory

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Chap. VII. Après la campagne…

1019
Lemarchal . On voit ainsi que ces trois titres du mode mimétique haut traitent des deux
informations de façon contraire à l’autre mode de visibilité qui privilégie le jeune chanteur
à l’homme politique. Point de Vue intervient comme un cas particulier. Il ne médiatise
aucune de ces deux informations en Une : sa hiérarchie est autre. Avant le jeune chanteur,
avant l’homme politique, il y a les membres des familles royales, et plus précisément celle
d’Espagne qui compte un nouveau membre.

[Figure 52 : L'effet Sophia dans Point de Vue.]


Effet Sofia d’un côté, effet Gregory Lemarchal de l’autre : il est difficile de concevoir
dans quelle mesure, si aucun de ces évènements n’avait eu lieu au même moment, l’élection
de Nicolas Sarkozy aurait été mise en scène dans ces hebdomadaires. Pourtant cette
médiatisation, ou plutôt cette non-médiatisation, définit une hiérarchie dans les évènements
et dans les personnages people et agit comme révélateur de principes fondateurs de ces
titres.
Dans les chapitres III et V de cet écrit, nous avons opéré une réflexion autour du rapport
entre événement et personnage. Cette dichotomie peut paraître étrange dans la mesure où,
dans chaque évènement, coexistent des personnages au travers desquels un sens et des
valeurs vont être attribuées à l’évènement. Que nous apprend la mort de Gregory Lemarchal
sur l’ « évènement-people » ? Peut-on parler d’évènement dans le cas de ce décès ?
« Si l’évènement crée une fêlure, ouvre une faille de la représentation et,
dans cette mesure, laisse interdit, il est aussi ce qui, tout simplement, va faire
1020
parler. »
Cette définition de Tétu oriente notre attention vers le traitement médiatique de la mort
de Gregory Lemarchal. Si le fait – le décès de Gregory Lemarchal des suites de la
mucoviscidose – ne pose pas d’aporie du savoir, son traitement va ouvrir une brèche
d’incompréhension et de non-savoir pour instaurer une forte charge symbolique en son sein.
Le sentiment d’injustice du décès d’un jeune promis - « il n’avait que 23 ans… » ; « Le
deuil impossible » -, la monstration de la « douleur » et de la « colère » de ses proches
1019
Rappelons que Paris-Match paru avant le scrutin du second tour privilégie non pas la victoire de Nicolas Sarkozy mais
les finalistes du second tour.
1020
TETU, 2008, op. cit. p. 22.

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Médias, politique et vie privée

et le retour sur le « calvaire » ou le « combat » du jeune chanteur dans la maladie


contribuent à construire l’évènement. Celui-ci continue de faire parler à partir de la figure
1021
de la « jeune veuve idéale » incarnée par sa compagne, mais aussi de sa famille et de
son association de lutte contre la mucoviscidose.

France-Dimanche 2881 « Adieu Gregory : Les terrifiantes révélations de son père »


Public 200 « Karine : Gregory lui manque tellement » Public 201 « Karine : elle a tout
plaqué » Voici 1020 « La vie sans Gregory : Courage Karine » Closer 120 « Gregory :
sa sœur dit tout ! » Gala 737 « Karine, sa bouleversante confession : « Gregory vivra
toujours en moi ». » Voici 1066 « Un an après : Karine, fidèle à Gregory » Closer
149 « Interview de Karine : « J’imagine encore que Gregory va revenir ». » Gala 856
« Gregory Lemarchal : Confidences d’une maman »

Ces intermédiaires sont aussi le moyen de résoudre le non-savoir quant à sa mort.


L’énonciation du principe « Il n’est pas mort pour rien » constitue alors « une sorte
1022
d’exorcisme de la mort » .

Ici-Paris 3230 « Gregory : Il n’est pas mort pour rien ! » VSD 1600 « Gregory Lemarchal. Son
père témoigne dans VSD : « La mort de mon fils a sauvé des vies »

Les intermédiaires sont, par ailleurs, les cautions pour des révélations amplifiant
l’incompréhension de la mort du jeune chanteur qui « avait emporté un secret dans la
1023 1024
tombe » , dont la « mémoire [est] bafouée », ses « parents calomniés » , sa
1025
compagne « attaquée » , au cœur d’un « immonde scandale » ou d’« une polémique
1026
» . La mort de Gregory Lemarchal a donc entrainé une très forte médiatisation de ce
personnage, lui permettant d’accéder au statut de star. Pourtant, cette hypermédiatisation
a été l’objet d’accusation de la part de la famille ou du public qui y voyait une utilisation
de la mort du jeune homme. Cette mort est un « évènement-people » fort qui ne reste pas
dans le confinement de la presse people puisqu’elle fut largement médiatisée à la télévision
et dans les autres genres de la presse écrite. Mais elle bouleverse l’espace typique du
décès puisque son hypermédiatisation empêche que la douleur de ses proches ne reste
dans le monde domestique. France-Dimanche , magazine ayant le plus médiatisé le jeune
1027
chanteur à titre posthume, implore alors les autres titres : « Laissez-le en paix ! » .
Cet évènement nous permet de considérer la médiatisation des hommes politique ou,
plutôt, celle de Nicolas Sarkozy et de sa victoire à l’élection présidentielle de 2007 par sa
visibilité ou non dans les titres de presse people. Deux évènements apparaissent au même
moment : la mort de Gregory Lemarchal et l’élection de Nicolas Sarkozy. Seuls VSD et
Paris-Match privilégient l’évènement issu du monde civique.

1021
SPIES, 2008, op. cit. p. 178.
1022
GREVISSE, B., « L’épidémie médiatique », La peur, la mort et les médias (dir. Marc Lits), Bruxelles : Evo, 1993, p. 39.
1023
France-Dimanche 3238.
1024
France-Dimanche 3278 et 3215.
1025
Closer 114 et 128.
1026
France-Dimanche 3232, Voici 1022.
1027
France-Dimanche 3188

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Chap. VII. Après la campagne…

La mort d’un personnage people, jeune, beau, plein de promesse de succès mais aussi
gravement malade, amoureux d’un autre personnage people, contient tous les ingrédients
de l’évènementialisation-people. Sa forte médiatisation, la permanence de sa visibilité,
sa charge symbolique, le sens qui lui est donné, la rhétorique du secret et du non-
savoir sont autant d’éléments qui permettent de penser l’ « évènement-people ». Pourtant,
comme nous le verrons plus tard, le traitement de ce décès dans la presse quotidienne
nationale nuance sa qualification comme « évènement-people » niant même la possibilité
de parler d’évènement dans le confinement de la presse people. Mais avant, revenons aux
personnages politiques, objet de cette étude, et considérons-les au prisme de l’évènement.
Trois évènements vont occuper notre propos : le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni,
l’accouchement de Rachida Dati et les rumeurs d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla
Bruni survenues en avril 2010. Les deux premiers évènements sont a priori domestiques,
les paroles sont portées dans le monde civique et le monde de l’opinion occasionnant
des mouvements de traduction différents. Le dernier évènement est issu du monde de
l’opinion. Son objet étant moins l’infidélité que la rumeur, le déplacement vers le monde
domestique ou vers le monde civique ouvrira notre réflexion sur les concepts de rumeurs,
commérage, scandale et Affaire ; autant de médiats qui se définissent dans leur mouvement
entre les mondes. Parallèlement, leurs traitements différenciés entre les genres de presse
réfléchiront le potentiel évènementiel de l’information-people contrainte dans ses espaces
d’émergence : monde domestique et monde de l’opinion.

VII. 1. 2. Le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni


Boltanski et Thévenot montrent que le mariage est une des cérémonies typiques du monde
1028
domestique, espace du privé, de la famille et de la tradition . La dimension inter-
1029
subjective ou affective donne au mariage un caractère privé . Il est la reconnaissance
sociale de l'amour, la consécration du désir de deux individus. Mais plus encore, le mariage
modifie les relations et la hiérarchie au sein d'une famille et se révèle ainsi une épreuve
du monde domestique. Nicolas Sarkozy et Carla Bruni se sont mariés le samedi 2 février
2008 à l'Elysée. Comment considérer cette union où le politique, le médiatique et le privé
s’entremêlent? Comment considérer ce mariage, où nous ne pouvons occulter la fonction
du marié, la célébrité de la mariée, le lieu du mariage dont la symbolique politique n’est
pas à démontrer et la médiatisation de l'évènement ? Quand Nicolas Sarkozy se marie,
ce n'est pas le président qui dit oui mais le fiancé, l'amoureux, l'amant... Même si, dans
la pratique, il est difficile de distinguer les déterminations de l'identité, ce découpage idéel
nous permet de comprendre que Nicolas Sarkozy se marie en tant que personne privée et
non en tant qu'homme politique. Ainsi, quand les médias traitent du mariage, ils médiatisent
un homme privé pris dans une cérémonie privée, occasionnant une publicisation de la vie
privée, une mise en visibilité sur la scène publique d'aspect privés. Deux parcours cohabitent
dans ces récits. Le premier est celui du mariage, organisé autour de la performance de
conjonction entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni. La presse people organise avant tout
ces récits autour de la performance du mariage. Le parcours thématique de l’amour est
omniprésent : le mariage est signifié comme la réunion de deux êtres qui s’aiment. Mais
ce parcours thématique justifie aussi la rapidité de l’union, quatre mois après la rencontre ;
c’est alors la figure du coup de foudre qui sert l’explication.

1028
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 219.
1029
LACROIX, X., « Le mariage, une affaire privée ? », Etudes, 4065, Mai 2007.

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Médias, politique et vie privée

« Car ce jour-là, le président de la République française a dit Oui! Oui à Carla.


Oui au mariage. Oui au bonheur. Oui à l'espoir. Oui à l'envie de croire encore
à cette nouvelle chance que le destin lui offre malgré les coups de la vie et les
bleus à l'âme. A 53 ans, derrière la panoplie d'un Président, il y a un homme
1030
désespérément humain et profondément amoureux. »
Du côté de la presse quotidienne nationale, si le mariage est mis en scène, l’intérêt se porte
plus particulièrement sur le parcours narratif de la mise au secret du mariage. Ce parcours
est particulièrement intéressant en tant qu’il constitue à la fois l’espace de l’énonciation et
l’espace de la narration, soit dans notre logique immanente, l’espace de l’énoncé-énoncé et
l’espace de l’énonciation-énoncée. Ainsi, ce dernier parcours révèle, à la fois, les stratégies
de mise en scène de la cérémonie mais aussi les réponses à l’injonction de visibilité d’un
tel évènement dans la presse people et la presse quotidienne nationale ; il revient alors
de considérer le spectre de visibilité tel qu’il est construit, c'est-à-dire la manière dont les
narrateurs organisent l’attention du public sur un tel fait et dévoilent une manière de voir
ce qui est exposé.

VII.1.2.1. La visibilité d’un évènement invisible.


Face à ce parcours narratif de la mise au secret, deux approches se confrontent. La
première, celle de la presse people, la désigne comme une contrainte pour l’énonciation,
empêchant la monstration de l’évènement.
« La love story qui tenait jusque là du roman-photo s’achève par un grand
blanc. Pas d’image officielle. Aucune déclaration. Et la frustration de milliers
1031
d’anonymes privés de la traditionnelle photo de mariage »
Cette thématique préoccupe les récits peoples occasionnant alors son explicitation et des
stratégies de contournement. Trois types de photographies cohabitent dans notre corpus
pour compenser l’absence d’illustrations. Le premier type consiste en des photos-preuves.
Elles servent à authentifier l’amour entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni et sont alors les
photos du couple pris lors de leur voyage en Egypte ou le lendemain du mariage attablé à
un café dans le parc du Château de Versailles. Ces photos figurent, d’ailleurs, en Une de
Point de Vue , France-Dimanche , Paris-Match , VSD et Voici . Mais, dans Point
de Vue et Paris-Match , nous trouvons, par ailleurs, des photos-preuves de l’évènement
avec des photographies volées de l’avant de la cérémonie qui mettent en scène l’arrivée
1032
des invités tandis que Closer se sert de photo de la veille illustrant « la dernière
1033
journée de célibataire de Carla » , des photos floues, prises de loin, avec des effets
bougés et une vue en plongée, autant d’éléments construisant la rhétorique du secret.
En outre, de nombreuses photos-documents servent à l’identification des personnages et
des lieux de la cérémonie, comme la photo du maire, des témoins ou de La Lanterne,
résidence secondaire du président de la République et lieu de célébration du mariage
le soir même. Ces photographies sont des documents : elles sont toutes anachroniques
par rapport à l’évènement mais permettent la reconnaissance et l’illustration des êtres et
des objets. La photo-document sert aussi la monstration de la robe de la mariée, telle
que celle-ci a pu apparaître dans le catalogue du créateur ou sur les podiums, alors
1030
Ici-Paris 3266.
1031
Point de Vue 3017.
1032
Paris-Match 3064, Point de Vue 3017.
1033
Closer 139.

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Chap. VII. Après la campagne…

portée par un mannequin. C’est cette même logique qui pallie l’impossible monstration de
Carla Bruni en robe de mariée ; les hebdomadaires utilisent des photographies l’illustrant,
lors de défilés, dans cette tenue. Gala utilise justement une ancienne photographie de
Carla Bruni, datant d’un défilé des années 90, pour sa Une. Enfin, un dernier type de
photographies, en Une d’ Ici-Paris , consiste en un photomontage représentant Nicolas
Sarkozy et Carla Bruni en tenues de mariés l’un à coté de l’autre. Cet hebdomadaire
1034
rapproche deux photographies distinctes, une de Carla Bruni en robe de mariée et une
de Nicolas Sarkozy en costume, le rapprochement donnant l’illusion de voir le couple lors
de leur union. Toutes ces photographies, quelque soit leur fonction ou leur contenu, servent
ainsi à combler le manque de visibilité et à le contourner.
La seconde approche, celle de la presse quotidienne nationale, que l’on retrouve,
par ailleurs dans la presse people, comme la justification de cette impossibilité à montrer
l’évènement, constitue l’espace de narration dans lequel est confiné le mariage mais aussi
l’espace d’énonciation dans lequel se révèlent les réponses à l’injonction de visibilité. Avant
d’identifier ces différentes réponses, il nous faut considérer comment la mise au secret
est installée dans les récits, dans le confinement de l’énoncé-énoncé. L’identification des
Destinateurs à l’origine de l’axiologie contenue dans ce parcours distinguent les titres.
Dans un programme narratif d’usage, les médias, les Français et la politique sont
conjoints de la médiatisation de la vie privée des hommes politiques. Dans Paris-Match ,
ce sont les médias qui sont désignés comme les Destinateurs de ce PN d’usage.
« Jamais dans l’histoire de la République, un homme politique de première
grandeur, a fortiori un président de la République, n’a vu sa vie sentimentale
à ce point exposée, disséquée, commentée. (…) cette surexposition de la vie
sentimentale a curieusement touché également Ségolène et Nicolas, tous deux
jeunes et sujets à des drames conjugaux (…) ils n’ont pas pu empêcher que leur
1035
désir de transparence (…) n’ait été exploité par les médias »
Dans Le Figaro , c’est la situation privée de Nicolas Sarkozy qui crée l’intrusion du privé
dans le politique.
« Les difficultés personnelles du président depuis son divorce ont donné aux
1036
Français le sentiment qu’il ne s’occupait plus d’eux « à plein temps » »
Dans les autres titres, Nicolas Sarkozy en est à l’origine.
« L’Elysée, il est vrai, a pris des airs de Rocher depuis l’arrivée, en mai dernier,
d’un Nicolas Sarkozy, plus séduit par la jet set qu’engoncé dans la tradition. »
« Fini les voyages en Egypte sous l'œil des photographes. Les palaces, les
images d'une réussite sociale trop visible qui agace l'opinion et le fait chuter
dans les sondages, le Président a décidé de rentrer dans le rang » « Nicolas
Sarkozy a donc bien retenu la leçon de ses collaborateurs et des sondages en
bernes : les Français ne veulent plus entendre parler de ce président people »
« Le problème, pour un président qui a tant étalé sa vie privée, qui en a même fait

1034
C’est d’ailleurs le même cliché que celui en Une de Gala.
1035
Paris-Match 3064.
1036
Le Figaro du 04/05/07.

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Médias, politique et vie privée

une théorie, en opposant cette attitude à l' « hypocrisie » de ses prédécesseurs,


1037
est de réussir à être désormais plus discret. Le peut-il seulement ? »
Cette différence dans l’incarnation du Destinateur déploie alors plusieurs types de
compétences justifiant la mise au secret de la cérémonie. Le premier, celui de Paris-Match
, attribue un vouloir-faire à Nicolas Sarkozy pour un programme narratif visé qui consiste
en sa conjonction à l’intimité.
« Le président de la République tenait à garder rien que pour lui ce moment très
1038
précieux »
A l’inverse, dans les autres titres de la presse people et dans Le Figaro, le vouloir-faire
du monde domestique et du monde de l’opinion est transformé en un devoir-faire pour
l’exercice de sa fonction de président de la République et donc déplacé vers le monde
civique.
« Grandeur et simplicité de ce moment particulier. Ce mariage dans l’intimité veut
éclipser l’image d’une nuit de victoire au Fouquet’s, brillante comme un diamant.
Et des vacances à Louxor ou à Pétra, qui avait déchainé l’ire des éditorialistes.
Stigmatisant le jet privé, mis à disposition par l’ami milliardaire, Vincent Bolloré.
Cette cérémonie sans faste esquisse sans doute un changement de style. »
« C’est lui qui a voulu, une fois n’est pas coutume, le moins de publicité possible
autour de l’évènement.» « Pas de photo officielle. Pas de confettis. Pas de point
presse. Rien de trop voyant. Le mandat de Nicolas Sarkozy est désormais entré
dans l’ère de la discrétion » « « Nicolas Sarkozy dont c'est le troisième mariage,
s'est, pour l'occasion, imposé la plus grande discrétion. Le mariage a eu lieu
dans le salon vert attenant à son bureau, sans publication des bans grâce à
l'autorisation du procureur de la République, pour ne pas « troubler l'ordre public
1039
», selon la formule consacrée »
Pourtant, la presse people s’arrête à la performance du mariage, tandis que dans Le Figaro,
celle-ci est un programme narratif d’usage permettant la conjonction entre Nicolas Sarkozy
et les Français.
Enfin, dans Libération et Le Monde, cette compétence est déplacée vers un ne-pas
pouvoir-faire du monde civique. L’évaluation d’assomption de Nicolas Sarkozy quant au
devoir-être du mariage est niée par les narrateurs qui soulignent que, malgré la discrétion,
la visibilité de l’évènement est forte. Du côté de L’Humanité , la sanction est plus forte car
elle nie la discrétion du mariage et met en scène Nicolas Sarkozy dans un vouloir-faire
du monde civique et donc comme un sujet manipulateur.
« Sarkozy se marie sous les sifflets » « Entre indifférence et persiflage, l'opinion
réclame la fin du "people" » « En guise de cadeau de mariage, une dégringolade
dans les sondages ! Vous n'avez pas pu échapper au paradoxe de ce week-
end. Nicolas Sarkozy se mariait samedi, et on apprenait dimanche qu'il chutait à
nouveau, et plus brutalement encore, dans l'opinion. L'autre singularité était le
contraste entre l'absence d'images de l'événement lui-même et le déferlement des
commentaires, souvent désobligeants. » « Vous auriez voulu que cette discrétion
1037
Gala 765, Closer 139, VSD 1589, Le Monde du 05/02/08
1038
Paris-Match 3064.
1039
Point de Vue 3017, Gala 765, Closer 139, Le Figaro du 04/05/07.

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Chap. VII. Après la campagne…

soit reconnue et saluée par tous, qu'elle fût connue en tous lieux, que sonnent les
trompettes de la modestie après celles de la renommée, qu'il n'en aurait pas été
autrement. C'est une bien belle histoire que vous offrez aux Français, (…). Oui,
1040
une bien belle histoire. »
L’identification du Destinateur et de la compétence attribuée à Nicolas Sarkozy justifiant
cette mise au secret révèle plusieurs stratégies d’énonciation, le narrateur du récit justifie
sa mise en scène au creux de la mise au secret du mariage : l’espace de l’énonciation-
énoncée dépend de la construction de l’espace de l’énoncé-énoncé.

VII.1.2.2. Les réponses à l’injonction de visibilité.


Une recherche précédente sur la mise en scène de la réconciliation de Nicolas Sarkozy
et Cécilia Sarkozy en janvier 2006 révéla que la presse quotidienne nationale traita
1041
largement de l’évènement . Mais, plus que de simplement en rendre compte, ils traitèrent
de sa médiatisation. Ces récits questionnaient la légitimité de traiter d’un tel sujet, ce
qui permettait, en toile de fond, de traiter de ce sujet. Ils se basaient essentiellement
sur une métacommunication qui consiste à traiter d’un évènement en traitant de son
1042
traitement : c’est la mobilisation par justification. Ainsi, Le Monde dévoilait les médias
comme à l’origine de la médiatisation de leur réconciliation et présentait alors le couple
1043 1044
Sarkozy comme la victime d’un dévoilement offensif. Libération et L’Humanité
dénonçaient cette médiatisation dont ils attribuaient la faute à Nicolas Sarkozy, médiatisation
1045
qu’ils qualifiaient d’exhibition. Le Figaro ni ne dénonçait ni ne plaignait mais rendait
compte du processus de médiatisation qui avait conduit alors tous les médias, alors, à la
fois, destinateur et destinataire de la visibilité, à traiter d’un tel fait. Si les médias ou le
couple Sarkozy jouaient à la chaise musicale des rôles dans les récits, en fonction de la
posture éditoriale du journal, la transformation dont les narrateurs rendaient compte était la
médiatisation et non la réconciliation. Cependant, lors du traitement médiatique du mariage
de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni en février 2008, trois réponses à l’injonction à la
visibilité se dégagent dans la presse quotidienne nationale et dans la presse people, mais
aucune ne consiste en celle trouvée alors deux ans plus tôt pour la réconciliation de Nicolas
et Cécilia Sarkozy : l’attention du public n’est plus dirigée sur la légitimité de traiter de la vie
privée des hommes politiques mais est construite sur sa banalisation. Les trois réponses
à l’injonction de la visibilité, trouvées dans la presse, qu’elles soit dans la critique, dans la
justification ou sur un mode pratique ne postulant pas d’une tension installent le mariage et
non plus la médiatisation comme objet de conjonction.
La première réponse à l’injonction à la visibilité du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla
Bruni consiste à « rendre visible ». Cette réponse correspond à une temporalité courte : le
fait vient de se passer : le récit qui en rend compte aspire à l’objectivité et à la sobriété. Le
destinateur du discours dévoile le principe « ça c’est passé ! ». C’est le cas du journal La
Croix ou du journal Le Monde, dans un encart en Une.

1040
Libération du 04/02/2008 (x2), Le Monde du 05/02/08, L’Humanité du 04/02/08.
1041
GOEPFERT, 2006, op. cit. [en ligne]
1042
Le Monde du 11/01/2006.
1043
Libération du 11/01/2006.
1044
L’Humanité du 12/01/2006.
1045
Le Figaro du 12/01/2006.

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Médias, politique et vie privée

« M. Sarkozy se remarie. Le chef de l’Etat a épousé en troisièmes noces, samedi


2 février, à l’Elysée, Carla Bruni-Tedeschi. » « Le président de la République a
épousé, samedi matin à l’Élysée, la chanteuse et ex-mannequin Carla Bruni « en
présence de leurs familles », selon un communiqué de l’Élysée. Nicolas Sarkozy
est ainsi le premier président à se marier en cours de mandat depuis Gaston
Doumergue en 1931. Le chef de l’État a eu deux enfants de son premier mariage
et un fils avec son ex-épouse Cécilia Ciganer-Albeniz. Carla Bruni a un fils. Les
bans n’avaient pas été publiés, Nicolas Sarkozy ayant obtenu une dispense du
1046
procureur de la République pour préserver la discrétion de l’événement. »
Ici, Nicolas Sarkozy est présenté comme un homme privé et comme un homme politique.
Le monde de l’opinion, quant à lui, n’est pas mobilisé dans ce récit, comme si le traitement
médiatique de tels faits privés trouvait naturellement sa place dans ces quotidiens. Dans ce
cas là, le monde de l’opinion est neutralisé, le passage du monde domestique au monde
civique n’est pas incarné par un objet du monde de l’opinion et n’est pas justifié. Si dans La
Croix , cet énoncé est le seul qui met en scène le mariage, un autre énoncé dans Le Monde
complexifie l’identification. Pourtant, ce second énoncé ne concerne plus le mariage mais
les commentaires qu’il suscite.
La seconde forme de mise en visibilité de la vie privée des hommes politiques dans
la presse écrite répond à une volonté de « construire le visible ». Cette seconde forme est
particulièrement représentée par la presse people qui investit une temporalité plus longue
du fait de sa parution hebdomadaire. Le lecteur connaît l’information, il l’a lue, vue ou
entendue dans les autres médias. Le narrateur investit alors une rhétorique du secret et de
la révélation pour transformer une information connue en nouveauté.
« Les coulisses d'une cérémonie secrète » « Pourquoi il se sont mariés si vite »
« Tous les secrets de leur mariage » « Les dessous d'un mariage attendu »
« Les dessous d'un mariage secret » « Les dessous d'un mariage express »
1047
« Les raisons secrètes d’un mariage express »
La presse people rend compte et narrativise la mise au secret du mariage, soit en la
confinant dans le monde domestique comme Paris-Match , soit en la déplaçant vers
le monde civique comme un devoir-faire . Ce parcours narratif confirme l’activité du
genre people. L’invisibilité de l’évènement est contournée. Le narrateur crée l’illusion de
visualisation, il donne l’illusion de rendre visible à l’esprit du lecteur quelque chose qui était
alors invisible en narrativisant la difficulté de son faire-savoir. Cette technique sanctionne
négativement la mise au secret du mariage en légitimant l’énonciation. Mais, par ailleurs,
la construction de la visibilité du mariage permet alors de l’instituer comme la performance
principale du récit, comme ce qui se révèle au lecteur.
La troisième réponse à cette injonction à la visibilité consiste à « interroger le visible ». Il
y a deux façons de réaliser cela : la première, déjà évoquée, questionne la visibilité d’un fait
ou d’un évènement, comme ce fut le cas pour la réconciliation de Nicolas Sarkozy et Cécilia
Sarkozy dans la presse quotidienne nationale en janvier 2006. La seconde ne questionne
plus la visibilité mais l’objet visible, comme le fait Libération, le 4 février 2008, en titrant
« Le divorce ». Le journal détourne ainsi la visibilité d’un objet pour en rendre visible un
autre : ici, il détourne la visibilité du mariage pour traiter du problème du pouvoir d’achat
des français. L’Humanité , de son côté, accuse le mariage de détourner les individus des
1046
La Croix du 04/02/2008, Le Monde du 05/02/2008
1047
Gala 765 (x2), Closer 139, Ici-Paris 3266, Point de Vue 3017, VSD 1589, Voici 1053.

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Chap. VII. Après la campagne…

vrais problèmes. La mise en visibilité est ici dévoilée comme un opposant en tant qu’elle
favorise le mariage, épreuve du monde domestique au pouvoir d’achat, objet du monde
civique. Finalement, cette réponse revient à mettre en visibilité l’anti-sujet, celui qui pourrait
être le sujet mais qui ne l’est pas. Nous sommes alors dans le cas de ce que Greimas
définit comme un récit polémique, c'est-à-dire dans la confrontation d’un double parcours :
celui d’un sujet et celui d’un anti-sujet. Le narrateur se place, ici, comme un destinateur-
judicateur sanctionnant les autres acteurs de la médiatisation pour n’avoir pas rendu visible
le bon sujet, ici l’anti-sujet. Mais ce faisant, il ne pose plus la question de la légitimité de cet
évènement à être médiatisé ; la critique est détournée et la médiatisation du mariage est
légitimée, du moment où elle ne nuit pas à la visibilité d’un autre objet. Il y un basculement
de la compétence devoir-ne-pas-faire à celle de pouvoir-ne-pas-faire , de l’impossibilité
à la contingence. De l’autre coté, dans Le Figaro, le mariage est l’adjuvant qui permet,
plus loin, à Nicolas Sarkozy, en tant que sujet, d’être conjoint de l’objet « problèmes des
Français ». Il explicite la performance du mariage en tant qu’adjuvant ; il permet la jonction
entre Nicolas Sarkozy et le bonheur (au travers des mots de Bernadette Chirac : « La
solitude ce n’est jamais bon »), ce qui constitue alors un programme narratif d’usage
permettant, plus loin, le programme narratif de base : la jonction de Nicolas Sarkozy avec les
problèmes des Français. A l’inverse, la visibilité des « difficultés personnelles » de Nicolas
Sarkozy est signifiée comme un opposant. Mais le mariage signe la fin d’une instabilité dans
la vie privée du chef de l’Etat, de là, il n’y a plus rien à médiatiser et plus rien qui détourne
les journalistes et le chef de l’Etat d’objets issus du monde civique.
Ces trois réponses positives à l’injonction à la visibilité du mariage de Nicolas Sarkozy
et Carla Bruni rendent compte du rôle de la visibilité de l’évènement dans le récit. Cette
visibilité ne consiste pas à traiter de son traitement. Il y a déplacement de la fonction de
la visibilité, elle passe de celle d’actant de communication à celle d’actant de narration. La
légitimité de la visibilité comme support de l’énonciation est stabilisée. En conclusion, nous
reviendrons sur ses différentes réponses à la visibilité pour les considérer dans leur rapport
au phénomène de peopolisation comme une action. Mais pour l’instant, revenons sur le cas
de l’accouchement de Rachida Dati.

VII. 1. 3. La maternité de Rachida Dati.


La maternité et l’enfantement sont des rôles typiques féminins : ils sont la matérialité, s’il
en est, de la distinction homme-femme. La figure de la mère renvoie la femme à son corps
propre, mais aussi à ses devoirs de mère et d’épouse, elle est « la survivance d'une
1048
distribution contraignante et stéréotypée des rôles. » . Les femmes qui entrent en
politique choisissent une voie qui rompt avec les rôles attribués traditionnellement aux
femmes.
« Les rôles politiques ont été si longtemps incarnés et définis par des hommes,
1049
qu’ils ont littéralement constitué le « corps légitime » en politique. »
L’ être-mère renvoie la femme au monde domestique alors que l’ être-politique efface la
féminité du corps de la femme pour la déplacer dans le monde civique. Cette contradiction
empêche, comme nous l’avons dit plus tôt, d’être à la fois femme et politique sans qu’il y
ait dénonciation d’un des deux mondes affiliés. La mise en scène de la maternité permet
1048
BERTINI, M-J., « Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002) », Communication et langages, 152, 2007, p. 14
1049
ACHIN, C. & DORLIN, E., « “J’ai changé, toi non plus”, la fabrique d’un-e présidentiable : Sarkozy/Royal au prisme du
genre », 2007, [en ligne : http://www.mouvements.info/J-ai-change-toi-non-plus.html]

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de réassigner la femme politique à son genre et efface dans une certaine mesure son
être politique. La grossesse et l’accouchement de Rachida Dati dévoilent la problématique
contradictoire entre ces deux postures de l’être tout en déployant des dénonciations par
rapport à la situation de cette femme politique dont l’enfant n’a pas de père et qui reprend
son activité quelques jours après son accouchement. La presse people comme la presse
quotidienne nationale interrogent alors le devoir d’épouse, le devoir de mère et de femme
politique.
Les récits annonçant l’accouchement de Rachida Dati installent cinq ingrédients pour
la narration dont les mobilisations et les associations découvrent différentes postures
éditoriales quant à cet évènement. Ces ingrédients narratifs sont l’accouchement et la
naissance de Zohra, l’identité du père, l’ être-mère , d’une part, et l’ être-femme politique
, de l’autre, de Rachida Dati et enfin, le paraître et la popularité de cette dernière. Cette
naissance attendue suit une forte médiatisation de la grossesse de Rachida Dati et de
nombreuses interrogations sur l’identité du père de l’enfant. Nous avons fait le choix de nous
attarder sur les articles suivant la naissance de sa fille. Cette cérémonie relève du monde
domestique modifiant les relations filiales et familiales de Rachida Dati. Pourtant, le statut
de cette mère, personne notoire et membre du gouvernement, projette cette cérémonie
hors de son monde. Prendre le parti du mouvement plutôt que des places nous amène à
saisir comment la narration d’un tel évènement, à partir de postures de dénonciations ou
de justifications, construit les trois espaces de notre objet et définit la maternité et l’activité
politique de Rachida Dati et par là, le rôle de la mère, de la femme et du politique.

VII.1.3.1. La naissance de Zohra ou le bonheur d’être mère.


Aucun récit ne se focalise exclusivement sur la naissance de Zohra, ni sur l’annonce de cette
naissance mais tous évoquent ses conséquences professionnelles et les critiques ou les
attaques que subit Rachida Dati. Pourtant, quatre récits issus exclusivement de la presse
people s’attardent plus majoritairement sur cette cérémonie et le bonheur qu’il peut susciter
pour la mère.

Gala 813 « Le bonheur de Rachida Dati : Sa petite Zohra est arrivée »


Point de Vue 3155 « Zohra, la bonne étoile de Rachida » France-
Dimanche 3254 « Rachida Dati : Ronde d’amour autour de Zohra » Ici-
Paris 3314 « Rachida Dati : Zohra est née »

Le parcours thématique du bonheur est commun à ces quatre récits. La naissance


de Zohra et donc la conjonction entre Zohra et Rachida Dati figure comme le programme
narratif d’usage et comme Destinateur pour la conjonction de Rachida Dati avec le bonheur.
Ce bonheur est justifié, pour Gala et Point de Vue, par la réalisation de « cette envie qui
la taraude depuis une décennie », de « son rêve le plus cher : devenir maman » dont
1050
elle « rêvait (…) depuis plus de dix ans » , tandis que ce bonheur est jugé comme
allant de soi par Ici-Paris et France-Dimanche : le fait de donner la vie étant signifié
par ces deux hebdomadaires comme la « plus belle action », la « plus intense des
1051
émotions », qu’« aucune joie n’égale » . La performance principale de ces articles
réside donc dans le parcours thématique du bonheur, mais celui-ci n’est pas sans encombre
puisque les narrateurs de Gala et Ici-Paris installent des opposants à cette conjonction.

1050
Gala 813, Point de Vue 3155, Gala 813.
1051
Ici-Paris 3314 (x2), France-Dimanche 3254.

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Chap. VII. Après la campagne…

Ces opposants relèvent de l’opinion, ils sont les rumeurs, les critiques, l’hypermédiatisation
de sa grossesse, mais ce sont, cependant, des opposants en posture d’échec.
« Elle encaisse toujours, fière et indépendante. S’agace même durant ces mois
de grossesse, qu’on la pense fatiguée alors que le fait de porter son enfant la
1052
galvanise »
La nuisance ratée de ces critiques au bonheur de Rachida Dati occupe une large part des
propos d’ Ici-Paris . Celui-ci se débraye dans le récit comme à l’origine de l’annonce de sa
grossesse et condamne ses conséquences médiatiques en se désolidarisant des auteurs
de la médiatisation qui a suivi: « Nous avions été les premiers à l’annoncer en songeant
à l’émerveillement que cette nouvelle allait susciter. Nous ne pouvions alors imaginer
que cela allait engendrer une tempête médiatique qui allait souffler dans le mauvais
sens ». Il y a alors les adjuvants au bonheur : le « Nous » du narrateur mais aussi « le
secret de son cœur » et « tous ceux qui ont donné la vie » qui affrontent les opposants :
« la rumeur », « Le magazine Gala », « les suppositions les plus déplacées »,
« l’encre » qui coule , « les questions, les attaques, les suppositions, les doutes
», « ces attaques, ces critiques, ces commentaires, ces remises en question » et
finalement, « le monde au-dehors » mais la sanction du narrateur est sans appel : « elle
a tenu bon (…) tout a disparu. Là, dans cette chambre, il n’y a plus que cela : elle
et elle ». Mais, paradoxalement, dans la condamnation explicite des rumeurs comme des
opposants au bonheur de Rachida Dati, l’hebdomadaire évoque le contenu de ces rumeurs
et l’alimente par là même.
« Et sur cette bague qui a alimenté cent commentaires sans apporter de réponse
à rien et surtout pas sur l’identité de l’être aimé. Pire cela avait été mis en doute :
1053
l’aimait-elle ? Allaient-ils se marier ? »
Ainsi, ces quatre hebdomadaires construisent une figure de la mère comme celle qui
a comblé un vide, un manque, ce plein permettant le bonheur. Dans cette optique,
l’enfantement est signifié comme une part majeure dans la réalisation d’une femme, dans
1054
son épanouissement : « Le but de la vie, c’est de donner la vie » . Ici-Paris interpelle,
d’ailleurs, ses lectrices comme « celles qui ont donné la vie », celles qui comprennent
« l’émerveillement », au risque de stigmatiser une partie de celles-ci : les non-mères .
1055
La naissance de Zohra comme la réalisation d’un rêve, d’un « désir incandescent »
rejoint cette logique chez Gala et Point de Vue : il y a désir parce qu’il y a manque, ce
manque dévoile donc une femme qui n’est pas entière, pas réalisée, parce qu’elle n’a pas
donné la vie. Il y a une glorification de la maternité et du désir d’enfant.
Point de Vue opère, par ailleurs, une véritable investigation sur l’identité du père qui
1056
devient l’objet du récit de Public , explorant la piste de chacun des hommes venus
rendre visite à Rachida Dati et son enfant.
« A l’heure où nous bouclions, la ministre de la justice tenait toujours à
garder son identité secrète. Et les nombreuses visites qu’elle a reçues depuis
l’accouchement n’ont pas permis d’y voir plus clair. Certains sites affirment que
1052
Gala 813
1053
Ici-Paris 3314
1054
Ici-Paris 3314
1055
Gala 813.
1056
Comme l’indique le titre : « Rachida Dati : Elle entretient bien le mystère ! », Public 287.

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le papa est l’ancien premier ministre espagnol José-Maria Aznar, mais ce dernier,
qui a démenti l’information à l’annonce de la grossesse, ne s’est pas montré à la
clinique… »
Ces récits restent dans le confinement du monde domestique et du monde de l’opinion,
mondes typiques de la presse people.

1057
VII.1.3.2. « Chérie, arrête de dire que t’es fatiguée, t’as vu Rachida ! »
Mais de cette cérémonie domestique, les autres titres de notre corpus déplacent leurs
propos vers la compétence d’être mère en confrontation à celle d’être une femme politique.
C’est au travers de cette dernière et dans la distinction des différentes modalités attribuées
à cette compétence que s’opposent les titres de presse.
La médiatisation de cet accouchement connaît deux temps. Du 3 au 7 janvier, la presse
quotidienne nationale annonce la naissance de Zohra. Ces annonces sont brèves et rendent
compte de la naissance en évoquant le sexe et le prénom de l’enfant, le lieu et la date de
l’accouchement ainsi que l’âge de la mère. Mais ces quelques lignes concluent toutes par
un même sujet – le congé maternité de Rachida Dati – en insistant sur sa brièveté.
« La ministre ne devrait s'arrêter que quelques jours. » « Elle avait prévenu
qu’elle ne s’arrêterait que quelques semaines autour de son accouchement.»
« Elle n'a prévu qu' « une petite semaine de congé maternité » » « La garde des
1058
sceaux « continue à suivre l’activité du ministère depuis la clinique »
Finalement, seul Le Figaro s’étend sur le sujet avant le 7 janvier. On y retrouve un
traitement assez proche des titres peoples précédemment cités avec la référence à la mère
de Rachida Dati, le mystère de l’identité du père de l’enfant, la forte médiatisation de sa
grossesse comme opposant à son bonheur. Pourtant, les deux derniers paragraphes se
distinguent de cette couverture de l’information en replaçant l’évènement dans un contexte
historique et en évoquant la situation politique de Rachida Dati.
« L'événement est très rare dans l'histoire de la République. Avant elle, en
1992, Ségolène Royal, ministre dans le gouvernement Bérégovoy, avait donné
naissance à une fille. Florence Parly, secrétaire d'État au Budget dans le
gouvernement Jospin, avait également connu les joies de la maternité. En
Espagne, la ministre de la Défense, Carme Chacon, a accouché d'un petit garçon
1059
en juin dernier. »
Le deuxième temps de la médiatisation de cette naissance émerge le 7 janvier lors de la
sortie de Rachida Dati de la maternité et son retour au ministère, devenant la performance
principale des récits. C’est aussi après cette date que la presse people traite de l’information,
du fait d’une temporalité plus longue d’hebdomadaire. Si la reprise du travail n’est pas la
performance pour Public, Gala, Point de Vue, France-Dimanche et Ici-Paris , comme
1060
nous l’avons vu plus tôt, VSD, Closer et Voici vont se saisir de cette question pour
mettre en scène Rachida Dati et sa nouvelle maternité.
1057
Le Monde du 10/01/09.
1058
Libération et Le Figaro du 03/01/09, Le Monde du 04/01/09 et La Croix du 05/01/09.
1059
Le Figaro du 03/01/09.
1060
La nouvelle de la naissance de Zohra est absente de Paris-Match . Nous reviendrons plus tard sur ce non-traitement,
convergeant avec l’absence de mise en scène des rumeurs d’infidélité en avril 2010.

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Le point commun à tous ces récits réside dans la construction d’une polémique ou
du moins dans l’évocation d’une question qui divise l’opinion. Premier temps de cette
polémique, le 10 janvier, avec Le Monde et Libération qui interroge les conséquences
de cette reprise rapide, remarquable avec une prédominance de la forme interrogative.
« Le congé maternité serait-il un luxe ? " Chérie, arrête de dire que tu es
fatiguée, t'as vu Rachida ! ", deviendra-t-elle la nouvelle blague misogyne du
moment ? (…) Les femmes devraient-elles prouver que donner naissance à un
enfant n'empêche en rien de s'arrêter de travailler et qu'un accouchement ne
serait finalement qu'un rendez-vous parmi d'autres dans un agenda ? (…) Est-
ce ainsi qu'on défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la
naissance renvoie cette maternité express ? Etre une superwoman qui reprend le
travail à peine remise de son accouchement est-il le must de la femme moderne
ou une illustration du " travailler plus pour gagner plus " ?» « Le retour express
de Rachida Dati au turbin, pour le salarié lambda, qu'est ce que ça signifie ? Des
employeurs mal intentionnés vont-ils ériger la jurisprudence Dati en modèle, sans
pour autant faire revenir leurs salariés une semaine après leur accouchement, ce
1061
que le code du travail prohibe ? »
La forme interrogative dévoile une aporie du savoir mais, en même temps, invite le
destinataire comme le destinateur à envisager une réponse. Dans ce sens, la forme
interrogative permet d’interpeller le lecteur en créant une di-vision entre au moins deux
réponses possibles, entre au moins deux positions possibles. Un glissement de cette
1062
posture interrogative vers un registre nettement plus affirmatif s’opère par la suite . La
polémique ou du moins la di-vision de l’opinion est alors déployée dans tous les titres :
« La polémique sur son retour à la chancellerie, cinq jours après son
accouchement » « 56 % des Français estiment que la ministre de la justice,
Rachida Dati, a eu « tort » de reprendre son travail cinq jours après son
accouchement » « Le retour rapide aux affaires de Rachida Dati après son
accouchement a donc continué d'attiser les commentaires ce week-end » « Le
retour aux affaires de Rachida Dati, cinq jours après son accouchement, n'en finit
pas de susciter des remous » « Polémique sur une maman qui dérange » « Un
1063
choix qui divise la France »
C’est par la définition de la compétence de Rachida Dati à reprendre le travail que se
distinguent deux positions face à cette polémique : la dénonciation et la justification. La
première identifie la raison de la reprise rapide comme le résultat de la volonté de Rachida
Dati, accusant un carriérisme et un arrivisme nuisant à la maternité. C’est la position de
Voici qui installe la conjonction de Rachida Dati avec, à la fois, son enfant et son travail
comme relevant de l’ordre du paraître, multipliant les termes issus du monde de l’opinion :
« Perchée sur ses talons aiguilles » « Sa coiffeuse personnelle est venue
à la maternité pour que la photo soit réussie » « Question look, la ministre
connaît son sujet sur le bout des ongles » « Alors que le tous les membres

1061
Le Monde et Libération du 10/01/09
1062
A l’exception du journal Le Monde qui ne couvre ce sujet qu’une nouvelle fois le 13 janvier 2009 avec une interview de Valérie
Pécresse.
1063
Le Figaro , La Croix et Libération du 12/01/09, L’Humanité du 13/01/09, VSD 1638, Voici 1105.

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du gouvernement étaient emmitouflés dans de chauds manteaux, la garde des


sceaux a passé sa journée en tailleur noir Dolce & Gabbana et talons hauts, tout
sourire »
Mais ce paraître de bonheur est battu en brèche par un programme narratif complexe sous-
jacent où Rachida Dati échange sa fille contre son travail, c’est-à dire se disjoint de Zohra
pour se conjoindre avec son travail.
« Elle a confié sa fille à ses sœurs et a filé en direction de la place Beauvau »
« Elle a troqué son bébé contre un dossier du ministère »
La procédure d’échange souligne l’impossibilité d’être conjointe avec les deux objets en
même temps et renforce donc le paraître de cette double conjonction en niant son être. Par
ailleurs, cela oblige à ordonner ces deux objets selon une hiérarchie pour justifier ce choix.
« Ne veut pas perdre l’activité qui fait le sel de sa vie » « Trop heureuse d’être
montée si haut, la ministre ne compte pas sacrifier sa carrière. Son poste de
ministre de la justice, c’est une montée d’adrénaline permanente dont elle n’a
aucune intention de se passer » « Même si la petite Zohra n’est pas forcément
d’accord »
Le travail est signifié comme ayant une grandeur plus forte pour Rachida Dati que son
enfant, un classement sanctionné négativement à partir de la mobilisation d’un expert, « le
professeur C., obstétricien à Toulouse » qui déclare qu’il ne l’aurait « jamais autorisé
à sortir aussi vite de la maternité », qu’il y a des risque physiques pour la ministre et des
« conséquences psychologiques » pour l’enfant : « Dans le premiers jours de sa vie,
le contact mère-enfant est fondamental : il est structurant pour l’équilibre du bébé (…)
Privé de ces moments, le nourrisson peut se sentir perdu. Même si c’est la famille qui
garde le bébé pendant que Maman retravaille. » Cette impossibilité d’être, à la fois, mère
et ministre, cette sanction négative de ce choix par l’expert et la sanction négative de la
manipulation par le paraître de Rachida Dati construisent une figure d’une femme carriériste
en même temps que celle de la mauvaise mère. Ces figures ne sont possibles que, dès
lors où Rachida Dati est le sujet de faire, à la fois Destinateur et sujet de la performance,
dévoilant une compétence de vouloir-faire .
La posture de dénonciation prend une autre forme pour Libération et Le Monde,
elle est le résultat d’un ne-pas-pouvoir-ne-pas-faire déplaçant la figure du coupable de
Rachida Dati à Nicolas Sarkozy et ses conseillers. Dans Libération , ils sont le sujet de la
performance qui consiste en un « dézinguage », à « exfiltrer la dame du gouvernement
», à « zapper et dévorer ses vedettes », à « débiner ». Rachida Dati, dans ce récit,
est alors l’opposant dont la seule compétence est de ne-pas-pouvoir-ne-pas-reprendre
1064
le travail . La dénonciation de Nicolas Sarkozy est présente dans le journal Le Monde
bien que son débrayement sous la forme interrogative et conditionnelle ne soit pas aussi
forte: « A moins que Mme Dati ait eu peur de perdre son emploi... Nicolas Sarkozy
n'a-t-il pas concocté le projet de supprimer le juge d'instruction alors que la garde
des sceaux était à la maternité ? Le travail de ministre est un travail précaire. »
1065
. Pourtant, cette déresponsabilisation n’est pas complète, car Libération dans un autre
énoncé paru le même jour, invoque un « choix » de la part de Rachida Dati, le choix nie
1066
donc l’impossibilité ou l’obligation . Ce choix est dénoncé dans ses conséquences non
1064
Libération du 10/01/09
1065
Le Monde du10/01/09
1066
Libération du 10/01/09

300

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plus au niveau du monde domestique, comme Voici le fait, mais dans le monde civique, et,
plus précisément à partir du droit des femmes à cumuler enfant et emploi et celui de prendre
un congé maternité. C’est la figure du mauvais exemple qui est installée ici. On retrouve,
une fois encore, le journal Le Monde , qui s’attarde sur le combat pour le droit au congé
maternité et invite à questionner l’exemple de Rachida Dati.
« Le congé maternité a été un long combat. Il n'est rémunéré à hauteur de 90 %
du salaire brut que depuis 1970. Et les femmes exerçant une profession libérale
ou les agricultrices ont dû se battre pour obtenir un congé décent. Depuis 1992,
une directive européenne oblige les Etats membres à garantir un minimum
de quatorze semaines de congé maternité. En octobre 2008, la Commission
européenne a proposé de porter cette durée minimale à dix-huit semaines. (…)
Mme Dati, elle, ne s'est accordé que quatre petits jours dans un pays où les
femmes bénéficient de seize semaines de congé maternité. Est-ce ainsi qu'on
défend la cause des femmes ? Quelle image des femmes et de la naissance
renvoie cette maternité express ? Etre une superwoman qui reprend le travail à
peine remise de son accouchement est-il le must de la femme moderne ou une
1067
illustration du « travailler plus pour gagner plus »? »
Le Figaro , VSD et Closer , de leur côté, mobilisent la compétence de pouvoir- faire dans
un souci de justification de la reprise de travail de Rachida Dati. Cette possibilité est celle
de combiner maternité et carrière, comme celle de pouvoir abréger son congé maternité.
« Cette cérémonie solennelle fût, si l’on ose, une promenade de santé. » « C’est
1068
reparti pour une journée de femme politique comme les autres »
Cette sanction est augmentée de l’avis d’experts confirmant cette possibilité et amplifiée par
une sanction négative de la polémique que le sujet suscite. Les hebdomadaires renvoient
ce choix à l’espace du privé et condamnent son déplacement dans le monde de l’opinion.
« Le professeur Michel Tournaire, spécialiste en gynécologie et obstétrique,
assure le contraire : Une césarienne est opération sérieuse et fatiguante mais sur
le plan médical, il n’y a pas de danger particulier à quitter l’hôpital et retravailler
seulement cinq jours après » « Un héraut médiatique de la médecine nuance
le débat : « (…) Chaque femme est très différente : ce n’est pas non plus une
anomalie d’agir comme ainsi » « D’autres lui reprochent de ne pas s’occuper
de sa fille, pourtant Rachida a tout prévu. Deux de ses sœurs cadettes se sont
installées chez elle pour s’occuper de son bébé. Faute d’une maman, Zohra en a
1069
trois. » « Il n’y a pas lieux de faire des polémiques, c’est un choix personnel
qui ne vient en rien contester le droit des femmes », confie la secrétaire d’Etat à
1070
l’Ecologie » « Mme Chirac a évoqué une « inégalité » après l'accouchement

1067
Le Monde du 10/01/09
1068
VSD 1638, Closer 187.
1069
Closer 187, VSD 1638, Closer 187.
1070
Il est intéressant de voir que ce même expert, mais dans une autre parole, est cité par Libération pour condamner le
choix de Rachida Dati

301

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entre des femmes « fatiguées » et d'autres qui le sont moins, affirmant que
1071
Rachida Dati « se sent tout à fait d'attaque pour travailler ». »
Le Figaro consacre un article, par ailleurs, à la parole de chefs d’entreprise cumulant
maternité et carrière : « Ces femmes dirigeantes qui renoncent à leur congé
maternité ». Cet article confirme le pouvoir-faire de Rachida Dati. Cette signification
s’amplifie dans la comparaison à un article de même type paru dans Libération :
« Six personnalités commentent le choix de Rachida Dati » qui installe la parole de
personnalités condamnant le choix de Rachida Dati.
On repère un déplacement de la polémique du monde domestique vers le monde
civique dans la presse quotidienne nationale alors que ce dernier, bien qu’évoqué, ne
contient pas les grandeurs installées dans les récits de presse people. Le monde de
l’opinion, quant à lui est omniprésent, dans tous les récits. Il est incarné à la fois par
l’énonciation même de la polémique mais aussi comme un être de papier, tantôt adjuvant
ou opposant selon la performance mise en scène. Le seul article de L’Humanité dédié
à ce sujet s’attarde précisément sur la polémique en tant que telle et procède donc d’un
traitement par méta-communication. Il traite de son traitement, ce qui lui permet de rendre
compte des différentes positions d’hommes et femmes politiques sur le sujet et de conclure
sur l’indécence d’un tel débat au travers de la parole de Nathalie Arthaud en le sanctionnant
par son désintérêt du «sort des femmes qui sont caissières, employées de bureau,
ouvrières et qui ont bien des problèmes, ne serait-ce que pour trouver une place en
crèche pour leur enfant », une critique que l’on retrouve chez Libération , au travers
des personnalités invitées à commenter le choix de Rachida Dati et dans l’article intitulé :
« Si vous n'êtes pas ministre... »
Pour résumer, nous repérons deux mouvements dans ces récits : la justification et
la dénonciation. Le mouvement de la justification reste dans le confinement du monde
domestique pour Point de Vue , France-Dimanche et Public . Mais ce même mouvement
déploie un arrangement entre monde civique et monde domestique pour Closer , un
arrangement mobilisé contre le monde de l’opinion pour VSD et Le Figaro . Le mouvement
de la dénonciation est celui opéré par Ici-Paris et Gala condamnant l’influence du monde
de l’opinion sur le monde domestique. Voici , Le Monde et Libération installent cette
dénonciation entre le monde civique et le monde domestique, tandis que pour L’Humanité
, elle tient entre le monde de l’opinion et le monde civique. La Croix installent les éléments
narratifs pour une dénonciation entre monde de l’opinion et monde civique mais s’arrêtent
1072
avant celle-ci et ne prend finalement pas part à sa mise en scène .
Ces mouvements construisent par ailleurs des espaces ; ces espaces sont les lieux
d’incarnation de Rachida Dati, et plus précisément les lieux d’incarnation de son corps
propre. Que son être-politique et son être-mère soit le fruit d’un arrangement entre les deux
ou d’une dénonciation, il y a, avant le processus de mise en scène, un postulat de séparation
de ces deux corps dans chacun des récits. Une phrase de VSD retient notre attention
parce qu’elle rend compte particulièrement de cela.
1073
« Dati l’avait promis, Rachida l’a fait »
Cette distinction dans le corps du nom propre désolidarise le corps propre de Rachida Dati,
comme si sa part politique et sa part intime constituaient deux personnages distincts du
1071
VSD 1638, Le Figaro du 13/01/08.
1072
Nous reviendrons en conclusion sur la particularité de La Croix.
1073
VSD 1638

302

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récit. Le mouvement rend compte d’une dissociation d’espaces dans laquelle il peut alors se
mouvoir. Les variations identitaires de Rachida Dati explorent différents êtres qui agissent
1074
comme différents espaces d’engagement et installent les deux corps du roi, ou plutôt les
1075
trois, si le paraître peut être considéré comme un être .
Si les récits sur le mariage ont questionné la visibilité d’une cérémonie invisible et les
réponses à l’injonction de visibilité du mariage comme évènement, les récits sur la maternité
de Rachida Dati dissocient les espaces pour dissocier le corps propre de Rachida Dati
et retrouve la question de l’incarnation et des deux corps du toi. Un dernier évènement,
une rumeur, réfléchit la question de la communication à partir de la propagation et de la
transformation des rumeurs d’infidélité dans le couple présidentiel.

VII. 1. 4. Itinéraire d’une rumeur d’infidélités au complot politique.


Il y a eu la rumeur, puis la rumeur sur la rumeur. Il y a les accusés de la première rumeur qui
deviennent les accusateurs dans la seconde, puis les accusés de la seconde qui accusent
les premiers. Les différents niveaux et les différentes branches des rumeurs occasionnent
une confusion et une cacophonie que la presse va largement mettre en scène. Notre travail
d’analyse s’est avéré complexe du fait de cette multitude de performances, de personnages
et cette redéfinition constante de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont. Avant d’en rendre compte,
il nous semble inévitable de dresser un portrait – le plus clair possible, tentons-nous – de
1076
ces rumeurs et de ses personnages .

Phase de la rumeur n°1. Fin janvier 2010 : une rumeur circulerait dans les salles de
rédactions des différents organes de presse selon laquelle Carla Bruni et Nicolas Sarkozy
auraient tous deux une relation extraconjugale. Fin février, début mars : la rumeur est
rendue publique sur des blogs et Twitter : elle met en scène Carla Bruni, Benjamin Biolay
et Nicolas Sarkozy. 6 mars : Interview de Carla-Bruni par une journaliste britannique de
Skynews. La journaliste l’interroge sur les rumeurs d’infidélité concernant son mari, Carla Bruni
nie. 7 mars : La rumeur est évoquée sous la forme d’une allusion cryptée sur la chaîne I-Télé
dans un commentaire sur les victoires de la Musique. 9 mars : La rumeur est explicitement
mise en scène sur un blog hébergé par le JDD.fr. Le nom de Chantal Jouanno apparaît pour
la première fois. Elle ne reste en ligne que quelques heures et est remplacée par l’annonce
suivante : « En raison du caractère gravement attentatoire à la vie privée des propos tenus,
la rédaction du JDD.fr a décidé de supprimer ce post . » France Info évoque une rumeur
sans autre précision et signale que les utilisateurs de Twitter peuvent se voir poursuivis pour
diffamation. 10 mars : Plus de 700 sites relaient l’information. La presse internationale se
saisit de l’information et la publie en Une. 12 mars : Nicolas Sarkozy est interrogé sur les
rumeurs, qu’il qualifie d’ « élucubrations » 13 et 15 mars : Première apparition dans la presse
people en Une de Voici (le 13 mars) puis en Une de Closer (le 15 mars).

Phase du commérage n°2. 22 mars : Le groupe Lagardère (propriétaire du JDD.fr)


annonce la démission du directeur des opérations du groupe Newsweb et de l’auteur du post
1074
THEVENOT, 2006, op. cit.
1075
Cette question délicate sera reprise en conclusion.
1076
Par les numéros des rumeurs, commérages ou scandale, nous distinguons les contenus des différents médiats. La rumeur est
dite n°1 tandis que le commérage ou le scandale sont dits n°2 parce que, comme nous le verrons, le contenu de ces médiats n’est
plus le même : les infidélités pour les médiats n°1, l’identité des propagateurs de la rumeur pour les médiats n°2.

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sur le JDD.fr : « Le 21 mars, le Directeur Général des opérations de la société Newsweb,


filiale de Lagardère Active et prestataire de services du JDD.fr, a reconnu qu’un de ses
collaborateurs non journaliste était l’auteur du blog. La démission de l’un et de l’autre ont été
acceptées. » 28 mars : Le Nouvel Observateur révèle que le groupe Lagardère a déposé
plainte contre X, le 25 mars. 31 mars : Le Canard Enchainé révèle que Rachida Dati se
serait vue privée de voiture de fonction et de gardes du corps par Nicolas Sarkozy car elle
ferait partie de ceux qui auraient diffusé les rumeurs. La semaine suivante, Claude Guéant
reconnaîtra avoir donné cette information au Canard Enchaîné. VSD évoque la rumeur
dans un article consacré à Chantal Jouanno. 3 avril : Première évocation de la rumeur
dans le journal Le Monde. Phase du scandale n°2. 4 avril : Le site Rue 89 publie une
interview de Pierre Charon, conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, dénonçant « un
complot organisé » : il évoque l’existence d’une enquête. Rachida Dati publie un communiqué
dans lequel elle « proteste avec indignation contre les allégations de certains organes de
presse lui prêtant une quelconque responsabilité dans la propagation de rumeurs absurdes
et inadmissibles sur la vie privée du couple présidentiel » et « se réserve le droit d'agir en
diffamation contre ceux qui reprendraient cette allégation dénuée de tout fondement et la
reliant de surcroît à la suppression naturelle de sa protection policière, présentée comme
une sanction ». 5 avril : Libération évoque la rumeur, pour la première fois, dans la rubrique
« en bref ». 6 avril : Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, annonce sur RTL que cette
rumeur « n'est certainement pas neutre » et que « quelqu’un est derrière la propagation de
ces rumeurs ». Le reste de la presse quotidienne nationale et Point de Vue s’emparent du
sujet. 7 avril : Carla Bruni répond à la rumeur sur Europe 1 : elle nie la rumeur, le complot,
l’enquête et la responsabilité de Rachida Dati. Le même jour, Bernard Squarcini, directeur de
la direction centrale du renseignement intérieur contredit Carla Bruni en confirmant l’existence
d’une enquête. 14 et 16 avril : Gala et Public traitent de l’affaire.

VII.1.4.1. De la rumeur au commérage et au scandale.


Cette complexité et cette diversité de la rumeur contiennent précisément un de ses
principes.
« Il faut reconnaître la diversité des rumeurs. Phénomènes de contagion sociale,
1077
elles s'apparentent, analogiquement, aux épidémies. »
1078
La rumeur est « un cas particulier du « on dit ». » , c’est l’amplification de ce dernier qui
1079
va permettre l’émergence de la première : elle est de l’ordre de « l’histoire chaude »
dont la propagation est chaotique. Parler de rumeur insiste donc sur un caractère anarchique
et non contrôlé de l’information et de sa diffusion. Ce terme est celui qui émerge dès ses
premières évocations dans l’espace public, et plus particulièrement dans notre corpus. Mais,
il va vite faire place à d’autres : commérage, polémique, scandale, affaire, complot. Autant de
termes qui tiennent en leur sein la nature de la communication et les mondes dans lesquels
elle se déploie et qui vont nous permettre d’appréhender un itinéraire dans sa légitimation
de diffusion.
L’adultère est un objet du monde domestique, il est issu du registre intime et de la
sexualité. Jean-Noël Kapferer a identifié celle-ci comme l’un des sept thèmes récurrents

1077
PAILLARD B., « L'écho de la rumeur. », Communications, n°52, 1990, p. 130.
1078
Ibid. p. 131.
1079
BARTHES R., « L'écriture de l'événement », Communications, n°12, 1968, p. 108.

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Chap. VII. Après la campagne…

1080
de la rumeur politique . Selon ce même auteur, le « potin » est le contenu de la
rumeur. La rumeur est donc le média qui permet au potin de se propager. Dès lors, dès
que la sexualité devient potin, elle perd son caractère exclusivement domestique et se
déplace vers le monde de l’opinion. La rumeur doit se comprendre comme un processus
de diffusion qui permet à son contenu de se propager sans qu’on ne puisse identifier la
source mais qu’on peut suivre à la trace. La rumeur est un récit, nous dit Jules Gritti, mais,
plus encore, elle est un récit en train de se faire, la rumeur par sa propagation se modifie
et se transforme sans cesse empêchant de la saisir comme un récit clôt, « elle est récit
1081
troué, en état permanent de colmatage » . Dans notre corpus, quand il est question de
la première rumeur, celle des relations extraconjugales de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni
(que nous nommerons rumeur n°1), les journaux ne se font pas narrateurs de la rumeur,
ils ne discutent, ni ne commentent, ni ne décrivent son contenu : ils ne participent pas à
son récit. Cette posture explique le silence de la presse française lors de l’émergence de
la nouvelle dans l’espace public. Quand ils se saisissent de la rumeur, ils adoptent une
posture de méta-communication : ils traitent de la rumeur comme un média. Nous trouvons,
cependant, dans notre corpus de presse quotidienne nationale quelques explicitations du
contenu de la rumeur n°1.
« Supposées liaisons extraconjugales du couple présidentiel » « La description
des déboires conjugaux présidentiels » « Supposées histoires d'infidélités
au sein du couple présidentiel » « Supposées infidélités au sein du couple
présidentiel » « Supposées difficultés du couple présidentiel » « Pour
les rumeurs sur sa vie conjugale » « Rumeurs de mésententes du couple
présidentiel » « Sur fond de rumeurs d’infidélités du couple présidentiel »
« Bruissent les rumeurs d’infidélités autour du couple présidentiel « La
« rumeur » sur les infidélités de couple présidentiel » « Rumeurs sur la
1082 1083
mésantante du couple Sarkosy »
Ces mises en scène sont mobilisées soit comme le produit de l’énonciation d’un autre,
soit dans la suspicion de fausseté. Finalement, de façon dominante, la presse quotidienne
reste vague sur la rumeur n°1 et évoque principalement des rumeurs … Dans notre
corpus de presse quotidienne nationale composé de quarante-six articles, les noms de
Benjamin Biolay et de Chantal Jouanno ne sont jamais énoncés, prouvant que ce n’est pas
le récit comme énoncé mais le récit comme énonciation qui intéresse la presse quotidienne
nationale. L’objet de leur discours n’est donc pas le récit de la rumeur mais sa diffusion.
« Pour les médias, la rumeur est toujours l'information de l'autre, l'information
1084
qu'on ne peut pas donner, et une information probablement fausse. »
Dans leur couverture de la rumeur n°1, il y a donc un refus intrinsèque de la part des
narrateurs à considérer, à diffuser ce qu’elle dit et à participer à son élaboration.
« Les journalistes désignent comme rumeurs ce qu'ils répugnent à nommer
autrement (…) La qualification de rumeurs permet en effet aux journalistes
1080
KAPFERER J-N., Rumeurs. Le plus vieux média du monde, [1ère éd. 1987] Paris : Le Seuil, 1990, p. 251.
1081
GRITTI, J., Elle court, elle court la rumeur , Ottawa : Ed. Internationales Alain Stanké Ltée, 1978, p. 88-89.
1082
Notons que les fautes d’orthographes sont apparues comme telles dans Libération.
1083
Le Figaro du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, Le Figaro du 08/04/10, Le Monde du 08/04/10,
Libération du 08/04/10, Le Monde du 09/04/10 (x2), L’Humanité du 09/04/10, Libération du 09/04/10
1084
TAIEB, E., « Rumeurs politiques et régime médiatique : la mort d'Arafat », Quaderni, 58, 2005, p. 5.

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Médias, politique et vie privée

de rappeler l'écart entre un corps social perméable aux rumeurs et qui les
fabriquerait, et une presse qui en serait exempte et ne ferait que les relayer ou les
1085
dénoncer. »
Seuls Voici et Closer se saisissent de la rumeur n°1 et participent à son récit, lors de
1086
la première phase de la rumeur . Ils sont des « relais passifs », c’est-à-dire déclarés
comme peu convaincus « par la rumeur. Néanmoins, un léger doute a été instillé dans
leur esprit. Ils ne militent pas contre la rumeur, ni ne se cantonnent dans un mutisme
1087
neutre : soupçonneux, ils interrogent. » . Closer énonce explicitement ses doutes
sur le couple.
« Les gestes sont moins tendres, les attitudes plus figées » « Autant d’éléments
qui ne prouvent rien. Mais qui laissent subsister le doute »
Voici , plus réticent à la rumeur n°1 a priori, construit son récit autour d’une performance :
Nicolas Sarkozy est conjoint à Carla Bruni. Pourtant, l’analyse de ce récit montre un doute
de la part du narrateur, sous-jacent à cette performance. Cette hésitation est incarnée par
le Destinateur de la performance qui est le monde de l’opinion, et plus particulièrement la
rumeur.
« Absurde, grotesque, impossible ? Quoiqu’il en soit, les intéressés ne pouvaient
pas laissés courir de tels bruits sans contre-attaquer. Ce n’est sûrement pas un
hasard s’ils se sont offert une escapade en amoureux au cap Nègre. » « Pour
tordre le cou aux rumeurs, notre « first couple » n’a pas ménagé ses efforts et ses
effets »
Le doute est débrayé subtilement : si la performance semble nier la rumeur, le Destinateur
installe cette performance dans le monde de l’opinion, laissant libre les suppositions quant
à l’être du couple dans le monde domestique, une sanction que l’on retrouve dans la titraille
et la rhétorique du paraître : « ils semblent plus unis que jamais ».
A partir de fin mars, un tournant dans la rumeur entraîne sa couverture médiatique
dans les autres titres de notre corpus. Cinq dates basculent la rumeur dans la phase du
commérage : le 22 mars et la démission de directeur d’opération de Newsweb et de l’auteur
du blog ayant publié la rumeur, le 28 mars avec la révélation du dépôt de la plainte contre
X par le groupe Lagardère, le 31 mars et la révélation de soupçon autour de Rachida Dati,
et enfin les déclarations de Pierre Charon et Thierry Herzog, les 4 et 6 avril. Ces dates
constituent une rupture dans la rumeur, voire sa clôture, en tant qu’elle désigne et dénonce
1088
ses sources. Le commérage se distingue de la rumeur par l’existence d’une source . Si la
1089
rumeur est une « œuvre collective » dont la source n’est pas identifiable, le commérage
1090
est le (mé)fait d’un énonciateur : la commère . Pourtant, si le commérage est rattaché à
1085
Ibid. p. 5.
1086
Voici 1166, Closer 248.
1087
KAPFERER, 1987, op. cit. p. 114.
1088
KAPFERER, 1987,op. cit. p. 28.
1089
Ibid. p. 112.
1090
Le terme est féminin et révèle une association entre femme et commérage très répandue dans l’imaginaire collectif. Le
terme de « commérage » vient du latin « commater » qui désigne la marraine. Kapferer indique que le sens en lien avec la femme
a été maintenu par l’idée que, dans les sociétés patriarcales, « privées de la vie publique, les femmes rendaient publique la vie
privée » (Kapferer, 1987, op. cit. p. 116). Notons que cette même association existe dans la langue anglaise puisque que « gossip
» vient de « god-sib », c'est-à-dire « la marraine ».

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Chap. VII. Après la campagne…

son énonciateur, son énonciateur reste caché dans l’espace limité de son énonciation : le
commérage est anonyme. Une commère est un accusateur caché ; l’accusation proférée au
1091
travers d’un commérage coûte moins à son accusateur que dans le cas d’un scandale . Le
commérage est donc « une forme tronquée, oblique, limitée d’accusations publiques
1092
» tandis que le scandale est la « mise en accusation publique qui conduit, sans
coup férir, au châtiment, unanimement reconnu comme légitime et souhaitable, de
1093
l’accusé » .
Dans le cas des relations extraconjugales de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, nous
sommes face à une rumeur, à un « son audible » qui s’élève de la multiplicité. La rumeur
devient un commérage au moment où sont identifiés, à juste titre ou non, ses accusateurs.
Mais l’itinéraire est complexe, ce passage vers le commérage est le produit d’un commérage
second. Le commérage est un exercice de tolérance : « il sépare la faute de sa sanction
1094
» . En effet, selon Lemieux, l’accusation proférée dans le commérage, par son espace
restreint et limité, reste au stade d’une accusation flottante et tolérante : « la confrontation
1095
publique n’a jamais lieu » . Pourtant, dans la deuxième phase de notre objet d’étude,
ce ne sont pas Nicolas Sarkozy et Carla Bruni qui sont mis en accusation mais Rachida
Dati. La rumeur n°1 devient commérage n°1 au travers de la parole de Pierre Charon,
Thierry Herzog et Claude Guéant. En identifiant un auteur de la rumeur, il la transforme en
commérage. Mais ce commérage reste incertain et n’atteint jamais la phase du scandale
car il n’est jamais rendu public par ses propres énonciateurs. L’objet de l’accusation est
déplacé. L’accusateur prétendu (Rachida Dati) dans le commérage n°1 devient l’accusé
dans le commérage n°2. La publicisation du commérage n°2 le bascule alors dans la phase
1096
du scandale n°2 .

VII.1.4.2. Les personnages de la rumeur.


1097
« Si la rumeur est une épidémie, elle a un agent infectieux » : la presse écrite
française organise ses récits dans l’idée d’identifier les sources et les causes de la rumeur
pour dévoiler ses conséquences. La distinction des personnages de cette rumeur se dévoile
sur trois axes : celui du dommage avec les victimes et les coupables, celui de la faute avec
les accusés et les accusateurs et celui de la diffusion avec les propagateurs et les silencieux.
Lors de la phase de la rumeur n°1, les accusés sont Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.
Cette phase est soumise à une investigation réduite, la presse française refusant le rôle
de propagateur. Pourtant, dans notre corpus, trois récits paraissent dans Closer et Voici
lors de cette phase. Le rôle des accusés est, sans conteste, rempli par Nicolas Sarkozy et
Carla Bruni dans Closer .
1091
LEMIEUX, C., « L’accusation tolérante. Remarques sur les rapports entre commérage, scandale et affaire. », Boltanski,
L., Claverie, E., & al. (dir.) Affaires, scandale et grandes causes. De Socrate à Pinochet , Paris : Ed. Stock, 2007, p. 389.
1092
Ibid. p. 378.
1093
Ibid. p. 367.
1094
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 377.
1095
Ibid. p. 381.
1096
Ainsi, dans notre étude il n’y a qu’un scandale. Le commérage n°1 n’ayant jamais été transformé en scandale n°1. Dans
un souci de clarté, nous nommerons le scandale observé : « scandale n°2 », même si le n°1 n’existe pas, pour insister sur le fait qu’il
est le produit du commérage n°2 et non du n°1.
1097
PAILLARD, 1990, op. cit. p. 130.

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« Qu’apprend-on sur la toile ? Que Carla Bruni serait « désormais amoureuse »


d’un chanteur ténébreux aux cheveux longs « et aurait déjà emménagé chez lui »
tandis que « Nicolas Sarkozy aurait quant à lui trouvé du réconfort » auprès d’une
secrétaire d’Etat. » « Faisant état de nouvelles romances entamées de part et
1098
d’autre » « Carla Bruni est fidèle… à sa coiffeuse »
La faute est donc celle des accusés qui transgressent une norme. Pour Voici , la faute est
déplacée. Le récit n’évoque aucune relation extraconjugale, ni infidélité. La rumeur porte sur
« une crise dans le couple », elle le dit « au bord de la rupture » et prédit « l’explosion
dans le couple présidentiel français ». Si la rumeur n°1 dénonce la transgression d’une
norme, une faute, comme Closer le souligne, Voici se tait sur ce fait mais insiste sur le
dommage. La faute est commise par la rumeur : Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ont, ici, le
rôle de victimes. Ces deux récits se rejoignent, cependant, sur l’attribution du rôle d’adjuvant
1099
à la diffusion de la rumeur : Internet, la presse internationale et le « Tout-Paris » .
L’incarnation des propagateurs est, par ailleurs, renforcée dans chacun de ces récits avec
un encart sur l’itinéraire de la rumeur pour Closer et sur la couverture médiatique de la
rumeur dans la presse internationale pour Voici .
Les autres récits de notre corpus paraissent avec l’émergence du commérage n°2. Les
journaux vont se saisir de ce fait alors pour légitimer la rupture dans leur refus de couvrir
la rumeur n°1.
« Les médias français, qui distinguent traditionnellement la vie publique et la vie
privée des hommes politiques, ont traité le sujet a minima. Mais l'affaire a rebondi
pendant le week-end pascal, quand le JDD a annoncé … » « Le journalisme
est un métier parfois bien compliqué. Que faire en pareilles circonstances ?
Se mettre, comme nous y incite ce conseiller du chef de l'Etat, sur la piste
du complot et des mouvements financiers ? » « Peu repris en France, les
ragots sur la vie privée des époux Sarkozy s'éteignaient doucement quand
l'avocat de l'Elysée les a brutalement réactivés hier sur RTL, n'hésitant pas à
évoquer une "machination" (…) Fin de l'histoire ? Non, cette fois c'est l'Elysée
qui remet dix balles dans le juke-box à rumeurs. » « L'affaire aurait pu rester
circonscrite si M. Charon n'avait confié qu'il soupçonnait Rachida Dati » « La
presse française prend discrètement acte du démenti, et l'affaire semble enterrée.
L'affaire repart lorsque (…) Mme Dati est soupçonnée par l'entourage présidentiel
d'avoir propagé la rumeur » « On n’arrête pas une rumeur. En tout cas pas en
essayant… de l’arrêter. C’est vieux comme la sagesse et comme la malfaisance.
La dénoncer c’est la répandre. » « Nicoléon a donc réclamé qu’on remue la
1100
rumeur en donnant les chiens. »
Les narrateurs identifient une coupure dans l’évènement. La participation des acteurs
politiques à la rumeur permet de justifier leur énonciation. Trois types de victimes se croisent
et s’opposent dans notre corpus : il y a Carla Bruni et Nicolas Sarkozy, sujets de la rumeur
n°1, il y a Rachida Dati, sujet de la rumeur n°2, et il y a les Français et l’opinion publique.

1098
Closer 248 (x2), Closer 249.
1099
Voici 1166 (x2), Closer 248 (x3)
1100
Le Figaro du 07/04/10, Le Monde du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, Le Monde du 10/04/10, La
Croix du 10/04/10, L’Humanité du 10/04/10.

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Chap. VII. Après la campagne…

Les premiers sont peu mis en scène comme victimes dans notre corpus du fait du
refus de la presse française à être le propagateur de la rumeur n°1. Pourtant, dans Le
Figaro, la figure de la victime est incarnée par Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais aussi plus
généralement par l’Elysée qui est une victime collatérale de la rumeur. La figure du bourreau
est remplie alors par celui qui incarne le rôle de l’accusateur : la rumeur. Ce n’est qu’au
travers des citations qu’émerge un coupable plus précis – Internet –, désigné au travers de
la reprise du discours de Nadine Morano ou de Nicolas Sarkozy, discours qui ne sont cités
1101
dans aucun autre titre de notre corpus . Cette posture particulière du Figaro se retrouve
dans la sanction attribuée au discours de Carla Bruni sur Europe 1 et sur les derniers
articles de notre corpus. En effet, Le Figaro sanctionne positivement le discours de la
1102
première dame : « Carla Bruni tourne la page des rumeurs » . Il est le seul journal à
ne pas évoquer le démenti de la part de Bernard Squarcini sur l’existence d’une enquête,
ce qui empêche de considérer une suite à la rumeur et permet au discours de Carla Bruni
de disjoindre le couple présidentiel et les Français de la rumeur.

Carla Bruni (destinateur) → CB et NS ∩ Rumeur → NS U Français.

Dans les autres titres de notre corpus, la figure de la victime n’est pas incarnée par
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais par les Français. Ce déplacement s’opère à partir de
l’interprétation du commérage n°2 qui tient du scandale par sa publicisation. Le commérage
n°2 accusant Rachida Dati d’être l’instigatrice du commérage n°1 se transforme en scandale
au moment où Le Canard Enchainé et Le Nouvel Observateur le mettent en scène
et au moment des déclarations publiques de Pierre Charon et de Thierry Herzog. Si, dans
le commérage, la commère est anonyme, invisible, l’accusateur devient public lors du
passage du commérage au scandale. On remarque qu’avant le 28 mars, cette désignation
de l’instigatrice tenait encore du commérage et constituait « en ce sens un moyen
efficace pour l’accusateur de ne pas avoir à payer le coût de l’acte de langage public
1103
qui ouvrira le scandale » . Mais, dès lors que cette accusation est rendue publique,
1104
l’accusateur se voit « devenir lui-même l’objet d’accusations » . Nous retrouvons
1105
dans la presse quotidienne nationale une dénonciation de cette pratique de mise en
accusation publique.
« Le communicant [Pierre Charon] évoque les rumeurs qui ont circulé sur le
Net à propos du couple présidentiel. Il crie au complot après avoir monté en
spectacle la vie privée du chef de l’État. La comédie continue. » « M. Charon
est un client. L’une des voix autorisée de l’Elysée mais aussi une grande gueule
façon Tontons Flingueurs » « Du pouvoir puisque tout se joue autour du chef de
l'Etat et de son premier cercle avec des ministres et ex-ministres (Brice Hortefeux
vs Rachida Dati) s'accusant des pires turpitudes et multipliant les coups bas.
Des conseillers du prince à la manœuvre (Pierre Charon, Franck Louvrier) et
des avocats vedettes (Me Thierry Herzog, Me Georges Kiejman) qui lâchent des
mots comme "complot", "officines", "entreprise de déstabilisation" avec des
1101
Le Figaro du 08/04/10, Le Figaro du 09/04/10
1102
Le Figaro du 08/04/10
1103
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 389.
1104
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 390.
1105
A l’exception du journal Le Figaro .

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ramifications financières.» « C’est ce qu’avait fait la presse française jusqu’à ces


derniers jours. Elle avait montré qu’elle savait se tenir. Et puis, par l’effet d’une
fureur toute humaine déclenchée en haut lieu, la voici comme autorisée à sortir
1106
de sa réserve. »
Pierre Charon et Thierry Herzog passent du rôle d’accusateurs au rôle d’accusés dans Le
Monde , Libération et L’Humanité.

PC ou TH U accusations publiques (PN d’usage) → Médias U devoir-dire → Français U Affaire


médiatique.

Si Nicolas Sarkozy est une victime pour Le Figaro, il incarne le coupable dans
ces trois quotidiens : il est le Destinateur des discours de Pierre Charon et Thierry
Herzog comme le Destinateur du dépôt de plainte du JDD .
« Contrairement à ses habitudes en matière de diffamation, M. Sarkozy ne contre-
attaque pas lui-même sur le plan judiciaire. Il laisse le soin au groupe Lagardère
de déposer une plainte contre X » « En début de semaine, l'Elysée avait sorti, via
le conseiller Pierre Charon et l'avocat du président Thierry Herzog, le scénario
d'un complot de l'anti-France, associé à Rachida Dati, visant à déstabiliser la
présidence de la République à travers des rumeurs de mésentente du couple
présidentiel » « Pour la plupart des députés, il paraît exclu que M. Charon ait
pris l'initiative de cette contre-attaque sans en référer à qui de droit. » « Des
jours de folie pure viennent de s’écouler, durant lesquels un pseudo-chef de
l’État a polémiqué par conseillers interposés avec son ex-garde des Sceaux(…)
1107
Décryptage : Nicoléon a exigé, les services ont exécuté. »
C’est au travers d’un autre programme narratif d’usage que Nicolas Sarkozy est désigné
comme coupable de la diffusion même de la rumeur n°1. Le chef de l’Etat est désigné
comme celui qui a mélangé vie privée et vie politique, ce mélange occasionnant alors un
espace favorable pour le développement d’une telle rumeur.

NS (Destinateur) → Politique U Vie privée (Programme narratif d’usage) → Français U


Rumeur (PN de base)

« Le public, habitué, en redemande-t-il ? Pas forcément. Mais il n'a pas vraiment


le choix : le show qui lui est imposé depuis le sommet de l'Etat par tous ceux qui
n'en finissent pas de l'alimenter et de le relancer constitue l'essence même du
sarkozysme. Où l'on met en scène sa vie privée à des fins politiques pour fustiger
ensuite les dérives de la pipolitisation » « La suite ? Demain, après-demain et
le jour d'après, tant que Nicolas Sarkozy sera président de la République. »
« Au risque de heurter un peu plus une opinion publique qui reproche déjà
au président d'avoir désacralisé la fonction. » « Pipolisation. Confrontés
quotidiennement au dilemme (assez peu à L’Humanité, comme vous le savez),
beaucoup de journalistes considèrent que le maintien de la frontière entre
vie privée et vie publique était carrément devenu irréaliste… car outrepassé
1106
L’Humanité du 06/04/10, Le Monde du 06/04/10, Libération du 07/04/10, La Croix du 10/04/10
1107
Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, Libération du 08/04/10, Le Monde du 09/04/10, L’Humanité 10/04/10.

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Chap. VII. Après la campagne…

depuis des années par Nicoléon lui-même! Qui a osé l’exposition vulgaire de
Disney avec des plumitifs consentants ? Qui a utilisé, sur les conseils d’un
certain Richard Attias, la mise en scène poujadiste du petit Louis s’écriant
«Bonne chance, mon papa!» dans un film de l’UMP ? Qui a joué avec sa propre
pipolisation pour se construire un destin papier glacé ? Qui a piétiné le prestige
d’une fonction qui n’avait pas besoin de ça pour se désacraliser un peu plus,
affectant non seulement la politique mais l’intime lui-même, dévalué d’être ainsi
1108
donné à voir ? »
Cette attribution des rôles remplis par Nicolas Sarkozy est augmentée d’une sanction
opposée à celle du Figaro quant à l’intervention de Carla Bruni sur Europe 1 . En effet,
si pour Le Figaro ce discours permet la disjonction avec la rumeur, ce n’est pas le cas
pour Libération , Le Monde, La Croix et L’Humanité : cette disjonction est en posture
d’échec avec une sémantique de la tentative.
« Carla tente d’éteindre l’incendie » « Nicolas Sarkozy et son épouse tentent de
clore « l’affaire » des rumeurs. » « Carla Bruni-Sarkozy qui essaie de dégonfler
1109
l’affaire » « L’Elysée essaie de tourner la page des rumeurs »
C’est donc une tentative ratée, selon ces quotidiens, mise en exergue par le démenti de
Bernard Squarcini, opposant et Destinateur-judicateur à la performance de Carla Bruni.
L’Humanité poursuit sa sanction et dévoile cette performance comme relevant d’une
manipulation.
« L’essentiel pour le couple présidentiel est de dégonfler suffisamment la
baudruche pour l’empêcher de dégénérer en affaire d’état… tout en continuant de
lui donner une visibilité suffisante pour occuper l’espace médiatique » « On nous
joue maintenant le couple outragé – c’est vendeur, non? – victime de la Toile et
des gratte-papier qui n’épargnent guère ces temps-ci le petit-homme-de-Neuilly…
1110
après deux années de lèche-talonnettes indécentes. La bonne blague. »
Pour résumer, Le Figaro affronte les autres titres de la presse quotidienne nationale dans
sa définition et sanction de la rumeur, au travers de l’attribution des rôles aux différents
personnages de la rumeur. Mais qu’en est-il de la presse people ?

VII.1.4.3. La rumeur dans la presse people : une affaire de femmes.


Si c’est par l’attribution des rôles que la presse quotidienne nationale se distingue dans
sa posture éditoriale face à la rumeur, c’est au travers de l’identité des personnages de la
rumeur que la presse people investit sa propre ligne éditoriale. Carla Bruni est « l’épouse
du président de la République », elle est sujet de faire et sujet d’état, mais c’est Nicolas
Sarkozy, en tant que Destinateur-manipulateur, pour La Croix , Libération , Le Monde
et L’Humanité , ou Destinateur-judicateur, pour Le Figaro , qui détient le rôle principal
des récits. Dans la presse people, il est aussi présent mais, pour celle-ci, la rumeur est
l’affaire des femmes. VSD , Voici , Closer et Gala retiennent principalement un élément
dans la deuxième phase de la rumeur et dans le scandale qui émerge du commérage n°2 :
L’amitié ou l’inimitié entre Carla Bruni et Rachida Dati. Ici réside la performance principale
de leurs récits.
1108
Libération du 07/04/10, Le Monde du 08/04/10, L’Humanité du 10/04/10
1109
Libération du 08/04/10, Le Monde du 09/04/10, Libération du 09/04/10
1110
L’Humanité du 09/04/10, L’Humanité du 10/04/10.

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Médias, politique et vie privée

VSD 1703 : « Carla Bruni & Rachida Dati : une amitié « particulière ». Voici 1170 :
« Les rumeurs, ça suffit ! L’une défend son mari, l’autre son honneur. » Closer 252 :
« Rachida est notre amie » Gala 879 : « Carla et Rachida : amie ou ennemie ? »

Pour Gala et VSD , le débrayement d’un parcours véridictoire permet de transformer


l’amitié issue du monde de l’opinion vers l’inimitié dans le monde domestique. La conjonction
entre Carla Bruni et Rachida Dati, telle qu’elle est signifiée par Carla Bruni dans son
discours, est sanctionnée négativement par le narrateur qui installe cette performance dans
le registre du paraître.
« Cette entente cordiale cache une relation plus complexe » « Les deux femmes
1111
ont toujours veillé publiquement à dire du bien l’une de l’autre »
Ainsi, les narrateurs mobilisent une série d’objets du monde domestique permettant de
prouver la disjonction entre Carla Bruni et Rachida Dati. Les programmes narratifs sont les
mêmes pour ces deux récits. A l’origine, il y a un programme narratif polémique. Carla Bruni
(sujet) est conjointe à Nicolas Sarkozy. Cécilia Sarkozy (anti-sujet) est disjointe de Nicolas
Sarkozy. Rachida Dati, désignée comme « l’amie de Cécilia Sarkozy », sa « sœur
1112
» est disjointe alors de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni. Les narrateurs mobilisent une
multitude d’éléments permettant de légitimer ce programme narratif polémique à partir du
parcours thématique de la jalousie :
« Carla Bruni aurait lancé, en passant près du lit présidentiel : « Tu aurais bien
voulu l’occuper, n’est-ce pas ? ». » « La femme du président, agacée, aurait
un jour demandée à la ministre de la justice d’arrêter d’envoyer « des textos du
matin » à son mari » « A la vue du lit, la chanteuse se penche vers la ministre
qu’elle connaît depuis peu et lance, mi-sérieuse, mi-ironique : « Tu aurais bien
voulu l’occuper, n’est-ce pas ? » « La demande expresse, qu’à cette époque, la
première dame a faite à Rachida de stopper les SMS envoyés à son mari de jour
1113
et de nuit ! »
De ces récits, deux figures se croisent et se confrontent : celle de la femme distinguée et
machiavélique pour Carla Bruni, celle de la femme déchue pour Rachida Dati.
« Elle qui affiche ses robes coutures fait un complexe par rapport à Carla, qui
n’a pas besoin de tous ces artifices. Des robes coutures, elle en porte depuis
qu’elle est née, elle n’a pas attendu Sarkozy pour être médiatique et avoir de
l’argent » « Le bagou et la gouaille pour la première. La discrétion et l’élégance
des manières pour la seconde » « En sauvant la mise d’une Rachida Dati en
très mauvaise posture, la chanteuse vient d’en apporter la preuve. Le geste
ne manque pas de noblesse. A moins que la manœuvre n’est un arrière fond
politique : « Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le, sinon fais-en ton ami ». La
1114
maxime est signée Machiavel. »
A l’inverse, pour les narrateurs de Closer et de Voici, la rumeur tient le rôle de Destinateur
permettant la conjonction entre Rachida Dati et Carla Bruni. Pour Voici , elles sont réunies
1111
VSD 1703, Gala 879.
1112
Ces deux désignations sont présentes dans les deux récits.
1113
VSD 1703 (x2), Gala 879 (x2).
1114
VSD 1703, Gala 879 (x2)

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Chap. VII. Après la campagne…

par la même compétence de vouloir-faire et la même performance, se disjoindre des


rumeurs.
« Leurs récentes épreuves médiatiques ne peuvent que les rapprocher » « On ne
les sentait pas particulièrement proches, mais désormais l’ex-garde des sceaux
et l’épouse du président sont unies dans une même volonté de faire taire les
ragots » « Ces deux femmes d’exception unies dans l’adversité »
Pour Closer , c’est l’installation de la figure du courage, qu’il attribue aux deux femmes,
qui permet leur réunion.
« Quand il faut monter au créneau, Carla y va… » « Cette fois encore, Carla n’a
pas hésité a venir s’exprimer en direct sur Europe 1, d’un ton posé et calme,
pour défendre son couple et son amie » « Mère célibataire d’origine maghrébine
parvenue jusqu’à un ministère régalien (…) Mais en femme forte, plutôt que de
courber l’échine, elle brave les critiques avec hardiesse »
Cependant, quelle que soit la sanction sur l’amitié de Carla Bruni et Rachida Dati, les
sujets et les objets des récits sont issus du monde de l’opinion ou du monde domestique.
Deux mondes et une féminisation des personnages que l’on retrouve dans les autres titres
peoples. France-Dimanche met en scène la rumeur au travers d’un court récit sur Rachida
Dati et la fin de ses privilèges. De son côté, Public évoque la rumeur en Une : « Il n’y
pas que Carla... » pour justifier un dossier immortel sur « les stars et la rumeur ».
Ici-Paris, quant à lui, consacre un récit à Carla Bruni dans cette même période intitulé
1115
« Carla Bruni-Sarkozy : « elle veut reprendre une vie normale ». » . Les femmes sont
les personnages de cette rumeur dans la presse people, qui se distingue, là, de la presse
quotidienne nationale

VII.1.4.4. De l’affaire à l’Affaire.


Mais, en laissant les personnages de la rumeur dans le monde domestique et le monde de
l’opinion, la presse people ignore la transformation de la rumeur. Récapitulons une dernière
fois l’itinéraire pour appréhender son mouvement pleinement.
La rumeur n°1 sur des relations extraconjugales de Carla Bruni et Nicolas Sarkozy
installe une victimisation ou accusation de ces derniers dans Closer et Voici. Mais tant
que la rumeur est dans cette première phase, la presse française (ou du moins celle de
notre corpus) refuse le rôle de propagateur et donc de médiatiser l’évènement, à l’exception
des deux titres précédemment cités. Un commérage sur l’identité de l’instigateur de la
rumeur n°1 transforme cette première rumeur en commérage n°1, mais le silence des
instigateurs prétendus empêche sa transformation en scandale. A l’inverse, le commérage,
ayant permis l’identification des commères n°1, ouvre la deuxième phase de l’itinéraire.
A ce moment là, les accusations sont publiées dans la presse ( Le Monde , le Canard
enchainé , le Nouvel Observateur ) mais ne sont pas énoncés par les commères n°2 :
on est donc la phase du commérage n°2. Le 4 et 6 avril, Pierre Charon et Thierry Herzog
accusent publiquement dans la presse, c’est le passage du commérage n°2 au scandale n
°2. Toute la presse française médiatise alors l’évènement en légitimant cette publicisation
par l’émergence du scandale comme le fait des acteurs politiques eux-mêmes – la mise en
accusation est publique, la publication de la mise en accusation est justifiée. Pourtant cette
mise en accusation se déplace encore une fois. Si Pierre Charon et Thierry Herzog sont les
accusateurs d’une faute commise par Rachida Dati, la presse va refuser la validité de cette
accusation en sanctionnant négativement le « complot ».
1115
France-Dimanche 3319, Public 353, Ici-Paris 3378

313

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Médias, politique et vie privée

« Il crie au complot après avoir monté en spectacle la vie privée du chef de


l’État. La comédie continue » « Le journalisme est un métier parfois bien
compliqué. Que faire en pareilles circonstances ? Se mettre, comme nous y
incite ce conseiller du chef de l'Etat, sur la piste du complot et des mouvements
financiers ? Considérer qu'il s'agit-là de la nouvelle foucade d'un homme
… ? » « Oui, carrément, un complot ourdi de l'étranger... » « La présidence
de boulevard continue, (…) l'Elysée avait sorti, via le conseiller Pierre Charon
et l'avocat du président Thierry Herzog, le scénario d'un complot de l'anti-
France, associé à Rachida Dati (…). Et voilà qu'hier, plus rien de cela n'existait.
Carla Bruni est venue tout démentir sur Europe 1. Non seulement il n'y a plus
de complot - Charon et Herzog ont raconté n'importe quoi - mais en plus Dati
est une "amie". Une enquête ? "Aucune." » « Tous les conseillers et l’avocat
personnel du Palais ont soupçonné, en la nommant, Rachida Dati. Ils ont évoqué
un «complot». Vous avez bien lu. «Complot.» Mot grave en République, passible
1116
de la Haute Cour de Justice. »
Le complot devient donc dans la presse l’objet de l’accusation, Charon et Herzog les
accusés. Ce déplacement transforme alors l’accusation publique portée par Charon et
Herzog en Affaire. Pour qu’une affaire se déclenche, il faut qu’elle accède « à une
forme de verbalisation qui dépasse la plainte individuelle ou la rumeur, c’est-à-dire
un récit qui la mette en intrigue et rende possible son déplacement dans l’espace
1117
public » . Mais, selon Boltanski et Clavérie, elle nécessite, par ailleurs, une opération de
désingularisation et de détachement des accusateurs à la cause.
« Doivent être estompées les relations personnelles et affectives souvent
caractérisées par un mélange d’attachement et de jalousie, de proximité et
1118
d’aversion qu’entretiennent les principaux protagonistes. »
Dans notre exemple, l’attachement entre les personnages est particulièrement souligné par
la presse, montrant ainsi, que la plainte (de Charon et d’Herzog) été rendue publique malgré
l’échec du travail de désingularisation.
« Mais Charon visait aussi les ennemis ou les ex-amis du président de la
République. Ainsi Rachida Dati, que le chef de l'État « ne veut plus voir », a
confié Claude Guéant au Canard Enchaîné. » « L'ex-garde des Sceaux se sait
la cible de la garde rapprochée du président, notamment des amis historiques
comme Brice Hortefeux (ministre de l'Intérieur) ou Pierre Charon (conseiller
en communication), ceux qui n'ont jamais accepté que soit confié le ministère
de la Justice à cette "intrigante" qui ne devait sa promotion qu'à son statut de
favorite de Cécilia Sarkozy. » « Pour des raisons autant privées que politiques, le
désamour entre le chef de l'Etat et sa garde des Sceaux est pourtant réel : elle lui
1119
rappelle Cécilia, sa période bling-bling. »

1116
L’Humanité du 06/04/10, Le Monde du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Libération du 08/04/10, L’Humanité du 10/04/10
1117
BOLTANSKI, L. & CLAVERIE, E., « Du monde social en tant que scène d’un procès », BOLTANSKI, L., CLAVERIE, E., & al. (dir.)
Affaires, scandale et grandes causes. De Socrate à Pinochet , Paris : Ed. Stock, 2007, p. 431.
1118
Ibid. p. 433.
1119
Le Figaro du 07/04/10, Libération du 07/04/10, Libération du 10/04/10

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Chap. VII. Après la campagne…

Cet échec est amplifié dans les énoncés sur l’affaire à partir des parcours thématique
de la jalousie et de la revanche insistant sur des rapports entre les personnages alors
identifiés comme issus du monde domestique. Les accusateurs sont désignés « comme
des « anormaux » », comme des « fous », et (…) comme des « paranoïaques ».
1120
» . Le scandale n°2 prend la forme de l’affaire, que l’on pourrait identifier comme n
°3 ; elle est le produit d’un nouveau déplacement de l’objet d’accusation, cette fois-ci, les
accusateurs étant les narrateurs des récits, les accusés sont les accusateurs du scandale
n°2. Mais le discours de Carla Bruni sur Europe 1 opère ce même déplacement, désignant
l’accusation de Charon dans « l’emportement de l’amitié », ce qui fut largement repris
par les narrateurs pour souligner l’attachement des personnages entre eux.
« Une affaire est scandaleuse quand elle dévoile en public les liens qui unissent
les personnes, qu’elle « déballe » sur « la place publique », le linge sale
des familles. La forme affaire se développe dans la tension entre le monde
1121
domestique et le monde civique. »
Ainsi, le retournement de l’accusation permet à l’affaire de prendre forme. Le public devient
à la fois témoin et victime de l’affaire. Dans les justifications, s’affrontent alors deux mondes :
le monde civique et le monde domestique. Les amitiés et les inimitiés des personnages de
la rumeur s’opposent au public, qui est celui du monde civique, c’est à dire « les Français
qui ont tant de problèmes », « les citoyens » dans leur rapport à « la chose politique
», « dans un moment où tout se détraque, où les dépressions s’enchainent », « des
pans entiers de l’électorat de droite » indisposés, « l’opinion qui demeure hostile à
l’intrusion de la sphère privée dans le débat public » et les « Français qui souhaitent
1122
à 70% qu’il ne se représente pas… » . Le retournement de situation et la naissance de
l’Affaire prennent sens dans l’indignation des petits face aux pratiques des grands.
L’itinéraire complexe de la rumeur révèle le jeu entre les mondes. La presse people ou
Le Figaro confinent l’information et le média dans les mondes domestique et de l’opinion :
la rumeur et le commérage n’atteignent jamais la phase du scandale, du complot ou de
l’Affaire. Elle reste une affaire de couple (Sarkozy-Bruni) ou d’amitié (Dati-Bruni-Sarkozy
ou Charon-Herzog-Sarkozy). C’est dans les autres titres de presse quotidienne nationale
que la transformation s’opère au prisme d’un déplacement dans le monde civique qui tient
le rôle de victime et de dénonciateur de cette rumeur. De cette identification des espaces
de signification pour la transformation de la rumeur émerge un questionnement autour de
l’évènement : Et si, en amont et en aval de l’information-people, il n’y avait jamais
d’évènement ?

VII. 1. 5. De l’information à l’évènement : peut-on parler d’évènement-


people ?
De cette interrogation issue de la réflexion sur la rumeur, nous retrouvons une réflexion
abordée dans le chapitre III : L’information-people peut-elle accéder au statut
d’évènement par ses seules propriétés ? Une hypothèse émergeait alors :

1120
BOLTANSKI & CLAVERIE, 2007 , op. cit . p. 436.
1121
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 313.
1122
Le Monde du 09/04/10, Libération du 10/04/10, Le Monde du 13/04/10, Libération du 07/04/10, L’Humanité du 09/04/10, Libération
du 23/04/10

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Médias, politique et vie privée

La presse people, focalisée sur des personnages qu’elle confine dans les
mondes domestique et de l’opinion et légitimée par le caractère révélatoire de sa
1123
ligne éditoriale l’empêchant de représenter un « non savoir radical » , réduit
au minimum le potentiel évènementiel de certaines informations-people.
La couverture de ces trois évènements montre que l’information a priori people découvre
une faille de la représentation dans une politisation de l’information. Ce qui laisse interdit
dans les récits sur l’accouchement de Rachida Dati, ce sont la possibilité d’être mère et
femme politique et l’exemple donné par la garde des Sceaux qui questionnent alors la
légitimité du congé maternité. Ce qui laisse interdit dans le traitement des rumeurs et dans
le mariage de Nicolas Sarkozy, ce sont le commérage n°2 et le scandale n°2 et la visibilité
du mariage, qui dénoncent l’intrusion du monde domestique par le monde de l’opinion dans
le monde civique. Y a-t-il évènement sans un déplacement dans le monde civique ?
L’évènement bouleverse l’ordre établi. Dans le cas du mariage de Nicolas Sarkozy et
Carla Bruni, deux ordres semblent bouleversés : celui du monde civique et celui du monde
domestique. Le mariage est une cérémonie marquée par une nouvelle distribution des états
de grandeur. L’ordre des grandeurs est alors modifié mais n’est pas pour autant bouleversé.
Nicolas Sarkozy conserve son statut de père et d’époux, seule sa femme change. Il n’y a
pas d’aporie du savoir produit par le bouleversement de l’ordre établi. Pourtant, la rhétorique
du secret et de la révélation et les effets de fiction dans la presse people produisent cette
impression. L’aporie du savoir est aussitôt comblée par le narrateur du récit qui se débraye
dans un savoir-dire légitimant alors son énonciation. Par ailleurs, elle est de l’ordre du
monde domestique et de l’intime. Or, « l’évènement est une rupture qui conduirait
1124
à ruiner l’ordre et l’équilibre sur lequel [la société] est fondée » . La rupture de
l’ordre domestique au travers d’une modification des grandeurs au sein d’une famille ne
constitue donc pas un évènement. Dans Libération et L’Humanité , la mise en visibilité
du mariage est dévoilée comme un opposant : elle favorise le mariage comme cérémonie,
épreuve du monde domestique, au détriment du pouvoir d’achat, objet du monde civique.
Ces journaux déplacent le mariage dans le monde civique ou plutôt le désignent comme
hors du monde civique ; ils créent une di-vision de l’information et remettent en cause ce
qui s’est produit : un mariage, symbole d’un amour, ou une monstration tendant à être
interprété comme une manipulation. Ils créent une brèche en installant des suspensions
et des intelligibilités de l’information : l’évènement peut alors émerger. L’incertitude quant
1125
à la rupture occasionne alors « des décalages d’interprétation » . Or l’aporie du
savoir ne peut se fonder que sur une incertitude de ce qu’il en est de ce qu’il est . Ici,
nous approchons précisément le propos de notre conclusion, qui s’attachera à comprendre
comment la peopolisation se construit à partir d’une incertitude que la presse écrite tente de
résoudre ou au contraire institue par la critique et par une division entre la réalité et le monde
où la peopolisation n’est pas. Dans le cas du traitement médiatique de l’accouchement de
Rachida Dati, on constate que cette incertitude réside dans la possibilité d’être mère et
femme politique en même temps. Cette contradiction des êtres divise la mère et la femme
politique. Avant l’arrangement ou la dénonciation, se posent plusieurs questions : Est-ce
que Rachida Dati peut être mère dans le monde civique ? Est-ce que Rachida Dati peut-
être femme politique dans le monde domestique ? Est-ce que cette (im)possibilité est celle

1123
TETU, 2008 , op. cit . p. 22.
1124
TETU, 2008 , op. cit . p. 22.
1125
GARCIN-MARROU, 1996, op. cit. p. 55.

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Chap. VII. Après la campagne…

du monde de l’opinion ? Les réponses sont multiples selon les postures éditoriales des
journaux ou des hebdomadaires.
Mais, par ailleurs, n’est-ce pas la mobilisation d’une « mémoire sociale, politique
1126
et historique » , objet du monde civique, qui participe à l’évènementialisation de cette
information en revenant sur le combat des femmes pour le congé maternité ? Dans le cas
des rumeurs, l’évènement nait dans la politisation de l’affaire, au moment où la rumeur puis
le commérage, médiats confinés dans le monde domestique et le monde de l’opinion, sont
projetés dans le monde civique et entrent dans la phase du scandale, puis de l’Affaire.
Le monde civique semble ainsi recéler le potentiel évènementiel de l’information.
Pourtant, au début de ce chapitre, nous traitions du décès de Gregory Lemarchal comme
un évènement-people. Dans quelle mesure, y a t-il de l’évènement dans ce décès ?
L’expression « évènement-people » n’est-elle pas un oxymore qui n’a de l’évènement que le
nom ? Si les autres médias se sont saisis de la mort du jeune chanteur, la presse quotidienne
nationale évoque sa disparition à la manière d’un faire-part de décès. Les cinq journaux de
notre corpus évoquent, ainsi, la date de la disparition, l’âge du chanteur, la cause de la mort
1127
et enfin les raisons de sa célébrité . Ce traitement court et descriptif (jamais plus de 200
mots) interdit de considérer ce décès comme un évènement. Le rubriquage le confirme :
1128 1129
l’information apparaît dans les rubriques « Variété » , « Culture » , « Médias/Télé
1130 1131
» et « Carnets » . L’écart entre le numéro spécial de Public , publié deux jours avant
la parution régulière de l’hebdomadaire et consacrant un dossier de plus de dix pages à la
mort du jeune chanteur et les faire-parts de décès dans la presse quotidienne nationale,
démontre que ce qui fait évènement dans la presse people ne tient pas de l’évènement
pour une presse plus sérieuse ou selon la définition scientifique. Ainsi, considérer la mort
de Gregory Lemarchal comme un évènement-people fait de cette notion un oxymore. Les
logiques du récit people montrent que les récits restent confinés dans le monde domestique
et le monde de l’opinion, comme si, finalement, ils relevaient et demeuraient dans la phase
du commérage. La non-évènementialisation de l’information-people ébranle l’expression de
« presse à scandales ».
1132
« Parler à son propos de « presse à scandale » paraît bien excessif. »
Cette presse ne peut construire le scandale par elle-même. Le scandale consiste en
la dénonciation depuis le monde civique du monde domestique, mise en accusation,
1133
plus loin, par le monde de l’opinion – (3/1)/2 . La première dénonciation émerge donc
du monde civique. Or, les évènements investigués soulignent que ce monde, s’il est
mobilisé, n’est atteint, dans la presse people, qu’au travers de déplacement dans le monde
domestique et de l’opinion et ne peut exister sans eux dans ce genre. En ce sens, le lieu de
déploiement des révélations et des mises en accusations de la presse people est réservé
au monde domestique et au monde de l’opinion. L’évènement et le scandale ne peuvent
1126
Ibid. p. 49.
1127
La Croix et Le Figaro installent, en plus, dans cette annonce, le parcours thématique du courage.
1128
Libération du 02/05/07
1129
Le Figaro du 04/05/07, La Croix du 02/05/07
1130
L’Humanité du 04/05/07
1131
Le Monde du 04/05/07.
1132 ème
DELPORTE, C., « Des échos mondains du 19 siècle à Voici », Médiamorphoses , 8, 2003, p. 72.
1133
Cette formule rend compte de la double dénonciation contenu au sein du terme « scandale », Cf. Chap. IV-2-2-1.

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émerger, même s’ils reposent sur des faits apportés par le genre people ; ils nécessitent
un réinvestissement par la presse dite « sérieuse ». Plus encore, ces trois évènements,
déplacés et construits dans le monde civique par la presse quotidienne nationale, sont
maintenus, après leur évènementialisation, dans le monde domestique et de l’opinion par la
presse people. La presse quotidienne nationale s’est saisie du discours de Carla Bruni, lors
des rumeurs d’infidélités, pour transformer le scandale en Affaire – (3/1)/(2-1) – procédant
d’un double déplacement dans le monde civique, l’investissant doublement dans l’ordre
politique et sociétal. La presse people réinscrit, quant à elle, le discours de Carla Bruni
dans les mondes de l’opinion et domestique, et l’institue comme révélateur d’inimitiés et de
jalousie entre les deux femmes, effaçant la prise du monde civique, comme si l’identité de
cette presse l’obligeait à l’éviter. Dans le confinement du genre people, il n’y a d’évènement
ni en amont ni en aval.

VII. 2. la médiatisation des politiques dans la presse


people après la campagne présidentielle.
Un dernier corpus, quantitatif, composé de 1395 Unes parues à la suite de notre corpus
principal dans les neufs titres de presse people investigués, retrouve notre posture sur le
mouvement pour le clôturer et lui rendre sa dynamique. L’objectif est, ici, d’observer la
politisation du genre people après la campagne et la médiatisation des politiques, au travers
de leurs visibilités et de leurs identités pour confirmer ou infirmer notre hypothèse empirique
principale sur l’installation de la peopolisation lors de la campagne présidentielle et sur la
distinction des différents titres people.

VII. 2. 1. Un corpus en variables, Modalisa et le test du χ².


Modalisa , logiciel de création et de saisie d’enquêtes, donne la possibilité de créer ses
propres variables et ses propres croisements de données pour obtenir graphiques et
tableaux croisés. Il nécessite cependant l’élaboration, au préalable, d’une liste de variables
considérées comme potentiellement heuristique et pertinentes pour l’analyse du corpus.
Nous dressons donc une liste de quatre variables pour nos observations: la visibilité, les
titres de presse people, les dates de parutions et les personnages. Pour la première, trois
types de visibilités émergent : les visibilités centrales (l’homme politique apparaît dans une
photographie dominant toutes les autres), les visibilités moyennes (l’homme politique est
mis en scène dans une ou plusieurs photographies de second plan) et, enfin, les visibilités
non-iconiques (l’homme politique est visible par la simple évocation de son nom en Une).

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Chap. VII. Après la campagne…

[Tableau 9 : Nombre d’Unes Politiques par titre


sur la période du 14 mai 2007 au 30 avril 2010.]
Les deux variables suivantes correspondent au titre people et à sa date de parution.
Les définitions et les catégorisations de la presse people opérées plus tôt nous permettent
de rassembler certains titres entre eux. Les modes de visibilité des personnages peoples
– mode mimétique haut et mode mimétique bas – constitue un premier rapprochement.
Ainsi, Paris-Match , VSD , Point de Vue et Gala sont confrontés à Voici , Closer
1134
, France-Dimanche et Ici-Paris . Un regroupement plus précis clarifie les lignes
éditoriales quant à la politisation de leur Unes et la médiatisation des hommes politiques :
1135
ici, nous les rassemblons par deux , pour permettre des différences de traitements plus
fines au sein d’un même mode et pour distinguer, Paris-Match et VSD , Point de Vue
et Gala , Voici et Closer , et enfin, France-Dimanche et Ici-Paris . Nous avons fait
1136
le choix de conserver les neuf titres figurant dans notre corpus principal et de ne pas
observer des titres créés par la suite comme Oops , Psst ou Celebrity . Ce choix est
doublement motivé. Tout d’abord, ces titres peoples récents n’auraient pas eu le même
nombre de numéros que les autres ; la comparaison aurait été plus compliquée et moins
1134
La particularité de Public , appartenant à la fois à ces deux modes, nous amène à souvent ignorer cet hebdomadaire
dans l’analyse. Si une telle éviction peut paraître surprenante, nous verrons, par la suite, qu’elle se justifie, et reviendrons sur ce
cas particulier.
1135
Ce rassemblement, par deux est justifié par leurs définitions au Chap. III-2-7.
1136
Les huit titres cités ici et Public.

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significative. Ensuite, l’un des objets de notre thèse est la campagne présidentielle ; ouvrir
nos perspectives à des titres qui n’existaient pas alors semblait peu pertinent. Nous avons
fait le choix de catégoriser, par ailleurs, les dates de parution des titres en fonction de
l’année et du numéro de la semaine, afin de pouvoir opérer des comparaisons même si
1137
les dates de parution diffèrent de quelques jours . La dernière variable de codification de
nos observations identifie cinquante-sept personnages politiques mis en scène dans ces
Unes. Nous opérons une distinction entre deux formes de visibilité de ces personnages. La
« visibilité confondue » consiste en la visibilité d’un personnage sans tenir compte du type
de visibilité : nous confondons une apparition en Une centrale, une photo de second plan ou
la simple évocation de son nom. A l’inverse, la « visibilité différenciée » permet de distinguer
les modes d’apparition du personnage.
[Tableau 10 : Les 57 personnages et leur nombre d'apparition en Unes]

1137
Pour les semaines charnières entre deux années, l’année dans laquelle le numéro du magazine est identifié, peut différer
de l’année de parution. Il est important de souligner la difficulté pour la catégorisation semainière des numéros de Closer, due à
une parution anarchique : certaines semaines voient paraître deux numéros, d’autres aucun. Notons, par ailleurs, que les jours de
parution de ce titre n’ont cessé d’être modifiés lors de notre période d’investigation.

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Tableau 10 : Les 57 personnages et leur nombre d'apparition en Unes


Effectifs Fréquence Effectifs Fréquence
Carla Bruni 187 23,1% Marie-Laure de 1 0,1%
Villepin
Nicolas Sarkozy 154 19,1% Daniel Cohn-Bendit 1 0,1%
Cécilia Sarkozy 124 15,3% Judith Martin 1 0,1%
Rachida Dati 89 11,0% Hugo Chavez 1 0,1%
Ségolène Royal 48 5,9% Dimitri Medvedev 1 0,1%
Barack Obama 34 4,2% Andrée Sarkozy 1 0,1%
Jean Sarkozy 26 3,2% John Mc Cain 1 0,1%
Michelle Obama 20 2,5% Chantal Jouanno 1 0,1%
Jacques Chirac 14 1,7% Frédéric Mitterand 1 0,1%
François Hollande 11 1,4% Thomas Hollande 1 0,1%
François Fillon 8 1,0% Roselyne Bachelot 1 0,1%
Rama Yade 8 1,0% Georges W. Bush 1 0,1%
Pierre Sarkozy 8 1,0% Benyamin 1 0,1%
Netanyahou
Louis Sarkozy 6 0,7% Charles de Gaulles 1 0,1%
Bernard Kouchner 3 0,4% Mazarine Pingeot 1 0,1%
Dominique De Villepin 6 0,7% Fadela Amara 1 0,1%
Dominique Strauss 4 0,5% Valery Giscard 1 0,1%
Kahn d'Estaing
Bernadette Chirac 4 0,5% Jean-Louis Borloo 1 0,1%
François Baroin 3 0,4% Philippe Seguin 1 0,1%
Bertrand Delanoë 3 0,4% Martine Aubry 1 0,1%
Brice Hortefeux 3 0,4% Raymond Barre 1 0,1%
Pal Sarkozy 2 0,2% Danielle Mitterand 1 0,1%
Claude Pompidou 2 0,2% Marisa Borini 1 0,1%
Bill Clinton 2 0,2% Tony Blair 1 0,1%
Hilary Clinton 2 0,2% Arnaud Montebourg 1 0,1%
Sylvio Berlusconi 2 0,2% Marie-Dominique 1 0,1%
Cullioli
Simone Veil 2 0,2% Natasha Obama 2 0,2%
Malia-Ann Obama 2 0,2% Christine Lagarde 1 0,1%
Jeanne-Marie Martin 2 0,2%

C’est par le croisement et le regroupement de ces personnages et des titres de presse


people qu’émergent les résultats qui nous permettent de considérer leur visibilité, la presse
people et sa politisation. Modalisa est un logiciel qui permet ces regroupements et offre,
par ailleurs, des indicateurs statistiques confirmant ou non leur pertinence. Nous nous
servirons essentiellement du test du χ², test statistique construit à partir d’un risque et
1138
sur une hypothèse . L’objectif de ce test est de croiser deux variables et prouver leur
indépendance. Pour cela, le test se base sur l’écart entre le tableau observé (qui croise deux
variables, une en colonne, une en ligne) et un tableau virtuel, qui serait obtenu dans le cas
d’une parfaite indépendance entre ces deux variables. Il confronte alors cet écart au nombre
de degrés de liberté du tableau, qui dépend du nombre de lignes et de colonnes (exprimé
par le sigle ddl par Modalisa ou df pour les logiciels anglophones). Cet écart est établi à
1138
Notre référence principale pour cette explication du test du χ² est : HEALEY, J., Statistics. A tool for social research
, USA : Wadsford group, 2002.

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partir d’une probabilité d’erreur. En général, le seuil à partir duquel on considère le résultat
comme réellement significatif, c’est à dire le niveau « acceptable » de la probabilité de se
tromper, est fixé par convention et habitude à 5 %. Pour cela, il faut comparer le χ² obtenu
(tableau observé) au χ² critique (tableau virtuel), c'est-à-dire le χ² du cas d’une indépendance
parfaite. Le seuil critique est une donnée fixée selon le degré de liberté et la probabilité
d’erreur, ces données ne dépendent donc pas des variables et sont au préalable établies
1139
dans une table de χ² . Quand le chercheur produit lui-même ses calculs, il compare le χ²
obtenu avec les χ² critiques selon le degré de liberté de son tableau, ce qui lui permet de
trouver la probabilité d’indépendance de ses variables. Ainsi, la table du χ² indique qu’avec
un degré de liberté de 2 et pour un χ² obtenu de 2,4, ce χ² obtenu se trouve au-dessus de la
probabilité d’erreur de 20% (mais en dessous du seuil critique de la probabilité d’erreur de
10%). Avec un tel résultat, il y a 20% de chance que la dépendance observée soit fausse :
cette marge d’erreur est trop importante pour nous permettre d’affirmer une dépendance
entre les deux variables croisées.
Modalisa propose directement le seuil de probabilité d’erreur dépassé. Ainsi, la valeur
p proposée par modalisa nous permet de voir immédiatement s’il y a dépendance ou
pas. Plus cette valeur est proche de zéro, plus le χ² est significatif. Nous considèrerons que
toute valeur p supérieure à 0,05 ne sera pas acceptable pour affirmer une dépendance et
limiterons donc la vérification de nos hypothèses au seuil des 5% de marge d’erreur.
Considérons un exemple à partir d’une hypothèse de notre corpus : les dix personnages
les plus visibles dans notre corpus apparaissent plus souvent en photo sur les Unes.
Pour cela, nous transformons la variable des personnages politiques construite sur 57
modalités (une pour chaque personnage) en une variable basée sur deux modalités : les
dix plus visibles, d’un côté, et les autres, de l’autre. De là, nous croisons la variable « les
personnages politiques : les 10 plus visibles VS les autres » et la variable « types de
visibilité ». Nous espérons alors que le test du χ² échoue pour être en mesure de déterminer
une influence entre ces deux variables. Modalisa nous indique que notre hypothèse est
prouvée.
Khi2=13,8 ddl=2 p=0,001 (très significatif)
Sans nous attarder sur le calcul du χ², notons que Modalisa nous indique que le χ² est égal
à 13,8, ce qui correspond au seuil critique significatif pour un degré de liberté égal à 2 (notre
tableau est composé de 3 lignes et 2 colonnes, soit (3-1) x (2-1) = 2) et une marge d’erreur
de 0,001. Ainsi, nous sommes en mesure d’affirmer que le type de visibilité et l’importance
1140
de la visibilité du personnage sont dépendants et s’influencent l’un et l’autre et que cette
affirmation a 0,1% de chance d’être erronée. Dans cette logique, le test du χ² permet de
confirmer ou confronter nos analyses et nos interprétations.

1139
Ces données ont été reproduites, Annexes. D. 1.
1140
Le χ² ne nous permet pas de dire quelle variable influence et laquelle est influencée.

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[Tri croisé 1 : Titres selon mode de visibilité /


Visibilités confondues : les 10 plus visibles VS les autres]
Pourtant, le manuel de Modalisa prévient son utilisateur : « il ne faut pas confondre
significativité et fiabilité du Khi2 : le Khi2 peut être significatif et non fiable ». Lorsque
le logiciel considère que le résultat n’est pas fiable, il informe à coté du résultat du χ² :
( Val. théoriques < 5 ) et refuse de conclure sur la significativité du χ², comme il le fait,
dans l’exemple cité plus haut, avec un « très significatif ». Ce qu’il faut comprendre, ici,
c’est que le χ² nécessite des effectifs élevés pour être fiable, Modalisa refuse donc toute
1141
significativité si un des effectifs a une valeur théorique inférieure à 5. Cette limite dans
la fiabilité du χ² se révèle importante au regard de notre corpus.
Si nous désirons comparer la visibilité des dix personnages les plus visibles par rapport
à la visibilité des quarante-sept autres et de croiser cela avec les modes de visibilités et
Public , on constate que Modalisa refuse de confirmer la significativité du χ² malgré
une probabilité de 0,001 parce qu’une cellule a une valeur théorique inférieure à 5 (celle
qui croise Public et les autres). Or, ce problème de fiabilité est très fréquent dans notre
corpus malgré un nombre de données important. Ce problème est dû en majeure partie à
la particularité du magazine Public . Dans le tableau n°9, intitulé : « Nombre de Unes
Politiques par titre sur la période du 14 mai 2007 au 30 avril 2010 », quelques
pages plus tôt, on voit que, sur les 155 semaines de notre corpus, tous les titres mettent en
scène un personnage politique dans au moins 44 numéros (ce seuil est celui de France-
Dimanche ) à l’exception de Public qui a seulement 9 Unes politiques sur 155. A cela
s’ajoute le fait que, dans ces neuf Unes, l’hebdomadaire ne met en scène que quatre
personnages différents : Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à six reprises, Rachida Dati, sur
1141
Les valeurs théoriques sont les effectifs calculés de telle sorte que chaque case représente à la fois la proportion du « total
colonne » et du « total ligne » par rapport à la somme du tableau.

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deux Unes et Jean Sarkozy, une seule fois. Par ailleurs, son mode de visibilité particulier
nous empêche de pouvoir le regrouper avec un autre titre, pour atténuer ses faibles effectifs
dans un groupe pertinent. De ce fait, de nombreux tri-croisés sont jugés non fiables par
Modalisa . On le remarque d’ailleurs avec notre exemple, car dès que nous supprimons
Public , la confirmation « très significatif » est aussitôt énoncée par le logiciel. Nous
avons poussé l’expérience au bout en associant Public à chaque mode de visibilité, puis
à chaque groupe de deux titres, puis enfin, à chacun des titres quand ceux-ci sont isolés
les uns des autres : à partir du moment où Public est regroupé avec un autre titre ou dès
que celui-ci est supprimé, le résultat du χ² est fiable et devient : « très significatif » avec
la valeur p égale à 0,001.
Deux conclusions de cette expérience et de ce problème de fiabilité posé par Public
s’imposent. Premièrement, les faibles résultats de Public ne changent pas les tendances
dessinées par les autres titres ni celles de leurs regroupements. Deuxièmement, si, lors
de la campagne présidentielle, aucune particularité de Public quant à sa politisation et la
médiatisation des personnages politiques ne se révélait, la période qui suit voit émerger de
nouveaux éléments permettant de distinguer, une nouvelle fois, ce magazine des autres.
Ainsi, dans ce chapitre, nos analyses laisseront de côté cet hebdomadaire, non pas parce
qu’il inverse les tendances et les résultats mais parce que sa faible médiatisation des
personnages politiques et sa moindre politisation dans la période post-campagne nous
amènent à le traiter comme un cas particulier.
La question de la fiabilité et de la marge d’erreur se pose enfin dans sa pertinence et
sa validité dans le cadre de notre étude. En effet, nous ne tentons pas de nous servir de ce
corpus pour produire des généralités hors de lui mais le considérons dans sa clôture et sa
consistance. La marge d’erreur repousse les limites de l’échantillonnage. Or, notre corpus
n’est pas le produit d’un échantillon, mais rend compte de l’intégralité des données que nous
étudions ou que nous souhaitons étudier. Nos données sont donc fiables parce qu’elles sont
celles de la réalité de notre étude. Le problème posé par l’épreuve du χ² semble dépassé :
c’est le test de significativité qui s’avère heuristique.
« Le #² est donc extrêmement sensible aux effectifs : plus ceux-ci sont élevés,
plus le risque de se tromper en rejetant l’hypothèse d’indépendance est faible,
et donc plus la valeur du p est petite. Un #² non significatif peut donc signifier
soit qu’on ne peut rejeter l’hypothèse d’indépendance entre les lignes et les
colonnes du tableau (dans le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont
très proches les uns des autres), soit qu’il n’y a pas indépendance mais que les
effectifs dont je dispose ne me permettent pas d’en être sûr statistiquement (dans
1142
le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont sensiblement différents). »
Le risque des petits effectifs est celui de la non-significativité. Cependant, quand ceux-ci
infirment l’indépendance des variables, la probabilité de se tromper n’existe pas. Ainsi, pour
toutes ces raisons, nous rejetons la limite de la valeur théorique inférieure à 5.
Pour résumer, ce corpus quantitatif, Modalisa et le test du χ² offrent de nouvelles
perspectives à notre étude qui écartent nos considérations sémiotiques et sociologiques
pour un temps. Une telle investigation confrontée à nos analyses qualitatives permettra
ensuite d’avancer dans la réflexion sur la notion de peopolisation et sur son incarnation dans
notre corpus et dans l’espace public français.

1142
BARNIER, J., « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le χ² sans jamais avoir eu envie de le demander »,
2010, p.25. [En ligne : http://alea.fr.eu.org/git/?p=doc_khi2.git;a=blob_plain;f=khi2.pdf]

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Chap. VII. Après la campagne…

VII. 2. 2. Les personnages politiques dans la presse people post-


campagne.
L’objet de nos observations est le personnage politique que l’on peut définir comme tout
personnage dont la médiatisation repose sur une fonction ou activité politique ou sur la
proximité de ce personnage à un autre dont la reconnaissance dépend de sa fonction ou
activité politique. Deux éléments nous permettent d’opérer des rapprochements comme des
distinctions entre ces personnages politiques : leurs visibilités mais aussi différents attributs
identitaires, indépendants de leur médiatisation.

VII. 2. 3. Différencier les personnages et leurs visibilités.


L’intensité de la visibilité est une première variable révélatrice de notre corpus. Nous
sélectionnons les dix personnages avec la plus forte visibilité dans la presse people,
ces dix personnages sont ceux qui apparaissent le plus souvent mais aussi plus de dix
fois, dans cette presse, dans la période investiguée. Une première confrontation de ces
personnages avec les autres selon les titres, indique une tendance du mode mimétique
bas à se focaliser sur les personnages politique hypervisibles : 93,6% des apparitions de
personnages politiques en Une dans les titres du mode mimétique bas sont celles des dix
personnages les plus visibles. Cette tendance respecte, par ailleurs, les sous-catégories de
deux titres au sein des modes de visibilité, puisque VSD et Paris-Match accordent 27,7%
des apparitions politiques aux autres personnages, contre seulement 9,9 % pour Point de
Vue et Gala , 7,4% pour Voici et Closer et 4,8% pour France-Dimanche et Ici-
1143
Paris .

1143
Voir Annexes D. 2. Tri-croisé n°1, 2 et 3.

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[Tableau 11 : Les personnages politiques issus de la famille des hommes politiques]


Notre choix d’intégrer aux personnages politiques, la famille des membres du
personnel politique pose la question de la divergence de visibilité entre ces deux types de
1144
personnages. Un premier tri-croisé les opposant selon les titres de presse people montre
que VSD et Paris-Match médiatisent de manière plus importante les hommes politiques
que les membres de leur famille, ce qui est aussi vrai, dans une moindre mesure, pour
Voici et Closer . La tendance s’inverse pour les autres titres. Cette organisation défait la
1145
catégorisation par mode de visibilité mais confirme le regroupement plus précis par deux .
Le mode de visibilité n’influe pas sur la visibilité du personnel politique contre celle des
membres de leur famille (le test du χ² nous indique d’ailleurs une marge d’erreur de 34%
1146
prouvant l’indépendance ). Au contraire, cela nous amène à considérer deux tendances
au sein de chaque mode mimétique, avec d’un côté Voici et Closer pour le mode
mimétique bas et VSD et Paris-Match pour le mode mimétique haut, et de l’autre, I ci-
1147
Paris et France-Dimanche , Gala et Point de Vue . On remarque, par ailleurs, que
ce sont les membres de la famille des hommes politiques qui détiennent le plus de Unes

1144
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°4.
1145
Voir tri-croisé n°2, page suivante.
1146
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°5.
1147
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°6.

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Chap. VII. Après la campagne…

centrales, alors que ces derniers sont plus présents, en Unes, avec une photo de second
1148
plan ou la simple évocation de leur nom .

[Tri croisé 2: Personnel Politique VS Famille /


Titres assemblés par 2 de presse people ]
Lorsque l’on considère l’identité des personnages politiques issus de la famille d’un des
hommes politiques, celle de Nicolas Sarkozy semble omniprésente au regard du nombre
d’apparitions dans la presse people et du nombre de membres. La comparaison des
membres de la famille Sarkozy aux membres des autres familles indique un écart qui suit les
types de mode de visibilité. Ainsi, les membres de familles autres que celle du président de
la République sont majoritairement visibles dans les titres issus du mode mimétique haut ;
1149
ils n’apparaissent que trois fois, tous titres confondus, dans le mode mimétique bas .
Par ailleurs une comparaison entre les quatre membres de la famille d’un politique issus
des plus visibles et les autres, moins visibles, suit cette même logique, avec une plus forte
médiatisation des moins visibles dans le mode mimétique haut. Cet écart se retrouve dans
1150
le regroupement du personnel politique selon sa visibilité . Il y a donc une plus forte
1148
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°7.
1149
Voir Annexes D. 3. Tableau 1 et Tri-croisé n°8 et 9.
1150
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°10 et 11.

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médiatisation des personnages politiques les plus médiatisés dans le mode mimétique bas,
avec une omniprésence de la famille Sarkozy.
La presse people met en scène de nombreux personnages étrangers, ce qui s’explique,
entre autres, à travers la question du droit à l’image et à la vie privée. Qu’en est-il quand
on considère les personnages politiques ? Une large part des personnages politiques
sont français ; pourtant, la distinction Français/Etrangers se révèle opératoire. Le mode
mimétique haut est plus enclin à médiatiser des personnages politiques étrangers : 92,7%
des apparitions de personnages étrangers sont le fait de la médiatisation par un des titres du
mode mimétique haut. Par ailleurs, les sous-catégories des titres au sein de chaque mode
rendent compte de la distinction Français/Etrangers puisque ce sont VSD et Paris-Match
qui les mettent le plus largement en scène (63,6%). Suivent ensuite Gala et Point de Vue
avec 29,1%. Voici et Closer d’un côté, France-Dimanche et Ici-Paris , de l’autre,
1151
ne sont à l’origine que de 3,6% de la visibilité de personnages politiques étrangers .
Aucune distinction entre ces personnalités étrangères ne s’avère, cependant, significative,
ni la comparaison entre les Obama et les autres, ni entre les deux plus visibles (le couple
Obama) et les autres, ni entre les politiques étrangers et les membres de leur famille.

VII.2.3.1. La femme, un personnage emblématique de la presse people ?


La question du genre comme critère fondateur dans l’identité des personnages typiques de
la presse people est apparus dans nos analyses précédentes, l’analyse quantitative et le test
du χ² confirme cette tendance. Sur les cinq personnages les plus visibles, quatre sont des
femmes. Le genre du personnage politique influence sa visibilité. Sur les 57 personnages
présents dans notre corpus, 25 sont des femmes mais 63,2% des apparitions en Une sont
féminines : moins de femmes mais plus visibles.
A l’exception de VSD , tous les titres distribuent les apparitions des personnages
politiques féminins de manière majoritaire. Si l’on compare la répartition des apparitions des
personnages politiques selon le genre, on constate une fois encore que notre catégorisation
des titres de presse people résiste à l’analyse quantitative des Unes. Le test du χ² souscrit
à une dépendance forte entre les titres et le genre des personnages politique que les titres
soient isolés, regroupés par deux ou selon le mode de visibilité sur lequel est construit leur
ligne éditoriale. Ainsi, les femmes sont, de façon très forte, plus visibles que les hommes
dans le mode mimétique bas ; la répartition étant plus nuancée dans le mode mimétique
haut. Dans ce dernier, VSD et Paris-Match ont une ligne éditoriale proche de l’égalité
des sexes de la couverture journalistique ; une égalité qui disparaît dans le mode mimétique
1152
bas .

1151
Voir Annexes D. 3. Tri-croisé n°12, 13 et 14.
1152
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°15 et 16.

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[Tri croisé 3 : Visibilité des femmes selon leur visibilité et leur statut / Titres]
Trois types de femmes sont présents dans notre corpus de personnages médiatiques :
les femmes politiques, les femmes des hommes politiques et les filles et les mères des
hommes politiques. Il est intéressant de remarquer que ces dernières n’apparaissent que
1153
dans les titres du mode mimétique haut . Si l’on distingue les femmes politiques des
épouses d’hommes politiques, la logique voudrait que les femmes politiques soient plus
apparentes dans les titres VSD et Paris-Match . Et pourtant, c’est dans le mode mimétique
bas que les femmes politiques ont une visibilité plus forte par rapport aux femmes des
politiques et ce, plus particulièrement, sur les Unes de Voici et Closer qui accordent,
respectivement, 46,2% et 44,4% des apparitions

[Tableau 12 : Visibilité des femmes selon les titres]


1154
de personnages politiques féminins à une femme politique . Il semble donc utile de
poser la question de la visibilité de ces femmes selon leurs statuts. Si Closer et Voici
médiatisent largement des femmes politiques, ces femmes sont-elles les mêmes que celles
mises en scène dans VSD et Paris-Match ou dans les autres titres ? Pour vérifier
cela, nous construisons quatre catégories : les femmes politiques et les femmes d’hommes
politiques, issues des dix personnages les plus visibles, d’un côté, et les femmes politiques
et les femmes d’hommes politiques, non-issues des dix personnages les plus visibles. La
1153
Voir Annexes D. 4. Tableau n°2.
1154
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°17.

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différence de visibilité de ces types de femmes (figurée par les écarts dans le graphique ci-
1155
dessus ) permet de remarquer que VSD et Paris-Match tendent à rendre visibles des
femmes qui ne le sont pas dans les autres titres, tandis que Voici et Closer mettent en
scène essentiellement les femmes qui font parties des dix personnages les plus visibles de
notre corpus. La forte médiatisation des femmes politiques dans ces deux derniers titres ne
concerne que Ségolène Royal et Rachida Dati (et Rama Yade une seule fois pour chacun).
La concentration des femmes politiques
autour des deux plus visibles pour ces titres issus du mode mimétique bas se confronte
à la disparité des femmes politiques proposée par VSD et Paris-Match dans le mode
mimétique haut.
Ce tableau souligne clairement la concentration des femmes peu visibles dans les titres
du mode mimétique haut, plus particulièrement pour Paris-Match et VSD . Quand Gala
et Point de Vue mettent en scène des personnages politique féminins à faible visibilité, ce
sont essentiellement des membres de la famille d’hommes politiques.

[Tableau 13 : la visibilité des 5 plus visibles contre tous les autres]


Pour résumer, Paris-Match et VSD sont plus enclins à médiatiser des femmes à
faible visibilité. Gala et Point de Vue , quant à eux, se concentrent sur les épouses
des hommes politiques ou les membres de leur famille mais ouvrent cette visibilité à des
femmes peu visibles dans les titres du mode mimétique bas, ce qui n’est pas le cas pour
France-Dimanche et Ici-Paris qui consacrent leur Unes politiques aux cinq femmes les
plus visibles avec une prédilection pour Carla Bruni et Cécilia Sarkozy, particulièrement
pour France-Dimanche . Enfin, Closer et Voici montrent, de manière presque égale
(respectivement 53/47% et 54,5/45,5%) les épouses d’hommes politiques et les femmes
politiques mais en privilégiant, de façon massive, les quatre personnages féminins les plus
visibles : Carla Bruni, Cécilia Sarkozy, Ségolène Royal et Rachida Dati. Le faible nombre
d’apparitions de personnages politiques féminins chez Public empêche de conclure sur
1156
une tendance de cet hebdomadaire .
Dans les personnages les plus visibles, il y a cinq femmes et cinq hommes. Pourtant,
le genre apparaît comme une variable heuristique dans l’analyse de la presse people et
dans l’observation plus précise de la médiatisation des personnages politiques dans la
presse people. Si l’on compare la visibilité des cinq femmes les plus visibles avec tous les
1155
Le dernier graphique représente les écarts à l’indépendance pour chaque cellule.
1156
Nous reviendrons sur ce dernier lorsque nous étudierons son cas spécifique.

331

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autres y compris les 5 hommes les plus visibles, celle-ci détiennent 60% des apparitions
des personnages politiques (soit un effectif de 413 apparitions sur 688), une tendance qui
s’inverse si l’on opère la même comparaison pour les cinq hommes les plus visibles. Cinq
femmes sont donc omniprésentes dans les Unes politiques de la presse people entre le 14
mai 2007 et 30 avril 2010.
Plusieurs hypothèses de regroupements s’imposent pour saisir le traitement
journalistique de ces femmes. Une première étape nous amène à dresser un podium de
1157
visibilité pour chacune de ces femmes selon chaque titre de presse people .

[Tableau 14 : Podium de visibilités selon les titres pour les 5 femmes les plus visibles]
Carla Bruni, Cécilia Sarkozy et Rachida Dati se disputent les trois premières places de
visibilité. Il est intéressant de noter l’omniprésence de Cécilia Sarkozy. Elle a été l’épouse de
Nicolas Sarkozy et la première dame de France durant quelques mois. Carla Bruni, troisième
épouse de Nicolas Sarkozy arrive fin 2007 dans notre corpus. Si elle est un personnage
relevant du monde artistique avant cette date, après sa rencontre avec le président de la
République, elle perd ce statut au profit de sa relation avec le chef de l’Etat ; sa visibilité
passe alors par l’intermédiaire de l’homme politique. Son arrivée n’efface pas pour autant
Cécilia Sarkozy des Unes de Presse People : celle-ci conserve sa médiatisation (même si
ème 1158
elle s’étiole à partir du 3 trimestre 2008 ), passant du statut de première dame à ex-
femme du chef de l’Etat.
La confrontation entre ces deux personnages selon les titres ou le mode de visibilité
1159
n’est pas jugé pertinente par le test du χ² : nous ne sommes donc pas en mesure de
parler de presse pro-Cécilia ou pro-Carla malgré un « match » pour la visibilité entre ces
personnages politiques hautement médiatiques. C’est au travers d’un autre regroupement
que leurs médiatisations peuvent être distinguées : parmi ces cinq femmes, trois sont des
femmes seules (Rachida Dati, Ségolène Royal et Cécilia Sarkozy), les deux autres sont

1157
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°19.
1158
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°21 et Figure 1.
1159
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°22 et 23.

332

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des first-ladies en couple. La figure de la femme seule oscille entre différentes modalités
volitives qui offrent aux récits de la presse people de nombreuses figures.

[Figure 53 : Carré Sémiotique de la femme seule.]


Si l’on observe de nombreuses Unes consacrées à Cécilia Sarkozy après son divorce,
sa solitude devient une pâte à récits pour les titres du mode mimétique bas qui multiplient
1160
les récits sur ses blessures, son aigreur ou ses désirs de vengeance . La médiatisation de
Ségolène Royal, séparée de François Hollande après l’élection présidentielle ou de Rachida
Dati, qui expérimente une grossesse seule, va décliner, dans la même logique, les figures
1161
de la femme seule . Le regroupement de ces femmes seules, confronté à celui de Michèle
1162
Obama et Carla Bruni, first-ladies en couple , montre une surmédiatisation des premières
dans le mode mimétique bas et VSD par rapport aux secondes plus visibles sur les Unes
1163
de Gala , Point de Vue , Paris-Match et Public . On note que, à 47, 5%, la visibilité
de Ségolène Royal est mise en scène par les hebdomadaire Closer et Voici , 29,7% chez
1164
VSD ; tandis qu’il n’y a aucune visibilité dans Point de Vue et Public .
Pour Cécilia Sarkozy, le mode mimétique haut participe le plus à sa visibilité, à hauteur
de 54% contre 46%. On constate que 55,2% de la visibilité de Cécilia Sarkozy dans le mode
mimétique haut relèvent de 2007. En 2008 et 2009, ce sont les titres du mode mimétique
bas qui la médiatisent le plus : ils sont à l’origine de 53,4% de sa médiatisation en 2008 et
1165
de 90% de celle-ci en 2009 .

1160
Voir Annexes D. 4. Figure n°2.
1161
Voir Annexes D. 4. Figure n°2 et 3.
1162
Voir Annexes D. 4. Figure n°4.
1163
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°24, 25 et 26.
1164
Voir Annexes D. 4. Tableau n°4.
1165
Voir Annexes D. 4. Tableau n°5.

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[Tri croisé 4 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles (Femmes


politiques VS épouses de politiques) selon les titres assemblé par 2.]
La femme divorcée intéresse le mode mimétique bas ; la first lady, le mode mimétique
haut. Cette logique est d’autant plus vraie pour Paris-Match qui n’accorde aucune citation
ou photographie en Une à Cécilia Sarkozy après son divorce. Enfin, notons que 64,9% des
Unes de 2007 du mode mimétique haut sont parues avant la séparation de Nicolas et Cécilia
Sarkozy. Le cas Rachida Dati est plus complexe. Le test du χ² infirme une dépendance entre
le croisement des modes de visibilité ou des titres isolés et deux périodes de médiatisation
(avant et après l’annonce de sa grossesse) ou trois (avant l’annonce de la grossesse – après
1166
l’annonce jusqu’à l’accouchement – après l’accouchement) . Ce n’est donc pas tant son
actualité people (grossesse, mystère de l’identité du père de son enfant et accouchement)
1167
que sa « narratogénie » qui motive sa médiatisation dans cette presse. Elle est un
personnage à « talent narratif » dont l’identité médiatique favorise la médiatisation, sans
nécessairement recourir à une actualité, à ce qui survient.
1166
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°27.
1167
DUBIED, 2008, op. cit.p. 150.

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Une dernière étape dans la considération de ces cinq femmes nous invite à considérer
d’un côté Ségolène Royal et Rachida Dati, femmes politiques, et de l’autre, Carla Bruni,
1168
Cécilia Sarkozy et Michèle Obama, femmes d’hommes politiques . Le croisement de ces
deux catégories de femmes et des titres assemblés par deux, rend compte d’une forte
dépendance, malgré une plus forte médiatisation des femmes d’hommes politiques. L’écart
entre les médiatisations produit la dépendance et ouvre notre réflexion à la considération
de deux titres dans chacun des modes de visibilité plus enclins à médiatiser les femmes
politiques : VSD et Paris-Match pour le mode mimétique haut et Voici et Closer
pour le mode mimétique bas. Nous retrouvons, ainsi, les tendances observées quand nous
considérions toutes les femmes de notre corpus selon leur statut. De la distinction entre la
femme seule et la femme en couple et celle de la femme politique et de la femme d’homme
politique, naissent deux catégories de titres people, transversales au mode de visibilité, pour
considérer la politisation de la presse people.
Dans une dernière partie, nous tenterons de réunir nos diverses analyses quantitatives
pour penser l’évolution de la médiatisation des personnages politiques dans la presse
people.

VII.2.3.2. La visibilité de Nicolas Sarkozy et de« ses » femmes : une question


d’actualité ou de narratogénie ?
Une surmédiatisation de Nicolas Sarkozy et de ses épouses (ex et actuelle) apparaît
très clairement par rapport aux autres personnages. Les variables explicatives de cette
hypervisibilité sont difficiles à élucider. Elles semblent relever à la fois des personnages
et de l’actualité. Ici intervient une question fondamentale déjà évoquée. Qui fait l’actualité
de la presse people ? L’actualité est-elle celle de l’actualité « people » d’un personnage
ou celle d’un journaliste qui en médiatisant certains personnages leur crée une actualité ?
Cette problématique suit les personnages people à partir de deux logiques discursives :
leur narratogénie et leur actualité. La confrontation des trois personnages les plus visibles
– Nicolas Sarkozy et « ses » femmes – aux autres personnages politiques, selon les titres,
1169
répond dans une certaine mesure à cette problématique . La concentration de la visibilité
de ces trois personnages n’est pas la même dans les différents titres de notre corpus. Le
test du χ² prouve une forte significativité de ces résultats : les hebdomadaires Point de
Vue, Gala , Ici-Paris et France-Dimanche focalisent leurs Unes politiques sur ces trois
personnages ; Closer et Voici distribuent la visibilité des personnages politiques presque
également entre Nicolas, « ses » femmes et d’autres personnages, alors que VSD et Paris-
Match s’attardent majoritairement sur d’autres personnalités. Ce découpage des titres par
leur médiatisation de Nicolas Sarkozy et de ses épouses déstabilise la catégorisation par le
1170
mode de visibilité (d’ailleurs infirmé par le test du χ² ) mais renforce notre regroupement
des titres par deux. Cette divergence dans la mise en visibilité de ces personnages révèle
donc que la médiatisation n’est pas parce qu’elle devrait être. Quels sont les principes
permettant alors de

1168
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°28 et 29.
1169
Voir Tri-croisé n°5 et 6, ci-contre
1170
Voir Annexes D. 4. Tri-croisé n°32.

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[Tri croisé 5: La visibilité de Nicolas Sarkozy et


de « ses » femmes VS les autres selon les titres]

[Tri croisé 6 : La visibilité de Nicolas Sarkozy et de « ses


» femmes VS les autres selon les titres assemblés par 2.]
considérer cette hypervisibilité ?

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« « L’amour est partout », semblent nous dire les magazine people. Il y a toujours
1171
une histoire à raconter ou autour de laquelle broder. »
L’amour est une thématique dominante dans cette presse : le divorce et le mariage du
chef de l’Etat constituent donc une pâte à récit importante mais induisent, par ailleurs, trois
logiques. Il y a la logique de l’évènement : le chef de l’Etat se marie, comment ne pas en
1172
parler ? Il y a la logique de la « stratégie présencielle » présidentielle : le chef de
l’Etat se montre, comment ne pas le montrer ? Il y a, enfin, la logique de la saga : on vous
a raconté son divorce, comment ne pas raconter son mariage ?
L’intentionnalité du traitement journalistique se pose dans les termes d’une compétence
virtualisante d’un devoir-faire et d’un vouloir-faire . L’investigation du corpus à propos
d’évènements, au début de ce chapitre, montre que les narrateurs se saisissent précisément
de ces compétences virtualisantes pour installer le récit. Plus encore, cette intentionnalité
renvoie parallèlement à l’identité et l’actualité du sujet médiatisé. Le personnage de Rachida
Dati le montre bien, son actualité privée ou people ne produit pas de pics de médiatisation,
l’actualité, comme ce qui survient, ne tient pas les fondements de mise en visibilité
mais complète les logiques narratogéniques d’un personnage. L’analyse quantitative de
la présence des personnages politiques en Une de la presse people après la campagne
souscrit la distinction de deux types d’actualités. Le genre people investit donc une actualité,
comme ce qui survient, rendant compte d’évènements et de faits survenus dans le monde
domestique et de l’opinion. Mais le genre people investit, par ailleurs et surtout, une
actualité, comme ce qu’il en est, imposant la médiatisation de personnages médiatiques par
une présence dicible dans le présent, favorisant alors, selon leur ligne éditoriale, certains
personnages politiques.

VII. 3. L’évolution de la médiatisation des politiques


Cette dernière partie reste dans notre investigation quantitative du corpus de Unes mais
envisage la question de l’évolution de la médiatisation des politiques, dans la convergence
des analyses des évènements et dans la confrontation de notre corpus de récits lors de la
campagne présidentielle. C’est dans la clôture que le mouvement retrouve son dynamisme
en dévoilant ce qu’il est par ce qu’il n’est plus. En réunissant les analyses des différents
corpus, nous considérons ainsi la médiatisation des politiques et la politisation de la presse
people dans sa temporalité. En repérant ce qu’il y a de nouveau ou ce qu’il n’y a plus,
les formes de médiatisation des personnages politiques dans chacune de ces périodes
émergent et se construisent.

1171
SPIES, 2008, op. cit. p. 154.
1172
JOST, F. & MUZET, D., Le téléprésident. Essai sur un pouvoir médiatique , La tour d’Aigues : Ed. de l’Aube, 2008, p. 33.

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[Tableau 15 : Nombre de Unes Politiques par


titre sur la période du 14 mai 2007 au 30 avril 2010.]
Une évolution dans le traitement des politiques dans le genre people apparaît, ainsi,
clairement, entre autres, avec la disparition de l’intermédiaire-médiatisant. Les politiques
accèdent désormais au statut de grand dans tous les titres de la presse people ; cela
permet leur médiatisation dans ce genre sans intermédiaire et comme personnage principal
du récit people. Cette évolution est remarquable au travers de l’analyse qualitative des
évènements mais aussi par de nombreuses mises en scène des personnages politiques
en Une de la presse people. Non seulement, ils accèdent à une grandeur suffisante pour
leur mise en récit mais cette grandeur est renforcée par leurs apparitions en Unes centrales
devançant alors les personnages people typiques et confirmant leurs grandeurs. Ainsi,
durant la période la campagne présidentielle, aucune Une ne mettait en scène un candidat
dans les hebdomadaires France-Dimanche, Point de Vue et Ici-Paris. L’observation des
Unes dans l’après-campagne dévoile une moyenne de sept, douze et six Unes politiques
pour une période de 25 semaines correspondant à la durée de la période de la campagne
présidentielle, considérée par notre corpus principal. De là même manière, Closer passe de
trois Unes politiques lors de la campagne à une moyenne de dix sur une période équivalente
en temps. Ainsi, depuis la campagne présidentielle, plus de 23% des Unes peoples de
France-Dimanche mettent en scène un homme politique, ce score étant de 65,9% pour
1173
VSD, occasionnant une moyenne de 42,35% de Unes politiques dans le genre people .
C’est donc presque la moitié des Unes de la presse people qui mettent, désormais, en scène
un homme politique. Pourtant, cette moyenne implique de revenir aux modes de mise en
visibilité et aux tendances des titres dans leur médiatisation des hommes politiques afin de
considérer plus finement cette évolution.

1173
Résultat établi sans la considération de Public. Cf. Tableau n° 15 ci-contre.

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VII. 3. 1. Des personnages politiques et peoples ?

[Tri croisé 7: Genre et qualités des personnages politiques]


Nos analyses dévoilent plusieurs qualités du personnage politique typique. La première
tient à l’omniprésence des femmes. Malgré un nombre plus réduit des personnages
féminins, leur surmédiatisation par rapport aux hommes permet de concevoir un premier
critère de typification. Si, dans le monde domestique, la femme est plus petite que l’homme,
celle-ci semble avoir une grandeur plus haute, dans la presse people. Le genre du
1174
lectorat conforte le genre des personnages ; une tension qu’on retrouvait explicitement
dans Ici-Paris lors de la couverture de l’accouchement de Rachida Dati où « celles qui
1175
ont donné la vie » incarnent les destinataires du récit , une désignation qui stigmatise,
disions-nous, les non-mères mais aussi l’ensemble des hommes.

1174
BARDELOT, E., « Lire la presse people », mémoire de DEA, 2003, p. 52. [en ligne : http://enssibal.enssib.fr/bibliotheque/
documents/dea/bardelot.pdf]
1175
Ici-Paris 3314.

339

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[Tableau 16 : Mise en scène des personnages politiques selon leur qualité


de membre d'une famille d'un homme politique ou de personnel politique.]

[Tri croisé 8 : Type de visibilité selon la qualité des personnages politiques]


Le croisement du genre et de la qualité des personnages politiques montre que les
femmes sont plus généralement issues de la famille d’un homme politique alors que les
1176
hommes sont issus du personnel politique . Mais, ce résultat montre parallèlement que,
chez les femmes, la répartition est plus équitable (54,3% contre 46,7%), déstabilisant
1176
Il est intéressant de noter que ce croisement n’est plus significatif (selon le χ²) lorsque l’on soustrait Nicolas Sarkozy,
Cécilia, Sarkozy et Carla Bruni de la population envisagée.

340

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alors la surmédiatisation attendue des membres d’une famille par rapport aux membres du
personnel politique. Les personnages politiques sont plus souvent des femmes, les femmes
sont plus souvent membres de la famille d’un homme politique, mais les personnages
politiques sont presque autant des hommes ou femmes politiques que des membres de
leur famille.
Enfin, c’est un croisement avec le type de visibilité qui nous permet de saisir une
différence heuristique entre ces deux qualités de personnages : les membres de la famille
d’un homme politique accèdent plus fréquemment aux Unes centrales.
Face à ces résultats, il nous semble que les trois personnages principaux influent
radicalement sur les résultats. En effet, ces trois personnages détiennent 57,5% de la
visibilité des personnages politiques.

[Figure 54 : La visibilité selon le genre (sous population


sans Nicolas Sarkozy, Carla Bruni, et Cécilia Sarkozy).]
Il nous apparaît alors utile de vérifier si nos résultats se modifient du moment où ne
sont plus pris en compte ces personnages omniprésents. La femme comme personnage
typique du genre people est vérifiée par une présence plus forte des femmes (70%), une
fois les trois personnages principaux ignorés.
Cette surreprésentation des femmes, dans cette sous-population, confirme, par ailleurs,
leur plus forte visibilité, puisqu’elles apparaissent plus souvent en Une centrale ou en photo
sur la Une. La femme est donc le personnage typique de la presse people, et ce, de façon
encore plus franche dans le mode mimétique bas.
Mais la focalisation sur la famille Sarkozy et plus précisément sur le président de
la République, sa femme actuelle et sa deuxième ex-femme nous oblige, par ailleurs, à
les considérer comme les personnages politiques typiques de cette presse. Ils détiennent
60,6% des Unes centrales politiques et 53,8% des photographies de personnages politiques
en Une. Si nous considérons l’ensemble de la famille Sarkozy, celle-ci détient 63,5% de la
visibilité des personnages politiques, 65,7% des Unes centrales et 56,3% des photographies

341

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en Une. Il y a donc une omniprésence de la famille Sarkozy dans la presse people, influant
fortement sur la visibilité des personnages politiques dans cette presse. Il est donc difficile
de considérer la médiatisation des politiques dans le genre people sans considérer celle de
la famille du président de la République. Cela soulève alors une question sans réponse : est-
ce que ce sont ces personnages, par leurs pratiques et un jeu avec les médias, qui influent
sur cette médiatisation ou est-ce que si, un autre président avait été élu, la médiatisation de
sa famille serait aussi forte (la période et l’actualité du mandat justifiant la médiatisation) ?

VII. 3. 2. Une presse people qui se politise…


Si la définition des titres de presse people a ouvert notre réflexion à deux modes de visibilité,
dans lesquels se dessinent des sous-catégories composées de deux titres, l’angle de la
politisation ouvre cette typologie à deux tendances dans la médiatisation des personnages
politiques. Chaque mode de visibilité contient deux types de mise en scène des hommes
politiques : d’un coté, la célébration de la vie privée de l’homme politique et de l’autre,
la célébration du personnage politique. Résumons nos résultats et les catégories qui en
émergent.

VII.3.2.1. Les modes de visibilité et les tendances de politisation du genre


people.
Le mode mimétique bas apparaît, dans nos analyses, comme un ensemble de titres
privilégiant les personnages politiques à forte visibilité, tandis que le mode mimétique haut,
bien qu’il focalise son attention de manière importante sur les personnages politiques
hautement médiatiques, accorde aussi une visibilité à des personnages qui n’apparaissent
pas dans les titres du mode mimétique bas. Si nous nous intéressons à la qualité des
personnages politiques, soit définis comme personnel politique, soit comme membre de la
famille d’un politique, les modes de visibilité n’apparaissent pas pertinents : émergent alors
deux tendances. La première regroupe les titres VSD, Paris-Match , Closer et Voici qui
se consacrent plus particulièrement au personnel politique tandis que, selon la seconde,
les membres de la famille d’un homme politique sont privilégiés par Ici-Paris, France-
Dimanche, Gala et Point de Vue . Par ailleurs, parmi les dix personnages les plus visibles,
quatre sont des membres de la famille d’un politique, mais plus loin, trois sont membres
de la famille Sarkozy et un de la famille Obama. Le mode mimétique bas tend à mettre en
scène plus fréquemment les quatre membres hypervisibles tandis que le mode mimétique
haut tient la visibilité des autres. Dans cette même logique, le mode mimétique bas met plus
souvent en scène la famille Sarkozy alors que le mode mimétique haut permet aux autres
familles d’accéder à la visibilité dans la presse people.
En outre, le mode mimétique bas privilégie les femmes aux hommes. Ici se distinguent
VSD et Paris-Match qui atteignent presque une couverture équitable selon le genre des
personnages politiques. Mais si nous nous intéressons plus spécifiquement aux femmes,
les mères et les filles d’hommes politiques n’apparaissent que dans le mimétique haut. Une
fois encore, VSD, Paris-Match , Closer et Voici se rapprochent en privilégiant les
femmes politiques tandis que Ici-Paris, France-Dimanche, Gala et Point de Vue sont
réunis autour des épouses d’hommes politiques. Une distinction sous-catégorielle permet
de voir que pour les quatre titres privilégiant les femmes politiques, VSD et Paris-Match
accordent proportionnellement plus de place aux femmes politiques peu visibles, tandis que
Closer et Voici se concentrent sur les deux femmes politiques les plus visibles : Rachida
Dati et Ségolène Royal. A l’inverse, dans le groupe de quatre titres privilégiant les épouses

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Chap. VII. Après la campagne…

d’hommes politiques, ce sont Gala et Point de Vue qui octroient proportionnellement plus
de visibilité aux épouses peu visibles, tandis que France-Dimanche et Ici-Paris focalisent
leur mise en scène autour de Carla Bruni et de Cécilia Sarkozy. Ici, c’est donc le croisement
des modes de visibilité avec les tendances de médiatisation des personnages politiques
émergeantes qui permet de distinguer les catégories au travers des deux variables :
« femmes politiques vs épouses » et «personnages hautement visibles vs les autres ». Enfin,
pour la visibilité des cinq femmes les plus visibles, on remarque que le mode mimétique bas
avantage les femmes seules alors que le mimétique haut les femmes en couple, les deux
first-ladies : Michèle Obama et Carla Bruni. Le mode mimétique haut conforme la visibilité
des cinq femmes les plus visibles selon leur statut marital. Leur mariage, cérémonie du
monde domestique, avec un chef de l’Etat, sujets du monde civique, octroie une légitimité
et une grandeur à ces personnages dans le monde de l’opinion. L’effacement de Cécilia
Sarkozy dans ce mode de visibilité insiste sur la prédominance du statut marital, comme
facteur de reconnaissance : une fois, le mariage brisé, la légitimité et la grandeur du
personnage s’effondrent. A l’inverse, le mode mimétique bas s’intéresse moins à l’institution
de la grandeur qu’aux ingrédients narratifs qui permettent de l’instituer : les malheurs de
la femme seule constituent une excellente pâte à récits dont les hebdomadaires du mode
mimétique bas se saisissent.
De ce résumé, trois différences émergent entre les modes de visibilité. Le genre,
la visibilité et les qualités identitaires et relationnelles révèlent des intérêts différents.
Nous pouvons donc définir le mode mimétique bas comme un ensemble de titres people
privilégiant les femmes qui connaissent une actualité privée permettant de souligner leur
ordinarité au travers de leurs problèmes et de consoler le lecteur. Mais ce mode confirme,
par ailleurs, la logique autopoïétique de la visibilité et de la célébrité en ne se focalisant
que sur des personnages hypervisibles. A l’inverse le mode mimétique haut permet à des
personnages politiques peu visibles d’être mis en scène et, ce, en consacrant leurs récits à
leur caractère extraordinaire fondé sur un ordre des grandeurs institutionnels, justifiant alors
la quasi-disparition de Cécilia Sarkozy de ce groupe après son divorce et la focalisation de
ces titres vers les firsts-ladies actuelles.
Pourtant, au sein et transversalement à ces modes, un dernier changement de focale
permet de saisir une tendance à célébrer la vie privée des hommes politiques et une autre
qui saisit les personnages membres du personnel politique. D’un côté, VSD et Paris-
Match, dans le mode mimétique haut, et Closer et Voici, pour le mode mimétique
bas, favorisent le personnel politique au détriment des membres de leur famille. A l’inverse,
Point de Vue et Gala , pour le mode mimétique haut, Ici-Paris et France-Dimanche,
pour le mode mimétique bas, avantagent les membres d’une famille d’un homme politique.
Ces deux tendances conservent, cependant, les critères de mise en visibilité de leur mode
d’appartenance. L’analyse de la médiatisation des hommes politiques en Une après la
campagne présidentielle nous permet donc de confirmer nos catégories tout en ouvrant de
nouvelles perspectives pour la définition de ces titres.

VII.3.2.2. Public : l’hebdomadaire qui « résiste à l’envahisseur ».


De notre analyse quantitative, nous constatons une évolution grandissante dans la
médiatisation des hommes politiques dans le genre people. Public reste cependant
largement derrière les autres titres quant au nombre de Unes politiques et dans l’attribution
d’une grandeur suffisante pour la mise en scène des personnages politiques. Seul neuf
Unes sur cent cinquante-cinq médiatisent un personnage politique dans cet hebdomadaire.

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[Tableau 17 : Liste des Unes Politiques de Public]


Ces neuf numéros mettent en scène des cérémonies du monde domestique : un
divorce (Cécilia et Nicolas Sarkozy), une rencontre et un mariage (Carla Bruni et Nicolas
Sarkozy), l’annonce d’une grossesse et un accouchement (Rachida Dati), des fiançailles
(Jean Sarkozy). Si la Une du numéro 353 évoque Carla Bruni avec l’intitulé « Il n’y a pas
que Carla Bruni… », cet énoncé sert à la justification d’une immortelle sur « les stars
et la rumeur » : aucune évocation de Carla Bruni n’apparaît par la suite dans le récit.
Par ailleurs, ces informations font rarement la Une centrale. Si le numéro 232 attribue une
place centrale à Carla Bruni et Nicolas Sarkozy, c’est dans le cadre d’un marronnier de fin
d’année, retraçant « Toutes les photos, toutes les histoires… » de 2007. Finalement,
la seule information à propos de personnages politiques à détenir une grandeur assez forte
pour permettre de supplanter les autres informations est la séparation de Cécilia et Nicolas
1177
Sarkozy . A l’inverse, les autres informations sont classées après des immortelles :
« Spécial Sex Appeal : 60 secrets de Stars », « Leur vrai QI », « Défauts : ce qu’elles
1178
assument, ce qu’elles cachent » ou des informations peoples jugées plus importantes
par l’hebdomadaire : « Alexia Laroche-Joubert : « Isaure, mon cadeau de Noel » » ,
1179
« Britney : Peut-on la sauver ? », « Angie et Brad : la crise » . Le personnage
1180
politique, malgré une actualité people jugée importante par les autres titres , est considéré
comme plus petit que le collectif des stars ou les personnages peoples typiques de Public .
Une fois encore, Public constitue un cas particulier. Notre classement à partir des
modes de visibilité nous empêchait de saisir la ligne éditoriale de Public comme relevant
d’un des deux modes, la médiatisation des personnages politiques et la politisation des Unes
de presse people indique une nouvelle variable de distinction. Les évènements analysés
montrent que l’évènement est toujours traité indirectement : ce n’est pas la naissance
de Zohra qui constitue la performance principale du récit mais l’observation des visiteurs
1177
Public 223.
1178
Public 239, Public 258, Public 287
1179
Public 232, Public 235, Public 271
1180
On le remarque, entre autres, avec le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni qui apparaît en Une centrale de tous les
autres titres de notre corpus mais qui est mis en scène, en bas à droite de la Une, dans Public , sans véritable annonce du mariage
mais avec le titre : « Pourquoi Sarko va en baver ? »

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masculins à la maternité ; ce n’est pas le mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni mais
1181
la compétence négative de Carla Bruni à pouvoir et vouloir-être première dame .
Cette couverture particulière semble se tenir dans la tension d’un devoir-faire et d’un
vouloir-ne-pas-faire qui construit l’évocation de l’évènement au détour d’un récit qui s’en
défait. L’évocation de la rumeur sur les infidélités en Une et le silence à son propos dans le
récit amplifient ces stratégies d’énonciation. Le devoir-faire de l’énonciation est double :
il repose à la fois sur une soumission à l’actualité politique-people et sur l’imitation de la
concurrence. Public respecte, dans une certaine mesure, ce devoir-faire en médiatisant
les informations hypervisibles sur les personnages politiques mais empêche, par là même,
la classification de ces personnages dans la qualité de grands par la place qui leur est
accordée. Pourtant, nous ne pouvons nier l’évolution de la médiatisation des politiques
dans cet hebdomadaire, à l’instar des autres titres de notre corpus, avec l’effacement de
l’intermédiaire-médiatisant.

VII. 3. 3. Conclusion : Politisation et peopolisation…


La politisation de la presse people ne tient que dans les attributs identitaires de ces
nouveaux personnages qui tendent à devenir de plus en plus présents dans ce genre. Nous
postulions au début de notre étude que la campagne présidentielle de 2007, moment fort de
l’agenda politique, signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux
questionnements par rapport à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le définir
et de l’inscrire dans l’espace public français. L’analyse de l’évolution de cette médiatisation,
à partir de corpus people post-campagne, permet d’observer une réduction des disparités
entre les titres peoples dans leur médiatisation des personnages politiques mais aussi un
effacement des stratégies de déplacement du savoir-dire et du pouvoir-dire . Cette
politisation se confirme, par ailleurs, par une omniprésence des personnages politiques
en Une de la presse people : seules onze semaines de notre corpus ne voient apparaître
aucun personnage politique en Une des titres analysés. Cette analyse comprend finalement
533 Unes différentes, soit un total de 38,3% des 1395 Unes parues lors de la période
envisagée. 25% de ces Unes peoples mettent en scène un membre de la famille Sarkozy
dont la visibilité s’étend sur 121 semaines. La campagne présidentielle et sa fin, le verdict
du scrutin et l’élection de Nicolas Sarkozy, ont permis l’installation de la politisation de la
presse people par la mise en scène des personnages politiques dans cette presse. Pourtant,
l’évolution dévoile que cette politisation n’était pas signée lors de la campagne et encore
largement soumise à des stratégies permettant de détourner sa légitimité et sa validité, à
partir, entre autres, du personnage people comme intermédiaire-médiatisant, mais aussi par
la délégation du savoir-dire à des énonciateurs tiers.
Mais la médiatisation des hommes politiques dans la presse people ne constitue pas
l’intégralité du processus de peopolisation. L’analyse des évènements montre que certains
faits issus du monde domestique paraissent dans la presse quotidienne nationale, devenant
alors un espace pour la mise en scène de la vie privée des hommes politiques. Pourtant,
cette étude dévoile, également, des stratégies de médiatisation par le déplacement d’actions
ou de personnages issus du monde domestique ou de l’opinion vers le monde civique
comme justification du mouvement de peopolisation. Ces trois mondes, révélateur de la
quiddité du phénomène, ont ouvert notre considération du mouvement vers les associations
et les transformations-transpositions, opérées par le narrateur. Ces espaces, idéels ou
naturels, sont avant tout des mises en scène de la part de l’énonciateur des récits qui, en

1181
A l’exception de la légende « Just-married » sur la photo principale de l’article, le mariage n’est pas évoqué.

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les installant et les signifiant, performent la peopolisation. L’espace comme lieu pratiqué est
donc indissociable du mouvement qu’il déploie, qui le signifie et le produit et finalement,
la manière dont celui-ci donne une forme d’existence particulière à la peopolisation. Il est
donc désormais temps de reprendre nos réflexions et résultats pour saisir la peopolisation
comme une action afin de pouvoir, enfin, la définir.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il


est : La Peopolisation

Synthèse des chapitres précédents


Notre thèse est née d’un intérêt et d’un questionnement autour des nouvelles formes de
médiatisation des hommes politiques, dans une période qui précédait un temps politique fort
–l’élection présidentielle de 2007 – et où semblait émerger un phénomène – la peopolisation.
Nous l’avons confronté, très vite, à une intuition théorique et empirique :
Pour saisir un phénomène à la fois narratif et social, il nous faut l’investir dans
une posture interdisciplinaire permettant d’étudier sa manifestation dans les
discours et sa construction dans l’espace social. La campagne présidentielle
de 2007, moment fort de l’agenda politique, signe l’installation du processus
de peopolisation, mettant fin alors aux questionnements sur sa légitimité ou
sa validité, ce qui permet donc de le définir et de l’inscrire dans l’espace public
français.
En effet, la peopolisation a un mode d’existence discursif : elle renverse le principe austinien
qui devient ainsi : quand faire, c’est dire. La particularité de la peopolisation pose alors
1182
deux acceptions : la peopolisation est une action, la peopolisation est un récit . Par
ailleurs, nous souhaitions appréhender un phénomène en train de se faire ; il était donc
impossible de le définir a priori. Il nous fallait l’observer dans son mouvement sans postuler
de sa consistance. Dès le début de notre recherche, deux pôles théoriques nous ont
paru pertinents pour résoudre ces tensions : la sociologie pragmatique et la sémiotique
narrative. Une lecture approfondie de ces auteurs a alors suscité un nouvel intérêt : celui
de prouver la possibilité et la pertinence de l’association des deux courants théoriques
pour penser les objets d’une société de communication où les espaces de socialisation
sont de plus en plus conf(ond)us. Il y a donc, dans notre thèse, deux lignes directrices : la
première, empirique, observe et analyse le phénomène de la peopolisation des hommes
politiques dans l’espace public français et la seconde, théorique, éprouve une manière
interdisciplinaire d’orienter notre regard et de penser un phénomène médiatique. Résumons
désormais les différents résultats et réflexions qui ont guidé notre propos pour, enfin,
proposer de saisir la peopolisation comme une action et définir ce phénomène.
Le premier chapitre de cette thèse est guidé par une hypothèse théorique :
Si la sémiotique a permis de « refaire de la sociologie », la sociologie
pragmatique permet de refaire de la sémiotique pour considérer un phénomène
médiatique en train de se faire et une tension linguistique en train de se défaire et
pour, finalement, dépasser l’horizon indépassable du texte.
D’un côté, la sémiotique du discontinu porte son intérêt sur la mise en discours d’actions
dans des récits ; l’élucidation de ces récits dévoile l’être du sens dans sa génération. D’
1182
Particularité mais non originalité, d’autres objets conviennent à ce mode d’existence ou le confrontent : il y a là justement tout
un horizon de recherche et d’approfondissement.

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un autre côté, la sociologie pragmatique cherche à décrire l’action en train de se faire, à


partir des ressources utilisées par l’acteur ; l’acteur n’étant personne en dehors de son
action. La logique immanente et l’intérêt porté à l’action sont au cœur de ces deux pôles
théoriques. Le déroulement du fil de leur compatibilité au travers de la notion d’action (et des
éléments qu’elle contient : actant, axiologie, épreuve, compétence, etc.) précise la possibilité
de cette approche interdisciplinaire en interrogeant sa pertinence. La peopolisation est un
processus ; elle est en train de se faire. Il apparait évident de devoir rejeter une définition
a priori du phénomène pour partir d’une incertitude que nos observations résoudraient. La
notion de controverse, proposée par Latour, en tant qu’elle est ce qui résout l’incertitude,
considère les récits comme détenant un pouvoir performatif de structuration du monde et
de la société, s’ils s’installent, sont reconnus et repris. Dans cette logique, le récit participe à
la structuration du monde et du processus de peopolisation ; récit dans lequel émergent les
règles de construction et d’organisation du phénomène saisissables à partir d’une analyse
narrative. Une confrontation entre la sémiotique greimassienne et la pensée ricoeurienne,
mobilisée par les auteurs de la sociologie pragmatique, dévoile un résidu en suspens au
cœur de notre posture interdisciplinaire : le sens de l’être du récit. Dans la sémiotique
du discontinu, la question de l’énonciation est confinée dans l’énoncé même. Or, dans ce
résidu, se tient la pertinence de l’interdisciplinarité qui projette le récit hors de son lieu de
déploiement tout en respectant la logique immanente commune aux deux pôles théoriques
mobilisés. Saisir le récit, non pas seulement comme une narration, mais aussi comme un
fragment d’une action installe l’énonciateur comme un acteur qui donne une forme et une
consistance à la peopolisation, en proposant sa propre théorie sur celle-ci, en dévoilant une
de ses formes d’existence et ses effets et en s’engageant dans la critique d’autres formes
et d’autres théories.
Le second chapitre poursuit la visée théorique pour envisager l’axe du mouvement
et de l’espace. La peopolisation est en train de se faire, elle est un procès ; il y a donc
mouvement mais aussi des espaces entre lesquels le mouvement se produit. Prendre le
parti des forces plutôt que des places implique de refuser, à nouveau, une définition a
priori puisque le mouvement se conçoit dans la possibilité d’un changement et donc à
partir de l’incertitude. Quatre mouvements cohabitent dans notre recherche. Le mouvement
de la narrativité consiste en la génération de l’être du sens du récit. Le mouvement de
traduction considère le journaliste comme un énonciateur qui porte et déplace les paroles.
Le mouvement du chercheur focalise ses regards et ses réflexions, lui-même traducteur
de la parole de sa recherche comme des êtres et des objets qui s’y meuvent. Enfin, le
mouvement de la narration est celui des êtres de papier au sein de l’énoncé. Mais, prendre
le parti du mouvement plutôt que des espaces s’avère aussi salvateur pour la considération
de notre objet, celui-ci se construisant dans la confusion des espaces. Cette approche
par le mouvement évite le piège de l’impossible localisation d’un objet en train de se faire
pour revenir à un processus produisant ses propres espaces pour s’y installer. Cependant,
pour considérer un objet, il nous faut le reconnaître. L’incertitude absolue comme degré
zéro d’une étude apparaît impossible. Etudier la peopolisation oblige donc à identifier
certains traits fondateurs de son identité : la notion de quiddité permet de proposer une
définition minimale du phénomène de peopolisation, et ainsi le reconnaître sans postuler sa
consistance et sa contenance. L’irréductibilité du phénomène tient dans l’hétérogénéité des
êtres qui le construisent et dans la difficulté de qualifier leur cohabitation : une hétérogénéité
identifiable à partir de la dialectique privé/public dont le dépassement est précisément
l’espace d’émergence de la peopolisation. Ainsi, des définitions des espaces privé et public,
d’un état des lieux de la littérature existante sur le sujet et de l’adaptation de ces définitions
à notre objet, la dyade privé/public s’ouvre à une triade de mondes domestique/civique/

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

de l’opinion. Ces espaces de signification dévoilent un principe de structuration interne à


notre objet et permettent de le reconnaitre, de l’identifier et de le différencier d’autres. Trois
mondes sont présents, mais, c’est la manière dont on fait tenir le tout qui nous intéresse :
nous étudions « la colle » et la composition du collage ; les espaces révélateurs de la quiddité
du phénomène de peopolisation devenant des espaces de significations.
Le troisième chapitre quitte pour un temps l’objet de notre investigation pour se
préoccuper des espaces producteurs de l’analyse. Ils sont au nombre de quatre : la
campagne présidentielle, l’espace médiatique, l’espace de la notoriété et enfin, la presse
people. Par la littérature existante et l’observation de 1395 Unes peoples, nous définissons
ces espaces pour saisir leurs influences sur notre objet et nos questionnements. Mais,
plus loin, ce propos permet de définir les logiques du récit people et deux modes de
visibilité opérant une distinction entre les titres de ce genre, pour, enfin, considérer le
personnage typique de cette presse. Les êtres de papier sont installés dans les récits à
partir d’actions narrativisées et personnifiées ; le potentiel évènementiel de l’information-
people ouvre, parallèlement, plusieurs pistes de réflexion quant à notre corpus. Plus encore,
parce que ces espaces du récit engagent l’identité des êtres de papier vers une incarnation
particulière – celle du re-nom –, ils questionnent l’identité médiatique de personnages
ayant une existence exogène aux récits. Le nom, le re-nom, et l’idéologie de la célébrité
posent les fondements de l’identité médiatique des personnages de notre étude, et plus
particulièrement celle des douze candidats à l’élection présidentielle. L’identité médiatique,
définie dans la convergence d’une prise en compte immanentiste et de l’axe – mouvement
et espace –, est le produit de la traduction d’un ou plusieurs porte-parole, le résultat
d’une énonciation relative à un actant. Chaque énoncé, conçu séparément, dévoile une
identité de cet actant comme résultat des procédures d’anaphorisation qui nous permettent
de saisir la consistance d’un parcours au croisement d’un axe paradigmatique, illustrant
ses différents modes d’existence, et d’un axe syntagmatique, figurant son existence
1183
narrative . L’ensemble de ces identités, dont la considération s’élargit, alors, aux rapports
qu’elles entretiennent entre elles et avec leur instance d’énonciation, constitue l’identité
médiatique. Cet élargissement déploie l’identité non plus, seulement, comme le produit
d’une narration mais aussi comme le produit d’une traduction. Différents corpus et différents
questionnements émergent alors pour considérer la médiatisation des hommes politiques,
investie dans les quatre chapitres suivants.
Dans le quatrième chapitre, la mise en œuvre des mondes domestiques, civique et de
l’opinion comme paradigmes considère non seulement leur place dans l’identité médiatique
mais aussi leur fondement dans une analyse sémantique. L’être du sens des récits –
le mouvement de la narrativité – est exploré par l’élaboration d’un répertoire établi à
partir de ces trois mondes comme espaces de signification ou, plus précisément, comme
isotopies sémantiques. Chacun des termes de notre corpus est alors observé dans son
installation sur l’axe syntagmatique pour identifier sa mobilisation. Le répertoire permet de
repérer les termes révélateurs de chacun des mondes mais, aussi, les termes manifestés
dans la confusion et le mouvement, désignés alors comme termes complexes. L’analyse
approfondie de ces termes complexes fait apparaître trois variables de divergences entre
les mondes : l’incarnation, le relationnel et la communication. Par ailleurs, cette investigation
sémantique questionne la variable de l’actualité, du fait de sa multiple manifestation selon
les mondes. Enfin, une étude de néologismes élargit notre considération des mondes
comme espaces de signification et revient sur la place du nom propre dans notre recherche.

1183
Cette définition a été investie en détail lors du chapitre III.3.3.

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S’il est une marque, objet typique du monde de l’opinion, la fiction des deux corps du roi
perturbe cette qualification.
Dans le cinquième chapitre, le corpus constitué de récits issus de la presse people à
propos d’au moins un candidat à l’élection présidentielle est observé sous l’angle du porte-
parole, à partir de deux questions fédératrices :
Comment la parole de la campagne présidentielle est portée par le genre people ?
Comment la parole des êtres de papier est portée par le genre people ?
Emergent, alors, deux manifestations de la campagne présidentielle : une manifestation
comme période et une autre comme contexte, retrouvant la question de l’actualité. La
première dévoile une particularité de la presse people – les « immortelles » – et se tient
dans un rapport étroit avec la logique du récit personnifié de ce type de presse. La seconde
n’est pas mobilisée par tous les titres et opère une distinction dans l’attribution de la
grandeur des personnages politiques et de leur légitimité à être médiatisé dans ce type
de presse. La convergence de ces investigations considère le dire, le savoir-dire et le
vouloir-dire des différents titres de presse people quant à la campagne présidentielle et ses
personnages. Mais les caractéristiques de l’« immortelle de campagne » construisent, par
ailleurs, l’identité people de ces titres en montrant la focalisation de cette presse autour des
mondes domestique et de l’opinion, à partir de récits astrologique, morphopsychologiques,
graphologiques – sur le passé des candidats ou sur le soutien de peoples ou de
leurs proches –, qui permettent l’attribution de traits psychologiques et de compétences.
Finalement, l’ensemble des énoncés de chaque titre distingue les porte-parole et les lignes
éditoriales quant à la campagne présidentielle et l’information politique. Par une plus forte
mise en scène de ce qui survient dans la campagne électorale, VSD et Paris-Match
portent la parole autant du monde civique que des autres mondes. A l’inverse, Gala et
Closer confinent les candidats dans les mondes domestique et de l’opinion. Closer rejoint
par ailleurs Voici dans la manifestation d’une position politique forte, pro-Royal pour
Closer , anti-Sarkozy pour Voici . De leur côté, France-Dimanche , Point de Vue ,
Ici-Paris et Public refusent aux candidats la légitimité d’apparaître dans les récits sans
« intermédiaire-médiatisant » à qui ils délèguent le savoir-dire et le pouvoir-dire .
Dans le sixième chapitre, notre regard se tourne sur l’ensemble des énoncés à propos
d’un candidat pour mettre à jour son identité médiatique dans le genre people. La visibilité
suit la grandeur des candidats dans le monde civique et le monde de l’opinion à partir
de leur potentiel électif et médiatique. Seul José Bové est doté d’une identité médiatique
épaisse parmi les huit petits candidats et ce, grâce à Gala. Sa médiatisation rejoint la posture
particulière de cet hebdomadaire, fondée sur un compromis entre monde domestique et
monde de l’opinion, à partir des figures de la simplicité, de l’humilité et de la sincérité.
1184
Ce compromis est opéré par tous les titres pour François Bayrou offrant une figure
de cohérence de l’identité médiatique et installant ce candidat sur l’axe des contraires
du carré véridictoire, c'est-à-dire comme un homme « vrai ». La médiatisation de Jean-
Marie Le Pen, de son côté, est contradictoire. Sa mise en visibilité aux côtés des trois
principaux candidats lui octroie un pouvoir-faire, nié dans les récits à partir des figures et
compétences qui lui sont attribuées. Pour Ségolène Royal, la figure de la mère, de la femme
et de la politique construisent une identité entre isolement/indépendance et union. L’identité
médiatique de Ségolène Royal est le fruit d’un paradoxe au cœur d’une seule identité
médiatique, impliquant sensibilité et dévouement mais aussi indépendance, autorité et
ambitions. A l’inverse, l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy se saisit dans la cohabitation
de deux postures éditoriales divergentes ; ce qui nous oblige à évoquer deux identités
1184
A l’exception de France-Dimanche et Point de Vue qui ne médiatisent pas le candidat UDF.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

médiatiques pour un même candidat. Tous les titres de presse people s’accordent pour lui
attribuer une dépendance par rapport à ses proches, proposant alors un contrat de lecture
de son identité particulier se révélant plus dans l’identité médiatique de ceux qui l’entourent
et dans les rapports qu’il entretient avec eux. La présentation d’un entourage pris dans la
confusion des mondes, pour ce candidat, découvre deux mouvements qui distinguent les
titres : une dénonciation, depuis le monde civique, des influences et des jeux de paraître
et un agencement, depuis le monde domestique, désamorçant les dénonciations possibles
depuis les autres mondes. Enfin, nous déplaçons notre regard de la presse people vers
des portraits de la presse quotidienne nationale pour observer que les éléments révélateurs
de l’identité médiatique de chacun des candidats dans le genre people se retrouvent dans
ces portraits.
Dans le septième et dernier chapitre, c’est un dépassement de la période de la
campagne présidentielle, à partir de deux corpus secondaire qui ouvre notre regard vers
l’évolution de la médiatisation des politiques. Un premier corpus est composé de récits
à propos de trois évènements traités, à la fois, dans la presse people et la presse
quotidienne nationale. Les récits à propos du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni
s’organisent autour de la question de la visibilité du mariage, en tant que cérémonie
et en tant qu’évènement médiatique. Si la presse people cherche à montrer le mariage
comme cérémonie, la presse quotidienne en rend compte mais questionne surtout son
évènementialisation. Pour le cas de l’accouchement de Rachida Dati, la brièveté de
son congé maternité déplace l’évènement de la naissance à la possibilité d’être femme
et politique, ce qui reprend la question de l’incarnation. Enfin, l’itinéraire des rumeurs
d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en mars-avril 2010 retrouve l’isotopie de la
communication, apparue au chapitre III. De l’acte d’énonciation au discours des actants
de narration, les espaces de déploiement de la parole transforment la communication et
découvrent les concepts de rumeurs, commérage, scandale, complot et Affaire. Le potentiel
événementiel des informations people est révélé dans la confrontation des mouvements
entre presse people et presse quotidienne nationale : les logiques du récit people enferment
les informations dans le confinement des mondes de l’opinion et domestique et empêchent
ces informations de faire évènement. Enfin, un dernier corpus, quantitatif cette fois,
composé de 1395 Unes observe la politisation des titres peoples et permet d’observer
une réduction des disparités découvertes lors de la campagne. Plus encore, ce corpus
confirme la prédominance du personnage féminin dans cette presse mais nuance notre
hypothèse empirique principale. La campagne présidentielle ne signe pas le processus de
peopolisation, son évolution à la suite de cette période montre qu’il était encore largement
en cours de construction.
Ainsi, ces chapitres ont permis de comprendre ce qu’il en était de la médiatisation des
personnages politiques dans la presse écrite française lors de la campagne présidentielle et
1185
de ce qu’il en est aujourd’hui . Mais un dernier mouvement est nécessaire, en conclusion
de cette thèse, pour réunir ces différents chapitres et les ouvrir à l’intérêt vecteur de notre
propos et de nos analyses : la définition de la peopolisation et de sa forme actuelle.

Quand faire, c’est dire

1185
Ou du moins au moment où nous concluons cette recherche et où son corpus se clôt (30 avril 2010).

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L’incertitude : entre le monde et la réalité


Si, au début de ce travail de recherche, le terme de peopolisation envahissait l’espace public
français, aucune définition n’existait. Il désignait alors de nombreux mouvements pris dans
différents espaces. La confusion de l’hétérogénéité marquait alors notre considération de
ce phénomène comme processus en train de se faire. Les deux pôles théoriques présents
dans notre recherche nous ont amenés à partir d’une incertitude quant à ce qu’il en est
de ce qu’il est pour observer les acteurs sociaux lui donner une consistance et une forme.
La forme discursive de la peopolisation a, alors, opéré un dédoublement de l’énonciateur
pour concevoir celle-ci comme un récit et comme une action :
Si le journaliste est un narrateur qui joue le rôle de traducteur et de porte-parole
des êtres de papier qu’il met en scène, en installant et sanctionnant les actions
décrites dans des rapports de grandeurs particuliers et produisant alors l’identité
médiatique des candidats à l’élection présidentielle de 2007, il est aussi un acteur
qui construit le phénomène de peopolisation, chaque récit devenant une réponse
résolvant (ou dénonçant) les tensions induites par l’hétérogénéité des êtres en
présence et justifiant ce phénomène.
En diffusant son savoir et son croire sur une action peopolisante, le producteur du discours
est aussi acteur de la peopolisation. Il performe la peopolisation, lui donne une forme et une
consistance, propose sa propre théorie sur celle-ci et dévoile une de ses formes d’existence
et ses effets, tout en s’engageant dans la critique d’autres formes et d’autres théories.
« Le récit a un rôle décisif. Certes, il « décrit ». Mais toute description est plus
qu’une fixation, c’est un « acte culturellement créateur ». Elle a même pouvoir
1186
distributif et force performative. »
L’étude du mouvement de traduction s’inscrit dans une volonté de suivre des acteurs au
moment « où ils se frayent un chemin à travers les choses qu’ils ont dû ajouter
aux compétences sociales de base afin de rendre plus durable des interactions
1187
constamment fluctuantes » . Chaque récit est une coupure dans le mouvement de la
traduction. Mais, l’ensemble de ces récits envisage le mouvement de la traduction dans son
dynamisme et sa continuité et saisit l’énonciation comme une action à partir des différentes
distributions et définitions du phénomène de peopolisation.
En 2009, dans l’ouvrage De la Critique, Boltanski revient sur sa pensée et son évolution,
1188
avec le projet d’articuler sociologie critique bourdieusienne et sociologie pragmatique .
Cet ouvrage participe, pour une large part, à notre réflexion conclusive sur la peopolisation
comme action et à notre volonté de définir et de saisir ce qu’il en est de ce qu’il est . Cet
ouvrage est, à la fois, théorique et politique. L’approche politique se tient essentiellement
dans les deux derniers chapitres qui réfléchissent les pratiques de l’émancipation et ouvrent
la voie à une sociologie militante dont l’enjeu est de dépasser par la gauche la sociologie
critique bourdieusienne, en permettant de « rendre au mot de communisme – devenu
imprononçable – une orientation émancipatrice que lui ont fait perdre des décennies de
1189
capitalisme d'Etat et de violence révolutionnaire » . Nous ne rendons que très peu compte

1186
DE CERTEAU, 1990, op. cit. p. 181.
1187
LATOUR, 2007, op. cit. p. 99.
1188
BOLTANSKI, 2009, op. cit.
1189
Ibid. p.235.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

de cette approche ici et concentrons notre attention sur l’approche et le cadre théorique que
Boltanski propose.
Considérons une première distinction, que le sociologue opère, entre réalité et monde,
1190
qui constitue « l’armature conceptuelle » de ses analyses.Il définit la réalité comme la
construction sociale d’un ordre sémantique et normatif, qui peut être remis en cause par
le monde, représentant le possible d’une autre réalité, « ce en quoi chacun se trouve pris
1191
en tant qu’il est plongé dans le flux de la vie » . La réalité est donc ce qui nous apparait
comme allant de soi, le « normal », mais que Boltanski dévoile comme étant précisément
un leurre de normalité en l’opposant au monde comme « tout ce qui arrive », comme
1192
« l’objet de changements incessants » . En refusant de considérer la réalité comme
allant de soi, Boltanski repart de l’incertitude sur ce qu’il en est de ce qu’il est afin de ne
1193
pas tomber dans l’illusion d’institutions déterminantes et de logiques de domination qui,
en fait, ont des pieds d’argile et pourraient être autres. Une conséquence majeure de cette
réflexion remet alors en cause le déterminisme bourdieusien fondé sur l’illusion d’un sens
commun.
Partir de l’incertitude de notre objet d’étude permet ainsi de refuser de forcer la réalité du
phénomène et d’ouvrir notre regard à la possibilité que les définitions soient multiples entre
les différents porte-parole, selon que ceux-ci se réfèrent à la réalité ou à une alternative. Les
analyses du mouvement de la narration, dans les récits de notre corpus, ont découvert la
matérialisation du mélange des mondes dans des règles de construction et d’organisation
spécifique des récits médiatiques. Ces règles peuvent être considérées à partir du rapport
que le narrateur entretient avec la mise en scène de l’agencement composite des êtres, des
objets et des actions narrativisés. Un dernier changement de focale permet ainsi de projeter
nos analyses hors du récit tout en restant confiné en son sein, afin de dépasser l’horizon
indépassable du texte.

Raconter le mélange des mondes…


Une première mise en scène du mélange des mondes consiste en une médiatisation, d’êtres
ou d’objets à la croisée des mondes, qui fait comme si le mélange et sa narration allait de soi :
les conditions et la légitimité de l’acte d’énonciation et de mise en scène de l’agencement
composite sont instituées comme ce qui tombe sous le sens de l’activité du porte-parole et
de la réalité, sans que cela ne soit explicité.
Plusieurs logiques découvertes lors de nos analyses correspondent à cette mise en
scène. Elles sont, par exemple, celles de la presse quotidienne nationale lors du décès de
Gregory Lemarchal. Par de brèves annonces, les journaux rendent comptent de la mort du
jeune chanteur sans pour autant mettre en scène une quelconque aporie du savoir quant
1194
à l’évènement traité . Le récit met en scène un « ça s’est passé » sans questionner ou
réfléchir ce qui s’est passé. C’est aussi le cas des journaux La Croix et Le Monde lors du
1195
mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni . Le passage du monde domestique au monde
1190
Ibid. p.13.
1191
Ibid. p.94.
1192
Ibid. p.94.
1193
Nous reviendrons sur la question de l’institution dans les prochaines pages.
1194
Cf. Chap. VII. 1.1.
1195
Cf. Chap. VII. 1.2.2.

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civique n’est pas incarné par un objet du monde de l’opinion et n’est pas justifié. Le narrateur
permet ce passage en neutralisant le monde de l’opinion afin d’ignorer un questionnement
sur l’activité de médiatisation. Le monde de l’opinion n’est impliqué que dans le support
du récit mais n’est ni actant ni action de narration et n’est pas contenu dans une mise en
abîme ; sa seule incarnation est dans l’énonciation et apparait évidente.
Du côté de la presse people, cette mise en scène mérite de rappeler l’essence même
de la presse people ; une presse qui met en lumière des faits ou des êtres issus du monde
de l’opinion ou du monde domestique. Pourtant, les êtres de papier de cette étude sont
aussi pris dans le monde civique. La place de ce monde rend compte de deux pratiques de
mise en visibilité, sans que celles-ci ne soient investies ou réfléchies.
La première mise en visibilité est celle de la presse people faiblement médiatisante,
lors de la campagne présidentielle. La mise en scène du monde civique l’investit comme un
critère de qualification du personnage politique ; un critère qui ne permet pas la grandeur
des êtres dans ce type de presse. Le monde civique est donc envisagé au travers du monde
de l’opinion, au travers de personnages jugés plus digne d’intérêts. Une telle mise en scène
1196
n’est jamais explicitée par France-Dimanche, Ici-Paris, Point de Vue et Public ; elle
s’impose comme « normale » : les hommes politiques ne sont pas des peoples, il faut des
1197
peoples pour parler des hommes politiques . La présence d’un intermédiaire-médiatisant
permet de pouvoir-dire et de savoir-dire sans réfléchir le vouloir-dire ou le devoir-dire. Dans
la logique de la sémiotique du discontinu de Greimas, cette mise en scène correspond,
au niveau de l’énonciation-énoncée, à la manifestation de compétences actualisantes sans
celle de compétences virtualisantes.
Mais le monde civique peut être, par ailleurs, neutralisé dans l’énoncé-énoncé, c'est-à-
dire en tant qu’espace de narration. Lors de la maternité de Rachida Dati, la presse people
s’attarde sur la cérémonie de la mise au monde, sur le bonheur qu’il peut susciter pour
la mère ou sur l’identité du père. Lors des rumeurs d’infidélités, la presse people se saisit
de l’évènement dans le confinement du bonheur ou des tensions dans le couple ou autour
de l’amitié ou de l’inimitié de Rachida Dati et de Carla Bruni. Les hebdomadaires peoples
ignorent, ainsi, les scandales autour des évènements et les replient vers des objets du
monde domestique ou de l’opinion.
Ainsi, dans cette première mise en scène, la presse people néglige le monde civique
ou ne le traite que comme un facteur de notoriété et, donc, comme déjà pris dans
le monde de l’opinion. La retraite des objets civiques, déployés par la presse people,
n’est pas questionnée, comme si cela tombait sous le sens que ce type de presse
ignore les retombées politiques ou sociales de ces évènements. La presse quotidienne
nationale, quant à elle, neutralise le monde de l’opinion. L’absence de réflexivité évite de
rendre problématique la relation entre la qualification et les objets : elle élude ainsi le
questionnement quant au mélange des mondes et à la légitimité de le mettre en scène.

A l’origine du mélange des mondes et de sa mise en scène…


Une deuxième mise en scène du mélange des mondes, décelée dans notre corpus,
s’intéresse au Destinateur, c'est-à-dire identifie l’actant à l’origine du mélange. La
problématique de ce qui se passe, de comment cela se passe et de ce qui devrait se passer
1196
Bien que Voici ne mette en scène les hommes politiques que par l’intermédiaire de people, la particularité de son
énonciation humoristique le place dans une autre posture, plus critique, dont nous rendrons compte un peu plus loin.
1197
Ou des personnes ordinaires dans le cas de France-Dimanche.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

est privilégiée au détriment de la tâche à accomplir elle-même. Le mélange des mondes


comme sa mise en scène sont réfléchis au prisme de leurs fondements. Dans les récits de
notre corpus, deux Destinateurs sont identifiés : les médias et les acteurs politiques.

A l’origine du mélange des mondes et de sa mise en scène étaient les


personnages politiques.
L’analyse des rumeurs d’infidélités a souligné l’intérêt porté à l’identification de l’auteur de
la diffusion d’une rumeur, permettant au porte-parole de se désolidariser du groupe des
1198
propagateurs .
« Pour les médias, la rumeur est toujours l'information de l'autre, l'information
1199
qu'on ne peut pas donner, et une information probablement fausse. »
Cet intérêt est très présent dans notre corpus ; de nombreux porte-parole identifient les
autres comme à l’origine du mélange des mondes et de sa mise en scène. Cet autre est
majoritairement l’homme politique, qui cherche à toucher l’opinion publique. Rappelons
qu’un compromis est envisageable entre monde civique et monde de l’opinion à partir de
l’acception d’« opinion publique », tenue par l’ambiguïté du terme « public » inhérente à ces
1200
deux mondes . Cette ambiguïté devient un compromis lorsque l’ambition de « toucher
l’opinion publique » est soumise non seulement à « l’enrôlement pour une cause dans le
monde civique » mais aussi à « la captation des regards dans le monde de l’opinion
1201
» . Deux mouvements sont ici possibles. Soit le compromis est maintenu, soit une
critique émerge de cette ambiguïté quand le porte-parole indique que le compromis n’est
pas réalisé du fait d’un abandon, par l’homme politique, de la juste cause alors qu’il maintient
la recherche de captation des regards. La dénonciation repose alors sur un désintérêt quant
au principe supérieur commun du monde civique. Nous retrouvons ces deux mouvements
au travers des deux identités médiatiques de Nicolas Sarkozy. Le premier est celui de Paris-
1202
Match, qui maintient le compromis , tandis que les autres titres construisent la figure du
manipulateur. Dans ce dernier mouvement, le monde de l’opinion est dénoncé en tant qu’il
ne sert pas à des objets du monde civique mais reste restreint à ses propres objets : il n’est
pas un point de passage mais la finalité. La question laissée en suspens dans le chapitre
V, à propos du positionnement politique de Voici et de sa ligne éditoriale fondée sur une
1203
critique constante du personnage de Nicolas Sarkozy, retrouve son intérêt . Au travers de
récits anti-sarkozystes, Voici rejoint une attitude critique de la presse quotidienne nationale
énoncée depuis le monde civique à l’encontre du monde de l’opinion ; c’est aussi la position
1204
de VSD et Gala dans la traduction de l’identité médiatique du candidat UMP. L’homme
politique se joue du public, il est celui à l’origine du mélange des mondes et de sa mise en
scène, les porte-parole se positionnent alors comme ceux qui rendent compte et dénoncent
cette manipulation.

1198
Cf. Chap. VII. 1. 4. 1.
1199
TAIEB, 2005, op. cit, p. 5.
1200
Cf. Chap. IV. 2. 2. 1.
1201
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 386.
1202
Nous reviendrons sur ce compromis lors de la troisième posture de mise en scène du mélange des mondes.
1203
Cf. Chap. V. 3. 2. 1.
1204
Malgré une ligne paradoxale de cet hebdomadaire, soulignée chap. VI. 4. 3. 2.

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Un même mouvement est repérable lors du traitement médiatique de la maternité de


Rachida Dati. Voici produit une énonciation critique depuis le monde domestique, accusant
Rachida Dati de carriérisme et d’arrivisme nuisant non seulement à sa maternité mais aussi
à son enfant. Ce narrateur dévoile l’impossibilité d’être, à la fois, mère et ministre et construit
la figure d’une femme carriériste en même temps que celle de la mauvaise mère qui échange
1205
sa fille contre son travail, malgré les risques psychologiques que cela peut occasionner .
Voici émet, ainsi, une critique depuis le monde domestique, ignorant les conséquences
dans le monde civique et privilégiant la question de l’harmonie dans le monde domestique.
Cette dénonciation prend une autre forme pour Libération et Le Monde. Ces journaux
déplacent la figure de la mauvaise mère vers le monde civique pour éprouver la figure du
mauvais exemple, niant les avancées sociales des femmes pour le congé maternité. Quel
que soit le lieu de déploiement de la critique, monde civique pour les quotidiens ou monde
domestique pour Voici, ces porte-parole identifient, au préalable, un Destinateur du mélange
des mondes et de la mise en scène, ce qui leur permet de supposer un mélange non-
obligatoire et donc de sanctionner l’identité composite de Rachida Dati.
Dans les récits sur les rumeurs d’infidélités, Le Monde, L’Humanité et Libération
retournent l’accusation dans le scandale n°2 et permettent à l’affaire de prendre forme.
Le public devient à la fois témoin et victime de l’affaire. Les amitiés et les inimitiés des
personnages de la rumeur s’opposent au public qui est celui du monde civique : les électeurs
ou les citoyens. Le retournement de situation et la naissance de l’Affaire prennent sens
dans l’indignation des petits face aux pratiques des grands. Une fois encore, ces journaux
identifient les Destinateurs du mélange des mondes et de sa médiatisation. Les porte-parole
s’affranchissent, ici, de manière franche, du groupe des politiques désignés comme les
Destinateurs. Ils se débrayent, eux-mêmes, dans les programmes narratifs comme des
opposants à la rumeur, par une explicitation de leur refus à la considérer, à diffuser ce
qu’elle dit et à participer à son élaboration. Cette désolidarisation est aussi celle de Voici
et Closer qui, dans des encarts, mettent en scène sa diffusion sur Internet ou dans la
presse étrangère, deux groupes auxquels ils n’appartiennent pas. En revanche, les médias
peuvent être aussi qualifiés, dans d’autres récits, comme les Destinateurs du mélange des
mondes et de sa mise en scène.

A l’origine du mélange des mondes et de sa mise en scène étaient les


médias.
1206
Dans les récits sur les rumeurs d’infidélités du Figaro , la figure de la victime est
incarnée par Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, ce qui empêche de les considérer comme
les Destinateurs ; la figure du bourreau est remplie alors par celui qui incarne le rôle de
l’accusateur : la rumeur. Ce n’est qu’au travers des citations qu’émerge un coupable plus
précis : Internet. Cette posture de dénonciation indique que le porte-parole parle au nom
du couple, sujet du monde domestique ; il les plaint, en soulignant leurs souffrances et les
dommages qu’ils subissent. Cette attitude est aussi celle d’Ici-Paris et France-Dimanche,
1207
lors de la médiatisation de l’accouchement de Rachida Dati, pour le premier , ou à la
1208
suite du décès de Gregory Lemarchal, pour le second . Ces hebdomadaires s’associent
à la ministre pour partager son bonheur ou à la famille du jeune chanteur pour partager
1205
Ces risques psychologiques sont installés dans le récit à partir du discours d’un expert. Cf. Chap. VII. 1. 3. 2.
1206
Cf. Chap. VII. 1. 4. 2.
1207
Cf. Chap. VII. 1. 3. 1.
1208
Cf. Chap. VII. 1. 1.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

sa douleur tout en se désolidarisant des autres titres peoples et médias et en dénonçant


une surmédiatisation nuisibles aux personnages qu’ils plaignent dont les Destinateurs sont
leurs concurrents. Il y a un écart entre deux incarnations du monde de l’opinion. La première
installe le monde de l’opinion comme actant de narration, et plus précisément, comme un
opposant au couple, à la mère ou à l’harmonie dans le foyer domestique tandis que la
seconde entretient, au niveau de l’énonciation, la médiatisation des évènements.
C’est une variante de cette posture que nous observons dans les journaux Libération
et l’ Humanité lors du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni. Ces journaux ne rendent
pas visible l’évènement mais questionnent sa visibilité. Ils s’éloignent donc de la pratique
pour la réfléchir. Ils mettent en confrontation la réalité et le monde. Ainsi, en février 2008,
quand Libération titre « Le divorce », il oppose la réalité de la visibilité du mariage de
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni au monde où un autre objet serait rendu visible : le problème
du pouvoir d’achat des Français. De la même façon, L’Humanité énonce dans l’article « A
Carla et Nicolas » :
« Vous avez alors choisi un mariage tout simple, discret, avec quelques amis
seulement. Et voilà pourtant que tout le monde en parle. Vous auriez voulu que
cette discrétion soit reconnue et saluée par tous, qu'elle fût connue en tous lieux,
que sonnent les trompettes de la modestie après celles de la renommée, qu'il
n'en aurait pas été autrement. C'est une bien belle histoire que vous offrez aux
Français, savez-vous, en ces temps cruels d'argent fou, de pouvoir d'achat en
berne et de baisse dans les sondages à l'approche des élections municipales,
face aux promesses non tenues, au clinquant ou aux manipulations comme celle
de la ratification du traité de Lisbonne. Oui, une bien belle histoire. »
Cette réponse revient finalement à accuser l’objet « people » de détourner l’individu des
vrais problèmes et dénonce « une idéologie au sens le plus marxien du terme, soit une
entreprise de travestissement de la réalité ». Cela rejoint – comme l’indique Dakhlia –
une des critiques les plus virulentes contre la peopolisation la désignant comme une mise
1209
en danger de la démocratie . Le narrateur se positionne comme un destinateur-judicateur
sanctionnant les autres acteurs de la médiatisation – autant les acteurs politiques que les
autres médias – pour n’avoir pas rendu visible le bon sujet, ici l’anti-sujet : le pouvoir d’achat.
Ces énoncés se placent dans une logique de remise en cause de la réalité en tant qu’ils
mettent en avant un possible et qu’ils réfléchissent le rapport entre les formes symboliques
et les états de choses. Ils nous présentent un monde, une alternative à la réalité, où les
objets du monde domestique ne remplaceraient pas ceux issus du monde civique, où le
monde de l’opinion ne nuirait pas à l’harmonie dans le monde domestique. Le mélange des
mondes et sa mise en scène sont, avant tout, dans cette optique, le résultat d’une action
dans le monde de l’opinion.

La réalité du mélange des mondes…


Une dernière mise en scène du mélange des mondes est observable dans notre corpus ;
elle est celle qui confirme la réalité et propose une énonciation qui va de soi.
Lors du traitement du mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, dans la confrontation
entre l’alternative à la réalité proposée par Libération et L’Humanité, qui insufflent l’idée d’un
monde où monde civique et monde domestique ne serait pas confondus par l’intermédiaire
1209
DAKHLIA, 2008, op. cit. p. 88.

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Médias, politique et vie privée

du monde de l’opinion, Le Figaro transforme cette vision « que chacun peut avoir “par-devers
1210
soi” en un savoir commun » . La confusion des mondes ne relève pas d’une performance
des journalistes ou des acteurs politiques, pour ce porte-parole, mais de la réalité – les trois
mondes sont interdépendants –, une réalité présentée comme « vrai[e] pour quiconque et
1211
indépendamment des circonstances de l’énonciation » . Cette posture réfléchit ce qui se
passe, ce qui devrait se passer et comment cela se passe en affrontant les critiques d’autres
porte-paroles pour justifier le mélange des mondes et sa médiatisation.
Comme dans Libération et L’Humanité, Le Figaro éprouve, lors du mariage de Nicolas
Sarkozy et Carla Bruni, une incertitude quant à ce qui se passe :
« Les difficultés personnelles du président depuis son divorce ont donné aux
1212
Français le sentiment qu’il ne s’occupait plus d’eux « à plein temps ». »
Pourtant, dans ce quotidien, cette incertitude n’est pas celle du narrateur mais des Français.
L’incertitude est alors résorbée dans le schéma narratif : « le mariage » est dévoilé comme
un adjuvant au pouvoir-faire de Nicolas Sarkozy, lui permettant de mettre fin à la « séquence
people ».
1213
« Le président va pouvoir tourner cette page. »
Par ailleurs, la qualification du mariage dans ce quotidien est différente de Libération
et de L’Humanité . Si, pour ces derniers, la discrétion du mariage est niée au travers
d’une rhétorique ironique, elle est considérée comme vraie par Le Figaro . Le mariage est
l’adjuvant qui permet, plus loin, à Nicolas Sarkozy, en tant que sujet, d’être conjoint à l’objet
« problèmes des Français ». Le mariage signe la fin d’une instabilité dans la vie privée du
chef de l’Etat. Il n’y a donc plus rien à médiatiser et plus rien qui détourne les journalistes
et le chef de l’Etat d’objets issus du monde civique. Ce registre confirme la réalité, c'est-
à-dire que ce qui se passe est la réalité. Cette réalité impose l’interprétation que monde
domestique, monde de l’opinion et monde civique sont interdépendants.
« On peut voir dans un discours de ce type un moyen d’apaiser l’inquiétude sur
ce qui est, et cela, particulièrement, pour faire face à la menace constante (…)
1214
que représente la critique. »
Ce même quotidien produit une confirmation du même ordre pour la maternité de Rachida
Dati, rejoint, cette fois, par Closer et VSD. Ils se différencient de Gala, Point de Vue, France-
Dimanche, Ici-Paris et Public, cinq hebdomadaires qui ne réfléchissent pas la relation entre
les formes symboliques et les états de chose. VSD, Closer et Le Figaro, on l’a vu, adopte
une posture réflexive tout comme les autres titres de la presse quotidienne nationale et Voici.
Mais tandis que ces derniers produisent une dénonciation, induisant une impossibilité pour
Rachida Dati à être, à la fois, mère et femme politique, VSD, Closer et Le Figaro imposent
l’idée, dans un souci de justification de la reprise de travail de Rachida Dati, que ce n’est
pas une question de compétence mais que c’est un état de chose : Rachida Dati est, à
la fois, mère et femme politique. Ils confirment cette réalité en défendant la possibilité de
1215
combiner maternité et carrière, comme celle de pouvoir abréger son congé maternité .
1210
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 115.
1211
Ibid. p. 114.
1212
Le Figaro du 04/05/07
1213
Le Figaro du 04/05/07
1214
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 114.
1215
Cf. Chap. VII. 1. 3. 2.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

Cette position est aussi celle de Paris-Match dans l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.
Le porte-parole défend l’idée d’une interdépendance des trois mondes dont le mélange est
une réalité. Contrairement aux titres qui dénoncent une performance dans le mélange des
mondes par Nicolas Sarkozy, Paris-Match installe ce mélange comme de l’ordre de la réalité,
s’octroyant alors un devoir-dire. La réalité défendue du mélange des mondes devient le
ferment de la légitimité de l’énonciation. Les porte-parole définissent un « ça est » en même
temps qu’ils confirment leur position dans le monde de l’opinion et leur identité.
Cette réalité est éprouvée parallèlement par les néologismes, qui constituent un
exercice sémantique de durcissement de la réalité, puisqu’ils donnent à ce mélange
des mondes une réalité sémantique. Intéressons-nous quelques instants au néologisme
« omniprésident » et à sa mobilisation dans la presse quotidienne nationale française. La
première apparition de ce terme date du 4 juillet 2007 dans Le Figaro , mais ce, dans le
cadre de citation directe. Par la suite, s’il est repris dans le discours même du journaliste, le
terme est toujours placé entre guillemets. Le Monde retire les guillemets le 23 décembre
2007 dans le cadre d’une description de la caricature des Guignols. C’est Libération , le
24 août 2008, qui est le premier à retirer les guillemets dans le propos même du narrateur
et donc, par là même, la distance prise par rapport à ce terme. Les quarante-six autres
utilisations de ce néologisme par ce journal seront alors toujours sans guillemets. De la
même manière, L’Humanité retire définitivement, le 26 décembre 2008, les guillemets. Le
Figaro les retire le 8 janvier 2009 et le place dans le titre même si c’est précisément dans
un article qui raconte le discours du président qui s’assume en « omniprésident ». Par
la suite, ce journal oscillera entre l’utilisation ou non des guillemets. La Croix a toujours
utilisé les guillemets, à l’exception de sa dernière apparition, le 11 décembre 2009. A travers
cette très rapide présentation de l’évolution typographique du terme, nous comprenons que
nous sommes passés d’un extrait de citation à la reprise à son compte par les journaux qui
maintiennent cependant, dans leurs premières évocations, le terme entre guillemets. Puis
les guillemets disparaissent, plus tôt chez les journaux dits « de gauche », de manière plus
aléatoire dans Le Figaro et Le Monde, et enfin, très récemment dans La Croix . L’emploi
et l’utilisation de ce néologisme évolue en même temps que l’installation de la peopolisation
dans l’imaginaire français et sa légitimation. Les enjeux politiques et idéologiques de l’emploi
d’un tel terme obligeaient certains journaux à ne l’utiliser au début que dans le cadre de
citation. Or la citation permet au journal non seulement d’autoriser une telle énonciation
mais par ailleurs de se distancer de ce terme tout en l’authentifiant. Désormais, le terme
est intégré au discours du journal qui le reprend à son compte. Cette répétition et cette
évolution dans son utilisation semble donc fixer la réalité du mélange des mondes. Ainsi,
les néologismes stabilisent l’intrication du politique, du médiatique et du domestique.

L’institution et les registres pratique et métapragmatique.


Les trois postures retrouvent deux registres élaborés par Boltanski dans De la Critique : le
registre pratique et le registre métapragmatique. Le premier registre contient une réflexivité
minimum :
« La relation entre les formes symboliques et les états de chose n’est pas
1216
envisagée pour elle-même. »
A l’inverse, le registre métapragmatique doit se comprendre comme l’élévation du niveau
de réflexivité ; la problématique de ce qui se passe, de comment cela se passe et de ce
qui devrait se passer est privilégiée au détriment de la tâche à accomplir elle-même. Ce
1216
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p.105.

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Médias, politique et vie privée

registre concerne non seulement les qualifications des objets, des êtres et des actions mais
aussi la valeur accordée « à l’objet en question avec les questions déontiques que
1217
cela suppose » . Selon Boltanski, la réflexivité peut se décomposer en deux sous-
registres métapragmatiques : celui de confirmation et celui de critique. La critique est un
mouvement qui nait dans un monde. L’espace comme lieu pratiqué est indissociable du
mouvement qu’il déploie, qui le signifie et le produit. Le mouvement critique doit donc
être considéré à partir de son espace de déploiement qui « associe à la situation ou à
l’objet dont il est question non seulement des prédicats mais aussi des relations à d’autres
1218
objets qui permet de les investir d’une valeur » . Le porte-parole définit une situation
à partir des objets qui importent. Dans le registre métapragmatique de critique, le porte-
parole produit une hiérarchie entre les différents mondes pour se situer à partir d’un principe
supérieur commun particulier sur lequel il assoit ses sanctions et son énonciation. Le
registre métapragmatique de confirmation sert, de son côté, à confirmer la réalité. Ce
registre veut apaiser l’inquiétude et stabiliser l’interprétation en insistant sur la banalisation
de sa pratique. Ainsi, cette posture insiste sur un mouvement de dépersonnalisation de
l’énonciation : il confirme ce qui est en confirmant que ça est pour tous, arrête ainsi la chaine
flottante des interprétations et réprime les critiques.
Les trois mouvements identifiés dans leurs rapports au mélange des mondes et à sa
mise en scène répondent à ces registres. Avant de comprendre quelle définition émerge
de notre corpus et de la performativité des récits dans la construction du phénomène de
peopolisation, il nous semble essentiel de réfléchir la question de l’institution ; cette dernière
est fortement liée au registre métapragmatique de confirmation, en tant qu’il relève des
institutions de fixer les références, d’inscrire les êtres dans la réalité et de leur attribuer des
propriétés permanentes.

L’institution comme instance de confirmation


L’ouvrage De la critique retrouve la sociologie critique à partir, entre autres, de la notion
d’institution pour s’affranchir très rapidement de la définition bourdieusienne. Boltanski
constate une tendance à l’amalgame entre institution et social, institution et Etat et entre
institution, organisation et administration. Dans cet amalgame, la sociologie critique s’est
préoccupée des institutions « pour les assimiler à des instruments de dominations
1219
sociales » , ce qui amène Boltanski à qualifier cette sociologie de « critique des
1220 1221
institutions » ou de « sociologie des exploitations » . La sociologie pragmatique a,
quant à elle, ignoré les institutions et s’est construite dans l’ambition de « se rapprocher
1222
des situations concrètes dans lesquelles les personnes agissent » pour privilégier
le sens des énoncés jamais indépendant de l’acte d’énonciation. Ainsi, la sociologie
pragmatique reprochait aux autres sociologies d’être dans l’illusion d’un sens commun et
d’ignorer la logique même du langage et jeu entre les objets et leurs qualifications. Mais,
avec cet ouvrage, Boltanski revient à la question de l’institution, tout en se distanciant de la
considération négative de l’institution par la sociologie bourdieusienne.
1217
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 119.
1218
Ibid. p. 110.
1219
BOLTANSKI, L., « Institution et critique sociale. Une approche pragmatique de la domination », Tracés , 8, 2008. p. 18.
1220
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p.86.
1221
Ibid. p.26.
1222
Ibid.p. 18.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

En instituant la possibilité au monde d’être et en considérant la réalité comme un


leurre de normalité, Boltanski refuse un pouvoir absolu aux institutions du fait de l’existence
de critiques. La critique prend appui sur l’incertitude et sur l’existence d’alternatives à la
1223
réalité . De son côté, l’institution doit sans cesse re-confirmer la réalité pour contrer et
désarmer ces critiques
« Or, comme l’a montré notamment l’étude des formes rituelles ou cérémonielles,
mais aussi celle du droit et de toutes les autres modalités de mise à la norme,
les institutions sont acculées à la tâche de redire sans cesse ce qu’elles veulent
dire, comme si les affirmations les plus péremptoires et, en apparence, les plus
imparables étaient toujours confrontées à la menace du déni, ou encore comme
1224
si la possibilité de la critique ne pouvait jamais être complètement écartée. »
Le rôle des institutions, selon ce sociologue, est d’instituer et de protéger la relation entre
formes symboliques et états de choses. L’institution est donc fortement liée au registre
métapragmatique de confirmation, présenté plus haut : elle doit apaiser les inquiétudes,
banaliser la relation entre les qualifications et les choses et stabiliser les interprétations.
L’institution se réalise dans des épreuves de vérité, c’est-à-dire dans un déploiement de la
norme, ayant une visée de cohérence et de saturation.
« Les épreuves de vérité sont agencées de manière à mettre en cohérence des
1225
éléments disparates. »
L’épreuve de vérité s’attache à faire tenir la réalité comme détachée de l’instance
1226
d’énonciation, en se tenant aux antipodes de l’argument . Il y a donc une « visée objective
1227
de la réalité [qui] s’oriente en direction de la totalité » puisque « c’est seulement en
se présentant à la place du tout que la réalité peut chercher à assurer sa robustesse et
se défendre contre les forces qui concourent à la relativiser, c’est-à-dire à la mettre en
1228
cause » .

Une fiction de l’institution, l’institution comme fiction…


L’isotopie de l’incarnation a révélé, lors du chapitre III, une double incarnation du corps
de l’homme politique. Dans le monde civique pur, les êtres ne sont que la représentation
d’un collectif, les corps sont abstraits. L’incarnation de l’homme politique ne peut se faire
idéellement qu’à partir d’une description définie ou d’un désignateur accidentel. Cette
1229
incarnation n’est donc pas rigide , elle se construit dans la permanence d’une fonction
1230
et dans l’éphémérité des personnes qui incarnent cette fonction . Pourtant, Kantorowicz
pose l’idée de deux corps indissociables, un mortel et un autre immortel, que Marin réunit

1223
Ibid. p.149-150.
1224
Ibid. p.151.
1225
Ibid. p.167.
1226
Ibid. p.158.
1227
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p.140.
1228
Ibid. p.140.
1229
Cf. Chap. III-3-2-1.
1230
Cette considération retrouve par ailleurs notre définition et considération de l’information immortelle, justifiant son appellation.
Cf. Chap. III. 2. 5. 2 et Chap. V. 1. 2.

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Médias, politique et vie privée

1231
à partir du corps sacramentel . L’approche de Marin répond à notre analyse et à notre
tripartition des espaces de signification, installant la fiction du corps du roi dans une mise
en abîme de l’image.
« Est-il possible de décrire le roi autrement qu’en son image ? Est-il possible de
la tracer autrement qu’en le re-traçant dans la représentation, qu’en le re-tirant de
son portrait ? Le roi est-il autre que son image ? Ou, inversement, l’image du roi,
une et multiple, singulière et diversement reproduite, n’est-elle point le tout du
1232
roi ? »
Le roi est une image, ou plutôt la réunion de deux images, l’image d’un corps naturel et
l’image d’un corps politique. La mise en abîme de l’image retrouve la mise en abîme du
monde de l’opinion de notre étude ; elle est à, à la fois, le support « opérant l’échange sans
1233
reste (ou tentant d’en éliminer tout reste) entre le corps historique et le corps politique »
et une incarnation à part entière.
La désolidarisation du corps propre de Rachida Dati, comme si sa part politique et
sa part intime constituaient deux personnages distincts du récit, a rendu compte d’une
dissociation d’espaces dans laquelle le mouvement de traduction pouvait alors se mouvoir.
Le « corps sacramentel sémiotique », le portrait, permettait alors l’échange entre sa part
intime et sa part politique, entre son être mère et son être ministre. Les variations identitaires
de Rachida Dati explorent, dans les récits envisagés, différents êtres qui agissent comme
différents espaces d’engagement et installent un corps naturel, physique, historique, un
corps politique et une image, un corps fabriqué, un corps-spectacle. Ce dernier corps, nous
l’avons vu, ne trouvait pas seulement prise comme support du récit mais était, par ailleurs,
une incarnation « visible » dont le porte-parole rendait compte.
Le corps sacramentel, comme incarnation visible du pouvoir du roi ou de la grandeur de
l’être, s’empare de la place du corps-spectacle dans la presse people ; un corps, rappelons,
1234 1235
particulièrement célébré dans Gala et pour Ségolène Royal . Il est conçu comme une
parure qui sert le caractère extraordinaire, la grandeur dans le monde de l’opinion.
« La beauté archétype de la star retrouve le hiératisme du masque ; mais ce
masque est parfaitement adhérent, il s’est identifié au visage, confondu avec
1236
lui. »
Le monde de l’opinion est glorifié comme une incarnation de l’extraordinarité des
personnages dans laquelle se tient une matérialisation de l’écart entre séduction et
manipulation. Se rendre séduisante n’équivaut pas à séduire dans le genre people, disions-
nous lors du chapitre VI. Le corps-spectacle, dans le genre people, contient ainsi l’image
d’un corps physique et naturel, l’image d’un corps politique et constitue ainsi « la fiction
1237
symbolique » du personnage. L’institution de la grandeur, son fondement, se fait à partir
de l’image, qui agit comme un véritable moyen de modalisation de la grandeur.
1231
Cf. Chap. IV-2-1.
1232
MARIN, 1981, op. cit . p. 251.
1233
Ibid.p. 21.
1234
Cf. Chap. V. 3. 3.
1235
Cf. Chap. VI. 3. 2. 2.
1236
MORIN, 1984, op.cit.p. 57.
1237
MARIN, 1981, op.cit.p. 19.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

Mais la fiction symbolique du personnage est aussi celle de l’institution. En la définissant


comme une instance de confirmation dont le rôle est de dire ce qu’il en est de ce qu’il est,
dans une visée objective et totalisatrice, l’institution, nécessairement détachée du point de
vue, doit être considérée, selon Boltanski, comme un être sans corps.
« Seul un être sans corps peut cesser de « considérer les objets en se plaçant
parmi eux » pour les « voir sub specie aeternitatis » et les « considérer de
1238 1239
l’extérieur », pour reprendre une formulation utilisée par Wittengenstein . »
En tant qu’être sans corps, elle a besoin d’un porte-parole pour se réaliser et perdurer.
L’identité du porte-parole est alors fondée sur cette ambivalence entre le corps naturel
de celui qui incarne le porte-parole et le corps immortel de l’institution qui est incarnée.
L’institution est elle-même une fiction.
« On soupçonne que ces institutions ne sont que des fictions et que seuls
sont réels les êtres humains qui les composent, qui parle en leur nom et qui,
étant doté d’un corps, de désirs, de pulsions, etc. ne possèdent aucune qualité
1240
particulière qui permettrait de leur faire confiance. »
Le mélange des trois mondes constitue, ainsi, à la fois, la réalité produite par l’institution
comme la réalité de l’institution. C’est donc, dans les discours appartenant au registre
métapragmatique de confirmation, que l’institution trouve sa réalité et que la réalité qu’elle
défend se trouve traduite.

L’institution et les porte-parole de notre corpus.


L’institution est une fiction, un être sans corps qui ne peut donc pas parler, elle a besoin
d’un porte-parole, d’un être de chair, situé et intéressé et donc « condamné à la fatalité du
1241
point de vue » . Nous retrouvons ainsi le concept de porte-parole défini dans le deuxième
chapitre de ce travail. Le porte-parole est, avons-nous dit, celui qui supporte la parole, qui
condense la parole de tous ceux qu’il représente en un seul corps ; mais c’est aussi celui qui
porte la parole en tant qu’il la déplace, la mène dans d’autres lieux où elle ne pourrait aller
sans cet intermédiaire. En tant que porte-parole, l’énonciateur des récits travaille à traduire
les langages, les problèmes, les identités ou les intérêts dans ceux des candidats à l’élection
présidentielle et/ou des autres êtres engagés dans l’action décrite mais aussi à construire
et déconstruire ce qu’est la peopolisation. Dans notre logique d’analyse immanente, et au
prisme de la définition de Boltanski, l’institution se découvre donc dans les récits appartenant
au registre métapragmatique de confirmation et poursuit une visée objective de la réalité
en réprimant les critiques. Certains titres de notre corpus se situent exclusivement dans un
registre dans l’ensemble des récits investigués ; d’autres peuvent ponctuellement adopter
un registre différent mais une tendance de chaque titre est repérable, certains adoptant plus
fréquemment une posture critique, d’autres pratique ou de confirmation.
Le journaliste est un sujet du monde de l’opinion mais extérieur à la hiérarchie de
grandeur dans le monde de l’opinion : il est un « magistrat chargé de faire valoir la
grandeur ». Cette extériorité lui procure une légitimité pour porter la parole des êtres de ce
monde, pour porter la parole des petits et des grands de ce monde.
1238
WITTGENSTEIN, L., Carnets 1914-1916, Paris : Gallimard, 1971, p. 154-155.
1239
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 117.
1240
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 28.
1241
Ibid.p. 130.

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Dans le registre pratique, quand le journaliste raconte le mélange des mondes, il


accomplit sa tâche sans questionner son activité ou sa légitimité à porter ces paroles ; celles-
ci sont implicitement reconnues comme évidentes, comme normales. Dans ce registre,
l’utilisation du langage est, selon Boltanski, à caractère indexical. Les catégories pour
qualifier les êtres et les objets sont incorporées au langage sous la forme d’espaces « à
bords flous, dont l’activation est sans cesse modalisée par la relation pratique aux objets de
1242
l’énonciation » , participant à l’ordinarisation de son activité.
« Le langage est mis en œuvre comme s’il faisait corps avec ce qu’il désigne
(comme si c’était la même chose de nommer ou de montrer en désignant du
1243
doigt). »
Cette attitude est celle, majoritairement de Point de Vue, Ici-Paris, France-Dimanche, Public
1244
et Gala . Nous retrouvons la presse faiblement médiatisante lors de la campagne
présidentielle, qui se saisit des évènements post-campagne en racontant essentiellement
ce qui s’y passe, confinant son récit au creux de l’énoncé-énoncé et dans les mondes de
l’opinion et domestique. Il arrive à cette presse d’émettre des accusations, mais ce toujours
depuis le monde domestique dont la préoccupation constitue avant tout un effet de fiction.
C’est aussi le cas de La Croix lors des trois évènements investigués. Même si le quotidien
met en scène la polémique lors de la maternité de Rachida Dati, il installe la possibilité de
la critique mais reste finalement dans le registre pratique. De la même façon, autant pour le
mariage que pour les rumeurs, il évite de rendre problématique le mélange des mondes et
son énonciation. Mais, le choix d’éviter tout questionnement sur son activité ou sa légitimité
n’est-il pas la sanction d’une réflexivité implicite qui rejoindrait le registre métapragmatique
de confirmation : ça est donc on en parle ?
Dans le registre métapragmatique, le porte-parole détourne sa pratique en la
réfléchissant : « l’attention des participants se déplacent de la tâche à accomplir vers la
1245
question de savoir comment il convient de qualifier ce qui se passe » . En identifiant
l’origine du mélange des mondes et l’origine de la mise en scène de ce mélange, le porte-
parole qualifie différemment ce qui se passe, mobilisant différents mondes et différentes
hiérarchies de grandeur pour attribuer une valeur aux êtres de papier et aux actions de
narration. Les catégories de langage ne sont plus le produit d’ « ensembles flous » mais
désormais sont un produit « établi par référence à des espaces sémantiques homogènes
1246
bornés par des frontières, stabilisés par des définitions et associés à des règles » . Ce
faisant, c’est sa propre pratique et l’espace d’où il parle que le porte-parole met en scène. Ce
registre peut être divisé en deux sous-registres dont les propriétés de l’un se construisent
de manière symétrique et inverse à l’autre.
Le premier sous-registre métapragmatique, celui de la critique, construit une attitude
critique face au mélange des mondes ou de sa mise en scène ; il identifie un mouvement
néfaste, ses Destinateurs et ses Destinataires, c’est-à-dire les coupables de cette nuisance
et ses victimes. Dans cette qualification des états de choses, le porte-parole perd son
caractère de sujet extérieur à la hiérarchie des grandeurs du monde de l’opinion en
s’associant aux victimes, pour parler en leur nom, porter leurs langages, problèmes,
1242
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 104.
1243
Ibid . p. 104.
1244
Ce dernier titre oscille entre registre pratique et registre critique. Cf. Chap. VI. 4. 3. 2.
1245
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 107.
1246
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 112.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

identités ou intérêts. Il condense la parole de ces victimes identifiées dans son propre corps
et fait ainsi corps avec elles. Les victimes peuvent être les grands du monde de l’opinion ou
les petits, c’est-à-dire les destinataires du récit. Pourtant, selon le récit et le mélange dont il
rend compte, le porte-parole peut procéder d’un déplacement de l’identité de ces êtres dans
un autre monde afin de pouvoir parler en leurs noms. C’est le cas de Libération, L’Humanité
et Le Monde, lors des rumeurs d’infidélités, qui installent le public, non seulement comme
le destinataire de la médiatisation des rumeurs (sujet du monde de l’opinion) mais aussi
comme un ensemble de citoyens qui souffrent (sujet du monde civique). Ce déplacement
leur permet ainsi de s’associer aux groupes des victimes en se déplaçant eux-mêmes du
monde de l’opinion où ils ont une position particulière vers le monde civique où les porte-
1247
parole sont aussi des citoyens . Dans le récit de l’accouchement de Rachida Dati, Ici-
Paris installe celle-ci comme la victime de l’hyper-médiatisation de sa maternité. Le porte-
parole déplace alors Rachida Dati, comme grand du monde de l’opinion, vers le monde
domestique où elle est une mère ; un déplacement qui permet une fois encore au porte-
parole de s’associer à la victime en se définissant lui-même comme une mère qui comprend
1248
et qui plaint . Voici confine, en revanche, ces sujets et sa propre identité dans le monde
de l’opinion. Par une rhétorique humoristique et moqueuse, il établit une connivence avec
les destinataires de ses récits qui lui permet de s’associer à eux dans un groupe où l’on
1249
rit et où l’on raille les grands du monde de l’opinion . Ces différents exemples insistent
sur l’activité du porte-parole et, donc, sur la définition des êtres au nom de qui il parle et de
l’espace d’où il parle. Mais en s’associant ainsi aux victimes dont il porte la parole, le porte-
parole se désolidarise, dans un parcours parallèle, des Destinateurs du mélange et de la
médiatisation. Le processus de qualification, sur lequel se porte l’attention du porte-parole,
est, alors, d’un même mouvement, descriptif et normatif. En désignant et en s’associant aux
victimes, le porte-parole se désigne lui-même comme un être situé et intéressé, pris dans
le point de vue. Ce registre critique est plus particulièrement investi par Voici, Closer, VSD
1250
et Gala , tant lors de la campagne présidentielle, que par la suite lors des évènements
observés. Ce registre critique est aussi celui de Libération, L’Humanité et Le Monde, pour
la presse quotidienne nationale, qui attribuent très largement l’origine du phénomène aux
hommes politiques.
Le second sous-registre métapragmatique, celui de la confirmation, s’établit dans une
1251
relation dialogique au précédent . Les porte-parole rendent compte des inquiétudes, de
l’incertitude, voire des critiques, pour pouvoir les apaiser et stabiliser les interprétations. Ils
participent ainsi à confirmer ce qu’il en est de ce qu’il est, à fixer la réalité et des propriétés
aux états de chose. Cette attitude de confirmation de la réalité investit deux mouvements.
Le premier est la confirmation du mélange des mondes comme une propriété
permanente attachée aux hommes politiques : il répond à la question « qu’est-ce qui
se passe ? » par la réponse : « la réalité! ». Dans ce registre, il n’y a ni coupable, ni
victime, ni nuisance. Le mélange des mondes ne relève pas d’une performance mais de
la réalité ; sa mise en scène est donc une activité normale, logique, allant de soi. Dans ce

1247
Cf. Chap. VII. 1. 4. 4.
1248
Cf. Chap. VII. 1. 3. 1.
1249
Cf. Chap. V. 3. 2. 1.
1250
Toujours dans une ligne éditoriale paradoxale pour ce dernier qui le place parallèlement dans le registre pratique.
1251
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 99.

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1252
registre, nous trouvons, dans ces récits, de nombreuses formules , énoncées sans sujet
1253
d’énonciation , installant le mélange des mondes :
« L’homme derrière le candidat » « Ce n’est plus l’homme politique qui parle
1254
mais l’homme tout entier »
Le second mouvement est la conformation par le porte-parole de sa propre pratique.
En confirmant la réalité du mélange des mondes, le porte-parole retrouve sa position
extérieure du monde de l’opinion, refusant un engagement personnel et renvoyant le porte-
parole critique à une position subjective construite sur le point de vue et l’émotion. Le
registre métapragmatique de confirmation s’attache ainsi à fixer la réalité et à conformer
les pratiques des porte-paroles dont le rôle est de faire-voir la norme, de manière objective
et détachée du point de vue. Cette réalité est plus spécifiquement portée par Le Figaro
et Paris-Match. Ce dernier, pourtant, a été silencieux lors des rumeurs d’infidélités et lors
de la maternité. Or ce silence n’apparaît pas comme une critique mais comme un refus
du commérage puisque, à la suite de ces évènements, le journal publie des interviews
des concernés privilégiant une forme de peopolisation consentie, confirmant sa réalité et le
devoir-faire objectif du journaliste.
L’institution est une instance de confirmation qui construit la réalité. En observant
les récits produits dans le registre métapragmatique de confirmation, nous pouvons donc
considérer sa réalité au travers de la parole de Paris-Match et du journal Le Figaro, qui
s’attachent à confirmer que le mélange des mondes est la réalité et que leurs propres
pratiques de mise en scène se déploient dans une visée objective.

La peopolisation

Ce qu’elle est : proposition de définition.


Dans notre corpus, la réalité de la peopolisation s’impose comme une interdépendance
naturelle des trois mondes dont le journaliste se doit de rendre compte, tout aussi
naturellement, de manière objective du fait de son statut extérieur à la hiérarchie des
grandeurs dans le monde de l’opinion. Pourtant, une des postures initiales de Boltanski
consiste à rejeter la réalité qui irait de soi pour la comprendre comme construite et comme un
leurre de normalité. Notre posture scientifique nous oblige donc à réinterroger la définition
de la peopolisation telle qu’elle est inscrite dans le registre métapragmatique de confirmation
et donc par l’institution, pour la considérer comme une action. Mais la peopolisation n’est
pas simple action, elle est une action discursive : elle n’existe que dans une énonciation
qui fait exister ensemble, dans le discours, les espaces hétérogènes. Plus encore, elle
est une action discursive médiatique puisque sa réussite est soumise à la visibilité du
discours qui la fait. Elle est, ainsi, nécessairement supportée par le monde de l’opinion. En
outre, c’est une action discursive médiatique qui s’attache à décrire un sujet, un objet, une
action à partir de trois mondes : monde civique, monde domestique et monde de l’opinion.
1252
Boltanski définit le registre métapragmatique de la confirmation par « une préférence pour le genre de la
formule » (BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 158).
1253
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 158.
1254
Paris-Match 3020, Paris-Match 3009

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

Mais, plus que les mobiliser comme espaces de signification, elle les sépare pour se
constituer dans leurs rapprochements. Le cas de la maternité de Rachida Dati montre bien
ce mouvement. Tous les récits, quelle que soit leur posture, ont d’abord différencié la mère
de la femme politique pour enfin la réunir comme une seule et même personne ou souligner
1255
l’incompatibilité entre les êtres . L’identité médiatique de Ségolène Royal est construite,
de la même façon, sur l’ambivalence de plusieurs mondes que les narrateurs séparent au
1256
préalable pour pouvoir construire leurs récits dans l’association . En se constituant dans
le rapprochement d’espaces distincts, la peopolisation est une action discursive médiatique
qui résout la différenciation des espaces qu’elle construit et impose, par là, une compatibilité
entre les mondes. L’exemple le plus flagrant est celui de l’identité médiatique de François
1257
Bayrou, qui confirme la possibilité de rester le même tout au long de ses déplacements .
Ainsi, en résumant ces différents éléments, nous pouvons proposer une définition de
la peopolisation comme suit :
En se constituant dans le rapprochement des mondes domestique, civique et de
l’opinion qu’elle sépare, la peopolisation est une action discursive médiatique
dont l’enjeu est de résoudre la différenciation des espaces qu’elle construit.
Cette définition maintient une ouverture pour différents mouvements que la peopolisation
supporte. Dans son dernier ouvrage, Mythologie de la peopolisation, Dakhlia montre que la
peopolisation est un empilement de trois sens :
« L’appropriation du discours people par les responsables politiques ou par
leur entourage (…) La conformation de l’ensemble des médias aux modèles
et aux pratiques de la presse people (…) Le resserrement entre politiques et
1258
vedettes. »
Notre définition de la peopolisation permet ainsi de concevoir différents mouvements en
son sein selon l’acteur. Dans notre recherche, le politique n’est jamais l’acteur, ou du moins
seulement dans l’énoncé-énoncé et donc au travers du dire du porte-parole incarné par les
médias. S’ouvre ici tout l’intérêt de continuer cette recherche afin de voir comment, dans
leur discours ou sur leur site Internet, blog ou profil facebook, les politiques performent la
peopolisation.
Enfin, la définition de la peopolisation retrouve la théorie du « portrait du roi » de Marin,
en imposant cette omniprésence de l’image, iconique ou textuelle, comme fondatrice et
fédératrice de l’échange entre les mondes. La peopolisation émerge dans une mise en
abîme du monde de l’opinion.
« Le roi n’est vraiment roi, c'est-à-dire monarque, que dans les images. Elles sont
1259
sa présence réelle (…) [et] sa réalité royale. »
Seul mot en suspens dans notre répertoire des mondes, la peopolisation est le résultat d’un
1260
mouvement au creux de ce terme, formulable comme : ((1-2)-(3-2)-2)-2 . Elle est le fruit
d’un compromis entre monde civique, monde domestique et monde de l’opinion, lui-même
1255
Cf. Chap. 1. 3.
1256
Cf. Chap. VI. 3.
1257
Une « vérité » de l’être sanctionnée positivement dans tous les titres de la presse people. Cf. Chap. VI. 2. 3.
1258
DAKHLIA, J., Mythologie de la peopolisation, Paris : Le cavalier bleu, 2010, p. 20-21.
1259
MARIN, 1981, op. cit. p. 12-13.
1260
Le tiret manifeste un compromis. Cf. Chap/ IV. 1.2.3.

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Médias, politique et vie privée

en situation de compromis avec le monde de l’opinion, puisqu’il est le support incontournable


pour sa réalisation. Par ailleurs, les mondes civique et domestique n’ont aucune réalité
propre dans la peopolisation ; ils sont eux-mêmes le résultat d’un discours. La performance
de peopolisation ne résout jamais, par exemple, la différenciation entre l’être-mère et l’être-
femme politique de Ségolène Royal, mais résout la différenciation entre la figure de la mère
et la figure de la femme politique de Ségolène Royal. La peopolisation joue avec les figures
qu’elle crée. Mais ces figures sont avant tout médiatiques et donc le fruit, elles aussi, d’un
compromis entre monde civique ou monde domestique et monde de l’opinion (justifiant les
formules intégrées (1-2) et (2-3). Ainsi, nous complétons la définition proposée plus tôt :
En se constituant dans le rapprochement des mondes domestique, civique et de
l’opinion qu’elle sépare, la peopolisation est une action discursive médiatique
dont l’enjeu est de résoudre la différenciation des espaces qu’elle construit
toujours dans la négociation avec le monde de l’opinion.
A partir des analyses narratives, reconsidérées au prisme de la théorie de la critique de
Boltanski, le changement de focale a permis de penser la peopolisation comme une action
et de dégager une définition de celle-ci. Par cette définition, la peopolisation est considérée
par ce qu’elle est. Mais la peopolisation est une action ancrée dans un temps historique
et social. En observant la campagne présidentielle mais aussi la période qui l’a suivie,
notre conclusion ne peut s’arrêter là. Le compromis que porte la peopolisation implique de
considérer ce qu’il en est de ce qu’elle est, c’est-à-dire de conclure sur sa forme et sa place
actuelle dans l’espace public français.

Ce qu’il en est de ce qu’elle est : la forme et la place actuelle de la


peopolisation.
Les différents corpus et les variations des échelles d’observation ont montré qu’une
évolution était remarquable quant à la médiatisation des personnages politiques dans la
presse people, autant d’un point de vue quantitatif que dans les stratégies d’énonciations.
1261
Par ailleurs, une certaine adéquation entre presse quotidienne nationale et presse
people montre que les principes du récit people atteignent l’espace de la presse dite
« sérieuse ». Cette banalisation des logiques peoples est renforcée par les néologismes qui
inscrivent la peopolisation dans une existence sémantique. Mais c’est en 2010 que le terme
1262
de peopolisation fait son apparition dans le dictionnaire Larousse , même si le terme est
toujours absent des autres dictionnaires, et qu’un nouveau magazine apparaît consacré à
la « politique people » : Vox.
Néanmoins, il apparaît clairement, en parallèle, que ce processus est soumis aux
critiques. Notre corpus montre ainsi que le phénomène connaît un mouvement de
banalisation et reste, en même temps, controversé : l’accord n’est pas encore atteint.
Certaines situations sont prédisposées à la critique car elles font apparaître des êtres
et des actions issus de différents mondes et dont l’incompatibilité demande un travail de
déplacement et de transformation pour réaliser la figure de compromis de la peopolisation.
L’analyse de l’identité médiatique de chacun des candidats soulève la particularité de
certains êtres à être projetés dans des situations susceptibles d’être questionnées :
c’est particulièrement le cas avec Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, alors que l’identité
médiatique de François Bayrou contient un parcours dont la cohérence fonde le compromis.
1261
Nous avons cependant souligné, tout au long de cet écrit que des distinctions se maintiennent.
1262
Le Petit Larousse 2010.

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Conclusion Sur ce qu’il en est de ce qu’il est : La Peopolisation

Le registre métapragmatique de critique sépare les mondes. Il ouvre la possibilité de les


concevoir indépendamment les uns des autres et souligne que leur réunion est le résultat
d’une pratique dans le monde de l’opinion ; une pratique qui peut donc être évitée.
Pourtant, les récits critiques, avons-nous vu, sont dans un déni de la propre
responsabilité du porte-parole dans la performance de la peopolisation. Ces critiques
s’attachent toujours à désigner un coupable qui est autre : les autres médias ou les acteurs
politiques. C’est le cas de France-Dimanche qui demande aux autres médias, lors de la
médiatisation de la mort de Gregory Lemarchal : « Laissez-le tranquille ! », alors qu’il est
le titre people qui a consacré le plus de récits au jeune chanteur après son décès. Lors
de l’accouchement de Rachida Dati, Ici-Paris accuse la rumeur sur l’identité du père de
nuire au bonheur de celle-ci, mais dans ces accusations, il propage ces rumeurs en citant
les opposants et leurs propos nuisibles. C’est aussi le cas de L’Humanité ou de Libération
qui dénoncent, lors du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, la place du mariage
dans l’univers médiatique au détriment de celle du pouvoir d’achat, mais qui, ce faisant,
contribuent à la médiatisation de l’évènement. Les exemples de ce déni de responsabilité
1263
dans la critique sont nombreux dans notre corpus. Ils marquent une tolérance que
Boltanski définit comme ce qui permet aux acteurs de ne pas trop s’attarder sur leurs
1264
contradictions et sur les contradictions entre monde et réalité . Dans cette incomplétude
de la critique, la particularité des porte-parole et de l’objet qu’ils critiquent, portée par
la mise en abîme du monde de l’opinion, interroge : Si la peopolisation est une action
discursive médiatique, la mise en scène de celle-ci, autant sur le mode critique que pratique
ou de confirmation, consiste à la performer, l’instituer. La plus violente des critiques et
des dénonciations de ce phénomènes ne reposerait-elle pas sur le silence ? En évitant
de produire des récits sur le mélange des mondes ou sur les situations qui l’obligent,
la peopolisation perdrait son existence discursive. Le monde, comme alternative, où ce
mélange n’existerait pas, où le monde de l’opinion ne nuirait pas au monde domestique,
où le monde domestique ne nuirait pas au monde civique par l’intermédiaire du monde de
l’opinion, prendrait alors le pas sur la réalité. Pourtant, sur le mode de la justification ou de la
dénonciation et dans une posture tolérante face au phénomène, la presse écrite française
contribue à installer la peopolisation. En la critiquant, les titres participent à son élaboration
et sa construction, ils la réfléchissent, la mettent en scène, produisent des théories à son
propos.
« La tolérance à l’égard de certaines transgressions – ce que Goffman appelle
le tact – est une attitude appelée non seulement par le sens des responsabilités
envers autrui mais encore par la crainte d’être soi-même accusé d’abuser de la
1265
situation. »
Cette tolérance quant au phénomène de peopolisation est donc tenue dans la responsabilité
du porte-parole à faire ce qu’il critique. L’accusation tolérante est une forme tronquée,
oblique et limitée des accusations. Les deux types de presse analysés jonglent, nous
l’avons vu, avec cette tolérance par rapport au mélange des mondes en déplaçant leur
propre parole vers la réalité – ça est – ou vers d’autres mondes, leur permettant de
se soustraire de leur responsabilités. Pourtant, en évitant de mettre en scène leurs
énonciations comme celles de corps situés et intéressés ou comme celles de journalistes, en
s’associant alors aux citoyens, aux fans, aux personnes privées, les porte-parole empêchent
1263
Une tolérance que l’on peut dénoncer comme de l’hypocrisie, selon Boltanski (2009, op. cit, p. 103)
1264
BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 103.
1265
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 376.

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Médias, politique et vie privée

1266
la scandalisation de leurs propos qui semblent réduits au commérage ; commérage
1267
défini, par Lemieux, précisément, comme étant une accusation tolérante . Or cette notion
résonne particulièrement dans notre recherche.
La tolérance signe ainsi la figure du compromis que la peopolisation porte au moment
de clore cette recherche. Boltanski et Thévenot définissent le compromis comme une
configuration complexe, une forme hybride où l’on peut identifier la présence d’objets
1268
hétérogènes .
« Le compromis est le résultat précaire d’une pratique dans un ici et un
maintenant singulier. Il est la marque d’une cohérence sociale, politique, capable
1269
de se réinventer dans des contextes nouveaux. »
Ainsi, face à l’hypothèse empirique qui a fondé notre investigation, il apparaît que
la campagne présidentielle et sa clôture, avec l’élection de Nicolas Sarkozy dont la
narratogénie participe au phénomène, ont contribué à une banalisation de la peopolisation
mais n’ont pas achevé son installation, la laissant, au contraire, dans la fragilité que le
compromis suppose. Le phénomène, dans sa critique et dans ses stratégies de résorption
de l’hétérogénéité, nous invite alors à ne pas le quitter des yeux et à observer ses
déploiements futurs.
Dans cette thèse, nous espérons avoir pu rendre compte de récits sur des êtres privés,
médiatiques et politiques et du phénomène de peopolisation en train de se faire, défini par
ses propres acteurs. Ce travail constitue, aspirons-nous, le point de départ d’une recherche
sur la peopolisation, dont l’épreuve scientifique émerge dans l’espace universitaire français.
Les deux ouvrages de Dakhlia sont les premiers à avoir ouvert la voie d’une réflexion sur le
phénomène. Mais plus encore, c’est tout un horizon théorique et empirique qui est en pleine
1270
expansion en France, à propos de la culture de la célébrité et de la presse people. La
confrontation entre sémiotique narrative et sociologie pragmatique semble avoir éprouvé sa
pertinence dans l’analyse de notre objet à la fois narratif et social, un objet particulier mais
non unique. Cette approche appelle alors à s’attarder sur des objets d’existence discursive
mais dont les réalités peuvent être très variées, ouvrant les perspectives de recherches à
d’autres mondes, d’autres hybridations, d’autres dénonciations et d’autres compromis. Si la
société de communication tend de plus en plus à envisager les relations sociales au prisme
du monde de l’opinion, la confusion des mondes ne demande plus qu’à être démêlée dans
l’observation des discours des acteurs à partir de la sémiotique du discontinu de Greimas
et réinvestie dans la sociologie pragmatique ; une approche dont la pertinence demande à
être confirmée ou infirmée dans l’étude d’autres phénomènes.

1266
Cf. Chap. VII. 1. 4. 1. pour les définitions du scandale et du commérage et le passage de l’un à l’autre.
1267
LEMIEUX, 2007, op. cit. p. 376.
1268
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 340.
1269
ABEL, O., Paul Ricœur : La promesse et la règle, Paris : Michalon, 1996, p. 106.
1270
Des auteurs comme Morin ou Debord, dans les années 60-70, en France, ont déjà posé les premières pierres pour une
telle réflexion.

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VSD : présentation par son propriétaire Prisma Presse. [en ligne : http://www.prisma-
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corpus.
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Bibliographie

Bases de données de Presse

Factiva, Base de presse nationale et internationale proposant l'accès aux articles


de près de 10 000 sources (dépêches d'agence de presse, journaux, magazines,
transcriptions de chaînes de télévision) dans 22 langues en provenance de 118 pays.
[En ligne : http://global.factiva.com]
Europresse, Base de presse nationale et Internationale. [en ligne : http://
www.europresse.com/Default.aspx]

Divers sites pour la constitution du corpus

Newspeople.fr , créé en 2002, mashup permentant de voir sur un seul site les People
qui font l'actu sur l'ensemble du web, sorte de "Google News" du People, développé
par ETUY, C. [en ligne : http://www.news-people.fr/]
Relay.fr : Presse en ligne, édité par la société HDS Digital, snc au capital de 500 000
€, inscrite au registre de commerce de Paris sous le N° 488 312 596 et dont le siège
social est situé 19/29, rue du capitaine Guynemer, 92400 Courbevoie. [En ligne :
http://www.relay.com/index.html]
Priceminister.fr, géré par la société PriceMinister S.A. [en ligne : http://
www.priceminister. com/]

Logiciels d’analyse

Lexico 3 : outil de statistiques textuelles, réalisé par l’équipe universitaire SYLED-


CLA2T, Université Paris 3 Sorbonne nouvelle. [En ligne : http://www.cavi.univ-
paris3.fr/Ilpga/ilpga/tal/lexicoWWW/]
Modalisa : logiciel de création et de saisie d’enquêtes, diffusé par Kynos SARL. [En
ligne : http://www.modalisa.com/index.html]

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Médias, politique et vie privée

Annexes

Annexes A. Corpus
Le volume important de notre corpus nous empêche de le faire figurer en Annexes.
En effet, le corpus principal de presse people est composé de 71 numéros différents et
96 articles, tous titres confondus. Ces articles, souvent de plusieurs pages, étendent alors
notre corpus principal à 377 pages de presse people. A cela s’ajoutent plusieurs corpus
secondaires. Le corpus « Portraits dans la presse quotidienne nationale » est composé de
17 articles issus de La Croix, L’Humanité, Le Figaro, Le Monde et Libération. Le corpus
« Mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni » contient 8 articles de presse people et 14
articles de la presse quotidienne nationale tandis que celui à propos de la « Maternité de
Rachida Dati » est constitué de 8 articles de presse people et de 21 articles de presse
quotidienne nationale. Enfin, le corpus « Rumeurs d’infidélités de Nicolas Sarkozy et Carla
Bruni en mars-avril 2010 » contient 12 articles issus de la presse people et 46 articles de
la presse quotidienne nationale. Tous ces articles ont été analysés de façon détaillée et
soumis à une analyse narrative. A cela, s’ajoute un corpus composé de 1395 Unes parues
entre le 14 mai 2007 et le 30 avril 2010 dans les neufs titres de presse people étudiés :
Paris-Match, VSD, Closer, Voici, Gala, Public, France-Dimanche, Ici-Paris et Point de Vue.
Si l’assemblage des récits issus de la presse quotidienne nationale a été réalisé
principalement à partir des bases de données Factiva et Europresse, la constitution des
corpus de récits de presse people s’est avérée particulièrement difficile. Malgré un lectorat
massif et une forte expansion ces dernières années, l’illégitimité scientifique de ce type de
presse a renforcé la difficulté de composition d’un corpus.
« Pour le doctorant, constituer son corpus, c’est choisir la matière sur laquelle il
1271
s’apprête à travailler plusieurs années »
Pour le doctorant dont l’objet de recherche est la presse people, constituer son corpus,
c’est aussi trouver la manière de le constituer. Ainsi, avant les questions, inhérentes à
1272
tout travail de thèse, sur la gestion et la domestication d’un corpus , à propos de la
sélection des récits, le dépouillement ou les méthodes d’analyses, s’est imposée une
question a priori simple : comment réunir les récits médiatiques pour notre analyse ? Le
faible archivage de cette presse constituait, en effet, un obstacle pratique, qui nous a obligés
à bricoler et à croiser différents moyens d’assemblage. Le premier a reposé sur l’achat des
hebdomadaires lorsqu’ils étaient en kiosque. Cependant, fin 2006 et début 2007, période
de parution de notre corpus principal, ce travail et sa définition n’en étaient qu’à leurs
prémices : la constitution du corpus ne pouvait être alors qu’incomplète. Le second moyen a
été rendu possible par le site relay.fr qui permet l’acquisition de numéros de presse people,
1273
en format numérique, quand ceux-ci ne sont plus en kiosque . Cependant, la vente au
1271
AUBOUSSIER, J., « Le corpus de presse écrite au prisme d’un travail de doctorat » LAVILLE, C., LEVENEUR, L. & al.
Construire son parcours de thèse : Manuel réflexif et pratique, Paris : L’Harmattan, 2008, p. 105-111.
1272
KERVELLA, A. & KREDENS, E., « Gérer et domestiquer un corpus géant », LAVILLE, LEVENEUR, & al. op.cit., p. 77-84.
1273
Notons, d’ailleurs, que la plupart des sites des hebdomadaires renvoie à relay.fr pour la vente des anciens numéros.

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Annexes

numéro et l’archivage, sur ce site, sont récents : il a, donc, été principalement opératoire
pour la constitution des corpus à propos des évènements politiques et peoples pris dans des
périodes plus récentes. Notons, par ailleurs, que l’archivage de Voici n’a débuté qu’après
la clôture de notre corpus, le plus ancien numéro disponible étant celui du 12 mai 2010,
1274
tandis que VSD est toujours indisponible . Nous avons tenté de parachever ce corpus à
partir des fonds de la Bibliothèque Nationale de France, seule bibliothèque qui archive ce
1275 1276 1277
type de presse . Cependant, la limitation stricte de consultation et de reproduction ,
ajouté à l’indisponibilité de Public et Closer, en phase de reliure, pendant une longue période
de notre thèse, n’a pas permis pas sa clôture. C’est donc grâce à un dernier moyen que
nous avons conclu ce travail d’assemblage : l’achat « à l’aveugle » sur priceminister.fr.
En identifiant les numéros parus dans les périodes analysées et manquants dans notre
corpus, nous avons pris le parti de les acquérir sans savoir si l’évènement ou un candidat
1278
à l’élection présidentielle était mis en scène . La constitution du corpus de Unes s’est
révélée plus simple, au regard du bricolage effectué pour ceux composés de récits : il nait
d’un croisement entre les images de Unes disponibles sur les sites news- people.fr, relay.fr
et priceminister.fr, complété par les fonds de la Bibliothèque Nationale de France.
Finalement, nous espérons que ce travail de constitution de longue haleine nous permet
de présenter un corpus complet et pertinent dont nous listons désormais les titres et les
1279
articles .

Corpus principal de Presse People


Voici 993 (20/11/06)
« Doc Gyneco et Christine Angot : Sois pas jaloux Sarko ! » (1 page)
VSD 1526 (22/11/06)
« Ségolène Royal : L’enfance d’un chef » (5 pages)
VSD 1527 (29/11/06)
« Jeux de mains à l’Elysée. » (2 pages)
Gala 703 (29/11/06)
« Nuit Glamour à l’Elysée » (1 page)
Closer 77 (04/12/06)
« Régimes, Chirurgie, Relooking : 50 stars transformées » (1 page sur Ségolène Royal)
VSD 1528 (06/12/06)
1274
Seul l’abonnement à cet hebdomadaire est possible depuis ce site.
1275
Seul Paris-Match est disponible, par ailleurs, dans certaines bibliothèques municipales.
1276
Il n’est possible de consulter qu’un nombre limité de volumes par visite. Quand cette presse n’est pas reliée, un volume
correspond à une dizaine de numéros, multipliant les besoins et les empêchant par là même.
1277
La photocopie est faite uniquement en noir et blanc par le personnel de la bibliothèque. La mise en page particulière de ce type
de presse où le texte apparaît très souvent sur un fond coloré et non uni rendait la reproduction peu, voire pas, lisible. Par ailleurs,
certains numéros « abîmés » ou non-reliés ont été refusés pour la reproduction.
1278
Une technique particulièrement ingrate dans l’acquisition des titres de presse people, que nous savons désormais, faiblement
médiatisants à propos des hommes politiques, dans la période de la campagne présidentielle.
1279
Tous les articles listés ici sont ceux qui ont été soumis à une analyse narrative approfondie.

383

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Médias, politique et vie privée

« Ségolène Royal dans la poudrière du Proche-Orient» (4 pages)


Paris-Match 3003 (07/12/06)
« Sarkozy prend son envol.» (8 pages)
Closer 78 (11/12/06)
« Patrick Sébastien : « J’aimerais animer un talk-show de deuxième partie de soirée » (2
pages)
VSD 1529 (13/12/06)
« Femmes : elles ont dominé 2006 » (4 pages)
VSD 1530 (20/12/06)
« Johnny : les dessous de la polémique » (5 pages)
Voici 998 (23/12/06)
« Marie Drucker : Future femme d’intérieur » (1 page)
VSD 1531 (27/12/06)
« François Bayrou. Interview du candidat de l’UDF » (4 pages)
« Le thème astral de la présidentielle 2007 » (7 pages)
Paris-Match 3007 (04/01/07)
« Les nouveaux habits de Jean-Marie Le Pen » (4 pages)
« Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy : les rivaux du zodiaque » (2 pages)
VSD 1533 (10/01/07)
« Nicolas Sarkozy : je n’ai pas d’arrogance, la fin en soi c’est d’être élu » (7 pages)
Paris-Match 3008 (11/01/07)
« Nicolas Sarkozy, blessures secrètes » (4 pages)
Voici 1001 (15/01/07)
« Doc Hystéro : un valet de cœur pour Sarko » (2 pages)
VSD 1534 (17/01/07)
« Le grand retour de Cécilia Sarkozy » (5 pages)
Paris-Match 3009 (18/01/07)
« Sarkozy : C’est Parti » (8 pages)
Public 184 (22/01/07)
« Encore plus de potins : Les pipoles au premier rang du sacre Sarkozy » (1/3 page)
Closer 84 (22/01/07)
« Ségolène Royal : Week-end à Rome sans François… mais avec ses filles » (2 pages)
Gala 711 (24/01/07)
« Qui est le plus riche ? Les candidats révèlent leur patrimoine » (2 pages)
« Ségolène et François. Mais comment gèrent-ils leur couple ? » (3 pages)
VSD 1535 (24/01/07)

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Annexes

« Le coupe Royal/Hollande dans la tempête » (2 pages)


« Les gourous de Ségolène Royal » (4 pages)
Closer 85 (29/01/07)
« Suresnes, Ségolène Royal : une femme urbaine en campagne » (1/6 page)
Public 185 (29/01/07)
« Ségolène : Et si on votait pour son fils ? » (1 page)
VSD 1536 (31/01.07)
« La présidentielle est-elle téléguidée ? » (3 pages)
Paris-Match 3011 (01/02/07)
« Une baby-Sitter nommée Marie-Ségolène » (4 pages)
Closer 86 (05/02/07)
« L’élue de la mode ! Royal, la robe Ségolène ! » (1/6 page)
Gala 713 (07/02/07)
« Cécilia et Nicolas Sarkozy - leur pacte intime : cinq clés pour comprendre leur
couple » (5 pages)
Paris-Match 3012 (08/02/07)
« Ségolène y croit toujours. Les sondages sont en baisse et son équipe de campagne
redouble d’efforts mais, ce week-end, dans son Q.G, la candidate regardait au-delà du 11
février » (4 pages)
Closer 87 (12/02/07)
« Claire Chazal délaissée par Philippe.. » (2 pages)
Voici 1005 (12/02/07)
« Claire Chazal et Philippe Torreton : ils se sont aimés. » (2 pages)
Gala 714 (14/02/07)
« Royal look » (4 pages)
VSD 1538 (14/02/07)
« Royal rassure le PS » (2 pages)
Paris-Match 3013 (15/02/07)
« Ségolène Royal, la contre-attaque » (6 pages)
« Du coté de chez Sarko, à la mutualité, on croit plus que jamais que tout est
possible » (2 pages)
« Pendant ce temps-là, Bayrou grimpe… dans les sondages » (4 pages)
Public 188 (19/02/07)
« Publicité : Les présidentielles 2007 » (1/2 page)
Paris-Match 3014 (22/02/07)
« Quel couple à l’Elysée ? » (2 pages)
Gala 716 (28/02/07)

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Médias, politique et vie privée

« Fils et filles de politiques : Ont-ils attrapés le virus ? » (2 pages)


VSD 1540 (28/02/07)
« Ségolène Royal réunit toute la famille PS » (2 pages)
« La guerre contre Bayrou continue » (1/3 page)
Paris-Match 3015 (01/03/07)
« ENA 1980, la promo Ségolène : un sacré millésime » (4 pages)
Voici 1008 (04/03/07)
« Elections : Confessions intimes » (1/2 page)
Point de Vue 3059 (06/03/07)
« Princes consorts : 3 hommes et un destin… » (2 pages)
Gala 717 (07/03/07)
« José Bové : son nid dans le Larzac » (2 pages)
VSD 1541 (07/03/07)
« Les stars et la politique, la guerre des étoiles » (4 pages)
Paris-Match 3016 (08/03/2007)
« Présidentielle : les peoples dans la campagne » (4 pages)
« Marielle de Sarnez : la femme qui a fait Bayrou » (2 pages)
Voici 1009 (11/03/07)
« Le grand n’importe quoi ! » (2 pages)
Closer91 (12/03/07)
« Quand j’ai vu Ségolène Royal à la télé, j’ai réalisé que je l’avais eu comme jeune fille
au pair » (2 pages)
Gala 718 (14/03/07)
« Salon de l’agriculture : à chacun sa campagne ! » (1 page)
VSD 1542 (14/03/07)
« Sarko, Ségo, Bayrou : la guerre des trois. » (2 pages)
Paris-Match 3017 (15/03/2007)
« Et maintenant s’ouvre le temps des prétendants » (12 pages)
VSD 1543 (21/03/07)
« Le berceau des candidats » (5 pages)
Paris-Match 3018 (22/03/2007)
« Présidentielles : demandez le programme » (6 pages)
Public 193 (26/03/07)
« Doc Gynéco : Chez Sarko, je dine, je bois mais je ne fume pas ! » (1 page)
Ici Paris 3221 (27/03/07)
« Pour qui votent les peoples ? » (2 pages)

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Annexes

VSD 1544 (28/03/07)


« Cécilia Sarkozy/Babette Bayrou : Duel de premières dames » (7 pages)
Gala 720 (28/03/07)
« François Bayrou. Mais pourquoi plait-il tant aux français ? » (4 pages)
Paris-Match 3019 (29/03/2007)
« Ségolène Royal en toute intimité » (8 pages)
« Alors que Sarkozy quitte la place Beauvau, Borloo choisit de le rejoindre » (2 pages)
Paris-Match 3020 (05/04/07)
« Sarkozy, l’homme derrière la candidat. A J-17, il reçoit Paris Match pour parler de son
livre-programme. Et de sa vraie personnalité » (10 pages)
« La campagne de ville en ville. Pour Bayrou, la dernière ligne droite passe par les
antilles. A Lille, Ségolène embrasse Jacques et tend la main à François. Comment font les
candidats pour tenir sur la longueur ? » (6 pages)
Gala 722 (11/04/07)
« Mon père, mon drame… » (3 pages)
Paris-Match 3021 (12/04/2007)
« Babeth et François Bayrou : A deux, tout est possible » (8 pages)
« Revoilà Cécilia » (1 page)
Voici 1014 (15/04/07)
« Votez People ! » (1 page)
Public 196 (16/04/07)
« Pour qui votent les peoples ? » (4 pages)
Gala 723 (18/04/07)
« Ce que révèle leur visage » (3 pages)
VSD 1547 (18/04/07)
« Secrets de campagne.» (11 pages)
VSD 1548 (25/04/2007)
« Sarkozy/Royal : le sacre du second tour… » (10 pages)
« Leur duel : ce que vous ne verrez jamais à la télévision » (4 pages)
« Ségo/Sarko : Deux destins forgés par leurs fractures de jeunesse » (2 pages)
Paris-Match 3023 (25/04/2007)
« Sarkozy : L’émotion (8 pages)
« Ce matin-là, Ségolène esquisse un pas de danse » (2 pages)
« Quand le candidat Bayrou arrive dans son Béarn natal, il a déjà tourné le dos au
second tour » (2 pages)
« Pour Le Pen, ce soir, le champagne a un gout amer et le parfum de l’adieu » (2 pages)
« Le temps des tractations » (2 pages)

387

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Médias, politique et vie privée

Ici-Paris 3226 (01/05/2007)


« Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy : Ce que révèle leur écriture » (1 page)
Gala 725 (02/05/07)
« Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal démasqués par leur écriture » (1 page)
Paris-Match 3024 (03/05/07)
« Sarkozy allume le feu à Bercy » (6 pages)
« Ségolène soulève les foules » (4 pages)
« Génération Sarko » (2 pages)
« Génération Ségo » (2 pages)
« Tout a commencé comme ça » (6 pages)
Gala 726 (07/05/07)
« Nicolas Sarkozy Président » (4 pages)
Paris-Match 3025 (09/05/07)
« Nicolas Sarkozy : l’heure de la victoire » (45 pages)
« Ségolène, une adversaire redoutable » (6 pages)
VSD 1550 (09/05/07)
« Le jour de sa vie » (10 pages)
« Ma vigilance sera sans faille » (6 pages)
« Les trente jours que promet Sarkozy » (2 pages)

Corpus de campagne de Presse quotidienne nationale : les portraits.


La Croix (04/04/2007)
« Portrait 1/12 : Frédéric Nihous, candidat en campagne »
La Croix (05/04/2007)
« Portrait 2/12 : Marie-George Buffet, un combat pour le parti »
La Croix (06/04/2007)
« Portrait 3/12 : Nicolas Sarkozy, une quête au long cours »
La Croix (07/04/2007)
« Portrait 4/12 : Gérard Schivardi, un maire en campagne »
La Croix (10/04/2007)
« Portrait 5/12 : Olivier Besancenot, le trotskisme à visage gamin »
La Croix (11/04/2007)
« Portrait 6/12 : Jean-Marie Le Pen, la stratégie de la séduction »
La Croix (12/04/2007)
« Portrait 7/12 : José Bové, « altercandidat » des villes et des champs »
La Croix (13/04/2007)

388

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Annexes

« Portrait 8/12 : Arlette Laguiller, lutte finale, révolte intacte »


La Croix (16/04/2007)
« Portrait 9/12 : Dominique Voynet, en Vert et contre tout »
La Croix (17/04/2007)
« Portrait 10/12 : François Bayrou, la détermination tranquille »
La Croix (18/04/2007)
« Portrait 11/12 : Ségolène Royal trace sa route, sans doute »
La Croix (19/04/2007)
« Portrait 12/12 : Philippe de Villiers, Vendéen et patriote avant tout »
Le Figaro (24/04/2007)
« Portrait croisé de deux quinquas qui ont compris avant les autres les évolutions de
la société française »
Le Monde (26/04/2007)
« Les métamorphoses de Ségolène Royal »
Le Monde (27/04/2007)
« Les métamorphoses de Nicolas Sarkozy »
Libération (02/05/2007)
« Les 30 visages du réseau de Ségolène Royal »
« Les 30 visages du réseau de Nicolas Sarkozy »

Corpus : Mariage de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.


Presse people
Ici Paris 3266 (05/02/2008)
« Nicolas Sarkozy & Carla Bruni : les dessous d’un mariage attendu »
Closer 139 (06/02/2008)
« Tous les secrets de leur mariage »
Gala 765 (06/02/2008)
« Nicolas épouse Carla : les mariés de l’Elysée »
Paris-Match 3064 (06/02/2008)
« Le mariage »
Point de Vue 3017 (06/02/2008)
« « En 2 minutes, j’ai su que Carla était la femme de ma vie » »
VSD 1589 (06/02/2008)
« Les dessous d’un mariage express »
France Dimanche 3206 (08/02/2008)
« Nicolas et Carla Sarkozy : Enfin mariés ! »
389

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Médias, politique et vie privée

Public 239 (09/02/2008)


« Carla Bruni : Pourquoi Sarko va en baver… »

Presse quotidienne nationale


La Croix (04/02/2008)
« Elysée. Nicolas Sarkozy a épousé Carla Bruni samedi matin. »
L’Humanité (04/02/2008)
« À Carla et Nicolas »
Le Figaro (04/02/2008)
« Mariage discret pour Nicolas Sarkozy et Carla Bruni »
« Carla Bruni, nouvelle première dame »
« Mariage discret pour Nicolas Sarkozy et Carla Bruni »
« Carla et Nicolas, première sortie »
Libération (04/02/2008)
« La première dame se range des hommes »
« Séquences »
« L'essentiel : Elysée »
« Sarkozy se marie sous les sifflets »
« Qu'il se remette à ses dossiers »
« La presse étrangère sarcastique »
Le Monde (05/02/2008)
« M. Sarkozy a officialisé son union avec Mme Bruni »
« Un mariage sans images »

Corpus : Maternité de Rachida Dati


Presse People
Ici-Paris 3314 (06/01/2009)
« Rachida Dati : Zohra est née ! »
Closer 187 (07/01/2009)
« Rachida Dati : A-t-elle raison de retravailler si vite ? »
Gala 813 (07/01/2009)
« Le bonheur de Rachida Dati : sa petite Zohra est arrivée »
Point de Vue 3155 (07/01/2009)
« Zohra, la bonne étoile de Rachida »
France-Dimanche 3254 (09/01/2009)
« Rachida Dati : Ronde d’amour autour de Zohra »
390

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Annexes

Public 287 (09/01/2009)


« Rachida Dati : elle entretient bien le mystère ! »
Voici 1105 (10/01/2009)
« Super Rachida : à peine maman, elle bosse déjà ! »
VSD 1638 (14/01/2009)
« Dati l’insoumise. Polémique sur une maman qui dérange »

Presse quotidienne nationale


Le Figaro (03/01/2009)
« Rachida Dati mère d'une petite fille »
Libération (03/01/2009)
« Dati »
Le Monde (04/01/2010)
« Rachida Dati mère d'une petite fille »
Le Figaro (07/01/2010)
« Rachida Dati présente au Conseil des ministres »
Libération (09/01/2010)
« Les journalistes ont toujours mauvaise presse »
La Croix (09/01/2010)
« Le billet »
« Gouvernement. Rachida Dati est devenue maman »
Le Monde (10/01/2010)
« Le congé maternité est-il un luxe ? »
Libération (10/01/2010)
« Si vous n'êtes pas ministre... »
« Un portefeuille en sursis »
« Entre modèle et contre-exemple »
Le Figaro (12/01/2010)
« Dati : le soutien de Royal, la suggestion de Pécresse »
« Les socialistes tentent de refaire leur unité en attaquant Sarkozy »
« Le chiffre : 56 % des Français estiment que la ministre de la justice, Rachida Dati, a
eu « tort » de reprendre son travail cinq jours après son accouchement »
Libération (12/01/2010)
« Pécresse prône un intérim des élues ayant accouché »
Le Monde (13/01/2010)
« Valérie Pécresse : "J'aurais fait la même chose que Rachida Dati, mais..." »
L’Humanité (13/01/2010)
391

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« Maternité : la jurisprudence Dati en débat »


Le Figaro (13/01/2010)
« Maternité : la jurisprudence Dati en débat »
La Croix (13/01/2010)
« La phrase : « Si nous voulons banaliser la politique pour les femmes, il faut que
nous prévoyions un intérim de 16 semaines après un accouchement pour chaque élue, et
pourquoi pas pour les ministres » »
Le Figaro (16/01/2010)
« Ces femmes dirigeantes qui renoncent à leur congé maternité »
« Élise Lucet : « la grossesse ne doit pas être une performance »

Corpus : Les rumeurs d’infidélités (mars-avril 2010)


Presse People
Closer 248 (13/03/2010)
« La folle rumeur »
Voici 1166 (13/03/2010)
« Carla & Nicolas : ensemble plus fort que jamais »
Closer 249 (20/03/2010)
« 50 secrets de printemps »
Ici-Paris 3378 (30/03/2010)
« Carla Bruni-Sarkozy : « Elle veut reprendre une vie normale »
VSD 1701 (31/03/2010)
« Chantal Jouanno : La ministre répond aux coups dans VSD »
Closer 252 (05/04/2020)
« Rachida est notre amie »
Point de Vue 3220 (07/04/2010)
« Carla et Nicolas : Seconde lune de miel à New York»
VSD 1702 (07/04/2010)
« Rachida Dati : La fin des privilèges »
France-Dimanche 3319 (09/04/2010)
« Rachida Dati : Fin des privilèges »
Voici 1170 (10/04/2010)
« Les rumeurs, ca suffit ! »
Gala 879 (14/04/2010)
« Carla et Rachida : amies ou ennemies ? »
VSD 1703 (14/04/2010)

392

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Annexes

« Carla Bruni et Rachida Dati : une amitié particulière »


Public 353 (16/04/2010)
« Les stars et la rumeur »

Presse quotidienne nationale


Le Monde (03/04/2010)
« Dati privée de la protection de l'Elysée
Libération (05/04/2010)
« En bref : rumeur »
« La phrase »
L’Humanité (06/04/2010)
« Pierre Charron »
Le Figaro (06/04/2010)
« Vie privée, vie publique »
« En bref : le démenti de Rachida Dati »
Libération (06/04/2010)
« Les Gens : Christian Jacob vole au secours de Rachida Dati »
Le Figaro (07/04/2010)
« Rumeurs : la contre-attaque de l'Élysée »
Libération (07/04/2010)
« Repères : Quand Sarkozy attaque ceux qui l’attaque »
« L'Elysée entre complot et parano »
« Rachida Dati, la disgrâce finale »
« Depuis 2007, une présidence de boulevard »
Le Monde (07/04/2010)
« La rumeur et le complot »
Le Monde (08/04/2010)
« Rumeurs sur le couple Sarkozy : ce que dit l'enquête »
« De l'usage de la justice dans les affaires privées du président »
« Rumeurs »
Le Figaro (08/04/2010)
« Carla Bruni-Sarkozy tourne la page des rumeurs »
« Morano critique Internet »
« Carla Bruni-Sarkozy : « Nous ne sommes victimes d'aucun complot ». »
« Vérités d'hier et d'aujourd'hui »
Libération (08/04/2010)

393

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Médias, politique et vie privée

« Rumeur : Carla tente d'éteindre l'incendie »


Le Monde (09/04/2010)
« Cacophonie à l'Elysée, entre rumeurs et démentis »
« Nicolas Sarkozy et son épouse tentent de clore "l'affaire" des rumeurs »
« Les députés UMP " n'avaient pas besoin de ça en ce moment " »
« "Le système du pouvoir se décompose" »
« Peopolisation et vie publique »
L’Humanité (09/04/2010)
« L’«affaire» Bruni-Sarkozy : un écran de fumée à risque »
Le Figaro (09/04/2010)
« Le président est fier de la première dame »
Libération (09/04/2010)
« L'Elysée se prend les pieds dans le tapis des rumeurs »
« Vie Privée. Repères »
« Quelqu'un m'a dit qu'il n'y avait pas d'enquête »
« Vie privée. L'essentiel »
Le Monde (10/04/2010)
« Nicolas Sarkozy face aux doutes »
« Décodage : Qui parle au nom de Nicolas Sarkozy ? »
La Croix (10/04/2010)
« Un peu de hauteur : rumeurs »
L’Humanité (10/04/2010)
« Cuisine : Rumeur(s) »
Le Figaro (12/04/2010)
« Nicolas Sarkozy punit son conseiller Pierre Charon »
Le Monde (13/04/2010)
« Qui sème le vent récolte la tempête
Libération (13/04/2010)
« Les gens : Pierre Charon mis au piquet par l'Elysée »
Le Monde (14/04/2010)
« M. Sarkozy recadre le travail de ses conseillers à l'Elysée »
« Présidentielle : "Je me déciderai à la fin de l'été, début de l'automne 2011" »
Le Figaro (14/04/2010)
« Sarkozy veut remettre l'Élysée en ordre de marche »
« La petite phrase de... »
« Petits signes »

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Annexes

Le Monde (17/04/2010)
« Un vaudeville à la mode Twitter »
Libération (23/04/2010)
« Sarkozy peut-il encore rebondir »

Annexes B. Répertoire des mondes

Annexes B-1. Répertoire du Corpus

L’explicitation des formules et des chiffres accolés aux termes est détaillée au Chap. IV. 1.2.
1 = /Monde civique/ 2 = /Monde de l’opinion/ 3 = /Monde domestique/ Ambiguïté de
multiples manifestations = 1,3 (représenté par la virgule) Compromis = 1-2 (représenté par
le tiret) Dénonciation = 1/2 (Le chiffre avant la barre oblique est le monde dénoncé, celui
après est le lieu d’émergence de la dénonciation. Dénonciation au nom d’un compromis =
1-(2/3) Dénonciation d’un compromis = (1-2)/3 Compromis à partir d’une dénonciation
= (1/2)-3 Compromis à partir d’un autre compromis = 1-(2-3) Dénonciation par ou d’une
autre dénonciation = 1/(2/3) ou (1/2)/3

Abandonner 3
« Pal Sarkozy émigré hongrois, flambeur et dilettante, qui, abandonnant femme et
enfants »
Abattre│abattement 1
« Chiraquiens et villepinistes n’ont pas renoncé à abattre le patron de l’UMP »
Abolir 1
« Sa ligne de communication : abolir les clivages entre culture et politique »
Aboutir│Aboutissement 1
« Ce n’est pas un rêve pour moi, ni un aboutissement. C’est un projet collectif, je veux
que la France change »
Abrogation 1
« le candidat à la candidature aligne les points de rupture : abrogation de la carte
scolaire et du collège unique »
Abstentionniste 1
« S’adresser aux abstentionnistes en créant une république »
Accaparer 2
« C’est surtout la loge des invités show-biz qui accapare l’attention. On voit arriver des
champions »
Accéder 1
« Si la socialiste accède à l ' Elysée »
Accentuer│accent 1, 3
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Médias, politique et vie privée

« Le ton est plutôt solennel, avec des accents mitterrandiens » ou « son accent du sud-
ouest »
Accès│ accessible 2
« Mais rares sont ceux, désormais, qui ont accès à son intimité »
« Il peaufine avec méticulosité son image de candidat calme, accessible et
décontracté »
Accessoire 2
« Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
« Le programme des candidats est bien plus accessoire que l’examen de leur
personnalité »
Acclamer│acclamation 2
« Environ 900 personnes - adresse à la candidate des salves de chaudes
acclamations »
Accointance 3/1
« Trouver des fonds, en récompenser les donateurs, avec des accointances de notables
et des intimidations »
Accolade 3
Compromis entre monde domestique et monde de l’opinion
« Tout sourire, avec des bises et des accolades pour chacun »
« Nombreuses mains, embrasse des mammas africaines et remercie par une accolade
et un merci à toi les nombreux passants »
Accomplir 1
« Mission accomplie à la fin du congrès »
Accouchement│accoucher 3
« La photo de son accouchement parue dans paris match »
Accréditer 1
«Les journalistes accrédités »
Accro 3
« Désormais le rappeur mou est accro à la romancière »
Accrochages 3
« Quelques accrochages dans ce couple »
Accueil│accueillir 3
« Nicolas Sarkozy a voulu accueillir personnellement ses soutiens »
« Cécilia accueille elle-même les personnalités venues assister »
« Les Bayrou nous ont accueillis chez eux dans leur longère de Bordères. »
« Pierre accueille ses grands-parents paternels »
Accusation│Accuser 1, 2

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Annexes

« La présidentielle est-elle téléguidée ? Les principaux médias sont accusés de


favoriser le duo Sarkozy-Royal. Enquête sur cette polémique et interviews »
« Faire taire ceux qui, à gauche, l’ont accusé d’avoir fait chuter Jospin en 2002. Il assure
qu’ en cas de victoire »
Acolytes 3
« Deux acolytes en costume de scène »
Acquérir 2
« La salle est toute acquise à l’ouverture »
« Elle consulte des intellectuels acquis à sa cause »
Acquiescer 2
« le petit groupe de salariés acquiesce, en la suivant au plus près, comme un essaim. »
Acte│acter 1
« Il fait acte d ' allégeance »
« Georges Pompidou avais fait acter par l’opinion »
Acteur 2
« Il a aussi convaincu les acteurs Lambert Wilson ou Sandrine Testud »
Action│activité│activement 1
« Aurait comparé l’action d’Israël au Liban au nazisme »
« Il compte s’engager activement pour soutenir la candidature socialiste »
« Sans la contrepartie d’une activité d’intérêt général »
Actionnaire 1
« Gâtent leurs actionnaires au lieu de financer la recherche »
Actuel 1, 2
« L’actuel patron du PS »
« Les deux favoris actuels de l’élection présidentielle »
« La coupe très actuelle et ses quelques kilos en moins »
Adepte 2
« Un peu folklorique mais qui a ses adeptes»
Adhérer│adhésion 1, 2
« Soutenu par le vote des adhérents, le 29 janvier 2006 »
« Besnehard a, très tôt, emporté l'adhésion de Jeanne Moreau »
Adjoint 1
« Le directeur adjoint de campagne »
Administratif│administrer 1
« Elle administre la communication de l’Elysée »
Admirateur│admirer│ admiration│ admiratif 2
« Il a été admiré, ovationné, applaudi »
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Médias, politique et vie privée

Ado(lescent)│adolescence│adulescents 3
« Bill Clinton pendant son adolescence, a donné un coup de main à son beau - père,
Roger, qui possède un garage »
Adorable 3
« Un homme qui ne ment pas, qui sait rire, chanter, être adorable et amusant »
Adorer 2, 3
« Mon père s’occupe de la cuisine et des courses. Il adore aller au carrefour de la porte
d’Auteuil »
« Le genre de formules que son public adore »
Adouber 1
« Lorsqu’elle a été adoubée par le parti socialiste »
Adoucir 2
« Adoucir l’image du candidat »
Adultères 3
« Lapidation des femmes adultères »
Adultes 3
« Mais si l’enthousiasme de la victoire est très démonstratif chez les jeunes, les adultes
n’en sont pas moins ravis »
Adversaire│adverse 1
« La campagne se durcit entre ses deux principaux adversaires »
Affable 2
« Se débrouille-t-elle pour conserver, en toutes circonstances, cet air impassible et
affable de madone italienne »
Affaiblir 1
« Le plébiscite socialiste en faveur de Ségolène royal affaiblit Nicolas Sarkozy »
Affaire (3/1)/(1-2)
« Les partis entendent bien utiliser cette affaire »
Affection│affectif│affectueux 3
« Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la séparation et du divorce de ses parents.
À la fois affectivement et socialement »
Affectations 1
« Après de nombreux déménagements au gré des affectations du militaire »
Affichage│afficher│affiche 2
« Elle aussi, affiche son penchant pour la candidate PS »
Affinités 3
« Des affinités se forment entre journalistes et ténors politiques «
Affleurer 2-3

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Annexes

« Laisse affleurer ses tourments de femme jalouse et flouée »


Affluer 2
« Les militants affluent dans l’immense hall en ciment d’Eurexpo »
Affranchir 3/1
« Émerger de son groupe d’appartenance en s’en affranchissant radicalement »
« Échappe à cette contrainte, affranchi de l’étiquette UMP »
Affronter│affrontement 1
« Il espérait affronter Dominique Strauss-Kahn »
Âge 3
« Marie - Ségolène était très audacieuse pour son âge »
Agenda 1
« Révèle bien plus qu’un problème d’ agenda »
Agir 1
« Cécilia Sarkozy, 49 ans, n’a récupéré aucun de ses titres officiels. Elle agit pourtant »
Agitateurs│agiter 1/3
« D’une voix calme mais ferme, Etienne Mougeotte, le vice - PDG de TF1, tente de
clore le débat qui agite depuis quelques semaines le microcosme politico médiatique »
Agressif│agressions│ agressivité 3
« Il importe de ne montrer ni fatigue, ni découragement, ni agressivité »
Agricole│agriculteur│agriculture1
« Réforme radicale de la politique agricole commune »
Aïeux 3
« C’est la première fois que le candidat vient sur la terre de ses aïeux »
Aiguillonnés 2
« Sarko et Ségo se verraient aiguillonnés par une opinion qui utiliserait Bayrou plus
qu’elle ne souscrirait »
Aile 1, 3
« Grappillant des voix sur les ailes modérées de la socialiste et du libéral »
« Sarkozy veut voler de ses propres ailes»
« Cette image de battante aux ailes coupées »
Aimable│aimer 2, 3
« Comme Anémone, vous aimez les moustachus »
« Toute femme est capable de penser indépendamment de l’homme qu’elle aime »
Ainé 1, 3
« Thomas Hollande a 22 ans, le fils ainé de François hollande et Ségolène royal »
« Contrairement à ses aînés, qui avaient l’habitude de grenouiller et de théoriser la com’
à tout va, ce professionnel d’un nouveau genre »

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Médias, politique et vie privée

Air 2
« Air concentré, sourcils froncés »
« Critiquent son emploi politiquement incongru de fils de et ses airs d'étudiant baba-
cool »
Aisance│aisé 2
« Bien loin de l’art oratoire d’un Laurent Fabius ou de l’aisance d’un François hollande »
Alerter 1-2
« Un des premiers à alerter le PS sur les questions de délinquance »
Alimentaire 3
« Madame surveille le régime alimentaire de celui qui, tel un athlète s’est engagé dans
la compétition pour l’Elysée »
« Pension alimentaire »
Alimenter 2
« Il alimente les concepts de la révolution sarkozyste »
Allégresse 2
« Allégresse. Salle gaveau, à paris, les partisans de Nicolas Sarkozy explosent de joie »
Allégeance 1
« Acte d ' allégeance »
Alliance│allié 1
« Alliance entre le PS et un centre rénové »
Allocation 1
« L’instauration d’une allocation d’autonomie »
Allocution 1
« Ségolène Royal s’apprête à lire son allocution à la maison de l’Amérique latine »
Allumer 2
« Sarkozy allume le feu à Bercy dimanche 29 avril »
Allure 2
« Son allure décontractée sur les plateaux télé »
Alter│altercandidat│ altermondialisme│alternatif 1
« Son positionnement qui consiste à se poser en alternative positive au vote
protestataire »
Altière 2
« Il faut la voir, altière, pour comprendre comment elle n’a rien lâché »
Amabilités 3
« Faut toujours se méfier des amabilités de Chirac »
Amant 3
« Une photo de Cécilia et son amant d’alors, richard Attias »

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Annexes

Ambassade 1
« En préfecture ou ambassade »
Ambitieux│ambition 3/1
« Ce qui fait la crédibilité d’une ambition, c’est le prix personnel qu’on est prêt à payer
pour l’assouvir »
Âme 3
« Henri Guaino conserve une âme d’enfant, un rien naïf »
Sauf « Corps et âmes » 1-3
« Après s’être vouée, corps et âme, aux grands shows du père, Yann, la cadette, hésite
sur son avenir proche »
« Se repose sur un noyau dur, composé de trois soldats dévoués corps et âme, sa
garde rapprochée »
Amélioration│améliorer 1
« Une mixité sociale réussie pour améliorer la sécurité »
Ami│amical│amitié 3
« Jean - Maurice Ripert à Genève et fidèle ami du couple »
« S’en était alors pris à TF1, suspectée de favoriser Sarkozy, ami intime de martin
Bouygues »
« Ses amitiés personnelles avec les grands patrons »
Amour 3
« Pour en profiter en amoureux. Biberon, câlins, dessins… »
« Filant le parfait amour avec le premier flic de France »
Amuser 3
« un homme qui ne ment pas, qui sait rire, chanter , être adorable et amusant »
Ancestral│ancêtres 3
« De ses origines et du domaine ancestral, il ne reste qu’un souvenir noyé dans les
paysages marécageux »
Ancien│ancienneté 3, 1
« Ancienne ministre des sports de Lionel Jospin »
Ancrage│ancrer 1,3
« Les hommes politiques aiment revendiquer leur ancrage rural »
« Au point d’y avoir tenté un ancrage politique local durable »
Anecdotes 3
« Il se répand en anecdotes sur l’humiliation que fut le divorce »
Angoisse 3
« Angoisses, blessures, ils n’ont pas tout dit »
Animateur│animer 1, 2

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Médias, politique et vie privée

« Elle a animé quatre débats participatifs »


« L’humoriste Maurice Biraud et Dalida animent alors la première partie de ses meetings
de campagne »
Annoncer 2
faire-savoir. Mais aussi prophétique mais dans ce cas neutre
« la candidate de lutte ouvrière a annoncé que c’était la 5ème et dernière fois qu’elle
se présentait »
Anodins 3
« Il faut se méfier de Xavier Bertrand, sous des dehors anodins, derrière un discours »
Anonymat│anonyme (2,1)/3
« dans la foule anonyme, le visage grave , entourée des enfants , Cécilia ne le quitte
pas des yeux »
« Un ralliement d’enthousiasme, valable autant pour les électeurs anonymes que pour
les people »
« Seul un membre éminent du PS relativise, tout en souhaitant rester anonyme »
« C’est bien simple, décrypte un élu sous le sceau de l ' anonymat »
Anticapitaliste│antilibéral 1
« le pilier de la gauche populaire et antilibérale »
Antichambre 3
« Cécilia a réinvesti discrètement l’ex - antichambre transformée en bureau »
Anticonformisme│ anticonformiste 1
« la candidate du parti socialiste mène à l’énergie une campagne anticonformiste »
Antiennes 1
« Sarkozy a oublié ses antiennes libérales pour se mettre à pourfendre la banque
centrale européenne »
Antigréviste 1
« Il est en tête d’une manifestation d’étudiants antigrévistes à paris »
Antiroyal│antisarkozyste 1/3
« Affranchi de l’étiquette UMP, il peut se présenter sous la bannière du PRV. Cette
hypothèse séduit déjà une partie des antisarkozystes »
Anxiété│anxieux│ anxiolytique 3
« Elle était anxieuse et charmante »
Apaiser 3
« Pour apaiser son épouse »
Aparté 2
« Ici et là, des apartés, micros tendus et stylos en bataille »
Apéro 3
« Ambiance familiale et apéros à l’UDF au 133 bis, rue de l’université à paris »
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Annexes

Apôtre 1
« Il était un gueux de la politique, il fut un des premiers apôtres, il est désormais
indispensable à la logistique de la candidate »
Apparaître 2
« Le candidat Sarkozy apparaît, salué par une foule en lévitation »
Apparatchiks 1
« S’attirer la jalousie d’élus ou d’apparatchiks de l ' UMP »
Appareil 1
« Un homme d’appareil et d’organisation il fut, notamment, chef du cabinet »
Apparence│apparition (3,1)/2, 2
« En apparence, le protocole est respecté »
Appartement 3
« Suit sa famille qui déménage dans un appartement, à Neuilly - sur seine »
Appartenir│appartenance 1, 3
« Issue du milieu chrétien démocrate, toujours appartenu au mouvement des femmes
démocrates »
« Le père de Nicolas, n’avait pas hésité à s’approprier alors quelle appartenait à un
cousin de sa mère »
Appel │appeler 1-2, 2
« C’est de sa circonscription qu’elle a appelé à un ordre juste »
« Candidat UMP, qui, il y a peu, était fier de se faire appeler Sarko l ' américain »
Appétit 2
« L’appétit des médias people pour le couple royal – hollande »
Applaudir│applaudissements 2
« Le public chavire et applaudit à tout rompre »
Apprécier│appréciation 2, 3
« Plébiscités par les artisans et les commerçants (69 %), très appréciés par les inactifs
(39%) »
« Sans être intimes, ils s'apprécient »
Appréhender│appréhension 3
« Les français l’ont choisi, malgré les craintes, les appréhensions, les peurs »
Appui│appuyer 1
« L’association désirs d’avenir, sur laquelle Ségolène royal s'est appuyée tout au long
de la campagne »
Arbitrage│arbitrer│arbitre 1
« Jouer les arbitres de la vie politique française »
Arborer 2

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Médias, politique et vie privée

« La bague Dior joaillerie qu’elle arborait a fait sensation »


Archaïque│archaïsme 1
« À préciser si elle reprend le programme socialiste, jugé archaïque par l’UMP »
Archimédiatisé 2
« Blogueur archimédiatisé »
Arguer│argument│ argumenter 1
« Nicolas Sarkozy, qui fait de ses origines hongroises un argument électoral »
« Ségolène royal s’est fait faire un sourire qu’elle utilise en permanence, mais ses
argumentaires physiques et vestimentaires cesseront bientôt de duper tout le monde. »
Aristocrate 3
« Sans être des aristocrates, il est certain que les Sarkozy étaient des notables »
Arrangements 1/3
« Petits arrangements entre amis »
Arrogance 3
« Ils ont grandi dans les beaux quartiers, mais n’en tirent aucune arrogance »
Arrosé 3
« Il l’a d’ailleurs déclaré lors d’un diner bien arrosé chez Ardisson »
Art 2
« Du grand art. Certes, le couple Sarkozy s’expose différemment »
« L’art oratoire d’un Laurent Fabius »
Artificiel 2
« Simplement pour mesurer comment les origines, réelles ou plus artificielles, forgent
le caractère des principaux prétendants à l’Elysée »
Artiste│artistique 2
« Les artistes branchés, les célébrités du showbiz »
Ascension 1/3
« Depuis l’été dernier et l’irrésistible ascension de la femme du chef »
Aspiration│aspirer 3
« Elle aspire à la reconnaissance publique »
Assemblée 1
« Assemblée nationale »
Assises 1
« Aux assises de Nice, en juin 1975 »
Assistant│assister 1, 2
« Son assistante parlementaire »
« Cécilia accueille elle-même les personnalités venues assister au sacre de son mari »
Associatif│association│ associer 1
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Annexes

« Christophe Chantepy revendique son homosexualité et milite dans des associations


gays »
« Nicolas Sarkozy n’a pas directement associé d’économiste ou d’historien à
l’élaboration de son programme »
Assumer (3,1)-2
« Il faudra bien que quelqu’un assume la responsabilité de cet échec »
« Sur son gout assumé pour les travestis »
Ateliers 1
« Ségolène royal traverse au pas de charge les ateliers où se construisent les tgv de
demain »
Athlète 1
« Tel un athlète s’est engagé dans la compétition pour l’Elysée »
Atour 2
« Ségolène royal se pare avantageusement des atours naguère sulfureux d’une femme
libre »
Atout 1-3
« Retour sur les atouts d’un petit béarnais devenu grand »
« Être une femme est un atout pour Ségolène royal »
Attaché│attachement 1, 3
« Ses origines béarnaises, auxquelles ils restent viscéralement attaché »
« Attaché parlementaire »
Attaque│attaquer 1, 3
« Il a attaqué la gauche sur le terrain de sa légitimité intellectuelle »
« Les attaques personnelles de la droite l’ont dopée »
Atteindre│atteinte 1, 3
« Atteinte à la démocratie »
« Une femme de pouvoir capable d’une fermeté inébranlable pour atteindre des
objectifs à long terme »
Atteler 1
« C’est une bosseuse qui a eu le courage de s’atteler à un dossier très difficile »
Attendri 3
« François hollande s’occupe en père attentif et attendri de clémence, 3 ans »
Attentats 1
« Après les attentats en Algérie »
Attentif│attentionné 3
« Mère attentive. Hélène, sa mère adorait ses bambins »
Attirer│attractions 2

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Médias, politique et vie privée

« Sa participation attire beaucoup de français issus de l ' immigration »


Attitude 2
« Les bras ont décollé du corps pour s’ouvrir, paumes en l’air, dans une attitude de
rassemblement »
Audience 2
« Même si sa popularité et ses audiences lui servent d’assurance »
Audiovisuel 2
« Format de la joute audiovisuelle »
Auditeur 2
« Un auditeur de France-Inter »
Audition 1
« La récente audition du premier ministre, dans le cadre de l’affaire Clearstream »
Augmentation 1
« On a pu observer une augmentation de l’évasion fiscale »
Auteur 1, 2
« Le député olivier Dassault, auteur d’un rapport en 2006 sur l’appauvrissement de la
France »
« Relève Maurice Séveno, auteur de Ségolène à la plage (éd. méditions Coprah) »
Autographes 2
« Il signe des autographes »
Autoriser│autorité3/1, 1, 3
« Elle intervient pourtant avec autorité sur le contenu et la forme du tout nouveau site
Sarkozy.fr »
« Auprès des autorités algériennes »
« Une enfance austère entre un père militaire et autoritaire et une mère effacée mais
joyeuse »
Avance 2
« Tous les instituts de sondages donnent une confortable avance au représentant de
la droite »
Avancée 1
« Avancée sociale »
Avantage 1, 2
« Avantages fiscaux »
« Ségolène royal se pare avantageusement des atours naguère sulfureux d’une femme
libre «
Avatars 2
« Et comme la fiction rejoint souvent la réalité, des avatars ont manifesté avec des
banderoles devant le qg du front national »

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Annexes

Aventure 1, 3
« Refermant ainsi la parenthèse de son aventure avec richard Attias »
« Il enchaîne avec le pari de l’aventure rénovatrice du NPS »
Avouer (3,1)-2
« Claude Pompidou et Danielle Mitterrand ont toutes avoué s’être senties prisonnières
à l’Elysée »
Axe 1
« Il définit les étapes de la campagne, bâtit les axes du programme »
Ayatollahs 1
« Ségolène est très ferme contre les ayatollahs et l’Iran »
Baby-sitter 3
« Leur baby-sitter préférée »
Bague 2, 3
« La bague au doigt »
« Quant à Cécilia Sarkozy, la bague Dior joaillerie qu’elle arborait a fait sensation »
Baigner 3
« Il a baigné dans la politique toute son enfance »
Bain 2, 3
« Bains de foule »
« Maillot de bain »
Baise│baiser 3
« Baise-main »
Balcon 2
« La candidate se poste sur le balcon du siège du PS, rue de Solferino, pour saluer
les militants »
Bambin 3
« Hélène, sa mère adorait ses bambins »
Bande 3
« S’ensuit une longue habitude de vacances avec la bande »
Banderole 2
« On distribue tee-shirts et banderoles »
Banlieue 1
« Faire oublier sa rupture avec la jeunesse des banlieues »
Baron 1
« Malgré les apparences, la guerre entre barons de la majorité fait rage baroudeur »
Barrage 1
« Battre la droite et faire barrage à Nicolas Sarkozy »
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Médias, politique et vie privée

Battre 1
« Bayrou jugé parfois plus apte à battre le candidat UMP »
Beau│beauté 2
« On l’aime parce qu’il est beau «
Bégaiement 3
« Il y avait ce bégaiement qui le handicapait un peu »
Bercail 3
« Pierrette rentre au bercail estival pour s’occuper de ses petits – enfants »
Berceau 3
« Une visite à Chamagne, berceau vosgien de son enfance »
Bibelot 3
« Elle tentait de déposer valises et bibelots dans les appartements sans âme du
ministère »
Biberon 3
« Ségolène donne le biberon à julien, son fils âgé de 6 mois »
Bibliothèque 3
Très fournie, la bibliothèque familiale était ouverte aux enfants
Bienveillant 3
« Entraînant des rires bienveillants autour d’eux »
Bière 3
« Lui offrent une cannette de bière »
Bio│biocarburants│ biodégradable 1
« Cent dix mètres carrés 100% pur bois, WC biodégradable… le candidat
altermondialiste à la présidentielle coule des jours heureux et militants »
Biologique 1
« Sa famille biologique et politique »
Bipolarisation│bipolarité 1
« Une bipolarisation qui ne reflèterait pas le pluralisme du premier tour »
Blesser│blessure 3
« Longtemps, il lui en a voulu énormément. La blessure n’est pas refermée»
Blog 2-3
« Il vient de lancer un appel au soutien du candidat de la droite sur son blog »
Blogosphère 2-3
« Propager la bonne parole sarkozyste dans une blogosphère qui lui est plutôt hostile »
Bluffer 2
« Certains venaient en traînant les pieds, mais ils repartaient bluffés »

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Annexes

Bonder 2
« Meetings devant des salles bondées et chauffées à blanc »
Bonheur 3
« C’est un grand moment de bonheur pour les parents »
Bosser 1
« C’est une bosseuse qui a eu le courage de s’atteler à un dossier très difficile »
Bottes 2, 3, 3/2
« Le président de l’UDF chausse ses bottes pour aller retrouver ses vingt et un pur –
sang »
« Ordinairement adepte du jean et des bottes, est apparue sous les ors de l’Elysée
dans une superbe robe Prada »
« Fidèle à lui-même, plus droit dans ses bottes que jamais »
« Notre conseil pour un style plus branché : des bottes ou des bottines claires »
Bouclier 1
« Le bouclier fiscal »
Bouleversement│ bouleverser1, 3
« Elle est la seule à prendre en compte les bouleversements de la société à venir »
« Un coup de foudre qui va bouleverser la vie de Cécilia et de Nicolas »
Branché│branchitude 2
« Notre conseil pour un style plus branché »
« C’est elle la plus glamour mais un peu de branchitude ne nuirait pas au style classique
de la candidate du PS »
Bras 1, 3
« Courtois, discret et totalement dévoué, c’est le bras droit idéal »
« Le second fils du nouveau président tombe dans les bras de son père »
Briguer 1
« L’ancien ministre aurait bien aimé briguer l’investiture socialiste pour cette
présidentielle »
Brillant│briller 2
« Touches glam chic pour mieux briller après 19 heures »
Brio 2
« Un homme aux idées nouvelles qu’il s’efforce de faire passer avec brio »
Broncher 1-3
« Ces coups, elle les a encaissés sans broncher »
Bruit 2
« Elle a oublié les bruits de couloirs »
« L’information ne fait pas grand bruit »

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Médias, politique et vie privée

Brûlant 2
« Il surfe avec aisance sur les vagues de l’actualité brûlante »
Brut 1, 3
« Des points forts et faibles de l’animal à sang chaud très brut de pomme qu’est Nicolas
Sarkozy »
« Son smic à 1500 euros brut »
Budget 1
« Même si cela coûte la moitié du budget électoral »
Bulletin 1
« Surtout si l’on glisse le bon bulletin dans l’urne ? »
Bureau 1
« François Bayrou repasse au bureau, dans son QG de la rue de l’université »
« La candidate arrive vers 12h30 au bureau de vote numéro 2 »
Buzz 2
« Créer du buzz sur la toile »
Cabinet 1
« Directeur de cabinet du ministre de l’intérieur »
Cacher│cachette│ cachottier 3/2
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
« L’individu qui se cache derrière l’animal politique »
Cadet 3
« Son fils cadet, louis »
Cadre 1
« Un cadre de l’UMP »
Cafard 3
« Je me sentais abandonné, détruit, j’avais un cafard monstre »
Cajoleries 3/2
« Des ego sensibles et flattés par ses cajoleries »
Calculer 2
« Un propos calculé. Dès lors, toute sa stratégie a été de se distinguer de jacques
Chirac »
Calendrier 1
« Un calendrier précis de ses premières mesures »
Câlin 3
« Biberon, câlins, dessins »
Calmer 1/3
« Un homme tente de calmer la foule »
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Annexes

Camarade 1, 3
« Le futur ministre de l’intérieur avec d’autres camarades partage les jeux de Brigitte
et Muriel »
« Laurent Fabius a, une nouvelle fois, exhorté ses camarades à être plus percutants
dans leurs attaques contre l’UDF »
Caméra 2
« Flashée par des dizaines de photographes, filmée par autant de caméras »
Camp 1
« Les coups sont venus, hélas, parfois, de son propre camp »
Campagne 1, 3
« Le jeune est très impliqué dans la campagne de sa mère »
« Son projet de vie : la vie en famille, a la campagne »
Candidat│candidature 1
« L’épouse du candidat a supervisé toute la préparation du congrès de l’UMP »
Canton│cantonal 1
« Élections cantonales »
Capital│capitalisme 1
« Elle continue de promouvoir la lutte des classes contre le grand capital »
Capter 2
« La madone du Poitou choisit de capter les regards »
Caractère 3
« Les années d’enfance forgent le caractère »
Caricature 2
« C’est une personne qui est souvent caricaturée »
Carnet 1-3
« Il a sorti son carnet d’adresses pour rameuter des soutiens à la candidate socialiste »
Carrière 3/1
« Mais Ségolène Royal sait qu’une carrière politique nécessite plus que des titres »
Casquette 1
« Nicolas Sarkozy pour sa double casquette de ministre de l’intérieur et de président
du conseil général des hauts - de – seine »
Casting 2
« Pierre Méhaignerie a quasi disparu du casting gouvernemental »
Célèbre│célébrité 2
« Les célébrités du showbiz »
« Le plus célèbre arracheur de plants d’OGM en France »
Cellule 1
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Médias, politique et vie privée

« On retombe sur ce qui fait un bon réseau classique. Des historiques, une cellule
politique, des pousses de la nouvelle génération et une cellule des bons et des coups
surnommée la firme Sarkozy »
Centre│centrisme 1
« Multiplie les gestes pour rassurer son camp, séduire le centre dans la perspective
d’un second tour »
Cercle 3-1
« Dans le cercle rapproché de Ségolène royal »
Cérémonie 1
« A fait forte impression lors de la cérémonie en l’honneur du royaume de Cambodge »
Chagrin 3
« Sa disparition en 1973 lui causera un énorme chagrin «
Chaîne 2
« Aucune maquilleuse n’a été mise à sa disposition par la chaîne LCI »
Chaleur│chaleureux 3
« L’une a été ministre, l’autre pas. L’un est chaleureux et convivial, l’autre une austère
qui se marre moins »
Challenger 1
« Les bayroutistes ne seront pas tendres avec les challengers »
Champion 1
« Elle est parvenue à s’imposer comme la championne de la gauche »
Chancelier 1
« La chancelière Angela Merkel »
Chanson│chanteur 2
« Chanteurs et comédiens se relaient pour faire patienter une foule, évidemment
euphorique »
Charge│charger 1
« Patrick Mennucci, directeur adjoint chargé des meetings »
« 65 milliards d’exonérations de charges sociales accordés aux entreprises »
Charismatique│charisme│ charmer│ charmant 2
« Défi pour la candidate socialiste : faire taire tous ceux qui l’attaquent sur son faible
charisme. Parole libérée, gestes déliés, énergie exaltante »
« Le jeune homme pressé prend le temps d’argumenter, d’expliquer, de charmer la
dizaine de personnes présentes »
Chaud 3
« Adresse à la candidate des salves de chaudes acclamations »
« Se vante d’être un assidu des chaudes nuits du bois de Boulogne »
Chauffer 2

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Annexes

« La salle est chauffée selon une technique ségolénienne dérivée : la réunion


participative avec people »
Chef 1, 3
« Le vieux chef du FN va-t-il rééditer le coup de 2002 ? »
« Le chef de famille applique alors les règles de vie que son propre père »
Cher│chéri 3
« Le site désirs d’avenir recueille la parole vive des citoyens, chère à Ségolène »
Chevelure │cheveux 3
« Ségolène avait les cheveux si longs qu’elle s’asseyait dessus »
Chic│chiquissime 2
« L’apparition de Cécilia dans une tenue à la fois chic et décontractée »
Chiraquie│Chiraquien 1
« ancien commissaire européen et déçu affiché de la chiraquie »
Chômage│chômeur 1
« Dénonce le gouvernement qui ment sur les chiffres du chômage »
Chrétien │chrétienté 1, 3
« Les démocraties chrétiennes en Europe et le gaullisme en France »
« Témoigne aussi d’une culture et d’une conviction chrétiennes »
Chronique │chroniqueur 2
« Thomas est chroniqueur dans langue de vip, sur tf1 »
Cicatrice 3
« Cette carence paternelle laisse chez Nicolas des cicatrices »
Circonscription 1
« le jeune député de la 6ème circonscription des hauts - de – seine »
Circuler 2
« il sait que des murmures sur les états d ' âme de sa femme circulent »
Citoyen 1
« Ces millions de citoyens sont républicains »
Civil 1
« Donner l’impression que la société civile entre de plain - pied dans la politique »
Clamer 2
« Nadine Morano enchaine tes plateaux télé pour clamer que Ségolène royal »
Clan 1, 3
« Le clan familial s’est installé dans la salle au 8ème rang »
« Le clan chiraquien n’a toujours pas renoncé à faire trébucher le maire de Neuilly »
Classer 1

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Médias, politique et vie privée

« L’ensemble de la classe politique s’est mobilisé »


Cliché 2
« Les militants compareront leurs clichés de stars avant de débriefer le discours »
Clip 2
« Dernière retouche pour le clip du leader de CNPT »
Clivage 1
« Au-delà des oppositions partisanes ou des clivages géographiques et sociaux »
Coach 2
« « Pendant six mois, un coach m’a appris comment débattre avec une femme », confiait
le candidat »
Coalition 1
« Former un gouvernement de coalition »
Cœur 3
« Sarkozy est un grand sentimental qui fonctionne aux coups de cœur »
« Ghislaine Ricez, sa dame de cœur depuis cinq ans »
Cohabitation 1
« Ils ont d’ailleurs plébiscité la cohabitation »
Cohésion 1
« La cohésion sociale »
Coiffer 2
« On entend le bruit, très bref, d’un sèche-cheveux. Le coiffeur s ' éclipse »
« il coiffe dans les sondages la candidate des verts »
Coin 3
« Bernadette sourit et discute avec Cécilia dans un autre coin du palais présidentiel »
Colère 3
« L’homme est un impulsif, colérique et toujours en mouvement »
Collaborateur 1
« Nicolas Sarkozy n’a jamais été un collaborateur de Jacques Chirac »
Collectif 1
« il a appelé la candidate à jouer collectif avec le parti »
Comédien │ comédie 2
« Le comédien a déjeuné avec la candidate en compagnie de jeanne moreau »
Commentaire │ commenter 2
« Elle est la femme la plus observée, la plus pressurée, détaillée, commentée de
l’hexagone »
Commissaire│commission 1

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Annexes

« Rencontre avec des députés de la commission des affaires étrangères du parlement


libanais »
Communautaire│ communautarisme1
« Le communautarisme et même l’eugénisme de Nicolas Sarkozy »
Commune│communal1
« Création d’un comité de défense des communes et des services publics »
Communicant│communication│communiquer 2
« Elle met son savoir-faire de communicante au service du candidat »
Communiste 1
« Marie-George Buffet la candidate du parti communiste , qui entend rassembler la
gauche populaire »
Compagne│compagnon3
« Nicolas Sarkozy voit en sa compagne une boussole »
Compagnons au pluriel : 1
« Elle rejoint François hollande et ses compagnons du parti socialiste »
Compétiteur│compétition│compétitivité 3/1
« L’équipe resserrée de la compétitrice est accusée de laisser à l’écart l’appareil
socialiste »
Complexe 3
« Leurs complexes d’hier, leurs faiblesses de jadis, sont devenues des forces »
Complice│complicité 3
« Une complicité de longue date entre Sophie Bouchet-Petersen, conseillère spéciale
et Ségolène Royal »
Compliment│complimenter 3
« Jean-Marie Le Pen a toujours aimé complimenter Jany, sa femme »
Complot 3/1
« Gérard Schivardi dénonce depuis lors un complot des deux grands partis »
Concept│conception 1
« Elle met en musique ce concept, notamment autour du budget participatif »
Concert 2
« Serrer les mains comme le font les chanteurs en fin de concert »
Concertation│concerter1
« Ses préconisations sur la hausse des impôts – sans concertation avec Ségolène
Royal »
Conciliant│conciliation 3/1
« L’impossible conciliation de mener campagne et vie de famille »
Concourir│concours 1-2, 1

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Médias, politique et vie privée

« A précocement renoncé à concourir pour la présidentielle de 2007 »


« Des intellectuels qui apportent leur concours à la campagne de Ségolène Royal »
Concret │concrétisation 1
« Un discours plus cohérent et concret aux yeux des électeurs »
Concubin 3
« Ils permettront aussi à son épouse ou à son concubin, dans le cas de Ségolène Royal ,
de devenir première dame »
Concurrencer│concurrent 1
« La présence de ses concurrents sur ses thèmes de prédilection »
Condisciple 1
« Françoise Rozin, condisciple devenue directrice de deux grands hôtels »
Confédération 1
« Le cofondateur de la confédération paysanne »
Conférence 1
« Lors de sa conférence de presse au conseil européen de Bruxelles »
Confesser│confession 2-3
« Ce n’est pas lui qui irait confesser aux médias ses déboires conjugaux »
Confier│confidence│confident3
« La journaliste livre quelques confidences de Cécilia Sarkozy »
Confier│confiance 3
« L’important est qu’il travaille avec les personnes en qui il a confiance »
Congrès 1
« Les députés sont réunis en congrès à Versailles »
Conjoint 3
« Depuis que la candidate du ps a reconnu qu’elle et son conjoint, François Hollande »
Conjugal 3
« Dix ans plus tard, il quitte le domicile conjugal et divorce »
Connivence 3/1
« TF1 est stigmatisée par plusieurs candidats comme un exemple même de connivence
avec certains leaders »
Conquérir│conquête 1, 3
« Le rappeur se soucie de Nicolas Sarkozy comme de sa première conquête »
« Chaque jour, chaque heure, sont pour elle des moments cruciaux dans sa conquête
de la magistrature suprême »
Consacrer│consécration (3/1)-2
« Le nouvel élu savoure ce moment qui consacre trente ans d’engagement politique »
Conseiller 1

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Annexes

« Il serait à l’origine de la promotion de certains conseillers »


Consensus 1
« On voit mal comment il pourrait y avoir un consensus national assez fort pour aller
au - delà du premier tour »
Conservateur│conservatisme 1
« Elle reste psychiquement fixée sur son axe natal, celui du conservatisme de la droite
militaire »
Consigne 1
« Le leader frontiste y donnera ses consignes de vote »
Constitution 1
« L’échec du oui au traité constitutionnel européen »
Consul│consulat 1
« Elle est accompagnée par le consul de France à Jérusalem »
Consultation│consulter 1
« Sur la lancée de la démocratie participative , elle consulte les spécialistes »
Contemporain 1
« François Mitterrand, l’unique mentor contemporain qu’elle se reconnaisse en
politique »
Contrat 1
« Le PS va aussi tenter de faire oublier le contrat première chance »
Contribuable 1
« L’appauvrissement de la France en raison de l’expatriation des patrimoines et des
contribuables »
Controverse│controverses 1-2
« Le départ controversé de Johnny Hallyday pour la suisse, le démêlés fiscaux de doc
gynéco et les propos racistes de Pascal Sevran »
Convaincre 2
« Nicolas Sarkozy s’est imposé un nouvel objectif convaincre les électeurs au delà de
la droite »
Convention│conventionnel 1
« En vertu d’une convention signée entre les deux pays »
Conviction 1-3
« Ségolène devra réenfourcher ses convictions pour ferrailler à découvert »
Convivial 3
« L’un est chaleureux et convivial, l’autre une austère qui se marre moins »
Cool 3
« il sait aussi se montrer cool, naturel, bon enfant, parfois même ingénu »
Copain │ copine 3
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« Grâce à son bon copain de Neuilly, pascal a évité le chômage »


Corde (sensible) 3
Ségolène aurait un atout : toucher les français par la corde sensible et par l’émotion »
Corps 3, 1-3
« Le corps fatigué, à presque 79 ans »
« Elle fait littéralement corps avec une France angoissée, désorientée »
Corriger 2
« Objectif : corriger l’image rugueuse et autoritaire de Nicolas Sarkozy »
Corseté 3
« Une femme apparemment peu corsetée par les exigences familiales »
Cortège 2
« Les sirènes des motards, qui annonçaient son cortège, se sont tues »
Costume 2
« Les costumes Ralph Lauren et les chemises Eden Park de Nicolas Sarkozy »
Coulisses 3
« Cécilia sera bien active ces prochains mois, davantage en coulisses que sous les
projecteurs »
Couloir 3/2
« Loin des bruits de couloirs et des petites phrases assassines »
« Leurs lieutenants sont d’ailleurs à la manœuvre dans les couloirs de la rue de
Solferino »
Coupe 2
« Costume mieux coupé, cravate à la mode, coupe de cheveux modernisée, nouvelles
lunettes »
Couple 3
« Ils ont six enfants, le couple rêvait d’en avoir douze ! »
Courage 3
« Il fait preuve de courage et de générosité. C’est un guerrier prêt à mourir pour la
France »
Course 3, 1-3
« Mon père s’occupe de la cuisine et des courses »
« Premier acte de cette course à l’Elysée : son intronisation comme candidat de l’UMP »
Courtois 3
« Sous des dehors aimables et courtois se cache une personnalité forte qui ne lâche
pas »
Cousin 3
« le clan royal n’a revu la peste , comme la surnommaient ses cousins »

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Annexes

Couvée 3
« Marie-Ségolène, quatrième de la couvée, a toujours affirmé s’être forgée en réaction
à ce père autoritaire »
Couverture │couvrir 2
« Graziella se plaît également à l’imaginer, en maillot de bain, en couverture de Closer »
« A rencontré la candidate socialiste alors qu’elle couvrait la campagne des élections
régionales »
Cravate 2
« Il ne met pas de cravate pour aller à la télé »
Crédibilité │crédible 2
« Les enquêtes d’opinion soulignaient une carence en crédibilité »
Crise 1, 3
« Une manif contre la crise étudiante déclenchée par la réforme du deuxième cycle »
« Peut-on sortir indemne d’une crise de couple de l’ampleur de celle qu’ils ont
traversée ? »
Critique 2
« Mais jamais elle n’a critiqué devant ses fils les mauvaises manières de leur père »
Croissance 1
« La croissance économique ne redémarre pas »
Cuisine │cuisiner 3
« Ici, la vaste cuisine occupe un rôle central. C’est dans ce lieu que Babette aime »
Cv 1/3
« Le candidat extrémiste ressasse alors son Cv »
Dame 3, 1-3
« Ghislaine Ricez, sa dame de cœur depuis cinq ans »
« C’est vers 22h30, au Fouquet’s, que la nouvelle première dame de France est venue
rejoindre son mari »
Débat 1
« Juste après son débat avec François Bayrou »
Déboires 3
« Il présente ses déboires conjugaux comme une preuve de son humanité »
Décéder │décès 3
« Calixte, son idole, qui venait de décéder en tombant accidentellement de son
tracteur »
Déception │décevoir 3
« Score historiquement bas de sa candidate, à peine 2 %, résonne comme une terrible
déception »
« Cette déçue de la méthode royal dénonce pèle-mêle ses sautes d’humeur »
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Déchirer 3/1, 3
« La droite se déchire à pleines dents »
« Quelques année, plus tard, quand sa famille va se déchirer »
Déclaration │déclarer 2
« Arnaud Montebourg, porte - parole, un temps mis à l’écart après ses déclarations sur
François hollande »
Décoller 2
« Il n'a pas vu décoller la popularité de sa compagne »
Décontracté 2-3
« L’apparition de Cécilia dans une tenue à la fois chic et décontractée »
« Son allure décontractée sur les plateaux télé »
Décor │décoration │décorer 2
« Elle a aussi donné son avis sur le décor et l’éclairage »
Découragement 3
« il importe de ne montrer ni fatigue, ni découragement, ni agressivité »
Décrédibiliser 2
« Elle se retrouve sur certains points avec Jean-Marie Le Pen mais regrette que ce
dernier décrédibilise le patriotisme »
Décrocher 2
« On invoque tous les saints socialistes pour que la madone ne décroche pas
brutalement de l’opinion »
Décrypter (1,3)/2
« C’est un bon point pour Ségolène Royal, décrypte Stéphane Rozès »
Dédicacer 2
« Venue lui faire dédicacer son livre »
Dédier 2
« Créateur de ségosphère, le site dédié au rayonnement internet de sa mère chez les
jeunes »
Défaite 1-3
« La défaite est lourde, l’émotion palpable »
Défaut 3
« Son principal défaut : sous stress, il pourrait avoir de la difficulté à projeter ses idées »
Défendre 1
« Pour défendre son projet de loi sur la prévention de la délinquance »
Défilé │défiler 2
« Il assiste aux cérémonies du 11 novembre et aux défilés du 14 juillet »
« Pendant la semaine des défilés de haute couture à Rome »

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Annexes

Déjeuner 3
« Lequel, dans la journée, a fait un jogging, vu Chirac, déjeuné en famille et relu son
discours »
Délaissé 3
« On a du mal à l’imaginer en petit garçon mélancolique et délaissé, qui souffre du
divorce de ses parents »
Délégué │déléguer 1
« Ségolène Royal - alors ministre de Jospin, déléguée à l’enseignement scolaire »
Délinquance 1
« Son projet de loi sur la prévention de la délinquance »
Délire 2
« Devant la foule en délire, les éléphants cachent leur joie »
Délocalisation │délocaliser 1
« Deux mille cinq cents gros contribuables se seraient délocalisés pour échapper à
cette taxe »
Démagogie 1/2
« Quitte à manquer de rigueur et à tomber dans la démagogie »
Démaquiller 2
« Juste après s’être démaquillé, le candidat, qui tient encore sa serviette de toilette »
Démarche 2
« La démarche est un peu raide mais sa robe est souple »
Démasquer 3/2
« Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal démasqué par leur écriture »
Déménager │déménagement 3
« Suit sa famille qui déménage dans un appartement, à Neuilly-sur-Seine »
Démentir ((1,3)/2)/2
« Dément la rumeur selon laquelle ce serait pour des raisons de santé »
Démission 1
« Une semaine après la démission d’Eric Besson, comptable du projet socialiste »
Démocrate│démocratie│démocratique 1
« L’importation du modèle nordique en France en matière de démocratie sociale »
Démonstration │démontrer 2
« La grande démonstration de force people de Ségolène Royal »
Dénoncer 1-2
« Une stratégie suicidaire que dénoncent les supporteurs du ministre de l’intérieur »
Dépassé 1, 2
« La preuve que les vieux clivages sont dépassé »

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Médias, politique et vie privée

Département 1
« il se rend même dans trois départements par jour et enchaîne les meetings »
Dépit 3
« On les disait amers, dépités, revanchards »
Déployer 2
« Elle finit même, devant l’ardeur déployée par l’oratrice, par applaudir »
Député 1
« Elle gagnera certainement plus de sièges de député à l’assemblée, en 2007 »
Dérapage 2
« il avait déjà policé son image en évitant les dérapages verbaux »
Désapprouver 1-2
« Si une majorité d’entre eux ne cachent pas désapprouver le leader frontiste »
Descendant 3
« Le privilège de pouvoir désormais faire précéder le patronyme de ses descendants
du nom de leur domaine »
Design 2
« Un espace design accueille le visiteur, sous un ciel de roses »
Destin 3
« Cette année se joue son destin. Il rêve d’être président de la république depuis qu’il
est entré en politique »
Détendu 3
« Jeanne - Marie passe un coup de fil et Cécilia sourit, enfin détendue »
Détester 2
« Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, qu’on apprécie ses idées ou qu’on les conteste »
Détracteur 2
« L’international est un domaine dans lequel ses détracteurs la disent faible »
Dévoiler 2
« L’écriture des deux adversaires du second tour dévoile l’individu qui se cache derrière
l’animal politique »
Dévouement │dévouer 3
« Gérer la carrière de son père, avec un dévouement proche du sacerdoce »
Dialogue │dialoguer 1
« Les pays qui ont fait de la qualité du dialogue social la clé de leur compétitivité »
Diatribe 2
« Jusqu’à ses diatribes contre Sarkozy qui lui aurait volé ses idées »
Diffuser 2
« Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »

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Annexes

Diner 3
« Chez Sarko, je dine, je bois mais je ne fume pas ! »
Diplomatie 1
« La nécessaire rupture avec le cynisme de la diplomatie française au Darfour et en
Tchétchénie »
Dirigeant │diriger 1
« Borloo, s’il ne va pas tout de suite à Matignon, devrait diriger un grand ministère de
l’économie »
Discours 1-2
« La candidate improvise, sort de son discours pour faire réagir les 15000 personnes
présentes »
Discret │discrétion 3
« Ils vivent discrètement : pour vivre heureux, vivons cachés »
« Courtois, discret et totalement dévoué, c’est le bras droit idéal »
« Elle s’est montrée tout à la fois présente et discrète, d’une efficacité sans failles »
Discrimination 1
« La création du cv anonyme et la lutte contre les discriminations dans l ' entreprise »
Discussion 1, 3
« Royal se rend au centre culturel français de gaza pour y discuter avec de jeunes
palestiniens »
« Bernadette sourit et discute avec Cécilia »
Dispositif 1
« Le dispositif de campagne qu’elle a conçu marche sur deux jambes »
Dissension 3/1
« Un climat de rivalité et des dissensions autour de lui »
Dissidence 3/1
« Borloo n’a jamais eu l’intention de mener une dissidence »
Dissimuler 2
« Dans ses visites en province, il ne cherche pas plus à dissimuler sa personnalité »
Divergence 3/1
« Oubliées les divergences, les ministres de Chirac sont venus place de la concorde »
Diversion 2
« Des proches du ministre de l’intérieur tentent de faire diversion, occupez- vous plutôt
des dîners en ville de Mme Royal »
Diversité 1
« Nicolas Sarkozy lui a confié une mission sur la diversité »
Diviser │division 3/1

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Médias, politique et vie privée

« Premier secrétaire d’un parti socialiste divisé »


Divorce 3
« Les petits Sarkozy étaient les seuls enfants de divorcés »
Doctrine 2/1
« À l’époque, son discours était très doctrinaire »
Dogme 1
« Cette femme refuse d’être corsetée, elle bouscule les dogmes, fait bouger les lignes »
Doléance 1
« J’écouterai leurs doléances. Je comprendrai leurs chagrins, et résoudrai leurs
problèmes »
Domaine 1, 3
« L’international est un domaine dans lequel ses détracteurs la disent faible »
« De ses origines et du domaine ancestral, il ne reste qu’un souvenir noyé dans les
paysages »
Domicile 3
« Dix ans plus tard, il quitte le domicile conjugal et divorce »
Don│donateur│donation 1
« Le RPR savait mener campagne, trouver des fonds, en récompenser les donateurs,
avec des accointances de notables et des intimidations obligeantes »
Dormir 3
« Couvé, hypersensible, il a peur la nuit et veut dormir avec papa – maman »
Dossier 1
« Ce sera le dossier étranger le plus sensible pour le prochain président de la
république »
Douce │douceur 3
« Tout de suite, nous avons vu combien elle était douce, attentionnée et maternelle »
Doué 1-3
« Fabius, l’héritier doué de Mitterrand version 1981 »
Douleur│douloureux 3
« Cette volonté d’y arriver viennent-elles de cette enfance douloureuse ? »
Dragueur 2-3
« Il s’est même taillé une réputation certaine de dragueur auprès des jeunes habitantes
de Neuilly »
Drapeau 1
« Les drapeaux rouges étaient de nouveau agités dans les rues »
Droit 1
« Il regrettait ouvertement qu’elles aient le droit de vote »

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Annexes

Droite │droitisation 1
« Tous les artistes sont de droite »
Duper 2
« Mais ses argumentaires physiques et vestimentaires cesseront bientôt de duper tout
le monde »
Échangisme 1, 3
« Après ses propos sur ses expériences échangistes »
« Critiquer l’euro fort et le libre-échangisme européen »
Écharpe 3-2
« en 1984, écharpe tricolore en bandoulière »
Échelon 1
« Il a gravi tous les échelons du RPR »
Éclat │éclater 2
« Elle s’y distingue par un premier coup d ' éclat »
« Laisse éclater son bonheur, fier et radieux »
« Mais pour que les applaudissements éclatent »
Éclipser 2
« Première grande sortie officialisant leur réconciliation. Résultat : ils éclipsent ministres
et amis »
Écolo(gie) 1
« Dominique Voynet parlera encore écologie à Lyon »
Économie 1
« Eric Besson, député PS, secrétaire national aux questions économiques »
Écran 2
« Il agrège des stars du petit écran comme doc gynéco ou Steevie »
« Son impact sur les ondes et les écrans dépasse de loin celui que peut avoir un
meeting »
Éducation 1, 3
« La stricte éducation des huit enfants du colonel »
« Des mesures fiscales et toujours le développement des centres éducatifs renforcés »
Effervescence 2
« Il règne la même effervescence qu’après un grand show »
Effigie 2
« Nicolas Sarkozy a inauguré sa propre effigie de cire au musée Grévin »
Égalité 1
« Mettre les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur privé »
Ego│égocentrique│égoïste│ égotiste 1/3

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Médias, politique et vie privée

« Tout le contraire de la femme politique égotiste et brutale qui lui dispute l'Elysée »
Élaboration│élaborer 1
« Nicolas Sarkozy n’a pas directement associé d’économiste ou d’historien à
l’élaboration de son programme »
Électeur│élection│électoral│ élire│élu1
« Nicolas Sarkozy s’est imposé un nouvel objectif convaincre les électeurs au delà de
la droite »
Élégance 2
« Ségolène Royal a choisi une austère bichromie vestimentaire, un élégant noir et
blanc »
Éléphants 1
« Le candidat UMP ne veut pas se casser les dents comme les éléphants du PS »
Élite 1
« De quoi déjouer les rumeurs et les fantasmes entourant la fortune de nos élites »
Elysée 1
« La course à l ' Elysée »
Emblème 2
« Ce même tracteur que le candidat UDF a fini par ériger en emblème de sa
campagne… »
Embrasser 3
« Après avoir embrassé Elisabeth, il reprend le tgv qui le mène vers son destin »
Éminence 1
« Seul un membre éminent du PS relativise »
Émission 2
« Comme son récent passage à Ripostes, l’excellente émission de Serge Moati »
Emménager 3
« Sans grandes ressources, elle emménage dans un appartement du 17e
arrondissement »
Émotion│émouvant│ému 3
« vitrine ouverte sur l’intériorité des individus, leurs émotions et les forces inconscientes
qui les structurent »
Emploi│employé│employer 1
« Les Bayrou sont plutôt appréciés par les employés (32%) et les professions
intermédiaires (33 %) »
« Des informations contradictoires dans un emploi du temps à flux tendu. »
ENA│énarchie│énarque 1
« Il ne veut pas faire partie de l’establishment. Ni parisien, ni énarque, ni bourgeois »
Encarter 1

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Annexes

« L’inconstance de ses positions, rebelle, politique pragmatique, a fini par s’y encarter,
en 2006 »
Encourager 2
« Déjà une partie des antisarkozystes qui encouragent l’ancien maire de valenciennes
à y aller »
Endosser 1-3
« François Bayrou a endossé les habits de faiseur de roi »
Enfance│enfant│enfanter 3
« Il faut dire que la mère de ses six enfants l’accompagne depuis si longtemps »
Engagé│engagement 1
« A grandi selon les principes écolo d’une mère totalement engagée »
« Dès 1992. Ségolène royal explique déjà le sens de son engagement politique »
Enjeu 1
« Villepinte était d’autant plus un enjeu qu’il y avait eu ce qu’on appelle le trou d’air »
Ennemi 1, 3
« Dans les diners en ville, les ennemis de Sarkozy continuent de faire courir les rumeurs
les plus négatives »
Enracinement 3
« La candidate a fait de Melle le symbole de son enracinement local »
Entériner 1
« Le binôme présidentiable s’arroge la une, comme si le premier tour était entériné. »
Enthousiasme 2
« Devant soixante mille fidèles enthousiastes »
Entreprise 1
« Des exonérations aux entreprises qui créent des emplois »
Entretien 2
« Jean-Marie Le Pen affirme par ailleurs depuis quelques jours, dans ses entretiens
aux médias »
Enveloppe 1
« Une enveloppe de 10 millions d’euros »
« Pour glisser son enveloppe bleue dans l’urne »
Envie 3
« Elle a 34 ans et déjà une envie féroce d’affronter le suffrage populaire »
Environnement│ environnementaliste 1
« Répondre à l’urgence sociale et environnementale »
Epauler 3

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Médias, politique et vie privée

« Cécilia et Jeanne-Marie, sa fille ainée issue d’un précédent mariage, épaulent le tout
nouveau candidat à l’élection présidentielle »
Épouse│époux│épouser 3
« Pour apaiser son épouse, Sarkozy a donc fait mine de mettre en retrait des conseillers
comme Brice »
Époustouflante 2
« Première dame, époustouflante dans sa robe Prada bleu nuit »
Éprouver 3
« Sarkozy est un grand sentimental qui fonctionne aux coups de cœur et éprouve un
grand besoin d’amour partagé »
Équipe 1
« Les membres de son équipe parviennent à fournir à l’avance la trame d’une
allocution »
Escapade 1/3
« La candidate socialiste s’octroie une escapade, loin des lambris de la république,
avec Clémence et Flora »
Essentiel 3
« Quelques repères essentiels pour lui — des photos de sa famille et quelques uns des
stylos qu’il collectionne »
« Son rôle est essentiel à mes côtés, mais c’est un rôle privé et non public »
Esthétique 2
« Les plus démunis auront droit â un coup de pouce et les chirurgiens esthétiques à
un gros chèque »
Estrade 2
« Il intercale sur la même estrade politiques et personnalités du show–biz »
État 1
« L’inefficacité chronique des services publics en général et de l’Etat en particulier »
sauf « état d’âme ou d’esprit » 3
« Son caractère est inégal et changeant, soumis à ses états d’âme et à sa vive
sensibilité »
Éthique 1
« Les envolées de Philippe de Villiers sur les questions éthiques et morales »
Étiquette 2-3
« Indépendamment de leurs étiquettes politiques »
Étoile 2
« Les trois étoiles des sondages sont face à un trou noir »
Étourderie 3
« Navrés de ces étourderies, ses parents ont fini par lui acheter une bicyclette bleue »

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Annexes

Étranger 1
« Pourrait bien prendre possession du ministère des affaires étrangères »
Euro│Europe│européen 1
« Non à la constitution européenne, non à l’entrée de la Turquie »
Évolution 1
« Conduire la nécessaire évolution de la gauche sur les questions de sécurité »
Excitation│excité 2, 3
« C’est Sarko ! Répond un autre, tout excité »
« Ni peur ni excitation ; zéro plaisir au fond »
Exclusif 2
« Photos exclusives »
Exécuter│exécuteur│exécutif 1
« Rachid Kaci, conseiller exécutif de l’UMP et fondateur du courant la droite libre »
« Seuls ont survécu les professionnels. Ceux qui exécutent ses directives sans le
contredire »
Exemplaire│exemple 2
« En cela, le couple Sarkozy est exemplaire »
« Le témoignage de Natascha Kampusch reste un exemple de courage et de sérénité »
Exercer│exercice 1
« Un chef de gouvernement en exercice »
« Elle exerce son pouvoir de manière resserré »
Exhiber 2
« Sarkozy témoigne de la dureté de la campagne en exhibant ses cicatrices »
Exonération 1
« Des exonérations aux entreprises qui créent des emplois pour les jeunes »
Expatriation│expatrié 1
« Très choqués par les expatriations fiscales »
Expérience 1-3
« Dati assume son manque d’expérience. Qui la pousse parfois à la faute »
Exposer│exposition 2
« Mais il est évident que ce qu’ils ont vécu, et qui a été exposé publiquement, les a
changés et a changé le regard qu’on porte sur eux »
Extrême│extrémisme 1
« Le candidat extrémiste savoure quelques minutes de répit »
Exulter 2
« La salle gaveau, pleine à craquer, exulte, emportée par une centaine de jeunes
militants »

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Médias, politique et vie privée

Façade 2
« Réconciliation de façade entre Chirac et Sarkozy »
Facette 3
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
Facho│fascisme 1
« Le slogan facile à la bouche, du genre Sarko facho ! »
Façonner 3
« Il a été façonné par son destin »
Faible│faiblesse 3
« Il ne fallait pas montrer ses faiblesses »
Fameux 2
« Prononça le fameux mot de racaille à propos de jeunes délinquants »
Famille 1, 3
« Réunion de famille en 2008 pour le 80ème anniversaire de dadu »
« Sarkozy à l’inverse, est entré dans la famille gaulliste, qu’il n’a jamais quittée »
Familial│familier 3
« Son ami d’enfance. Familier de la maison le pen »
Fan│fanatique 2
« Patrick Sébastien : ex - fan de Chirac »
« Quelques fans se photographient autour du pupitre de leur idole »
Fascination│fasciner 2
« Sa fascination pour les Etats-Unis »
Fashion 2
« Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
Faste 2
« Reçoit avec faste le roi du Cambodge, Norodom Sihamoni »
Fatigue 1
« Les yeux rougis de fatigue, Frédéric Nihous accepte en souriant une nouvelle
interview »
Fauteuil 1
« Balladur et Delors se disputaient le fauteuil présidentiel »
Faveur│favorable│favori 2
« Lorsqu’une star se prononce en faveur de Ségolène Royal »
« L’omniprésence des favoris des sondages sur le petit écran »
Fédération 1
« Le sénateur Roger Karoutchi, responsable des fédérations de l’UMP »

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Annexes

Féminin 2, 3
« Des tenues simples, féminines - jamais de pantalon »
« La prétendue superficialité féminine »
Féminisation 1
« La féminisation de la société va de pair avec l’évolution du système politique »
Féminisme 1
« La féministe Marie-George Buffet »
Féminité 2-3
« L’expression d’une grande féminité. Elle joue de son charme, de sa séduction »
Fervent│ferveur 2
« Qui devient, à partir de 1996, un fervent supporteur de Sarkozy »
Feuilleton 2
« Le feuilleton l’a rendu célèbre »
Feu 2
« Cécilia a choisi de rester à distance des feux médiatiques »
Fiançailles 3
« Il ne faut pas pour autant y voir un mariage. Des fiançailles, tout au plus »
Fictif│fiction 2
« Sur la plateforme de second life ! Les qg de campagne fleurissent dans ce monde
fictif »
Fidèle│fidélité 3, 1-2
« Fidèle ami du couple »
« Persuade la poignée de fidèles qui l’entourent de l’imminence de sa victoire »
Fief 3
« C’est le fief natal de toute une famille »
Fier│fierté 3
« Accolades, pleurs et fierté. Après bien des tensions, la famille Sarkozy exulte et affiche
son bonheur »
Figuration 2
« Les femmes ne se contenteront pas de faire de la figuration lors de la présidentielle
qui s ' annonce »
Filial│filiation│fils│fille 3
« A la différence de son père, cette fille qui lui ressemble le plus par son mordant, veille
à soigner son langage »
Film│filmer 2
« Flashée par des dizaines de photographes, filmée par autant de caméras »
Finaliste 1

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Médias, politique et vie privée

« Le finaliste de 2002 aura plus précisément cherché à faire passer l’idée qu’il n’est
pas si extrémiste »
Financer│financement│finance │financier 1
« Projet de société qui résiste au modèle financier dominant »
Firme 1
« Cellule des bons et des mauvais coups surnommée la firme Sarkozy »
Fisc│fiscal│fiscalité 1
« Travailler à une réforme de la fiscalité »
Flash│flasher 2
« N’expose plus son visage aux flashs. »
Flic 1
« Ne compte pas se laisser enfermer dans l’uniforme de premier flic de France »
Foi (profession de) 2-3
« Elle le revendique et affiche dans sa profession de foi sa constance et son courage »
Fonction│fonctionnaire 1
« Symbole de sa prise de fonction effective »
« Converti au sarkozysme, ce haut fonctionnaire le suit aux finances »
Fondateur│fondation 1
« Le fondateur du MPF n’a ainsi jamais été soumis à l’ISF »
Forger 3
« Sa volonté d’acier forgée au milieu de ses sept frères et sœurs »
« Il s’est forgé un tempérament de battant, de fonceur »
Format 2
« Mieux adaptée au format de la joute audiovisuelle »
Formation 1
« Les états majors des deux principales formations n’ont pourtant cessé de recruter
des saltimbanques »
Formule 2
« Le genre de formules que son public adore »
« Ses formules bien rodées fonctionnent toujours auprès du public »
Forum 1-2
« Les forums participatifs bousculent les anciens militants »
Foudre 3
« Ce coup de foudre les conduit à se marier en mai 1991 »
Fougue│fougueux 3
« Fougueux, entier, direct, carré, réactif et rentre dedans »
Foule 2
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Annexes

« Devant la foule en délire »


Foyer 3
« Le père s’absentait, confiant le foyer familial à son épouse Hélène »
Fracas 2
« Elle débarquait à grands fracas place Beauvau »
Fracture 1, 3
« Deux destins forges par leurs fractures de jeunesse »
« Jacques Chirac s’est préoccupé de fracture sociale ou d’environnement »
Fragile│fragilité 3
« Il est plus fragile, plus vulnérable qu’il n’y paraît »
Français│France 1
« Le président de l’UMP s’est adressé aux français »
« Ségolène royal lance ses 100 propositions pour la France »
Frange 1
« S’il a su capter une frange de l’électorat lepéniste »
Fraternel│fraternité 1
« Son projet républicain fondé sur la solidarité et la fraternité »
Fratrie│frère 3
« Il était dans la fratrie celui qui était le plus proche de leur mère »
« Le souffre - douleur de son frère ainé »
Front│frontiste 1
« Tout le monde connaît le patron du front national »
« Une bouffée d’oxygène pour le leader frontiste »
Frontière 1
« Il voyagera beaucoup hors des frontières, se fera son messager auprès des autorités
algériennes »
Frustration│frustrer 3
« Une revanche sur une frustration de jeunesse »
Fusionnel 3
« Leur duo est plus fusionnel que jamais »
Gaffe 3/2
« Un démenti formel tomba quelques minutes après. La gaffe fut aussitôt pardonnée »
Gamin 3
« Gros plan sur l’itinéraire d’une gamine des Vosges »
Garçon 3
« Thomas est un garçon comme les autres ou presque »

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Médias, politique et vie privée

Garde 1
« Passant de simple élu de l ' Aisne à membre de la garde rapprochée de Sarkozy »
Gauche│gauchir│gauchiser│ gauchiste 1
« Elle a offert un programme présidentiel pour la gauche qui tient la route »
« Se gauchir par rapport à Nicolas Sarkozy »
Gaule 1
« Il se réclame fièrement de De Gaulle et de jeanne d’arc »
Gaullisme 1
« Autour des hiérarques gaullistes, il y a des vedettes »
Généalogie 3
« Un lointain cousin veille sur la généalogie du candidat de l’UMP »
Général 1
« Ancien directeur général de la police nationale »
« La génération qui suit ne sait pas ce que c’est qu’une grève générale »
Génération (1,2)-3
« L’émergence de porte - parole et de conseillers d’une génération nouvelle »
« La génération star ac »
Généreux│générosité 3
Ségolène Royal est perçue comme une madone généreuse et protectrice
Géniteur 3
« Les principaux postulants à l’Elysée ont beaucoup songé à leur géniteur, même
inconsciemment tout au long de cette campagne »
Gentil 3
« Il ne faudrait pas voir en olivier Besancenot un gentil facteur poussé par les vieux
briscards de la LCR »
Géographie│géographique 1
« Mais au - delà des oppositions partisanes ou des clivages géographiques et sociaux »
Géopolitique 1
« Principes que les techniciens et les stratèges géopolitiques seront chargés de mettre
en musique »
Gérer 1
« Une femme qui a consacré sa vie à gérer la carrière de son père »
Geste 2
« Nicolas Sarkozy tente de pacifier son image, multiplie les gestes pour rassurer son
camp »
Glam(our) 2
« Touches glam chic pour mieux briller après 19 heures »

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Annexes

Gloire 2
« Le rappeur sort un ouvrage à la gloire de son petit maitre à penser »
Gommer (3/1)/2
“L’épisode trouvillais est gommé des biographies officielles de ta candidate »
Gosse 3
« Nicolas Sarkozy n’a jamais renoncé à son rêve de gosse : devenir président de la
république »
Gourou 2/1
« Aucun gourou en diplomatie à l’horizon »
Goût 3
« Nicolas Sarkozy a toujours eu des goûts populaires »
« Sarkozy, lui, reste définitivement un candidat de mauvais goût »
Gouvernance│ gouverner 1
« Problème de pilotage et de gouvernance »
« Avant de se résigner, peut - être, à quitter le gouvernail du paquebot »
Gouvernement│ gouvernemental 1
« Le rappeur a avancé qu’il obtiendrait sans doute un poste au gouvernement si le
candidat de l’UMP venait à être élu »
« Pierre Méhaignerie a quasi disparu du casting gouvernemental »
Grâce 2
« L’état de grâce de Ségolène se délite »
Gradins 2
« 20000 militants si haut perchés sur leurs gradins, cette foule humaine, juste aux pieds
de l’orateur »
Gratuit│gratuité 1
« Bien sûr, il n’y aura plus ni hôpitaux ni école gratuite, mais tout le monde pourra partir
à Saint-Barth »
Grève│gréviste 1
« À la porte des usines en grève »
Groupe 1, 2
« Hier, le groupe se fendait d’un communiqué répondant à François Hollande »
« Magyd Cherfi, le chanteur du groupe toulousain Zebda »
Habile│habileté 2
« Semblent plutôt appartenir à l’espèce des orateurs habiles »
« Il esquive habilement les questions indiscrètes sur ses parents »
Habitant 1
« Depuis quinze ans, les habitants pèsent directement sur la gestion de la ville »

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Médias, politique et vie privée

Habiter 3
« Il a 21 ans, écoute 50 cent et Shakira, et habite toujours chez ses parents »
Habit 1-3
« François Bayrou a endossé les habits de faiseur de roi »
« La présidente de Poitou-Charentes a fini par endosser les habits d’un général d’armée
qui impose ses thèmes »
Handicap 3
« La candidate a peu à peu transformé son handicap en atout »
Handicapé 1
« Étudiants, employés, cadres, handicapés »
Haranguer 1-2
« Arlette, elle, harangue déjà les foules et finit tous ses meetings le poing levé en
chantant l’internationale »
Hebdomadaire│hebdo 2
« À la télé comme dans les hebdos, le binôme présidentiable s’arroge la une »
Héritage│hériter│héritier 1, 3
« Ségolène a hérité de son père les lèvres bien dessinées et le teint mat »
« Une synthèse entre l’héritage jauressien et une nouvelle vision de la démocratie »
Heureux 3
« L’orateur est épuisé, trempé de sueur, mais heureux »
Hexagonal 1
« Nicolas Sarkozy et François Bayrou labourent le terroir hexagonal et annoncent leurs
candidatures »
Hiérarque 1
« Sa fille va devoir désormais contrer les coups de griffe des hiérarques du clan
Gollnisch »
Histoire│historique 1
« La France est à un tournant de son histoire »
« Plus de deux siècles après olympe de gouge (figure historique du féminisme, morte
sur l’échafaud en 1793) »
Histoire 2-3
« Pour la petite histoire, c’est même dans la maison de sa mère que François et
Ségolène firent plus ample connaissance »
Homologue 1
« Codirecteur de campagne, dictait au téléphone à son homologue Jean-Louis Bianco
les termes de l’appel de Ségolène Royal »
Homosexualité│homosexuel 1

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Annexes

« Opposer non seulement au mariage homosexuel mais aussi au contrat d’union


homosexuelle »
Honneur│honorer 2
« S’étaient mis sur leur trente et un pour lui faire honneur »
« Excepté Nicolas Sarkozy qui ne boit jamais une goutte, même pour honorer ses
hôtes »
Houle 2
« Le meeting triomphal déferle comme une houle »
Humaniser 1/(2-3)
« Le candidat compte bien jouer de cet atout féminin pour humaniser et lisser son
image »
Humaniste│humanité 1
« Du travail et de la nation pour Sarkozy, valeurs humanistes pour Ségolène Royal »
Humble│humilité 2-3
« Les exposés fastidieux de syndicalistes alternent avec les humbles témoignages
d’élus »
Humeur 3
« Le lendemain, en déplacement à Reims, il cache mal sa mauvaise humeur »
Humiliation│humilié 3
« Sa mère qui, lasse d’être humiliée, avait quitté le domicile conjugal avec ses enfants »
Hypersensibilité hypersensible
« Louis a alors cinq ans. Couvé, hypersensible, il a peur la nuit »
Hype 2
« quelques trouvailles à faire pâlir de jalousie les bobos les plus hype en déco »
Icône 2
« Elle n’est plus la gentille icône peoplisée des meetings ou des déplacements du
présidentiable »
Idée 1
« Pas mécontent de ses bons mots et plus heureux encore devoir que ses idées sur la
sécurité, l’immigration ou l’école, qui faisaient scandale »
Identité 1 (toujours collective)
« Véritable hymne au ministère de l’immigration et de l’identité nationale de Sarkozy »
« Au regard de la crise politique, civique et d’identité que traverse le pays »
Idéologie idéologique 1
« La principale bataille idéologique se ferait autour de la valeur du travail »
Idole 2
« Quelques fans se photographient autour du pupitre de leur idole »
Image 2
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Médias, politique et vie privée

« Nicolas Sarkozy tente de pacifier son image »


Immigration│immigré 1
« Spécialiste des questions d’immigration, d’intégration et de laïcité »
« S’est ainsi gardé d’évoquer comme naguère le renvoi des immigrés dans leur pays
d’origine »
Impopulaire 2
« Les réformes, parfois impopulaire, qu’il faudra faire pour remettre le pays »
Impôt 1
« Bouclier fiscal, qui limite à 60% du revenu l’ensemble des impôts »
Impression 2
« Elle qui disait ne pas se voir en first lady a fait forte impression lors de la cérémonie
en l’honneur du royaume de Cambodge »
Impulsif 3
« L’homme est un impulsif, colérique et toujours en mouvement »
Inactif 1
« Le ministre de l’intérieur a les faveurs des inactifs »
Inaperçu 2
« Pendant un an, il passe inaperçu. Peu à peu, il s ' impose »
Incarnation│incarner (1,2)-3
« Le maire de paris songe à jouer sa carte, incarnant, pense-t-il, le renouveau
nécessaire »
« On dirait l’un de ces personnages qu’Alain Delon incarnait dans les films de Jacques
Deray »
Inciter 2
« Parmi les 150 personnalités qui ont signé l’appel aux français pour les inciter à choisir
Ségolène Royal »
Incognito 2
« Elle roule en mini, incognito, dans les rues de paris »
Incompétence 3/1
« Ils s’invitent comme témoin à décharge pour le procès en incompétence intenté par
la droite à leur championne »
Inconditionnel 2
« Les soutiens inconditionnels de leur candidate »
Inconnu 2
« La jeune énarque est alors une illustre inconnue en pays mellois »
Inconscient 3
« L’intériorité des individus, leurs émotions et les forces inconscientes qui les
structurent »

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Annexes

Indépendance│indépendant3, 3/1
« Elle est indépendante de son compagnon »
« Elle est devenue très indépendante et très bûcheuse »
Indiscret 2/3
« Il esquive habilement les questions indiscrètes sur ses parents »
Individualiste 3/1
« Ségolène est une individualiste farouche »
Industrie│industriel 1
« Vaste portefeuille embrassant l’industrie, l’innovation, la recherche »
Inégalité 1
« Combat contre les injustices et les inégalités »
Influence│influencer 2/1
« Prompte à dénoncer l’influence sarkozystes sur les médias français »
« François Bayrou n’hésitera pas à voir son influence dans l’appel du quotidien à un
second tour royal – Sarkozy »
Informel 1-3
« Un déjeuner informel, une confrontation amicale des idées »
Infrastructure 1
« Une petite infrastructure politique locale gère le planning »
Injustice 1
« Combat contre les injustices et les inégalités »
Innovation 2
« L’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation, estime-t-il, sont les clés pour
que la France profite »
Inquiet│inquiétude 3
« Il se dit inquiet mais assure recevoir des soutiens de nombreux élus »
Inscriptions│inscrire 1
« Avant la clôture des inscriptions »
« Normalien et déjà inscrit au PS avant d’intégrer l ' école »
Insécurité 1
« Thèmes de prédilection (identité nationale, insécurité) qui suffirait à faire fructifier son
score de 2002 »
Inspecteur│inspection 1
« Jean-Pierre Jouyet, futur inspecteur général des finances »
Instaurer 1
« Il proposera au parlement un texte instaurant un service minimum dans les
transports »

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Médias, politique et vie privée

Institut│institution│ institutionnel 1
« Proposer une réforme des institutions »
Intérieur 1, 3
« Dans son fort intérieur »
« Révèle un être intérieur qui en fait trop et se fatigue »
« Leur intérieur était très simple, il n’y avait pas de chauffage »
« Son directeur de cabinet au ministère de l ' intérieur »
International 1
« Un candidat aux recettes simples, jusque dans les sujets internationaux »
Internet 2
« C’est elle qui a convaincu le patron de l’UMP de créer un site internet »
« La trouvaille de la campagne royal, c’est internet érigé en outil interactif de
propagande »
Intervention│intervenir│ interview 2
« Ségolène Royal a distillé des interventions chocs, déclenchant souvent la polémique »
« Apparue tendue lors de son intervention télévisée après 22 heures »
« Les Kennedy made in France refuse toute interview »
Intime│intimité 3
« Une intime du couple confie »
Intronisation│introniser 1
« Nicolas Sarkozy sera intronisé officiellement candidat de l’UMP à l’élection
présidentielle »
Introspection 3
« Ils se complaisent dans les confessions, introspections, contritions. Expositions »
Investir│investiture 1
« Ce destin présidentiel qu’il approche enfin, investi par l’UMP, comme le chef d’un
état fantoche »
« Un parcours complet sans fautes jusqu’à son investiture en novembre dernier »
« Enquête sur sa tactique pour investir l’Elysée »
Invisible 2
« Mais de Cécilia, point. Invisible, en cette soirée électorale comme depuis le début
de la campagne »
Isoler 3/1
« Il partira quelque part, dans un endroit isolé - comme pour une retraite »
Jalousie│jaloux 3
« Laisse affleurer ses tourments de femme jalouse et flouée »
Jeune│jeunesse 1, 3

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Annexes

« Se félicite que les images de ces pitreries de jeunesse soient désormais introuvables »
« La proposition d’allocation autonomie pour les jeunes «
Journal│journalisme│ journaliste 2
« La salle des fêtes débordait de journalistes »
Judiciaire│juridique│juriste 1
« En imposant l’indépendance du pouvoir judiciaire »
« Prévenir les embûches juridiques inhérentes à toute campagne »
Jury 1
« Ségolène propose que les élus rendent des comptes devant des jurys de citoyens
tirés au sort »
Jupe 2
« Elle porte des jupes tristes et arbore de grosses lunettes sévères »
Kärcher 1
“Comme future ministre de l'immigration et du kärcher. une plaisanterie »
Lady 1-3
« Babeth, promet François Bayrou, se transformera en parfaite first lady »
Laïcité│laïque 1
« Mettant 1000000 million de partisans de la laïcité dans la rue, en 1994 »
Leader│leadership 1
« Le leader de l’UMP perçoit 14 000 euros net par mois »
Légendaire│légende 2
« Accusations d’incompétence qu’elle en a récoltées, des preuves de la légendaire
misogynie française »
Légion 1
« Comme le défilé des barbus de la légion étrangère, le 14 juillet »
Législatives 1
« Après la présidentielle, les législatives s’enchaînent »
Lepéniste 1
« S’il a su capter une frange de l’électorat lepéniste »
Libéral 1
« Son projet est libéral, européen et atlantiste »
Licenciement│licencier 1
« Il fallait interdire aux entreprises profitables de licencier »
Liesse 2
« Le temps de profiter de la liesse qui submerge la rue de Solferino »
Lieutenant 1
« Même ses plus proches lieutenant n’espéraient pas un tel score »
441

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Médias, politique et vie privée

Ligue 1
« Le jeune facteur de la ligue communiste révolutionnaire sait faire le spectacle »
Liste 1
« Robert Maudelonde, inspecteur des PTT, numéro dix de la liste, chargé de lui faire
découvrir la ville »
Local│localité 1
« Est à la recherche d’un mandat d’élue locale »
Loge 2
« Ce sont des dizaines de vedettes qui se pressent dans sa loge »
Loi 1
« Proposé de promulguer une loi sur un service minimum »
Look 2
« Il s’efforce, grâce à elle, d’avoir le look d’un papy assagi »
Louanges 2
« Mais l’attachement à son image la rend vulnérable aux louanges d’autrui »
Loyal│loyauté 3
« Arlette, elle, serait loyale et fidèle - le genre copine sur laquelle on peut compter »
Lumière 2
« Pour avoir approché de trop près la lumière, Cécilia sait qu’on peut s’y brûler les ailes »
« Cécilia compte bien demeurer ainsi, un peu dans l’ombre, un peu dans la lumière »
Lutte│lutter 1
« C’est l’indice d’une lutte de pouvoir possible »
« La candidate de lutte ouvrière »
Machine 1
« Les grosses machines UMP et PS »
« Le ministre de l’intérieur lance désormais sa machine électorale »
Machisme 1
« Les attaques sarkozystes, c’est deux doigts de machisme pour cinq volumes de
droite »
Magazine 2
« Parmi les femmes les plus sexy du monde par le magazine FHM en juin dernier »
Magistrat│magistrature 1
« Dix des douze candidats à la magistrature suprême »
« assure Dominique Barella, ex-président de l’union des magistrats »
Maire│mairie 1
« Son objectif : la conquête de la mairie »

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Annexes

Maison 1, 3
« Comme il l’avait fait après le cataclysme de 2002, de maintenir à flot la maison rose »
« Le maître de maison sert sa morale comme un de ses ancêtres, plénipotentiaire à
la cour de louis xiv »
« Il habite toujours son village de Bordères à 100 mètres de la maison de son enfance »
Majoritaire│majorité 1
« On peut alors constater que la majorité silencieuse fait beaucoup de bruit »
« L’investiture du parti majoritaire »
Major 1
« Alors que la panique gagne les états - majors de Ségolène Royal »
Maladresse│maladroit 2
« Souvent maladroite, parfois approximative, elle tente de tirer parti de sa non-maîtrise
des fondamentaux du débat »
Maman 3
« La maman de quatre enfants âgés de 14 à 22 ans ne lâche pas sa famille »
Mandat│mandater 1
« Jean-Marie Le Pen perçoit 6000 euros par mois pour son mandat de député
européen »
« Elle conquiert son premier mandat électif en 1977 comme adjointe au maire
de Châtenay »
Manif(estation)│manifestant│ manifester 1-2
« Cinquante mille militants sont attendus pour une manifestation populaire »
« Une manif contre la crise étudiante déclenchée par la réforme »
Manipulateur │ manipuler 2
« Parce que les français sont inquiets d’être manipulés par eux »
Maquillage│maquiller 2
« Sur la scène du plus grand théâtre français, la télévision. Le maquillage cachait mal
l’émotion »
Marge│marginal│marginalisé 1
« Marginalisé dans la campagne, il lui a fallu rassurer les cadres d’un parti »
Mari│mariage│marier 3
« Elle accompagne rarement son mari dans ses déplacements »
« Cécilia et Jeanne-Marie, sa fille ainée issue d’un précédent mariage »
Marque 2
« Cette liberté est devenue sa marque de fabrique »
« Longtemps limité à Zara ou André, pour y inclure des marques plus chics telles Paule
Ka »
Masculin 3
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Médias, politique et vie privée

« C’est la seule figure masculine de la famille »


Masque│masquer 2/3
« Une telle impavidité masque forcément des doutes »
« Un masque défensif, destiné à donner une image dure »
Maternel 3
« Le Dr Bénédict Mallah, grand - père maternel de Nicolas Sarkozy »
Maturité 3
« Maintenant qu’il a changé, qu’il est arrivé à l’âge de la maturité, Nicolas Sarkozy veut
aussi exprimer sa dimension spirituelle »
Médaille 1
« Il a l’appui de sa commune qui lui a décerné la médaille d’argent du courage »
Médias│médiatique│médiatiser 2
« Connaissance de tous les systèmes de la communication : les médias, la publicité,
l’organisation des meetings »
« Façon aussi de détourner l’appétit des médias people pour le couple royal – hollande »
« Longtemps plongée dans un tourbillon médiatique au risque de s’y abimer »
Meeting 1-2
« Le meeting inaugural de sa campagne du second tour »
Méfiance│méfier 3
« Respecter la logique participative et citoyenne d'une campagne méfiante envers les
people »
« Même rallié, DSK se méfie de la mouche royal »
Membre 1, 3
« Des gaullistes, des socialistes républicains, même des membres de l’UMP »
« Selon un membre de la famille »
Mémoire 1, 3
« Chargé d’un travail de réflexion sur la loi, l’histoire, et le devoir de mémoire, après la
polémique alimentée par la loi sur la colonisation »
« Jean-Marie Le Pen ne fréquente plus sa Bretagne natale que pour honorer, à la
toussaint, la mémoire de ses ancêtres »
Mémorial│mémorialiste 1
« Celle au mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de la shoah »
Mensonge│mentir 3/2
« Elle dénonce le gouvernement qui ment sur les chiffres du chômage»
Mention│mentionner 2
« Aucun portrait de lui qui ne mentionne comment jeune étudiant il a dû reprendre la
ferme de son père »
Mentor 1-3
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Annexes

« Plaisirs du sommet du pouvoir au côté de son mentor, Edouard Balladur »


Mère 3
« Il parle aussi de sa mère qui travaille pour élever ses trois fils, seule »
Message│messager 2
« Les ténors de la droite ont entendu le message »
«Elle les représente et porte leur message »
Messe 1, 3
« Les grand - messes gaullistes s’y tenaient, avant que Jacques Chirac »
« Transportée par cette messe, cette effervescence »
« Cette tribu de huit enfants alignés en rang d’oignons pour aller à la messe »
Mesure 1
« Dans son pacte présidentiel, beaucoup de mesures sociales »
Métamorphoser 2
« Elle a métamorphosé le menhir en un septuagénaire d’apparence moderne »
« Quatre années séparent ces deux photos… et la métamorphose est royale ! »
Méthode 1
« Le candidat UDF ne change pas de méthode mais accélère le mouvement »
« Cette déçue de la méthode royal dénonce pêle-mêle ses sautes d’humeur, son
autoritarisme »
Micro 2
« « La France de toutes les couleurs du monde » lance au micro le chauffeur de salle »
« Grimpe lentement chacune des marches qui le mèneront à ses micros »
Militant│militantisme│militer 1
« Quelque 40000 militants et sympathisants s’étaient déplacés »
« Il n’a pas l’âge de voter qu’il milite déjà à la permanence gaulliste »
Ministère│ministrable│ministre 1
« Aucun ministre en exercice ni cacique du PS en ce lendemain de référendum
européen »
Minoritaire 1
« En finir avec son image d’éternel minoritaire au sein du PS. Et l’espoir d ' être nommé
ministre »
Minorité 1
« Représentante des minorités visibles »
Misère 1
« C’est aussi ce que les fils de Bourdieu appellent la misère sociale »
Mission 1
« Haut - fonctionnaire en mission à la ville de paris »
445

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Médias, politique et vie privée

« Sa mission : séduire la jeunesse et apporter des idées, via le site segosphère »


Mixité 1
« Une mixité sociale réussie pour améliorer la sécurité »
Mobilisation│mobiliser 1
« D’une salle comble à qui il allait lancer un ultime appel à la mobilisation »
Mode 2
« Mais pour que Marie-Ségolène, fille de militaire, devienne Ségo, l’icône de mode,
il a fallu bûcher »
Modèle 1
« Un projet de société qui résiste au modèle financier dominant »
Modéré 1
« Une partie de la droite modérée semble définitivement rétive à l’idée »
Moderne 1, 2
« une tentation de ressusciter une version modernisée du blocus continental »
« une collection de robes du soir inspirée des grandes femmes modernes , présentes
sur le devant de la scène »
« le menhir en un septuagénaire d’apparence moderne »
Modeste│modestie 3
« Cette vie modeste en cache une autre, encore plus discrète »
Monde│mondialisation│mondial 1
« Gagner les combats sur la mondialisation, à condition qu’elle sauvegarde son projet
républicain »
Montrer 2
« Les médias pouvant ainsi montrer un Le Pen, sans avoir Jean-Marie »
Morale 1
« Ségolène émettait le souhait que des autorités morales interviennent pour renouer
le fil du dialogue »
Motivation│motiver 1-3
« Après le silence de mort à l’annonce de la défaite, chacun fait mine de se motiver
pour les législatives »
Mousser 2
« Jamais en rade d’une idée pour faire mousser virtuellement son candidat sur la toile »
Mouvement│mouvementiste 1
« Fait passé en une dizaine d’années d’un mouvement démocrate - chrétien à un
centrisme révolutionnaire populiste »
« Elle cherche à ouvrir le parti à la gauche mouvementiste mais échoue à faire
accepter »
Moyenne 1

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Annexes

« Elle mettra en place des mesures fiscales qui préserveront les classes moyennes »
Multinationale 1
« Magnifie les luttes ouvrières, vilipende les multinationales alimentaires »
Municipal(es)│municipalité 1
« L’affiche de campagne socialiste pour les municipales de Trouville, en 1983 »
Murmure 3
« Il sait que des murmures sur les états d’âme de sa femme circulent »
Mystère│mystérieux 3/2
« Son adversaire, lui, ne fait pas mystère de ses intentions »
« Lui que l’on dit volontiers vieille France ne fait pas mystère de son aversion pour le
phénomène Patrick Sébastien »
Naissance│naître 3, 1
« Elle se fait gloire d’avoir donné naissance à quatre enfants en dehors des liens du
mariage »
« À l’endroit même où Jacques Chirac avait célébré la naissance du RPR »
Natal 3
« Le candidat UDF a maintenu un lien fort avec son Béarn natal »
Nation(al)│nationalisation│ nationaliste│nationalité 1
« Participer à une élection nationale »
« Le futur leader du FN puise dans son nouveau statut sa fougue nationaliste »
Naturalisation│naturalisé 1
« Une demande de naturalisation à l’ambassade de Belgique, en France »
Naturel 3
« Nicolas Sarkozy est moins naturel, mais c’est un pro de la com »
Néoconservateur 1
« Arguait-il à ses amis de la revue néoconservatrice le meilleur des mondes »
Népotisme 1/3
« La fille dans le fauteuil de la mère ! On m’accusera de népotisme »
Nerveux│nervosité 2
« Des tics nerveux lui crispent le visage ou les épaules »
Nid 3
« Le couple, dont les six enfants ont quitté le nid familial »
Noces 3
« Marié en secondes noces à Cécilia Sarkozy, dont il a un enfant, louis »
Nom 2
« Un jour, il la cite quinze fois, un autre il s’interdit de prononcer son nom »

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Médias, politique et vie privée

« Il suffit d’ailleurs d’entendre les sifflets qui frisent lorsque les noms de Ségolène Royal
ou de Nicolas Sarkozy sont prononcés »
Nomination│nommer 1-2
« La nomination de Rachida Dati comme porte – parole »
« Celle-ci pourrait nommer des ministres UDF au gouvernement »
Notable 1
« Ségolène Royal l’emporte finalement d’une courte tête face à un notable local »
Notoire│notoriété 2
« Outre ses fidèles les plus notoires. Johnny Hallyday et Doc Gynéco, le candidat de
l’UMP bénéficie également du soutien »
« Il doit surtout miser sur ses apparitions médiatiques pour asseoir sa notoriété »
Nucléaire 1
« Le développement important de l’énergie nucléaire »
Nuée 2
« Poursuivi par une nuée de photographes et de cameramen »
« Pas de nuées de caméras à chacun de ses déplacements »
Objectif 2
« Tout sourire devant les objectifs »
Observateur│observer2, 3/2, 1/2
« Elle est la femme la plus observée, la plus pressurée, détaillée, commentée »
« Toujours se méfier des amabilités de Chirac, prévient cet observateur avisé de la vie
élyséenne »
« Car en fine observatrice de la vie politique de ces 50 dernières années »
Occulter (1,3)/2
« Elle nomme les problèmes et ne les occulte pas »
Occuper 1, 3
« Les fonctions ministérielles qu’a occupées la candidate ne lui ont jamais permis de
voyager »
« Andrée, femme au foyer, doit s’occuper seule de ses trois fils »
Œil 2
« Une sorte d’œil du boss chargé de sentir et de prévenir les dangers »
Officialiser 2-3
« C’est la première grande sortie officialisant leur réconciliation »
Officiel 1
« Celle de la photographie officielle du candidat élu »
« Qu’elle annonce officiellement sa candidature à la candidature »
Officieux 3/2

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Annexes

« Une présence officieuse de retour auprès de son époux »


Ombrage│ombre 2
« Durant ses années passées dans l’ombre de Philippe Séguin »
« Elle est sûre qu’il ne lui fera jamais d'ombre »
Omniprésence 2
« Discrète en public, omniprésente en coulisses »
« Omniprésents au qg de campagne, ils sont de toutes les réunions et décisions »
Oncle 3
« Pour les oncles et tantes paternels de Ségolène »
Onde 2
« Son impact sur les ondes et les écrans dépasse de loin celui que peut avoir un
meeting »
Opiner│opinion 2
« Réunir un panel de gens différents pour recueillir leurs opinions »
« Elle est en charge des sondages et des analyses de l’opinion publique »
Opposant│opposer│ opposition 1
« Au-delà des oppositions partisanes ou des clivages géographiques et sociaux »
« Face à la figure paternelle en opposition ou dans l’admiration »
Orateur│oratoire 2
« Soudain, il lâche en un élan oratoire »
« Devant l’ardeur déployée par l ' oratrice »
Orchestre 2
« L’homme-orchestre des shows du président frontiste »
Ordinaire 3
« Cécilia, ordinairement adepte du jean et des bottes »
Ordre 1
« Milite pour un ordre juste »
Organisation 1
« Au congrès de l’union des organisations islamiques de France »
Originaire│origine 3
« Il aime à rappeler ses origines rurales et béarnaises »
Orphelin 3
« Orphelin de père et fils de femme de ménage »
Ostensiblement ??
« Jacques et Bernadette Chirac s’entretiennent longuement et ostensiblement avec le
couple Sarkozy »
Ouvrier 1
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Médias, politique et vie privée

« La candidate de lutte ouvrière a déjà annoncé que ce serait son ultime campagne »
Ovation│ovationner 2
« Il a été admiré, ovationné, applaudi »
Paillette 2
« Lever le pied sur le côté paillettes, de ne plus se déplacer entouré d’une horde de
gardes du corps »
Palais 1
« Le couple hollande - royal goûte loin du palais - bourbon aux joies de la famille »
« Dans un autre coin du palais présidentiel »
Pamphlet 1-2
« Il avait publié un pamphlet devenu best-seller contre la socialiste »
Pancarte 1-2
« Ils agitent des pancartes. Ils hurlent : "Sarkozy, président !"»
Papa 3
« Lequel assure aujourd’hui avoir retrouvé papa. Il n’empêche, Bové s’est construit
en opposition rebelle »
Papi│papy 3
« Évoque ses jeudis après - midi passés à flâner avec son papi »
Papier 1
« La régularisation des sans – papiers »
Papoter 3
« Une parenthèse pour prendre le temps de papoter avec ses filles »
Parachutage│parachuter 3/1
« Parachutée par François Mitterrand au début de son second septennat, la jeune
énarque »
Paraître 2
« Dans un livre qui paraîtra le 16janvier »
« Beaucoup plus sensible qu’elle ne veut bien le laisser paraître »
Parâtre 3
« Le parâtre impose partout sa loi il voulait régenter sa famille »
Parenté│parent 3
« Ils oublient la politique pour devenir des parents comme les autres »
Parité 1
« Les clubs de football, la parité, le tourisme sexuel… quel que soit le sujet abordé, la
candidate de la gauche populaire et antilibérale dégaine »
Parlement│parlementaire 1
« Les deux candidats vedettes de la droite et de la gauche parlementaires »

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Annexes

Parole 2, 1-2
« Adresse au coordinateur des porte - parole de la candidate »
« Obligation d’égalité de temps de parole »
Parrain 3
« Il est aussi parrain du petit Louis. »
Parrainage 1-3
« Le Pen n’a toujours pas réuni ses 500 parrainages »
Partenaire 1, 3
« Discussions entre les partenaires sociaux »
« Rencontrée à l'ENA et mère de leurs quatre enfants. Partenaires dans la vie, libres
dans »
Parterre 1, 2
« Ségolène Royal fait face à un parterre de choix »
Parti│partisan 1
« Après son investiture par le parti socialiste »
« Le troisième homme a lui aussi ses partisans »
Participant 1
« Elle aurait ainsi son mot à dire sur les participants aux réunions »
Participatif 1
« Le label participatif est accolé à tous les faits et gestes de la dame »
Passation 1
« La passation de pouvoir »
Passeport 1
« Chargés de lui rendre symboliquement son passeport tricolore »
Passion│passionner 2, 3
« Des grandes marées et des vagues de passion »
« Nicolas ne connaitrait qu’une seule vraie passion, celle d’agir »
Paternel 3
« Avoir des comptes â régler avec la fonction paternelle »
Patriarche 1-3
« N’en déplaise au patriarche de l’extrême droite »
Patriote│patriotique│ patriotisme 1
« Être le seul à incarner la droite patriotique de gouvernement »
Patron│patronal 1
« Le patron de l’UMP évoque dans VSD sa détermination à gagner »
« Son carnet d’adresses dans les milieux patronal en particulier François Pinault »

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Médias, politique et vie privée

Patronyme 2-3
« Mais on n’efface pas comme ça le patronyme Le Pen »
Pays 1, 3
« En vertu d’une convention signée entre les deux pays »
« Fait bien longtemps que l’on n’a pas revu l’ enfant du pays »
Paysage 1
« Trouver sa place dans le paysage politique traditionnel »
Paysan 1, 3
« Sa mère Anne-Marie, couturière, et ses grands - parents, paysans »
« Son ancienne appartenance au centre national des indépendants et paysans
d’Antoine Pinay »
Pédagogie│pédagogue 1-2
« Son côté tribun pédagogue »
Pension 3
« Il oublie aussi de payer régulièrement la pension alimentaire »
People│pipole2
« Marc - olivier Fogiel doit animer un talk - show deux tiers people pour un tiers
politique »
« le candidat de l’ump bénéficie également du soutien d’amis pipoles de longue date »
Peoplisation│pipolisation│ peoplisé│ pipolisé
« Elle n’est plus la gentille icône peoplisée des meetings ou des déplacements du
présidentiable »
Perceptible│perception│ percevoir 2-3
« Chirac a tout de suite perçu qui était Nicolas Sarkozy »
« Ses proches perçoivent que c’est à partir de son entrée à notre - dame que Ségolène
a pris son destin en main »
Père 3
« François Hollande s’occupe en père attentif et attendri de clémence, 3 ans »
Personnage 2-3
« Le personnage de Cécilia Sarkozy ne cesse d’intriguer »
Personnalité 2, 3
« Parmi les 150 personnalités qui ont signé l’appel aux français »
« VSD a découvert une facette cachée de leur personnalité »
Personnel 3
« C’est un choix personnel, politique, physique, intellectuel »
« Obtenir des satisfactions personnelles dans tel ou tel combat »
Persuader 2

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Annexes

« À la manœuvre pour persuader les élus UDF de soutenir le candidat UMP »


Pétition 1-2
« À l’initiative d’une pétition rassemblant intellectuels de la gauche sociale »
Peuple
« Mais aussi à l’espoir pour le peuple de gauche »
Phénomène 1, 2
« Ne fait pas mystère de son aversion pour le phénomène Patrick Sébastien »
« Expliquer tous les phénomènes de société »
Photo(graphie)│photographe photographier 2
« La fameuse photo du général de gaulle au micro de la bbc »
« Elle a voulu se protéger et n’autorise que très peu de photos »
Physionomie│physique 2,
« Derrière un physique de star »
« Ses argumentaires physiques et vestimentaires cesseront bientôt de duper »
« Avec une endurance physique que ne lui soupçonnaient pas les dirigeants du parti »
Planning 1
« S’occupe du planning stratégique de la candidate »
Plateau 2
« Il a expliqué à marc - olivier fogiel sur le plateau de t’empêches tout le monde de
dormir »
« Son allure décontractée sur les plateaux télé »
Plateforme 2
« Douze candidats à la présidentielle et leurs partis sont représentés sur la plateforme
de second life »
Pluralisme 1-2
« Pourquoi François Bayrou a-t-il accusé tf1 ne pas respecter le pluralisme ? »
Plurielle 1
« Retiré sur ses terres après les heures de gloire de la gauche plurielle »
Podium 2
« L’immense et haut podium dédié aux télévisions »
Polémique│polémiquer 1-2
« Ségolène Royal a distillé des interventions chocs, déclenchant souvent la polémique »
Police│policier 1
« Ancien directeur général de la police nationale »
Polichinelle 3/2
« C’était un secret de polichinelle »
Politicien│politique│politisation 1
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Médias, politique et vie privée

« Il a bouleversé l’échiquier politique français »


« Il a tourné la page de la politique politicienne pour entrer dans la cour des grands »
Populaire│popularité 2
« Malgré une cote de popularité qui s’effrite »
« L’acteur de comédies populaires »
Populiste 2/1
« Un arsenal populiste et démagogue »
Portable 2
« Une armée de téléphones portables mitraille l’impressionnant casting »
« Une petite photo sur son portable en prévision des soirs de meeting »
Portefeuille 1
« Brice Hortefeux n ' a pas démissionné de son portefeuille de ministre »
Position│positionnement│ positionner 1
« Après sa prise de position controversée sur l’encadrement militaire»
sauf « prise de position » 1-2
Posture 2
« Le candidat de l’UMP aborde souvent les choses dans la posture du mâle
combattant »
Potes 3
« Il préféré les virées entre potes et sortir avec des filles »
Précarité 1
« En termes de violences subies, de précarité ou d’inégalité des salaires, les femmes
sont en première ligne »
Précédent │précéder 1, 3
« le précédent maire de Neuilly »
« sa fille ainée issue d’un précédent mariage »
Prêcher 1-2
« Prêche depuis près de six mois maintenant l’union nationale et la révolution
tranquille »
Préconisations│préconiser 1-2
« Ses préconisations sur la hausse des impôts »
Prédécesseur 1
« il s’installera rapidement 55 , rue faubourg - saint - honoré tandis que son
prédécesseur emménagera de l’autre côté de la seine , quai voltaire , dans un somptueux
appartement »
Préfecture 1
« Celui de Marie-Ségolène se fera à la préfecture de fort - de – France »

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Annexes

« La brillante carrière de ce préfet, ancien directeur général de la police »


Prénom 2
« Un prénom de roi pour une famille française venue d’Espagne et de Hongrie »
Présentateur 2
« La présentatrice du 20h se fait plus discrète »
Présentation│présenter 1, 2
« Après les présentations faites aux six cents personnes venues applaudir son époux »
« Elle se présente aux municipales »
« Louis Sarkozy a 3 mois lorsque ses parents le présentent à tout le pays dans les
pages de paris match »
Président│présidentiable│ présider 1
« L’élection présidentielle, c’est un moment de vérité »
« Avait présidé la commission parlementaire sur Outreau »
Pressenti 1-3
« Les militantes pressenties pour lui succéder »
Prestation 2
« Tous ont préféré regarder la prestation de Sarko face aux téléspectateurs »
Prévention 1
« Particulièrement sensibilisée aux problèmes de sécurité, de prévention,
d’autonomie »
Prévision 1-2
« Deux chiffres qui ferait de lui le bon troisième. Il continue à se moquer des
prévisions. »
Primaires 1
« Fabius et DSK défaits lors des primaires »
Procès 2
« Ils s’invitent comme témoin à décharge pour le procès en incompétence intenté par
la droite »
Proclamer 2
« Ségolène Royal a, elle aussi, proclamé le cessez- le – feu »
Programme 1
« Les français attendent toujours son programme. Son adversaire, lui, ne fait pas
mystère de ses intentions »
Projecteur 2
« Davantage en coulisses que sous les projecteurs »
Projet 1
« Une semaine après la démission d’Eric besson, comptable du projet socialiste »

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Médias, politique et vie privée

Prolétariat│prolétarisé 1
« Les nostalgies d’une classe moyenne déboussolée et prolétarisée »
Promoteur│promotion 1-2
« Promotion de la culture charentaise »
Prôner 1-2
« Organisation qui prône la destruction d’Israël et qui a provoqué et mené la guerre »
Propagande│propagandiste 2/1
« C’est internet érigé en outil interactif de propagande »
Proportionnelle 1
« Injecter une dose de proportionnelle pour de futures élections »
Propos 1-2
« Des propos dignes d’une campagne de promotion dans un supermarché »
Proposition 1
« Ségolène Royal lance ses 100 propositions pour la France »
Propulser 3/1
« Sarkozy le propulse conseiller politique à l ' UMP »
Prosélytisme 2/1
« Pétage de plombs en plein vol et prosélytisme à tout-va »
Protectionnisme 1
« Contre la banque centrale européenne ou pour un protectionnisme européen »
Protestataire│protestation 1
« Se poser en alternative positive au vote protestataire »
Protocole 1
« Protocole de Kyoto »
Pseudo│pseudonyme 2/3
« Un habitué du monde politique, qui signe sous le pseudonyme de Mazarin »
Psy│psychanalyse│ psychiquement│psychologie 3
« L’astrologie prévisionnelle informant sur des climats psychologiques »
Pub│publier│publicitaire│ publicité│publication 2
« Tous les systèmes de la communication : les médias, la publicité, l’organisation des
meetings »
« À la veille de la publication de photos volées du couple »
Public 1, 2
« Le public chavire et applaudit à tout rompre »
« Pas une intervention publique à la radio ou à la télé, sans qu’il l’appelle »
Pupitre 2

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Annexes

« Quelques fans se photographient autour du pupitre de leur idole »


Qualification│qualifier 1
« Les deux qualifiés du second tour »
Qualité 3
« N’a de cesse de rappeler les qualités humaines de Sarkozy»
Quotidien 3
« Mais c’est ici et maintenant, dans son humble quotidien que notre guerrier moustachu
puise sa force »
Racines 3
« Si les racines béarnaises de François Bayrou ne souffrent »
Racisme│raciste 1
« vice - présidente de SOS – racisme »
Raconter 2-3
« Pour lui tirer les vers du nez, lui faire raconter son enfance »
Radical 3
« Il pourrait l’annoncer lors du prochain congrès des radicaux »
Radio 2
« Les douze candidats à la télévision et à la radio »
Ralliement│rallier 1-2
« Vient le tour de François Fillon qui se félicite du ralliement des intellectuels »
Rameuter 1-2
« Il a sorti son carnet d’adresses pour rameuter des soutiens à la candidate socialiste »
Rapport 1
« Selon un rapport de la commission des finances du sénat »
Rassemblement│rassembler 1
« Nicolas Sarkozy doit donc œuvrer pour que le rassemblement de son camp ne soit
pas de façade »
Réac│réactionnaire 1
« À cette soumission paternelle et à ces valeurs réactionnaires »
Rebelle│rébellion 1, 3
« Incarner le vote rebelle contre le système de la droite et de la gauche »
« Dont le tempérament rebelle et l’ambition l’ont aidée à guérir des traumatismes d’une
enfance »
Réchauffement 1
« Effet pervers du réchauffement climatique ? »
Réconciliation│réconcilier3/1, 3
« Réconciliation de façade entre Chirac et Sarkozy »

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Médias, politique et vie privée

Reconnaissance│reconnaître 2
« Elle aspire à la reconnaissance publique »
Reconquérir│reconquête 1-2
« Reconquérir l’électorat en quête d’une caution sociale »
Recrutement 1
« Elle refuse que l’on recrute des artistes, qu’on les instrumentalise »
« Des recrutements de professeurs mais aussi de psychologues »
Recueillir 2
« Le candidat de l’UMP et son épouse recueillent 37% des citations »
Rédaction 2
« Faire le tour des rédactions people et des éditeurs pour menacer de procès »
Référendaire│référendum 1
« 54% des français ont voté non au référendum »
Réforme│réformer 1
« La crise étudiante déclenchée par la réforme du deuxième cycle »
Refuge│réfugier 3
« Elle les prend sous le bras, se réfugie dans un petit appartement… »
Regard│regarder 2
« Avant de filer chez lui regarder le match de rugby Irlande – France »
« Ségolène Royal a le pouvoir de faire évoluer le regard des hommes sur les femmes »
Régime 1
« Il a promis de mettre les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur
privé »
Région│régional 1
« Elle remporte la région Poitou-Charentes »
Règle 1, 3
« Renata Roche dicta à Sigurlaine les règles de la maison »
« Ses pratiques abjectes qui bafouent les règles les plus élémentaires du journalisme »
Régner 1
« C’est son côté Mitterrand : diviser pour mieux régner »
Régularisation │ régulariser 1
« Évoqué la régularisation des sans – papiers »
Réhabiliter 2
« Le maire de Belfort l’a, par exemple, incitée à réhabiliter la marseillaise »
Rejeton 3
« Pierre Bachelot, trente - six ans, rejeton de Roselyne »

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Annexes

Réjoui│réjouir 2-3
« À la mine réjouie de ses fidèles »
Relancer 1
« Idéal pour relancer la croissance »
Relation│relationnel 3
« Revenant sur ses relations avec celui qu’il appelle son ami »
Relooker 2
« Ségolène Royal. 2002. relookée en 2006. Quatre années séparent ces deux
photos… »
Remarier 3
« Son père, remarié plusieurs fois, lui manque »
Remarquable│remarquent 2
« Il se fait remarquer par Alain Juppé, pour son sérieux et sa capacité de travail »
Remplacer 1-3
« François Baroin, son compagnon, devrait vraisemblablement remplacer Nicolas
Sarkozy place Beauvau »
Rencontre│rencontrer 1, 3
« Ils se sont rencontrés à bordeaux, à la fac, alors qu’ils n’avaient pas 20 ans »
« Rencontre au sommet la candidate socialiste s’est entretenue avec le président »
Renier 3
« La candidate socialiste ne renie pas pour autant les valeurs familiales »
Renouer 3
« Elle pense pouvoir renouer avec son ex-complice »
Renouveau│renouveler│ renouvellement 1
« Songe à jouer sa carte, incarnant, pense-t-il, le renouveau nécessaire »
« La nouvelle génération d’économistes qui ont renouvelé la critique sociale »
Rénovation│rénover 1
« Il enchaîne avec le pari de l’aventure rénovatrice du NPS »
Répandre 2
« Il se répand en anecdotes sur l’humiliation que fut le divorce de ses parents »
Repas 3
« Ici, les repas se déroulent toujours à la bonne franquette »
Repère 3
« Le garçonnet, qui a perdu ses repères, réclame son père »
« Quelques repères essentiels pour lui — des photos de sa famille »
Reportage│reporter 2
« Plusieurs reportages à la télé, et la photo de une dans l’édition locale du Dauphiné »
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Médias, politique et vie privée

Représentant│représentatif│ représentation│représenter1, 2
« Des femmes et des hommes compétents qui représenteront les courants principaux
du peuple français »
« L’un sur la représentativité syndicale, l’autre sur l’obligation d’une consultation à
bulletins »
« D’une affiche représentant une jeune fille issue de l’immigration »
Réprobation 2
« La cible d’une vaste campagne de réprobation au sein de l’opinion publique »
Républicain│république 1
« Pour la première fois dans l’histoire de la Vème république »
Réputation│réputé 2
« L’homme a pourtant la réputation d’avoir la repartie mordante et la communication
provocante »
Réserve│réserver 1/3, 3
« Devant la tribune, quelques 500 chaises réservées aux invités, élus PS de Lyon et
alentour »
« Mais l’approche du scrutin l’oblige à sortir de sa réserve »
Résistance│résistant 1
« Petit - fils d’un immigré italien et fils de résistants »
Respect│respectable│ respectueux 3
« Ils sont d’ailleurs des gens respectables »
Responsabilité│responsable1, 3
« Le sénateur Roger Karoutchi, responsable des fédérations de l’UMP »
« Il s’agissait d’obliger un père absent à assumer ses responsabilités familiales »
Ressemblance│ressembler 3
« A la différence de son père, cette fille qui lui ressemble le plus par son mordant »
Ressentiment 3
« Elle traduit bien les sentiments et les ressentiments des français »
Retirer│retrait 3/(2,1)
« Jospin, le grand frère blessé, retiré sur ses terres »
« Elle a décidé de se tenir toujours un peu en retrait »
Retouche 2
« Dernière retouche pour le clip du leader de CNPT »
Retraite│retraité 1
« A les faveurs des inactifs, notamment les retraités et les femmes aux foyers »
« L’abolition des régimes spéciaux de retraite ou l’abrogation des 35 heures »
Retrouvaille 3

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Annexes

« Il croit les retrouvailles du couple sincères »


Réunion│réunir 1-3, 3
« Alors que les députés sont réunis en congrès à Versailles »
« Ce dimanche justement, la famille est réunie. Au sens large. Les enfants, ses frères,
sa mère. »
Révélation│révéler 2
« Aucun événement extravagant à révéler »
Révérence 2
« Un grand acteur vient de tirer sa révérence sur la scène du plus grand théâtre
français »
Révolte│révolution│ révolutionnaire 1
« Ségolène Royal a fait tomber une bastille. Un geste révolutionnaire »
« Le jeune facteur de la ligue communiste révolutionnaire »
Rhétorique 2
« Propager une onde d’émotion sur les eaux glacées de la rhétorique trotskiste »
Rigoler│rire 3
« Il se laisse aller à un éclat de rires avec ses voisins du second rang »
Rival│rivaliser│rivalité 1-3 (entre les collectifs), 3/1 (au sein d’un même collectif)
« Avec plus de quatre points d’avance sur sa rivale socialiste »
Robe 2
« Est apparue sous les ors de l’Elysée dans une superbe robe Prada »
Roi 1/3
« Le roi du Cambodge, Norodom Sihamoni, s’est dit ravi de l’accueil »
Rôle (jouer un) (1,3)/2
« Plutôt discrète, elle joue son rôle d’épouse et de collaboratrice avec tact »
« Seule personnalité à avoir envisagé publiquement de jouer un rôle électoral actif »
Roman│romanesque 1-3
« Pensais pas trouver chez Nicolas Sarkozy un personnage aussi romanesque »
Romantique 3
« Nicolas Sarkozy ou le baroudeur romantique »
Rose 1
« L’important, c’est la rose »
Rouge 1
« La grande scène bleue - blanc – rouge »
« Plus rose en tout cas que rouge vif»
Rumeur 2/3
« De quoi déjouer les rumeurs et les fantasmes entourant la fortune de nos élites »
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Médias, politique et vie privée

Rupture 1, 3
« Une rupture difficile à vivre pour leur deuxième fils »
« Le candidat à la candidature aligne les points de rupture : abrogation de la carte
scolaire et du collège »
Rural│ruralité 1
« Les hommes politiques aiment revendiquer leur ancrage rural »
« Une poignée de petits maires de la France rurale »
Rusticité 3
« La voie était toute tracée : la rusticité de la campagne, une famille nombreuse »
Sacre 1/3
« Les personnalités venues assister au sacre de son mari »
Sacrifice│sacrifier 3/1
« Plus question de tout sacrifier à la politique »
Salaire│salarial│salarié 1
« Elle s’est prononcée pour une augmentation des salaires de 300 € et a proposé
d’utiliser les aides aux entreprises »
Saluer 3, 2
« Tandis que le candidat salue quelques proches »
« Ils se sont rendus à la concorde pour saluer la foule des sympathisants et les stars
réunies »
Salve 2
« Des salves de chaudes acclamations »
Santé 1
« Le ministre de la santé, Xavier Bertrand »
Sarkozyste 1
« porte - parole du candidat et rouleau compresseur au service de la pensée
sarkozyste »
Scandale (3/1)/2
« Exaspéré par un scandale comparable à celui de Clearstream aujourd'hui »
Scène 2
« Nicolas Sarkozy lui a fait signe de monter sur scène, mais elle a préféré rester dans
le public »
Scolaire│scolarisation│ scolarité1, 3
« Desserrer les contraintes de la carte scolaire »
« Il effectue toute sa scolarité à l’école privée saint - louis - de – monceau »
Score 1
« Arlette Laguiller achève sa carrière par son score le plus bas »

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Annexes

Scrutin 1
« Dernières journées avant le scrutin fatal »
Séance 1, 2
« Se prête complaisamment aux séances photos en situation »
« Séance à l’assemblée »
Secret 1-3, 3
« Jacques Chirac lui transmettra aussi le secret du feu nucléaire »
« Nicolas Sarkozy. Ses blessures secrètes »
Sectaire│sectarisme│secteur 1
« Les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur privé »
Section 1
« Était l’invité de la section UDF des étudiants de sciences - po paris»
Sécuritaire│sécurité 1
« Son insistance sur les questions de sécurité ont souvent pris à contre - pied ses amis
socialistes »
Séducteur│séduction│séduire séduisant 2, 3/2
« Nicolas Sarkozy séduit les français de plus de 50 ans »
« Abandonné par ce pal séducteur invétéré »
Ségosphère (1-2)-3
« Il a rejoint le staff de sa mère et s’occupe de la ségosphère, l’organisation internet
de la candidate »
Sénat│sénateur 1
« La sénatrice verts s’en sort pas trop mal »
Sensibilité│sensible 3
« Toucher les français par la corde sensible et par l’émotion »
Sentiment│sentimental 3
« Sarkozy est un grand sentimental qui fonctionne aux coups de cœur »
Séparation│séparer 3
« Le petit Nicolas a beaucoup souffert de la séparation et du divorce de ses parents »
Septennat 1
« Au début du premier septennat de François Mitterrand »
Séquence 2
« Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »
Serein│sérénité 3
« La candidate joue la sérénité »
Service 1

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Médias, politique et vie privée

« Proposé de promulguer une loi sur un service minimum dans les transports publics
dès juin 2007 »
« L’encombrant personnage ne devrait son maintien sur le service public qu’à son
soutien au candidat Nicolas Sarkozy »
Seul 3/1
« une forte aspiration à faire cavalier seul , autrement dit à émerger de son groupe »
Sexy 2
« Citée parmi les femmes les plus sexy du monde par le magazine FHM en juin dernier »
Show│showbiz 2
"Il règne la même effervescence qu’après un grand show »
Siège 1
« La candidate se poste sur le balcon du siège du PS »
Siéger 1
« Ils n'ont jamais eu de conflit lorsqu’ils siégeaient tous deux dans le gouvernement
Jospin »
Siffler 2
« Les partisans de Sarko sifflent copieusement Michèle Alliot-Marie »
Signer│signataire│signature2-3
« Fait partie des signataires de l’appel lancé par les électrons libres en janvier 2007 »
Signal│signaler 2
« Il fallait envoyer un signal fort à ses rivaux d’hier »
Silence│silencieuse 3
« Constater que la majorité silencieuse fait beaucoup de bruit »
Simple│simplicité 3
« On exige des épouses qu’elles soient à la fois très simples mais très élégantes »
« La simplicité apparente de sa vie familiale »
Sincère│sincérité 2-3
« Philippe De Villiers confesse une amitié sincère pour l’animateur préféré des
français »
Singularité 3
« Mais cette singularité a fait son succès chez les militants »
Site 2
« Outil interactif de propagande. Lancer en mars dernier, le site désirs d’avenir »
Slogan 1-2
« Celui qui a choisi comme slogan officiel de campagne : la fierté d’être français »
Smic 1
« Amener les petites retraites à 90% du smic en cinq ans »

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Annexes

Social 1
« Des mois à roder son discours social avec l’aide d’Henri Guaino »
Socialisme│socialiste 1
« Trois mois après son investiture par le parti socialiste »
Société 1
« Points de contact informels avec des gens de la société civile »
Sœur 3
« Bayrou père a poussé François et sa sœur, Lucienne, à apprendre, à savoir »
Solidarité 1
« Son projet républicain fondé sur la solidarité et la fraternité »
Solitaire│solitude 3/1, 3
« L’épreuve solitaire de Ségolène Royal »
Sondage│sonder│sondeur 1-2
« Mais les sondages restent en baisse »
Souder 1, 3
« Bayrou sait qu’il peut compter sur une équipe fidèle et soudée autour de son leader »
Souffrance│souffrir 3
« Nicolas souffre aussi d’être l’enfant du milieu »
Soulever 2
« Soulevant l’approbation du public lorsqu’il déclare, à Lyon »
« A soulevé l’enthousiasme de 40000 supporters »
Sourire 2
« Ségolène Royal s’est fait faire un sourire qu’elle utilise en permanence »
« Faire une apparition ensoleillée et tout sourire sur les écrans »
Soutenir│soutien (1,3)-2
« Les jeunes soutiens de la candidate, emmenés par son fils thomas hollande »
« Le candidat de l’UMP bénéficie également du soutien d’amis pipoles de longue date »
Souverainiste 1
« Le mouvement pour la France, parti de droite souverainiste, dont Philippe De Villiers
est président »
Spectacle│spectateur 2
« Dans sa relation avec les gens du spectacle »
« Besancenot sait d’ailleurs faire le spectacle »
Spontanéité 2 -3
« L’actrice Sara Forestier a spontanément interpellé le candidat de l’UDF »
Staff 1

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Médias, politique et vie privée

“Certains membres du staff de la candidate improvisent des réunions »


Star 2
“Les militants compareront leurs clichés de stars »
Stature 1-(2,3)
« Nicolas Sarkozy a la stature et le charisme d’un chef d’Etat »
Stratège│stratégie 2/1
« Si elle n’accomplissait pas un geste fort, à la fois stratégique et tactique »
Style 2
« Un peu de bronchiteuse ne nuirait pas au style classique de la candidate du PS »
Succéder│successeur 1
« François Baroin, le successeur de Nicolas Sarkozy à l’intérieur »
Suffrage 1
« Déjà une envie féroce d’affronter le suffrage populaire »
Supporter 2
« Soulevé l’enthousiasme de 40000 supporters »
Surnom│surnommer 2
« Celle que certains ont surnommée le spectre »
Symbole│symbolique│ symboliser 2
« Nicolas Sarkozy a choisi un lieu symbolique, magique, ancré dans l’histoire »
« La candidate a fait de Melle le symbole de son enracinement local »
Sympathie│sympathisant 2
« Le candidat Nicolas Sarkozy, porté par 20000 sympathisants »
« Nicolas hulot qui a raflé le capital de sympathie écologie »
Syndicat│syndicalisme│ syndicaliste│syndiqué 1
« Place aux associations et aux organisations syndicales »
Système 1
« Une vraie amélioration du système éducatif »
sauf « star-système » 2
« Fait campagne sans les attributs de la star – système »
Tacticien│tactique 1-2
« La tactique de l’esquive ne peut pas durer, maugrée un jospinien »
Tante 3
« Pour les oncles et tantes paternels de Ségolène »
Taux 1
« Le plus fort taux de chômage chez les jeunes et chez les plus de 50 ans »
Taxe 1

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Annexes

« Financée grâce à la taxe professionnelle d’EDF »


Tee- Shirt 2
“On distribue tee-shirts et banderoles »
Télé│télévision│téléspectateur│télévisé│télévisuel 2
« Bernadette Chirac retient quelques 5 millions de téléspectateurs en leur racontant sa
vie à l’Elysée »
Témoignage│témoigner│ témoin2-3
« M. Sarkozy témoigne de la dureté de la campagne en exhibant ses cicatrices »
« Témoin de son premier mariage »
Tempérament 3
« Voici un tempérament bien trempé. Pas forcément étonnant qu’il aime la boxe »
Tendance 2
« Aujourd’hui, le patron de l’UDF est tendance, caracolant dans le trio de tête »
Tendre│tendresse 3
« Un geste de tendresse inopiné de Dany le vert à Ségolène royal »
Tenue 2
« L’apparition de Cécilia dans une tenue à la fois chic et décontractée »
Terrain 1
« Sur le terrain, les militants s’interrogent »
Terre│terroir 3
« Retiré sur ses terres après les heures de gloire de la gauche plurielle »
Territoire 1
« Il s’avance sur le territoire de Ségolène Royal à Angers »
Tête 2
« Partout sa tête, partout son prénom »
« Ségolène royal se classe dans le peloton de tête »
sauf « tête-à-tête » 3
« Apprécie le calme de son tête - à - tête du week-end »
Théâtre 2
“En coulisses, tractations, ralliements et coups de théâtre »
Thématique│thème 1
« L’immigration, thème primordial de sa campagne »
Thèse 1
« Démontrer le bien-fondé de ses thèses sur l’immigration, l’éducation, le pouvoir »
Timidité 3/2
« De force et de fragilité, de timidité et d’assurance, de doute et de détermination »

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Médias, politique et vie privée

Titre│titrer 2
« Un titre ronflant pour le chanteur assoupi »
Toile 2
« Mis en ligne en janvier, est censé créer du buzz sur la toile »
Ton 2
« Sur un ton particulièrement décidé et aussi autoritaire que celui de son père »
Tonton 1
« Celle dont la rumeur assure qu’elle est la fille de tonton »
Top 2
“Nos conseils fashion et nos accessoires pour qu’elle reste au top »
Tour 1
« Le dernier temps fort de la campagne avant le premier tour du 22 avril »
Tournage 2
« Le petit Nicolas lors du tournage d’une publicité pour une marque de lessive »
Tractations 2/1
« Parallèlement à ces inévitables tractations, l’UDF compte profiter de cet élan »
Tract 1-2
« Collage et distribution massive de tracts dans les rues et sur les marchés »
Tradition│traditionnel 1-3
« François Bayrou, c’est l’incarnation même d’une France traditionnelle »
Trahir│Traitre 3/1
« Insulté et sifflé , y compris par les militants du RPR , on le traite de traître »
Traité 1
« Au programme, un mini traité européen »
Transmettre│transmission 1, 3
« Jacques Chirac lui transmettra aussi le secret du feu nucléaire »
« Il lui rend surtout hommage pour lui avoir transmis le goût des belles lettres »
Transparaître│transparence│ transparent 2-3
« Transparente dans ses relations »
Transport 1
« Un service minimum dans les transports publics »
Transporter 2
« Ils sont tantôt attentifs, tantôt transportés. Tous vibrent en écoutant Nicolas Sarkozy »
Trésorerie│trésorier 1
« Eric Woerth, le trésorier »
Tribu 3

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Annexes

« Quand madame ne veille pas sur sa tribu de onze petits – enfants »


Tribun│tribune 2
« François hollande y a scellé son destin : rôdé ses talents de tribun »
« Pour son goût des tribunes qu’elle publie dans la presse »
Tribunal 1
« Le tribunal de grande instance »
Tricolore 1
« Ambiance et coulisses d’un sacre tricolore »
Triomphal│triomphe 2
« Le meeting triomphal déferle comme une houle »
Triste│tristesse 3
« Le regard triste que la candidate du PS porte sur son enfance »
Troupe 1
« Alors que DSK réunit déjà ses troupes dans ses locaux de la rue de la planche »
Tube 2
« Une bonne nouvelle pour le plus gros vendeur de tubes de l’hexagone »
Une 2
« Ils concurrencent à la une de paris match les Grimaldi et les Hallyday »
Union│unir 3
« La famille repart ensemble, unie. »
« Tous nés d’une précédente union »
Urnes 1
« 47 millions d’électeurs sont appelés aux urnes »
Vague 2
« C’est l’heure des grandes marées et des vagues de passion »
Vedette 2
« Le soutien de politiques par des vedettes a bien fonctionné il y a longtemps »
Vestimentaire 2
« Mais ses argumentaires physiques et vestimentaires cesseront bientôt de duper tout
le monde »
Vidéo 2
« José Bové monte enfin sur l’estrade. Entre deux vidéos ( l’une sur les enfants de sans
- papiers, l’autre sur une »
Ville 1
« Son maire PS, Gérard Collomb, gouverne la ville avec les centristes depuis belle
lurette »
Vip 2

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Médias, politique et vie privée

« L‘enthousiasme est tel que la plupart des VIP en oublient même de se servir un
rafraîchissement »
Virilité ?
« Le futur candidat serre la main des uns, se fend d’une virile accolade envers les
autres »
Virtuel 2
« La communication politique passe aussi par l’univers virtuel «
Visible 2
« Moins elle est visible, plus elle est là »
Vision 1
« Une autre occasion d’évoquer sa vision d’une écologie constructive «
Vogue 2
« Selon la formule en vogue au FN, à dé diaboliser le vote FN »
Voisin│voisinage 3
« Ils sont en pèlerinage à Lourdes, témoigne Josette, la voisine et amie »
Voix 1
« Assure qu’il amène avec lui des milliers de voix »
Vote│voter 1
« Imposer le vote à bulletin secret »
Web 2
“Sauf que la séquence a été diffusée sur le web »

Annexes B-2. Répertoire des néologismes


Egoprésident 3/1
« La cause est entendue: "l'égoprésident entre (...) dans la préparation de 2012" »
Hyperprésident 1
« Dans les faits, c'est surtout Fillon qui a accepté la règle du jeu de l'hyperprésident. »
Omniprésident 2/1
« L'omniprésident est pris au piège de sa stratégie. En première ligne, sur tous les
fronts, il n'a pas de rempart. »
Président bling bling 2/1
« Mais ce qui est sans doute plus grave encore que le spectacle d'un président « bling-
bling », c'est cette impression d'indifférence qu'il manifeste sur la question clé du pouvoir
d'achat, dont il s'était fait avec ostentation le héraut tout au long de la campagne électorale. »
Sarkoboy 3/1
« Parce que c'était lui, parce que c'était eux, les sarkoboys ne ressemblent pas aux
scouts habituels de l'UMP »

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Annexes

Sarkocompatible 1
« Cette explication sarkocompatible sur les méfaits de l’esprit de 1968 en dit long sur
le désarroi de nos élites, ainsi que sur leur déconnexion du réel. »
Sarkocratie (2,3)/1
« Ses détracteurs s’emportent, craignent que la France ne bascule dans la
sarkocratie. »
Sarkoïsation 2/1, 3/1
« Pierre Moscovici agite tour à tour les menaces contradictoires d'un congrès aussi
destructeur que celui de Rennes ou d'une « sarkoïsation » du PS (le chef prenant le pas
sur le collectif) »
Sarkoland 1, (2,3)/1
« On a connu l'Etat-RPR, l'état-UMP, nous voilà aux portes du Sarkoland. Car ce ne
sont pas les beaux projets électoraux qui détermineront le pouvoir. C'est le système que
met en place le leader de la droite: un réseau d'amis, de notables, de relais connectés entre
eux, basés sur les coups de main croisés. Ainsi, le Sarkoland domestique déjà les médias. »
Sarkolatrie│sarkolâtre 2
« D’ordinaire sarkolâtre, la patronne des patrons Laurence Parisot (Medef) a dénoncé »
Sarkologie 1
« Jean-Pierre Friedman publie « Dans la peau de Sarko et de ceux qui veulent sa
peau... » C’est rien le premier traité de sarkologie. »
Sarkomania│Sarkomaniaque2
« Impossible d’échapper à cette Sarkomania qui tourne au Sarkogavage des oies télé-
hypnotisées. »
Sarkommence 1
« Arnaud Lagardère, ami du président, met son veto au JDD. Sarkommence! »
Sarkonnerie 1
« Première sarkonnerie : on connaît l’usage que fait Nicolas Sarkozy des pseudos
pouvoirs du Parlement… »
Sarkophilie │sarkophile 1
« La communauté juive de France est-elle sarkophile ? »
Sarkophobie │sarkophobe 1
« Le tabloïd allemand Bild, un brin sarkophobe »
Sarkophrénie 3/1
« Mais voilà. Dans la pratique, sinon dans la théorie, ce désir éperdu de transparence
entre en collision avec une aversion viscérale à l'égard de tous les contre-pouvoirs (justice,
Parlement, presse). Le résultat est un spectacle permanent de sarkophrénie. »
Sarkoshow 1-2
« Au ministère de l'Intérieur, c'est la nouvelle ligne : Nicolas est zen. Nicolas ne court
plus. Nicolas n'est pas un people. Nicolas voudrait qu'on lui foute la paix. Le Sarkoshow
est terminé. »

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Médias, politique et vie privée

Sarkoverdose 2
« Au bord de la Sarkoverdose ? Hier soir encore, le chef de l'Etat s'est invité en prime
time dans les JT des deux principales chaînes de télévision »
Sarkozette 1, (2-3)/1
« Fadela Amara, l'ancienne élue socialiste, la liberté guidant les cités, tombée de
Cosette en Sarkozette. »
« Après la "balladurette" et la "juppette", dont les effets pervers sont avérés, qui peut
croire que la "sarkozette" va sortir la France d'une crise dont l'ampleur est sans précédent ? »
Sarkozie 3/(2-1)
« Voilà qui prouve combien on est «cool», «copain», et combien on s'affranchit aisément
des marques de la hiérarchie et des différences de classe. En tout cas, ce nouveau code
est, pour le moment, réservé à la sarkozie. »

Annexes C. Tableau des traits psychologiques

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Annexes

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Annexes D. La médiatisation des politiques post-


campagne : graphiques et tri-croisés.

Annexes D-1. Table du khi²

Annexes D-2. Les personnages politiques selon leur visibilité.

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Annexes

[Tri croisé : Les personnages politiques selon leur visibilité]

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[Tri croisé 2 : Titres assemblés par 2 / les personnages selon leur visibilité]

476

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Annexes

[Tri croisé 3 : Mode de visibilité / les personnages selon leur visibilité]

Annexes D-3. Les attributs identitaires des personnages politiques

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[Tri croisé 4 : Personnel Politique VS Famille / Titres de presse people]

[Tri croisé 5 : Visibilité Famille VS politiques / Mode de visibilité]

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Annexes

[Tri croisé 6: Personnel Politique VS Famille /


Titres assemblés par 2 de presse people]

479

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[Tri croisé 7: Visibilités confondues toutes les


personnalités : Famille VS politique / Types de visibilité]

[Tableau 1: la visibilité des familles : Famille Sarkozy VS familles diverses]

480

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Annexes

[Tri croisé 8 : Mode de visibilité / Visibilités


confondues Famille Sarkozy VS autres familles]

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[Tri croisé 9 : Titres assemblés par 2 / Visibilités


confondues Famille Sarkozy VS autres familles].

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Annexes

[Tri croisé 10 : Mode de visibilité/ Visibilités


confondues de la Famille: 4 + visibles VS les autres]

483

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[Tri croisé 11 : Mode de visibilité / Visibilités


confondues des politiques : Les 6 + visibles VS les autres]

[Tri croisé 12: La visibilité des personnages :


Français VS étrangers selon les titres assemblés par 2.]

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Annexes

[Tri croisé 13 : La visibilité des personnages :


Français VS étrangers selon le mode de visibilité]

[Tri croisé 14 : La visibilité des personnages : Français VS étrangers selon les titres]

Annexes D-4. Le genre des personnages people.

485

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[Tri croisé 15 : Visibilité des personnages par genre selon les titres]

486

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Annexes

[Tri croisé 16 : Visibilité des personnages par genre selon le mode de visibilité]

[Tableau 2 : Les titres selon la répartition des femmes : femmes politiques


VS femmes d'hommes politiques VS Filles et mères d'hommes politiques]

487

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[Tri croisé 17 : Visibilités des femmes : Femmes politiques


VS femmes de la famille selon les titres assemblés par 2.]

488

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Annexes

[Tri croisé 18 : Visibilité des femmes selon leur visibilité et leur statut / Titres]

489

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[Tableau 3 : Visibilité des femmes selon les titres]

[Tri croisé 19 : Visibilité des 5 femmes les plus visibles selon les titres]

490

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Annexes

[Tri croisé 20 : Visibilité des 5 femmes les plus visibles selon le mode de visibilité]

491

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[Tri croisé 21 : Répartition de la visibilité de Cécilia


Sarkozy dans le temps selon le mode de visibilité]

492

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Annexes

[Figure 1 : La visibilité des 5 femmes les plus visibles dans le temps]

493

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[Figure 2 : Exemples de Unes sur Cécilia Sarkozy : la femme blessée qui rebondit]

494

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Annexes

[Tri croisé 22 : Visibilité confrontée de Carla Bruni et Cécilia Sarkozy selon les titres]

495

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[Tri croisé 23 : Visibilité confrontée de Carla


Bruni et Cécilia Sarkozy selon le monde de visibilité.]

496

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Annexes

497

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[Figure 3 : Mises en scène des femmes seules]

498

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Annexes

499

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[Figure 4 : Mises en scène des first-ladies en couple]

[Tri croisé 24 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles


(First-Ladies en couple - Femmes seules) selon les titres.]

500

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Annexes

[Tri croisé 25 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles (First-


Ladies en couple - Femmes seules) selon les titres assemblés par 2.]

501

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[Tri croisé 26 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles (First-


Ladies en fonction – Femmes blessées) selon le mode de visibilité.]

[Tableau 4 : répartition en pourcentage de la visibilité de Ségolène Royal]

[Tableau 5 : Répartition de la visibilité de Cécilia Sarkozy


en 2007 avant et après sa séparation avec Nicolas Sarkozy.]

[Tri croisé 27 : Visibilité de Rachida Dati avant et après


l'annonce de sa grossesse selon le mode de visibilité]

502

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Annexes

[Tri croisé 28 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles (Femmes


politiques VS épouses de politiques) selon le mode de visibilité]

503

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[Tri croisé 29 : Visibilités des 5 femmes les plus visibles


(Femmes politiques VS épouses de politiques) selon les titres.]

504

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Annexes

[Tri croisé 30 : La visibilité des 5 femmes les


plus visibles contre tous les autres selon les titres.]

505

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[Tri croisé 31 : La visibilité des 5 femmes les plus


visibles VS les autres selon les titres assemblés par 2.]

Annexes D-5. Nicolas Sarkozy et ses femmes

506

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Annexes

[Tri croisé 32 : La visibilité de NS et ses femmes VS les autres selon le mode de visibilité.]
Annexes D-6. Politisation des Titres.

507

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[Tri croisé 33 : répartition des apparitions selon les titres assemblés par 2.]

508

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Annexes

[Figure 5 : Répartition des apparitions selon les titres assemblés par 2.]

Annexes E. Concordances

Annexes E-1. Les noms propres des candidats dans Closer


Le logiciel Lexico qui offre la possibilité de l’analyse des concordances dévoile la mise en
contexte dans un nombre défini de signes, ce qui explique que les phrases ou les mots
soient coupés.
Corpus : Récits Presse people : Partition par auteur.
Partie : Closer, Nombre de contextes : 31

…lait oser. Graziella : « Quand j’ai vu Ségolène Royal à la télé, j’ai réalisé que je l’avais…
…arquer une jeune fille au pair prénommée Ségolène … Trente-six ans après, cette
maman… …ur cette photo, j’ai une jambe cassée, Ségolène n’y est pour rien ! » La
bonne humeur… …plaisante Graziella. Un jour, j’ai vu Ségolène Royal à la télévision et
j’ai dit à John… …quartier de Rathgar, au sud de Dublin. Ségolène succède à une autre
française qui a laissé… …communs. La maman a besoin d’aide. Et Ségolène , qui songe
peut - être déjà au concours… …le la traitait un peu comme sa fille. » Ségolène n’a donc
guère arpenté les pubs locaux… …. Et je la trouvais tellement jolie. » Ségolène ne s’est
pas convertie au tweed, cirés… …ne difficulté à dire du bien de Ségolène Royal . Cette
maman de deux garçons, féministe… …récie les mesures proposées par Ségolène Royal,
en matière d’éducation notamment. « La… …ème l’ancienne maison de Mary Robinson.
Ségolène Royal a logé, sans le savoir, dans le… …était dans l’avion ! » Il n’y a pas
deux Ségolène . La candidate socialiste a fait beaucoup… …bac et initié ses garçons à
la langue de Ségo . L’été dernier, toute la famille est partie… Issue d’une famille de huit
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enfants, Ségolène laisse le souvenir d’une baby-sitter qui… …avec les enfants. Son unique
photo avec Ségolène, ici reprise par un hebdomadaire, a fait… …ères. A 8 ans, avant
sa rencontre avec Ségolène , Graziella avait encore les cheveux courts… …maison de la
banlieue sud de Dublin que Ségolène a passé un été. Ségolène Royal : Week… …de Dublin
que Ségolène a passé un été. Ségolène Royal : Week - end à Rome sans François… …
de la République qu’elle est, Ségolène Royal ne renonce pas à son rôle de mère. Les… …
Rome, conduis- toi comme un Romain ». Ségolène Royal l’a bien compris. Pas de cortège…
…la capitale. Dans la ville éternelle, Ségolène oublie ses préoccupations quotidiennes…
…Photos exclusives. Ségolène Royal. 2002. Relookée en 2006. Quatre années… …ces
deux photos… Et la métamorphose est royale ! L’avis de Valérie Attard, coach en style…
…tres personnalités gagnent en maturité. Ségolène Royal est plus charismatique que
par le… …ais. Tout le monde sait que je soutiens Ségolène parce que c’est une femme
et qu’elle… …oins facilement. « L’élue de la mode ! Royal, la robe Ségolène ! Gattinoni,
un styliste… …comment réagiriez vous à un duel Sarko - Ségo ? P. S. : Je serais bien
emmerdé ! Ce… …dès le 6 février, il était au côté de Ségolène Royal lors de son meeting
à la Halle Carpentier… …milite depuis le 6 février en faveur de Ségolène Royal. Suresnes,
Ségolène Royal : une… …en faveur de Ségolène Royal. Suresnes, Ségolène Royal : une
femme urbaine en campagne… …lus fort de la campagne présidentielle, Ségolène Royal
veut montrer qu’elle est une politique…

Partie : Closer, Nombre de contextes : 2

…tique, comment réagiriez vous à un duel Sarko - Ségo ? P. S. : Je serais bien


emmerdé… …où ils trouvent le temps de travailler. Sarkozy , il est passé 4000 fois à la
télé…

Annexes E-2. Isotopie du souvenir


Corpus : Récits Presse people – récits sur l’enfance : Partition par auteur.
Partie : Closer, Nombre de contextes : 7

maman dublinoise se souvient de la jeune Française qui l’a gardée le temps


d’un été j’ai dit à John, mon mari, qu’elle me rappelait vraiment quelqu’un.
succède à une autre française qui a laissé un souvenir épouvantable à toute
la fratrie. Ma mère se souvient qu’elle venait d une famille de huit enfants et
qu’elle nous a Aucun souvenir croustillant à rapporter. La jeune fille au pair n’a
visiblement plissées et de jolis foulards. Très chic. Je me souviens aussi de sa
natte magnifique. Issue d’une famille de huit enfants, Ségolène laisse le souvenir
d’une baby-sitter

Partie : Gala, Nombre de contextes : 1

Pas de danger d’être attirée de ce côté - là : ça me rappelait mon


père.

Partie : PM, Nombre de contextes : 25

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Annexes

Seul souvenir de cet été irlandais : Chez Maria Plunkett, la grand - mère maternelle
âgés en 1971 de 8, 6 et 5 ans, gardent un souvenir épouvantable de cette jeune
fille Aucun des trois enfants Roche ne se rappelle avoir appelé la jeune Française
John se souvient encore qu’il prononçait «Sigurlaine», persuadé que c’était là
son Finalement, les Roche ont conservé davantage de souvenirs d’Armelle «A
personnel, dit Renata, on se rappelle souvent les choses qui se sont mal passées.
à 200 mètres de là, mais personne n’à le souvenir que la jeune fille s’y soit baignée.
Mais la mémoire de la famille est indécise. Jim, Miss Darragh et Maria Plunkett
Sheena Beale se rappelle l’amitié adolescente qui l’unit à Ségolène. Elle a dû
voir mon frère, mais il se rappelle peu d’elle et refusera de vous parler. Aussi loin
que je me souvienne , je n’ai jamais accepté que l’on me marche sur les Je me
souviens de lui aux Assises de Nice, en juin 1975. I1 avait 20 ans, s’exprimait la
candidate a laissé des souvenirs plus contrastés à ses anciens camarades ont bien
voulu égrener pour Paris Match des souvenirs vieux de plus d’un quart de François
Hollande prétend n’avoir gardé de lui qu’ ' un seul souvenir - mais ô combien Le
ministre de la Culture évoque à ce souvenir « des moments surréalistes, De Marie -
Ségolène Royal, on se souvient seulement qu’elle avait proposé j'ai dû la consoler
sur mon épaule», se souvient le chef de bureau de l’époque François Hollande se
souvient . . . Les travaux d’approche n’ont pas dû être commodes. C’est ce qu’on se
demandait tous», se rappelle en riant le diplomate Jean-Maurice Renaud Donnedieu
de Vabre, se souvient d’une fort jolie maison et Jean-Pierre Jouyet il reste aussi dans
la mémoire d’Henri de Castries, un séjour « assez joyeux» en mission à la Ville de
Paris, se souvient que les dix ans avaient déjà donné pour recueillir leurs opinions,
se souvient - elle. Les gens lui posaient des questions Je me souviens qu’il avait
disputé des parents d’élèves qui voulaient faire ouvrir

Partie : VSD, Nombre de contextes : 23

fouille sa mémoire sans effort. Marie - Ségolène était très audacieuse pour son âge les
Royal insufflaient la dynamique de Chamagne », se souvient l’ancien prêtre. Sous la
surveillance de son père, évidemment, se souvient un ami des frères Royal. « c’était la
fête », se rappelle un autre Royal. Car, même quand toute la fratrie Elle se souvient d’un
10 décembre, jour de son anniversaire. Les dix filles de la « Je lui ai coupé les vivres ! »
rappelle l’abbé Félicien Chevrier. Mais je me souviens surtout de m’être longuement
attardée sur nos souvenirs m’être longuement attardée sur nos souvenirs communs
d’internat, raconte Françoise « Ségo était très individualiste et tenace, se souvient l’une de
ses camarades. pour honorer, à la Toussaint, la mémoire de ses ancêtres Plus préoccupé
de « culture que d'agriculture » comme le rappelle Jean on avait toujours l’impression
que François planait », se souvient son voisin. beaucoup moins grand et costaud que les
gars de la classe, se rappelle un camarade. Et, là encore, il se distinguait. Beaucoup se
souviennent de l’avoir entendu détailler il ne reste qu’un souvenir noyé dans les paysages
marécageux « Le maire a tout de suite pensé à ma maison, se souvient Françoise Barillot,
79 ans On loue volontiers sa disponibilité, son aisance ou sa mémoire exceptionnelle
n’a pas laissé que de bons souvenirs . « C’était le diable en personne » D’aucuns se
souviennent l’avoir vue, drapée dans de grands voiles blancs d’exhiber sa fierté bretonne,
ses souvenirs douloureux d’ « orphelin de la guerre». presque oublier « La Souche » (Alain
Souchon qui, comme le rappelle Jean-Paul Familier de la maison Le Pen, ci-dessus, il se

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souvient des prises de bec entre la mère Pas de dessert, pas de sucreries », se souvient
Antoine, l’un des frères.

Annexes E-3. Isotopie du combat et du sport dans VSD.


Corpus : Récits Presse people : Partition par auteur.
Partie : VSD, Nombre de contexte : 96

ils s’ affronteront en chair et en os éviter les attaques frontales


la stratégie de leurs batailles d’après les augures. aujourd’hui, les
le signe évident d’une course contre la montre conduite d’être
laminée par la machine de guerre politique. il continue de se
battre . le président du MPF aura une période étonnant qu’il aime
la boxe française ou le sport en général. la boxe française ou
le sport en général. celui qui prédit une gueule continuer ainsi à
se battre pour la LCR ? la deuxième quinzaine de personnelles
dans tel ou tel combat contre les injustices et les au terme de
ce marathon politique dominical (le congrès n’a rien d’un havre
de paix. la guerre des roses y tonne. rythme assurant que la
principale bataille idéologique se ferait campagne n’est pas un
marathon mais un sprint, gagné par celui n’est pas un marathon
mais un sprint , gagné par celui qui aura gagné par celui qui aura
encore des munitions programmatiques se jeter tête baissée
dans la bataille halte au feu chez les roses ? pour fournir les
nouvelles armes de Ségolène. mais, quand elle doit au millimètre,
et au finish . à 17 heures, jeudi 22 février, Ségolène entre Sarkozy,
Bayrou et Royal. la guerre des trois dans les l’élection se jouera
à couteau tirés. un grand acteur vient de tirer même si le vieux
lion n’a pas encore donné son dernier coup de n’a pas encore
donné son dernier coup de griffe dernier coup de griffe . car trois
fauves vont désormais combattre car trois fauves vont désormais
combattre. mais la guerre trois fauves vont désormais combattre
. mais la guerre des trois combattre. mais la guerre des trois,
voulue dans les sondages, est prôné dès le départ comme l’ arme
absolue est battu en brèche l’arme absolue est battu en brèche
par l’émergence du troisième la real politique exige une blitzkrieg .
au revoir le ministère les stars et la politique, la guerre des étoiles
Ségolène Royal a il lance très tôt la guerre des étoiles et recrute à
tout va. à ses il entre dans le propos comme l’on boxe , uppercut,
swing, dans le propos comme l’on boxe, uppercut , swing,
esquive, jab. comme l’on boxe, uppercut, swing , esquive, jab.
j’ai tout donné uppercut, swing, esquive , jab. j’ai tout donné dans
cette campagne dans la posture du mâle combattant qui veut
subjuguer l’autre, il l’espérance qu’elle porte, le combat qu’elle
conduit et ce qu’on Seguin, qui s’est battue toute la nuit et qu’on
va dévorer au matin elle songe aux combats qui l’attendent. tout
(re) commence. trente années de vie et de combat politique. car,
même pendant sa forcément déçus, que son combat continue.
quelques minutes dix jours pour digérer ce marathon électoral
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Annexes

et m’imprégner de premier acte de cette course à l’Elysée : son


intronisation comme comme un coureur cycliste dans son couloir,
concentré sur sa un cycliste qui roulerait en tandem avec son
épouse dans une bataille , disait Georges Clemenceau, l’important
conscient que la course à la présidentielle se jouera au finish
course à la présidentielle se jouera au finish . la campagne est
menée tambour battant , et la circonscription quelques semaines
de marathon , Ségolène Royal l’emporte c’est juste qu’il se serait
fait battre , estime Jean - Paul. ici on fait et, dans cette bataille
au corps à corps, toutes les bonnes volontés cessez-le-feu dans la
guerre des roses. à Villepinte, sans se renier comme un boxeur
, elle encaisse et se ressource dans les est permanente. après les
guerres civiles de la droite, il lui fallait Il boxe le dos aux cordes,
laisse venir, prend on sent que son combat politique procède d’un
constat : depuis c’est comme un athlète ou un musicien qui s’est
préparé durant comme un boxeur, elle encaisse et se ressource
dans les cordes les éléphants savent la lionne dangereuse
lorsqu’on la blesse. elle était sportive , aimait beaucoup nager et
faire de la voile la guerre entre barons de la majorité fait rage. se
déchirent et aiguisent les couteaux , le patron du parti Bayrou et le
Pen se tiennent en embuscade . rarement le aura été si indécise.
enquête sur un sprint final. dans un avion pas de traces sur
cet amateur de course à pied. il prévoit deux à rejet de Nicolas
Sarkozy et bataille pour garder dans son giron pour tenir durant
cette campagne marathon , le candidat dit se ont au deuxième
tour et ils gagneront la bataille électorale. Bayrou jugé parfois
plus apte à battre le candidat UMP. et donc toujours en course
pour devenir la première présidente de cette journée dominicale
marathon a débuté pour les deux va devoir désormais contrer
les coups de griffe des hiérarques contrer les coups de griffe
des hiérarques du clan Gollnisch, qui, au paquebot, le siège du
FN, une guerre s’ouvre, impitoyable. chez les petits : battre la
droite dans la rue et dans les urnes aura été de tous les combats
politiques, témoin indéfectible des selon elle, de battre la droite
et faire barrage à Nicolas Sarkozy le candidat de la LCR a appelé
à battre la droite dans la rue camarades à être plus percutants
dans leurs attaques contre l’udf entre sabre et goupillon, elle
a usé de résistance silencieuse un engagement physique total
et une résistance hors du commun elle a usé de résistance
silencieuse, ambition chevillée d’arrache - pied pour fournir les
nouvelles armes de ségolène de son compagnon, mais malheur
à celui qui l’ attaque il boxe le dos aux cordes, laisse venir , prend
des coups ces coups , elle les a encaissés sans broncher , sans
faiblir , sans Ses détracteurs du PS ont déjà sorti les couteaux
. tristesse de devoir admettre que le combat final est perdu
d’avance. ni agressivité. C’est un combat de tous les instants,
exigeant un non qu’il redoutait la concurrence de son ennemi
d’hier combien de coups a-t-elle reçut ? Combien d’attaques
reçus ? combien d’ attaques a-t-elle subies ? les coups tordus
dans les campagnes touchent généralement Ségolène royal entend
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continuer le combat ma vigilance sera sans il doit absolument


être battu . Même Olivier Besancenot, le plus avait le coup de
poing facile, même pour des broutille

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